Il n'y a pas de Ajar, Grasset, 96 p.

Quatrième de couverture : Dans ce monologue, un homme mystérieux affirme être le fils d'Emile Ajar, pseudonyme sous lequel Romain Gary a écrit notamment La vie devant soi. Cet enfant de père inventé demande à celui qui l'écoute : es-tu le fils de ta lignée ou celui des livres que tu as lus ? En interrogeant la filiation et le poids des héritages, il revisite l'univers de l'écrivain, celui de la Kabbale, de la Bible, de l'humour juif... mais aussi les débats politiques d'aujourd'hui, enfermés dans les tribalismes d'exclusion et les compétitions victimaires. Et si Gary/Ajar étaient les meilleurs antidotes aux obsessions identitaires et mortifères du moment ?

Vivre avec nos morts, Grasset, 234 p.

Quatrième de couverture : Être rabbin, c'est vivre avec la mort : celle des autres, celle des siens.
Mais c'est surtout transmuer cette mort en leçon de vie pour ceux qui restent : "Je me tiens aux côtés de femmes et d'hommes qui, aux moments charnières de leurs vies, ont besoin de récits".
La tapisserie de ce livre de consolation tresse étroitement trois fils : le conte, l'exégèse et la confession.
La narration d'une vie interrompue, la manière de donner sens à cette mort à travers les textes de la tradition, et l'évocation d'une blessure intime ou la remémoration d'un épisode autobiographique dont elle a réveillé le souvenir enseveli.
Les textes sacrés ouvrent un passage entre les vivants et les morts : "Le rôle d'un conteur est de se tenir à la porte pour s'assurer qu'elle reste ouverte". Et permettre ainsi à chacun de faire la paix avec ses fantômes.


Le Livre de poche, 2022, 216 p.

Quatrième de couverture : Un rabbin est confronté chaque jour au mystère de la mort. Pour accompagner les mourants et réconforter les endeuillés, il tente de transmuer l'inéluctable, d'y trouver du sens : "Je me tiens aux côtés de femmes et d'hommes qui, aux moments charnières de leurs vies, ont besoin de récits", écrit Delphine Horvilleur. Ce livre de consolation tresse étroitement trois fils - le conte, l'exégèse et la confession : la narration d'une existence interrompue, la manière de donner une signification à cette mort à travers les textes de la tradition, et l'évocation d'une blessure intime ou la remémoration d'un souvenir enfoui.
Les textes sacrés ouvrent un passage entre les vivants et les défunts, et "le rôle d'un conteur est de se tenir à la porte pour s'assurer qu'elle reste ouverte", nous invitant ainsi à faire la paix avec nos disparus et avec notre propre histoire

Un essai lumineux et intime. Libération

Une réflexion éblouissante. L’Obs

Un puissant hymne à la vie. Le Monde

PRIX BABELIO NON-FICTION 2021



L'angoisse du roi Salomon, Folio, 352 p.

Quatrième de couverture :
- Je vous préviens que ça ne se passera pas comme ça. Il est exact que je viens d'avoir quatre-vingt-cinq ans. Mais de là à me croire nul et non avenu, il y a un pas que je ne vous permets pas de franchir. Il y a une chose que je tiens à vous dire. Je tiens à vous dire, mes jeunes amis, que je n'ai pas échappé aux nazis pendant quatre ans, à la Gestapo, à la déportation, aux rafles pour le Vél'd'Hiv', aux chambres à gaz et à l'extermination pour me laisser faire par une quelconque mort dite naturelle de troisième ordre, sous de miteux prétextes physiologiques. Les meilleurs ne sont pas parvenus à m'avoir, alors vous pensez qu'on ne m'aura pas par la routine. Je n'ai pas échappé à l'holocauste pour rien, mes petits amis. J'ai l'intention de vivre vieux, qu'on se le tienne pour dit !

Delphine HORVILLEUR (née en 1974)
Il n'y a pas de Ajar (2022)

Nous avons lu ce livre pour le 3 février 2023. Nous y avons ajouté Vivre avec nos morts (2021).
Nous avions lu de Romain Gary La Promesse de l'aube en 2011 et Le grand vestiaire en 1987.

Le nouveau groupe a lu Il n'y a pas de Ajar pour le 10 mars et y a ajouté : L'angoisse du roi Salomon d'Emile Ajar (1979).

Quelques infos succinctes => en bas de page

COTES D'AMOUR POUR 3 LIVRES LUS PAR LES DEUX GROUPES
Il n'y a pas de Ajar (23 lecteurs)

Laura
AnneCatherineFanny Claire
Geneviève
Renée
RomainRozenn

Annick L AudreyBrigitte ChristelleEtienneMuriel
JacquelineMonique L

Annick A Françoise D Sabine

AntoineNathalie B Margot

Vivre avec nos morts (13 lecteurs)

Livre hors champ Brigitte
Entre etLaura
Monique LMuriel
Entre etCatherineClaire
Annick A Annick L FannyFrançoise D
Geneviève JacquelineRenée

L'angoisse du roi Salomon d'Émile Ajar (11 lecteurs)

AnneAntoineNathalie BRomain
AudreyFrançoise H Jean-Paul Julien Monique M
Margot
Valérie


Cotes d'amour de l'ancien groupe
pour les deux livres
Il n'y a pas de Ajar (17 lecteurs)

Laura
CatherineFanny Claire
Geneviève
Renée
Rozenn

Annick L Brigitte ChristelleEtienne Muriel
JacquelineMonique L

Annick A Françoise D Sabine

Denis était présent à l'écran mais sans avoir pu lire

Vivre avec nos morts (13 lecteurs)

Livre hors champ Brigitte
Entre etLaura
Monique LMuriel
Entre etCatherineClaire
Annick A Annick L FannyFrançoise D
Geneviève JacquelineRenée

Rozenn (avis chancelant transmis)
Trop grippée, je n'ai lu que Ajar, que je n'ai pas aimé. J'aurais voulu lire le deuxième. Mais…
Bon, j'ouvre Ajar un quart.
Désolée pour ce soir, car même pas en zoom, je retourne au lit...
Sabine (avis transmis entre deux portes)
Évidemment, je n'ai pas relu le livre...
Mon avis (plat et peu argumenté) : j'ai beaucoup aimé. J'ai entrepris la lecture avec un a priori positif : D.H. est la rabbine qui a fait la bat-mitzvah de la fille de mon meilleur ami... J'aime ce qu'elle dit dans ses interviews, sa position sur les femmes et Israël.
Sa "rencontre" avec Ajar/Gary est subtile. J'aime les rapprochements qu'elle fait avec les mots entre le français et l'hébreu. J'ai moins aimé l'utilisation du registre familier au début du livre. Mais j'ouvre en grand !
Etienne (avis transmis)
Un petit livre plaisant : j'ai trouvé le sujet très intéressant ; ce thème de l'identité, elle l'a assez bien senti. La plume est sympathique, elle doit évidemment bien apprécier Albert Cohen. J'imagine que mes critiques vont rejoindre celles d'autres lecteurs, mais on reste évidemment sur sa faim : c'est beaucoup trop court et pas assez développé malheureusement, un peu comme si elle avait tout dit dès les premières pages et qu'elle ne plongeait pas véritablement dans le sujet. Le format est donc assez bancal pour moi et aurait mérité ou d'être plus ramassé pour en faire un article satirique ou plus long et en faire un véritable roman.
Néanmoins j'ai enchaîné avec Séfarade (que je trouve fabuleux pour le moment) et il me semble en être (hasard du calendrier ?) un formidable tremplin.
Je l'ouvre à moitié.
Christelle (avis transmis)
Les écrits de Delphine Horvilleur sont une découverte pour moi ses écrits. J'ai lu Il n'y a pas de Ajar, non pas d'une traite, comme je m'y attendais compte tenu de sa faible épaisseur, mais par petits morceaux, n'ayant cessé d'être interrompue (volontairement ?) ; j'ai donc eu une impression d'écriture décousue, qui ne m'a pas emportée. Je regrette de n'avoir pas plutôt entendu la pièce, cela aurait probablement changé ce sentiment.
Les sujets m'ont pourtant beaucoup intéressée, introduits avec originalité : le "couple" Gary/Ajar bien entendu, les détails étymologiques et les interprétations de l'auteure, les références bibliques et aux traditions juives, et aussi la part dans la construction de l'être humain de l'hérédité génétique, épigénétique et littéraire ("les fils, les filles des histoires qu'on a lues ou entendues") ! Cette dernière phrase est un bel hommage aux livres, en plus d'être certainement vraie.
Sa façon d'interroger le repli identitaire, le manque d'ouverture et l'appauvrissement qui en découlent, est également originale ; j'aurais aimé qu'elle développe plus et éventuellement ébauche des solutions. Au final, le fil de l'ensemble du livre m'a paru trop discontinu, mais les différentes pistes abordées par Delphine Horvilleur m'ont interpellée et m'ont, en plus, donné envie de re-lire Gary/Ajar et Vivre avec nos morts dont le sujet m'intéresse a priori davantage. Hâte de lire vos avis !
J'ouvre à moitié.
Fanny (avis transmis) et
J'ai commencé par Il n'y a pas de Ajar. Je n'ai pas pu me départir de l'impression qu'elle surfe sur son côté médiatique pour faire une sorte de buzz.
Certes ce livre a le mérite de l'originalité en mêlant religion et littérature. En ce sens c'est créatif et je pense unique. Mais sur le contenu en tant que tel, à mon sens, rien qui n'ait déjà été écrit et débattu en philosophie, sociologie et psychologie. Soi-même comme un autre, la part de l'hérédité, le déterminisme sociologique... Ce qui m'a le plus intéressée c'est le prologue qui doit d'ailleurs représenter la moitié de l'écrit et je dois dire que j'ai éprouvé une forme d'agacement sur la suite. J'ouvre ¼

