Cyrill GELY, La forêt aux violons, Points, 192 p. Quatrième de couverture : Dans lItalie du XVIIe siècle, Antonio, jeune luthier de Crémone, entreprend cinq voyages dans la région des "Montagnes roses" dans le but dacheter du bois pour ses violons. Ces voyages le mèneront à une histoire damour passionnelle, mais aussi à la quête dune vie. Car là-bas, au lever du soleil, une jeune fille lui inspirera le plus magnifique des instruments. Et Antonio deviendra le célèbre Stradivarius. Cyril Gely est romancier, auteur de théâtre plusieurs fois nommé aux Molières, et scénariste. Il est notamment lauteur de la pièce de théâtre Diplomatie récompensée par le César de la meilleure adaptation, et de Prix, disponible chez Points.
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Cyril Gely
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Margot
J'ai proposé ce livre. C'est une amie qui me l'a fait connaître.
Je l'ai trouvé absolument magique. Ça m'a fait beaucoup
penser à Soie
d'Alessandro Baricco. Par rapport à toutes ces lectures un peu
"lourdes" de cette année, je me suis dit que ce serait
plus léger.
Sur Internet, j'ai vu la forêt de Paneveggio : elle est sublime !
D'ailleurs il y a des concerts de violoncellistes avec des violoncelles
fabriqués à partir des épicéas de cette forêt.
Pour ce soir, j'ai relu le livre. Il m'a paru beaucoup plus pragmatique
: on sent le corps qui jouit, qui aime, qui souffre. Également
j'ai vu clairement les scansions qui rythment les chapitres : celle des
voyages, celle des violons, celle des femmes du luthier
Et puis
j'ai vu que le violon était véritable héros de cette
histoire non pas les différents personnages. Oui, ce violon passe
par plusieurs générations de violons qui aboutissent à
la confection du Stradivarius. L'écriture sous les apparences de
la simplicité est très élaborée.
Finalement bien que lu et relu en un court intervalle de temps, le livre
m'est apparu très différent. J'en suis la première
surprise !
Je l'ouvre en grand ! Certes, ce n'est pas un chef-d'uvre, mais
il mérite d'être lu.
Audrey
En fait j'ai eu l'impression de plonger dans la quête du beau. La
façon qu'a Gély d'épurer son écriture est
remarquable : à travers elle, il nous montre comment le luthier
va chercher le bon geste, travailler sa pâte, rechercher le son
juste. On retrouve tout au long du livre cette sorte de progression à
partir d'une même base. Par exemple, quand il décrit la montée
des marches, il emploie à peu près les mêmes mots
mais avec de légères variations. C'est pareil avec les lumières
qui suivent le rythme des saisons : le rose du crépuscule, les
couleurs éclatantes du printemps, la fin de l'été
De la même façon Gély nous présente le luthier
à travers sa façon de travailler ses différents violons.
Il y a une adéquation entre sa vie et son uvre. Tout converge
vers la beauté non seulement de l'objet accompli, mais aussi des
lieux (que révèle la lumière) et du rapport au temps.
Tout est important, tout prend du temps : dix ans de séchage pour
le bois du violon, de longs déplacements pour apporter une pièce
à chaque client, un jour à se mettre les pieds dans l'eau
pour se reposer de sa peine !
Je l'ouvre aux ¾.
Margot
C'est génial l'épisode de la bibliothèque : il cherche
la solution en vain. Finalement il ne comprend qu'en voyant sa fille faire
une boucle avec ses cheveux !
Anne
Il y a de l'amour partout. Cet amour vient des liens que le luthier tisse.
Avec la jeune fille, il cherche à établir un langage. Avec
Giuseppe, il cherche à le faire parler. Avec son maître,
il lie une relation de grande affection. Tout converge, tout prend sens.
Ce qu'il vit, ce qu'il sent, ce qui le traverse. Tout alimente ce vers
quoi il tend. Sa capacité à percevoir l'instant
. Quelle
grâce ! C'est l'inverse de nos vies numériques. Ça
m'a fait un bien fou ! Je l'ouvre en grand !
