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"MAIS
L'ECRIT N'EST PAS UN VRAI DOCUMENT..."
Une conversation avec W.G. SEBALD sur la littérature et la photographie
Christian
SCHOLZ. - Le lecteur de vos livres remarque très vite que
les photographies ont pour vous une valeur particulière. On prête
attention à chacune des images. Y a-t-il eu à l'origine
de cet intérêt un élément déclencheur ?
W.G SEBALD. - Il n'y a pas eu d'élément déclencheur
au sens où je serais parti d'un exemple, quel qu'il soit. Je n'avais
même pas Alexander Kluge en tête quand j 'ai commencé
à écrire de cette manière, assez tard dans ma vie.
Le plus souvent, le déclencheur de cette envie d'écrire
venait d'images singulières. Cela fait déjà de nombreuses
années que je déniche des images, d'une manière absolument
dénuée de méthode. On les découvre insérées
dans les vieux livres qu'on achète. On les trouve chez les antiquaires
ou les brocanteurs. C'est typique des photographies qu'elles mènent
ce genre d'existence nomade avant de se trouver "sauvées"
par quelqu'un.
- Et de se retrouver dans une boîte à chaussures...
- Oui, mais il m'arrive, aux heures mortes de la journée, de fouiller
dans ce genre de boîte. Et ce qui m'a toujours frappé dans
ces situations, c'est l'incroyable appel qui s'élève de
ces images ; une demande adressée à celui qui les regarde,
qui le somme de raconter ou bien de s'imaginer ce qu'on pourrait raconter
en partant de ces images.
- Concrètement, dans cette situation, comment procédez-vous
?
- On a un noyau très réel et tout autour de ce noyau un
immense espace vide. On ne sait pas soi-même dans quel contexte
se trouvait la personne représentée ou de quelle sorte de
paysage il s'agit. Est-ce le Sud de la France, est-ce l'Italie ? On n'en
sait rien, ce qui ne laisse d'autre choix que de commencer à raisonner
par hypothèses. Et cette voie, inévitablement, conduit à
la fiction et à l'art de raconter des histoires. C'est en écrivant
qu'on reconnaît la possibilité de construire un récit
en partant des images, de rentrer dans ces images par un récit,
de substituer ces images à un passage du texte, et ainsi de suite.
- Que signifie pour vous une photographie ? un reflet, la reproduction
d'un instant ? Que signifient pour vous les ombres, les lumières
vives, les plages d'obscurité, les contrastes ? Pourquoi vous méfiez-vous
de la couleur ?
- Je ne me méfie pas de la couleur par principe. Simplement il
se trouve qu'on s'approche plus facilement des clichés en noir
et blanc. Les photos en couleur, à moins qu'elles ne soient de
grande qualité, ont bien souvent quelque chose de très ordinaire,
ce à quoi échappent presque toujours les tirages en noir
et blanc. Personnellement, le caractère discret du noir et blanc
m'a toujours semblé spécialement attirant. Mais je n'ai
jamais particulièrement réfléchi aux détails
d'ordre technique.
- Considérez-vous donc l'image simplement comme un fragment de
récit ?
- Oui, il peut s'agir d'un paysage, d'une personne, d'un intérieur.
Mais c'est quelque chose qui me pousse à approfondir mon examen.
Cela me fait un effet très précis, qui m'est familier depuis
l'enfance. À l'époque, il y avait ces "viewmasters"
à l'intérieur desquels on pouvait regarder. On avait la
sensation que le corps était encore au milieu de sa réalité
normale et petite-bourgeoise, tandis que les yeux nous transportaient
déjà tout à fait ailleurs : à Rio de Janeiro,
devant le spectacle de la Passion à Oberammergau, ou à l'endroit
qu'il nous était donné de voir, quel qu'il fût. J'ai
toujours cette sensation avec les photographies, comme si elles entraînaient
celui qui les regarde dans un courant qui l'attire avec une force prodigieuse
hors du monde de la réalité, vers un univers irréel,
un univers dont on ne sait pas exactement comment il est composé,
mais dont on devine cependant qu'il est là.
- Ou du moins qu'il a été là ?
