Alice GUY, La Fée-Cinéma : autobiographie d'une pionnière, préfaces de
Celine Sciamma, puis Nathalie Masduraud et Valérie Urrea, Imaginaire Gallimard, 2022, 240 p., préfaces de la première édition de 1976, placées en post-face, de Nicole-Lise Bernheim puis Claire Clouzot

Quatrième de couverture : La Fée-Cinéma est le récit autobiographique d’Alice Guy : première femme cinéaste du monde.
Écrire vite. Raconter son enfance, d’abord : la jeune Alice est élevée entre le Chili, la Suisse et la France. Puis le pensionnat et la vie à Paris. Suivent des études de sténographie, avant qu’elle ne devienne en 1895 la secrétaire de Léon Gaumont au Comptoir général de Photographie. C’est à la suite de la première projection du cinématographe des frères Lumière qu’Alice a l’idée de tourner de courtes fictions pour soutenir la vente des caméras Gaumont. Déjà "mordue par le démon du cinéma", elle n’a qu’une obsession : raconter des histoires en réalisant ses propres films, dont le plus célèbre, La Fée aux choux, considéré comme le premier film de fiction…
Longtemps effacée de l’Histoire, Alice Guy décrit ici avec précision les débuts du cinéma, la magie des accidents, des expérimentations et autres bouts de ficelle. Sans détour et sans romance, d’une écriture intime et urgente, elle dit la beauté du 7e art qu’elle a "aidé à mettre au monde" ; elle se réhabilite.
Elle meurt en 1968 et ses Mémoires, pourtant achevés en 1953, ne seront publiés qu’en 1976.


Autobiographie d'une pionnière du cinéma (1873-1968)
, Denoël/Gonthier, collection Femme (fondée par Colette Audry en 1963 avec plusieurs dizaines de titres parus), 1976, préfaces de Nicole-Lise Bernheim et Claire Clouzot, reproduites dans l'édition la plus récente ci-dessus.
Dans cette première édition, figurent également dans les annexes :
- une filmographie d'Alice Guy par Francis Lacassin, historien du cinéma, 35 p.
- une nouvelle d'Alice Guy "Ruse de guerre"
- un rapport de Alice Guy à Louis Gaumont, 8 p.
- "Comment j'ai fait mes premiers pas avec Alice Guy", par Olga Petrova à Anthony Slide, American Film Institute.


Mémoires édités 8 ans après sa mort en 1976, à l'occasion du 50e anniversaire de sa disparition en 2018, par les éditions Autists.Artists.Associats, édition dirigée par Catherine Laboubée, préface Martin Scorcese

Première biographie :
Victor Bachy, Alice GUY-BLACHE (1873-1968) : la première femme cinéaste du monde, Institut Jean Vigo, 1993.

Alice Guy (1873-1968)
La Fée-Cinéma : autobiographie d'une pionnière (1976)

Nous avons lu ce livre pour le 6 janvier 2023.

En bas de page, DES INFOS :
films d'Alice Guy (cliquez pour les voir), des films sur Alice Guy, rapide chronologie, des livres sur cette pionnière et des précisions sur les 4 préfacières de cette autobiographie que nous avons lue.

    Nos 13 cotes d'amour
Katell
Fanny FrançoiseJacqueline
Maëva Muriel
Catherine Claire Danièle
Etienne Monique L Rozenn
Renée

Etienne(avis transmis)
Une lecture très intéressante que celle de La Fée-Cinéma, Alice Guy a vraiment eu une vie passionnante et c'est en effet une injustice qu'elle ne soit pas plus connue. Cependant je dois avoir un problème avec les autobiographies car comme pour celle de Bergman je n'ai pas vraiment eu de plaisir de lecture, je dirais même que je n'ai pas très bien compris la programmation de ce livre… C'est un journal, tout y est factuel et on ne ressent que peu ou pas d'analyse ou d'affect par rapport à ce qu'elle dit (un exemple parmi d'autres : on apprend que son mari est saisi du "démon de midi " mais on ne sait pas du tout ce qu'elle ressent). Je l'ai donc pris comme un témoignage passionnant, mais je n'ai pas vraiment senti de portée littéraire à ce livre… J'ouvre au ¼ par respect pour cette femme extraordinaire.
Rozenn(avis transmis)
Je n'ai pas fini le livre. J'ai vite abandonné. J'admets que c'est un témoignage intéressant mais trop plat.
Muriel   
Ce n'est pas littéraire mais c'est intéressant.
Je suis contente de découvrir Alice Guy. Je n'en avais jamais entendu parler. Je suis stupéfaite qu'une femme de cette époque ait fait tout cela.
Le livre est très intéressant. J'aime mieux l'intérêt du livre que sa portée littéraire.
Danièle
        