Je me suis ensuite plongée dans Vivre avec nos morts. Et là ça fonctionne. J'en suis à Moïse, et plus j'avance plus je suis embarquée. Elle réussit, je trouve, le pari d'écrire un livre qui fait du bien sur un sujet douloureux. À aucun moment, elle ne verse dans le pathos, prenant soin de se tenir malgré tout du côté des vivants.
La construction est à chaque fois identique : présentation des personnes, détour par la religion juive, retour aux funérailles. Je craignais une forme de lassitude due à un effet catalogue, mais il n'en n'est rien, car chaque portrait, chaque histoire qu'elle narre, est unique. C'est plein d'humanité, de clinique de l'accompagnement et aussi d'humour. Ses propos sonnent justes, on sent qu'elle se tient au plus près des vivants et des morts, dans la singularité et le respect de chacun.
J'aime bien ce qu'elle dit aussi de ses rituels pour retrouver son monde à elle après les enterrements, peut-être comme une manière de prendre aussi soin d'elle et de ses proches.
J'ouvre en grand. J'ai hâte de vous lire.
ClaireET entreet
J'ai commencé par Ajar, séduite, a priori, par l'oratrice, le sujet correspondant au sous-titre ("Monologue contre l'identité") et la référence littéraire. J'ai apprécié ce je qui nous parle avec humour voire fantaisie ("l'hébreu c'est la langue des trans"), avec familiarité aussi, avec une prise en compte assez neutre, sans combattre a priori, du point de vue pourtant choquant de l'autre sur un sujet pénible et important ("Comprend-on le racisme sans être noir, la lutte contre l'antisémitisme sans origine juive, le combat féministe sans utérus ?"). J'ai été étonnée par la vivacité des qualificatifs "un nom vraiment dégoutant : l'identité", "cette saloperie d''identité'", par le refus de l'assignation de l'âge entraînant une nouvelle forme de transition (hihi), ainsi que par le nouveau sens positif de "Qu'un sang impur abreuve nos sillons". J'ai aimé des variations synonymiques qui donnent un aspect psalmodie "[au sujet de la loi] Aucune récompense n'est prévue pour celui qui l'observe scrupuleusement, aucune rémunération n'est énoncée pour celui qui s'y soumet."
Malheureusement, mon vif intérêt a décru soudainement quand apparaît le deuxième je. Il y a 62 pages de texte et la partie 35-66, soit la moitié exactement, m'a paru chiantissime. Ça se recentre un peu après, mais je déplore une sorte d'enfantillage fictif, qui ne marche pas du tout pour moi. Dans un petit livre ça ne pardonne pas. J'aurais préféré qu'elle continuât sur la lancée de ce qui est nommée "Préface" et qui est pour moi le corps du texte : mais avait-elle davantage à dire... et je rejoins là Fanny. J'ouvre au ¼.

J'ai trouvé tout à fait autre chose à me mettre sous la dent avec Vivre avec nos morts : est-ce un livre pour le groupe lecture ? Oui, car on m'y raconte des histoires, avec un art de narrer, il y a des personnages attachants, un sens de la formule ("mon rôle me protégeait un peu et m'obligeait beaucoup") et des variations de registres, des scènes fortes, des alternances relevant d'une construction soignée, les émotions sont là (larmes, sourire, étonnement - l'histoire de Myriam digne des Marx Brothers est grandiose...), on s'instruit, on est forcément concerné (renvoyé à sa propre vie) et on est invité à la réflexion (par exemple faut-il vraiment respecter les souhaits du mort alors que les funérailles sont pour les vivants). Les histoires de ses personnages sont mêlées subtilement à l'Histoire et à l'histoire de l'auteure, discrètement. J'ajouterai que D. Horvilleur créé un "genre", certainement difficile à ranger en librairie. Ma seule réserve concerne les références religieuses parfois trop longues ; ainsi le chapitre Moïse m'a-t-il barbichonnée. J'ouvre aux ¾ voire plus, très contente qu'on ait programmé ce livre-là, sur insistance de Geneviève et Annick L.
Catherine, entreet ET
J'avais lu Vivre avec les morts quand il est sorti ; le thème m'avait beaucoup intéressée. Je suis confrontée moi aussi fréquemment à la mort, aux familles qui perdent un de leurs proches, même si mon rôle n'a pas de dimension spirituelle. J'ai trouvé qu'elle en parlait de façon très juste, avec beaucoup d'empathie et d'humanité, mais en gardant une distance ; quand on accompagne, on ne pleure pas, on ne peut pas, on ne doit pas pleurer. Elle ne pleure que quand elle joue un double rôle, lorsqu'elle accompagne l'enterrement de son amie. J'ai été touchée par les portraits qu'elle fait, sans tomber dans le pathos, en particulier celui d'Ismaël, l'histoire de Myriam. J'ai été très intéressée par les références religieuses. J'aime son écriture, elle a le sens des formules et c'est plein d'humour.
Je l'ai relu en diagonale et j'ai à nouveau été beaucoup touchée. C'est un livre très consolant. Je trouve que c'est un livre à lire. Pour le groupe lecture, je ne sais pas…
J'ai été par contre déçue pour Ajar. Le thème de l'identité, du communautarisme, me paraissait intéressant et tout à fait d'actualité. J'ai surtout aimé la préface, les références à Romain Gary et Émile Ajar. Je n'ai lu que La promesse de l'aube et La vie devant soi mais j'ai adoré les deux. J'ai aimé aussi le thème du dibbouk. J'ai ensuite trouvé la deuxième partie du livre un peu vide, même s'il y a toujours de jolies formules et beaucoup d'humour : Vatican 1, Vatican 2, par exemple, ça m'a fait rire. Elle surfe peut-être un peu sur son image, son succès. Je l'ai sans doute lu un peu vite. J'ai surtout aimé la première partie, puis, après, ça part en eau de boudin...
Jacquelineet
J'avais beaucoup aimé Vivre avec les morts que j'avais lu peu après sa parution. Je ne l'aurais pas proposé au groupe. Pour moi, il remplissait son rôle de petit traité de consolation (son sous-titre) et cette approche de la mort me convient.
J'étais très curieuse de lire Il n'y pas de Ajar : le point de vue de Delphine Horvilleur sur l'écriture m'intéressait beaucoup. La première fois que je l'ai lu je n'ai pas compris : le livre me paraissait beaucoup moins fluide que Vivre avec les morts ! Je retrouvais bien Ajar et des fragments de ses livres, mais j'attendais un livre sur la littérature !
Je suis revenue à Vivre avec les morts. Puis revenue à Ajar. Il y a des thèmes communs, notamment l'identité (j'aurais dû, là aussi, prêter plus d'attention au sous-titre "monologue contre l'identité" !). Je me suis mise à m'attacher à Il n'y a pas de Ajar et à ce qu'elle dit sur nos filiations par rapport aux récits et aux livres : je me suis amusée de l'invention d'Abraham, ce fils symbolique ; mais il m'a fallu la deuxième lecture.
J'ai bien apprécié ce qu'elle raconte de la religion juive et son positionnement qui me paraît d'une grande liberté de pensée. J'ouvre les deux aux ¾ et Vivre avec les morts je pourrais l'ouvrir en grand.

Renée (à l'écran) et
Le fils d'Émile Ajar écrit sur les Juifs, l'héritage culturel, la bible, l'identité.
J'ai été excessivement déçue par la lecture de ce livre, Il n'y a pas d'Ajar : comment une femme aussi brillante à la télé ou la radio, peut-elle écrire dans une langue aussi relâchée ?
Impression qu'elle écrit dans un langage jeune qui me semble absolument artificiel : "le daron", "ni vu ni connu", "tu veux un cachou", etc.
Lorsque je n'adhère pas à l'écriture DU TOUT, j'ai tendance à ne pas m'attarder sur les idées.
Donc, à part les quelques pages sur l'héritage des livres qui nous construisent et sur celles concernant l'appropriation culturelle, ce livre m'exaspérait.
Je n'étais pas loin de vous maudire pour avoir choisi ce livre : Delphine avait bu en écrivant ? Ou est-ce qu'elle l'a écrit en trois jours pour un besoin d'argent urgent ?