- Très juste. Mais il reste présent : chaque image interroge,
parle, provoque. Dans le beau texte de Barthes La Chambre claire
est reproduite une photographie d'un petit garçon. Il a quitté
son banc d'écolier, il s'avance dans l'allée, il est vêtu
de ce tablier court que portaient les écoliers français.
Ce que dit Barthes à ce sujet, je ne m'en souviens plus exactement,
mais il se demande ce qui a pu advenir ensuite de ce garçon, prénommé
Ernest. On peut s'imaginer qu'on est peut-être en 1903, ou quelque
chose d'approchant, et que, quatorze ans plus tard, ce jeune homme d'à
peu près vingt ans a laissé sa vie dans la Somme ou devant
Passiondale ou quelque autre endroit sinistre. De telles conjectures sur
le parcours d'une vie surgissent d'une photographie avec infiniment plus
de précision que d'une peinture.
-Justement en face de photos d'enfants on aimerait savoir ce que sont
devenus ceux qui sont représentés. Qu'on pense seulement
au célèbre cliché du photographe allemand August
Sander daté de 1924, où l'on voit deux enfants devant la
porte d'un salon typique de la haute bourgeoisie...
- Les portraits de duos enfantins étaient très courants
dans les familles bourgeoises. On faisait même portraiturer les
enfants par des artistes peintres, et il existe des centaines de ces portraits.
Mais aucun de ces portraits peints ne dégage un tel appel. Seules
les photographies portent cela en elles. Je ne sais pas précisément
à quoi cela tient, mais j'ai certaines idées sur la question.
Sans doute s'agit-il d'histoires très compliquées d'ordre
métaphysique, non pas dans un sens mystique, mais au sens où
il y a quelque part une forme d'existence secondaire ou disons parallèle
à la nôtre, juxtaposée, ou postérieure. Les
disparus de cette vie-ci continuent ainsi à errer quelque part
dans cette vie-là.
- Dans vos livres apparaissent des photos qui proviennent aussi bien d'autres
personnes que d'archives photographiques personnelles ou de votre entourage.
D'ailleurs il y a certains travaux dont on découvre que vous les
avez réalisés vous-même. Dans l'acte de photographier,
privilégiez-vous le côté documentaire ou bien le côté
artistique du cliché ?
- En fait il se passe des choses singulières lorsqu'on parcourt
le monde sans plan particulier, qu'on s'en va un peu au hasard avec pour-simple
souci d'observer ce qui s'y passe. C'est alors que se produisent des événements
que plus personne ne veut croire par la suite. Et ce qui va suivre est
très important : il est indispensable, d'une façon
ou d'une autre, de retenir ces choses. Évidemment on peut le faire
en écrivant, mais l'écrit n'est pas un vrai document, c'est
la photographie qui est le vrai document par excellence. Rien ne vaut
une photographie pour convaincre les gens. Deuxièmement, j'utilise
l'appareil photo un peu comme une sténo, une sorte d'aide-mémoire
(1). Je n'y mets donc pas la moindre ambition artistique. C'est aussi
pour cela que mon appareil photo est le plus souvent un modèle
très bon marché, mais j'ai pris l'habitude de l'avoir si
possible toujours dans ma sacoche. Et de la même façon peu
m'importe quel type de pellicule il contient.
- Mais pourquoi ne pas vous donner la peine d'avoir du bon matériel
? C'est quand même un peu de la négligence...
-Mon intention n'est pas d'insérer dans les textes des images de
haute qualité, mais de simples documents d'objets trouvés,
quelque chose de secondaire. En vérité, c'est déjà
bien que des éléments aussi indistincts parviennent d'une
manière ou d'une autre à s'inscrire dans une image.
- Vous avez prélevé toute une série de clichés
dans vos propres albums de famille ; c'était, si je ne me trompe,
pour le troisième récit des Émigrants, intitulé
"Ambros Adelwarth". Qu'est-ce que cela vous fait, lorsque ces
albums vous tombent entre les mains ? Un élan de nostalgie ? Auriez-vous
envie de reconstruire une nouvelle fois votre propre biographie sur la
base de photos ?