Monique M
Livre envoutant, écrit comme un conte, un conte initiatique où
l'adolescent élève du maître luthier Amati devient
Maître à son tour et crée le fameux stradivarius.
C'est le récit très prenant de ce parcours. Je l'ai d'abord
lu très vite, prise par l'histoire, tout en pensant en lisant au
livre de Quignard "Tous les matins du monde" qui se situe à
la même époque, le même thème, et dont j'avais
le souvenir d'une écriture plus ensorcelante ; et puis je l'ai
relu et toute la légèreté, la grâce, la spiritualité
de ce livre me sont apparues de façon évidente. C'est un
livre où l'on apprend plein de choses sur la fabrication des violons,
les bois, les colles, les vernis, les essences et les origines de ces
bois, la façon d'assembler les 71 pièces du violon, les
lieux où poussent les bois : Vosges et Tyrol pour l'épicéa,
Balkans pour l'érable, le moment de les abattre, les outils pour
les façonner
On côtoie tous les maîtres luthiers
italiens célèbres de l'époque, leurs commanditaires,
tout ça est passionnant. Et puis, il y a aussi les longues marches
d'Antonio entre Crémone et les montagnes roses, que l'on suit par
la pensée, sur les chemins de l'Italie du 17e siècle, on
ressent bien l'atmosphère de l'époque, la rudesse du parcours,
les embuscades
jusqu'à la forêt de Paneveggio, où
poussent les fameux épicéas centenaires dont il fera ses
violons ; et enfin le hameau avec, comme un leitmotiv qui revient à
la fin des chapitres, un effet de loupe indiquant au lecteur que c'est
là que tout se joue : "les quatre baraques en bois, côte
à côte, nichées au creux de la vallée".
J'ai beaucoup aimé les liens qui unissent les personnages, faits
de respect mutuel, de confiance, de considération. Entre Antonio
et son Maître Amati qui le chasse de son atelier parce qu'il brise
les violons dont il juge la sonorité imparfaite, mais en fait qui
estime qu'il n'a plus rien à apprendre à son élève
et qui le suivra et le protégera de loin dans son parcours
Entre Antonio et Guiseppe le silencieux, qui parle plus avec Antonio en
un jour qu'en une année, Guiseppe le bucheron, qui lui abat les
arbres, à la lune décroissante, fin janvier, lorsque la
sève se retire dans les racines, puis les garde 6 mois, le temps
qu'ils sèchent. On sent bien la complicité entre les deux
hommes, leur connaissance des arbres, leur sobriété, leur
façon d'aller à l'essentiel, la vie paysanne aussi, la frugalité
des repas produits du cru : soupes de lentilles, bol de myrtilles, une
poule le dimanche. Entre Antonio et ses trois femmes : la mère,
vue le dos nu dans la chambre du vieux Maître à qui elle
l'a confié ; aussitôt enfuie, mais toujours présente
en lui. L'épouse Francesca la solide, la fidèle, la confiante.
Silvia, la muse, l'inspiratrice. Il y a entre Silvia, le chat sauvage
et Antonio une relation instinctive, un peu animale qui rejoint son âme
d'artiste. Elle traverse ce passage du livre comme une allégorie
de l'inspiration artistique. Il dessine le dos nu de Silvia qui signifie
forêt à l'intérieur duquel il fait apparaître
des violons par milliers. Il y a entre eux un lien artistique, charnel
et spirituel. Il l'éveille à l'inconnu du monde et à
l'autre, elle lui ouvre la voie vers la création de son Stradivarius.
Il y a ce passage magnifique où, après avoir fabriqué
le violon à l'image de la jeune fille, le troisième promis
à Giuseppe en échange des arbres, il le place entre les
bras de la jeune fille, et se met à jouer ; elle le regarde étonnée
puis sent en elle une vibration qui remonte à son cur, et
se met à pleurer.
Le symbole du dos nu en forme de violon m'a évidemment fait penser
au violon d'Ingres de Man Ray, mais Cyril Gely a su en magnifier l'image,
le symbole, de façon extrêmement élégante avec
une grande érudition ; une tendresse, une gravité dans les
rapports à l'autre, que je trouve très belles. J'ouvre en
grand.