Ce livre est pour moi une autobiographie touchante : Alice Guy est obligée de faire sa promotion elle-même à la fin de sa vie, quand plus personne ne la connaît et qu'elle n'exerce plus. Et les préfaces qui l'introduisent confirment ce fait incroyable : la première réalisatrice de film au monde est tombée dans l'oubli dans la deuxième moitié de sa vie, qui fut fort longue, et n'a été redécouverte que depuis peu !
J'ai trouvé beaucoup de charme dans la première partie du livre : le charme de l'Ancien temps - un peu comme Marguerite Audoux, mais dans un contexte très différent, (l'activité dans les rues d'alors : tondeurs de chiens, coupeurs de chats, porteurs d'eau p. 78), les personnages connus qu'elle a côtoyés, ceux avec qui elle a collaboré et qui l'ont ensuite laissée dans l'oubli, mais aussi ceux qui ont cru en elle. Elle déroule ses souvenirs en essayant de n'oublier personne, mais aussi en montrant la part essentielle qu'elle a eue et pour laquelle elle a dû combattre.
Car, avant tout, elle a eu une vie passionnante, et son livre se veut documentaire. J'ai trouvé ses commentaires techniques très intéressants, car ils témoignent d'une époque fertile en inventions, ici dans le domaine de la photographie (p. 80), avec ses perfectionnements quotidiens, la part du hasard et l'investissement total (p. 106). Elle montre comment les progrès dans ce domaine a pu contribuer à la connaissance scientifique : (comment les chevaux se déplacent réellement, p. 107 ; la respiration comparée chez les hommes et les animaux, le comportement des "fous"…)
Elle nous parle aussi des avancées sociétales : les acteurs sortent de l'anonymat, et sont payés, pour un travail qui au début des essais n'était que bénévolat (p. 144).
Les critiques qu'elle adresse aux frères Lumière, inventeurs du cinéma en 1895, mais à qui elle reproche de ne montrer "aucun intérêt pour l'éducation ou le divertissement", sont peut-être sévères. Mais il est vrai qu'elle est la première à avoir produit des films de fiction. Tout particulièrement en se montrant déjà une féministe engagée. Dans La Fée aux choux, les enfants naissent dans les choux, sans considération de sexe. Le comportement machiste apparaît avec beaucoup d'humour dans ses films : j'ai bien ri en visionnant Les résultats du féminisme, critique pleine d'humour où les rôles hommes-femmes sont inversés… un moment seulement ! Elle s'attaque même déjà au harcèlement sexuel !
Pour revenir au livre, j'ai moins aimé la seconde partie, dans laquelle elle nous raconte ses pérégrinations dans le monde entier, car l'énumération m'a paru à la longue fastidieuse et sans rapport avec ce qu'elle a apporté au cinéma. Mais je dois dire que là aussi j'ai eu la nostalgie de cette époque où l'on pouvait rencontrer en France, en Europe, et dans les autres continents, différentes couches de populations avec leurs mœurs particulières et pittoresques. Nous vivons maintenant dans des cultures qui se sont homogénéisées, sans devenir égalitaires pour autant.
Ce qui ressort du livre, c'est qu'Alice Guy se distingue par sa soif de connaître, d'apprendre et d'inventer. Réceptive et réactive, elle tire des idées de tout ce qui l'entoure. Elle nous raconte sa passion du bidouillage, qui lui a permis de faire d'astucieuses trouvailles techniques au service de ses idées. J'ai noté, par rapport aux films de l'époque, un goût pour la couleur… peut-être féminin ?! Je me sauve, pour ne pas tomber sous les coups des féministes pur-sang !
J'ouvre à moitié.
Monique L      
C'est un livre intéressant qui laisse un goût amer en tant que femme, vu le machisme dont a été victime l'auteure, mais j'ai vite été lassée.
Pour moi c'est trop factuel : cette énumération de faits correspond sans doute au besoin de l'auteur de rétablir sa vérité. On ressent la frustration mais pas la flamme de la création, ce que j'ai trouvé dommage. Tout semble technique et en rapports de force, sans affect. J'aime heureusement les vieux films en noir et blanc muets ou parlants et c'est ce qui a accompagné cette lecture que j'ai effectuée sans véritable plaisir. D'une autobiographie, j'attends plus que des faits, j'espère rencontrer un peu l'auteur.
L'intérêt de ce livre est de sortir de l'oubli une femme qui a été victime du machisme, mais pour moi ce n'est pas suffisant pour l'apprécier. Les deux préfaces qui précèdent le récit ne m'ont pas plus convaincue.
C'est un historique intéressant du début du cinéma.
J'ouvre au ¼. 
Catherine
  