- Cela tient peut-être au fait que je vis depuis déjà
longtemps à l'étranger, et que j'ai une certaine distance
avec le milieu dont je suis issu. D'un autre côté, ce n'est
pas comme si ces albums de famille étaient pour moi franchement
rassurants. Certes, on a déjà feuilleté ces albums
dans son enfance, c'est normal, naïvement et sans avoir aucune notion
sur l'histoire, de l'Histoire, sans rien savoir du IIIe Reich, ni du rôle
que ses parents pouvaient avoir eu à cette période, ni quel
parti ils avaient pris. On se contentait de feuilleter ces objets, et
puis on les abandonnait au fond d'un tiroir sans plus y faire attention.
Quand, plus tard, mettons vers la quarantaine, on remet la main dessus,
après une pause de vingt ou vingt-cinq ans, alors tout cela ensemble
produit comme une révélation négative. Car entre-temps
on a appris ce qu'est l'Histoire. On sait ce qui s'est passé. On
a fait des conjectures sur le rôle social que ses propres parents
et d'autres membres de la famille ont joué dans tout ce contexte,
et on le voit soudain tout à fait clairement, on en a la preuve
visuelle sous les yeux. Et ce choc, en règle générale,
ne s'atténue pas. L'effet troublant, choquant, de ces photos de
famille a naturellement partie liée avec le fait de prendre de
l'âge.
- À ce propos, vous avez dit un jour : Celui qui est dans le milieu
de la cinquantaine, voit déjà très clairement les
marques du vieillissement sur son propre corps.
- Oui, on le voit avec une précision effrayante sur les corps de
ses propres parents devenus des octogénaires et puis en remontant
à partir de ce point cinquante, soixante, soixante-dix ans en arrière
jusqu'au moment où ces personnes, à l'âge de 19 ans,
étaient tout juste fiancées. On est incapable de se représenter
ce que peut être cette lente extinction de la vie étalée
sur de nombreuses décennies. Il y a pour moi quelque chose d'absolument
monstrueux à devoir contempler cela et être obligé
de prendre sérieusement en considération le fait que cette
personne réelle qui a, aujourd'hui en 1999, disons 85 ans, a pu
jadis n'en avoir que 22. Est-ce qu'il peut miment en être ainsi
? Comment se mettre dans la tête une idée pareille ? Comment
la comprendre ? Que faire d'une telle information ?
Pour moi, en tant qu'homme qui pense, qui écrit, et dont le métier
est d'écrire, cela manifeste qu'en réalité nous nous
mouvons constamment sur une couche de glace effroyablement mince, que
nous risquons à chaque instant de briser, que tout est d'une fragilité
telle qu'on peut à peine se permettre de se projeter du jour au
lendemain et qu'au vu de cette évidence, le sentiment nous gagne
qu'au fond on déviait toujours se tenir coi et immobile, afin que
tout se déroule le plus lentement possible. Il y a là quelque
chose d'effroyable, indépendamment des autres choses effroyables
propres au contexte allemand : le père encore jeune homme,
entré dans la vie militaire en 1931, assis dans sa turne à
Augsbourg, ou faisant des réglages géométriques pour
une sorte d'exercice de tir. Et là-dessus la pensée de tout
ce qui allait advenir par la suite.
- Marcel Proust a utilisé des portraits de la haute bourgeoisie
parisienne, réalisés par Félix Nadar, comme modèles
pour des descriptions. Qu'est-ce qui vous intéresse dans les portraits
? Quels sont les éléments qui, à l'inverse, ne présentent
pas pour vous d'intérêt ? Les vêtements ? Les chaussures
?
- Tout dépend dans quel contexte d'écriture l'image doit
figurer. Il arrive que ce soit simplement le regard du personnage qui
éveille mon intérêt. Par exemple, dans un passage
du récit "Max Aurach", ce sont les yeux du peintre qui
sont reproduits (2). Cela peut aussi n'être vraiment qu'un fragment
d'un corps. Parfois aussi c'est un élément qui se situe
complètement au bord de l'image, ce qui fait que je m'adapte à
chaque situation. Cela me permet ainsi d'indiquer clairement au lecteur
que c'est souvent justement dans les détails les plus accessoires
d'une image qu'on trouve son secret.