David
Vous savez le numérique, il est souvent décrié pour
ses méfaits que je ne conteste pas. En fait il repose aussi sur
de la créativité ! Ici dans le livre, la notion de création
va de pair avec celle de méditation.
Est-ce que c'est de la littérature complexe ? Non ! Mais on ne
va pas bouder son plaisir, non plus ! Là, on ne tire pas la langue,
on se trouve porté par l'histoire. C'est comme si on faisait une
randonnée. On s'arrête, on prend le temps de savourer l'instant.
Et puis, c'est un livre qui nous rappelle à quel point notre vie
tient à l'amour. C'est cette magie que Gély convoque.
Cela ressemble plutôt à une légende. C'est une histoire
qui nous dépasse. Je l'ouvre en grand !
Margot
D'ailleurs c'est assez violent pour le lecteur de faire mourir le luthier.
Anne
Oui c'est comme Le Petit Prince. C'est un texte qui dépasse
la littérature.
Audrey
Et on apprend énormément de choses !
Margot
Dans la même lignée, il y a la vision dans le lac.
Monique
C'est à la fois très charnel et très spirituel !
Margot
Le deuxième violon, il est géométrique et ce n'est
pas un hasard. Le nombre d'or, la perspective ce sont les principes sur
lesquels est bâtie la Renaissance.
David
On a l'impression de voir ces générations de violons comme
une lignée d'humains aux différents âges de la vie
!
Leen
Ce livre, je l'ai lu très vite, en quelques heures. Le livre m
a séduit par les connections muettes, profondes et riches qu'il
recèle. Et Gély les fait passer avec très peu de
dialogues. J'ai beaucoup aimé le processus de la recherche de beauté
comme celle qui motive les grands maîtres. Ce n'est pas une lecture
cérébrale mais c'est très plaisant. Je l'ouvre aux
¾.
Jean-Paul
Une bulle de fraîcheur ! Je ne m'attendais pas à être
aussi charmé. L'écriture n'est pas si simple. En peu de
mots, on ressent les odeurs - celle du vernis, celle des arbres -, on
ressent les couleurs et les sons. Il fait chanter les violons ! D'un chapitre
à l'autre, on retrouve les mêmes variations à propos
des personnages féminins : sa mère, son épouse, Sylvia
qui l'inspire
C'est une quête de perfection en vérité.
Il veut se rapprocher du divin.
David
C'est du divin païen !
Monique
L'écriture est très élégante !
Jean-Paul
Et puis c'est magnifique ces différents voyages en Italie. En si
peu de pages, on découvre beaucoup de choses. C'est envoutant et
cela n'apparaît pas comme un conte philosophique. Je l'ouvre en
grand !
David
Quand même, les personnages sont angéliques. Ils sont pétris
de bons sentiments de A à Z !
Audrey
Ça fait du bien en ce moment !
Jean-Paul
Il trompe quand même sa femme !
François
Il la trompe pour la bonne cause !
Antoine
Le style est magnifique. C'est une littérature un peu "à
l'os". C'est le style "anti-Proust . C'est un livre très
conceptuel dans le bon sens du terme. Juste avant, j'avais lu Âme
brisée de Akira Mizubayashi. Ce livre est uniquement dans le descriptif,
il ne fait passer aucune émotion ! Ici Gély arrive à
faire passer tellement d'idées et pleins de trucs. Tu te dis :
"Ok c'était comme ça l'Italie !". Et c'est ancré
dans le temps. L'histoire dure quand même dix ans
De A à
Z, ce livre est magnifique ! Et la petite pirouette freudienne à
la fin, je l'ai trouvé délicieuse ! Je l'ouvre en grand
!
Margot
C'est une belle boucle !