Alice Guy dit d'emblée qu'elle ne va pas faire une œuvre littéraire et effectivement, ça n'en est pas une. Le style est très scolaire, cela fait un peu rédaction de troisième avec par exemple, l'abondance du passé simple. Ça nuit beaucoup au plaisir de la lecture.
Pourtant le fond est très intéressant. On apprend beaucoup de choses sur l'histoire des débuts du cinéma, même si les énumérations techniques ou de noms sont parfois longues. C'est malgré tout important car on comprend ce qu'elle a fait, les compétences qu'elle acquises, qui sont impressionnantes pour une femme ayant débuté dans ce milieu dont elle ignorait tout, comme simple secrétaire. Tout cela est très bien retracé. La partie américaine aussi, on assiste à la naissance du cinéma aux Etats-Unis avant Hollywood, on y rencontre Charlie Chaplin, Edison. Elle a eu une vie incroyable ; elle a eu à la fois les idées, la curiosité, l'audace pour pénétrer dans un milieu d'hommes, la ténacité. Elle est très moderne, voyage seule, dirige des équipes, crée son entreprise. Elle a aussi abordé des sujets plutôt osés pour l'époque, la traite des blanches par exemple.
J'ai regretté que son humour, très présent dans ses films, le soit moins dans son livre ; j'ai trouvé dommage aussi qu'elle ne livre rien de réellement personnel, il y a très peu d'affect, on ne connaît pas ses sentiments. En fait, ce n'est pas son objectif. Elle nous livre un témoignage sur ce qu'elle a fait, pour laisser une trace alors qu'elle constate qu'on l'a fait disparaître, rien d'autre.
J'ai, au final, été bien davantage séduite par la femme et par ses films que par son livre. J'ouvre à moitié.
Claire
C'est Katell qui a lancé ce titre, dommage qu'elle ne soit pas là. Elle disait avoir une sorte de lassitude du fait d'avoir énormément lu de littérature et de ne plus guère rencontrer d'enthousiasme. La proposition était tombée dans l'oubli et je l'ai relancée, vu par qui et comment l'idée avait été lancée.
J'ai commencé avec grand intérêt et assez vite j'ai déchanté : quoi ! quand on a beaucoup lu de littérature, c'est à cette écriture qu'on trouve de l'intérêt ! J'étais presque en colère. Ce livre est un document, écrit pour donner sa juste place à ce parcours et à cette œuvre. C'est un document de première main pour l'histoire du cinéma. Il a pour but d'informer. Et il le fait. Mais il n'y a pas de structuration, pas de composition, pas de hiérarchisation de l'information.
Après, je me suis calmée, d'autant que ce qu'Alice Guy a fait m'enthousiasme ; c'est de plus en plus "incroyable-mais-vrai" : elle s'assoit sur la chaise électrique, elle est la première à faire jouer des Noirs, elle met en scène la vie de Jésus avec des centaines de figurants, elle fréquente de près les serpents et les tigres, elle veut filmer en faveur du contrôle des naissances, elle va dans les fumeries d'opium, dans les villages indiens, elle tourne la vie de Jésus avec 25 décors, elle gère des films avec des centaines de figurants. Elle se réfère aussi assez souvent à la littérature.
Le texte de sa fille qui clôt le récit est très émouvant.
On sent la personne d'Alice Guy dans son récit, sa distance, sa force et sa modestie. Dans le film que nous avons regardé, véritable enquête sur sa disparition, on la voit parler, très âgée, elle est formidable !
C'est du livre dont nous parlons ici : je l'ouvre à moitié.
    