C'est alors que j'ai reçu Vivre avec nos morts... Quel livre magnifique ! Quelle émotion à la lecture du petit garçon qui veut savoir où chercher son petit frère mort, pendant que ses parents "exilés "sur une île de douleur sont incapables de lui répondre.
La puissance des mots, leur violence dans le paragraphe sur la construction d'Israël, est une démonstration magnifique : comment ces mots, étant "bourrés de sens" se retournent contre l'utopie humaniste première. C'est lumineux.
J'ai adoré également le passage sur "le panier des générations", panier tressé dont chaque génération est une rangée. Cependant, lorsqu'il y a un accident de la vie, il se produit "une béance intressable".
J'ai tout aimé dans ce livre, même les histoires juives.
À la suite de cette lecture, j'ai feuilleté à nouveau Il n'y a pas d'Ajar pour lequel j'ai peut-être été trop sévère. J'ouvre au ¼ Ajar mais en entier Vivre avec nos morts.
Monique L

Il n'y a pas de Ajar, c'est brillant, intelligent, cultivé bien écrit. J'ai aimé les jeux de mots inattendus, j'ai par exemple ri à son "Hors d'Ur" par exemple.
J'ai trouvé la préface émouvante et passionnante. Elle y rend un hommage tendre et respectueux à ce père en littérature que représente pour elle Romain Gary. Il a écrit pour elle, lui semble-t-il, et elle nous relate toutes les corrélations qui l'ont amenée elle-même à l'écriture.
La suite est un monologue d'Abraham Ajar. C'est un traité sur la tolérance et sur l'acceptation des identités multiples de chaque être humain et de soi-même. Pourquoi chercher à entrer dans des cases, à se conformer à un moule ? Pourquoi se restreindre à un seul état et ne pas s'accepter comme un être complexe et multiple, ce qui ne peut que nous enrichir. Un grand nombre de possibles s'offrent à nous. Je trouve cette réflexion très salutaire et stimulante. Elle dénonce à la fois l'identité figée et fantasmée et l'assignation à l'identité ethnique, religieuse, sexuelle ou raciale. C'est également une réflexion sur les dérives vers l'identitaire, le communautarisme, l'appropriation culturelle (qui amène à vérifier que l'auteur a le droit de se mettre dans la peau d'un autre).
C'est vraiment important d'aller voir ailleurs pour élargir notre horizon et aussi de voir ce que les autres traditions ont à nous dire.
Quelques passages que j'ai principalement appréciés :
- l'image qu'elle utilise pour souligner que notre "identité" ne se construit pas de façon génétique, mais à l'aune des influences comme celles de nos lectures : "On est tous conçus par procréation littérairement assistée" ;
- le glissement d'Abraham sur le sens du "Trou juif" : au départ la cave dans laquelle s'était réfugiée sa mère, avec une interprétation freudienne ;
- une phrase agréable à mes oreilles de lectrice "nous sommes tous les enfants des livres que nous avons lus".
J'ai aimé l'érudition, la bienveillance et l'humour de l'auteur et son écriture fluide. C'est une réflexion que je trouve bienvenue en ces temps de repli identitaire et de repli sur soi. J'ai lu ce petit livre rapidement, avec beaucoup de plaisir et il m'a invitée à une forme d'introspection. J'ouvre aux ¾.

En plus d'être très instructif pour ceux qui (comme moi) ne sont pas familiers du judaïsme, Vivre avec les morts est intellectuellement passionnant. L'auteur est une conteuse hors pair et une personne érudite, sensible, bienveillante, d'une grande ouverture d'esprit et d'une intelligence très fine et dotée d'humour.
Ce texte, d'une profonde humanité, est émouvant mais sans pathos. C'est un hommage au langage et au pouvoir du verbe consolateur. J'ai ressenti une proximité avec l'auteure. J'ai apprécié ses précieux apartés sur l'étymologie et la traduction des mots.
J'ai trouvé très intéressante la manière dont elle retransmet l'histoire du défunt à ses proches, de façon à ce qu'ils puissent retrouver le fil de leurs propres vies et pour qu'ils puissent vivre avec cette mort. J'ai particulièrement aimé le récit allégorique de Moïse.
Ce qui m'a frappée dans cet ouvrage, c'est l'ouverture d'esprit, l'absence de prosélytisme et l'humilité de dire qu'on ne sait pas ce qu'il y a après. Humaniste, tolérant et universel, c'est le genre de livre qui pourrait me réconcilier avec la religion. J'ouvre aux ¾.
Muriel et
J'ai bien connu Delphine Horvilleur...
Je l'ai rencontrée une fois.
J'ai de longues années chanté en quatuor pour les fêtes juives de Rosh Hashana et Kippour que le MJLF (Mouvement juif libéral de France) organisait à la salle de la Mutualité avec le rabbin Daniel Farhi ; elle officiait avec lui et était venue nous saluer (on chantait cachés) et m'avait paru extrêmement sympathique (et belle !).
J'avais lu il y a un moment déjà Vivre avec les morts que j'ai relu et beaucoup plus aimé qu'à la première lecture.
Le livre m'a beaucoup plu, c'est tout à fait intéressant. Je pense à son amie morte, tout le récit est très touchant. Et il y a de l'humour : mi fa sol la mi ré ré mi fa sol sol sol ré do. J'ai préféré à Ajar, bien qu'adorant Romain Gary.
Annick Aet
Je suis fan de Romain Gary et de son humour depuis l'âge de 15 ans. Je suis en train de lire Les racines du ciel, prix Goncourt en 1956, très écologique. Il dénonçait déjà à cette époque la destruction de la nature et avait prévu ce qui se passe actuellement.
J'ai préféré la première partie d'Il n'y a pas de Ajar. Comme Delphine Horvilleur j'ai le sentiment que Romain Gary s'adresse à moi. Il est mon dibbouk !! Sa mélancolie me parle, car il prend ses distances avec elle par son humour débordant.
La dénonciation des enfermements identitaires est bien d'actualité et nécessaire. La seconde partie me plaît moins, mais son idée de bâtir ce monologue sur l'enfantement littéraire est originale. L'auteure joue beaucoup sur les mots et c'est parfois tiré par les cheveux. Elle utilise un style parlé et familier très différent de celui de Vivre avec les morts qui illustre son non-enfermement dans une identité littéraire. Je n'ai lu que quelques chapitres de Vivre avec les morts mais je vais bien sûr le continuer. C'est un livre d'une grande humanité. Sa façon d'aborder la mort avec naturel est apaisante, et remarquable sa capacité à faire surgir chez les endeuillés les mots qui vont donner vie au mort et leur permettre de le porter intérieurement.
J'ouvre Il n'y a pas de Ajar à moitié et Vivre avec nos morts en grand.
Brigitte (à l'écran)
Je me souviens que la seule personne que je connaisse à avoir deviné qu'Ajar était Romain Gary, c'est Christian Avenel, le fondateur de Voix au chapitre (que j'ai rejoint en 1986), un fin lecteur. J'ai justement écouté avant-hier sur France Culture Paul Pavlowitch : l'homme qui a joué Émile Ajar pour Romain Gary.
J'ai lu assez jeune Les racines du ciel, lu bien trop tôt, je n'avais pas su l'apprécier. J'ai aussi beaucoup aimé La promesse de l'aube, lu avec le groupe lecture. En ce qui concerne Émile Ajar, j'ai admiré La vie devant soi, en revanche, je n'ai pas compris Pseudo, ni Gros-câlin. Delphine Horvilleur m'a ouvert des pistes pour ces deux derniers livres. Elle est brillante, intelligente… pleine de qualités, mais elle est avant tout rabbin. Ses références sont uniquement dans le monde juif. Alors que, si on ouvre le Nouveau Testament, on trouve aussi de nombreux passages qui vont dans le même sens qu'elle. Cet épisode d'Émile Ajar me fait penser à Pessoa, Horvilleur aurait pu parler de ses hétéronymes. Je suis sûre qu'on pourrait enrichir ses propos sur l'identité dans la littérature, mais ce n'était pas son objectif. Elle est rabbin jusqu'au bout des ongles. Pour Il n'y a pas de Ajar, j'ouvre à ½.
Vivre avec les morts, je n'ai pas terminé, mais j'en ai quand même lu 100 pages et je suis très contente de les avoir lues. C'est très bien fait, certains passages sont vraiment émouvants. Elle s'adresse tout à fait à nous ses contemporains, et nous la recevons parfaitement. Son but est atteint.
Comme le fait remarquer Fanny, chaque chapitre suit exactement le même plan, je les reçois comme des fiches consacrées chacune à un type de situation. Comme je n'ai pas l'intention de devenir rabbin, ce livre ne s'adresse pas vraiment à moi ! Ce n'est pas un livre pour le groupe lecture, mais un livre pour rabbin. Je ne propose donc pas de degré d'ouverture pour ce livre, il est hors champ.
Je voudrais ajouter que j'ai entendu récemment JMG Le Clézio expliquer que la littérature sert à "se connaître et à se reconnaître". Chacun de nous peut effectivement se reconnaître dans le texte de Delphine Horvilleur, c'est vraisemblablement la raison de son succès. Mais la littérature est-elle seule à pouvoir assurer cette fonction ?
Selon moi, elle peut (et même devrait) l'être aussi par la religion, l'art, la culture, etc.
Annick Let
Il n'y a pas de Ajar : monologue contre l'identité est un livre insolite par son dispositif : un narrateur nous interpelle et nous finissons par comprendre que ce narrateur s'appelle Abraham Ajar, fils fictif de l'alter ego, tout aussi imaginaire, de Romain Gary. Ce monologue, plein de références culturelles à la tradition juive (qui m'échappent souvent) prend le ton de l'humour et de l'autodérision. C'est assez réjouissant et on comprend pourquoi ce texte a été porté au théâtre.
J'aime beaucoup les romans de Romain Gary - et ceux signés par Emile Ajar - en particulier La promesse de l'aube et La Vie devant soi, que j'ai largement partagés avec mes amis et mes élèves, quand j'étais professeure de français. J'ai donc été touchée par l'hommage indirect rendu à cet auteur, qui a parfaitement réussi sa seconde carrière sous une autre identité, au point de recevoir un second Prix Goncourt !
On sent que Delphine Horvilleur est très attachée à la figure complexe de Romain Gary (un expatrié juif aux attaches multiculturelles), en particulier par son besoin vital de changer d'identité littéraire : "Es-tu l'enfant de ta lignée ou celui des livres que tu as lus ?". Une question forte pour moi.
Pour autant, DH veut brasser, à mon goût, trop de sujets : on y dénonce tour à tour le nationalisme et les revendications identitaires, le sionisme dans sa forme messianique actuelle, l'appropriation culturelle, etc. J'ai perdu le fil. J'ouvre à moitié.