Anne
Le dos est important mais on s'en doute. C'est quand même proche
de Proust, le fait de retrouver toutes les sensations possibles à
partir de la disparition d'un objet (le dos de la mère). Tout ce
que vous avez dit, je l'ai ressenti aussi. C'est en même temps un
livre à propos duquel on a du mal à dire ce qu'on a ressenti
pendant sa lecture. Il fait écho à ma vie doublement. D'une
part, j'ai animé un atelier de bijouterie et le livre me rappelle
tout le cheminement par lequel passaient les apprentis pour parvenir à
quelque chose qui prend sens. Et puis je suis née dans un milieu
de création. Mon père était un peintre. Il était
plutôt figuratif mais faisait aussi de l'abstrait. Ce livre représente
vraiment bien tout le processus créateur. Voyez le luthier avec
la jeune fille muette comme il parvient à la faire naître
à elle-même. Ce n'est pas de l'amour "mou", c'est
un état fondamentalement transformateur et créatif. Voyez
aussi comme il donne du sens aux choses les plus simples de la vie. On
n'a pas besoin d'une écriture à la Proust pour le comprendre.
Cette lecture m'a transformée. C'est un livre profondément
émouvant. C'est toujours juste, c'est musical. Les contes
de Grimm sont comme ça.
Lahcen
J'ai quelques bémols à faire. L'écriture est simple
mais apaisante, belle et lyrique. J'aime beaucoup Guiseppe. J'aime cette
forêt. Mais j'ai trouvé que c'était très scénarisé.
Regardez ! On se croit dans une série de Netflix : l'apprentissage
du langage, l'amour de Sylvia et la mort, la répétition
avec le dos de la mère
Il y a beaucoup de naïveté
dans ce livre. D'ailleurs l'auteur est scénariste. Néanmoins,
cette simplicité d'écriture m'a fait beaucoup de bien. Je
l'ouvre à moitié.
David
Tu as raison, il n'y a pas une once de négativité dans ce
livre.
Anne
Il y a un processus de transformation.
Margot
Il s'inspire beaucoup de la Renaissance.
David
Je ressens un peu la même chose que Lahcen. Mais ce n'est pas antinomique
avec quelque chose de profond, avec une musicalité du monde.
Anne
Il ne faut pas confondre le déni de la haine et la capacité
à transformer un sentiment négatif en un bon sentiment.
On fait souvent cette confusion à notre époque.
David
C'est un conte philanthropique !
Margot
Mais on est à l'époque de la Renaissance et sa recherche
de l'harmonie par le biais de la géométrie. C'est avant
le sac de Rome qui met à bas cet idéal.
La dureté je la vois dans les difficultés que le luthier
traverse. Ses fils il ne les voit pas, sa femme elle meurt tôt
Audrey
Ce n'est pas un monde édulcoré !
François
Je suis un peu partagé. Ça me rappelle un ami luthier en
Corse comment il travaillait. Ici dans ce livre, son objet c'est l'objet
du désir : le dos de la mère et le violon. On n'est pas
obligé d'aimer les grands romans. Quand même, je me sens
sec. J'admire votre capacité d'émerveillement. C'aurait
été un bon roman japonais. Je n'ai pas envie de casser l'ambiance.
Du reste, c'est assez intéressant avec sa maîtresse-muse,
est-ce la vie de Stradivarius ?
Je l'ouvre à moitié.
Antoine
Apparemment oui.
François
Il y a une certaine précision dans la description des paysages,
de la forêt
Il y a une certaine naïveté. L'écriture
est assez composée mais ça manque un peu de souffle. Paradoxalement,
il y a de l'inconnu.
Antoine
Parfois, il y a de petites fautes de style. C'est la preuve que c'est
un bon livre.
Anne
C'est un livre sur l'empathie.
Monique
C'est un livre sur le pacte entre Giuseppe et lui-même.
François
Il n'y a pas de négativité. Il n'a qu'à voir les
relations du luthier avec ses femmes.
Leen
Et ce pacte dure, il n'y a pas de rebondissement. Au moins là,
on ne peut pas faire le parallèle avec une série de Netflix
!
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
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à
la folie
grand ouvert |
beaucoup
¾ ouvert |
moyennement
à moitié |
un
peu
ouvert ¼ |
pas
du tout
fermé ! |
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