Jacqueline
      
J'ai lu très facilement, avec le plaisir de la découverte. Je ne connais pas grand-chose au cinéma et le cinéma de cette époque me paraît un peu puéril. J'ai découvert les aspects techniques, cela m'a intéressée, les premiers appareils, les difficultés… c'est passionnant. C'est l'époque de mon grand-père qui développait ses photos dans sa baignoire. Les photos du livre sont d'ailleurs extraordinaires… J'ai appris beaucoup et mon intérêt a été soutenu tout le temps.
J'ai été un peu agacée par les préfaces qui en font une héroïne du féminisme. Autant je suis reconnaissante qu'on lui rende sa juste place, oubliée, de pionnière dans l'histoire du cinéma (il me semble que c'était son objectif lorsqu'elle a écrit ces mémoires axées sur sa vie professionnelle), autant cela me semble un peu réducteur d'en faire une victime du machisme ambiant. Elle raconte bien comment, obligée de travailler, pour subvenir à ses besoins mais aussi à ceux de sa mère, elle a su se défendre et trouver sa place justement dans un secteur novateur où elle pouvait se montrer créatrice (à peine plus tard, la Guerre de 14 permettra à d'autres femmes de changer de statut)… En tout cas, son parcours est très intéressant. J'ouvre au ¾ pour l'intérêt et pour tout ce que j'y ai appris.
Maëva
Lorsque j'étais en échange pour un semestre au Chili (non pas à Valparaiso, mais à Santiago) je me préparais pour le concours d'entrée dans une école de cinéma publique. Rien ne me prédestinait à cette voie et j'estimais avoir de nombreuses lacunes sur l'histoire du 7e art, si bien que j'entrepris de les combler. J'ai passé de longues heures à me renseigner sur l'histoire du cinéma, surtout sur les débuts et j'ai vu beaucoup de films muets, dont la série Les Vampires de Louis Feuillade (tiens, tiens...), Méliès ou Chaplin. Nulle part, je n'ai entendu parler d'Alice Guy. Même pendant mon cursus universitaire, je n'ai jamais entendu son nom. C'est effarant.
Je ne peux pas rester insensible face à cette autobiographie tant elle comporte de sujets qui me sont chers. Les anecdotes et le fonctionnement d'un tournage, la fascination pour les prémices techniques, son développement… C'est bouleversant de voir tout ce processus se construire sous nos yeux, d'assister avec elle à toutes ces étapes, à tous ces événements historiques.
Bien que le texte n'ait pas de portée littéraire, comme elle l'évoque elle-même, j'apprécie le ton qu'utilise Alice, comme si elle nous racontait ses souvenirs autour d'une tasse de thé. Il y a un rapport intime qui se crée, sûrement grâce à l'humour qu'elle emploie avec justesse : "elle marmotta quelques mots auxquels je ne compris rien, mais qui devaient être maléfiques, car un décalage entre les disques et l'appareil de prise de vues rendit plusieurs de nos films inutilisables."
Ce qui m'inspire chez Alice Guy c'est sa ténacité, le fait qu'elle n'a jamais cessé de revendiquer ses œuvres, qu'elle a tenu la tête haute face à une société qui ne voulait pas lui laisser sa place ni entendre la légitimité de son nom. Et puis elle n'avait pas la langue dans sa poche : "vous allez ravaler vos ordures, vous taire et me laisser travailler en paix, sinon j'en référerai à qui de droit." Le mélange entre cette indépendance surprenante, l'autorité due à sa position pour ne pas être une "poule mouillée" et l'innocence qu'elle manifeste parfois, par exemple quand les figurantes se changent sans pudeur, est émouvant.
Elle est aussi très lucide sur sa situation puisqu'elle évoque le fait qu'elle n'aurait probablement pas obtenu le consentement de Gaumont pour réaliser "une ou deux saynètes" si "on avait prévu le développement que prendrait l'affaire". Elle ajoute même "ma jeunesse, mon inexpérience, mon sexe, tout conspirait contre moi." Et c'est, sans amertume, qu'elle évoque l'oubli de son nom par Léon Gaumont dans le livre retraçant l'histoire de son entreprise...
Comme beaucoup d'autres parmi le groupe, j'ai ressenti une forme d'ennui face aux innombrables énumérations. Cependant, en y réfléchissant, je me suis rendu compte que cette autobiographie n'est pas seulement là pour nous conter les souvenirs d'une vie du point de vue d'une artiste accomplie et qui est reconnue comme telle, mais aussi pour prouver leur véracité. Quand elle cite les nombreux noms qu'elle a côtoyés, en tant que lectrice je décroche, je me demande à quoi ça sert, et puis je me rappelle que la plupart de ses films ne lui ont pas été attribués ou ont tout simplement disparu... Il s'agit alors d'une manière d'attester de son existence à leurs côtés.
D'autre part, plusieurs personnes ont relevé l'aspect très technique de l'œuvre et le manque d'expression des sentiments. Pour ma part, je trouve cela pertinent qu'Alice Guy valorise son savoir-faire et son expertise technique puisqu'il s'agit d'une attribution généralement réservée à la gent masculine. L'important dans cette histoire c'est le parcours qu'elle a eu, les innovations qu'elle a réalisées, son travail professionnel, et non pas ses sentiments.
Je suis heureuse d'avoir lu ces mémoires pour participer à lui redonner sa place de première femme cinéaste. J'ouvre aux ¾.          
Renée(à l'écran depuis Narbonne)
C'est une vie intéressante certes, mais c'est nul littérairement et l'écriture m'a exaspérée. Ce qui m'a le plus amusée, ce sont les commentaires, les préfaces. Mais c'est trop mal écrit, avec toutes ces répétitions. Je ferme le livre ce qui est rare pour moi (mais j'ai tout lu !)
Françoise
 