J'avais, bien sûr, lu des articles sur elle, écouté des entretiens avec cette femme rabbin tout à fait remarquable par sa liberté d'esprit (malgré sa fonction religieuse ?) et l'originalité percutante de ses analyses. Ma curiosité était éveillée.
Mais cela ne me préparait pas à ce que j'ai éprouvé en lisant Vivre avec nos morts : une vraie rencontre, forte, avec un livre et son auteure. Sur un sujet aussi douloureux, qui nous renvoie à nos drames personnels (j'appréhendais un peu !), son approche, nourrie de son expérience professionnelle, apporte un éclairage bienfaisant.
J'aime sa vision tolérante, loin des certitudes dogmatiques, elle qui se demande si on peut être "un rabbin laïc ?", sa façon d'aborder des questions graves avec humour, à distance, y compris par rapport à sa propre tradition culturelle : "Quel Dieu 'grand'devient si misérablement petit qu'il a besoin que des hommes sauvent son honneur. Grand est le Dieu de l'humour".
J'aime son recours aux histoires transmises par nos anciens pour accompagner et "consoler" ceux qui restent, les vivants. Bien sûr, cette érudite puise d'abord dans le répertoire qu'elle connaît le mieux, celui de la Bible et de la Torah, plus que dans les contes et légendes européennes, mais son message est universel. L'un des thèmes intéressants qui court tout au long de ce livre est d'ailleurs celui de l'identité juive : "L'identité juive repose elle aussi sur une vacance [...] parce qu'elle peine à formuler ce qui la fonde. Nul ne sait vraiment ce qui fait un juif et encore moins un 'bon juif'".
J'aime sa capacité à poser des mots choisis, nouveaux, sur le sentiment douloureux de la perte (a priori indicible), des mots hébreux ou français : il y est beaucoup question de tissage, de tressage, de fruits coupés à des branches…des images simples et parlantes.
Je trouve également le découpage de son livre remarquable, autour de cas concrets, de personnes (proches ou inconnues, célèbres ou anonymes) qu'elle a rencontrées et accompagnées, qu'elle sait incarner et qui nous touchent. Même principe donc mais qui varie au fil des chapitres grâce à son choix des thèmes qu'elle veut aborder et des histoires personnelles qu'elle évoque, y compris la sienne propre, familiale et identitaire, dans son lien avec Israël.
J'ouvre en très grand.
Françoise D
Bête et disciplinée, j'ai commencé par Il n'y a pas de Ajar. Je n'avais rien lu d'elle. Et je fais partie des exceptions car je n'ai pas aimé La vie devant soi, je suis complétement passée à côté, alors que j'ai beaucoup aimé La promesse de l'aube.
Son projet m'a intéressée et je n'ai pas boudé mon plaisir. J'ai ri du début à la fin. C'est drôle. Ce monologue contre l'identité, c'est un sujet de plain-pied avec un problème de société actuel. Je pourrais citer nombre de phrases à la fois drôles et pertinentes, comme "Moïse, Jésus ou Lacan, des types dont l'existence n'a jamais été démontrée" (p. 39 en poche
) ou sur les slogans publicitaires (p. 65) ou encore sur les tests ADN (p. 76) et sur l'"appropriation culturelle" (p. 81) de Gary/Ajar dans La vie devant soi. Je l'ouvre entièrement.
Vivre avec les morts a fait un tel tabac - il est déjà en poche moins d'un an après sa parution - je voulais le lire.
Vivre avec les morts, ce n'est pas le même ton, ce qui prouve qu'elle peut en changer. C'est fort intéressant. J'ai eu une éducation catholique, ai viré agnostique et la religion, j'en ai jusque-là ! Mais la façon dont elle parle de la sienne, qui plus est en tant que rabbine, m'a fascinée : elle a une distance, et toujours un humour, qu'on souhaiterait à beaucoup, quelle que soit leur religion d'ailleurs, car je crains bien qu'elle ne soit assez isolée. À mon enterrement, j'aimerais bien qu'elle soit invitée.

Claire
Comme nous irons à ton enterrement, c'est super, car ainsi on la rencontrera !

Françoise
Toutes ces histoires sont son vécu de femme juive ET de rabbine, chacune selon sa sensibilité et toujours émouvantes. Le passage avec Rabin, c'est très fort ; avec ce poème juste avant d'être assassiné. Cela nous mène à ce qui se passe en ce moment en Israël.
Elle écrit bien et le livre est presque un page-turner.
Je suis très contente d'avoir lu ces deux livres que j'ouvre tous les deux en grand. Je voulais aussi souligner l'importance des sous-titres "Petit traité de consolation" pour Vivre avec les morts, et "Monologue contre l'identité" pour Il n'y a pas de Ajar. C'est tellement ça !
J'ai écouté il y a peu une émission vraiment passionnante sur France Culture : Écrire la mort, dialogue entre Vinciane Despret et Adèle Van Reeth, sur leur livre respectif : je vous la recommande.

Claire
Originale, cette religion sans au-delà...

Muriel
Woody Allen disait que si les Juifs croyaient en un au-delà, ils auraient beaucoup plus de succès...
Genevièveet
Comme plusieurs d'entre vous, j'avais lu auparavant et beaucoup apprécié Vivre avec nos morts.
Il n'y a pas de Ajar
m'a laissée perplexe. La confrontation avec Ajar est intéressante, puis j'ai perdu le fil. Par moment, j'ai eu l'impression d'un manque de naturel. J'ai été assez déçue. C'est dommage d'en rester là. Je vais peut-être le relire. Pour l'instant j'ouvre ¼.
Vivre avec nos morts ? Ce qui m'intéresse, correspond juste à ce qui gêne Brigitte et qui moi ne me gêne pas du tout. Si c'est un livre pour le groupe lecture ? Pour moi, c'est une non-question…
Elle fait preuve d'une plasticité pour changer de point de vue.