- Non seulement on trouve des photographies dans vos livres mais le
fait de photographier est également un thème des histoires
de famille ou des récits de voyage qui les composent. Dans Vertiges,
au chapitre "All'estero", vous traitez même des circonstances
dans lesquelles a été prise une vue particulière.
- Le passage auquel vous faites allusion, devant la pizzeria à
Vérone, est à moitié un roman policier. Il y est
question de meurtres épouvantables survenus en Italie du nord durant
plusieurs années et, dans ces affaires, la pizzeria joue un certain
rôle. Quand le narrateur, quelque temps après, retourne à
Vérone, il remarque que les portes et les fenêtres de cette
pizzeria ont été condamnées. Il n'est pas loin de
penser qu'il s'est produit là aussi quelque chose d'horrible et,
n'ayant pas sur lui d'appareil photo, il en demande un à un passant.
De fait je me suis déjà moi-même retrouvé plus
d'une fois dans cette situation. Ce sont toujours des situations où
l'on pense : ce n'est pas possible, cela n'existe pas, où l'on
doit vraiment prendre un cliché. Cela m'est arrivé par exemple
récemment à l'aéroport d'Amsterdam. Je devais passer
la nuit sur place car l'aéroport était entièrement
plongé dans le brouillard et aucun avion ne décollait plus
; et du coup les gens étaient allongés sur des espèces
de canapés au niveau supérieur du Departure-Lounge, tous
couchés après minuit. Ils étaient couverts avec ces
légères couvertures en laine bleue que la compagnie KLM
avait mises à la disposition des campeurs. Un scénario fantomatique
au plus haut point : des gens exposés comme des morts, recroquevillés
sur le côté ou sur le dos, pétrifiés. Et à
l'extérieur le reflet de la salle dans la vitre.
Il se dégage alors de ce genre de constellations toutes sortes
de possibilités auxquelles réfléchir. On ne peut
les vérifier que d'après l'image fabriquée. Sinon
on pense : allons bon, encore une extravagance de cet écrivain,
qui s'est inventé cela, qui a grossi le trait par rapport à
la réalité, pour faire ressortir un sens ou une valeur symbolique
de son travail. Mais en vérité, les images sont là.
- Comment parvenez-vous à aborder des inconnus dans la rue, contemplatif
et concentré, pour leur demander de vous prêter leur appareil
photo ? Voire de vous aider à prendre une photo, ou même
à raconter une histoire ?
- C'est très difficile. C'est vraiment quelque chose que j 'ai
dû apprendre à faire. Cela relève d'une immense victoire,
surtout quand on doit s'exprimer dans une langue étrangère,
qu'on ne maîtrise que partiellement ou qu'on écorche. Mais
je crois que l'écriture et la photographie sont très, très
étroitement reliées à un art de la recherche. C'est
une chose que la plupart des écrivains d'aujourd'hui négligent.
C'est un art du reportage, où l'on se rend dans un endroit, et
où, en l'espace d'une semaine, comme l'a fait Joseph Roth, on rapporte
quelques fragments de la Galicie ou du sud de la France, et on s'en sert
pour écrire un article. La plupart des écrivains restent
assis à la maison devant leur PC, s'affairent de façon obstinée
à leurs petits travaux, et il en ressort le plus souvent quelque
chose de très anémié.
- Franz Kafka est un écrivain pour qui les photos étaient
rarement rassurantes. Vous êtes allé un jour à Riva
sur les traces de Kafka, et une photo du poète apparaît dans
Vertiges.
- L'idée de figer une image était pour Kafka effrayante.
Il y a naturellement beaucoup de raisons à cela, et parmi celles-ci
j 'ai déjà évoqué la raison la plus archaïque
; bien sûr l'interdit qui pèse sur l'image dans la religion
juive orthodoxe est un moment tout à fait central, qui se ressent
encore chez Kafka. D'ailleurs les images qu'il produit dans sa prose,
ou par sa prose, se caractérisent par une extrême discrétion.