Je réagis comme la plupart d'entre nous. Ça m'a très intéressée, pour l'ouverture que ça donne et tout ce qu'on apprend sur cette période et sur l'existence même d'Alice Guy. Elle restitue son parcours et c'est fabuleux. Le film que nous avons vu est intéressant aussi, comme le livre, mené tambour battant.
Ok, ce n'est pas très bien écrit, mais l'intérêt et la richesse du fond l'emportent largement. Je l'ai lu sans problème jusqu'à la fin. J'ai regretté même qu'elle ne s'attarde pas davantage sur certains moments, comme la description de Barcelone, expédiée en deux lignes et j'ai été surprise qu'elle ne parle pas de la ségrégation aux États-Unis, même si ce n'était pas son projet. Elle voulait juste raconter son parcours, récit factuel et sans prétention littéraire. C'est une pionnière. Mais elle, si déterminée, si pugnace, si géniale, comment a-t-elle pu supporter que son mari la dépossède (et la trompe) ?! Que le bouquin ne soit pas "littéraire" je m'en fous. J'ai eu l'impression qu'elle devait courir après sa mémoire, à toute vitesse, de peur d'oublier quelque chose.
J'ouvre aux ¾.
Fanny  
Je trouve certaines d'entre vous sévères. C'est vrai qu'il y a une absence de construction, c'est parfois un simple listing. Mais ce n'est pas si mal écrit : dans certaines descriptions, je voyais la patte de la cinéaste. Sur l'intérêt je vous rejoins. Je ne te rejoins pas Jacqueline sur le féminisme. J'ai regretté de ne pas avoir d'éléments sur la vie de femme, sur la guerre pour avoir d'une part d'avantage de repères chronologiques et d'autre part pour pouvoir mettre en perspective sa carrière de cinéaste avec sa vie familiale. J'ouvre aux ¾.