Claire
Quand on a des réserves sur un roman, parfois elles ont trait aux personnages qu'on trouve peu attachants, qui n'existent guère. En fait son empathie, sa faculté à s'approcher au plus près de l'autre, qui correspond à sa compétence professionnelle de rabbine, rejaillit sur sa compétence littéraire pour rendre extrêmement vivants les personnes, les personnages qu'elle choisit.
Laura ET entre et
J'ai lu Il n'y a pas de Ajar assez rapidement et sans y porter un grand intérêt. J'ai tout de même pris des notes, mais j'ai l'impression, après coup, d'avoir été dans la rébellion tout au long de la lecture, à noter tout ce qui ne me plaisait pas, tous les petits détails qui m'ont semblés ridicules, tout ce qui m'a semblé ne pas avoir sa place dans un "bon livre"… Il y avait d'abord cette insupportable tournure orale, qui incite à se sentir proche de l'auteure ou familier avec elle, mais qui de mon côté me rebute plus qu'autre chose, alors je prends mes distances. Exemple : "Allo Abraham ? C'est Dieu !", ce comique ne m'a pas paru comique, j'ai été plutôt sceptique (mon avis sur la tournure orale s'est adouci quand j'ai tenté de le lire à haute voix, et après avoir écouté Horvilleur à France Inter dire elle-même qu'écrire de telle manière avait été difficile pour elle). Puis, il y a eu les liens que l'autrice faisait, ces coïncidences montées de toutes pièces, comme le fait de plaquer le nom hébreux Ah'ar sur Ajar, alors même qu'elle affirme que Romain Gary aurait refusé… Quant au fond du texte, mon avis ne change pas non plus. Même si la réflexion peut parfois être fine, je ne peux m'empêcher de voir des contradictions, ce qui a été plutôt problématique pour ma lecture. Horvilleur s'attaque à l'identité, celle-ci doit disparaître ou du moins être plurielle, il ne faut pas s'enfermer dans un seul soi. Bien, j'accepte. Mais alors dans ce cas, pourquoi mentionner l'épigénétique et l'héritage de traumatismes à travers les générations ? Si nous ne sommes pas seulement un passé, une histoire, une couleur, pourquoi alors sans cesse ramener Romain Gary au judaïsme ?
J'ai dû rater quelque chose dans le livre, manquer d'une grille de lecture…
Évidemment je ne comptais pas lire Vivre avec nos morts après cette première expérience désastreuse… Mais je l'ai par hasard trouvé abandonné dans un hall d'immeuble, c'était un signe... Je ne l'ai pas terminé et ne le terminerai pas, car je n'aime pas du tout la langue d'Horvilleur, bien que le fond du texte m'ait plus intéressé en me permettant de découvrir certaines traditions juives. Mais c'est tout.
Ajar, fermé. Nos morts, entre ¼ et ½.



Cotes d'amour du nouveau groupe parisien
réuni le 10 mars 2023
L'angoisse du roi Salomon d'Émile Ajar (11 lecteurs)

AnneAntoineNathalie BRomain
AudreyFrançoise H Jean-Paul Julien Monique M
Margot
Valérie

Il n'y a pas de Ajar (6 lecteurs)

Audrey
AnneRomain
AntoineNathalie B Margot

Nathalie B (Il n'y a pas de Ajar de Delphine Horvilleur)
Ce livre m'a excédée quoique je sois d'accord avec les idées sur l'identité et quoique le prologue soit supportable. L'idée d'inventer un fils à Émile Ajar n'est pas mauvaise mais sans intérêt, avec un style prodigieusement agaçant et un ton dérangeant à prendre à partie et pas drôle, par exemple "le cachou". Elle est présomptueuse voire narcissique, à voir des coïncidences partout qui sont excessivement tirées par les cheveux.
Nathalie B(L'angoisse du roi Salomon d'Émile Ajar)
J'ai adoré cette histoire de bonté, la gentillesse des personnages dans leur simplicité et dans leur humanité.
On reconnaît Romain Gary dans le style et dans les thèmes, particulièrement celui de la souffrance humaine, son universalisme et déjà il est antispéciste dans cette obsession qu'il a et qu'on retrouve souvent chez lui de vouloir "réparer le monde".
Le style m'a plu : quelle inventivité langagière avec des innovations syntaxiques par l'intermédiaire de la narration de Jean qui a des phrases et des répliques qu'on retient, tellement elles sont drôles et intelligentes. Les images sont simples mais profondes.

Antoine
Je me demande ce que signifie l'image du goëland englué.

Nathalie
Au premier degré, elle ancre la fiction dans la réalité de l'époque, celle de la marée noire, mais au second degré elle représente aussi cette catastrophe qui détruit le vivant et dont l'homme est directement responsable : c'est Romain Gary/Émile Ajar qui aimait "en général" tout le vivant et refusait la souffrance sous toutes ses formes.

Anne
C'est la vie qui est engluée quand on est angoissé, quand les années passent.

Catherine
Le goëland c'est Cora.
Audrey(L'angoisse du roi Salomon d'Émile Ajar)
Dans ce texte de Romain Gary, j'ai vu un conte rose sur fonds gris, c'est-à-dire un entrecroisement entre un récit heureux plein d'espoir (à l'eau de rose ?) Et la vraie vie... bien plus sombre ! Ce fond de vraie vie revêt même les allures dégueulasses :
1. d'un monde de guerre, où l'on peut prendre le risque de laisser crever son ancien amour quatre ans dans une cave
2. d'un monde de solitudes qui appellent au secours par téléphone nuit et jour
3. d'un monde de catastrophes écologiques
4. d'un monde où l'on vit à quatre dans une chambre entassés, etc. etc.
Ça vous fait pas penser à quelque chose ?
De cette vraie vie, nous passons vers le conte à travers le langage de ce personnage (Momo, j'avais envie de l'appeler ainsi, comme si mon inconscient avait enregistré ce langage depuis ma lointaine adolescence à la lecture des premiers livres de Gary). Bref, ce Momo, Jeannot, Marcel Kermody, utilise des mots qui disent son envie d'un monde élargi, d'un monde "expliqué" et accessible à tous, un monde curieux des mots encore inconnus. Ses mots disent aussi son envie de partage, d'enrayer les maux, d'inventer son propre phrasé. Plus enthousiasmant ce monde-là, non ?
Son langage poétique restructure la grammaire, transforme l'usage des verbes, recrée un langage pour entrer dans un monde proche du conte, dans lequel on pourrait devenir Dieu le supplanter, puisqu'il n'a pas fait ses preuves.
Et dans cet univers, ce monde de conte, un homme consacre par exemple sa fortune à payer les loyers d'une femme qui l'a gentiment laissé moisir dans une cave plusieurs années ; les protagonistes de ce monde se préoccupent et s'inquiètent les uns des autres. Dans ce monde aux teintes roses, on fait preuve d'une immense tendresse, on cherche à se comprendre on y arrive parfois aussi - même au téléphone et même dans les silences (avec Aline par exemple). Dans ce monde, on se dépose des fleurs, des paniers de fruits, juste pour le plaisir que le monde se porte mieux.
Et pourtant toujours en toile de fond une humanité suspecte, des questions inhérentes à nos sociétés : au fond qui soigne-t-on quand on soigne l'autre ? Qui aide-t-on quand on aide et pour éliminer quelle solitude ? Et apportons-nous vraiment du mieux : un homme mourra d'émotion en apprenant que Salomon paierait son loyer à vie... Quoi qu'il en soit, ces tendres, ces Salomon, Chuck, Aline, Jeannot font au mieux et tentent des formes de solidarité et de tendresse improbables :
- il y insultent un gardien raciste et abruti pour qu'il ne se déteste pas lui-même et déplace sa haine...
- ou encore se sentent soulagés d'apprendre que la marée noire a tué tous les oiseaux - ainsi la situation est réglée, ce sera plus léger pour eux, ils se sentiront moins coupables...
- et puis enfin, Jean couche avec une vieille femme parce que la façon, dans notre culture, dont on ne regarde plus les vieux, dont on ne considère plus les vieilles femmes, lui paraît dégueulasse, insupportable. Et puis pour lutter contre le dégoût programmé et défendre "pour l'amour en général".
En conclusion, ce récit pourrait être un conte à l'eau de rose, un peu trop léger ou un peu mièvre, mais il se pare et s'enrichit de questions profondes, d'un regard cru, voire cruel, sur nos sociétés et sait dépeindre en creux un monde qui pourrait être désespérant s'il n'était sauvé par ces personnalités splendides.
Et moi je ne peux m'empêcher en écrivant ces lignes, d'évoquer ici le souvenir de mon père mort récemment et de lui rendre ici un hommage - lui qui s'inscrivait profondément parmi ces êtres tendres, ces sauveurs, qui savaient faire basculer la vie du gris au rose. Ces êtres rares et précieux.