Il ne représente pratiquement jamais les humains en tant que tels,
mais seulement sous forme d'esquisses. On est frappé, dans tous
les portraits qu'on a de lui, par une sorte de transparence anticipée
de l'être, qui ne cesse de s'accentuer avec l'âge mais est
déjà là chez l'enfant.
- Avez-vous un exemple en tête ?
- Quand on pense à cette photo où il pose en costume marin
rayé, avec ce bâton de marche noir et ce chapeau de paille
noir brillant, avec une expression absolument inconsolable et ces immenses
yeux sombres qui regardent l'objectif ou à moitié à
côté, le regard un peu abattu, on voit qu'il y a quelque
chose qui est déjà là dans cette image, et que l'homme
devenu adulte ne parviendra jamais à maîtriser. Et cela se
poursuit à travers tous ses portraits, jusqu'à l'un des
derniers, où on le voit, dans ce manteau d'hiver bien trop grand
pour lui, avec un chapeau bizarrement posé très haut sur
le crâne, presque comme un halo - enfin à moitié chapeau
de clown et à moitié halo, car le chapeau semble réellement
flotter un peu au-dessus de sa tête. 11 est dans le jardin devant
la maison de sa sur, il est proche de sa fin et sourit encore une
fois à l'appareil. Les images annoncent la transparence que les
photographies auront plus tard, quand la personne représentée
ne sera plus en vie. Et tout cela est très singulier.
- La photographie au point où la vie et la mort se rejoignent...
- Je crois en effet que la photographie en noir et blanc, ou les zones
grises de la photographie en noir et blanc, représentent exactement
ce territoire situé entre la vie et la mort. Dans l'imaginaire
ancien il n'en allait pas comme on le suppose aujourd'hui, d'abord la
vie et ensuite la mort, au contraire il y avait entre les deux cet immense
no man s land où les gens erraient longuement et où on ne
savait pas exactement combien de temps on serait obligé de séjourner,
ni si c'était un purgatoire au sens chrétien ou une espèce
d'étendue désolée que l'on devait traverser pour
atteindre l'autre côté.
- Y a-t-il un cliché particulier pour lequel vous n'auriez pas
encore trouvé de place dans un texte ?
- Il y en a toujours certains dont on a du mal à se défaire.
J'ai trouvé par exemple il y a déjà pas mal d'années
un tirage, à peu près de format A4, d'une photo représentant
deux personnages, debout sur une scène de théâtre.
En réalité, ils se tiennent sur la gauche de l'image. Dernière
la scène, la toile de fond, peinte dans un style très naïf,
représente un paysage alpin, quelque chose qui ressemble à
un glacier descendant à travers bois jusqu'à la scène.
Ces deux personnes, un homme et une femme, sont en tenue hivernale. S'agit-il
de l'impresario et de sa femme, ou alors de deux acteurs de la pièce,
on n'en sait rien (3). C'est une des images auxquelles je ne peux m'empêcher
de penser très souvent et qui me poursuit. J'aimerais en faire
quelque chose. Cette image, c'est comme quelque chose qui traîne
par terre, la poussière s'accumule, vous savez, elle tourbillonne,
elle forme une pelote de plus en plus grosse. À la fin, il ne reste
qu'à tirer les fils. Voilà, c'est un peu la même chose.
W.G.
SEBALD
Propos recueillis par Christian Scholz
Traduit de l'allemand par Bernard Guidée
Revue Europe,
n° 1009, mai 2013, p. 7-15
Cette
interview réalisée à Zürich le 14 novembre 1997,
a été diffusée à la radio le 16 février
1999 (WDR). Elle est initialement parue dans la Neue Zürcher Zeitung
(Scholz, Christian, «"Aber das Geschriebene ist ja kein wahres
Dokument", Ein Gespräch über Literatur und Photographie »,
Neue Zürcher Zeitung, 48,26-27 février 2000. p. 51-52).
(1) En français dans le texte.
(2) Cette image n'apparaît pas dans l'édition française
du récit, intitulé "Max Ferber" en traduction
(N.d.T.).
(2) Les lecteurs d'Austerlitz (2001) auront reconnu l'image du
théâtre où Jacques Austerlitz espère reconnaître
sa mère (N.d.T.).
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