Katell (avis transmis après la séance, mais sans avoir connaissance des avis)
J'ai beaucoup aimé cette autobiographie, écrite d'une plume alerte, avec de l'humour et en filigrane, un fond désabusé. Je pense que toutes nous avons retenu la fameuse phrase : "Ma jeunesse, mon inexpérience, mon sexe, tout conspirait contre moi." C'est la quintessence des destins des femmes du début du siècle passé sauf si elles échappaient au mariage. On accepte qu'elles travaillent parce qu'elles sont "secrétaires", "infirmières"... alors qu'elles aspirent à être "réalisatrices", "médecins"... Et quand cela marche, on les dépossède. Son autobiographie qui ne tombe jamais dans l'autosatisfaction, mène habilement ses propres aventures de femme réalisatrice dans le cinéma (scènes cocasses de figuration, de décors, d'équipes à "manager") avec en parallèle l'éclosion du 7e art. Le fait que ce soit une femme qui raconte, avec toutes les embûches auxquelles elle doit faire face, rend la perspective plus intéressante encore.
Enfin, la dernière partie m'a serré le cœur : ruinée, dépossédée, avec ses trois enfants sous le bras, abandonnant son métier, cela m'a fait penser à mon arrière-grand-mère qui était de la même génération, qui a été également ruinée par un mari noceur, avec trois enfants à charge...
Je l'ai déjà offert car il est de notre devoir de perpétuer le souvenir d'Alice Guy et j'ouvre en grand.

Claire
Ton avis très positif ne répond pas à l'interrogation de plusieurs d'entre nous sur les raisons de la programmation de ce livre pas littéraire et signalé comme mal écrit par plusieurs. Au point que l'une l'a "fermé" tout en l'ayant lu entièrement.

Katell (toujours sans connaissance de nos avis)
Ah oui, c'est étonnant que plusieurs l'aient trouvé mal écrit. Pour ma part, pas du tout. Je trouve qu'elle a une jolie plume alerte alors que ce n'est pas son métier.
Des livres pas littéraires : parce que des fois (et même de plus en plus souvent), je trouve les témoignages (comme Croire aux fauves, Ermites dans la taïga...) ou les autobiographies plus intéressants que la fiction (genre Mahmoud ou la montée des eaux).


    AUTOUR DU LIVRE
Des films d'Alice Guy
Des films sur Alice Guy

Rapide chronologie

Des livres sur Alice Guy
Les préfacières

DES FILMS D'ALICE GUY

Des films d'Alice Guy évoqués dans le livre sont visibles sur YouTube, chacun de quelques minutes, sauf le film sur le Christ :
- La Fée aux choux
(1896), 59 s, le premier film de fiction
- Scène d'escamotage (1898), 59 s
- Chez le magnétiseur (1898), 1 min 21
- Avenue de l'Opéra (1900)
- Chapellerie et charcuterie mécaniques (1900)
- Chirurgie fin de siècle (1900)
- Danse Excentrique per Lina Esbrard (1902)
- Sage-femme de première classe (1902)
- Les Chiens savants (1902)
- Comment monsieur prend son bain (1903)
- Le Coq dressé de Cook et Rilly (1905)
- La Polka des trottins (1905)
- Questions indiscrètes (1905)
- Le Vrai Jiu Jitsu (1905)
- L'Anatomie du conscrit (1905)

- La charité du prestidigitateur (1905)
- Madame a des envies (1906)
- Les résultats du féminisme (1906)
- Une femme collante (1906)
- L'émeute sur la barricade (1906)
- La Naissance, la vie et la mort du Christ (1906), 33 min : composé de 25 scènes, inspirées des illustrations de James Tissot, ce film peut être considéré comme le premier péplum de l'histoire du cinéma

- Alice Guy tourne une phonoscène sur le théâtre de pose des Buttes-Chaumont (1907), 1min 34, le premier making-of du cinéma.
- Le piano irrésistible (1907), 5 min
- Course à la saucisse (1907), 5 min
- The detective's dog (1912), 10 min 30
- Falling Leaves (1912), 11 min 50.

DES FILMS SUR ALICE GUY

Qui est Alice Guy ?, film de Nicole-Lise Berheim, préfacière de la première édition du livre en 1976, 25 janvier 1976, 13 min 33, en ligne sur le site de l'INA.

Le Jardin oublié : la vie et l'œuvre d'Alice Guy-Blaché, réalisé par Marquise Lepage, 1995, 52 min, documentaire canadien, en ligne sur YouTube.