Audrey (Il n'y a pas de Ajar de Delphine Horvilleur)
Delphine Horvilleur aussi tisse des liens entre réel et irréel, entre Dieu et les hommes. À sa façon. Puis entre le Gary qu'elle a lu, le Ajar qu'elle a inventé créé recréé et trouvé dans les livres et la Torah, suivant un fil personnel.
J'ai trouvé très beaux les liens fait entre les noms de Ajar et ce personnage biblique Ben Abouya, homme pieux, déçu, désespéré, qui se voit renommer A'Har = l'autre. De même la traduction de Gary en hébreu = "l'étranger en moi" et Abraham rattaché à son père Magali ou encore ce Dieu que l'on ne peut nommer.
Je me suis laissé volontiers porter par ces associations. J'ai apprécié cette lecture personnelle empreinte de poésie et d'un humour qui m'a fait beaucoup rire. J'ai adoré les cachous !
Son texte s'ancre dans son époque et se teinte d'une dimension politique : très anti woke par essence, puisqu'il est question tout au long du texte, de ne pas s'appartenir complètement ; d'interroger ce qui fait - ou défait - l'identité ; d'être capable de détecter en soi les multiples, c'est-à-dire ce qui s'inscrit ailleurs que dans le Nom et l'ADN (un passage passionnant sur l'épigénétique).
Aussi, pas question aux yeux d'Horvilleur d'accepter que des communautés, quelles qu'elles soient, aient le monopole de leur défense identitaire. Elle défend la complexité des identités et son texte me fait penser à la créolisation de Glissant, à la construction des cultures par le biais des rencontres, des croisements et des métissages.
Mais là je m'aperçois que j'ai oublié mes Cachou et je m'arrête net.
Françoise H (L'angoisse du roi Salomon d'Émile Ajar)
Un livre dont l'histoire et les personnages et l'intrigue ont quelque chose des films de Claude Sautet : cet aspect subtil qui fait la vie quand elle est vécue dans l'instant, qu'elle apparaît très spontanément ou plutôt qu'elle émerge de la contingence lorsqu'à plusieurs, solidairement, on l'affronte, on fait face et on se démène courageusement, en y mettant du cœur. C'est-à-dire une histoire d'une vie vécue vraiment dans l'instantané : on rencontre une difficulté dans la vie qu'on prend à bras-le-corps, de suite et ensemble, on s'entraide. Une histoire de ce type qui me paraît bien éloignée de nos vies d'aujourd'hui.
J'ai aimé ce roi Salomon qui oscille entre le vieux sage et le vieux fripon, anticonformiste tellement il connaît bien la norme.
Je l'ouvre à fond. Je n'ai pas lu le livre de Delphine Horvilleur.
Antoine (Il n'y a pas de Ajar de Delphine Horvilleur)
Je ferme Delphine Horvilleur car je l'ai détesté ce livre qui donne l'impression d'avoir été écrit en trois jours. J'ai trouvé étrange qu'elle revienne toujours à l'identité juive dans un livre où elle est justement critique contre ceux qui résument tout à l'identité. Ce que j'ai le moins aimé, c'est son style.
Antoine (L'angoisse du roi Salomon d'Émile Ajar)
J'ai déjà lu La promesse de l'aube et j'ai adoré celui-là, ça se lit tout seul.
Je me suis poilé, à rire tout seul en le lisant dans le métro.
C'est un grand style : chaque phrase est une pépite qui fait rire ou réfléchir.
J'ai aimé l'absurdité de Cora : les femmes abusent ! (?)
Je l'ouvre entièrement.
Julien (L'angoisse du roi Salomon d'Émile Ajar)
La double relation amoureuse de Jean, je l'ai trouvée bien décrite et intéressante et je comprends bien comme on peut se perdre.
Jean est à la recherche de son identité, cette identité qu'il perd dans le don de lui-même dans le bénévolat pour l'association SOS.
Le personnage du Roi Salomon est dans un rôle qui nous fait réfléchir sur la vieillesse : on a l'impression qu'elle le cristallise dans son être, qu'il n'est qu'une version figée de lui-même, il est en retrait, n'acceptant pas les conseils des autres.
Je l'ouvre aux ¾. Je n'ai pas lu Delphine Horvilleur.
Anne (L'angoisse du roi Salomon d'Émile Ajar)
Il a tué son père et couché avec sa mère, oui mais voilà dans L'angoisse du roi Salomon il rend à sa mère le père, et le père l'a même payé pour ça, on le devine assez vite. C'est un livre où la tendresse est reine et le pathétique plein d'humour. Jeannot Lapin, dit aussi Marcel Kermody (Romain Gary aime les doubles identités c'est bien connu), est d'emblée pris dans le désir d'un couple qui ne parvient pas à se retrouver et, quelque peu manipulé, il vit une aventure avec Cora la vieille chanteuse, ce qui va l'amener après maintes tribulations amoureuses… à finir par être père et pour cela il faut une dame jeune, bien sûr. Un roman à l'eau de rose ? Que nenni, tout est pathétique, complexe, irrationnel, parlant des plus profondes conflictualités universelles, et des états confusionnels que provoque l'amour. L'amour lorsqu'il n'est pas taillé dans les conventions. Elle est vieille mais elle est belle et surtout émouvante et c'est là que le jeune homme est attrapé. Ça commence par de l'intime, il entre dans la chambre de la vieille dame et se trouve dans la chambre d'une femme de théâtre presque encore adolescente, pleine de poupées étranges. À mon sentiment, il s'y trouve comme un enfant qui entre dans l'armoire secrète, intime et interdite, d'une mère, où reposent sensuellement des vêtements de femme coquette et des odeurs particulières. Il découvre celle qui, à ce moment précis, n'est plus une mère, mais lui fait connaître le féminin adressé à un autre, avec au sein de son narcissisme un homme, un amant, et non plus le petit gamin. Dans l'histoire, Jeannot, prénom d'ailleurs infantile, ne sait pas que le roi du pantalon, Salomon, l'a envoyé chez elle car il ressemble à un amant de jeunesse, ce qui fera de lui un objet, et qu'il va servir au retour dans le passé de Cora. Il va en effet voyager avec elle dans le temps des souvenirs et dans ses sentiments, à lui et à elle aussi bien sûr. Pour les supporter, ces sentiments, il prétextera qu'ils sont des sentiments "en général", non pas pour cette femme, mais pour les espèces en voie d'extinction, car ses désirs pour la dame d'un autre âge le tourmentent au plus haut point. Il est au début de la vie et elle à la fin !! En vérité l'œdipe réalisé n'est plus un fantasme, il est plus proche de l'inceste, et ce livre peut déranger ; seulement, il est tellement humain, plein d'humour, de tournures de phrases étonnantes, qu'on l'aime profondément. Je dis "on" pour ne pas dire moi, pour mettre un peu de distance vis-à-vis de ce délicieux récit à scandale que j'ai lu avec un plaisir intense. Il se peut d'ailleurs que Romain Gary ne pouvait se permettre de l'écrire que sous un autre nom, Émile Ajar, que celui accepté conventionnellement par les médias, car Gary rêve ses livres, éveillé, et ne peut pas se censurer, il lui faut écrire. Ce ne sera pas le premier mais le dernier sous ce nom, après quoi il fait sa révérence. Tout dans ce livre pourrait faire penser qu'il lançait un SOS pour lui-même, mais il dit dans une interview, cinq ans auparavant : "je m'anime dès que l'on parle de la mort, je me sens chez moi, j'ai de très bons rapports avec la vie, et d'excellents rapports avec la mort". Décidemment les sentiments humains sont contradictoires, conflictuels, confus, et les romans d'Ajar/Gary les racontent avec passion. Il y aurait encore bien des pages à écrire pour rendre compte de ce livre époustouflant. Alors "au-delà de cette limite mon ticket est toujours valable" car je ne peux m'arrêter d'ouvrir ce livre 100%.
Anne (Il n'y a pas de Ajar de Delphine Horvilleur)
J'ai apprécié son introduction. Elle fait une analyse intéressante, parmi d'autres, du choix de Romain Gary pour un "autre" nom. Gary, ayant été à l'origine un nom trouvé avec l'aide de sa mère. Ajar est donc un nom dégagé de la relation maternelle et le sépare d'elle, le rend "autre". Par contre, je n'ai pas compris la seconde partie de ce livre que j'ouvre au ¼, dans la mesure où sa démarche d'auteure ne fait pas le poids par rapport à l'homme choisi pour son travail qui manque d'humilité et m'a ennuyée.
Valérie
(L'angoisse du roi Salomon d'Émile Ajar)