• En 3 min 17 sur Arte dans la série "Cherchez la femme", par Julie Gavras Alice Guy - La naissance du cinématographe, 2021.

On peut voir aussi en location peu coûteuse :

Alice Guy : l'inconnue du 7e art, de Valérie Urréa et Nathalie Masduraud, 2021, 52 min, sur Arte, VOD à 2,99€ (les réalisatrices sont auteures de la deuxième préface du livre).
(On peut écouter les réalisatrices Nathalie Masduraud et Valérie Urréa à France Culture : "L'appétit de cinéma d'Alice Guy nous a bouleversées", Les Temps qui courent, 4 janvier 2022, 43 min
Autre émission à France Culture : "Alice Guy, une réalisatrice laissée hors champ", Le Cours de l'histoire, 17 novembre 2021).

Looking for Alice, de Claudia Collao, 2008, 52 min, documentaire français, VOD à 3,99€.

• 8 films d'Alice Guy : The Glu Pot (1907) - Greater Love Hath No Man (1911) - Fallings Leaves (1913) - The Detective’s Dog (1912) - The Girl in the Armchair (1912) - The Pit and the Pendulum (1913) - A House Divided (1913) - Matrimony Speed limit (1913).
Ces 8 films : 66 min, VOD à 2,90€.

On peut acquérir ou consulter :

Gaumont, le cinéma premier 1897-1913, volume 1, 2008 : 7 DVD avec 94 films d'Alice Guy, Louis Feuillade et Léonce Perret, réalisateurs et scénaristes, une édition supervisée par Pierre Philippe (romancier et historien du cinéma). Contient 66 courts métrages d'Alice Guy de 1897 à 1907 (près de 5h).

Le film que nous avons visionné : Be Natural : l'histoire cachée d'Alice Guy-Blaché, de Pamela B. Green, 1h 30, film documentaire américain sorti à Cannes en 2018, narratrice : Jodie Foster.

DES LIVRES SUR ALICE GUY

Autobiographie d'une pionnière du cinéma (1873-1968), Denoël/Gonthier, 1976 ; rééd. La Fée-Cinéma : autobiographie d'une pionnière, Imaginaire Gallimard, 2022.

C’est en octobre 1973 qu’est créée l’association Musidora, en hommage à Musidora, la célèbre actrice du muet qui, ayant elle aussi connu des difficultés lorsqu’elle avait voulu se lancer dans la réalisation, avait choisi pour être plus indépendante de créer en 1917 sa propre maison de production, la Société des films Musidora. L’Association a pour objectif de promouvoir la création et la distribution de films et de vidéos réalisés par des femmes. Elle encourage aussi la recherche sur les représentations des femmes dans le cinéma, masculin et féminin. Musidora va également permettre de faire sortir de l’oubli les réalisatrices absentes des encyclopédies et autres ouvrages sur le cinéma, et contribuer ainsi à la sauvegarde des archives, dans un pays où la participation des femmes dans ce domaine date des débuts même du septième art. Ainsi c’est grâce à Musidora que l’autobiographie d’Alice Guy sera publiée, à titre posthume, en 1976. L’Association est aussi à l’origine du premier Festival de films de femmes – précurseur du Festival de Créteil –, dont la première édition, non mixte, aura lieu en 1974 à Sceaux. (Dictionnaire universel des créatrices, éd. des femmes-Antoinette Fouque, 2013)

Alice GUY-BLACHE (1873-1968) : la première femme cinéaste du monde, Victor Bachy, Institut Jean Vigo, 1993.

• Ou une biographie plus classique : Alice Guy, la première femme cinéaste de l'histoire, Emmanuelle Gaume, Plon, 2015.

• N'oublions pas le rôle des modèles pour les mômes..., avec Mademoiselle Alice et le cinéma, Sandrine Beau, Caroline Esquerré, coll. "Boussole Cycle 3", 2018.

• Et pour les un peu plus grands : La première femme cinéaste : le journal d'Alice Guy, Sandrine Beau, Aline Bureau, Belin éducation, coll. "Des Vies Extraordinaires", 2019.

• Il existe une bio sous forme de roman graphique : Alice Guy, roman graphique de Catel Muller (dessins), Jean-Louis Bocquet (scénario), Casterman, 2021, 400 p., avec une énorme documentation à la fin de l'album ; 38 pages à feuilleter ›ici. Le portrait de Francis Lacassin, qui aura un rôle très important pour sortir Alice Guy de l'oubli, est formidable, avec notamment les conséquences de leur rencontre (lire ici).

CHRONOLOGIE RAPIDE DU PARCOURS D'ALICE GUY

D'Alice Guy ou Alice Guy-Blaché (à partir de son mariage en 1907) :
- 1873 : naissance à Saint-Mandé.
- 1976-1979 : vit avec sa famille au Chili.
- 1894 : à 21 ans devient secrétaire sténodactylo au Comptoir général de la photographie.
- 1895 : elle assiste avec son employeur, Léon Gaumont, à une projection privée des frères Lumière.
- 1896 : à 23 ans, elle réalise La Fée aux choux.
- 1896-1907 : elle dirige un service spécialisé dans les vues animées de fiction.
- 1907 : elle épouse Herbert Blaché, un opérateur de l'agence Gaumont de Londres ; ils partent aux États-Unis.
- 1908 : naissance de Simone
- 1910 : elle monte son propre studio alors qu'elle est enceinte de son deuxième enfant, Reginald, puis sa propre société de production, la Solax Film Co.
- 1910-1920 : elle tourne de nombreux films.
- 1922 : ruinée en raison de la mauvaise gestion de son mari (l'autobiographie que nous lisons s'arrête ici), puis divorcée, elle rentre en France avec ses deux enfants, hébergée chez sa sœur à Nice. Elle ne pourra retrouver un emploi, ni à la Gaumont ni auprès d'autres sociétés de cinéma.
- 1927 : elle retourne aux États-Unis pour tenter de récupérer ses films. Elle parvient seulement à en retrouver trois.
- 1955 : Légion d'honneur.
- 1957 : hommage de la Cinémathèque française, à l'initiative de Louis Gaumont, le fils de Léon Gaumont.
- 1963 : alors qu'elle est âgée de 90 ans, Victor Bachy l'interviewe et publie sa biographie.
- 1968 : meurt aux États-Unis, à l'âge de 94 ans, sans avoir pu rassembler les films de sa carrière ni faire publier ses mémoires qui ne paraîtront qu'en...
- 1976 :
Autobiographie d'une pionnière du cinéma (1873-1968), Denoël/Gonthier.
- 2015 : Martin Scorcese lui rend hommage à New-York lors des remises de prix DGA Awards : voir son discours ici.

LES QUATRE PRÉFACES DE L'AUTOBIOGRAPHIE D'ALICE GUY

Elles sont toutes présentes dans le livre que nous lisons. Voici leurs auteures :
- Dans l'édition de 1976, reprise en postface en 2022 : Nicole-Lise Bernheim (1941-2003) fut écrivaine, journaliste féministe, réalisatrice et productrice de radio. Qui sait si son livre sera un jour programmé à Voix au chapitre, Mersonne ne m'aime, une enquête policière de féminisme-fiction sur le meurtre d'une célèbre féministe nommée Brigitte de Savoir. Auteure du film Qui est Alice Guy ?, Hiéroglyphes, INA, 25 janvier 1976,
13 min 33. Elle a créé en 1974 avec quatre femmes un festival international de films de femmes (Musidora) et une association du même nom dédiée au cinéma féminin.
- 1976 : Claire Clouzot (1933-2020), petite-fille du réalisateur Henri-Georges Clouzot, a été réalisatrice et surtout critique de cinéma, militante féministe elle aussi.
- Préface de 2022 : Céline Sciamma est scénariste et réalisatrice (Tomboy, Bande de filles, Portrait de la jeune fille en feu...)
- 2022 :
Nathalie Masduraud et Valérie Urrea sont documentaristes et réalisatrices du film Alice Guy : l'incconue du 7e art.

Puisque féministes elles sont toutes, terminons par deux films d'Alice Guy "féministes" :
- Madame a des envies (1906)
- Les résultats du féminisme (1906)

Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
à moitié
un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !

 

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