Je suis très attachée à Romain Gary, mais je leur trouve une différence avec Émile Ajar, que ce soit dans La vie devant soi ou L'angoisse du roi Salomon, me paraissant peut-être un peu mineurs par rapport à La promesse de l'aube.
De lire L'angoisse du roi Salomon m'a rappelé l'adaptation que j'ai vue au Théâtre Saint-Martin : je trouve d'ailleurs que le roi Salomon est un bon personnage de théâtre et j'y ai retrouvé et aimé cette dimension pathétique, par ce choix de raconter l'histoire de gens simples et ordinaires et qui souffrent mais courageusement.
J'y ai aimé l'hommage à la mémoire et j'ai été touchée par le thème de la vieillesse avec cette scène centrale du cabaret quand Cora retrouve son éclat et sa jeunesse. J'ai pensé parallèlement à cette nouvelle de Simone de Beauvoir L'âge de discrétion où, comment à 60 ans, des choses s'en vont, on regarde de moins en moins loin comme le roi Salomon qui est un personnage que j'ai adoré, lui, le désabusé, mais qui s'entretient et qui se fait comme "passeur" du comment vivre bien.
Je l'ouvre à moitié. Je n'ai pas lu Delphine Horvilleur.
Romain (L'angoisse du roi Salomon d'Émile Ajar)
J'ai aimé les personnages et particulièrement Jean, simple et bon dans son rôle de Christ, plein d'empathie : il m'a semblé être le bon idiot (comme celui de Dostoïevski). On le dirait absolument ouvert, il reçoit des autres et il donne après avoir réfléchi, fait le bilan en lui-même, que ça vienne de Chuck ou du Roi Salomon. Même de Tapu, il apprend des choses. C'est comme si l'histoire commence à un moment de sa vie où les dictionnaires ne suffisent plus et qu'il lui faut vivre avec les gens. Il va se découvrir une grande l'intelligence d'autrui, celle du cœur humain. Je l'aime bien car c'est la sagesse populaire attachante qui nous en apprend beaucoup, mine de rien, qui est légère et drôle : "La France des tartines ou des croissants". Il est naïvement profond avec des expressions très intelligentes : "C'est impardonnable de ne pas pardonner" ; "Il faut s'attendre à tout surtout à l'inattendu". Il y a de la "décence ordinaire" chez lui que Georges Orwell a défendu, lui qui croyait à l'existence d'un sens moral inné chez les gens ordinaires.
J'ai aimé le Roi Salomon et Cora qui incarnent bien l'angoisse et ce roman est la preuve qu'il vaut mieux une petite histoire qu'un grand essai de philosophie pour y réfléchir.
J'ai eu l'impression que l'angoisse était contagieuse : avec ce cercle vicieux qu'à vouloir calmer la sienne en venant en aide à d'autres angoissés, on l'attrape aussi. Face à l'angoisse, c'est beau comme l'amour est le meilleur remède, et sous ses différentes formes : avec les amis, avec la femme, avec l'humanité.
Cette histoire nous parle de la famille avec des personnages n'en ayant pas et qui paraissent d'autant plus angoissés qu'ils sont seuls et même s'ils en ont fait le choix et s'ils l'assument, ils se cherchent encore, Salomon et Cora, par exemple.
Et comme j'ai tout aimé, j'ai aimé aussi le style qui sert très bien l'intrigue. Je l'ouvre à fond.
Romain (Il n'y a pas de Ajar de Delphine Horvilleur)
J'ai reconnu que c'était très intelligent et que c'est une idée que d'inventer un personnage qui est le fils d'Ajar dont elle a aussi éclairé ma lecture dans le prologue "Il en va ainsi des œuvres qui nous marquent comme des auteurs qui les ont offertes au monde : ils font toujours un peu de nous leurs enfants". J'ouvre ¼.
Margot (Il n'y a pas de Ajar de Delphine Horvilleur) (avis transmis)
Comme je ne suis ni célèbre comme Horvilleur, ni grand écrivain comme Gary/Ajar, mais seulement grand lecteur devant l'Éternel, je m'interviouve je/moi et moi-même :
- Question : qu'as-tu appris de l'essai de Delphine Horvilleur, auteure sur le phénomène Ajar ?
- Réponse : Sur Ajar et ses relations avec Gary, rien. Sur l'autrice : j'ai vu se profiler l'orgueil incommensurable d'une femme de pouvoir qui se met au centre d'un texte quand elle parle d'un autre (et de quel autre ! Un insaisissable...) et se sert d'un anniversaire littéraire comme d'un marchepied vers l'édition, le théâtre, la radio et la télé pour la promotion de sa production. J'ai aussi appris que la cheffe religieuse (1), comme tout chef religieux d'une chapelle quelle qu'elle soit n'est pas à une contradiction près : elle fustige l'identitaire ; elle clame l'extrême liberté de Gary de devenir un autre et, sans coup férir, elle l'enferme dans une légende du Talmud pour éclairer le pseudo choisi... A une lettre près, tout de même, dit-elle. A une lettre près, il peut y avoir aussi P.O.I.S.S.O.N ou P.O.I.S.O.N... Passons. Enfin, j'ai constaté que l'autrice ne cite pas ses sources, ni un des romans majeurs de l'auteur sur lequel elle écrit son essai (2).
- Qu'est-ce que tu conclus de l'essai de D. Horvilleur ?
Quel besoin Gary aurait-il eu de la redondance d'une signification quand changer de nom d'auteur était déjà échapper à lui-même pour devenir un autre ? Et puis, Gary n'était-il pas déjà un pseudo, le deuxième ou troisième depuis que Romain/Émile écrivait ?
À quoi bon prétendre que Gary ne connaissait pas la légende du Talmud avancée ? Personne ne pouvant la contredire. Ce faisant, l'autrice n'a-t-elle pas réduit son propre rôle à celui d'une cheffe religieuse qui rabbinise et ramène dans son giron ce grand insaisissable de Romain/Émile Gary/Ajar ?
Gary ne veut-il pas aussi dire "feu", en russe ? Et Ajar "braise", toujours en russe, langue quasi maternelle de l'auteur au-delà de toute identité ? Mais cessons là : tout ceci fut décliné en son temps dans l'émission d'Apostrophes à la mort de Gary/Ajar ; toutes les hypothèses de D. Horvilleur évoquées et balayées d'un revers de main. Qui s'en souviendrait ? D. Horvilleur pleure Gary/Ajar qui eut le mauvais goût de se flinguer sans l'attendre. L'essentiel n'est-il pas dans le fond que D. Horvilleur ait pu s'épargner le risque de rencontrer Gary/Ajar, personnage rude à ses heures et cinglant même avec la gente féminine ? En bref, son essai n'illustre-t-il pas une pensée chère à Oscar Wilde : deviens célèbre et tu seras publiée.
Ce que Roman Kacew invente est ni plus ni moins l'auteur comme être fiction ! Avec des rebondissements successifs dans l'histoire Gary/Ajar/ Pavlowitch, autant d'êtres réels que fictifs. Un ou des auteurs personnages, un insaisissable, un trublion génial et goguenard : c'est la plus grande création littéraire après le Quichotte. Un rire inextinguible.
Le Quichotte avait fait du livre un objet du réel qui entre dans la fiction et la modifie (Livre II), Gary, lui, injecte la fiction de l'auteur dans le réel qu'il va ainsi manipuler comme un théâtre d'ombre et de marionnettes. Il inverse les paradigmes, gomme toutes les frontières et nous tend le miroir de notre propre vanité. Détesté des critiques et des mondains, très aimé des lecteurs, un des plus grands écrivains français : Gary le matin, Ajar l'après-midi et dans la même année, un roman de l'un et un roman de l'autre, pendant presque 5 ans.
(1) J'ai retiré le terme de "La Rabbine" pour ne heurter aucune sensibilité, ni créer de polémique sur ce terme.
(2) - "Le Dibbouk" dont parle D.H. n'est rien moins qu'un personnage clé dans La danse de Gengis Cohn, roman signé Gary, paru en 1967, soit juste à l'issue d'un procès retentissant en Allemagne sur les hommes ordinaires qui ont réalisé l'extermination des juifs de Pologne, avant même la création des camps, avec les constitution des fameux Einsatzgruppen composés de civils allemands, chargés de rafler les juifs de village en village, de les balancer dans des fosses creusées à ciel ouvert et là de les tuer d'une balle dans la tête, l'un après l'autre.
La Danse de Gengis Cohn est écrit à la suite du voyage de Gary en Pologne où il prend contact avec ses racines juives et où il réalise, amer, que l'universalisme à la française inculqué par sa mère, n'inclut en rien l'universalisme juif. Pour autant, il lui était insupportable d'être assimilé et réduit à des racines, quelles qu'elles soient.
- Sur la question de l'attachement délétère à l'identitaire, là encore D.H ne cite pas ses sources. À partir de 1939, sous le IIIe Reich millénaire, la psychanalyse a pu devenir le creuset de l'identité - volonté acharnée à retrouver son moi profond - grâce à Jung qui, peu après le départ de Freud de Vienne en 38, est devenu le président du centre de psychanalyse crée par Goering, neveu de l'autre, et destiné à promouvoir l'appartenance identitaire à la race supérieurs des aryens.

Margot (L'angoisse du roi Salomon d'Émile Ajar)
À mon goût le plus fade des romans signé Ajar.
Oui c'est bien écrit, oui c'est souvent attendrissant et très bienveillant.
Quelques fulgurances aussi, mais un peu trop "conte de fée" et avec une ingénuité un peu trop forcée. Je comprends d'autant ce choix pour Ajar que deux romans, l'un de Ajar et l'autre de Gary (en dehors du Goncourt de chacun d'entre eux) sont des chefs-d'œuvre hors cadre, qui sortent totalement de l'ordinaire :
- Pseudo, sur le fil du rasoir, décapant, très troublant dans le jeu des identités, et dans lequel Paul Pavlowitch, qui endosse le prête nom de Ajar pour le compte de Romain Gary à la ville, tient également le rôle du personnage qui cristallise toute la folie du roman
- La danse de Gengis Cohn, d'un humour corrosif qui fait monter le rouge aux joues. Seul un auteur avec des racines juives pouvait se permettre cette écriture au vitriol. Jamais rien lu d'aussi décapant sur la survivance des Juifs exterminés, sur la présence intense de ceux que l'on a voulu éliminer, sur l'amnésie de l'Histoire sur la culture qui coiffe de chefs-d'œuvre les meurtres les plus sauvages. Une maîtrise démente des identités imbriquées les unes sous les fronts des autres, des voix de différents narrateurs, externes et internes, en autant de sous-conversations délirantes. Pas un mot sur la fin : seul Gary pouvait en inventer une semblable.
Monique M (L'angoisse du roi Salomon d'Émile Ajar)
A la première lecture, lu un peu vite, j'ai trouvé ça angélique, totalement irréaliste qu'un jeune homme de 25 ans s'éprenne d'une chanteuse de 65 ans totalement défraîchie, surtout après sa liaison avec Aline. Incrédule aussi que les trois jeunes associés se laissent embrigader et soient d'emblée d'accord pour faire des actions de bénévolat chez le roi Salomon, mais c'est si bien ficelé, avec des situations si cocasses pleines d'humour, d'ironie, des répliques si drôles et pertinentes, un regard tendre sur le vieillissement, la perte de repères des personnes âgées, la solitude, la philosophie et la nostalgie tendre que l'auteur installe, fait passer dans ces situations un peu rocambolesques que j'ai bien aimé.
Il y a beaucoup d'humanité dans ce livre. On a l'impression que Gary repasse en mémoire les souvenirs des rencontres de sa vie. Les portraits de personnages sont formidables : le roi Salomon très digne, les traits encore fermes, les yeux noirs, respirant l'élégance dans son costume prince de Galles, avec nœud papillon, œillet à la boutonnière, canne à pommeau d'argent, une voix qui grondait et des raideurs dans les reins tout de même dû à son âge. Mademoiselle Cora : "Il n'y avait pas à discuter, ça se voyait sur son visage, on voyait bien que les camions de la vie lui étaient passés dessus." Monsieur Tapu dont Chuck dit que : "si les loubards n'attaquaient plus les personnes âgées, si les juifs n'étaient plus là, si les communistes s'évaporaient et si les travailleurs immigrés étaient renvoyés chez eux, ce serait pour monsieur Tapu le désert affectif."
Cette beauté des portraits des personnages, le regard acéré sur la bêtise : le concierge Tapu ou le patron du bistrot où Jean va boire trois cafés à la file et lui dit en allumant le transistor du comptoir "Excusez-moi si je me permets, c'est pour la marée noire. Je suis breton. J'ai un père là-bas qui est goéland. Et encore un café s'il vous plaît" (p. 156), sur l'écologie, la vieillesse, les revers de la vie, la relation au père (très belle scène où il raconte son aventure avec Cora, pendant que le père coupe lentement le pain en tranches régulières pour se réfugier dans qq chose de sûr et de familier) p. 158. L'incompréhension du père liée au décalage de génération, l'amour du fils pour le père dont on sent qu'il a hérité de cette éducation solide, honnête, comme le pain que tranche le père ; c'est hyper simple et très juste.
La grande scène du livre est sans doute celle du Slush, Mademoiselle Cora qui saute, virevolte, claque des doigts sous les projecteurs qui accentuent l'outrance de son maquillage, les propos moqueurs, l'effet du champagne, elle chante sous les sifflets, Jean "allonge un flambard au gars qui lui avait dit j'veux pas t'empêcher de gagner ta vie mais va le faire ailleurs", l'apothéose finale du tour de chant sous les applaudissements de Mlle Cora et le retour à son appartement, sont formidables.
Ce livre est l'un des derniers de Romain Gary et c'est un peu comme s'il réglait ses comptes, par procuration, avec la vie ; ce qu'elle a de beau et de moche, ce qui fait rêver et ce qui révolte, les belles personnes et les salauds ou les irrécupérables comme Tapu. Cora fait penser à Piaf et ses gigolos. Chuck a des réparties formidables de justesse sur la vie, mais Jan et Aline aussi, tous les personnages sont cohérents d'un bout à l'autre du récit. J'ouvre aux ¾.
Jean-Paul
(L'angoisse du roi Salomon d'Émile Ajar)(avis transmis)
Un roman à la fois tendre, mélancolique, sensible et parfois drôle, qui dès la rencontre du narrateur Jean dit "Jeannot lapin" avec le roi Salomon nous embarque dans son histoire.
Ce chauffeur de taxi, bricoleur en tout genre, autodidacte toujours à la recherche d'un dictionnaire pour comprendre et appréhender le monde à travers les mots, rencontre un vieil homme le roi Salomon "comme il le dénomme" qui lui propose de devenir bénévole dans son association.
Jeannot se rend à la demande de Salomon auprès de démunis qui crèvent de solitude et qui, à défaut de sauver les oiseaux victimes de la marée noire, vient à la rencontre des êtres que la vie à abîmés et laissés au bord du chemin, avec empathie, comme s'il remplissait une mission.
Son employeur le met en contact avec une ancienne gloire oubliée, non par hasard, mais parce que c'est son amour de jeunesse que les événements a détruit.
À travers leur relation, on perçoit la peur de l'âge de la vieillesse du temps qui passe et fait perdre le goût de vivre, mais l'amour reste quand même persistant.
Tout est mélancolie et finesse dans ce roman : comment ne pas s'arrêter sur le pathétique de Cora prenant le micro dans une boîte ou Jean l'a emmenée ou voulant aller "canoter" au bois de Boulogne, voulant lui donner encore la force de rêver.
Roman plein de douceur qui nous amène sur une réflexion sur le temps et notre condition humaine. À lire et relire, j'ouvre en grand.


QUELQUES INFOS


Présentation de Delphine Horvilleur => sur wikipedia
De Romain Gary (Emile Ajar) => wikipedia

Ouvrages personnels

Contributions à des ouvrages collectifs

  • 2013 : Un cœur universel : regards croisés sur Etty Hillesum, dir. Cécilia Dutter, éd. Salvator, avec cinq auteurs de confessions et d'horizons différents : Delphine Horvilleur, Alain Delaye, Ghaleb Bencheikh, Jacques Arènes et Emmanuel Jaffelin
  • 2015 : Qui tient promesse ?, dir. Jean Birnbaum, Folio, contributions de Rachid Benzine, Alain Boyer, Philippe Corcuff, Monique Dixsaut, Arnaud Esquerre, Marie Gil, Hervé Guillemain, Delphine Horvilleur, Jean-Luc Marion, Michela Marzano, Jean-Luc Nancy, André Orléan et Véronique Ovaldé
  • 2015 : Le Bouc émissaire : ou la haine de l’autre et l’élimination de sa différence, avec Michel Maffesoli, Ivan Levaï et Pascal Perrineau, Conform éditions
  • 2019 : Suis-je le gardien de mon frère ?, présentation Jean-Philippe Pierron, éd. Presses universitaires de Lyon, Souleymane Bachir Diagne, Jean-Marie Gueullette, Delphine Horvilleur, Jean-Philippe Pierron, Frédéric Worms.
  • 2021 : Sur les chemins du paradis, catalogue de l'exposition "Sur les chemins du paradis", éd. Hazan, Philippe Augier, Jacqueline Chabbi, Gilles Chazal, Jean-François Colosimo, Eégis Debray, Claire Decomps, Lynda Frenois, Thierry Grillet, Delphine Horvilleur, Annie Vernay-Nouri
  • 2023 : préface de Le feuilleton de Tsippora, Bayard jeunesse, coll. "La mythologie grecque en 100 épisodes", Murielle Szac, ill. Joëlle Jolivet.

Au théâtre

Il n'y a pas de Ajar
est adapté au théâtre : mise en scène Johanna Nizard et Arnaud Aldigé. Jeu : Johanna Nizard
- en décembre 2022 au Théâtre du Rond-Point
- en janvier 2024 au Théâtre de la cité internationale


Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
à la folie
grand ouvert
beaucoup
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moyennement
à moitié
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ouvert ¼
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