Nous
avons lu pour le 28 avril 2024 :
Miss
Islande
de Auður Ava ÓLAFSDÓTTIR
trad. de l'islandais Éric Boury, Zulma poche, 240 p.
Quelques
repères succincts concernant Auður
Ava Ólafsdóttir
- Née en 1958 à Reykjavik, capitale de l'Islande : elle
se souvient à quel point elle s'ennuyait, enfant, malgré
une enfance "idéale, pleine d'amour et de sécurité
(...). J'avais envie de voir le monde à l'autre bout de l'océan".
Ce n'est qu'à 14 ans qu'elle a enfin la chance d'aller à
l'étranger : "Je suis allée loin, loin dans le Sud,
comme on dit en Islande... au Danemark !"
- Études en histoire de l'art à la Sorbonne :
Jai commencé à lire pendant mes études
à Paris. Cétait tout un monde qui sest ouvert
à moi, à la fin des années 80. À mon grand
plaisir, je pouvais lire dans leur langue des auteurs étrangers.
Jai lu tous les livres des auteurs qui me plaisaient. Au lycée,
javais lu quelques auteurs anglais. Jai appris litalien
- jai lu Pavese, Elsa Morante - et le français. Jai
découvert Marguerite Duras, alors jai lu tous ses livres,
jai découvert Hervé Guibert, jai trouvé
quil ne ressemblait à aucun autre écrivain. Peu
importe le sujet, cest lécriture qui compte. Je lis
les premières phrases, les dernières, un peu au milieu,
jachète le livre si lécriture est originale,
pas prétentieuse, mais originale.
- Professeure d'histoire de l'art : elle a 40 ans quand elle publie,
en 1998, son premier roman, Le
Rouge vif de la rhubarbe, tout en enseignant à l'université
de Reykjavík. Elle a deux filles : sa mère, dit-elle, avait
oublié de la prévenir que c'était beaucoup de travail
d'élever des enfants...
J'ai été lente à mûrir. J'étais
professeur à l'université, j'enseignais l'histoire de
l'art dans le département que j'ai créé, j'avais
beaucoup d'étudiants et j'aimais mon travail. Et puis tout d'un
coup, j'ai eu envie d'écrire ce petit premier roman, le Rouge
vif de la rhubarbe. Je n'avais pas spécialement l'intention
de le publier, mais après l'avoir lu comme s'il était
écrit par quelqu'un d'autre, à ma surprise j'ai trouvé
que j'avais une voix différente des autres écrivains islandais.
Pas une voix plus originale, mais juste différente. Alors j'ai
décidé de le proposer à un éditeur, qui
l'a publié. En ce sens, c'est le roman le plus important. Après,
j'ai écrit tous mes livres, sauf le dernier, en travaillant à
plein temps. C'est pour cela que j'ai fixé une date : j'allais
être un écrivain professionnel. Mais je me fous un peu
de comment on s'appelle, je tiens à ma liberté, je ne
me considère pas forcément comme un écrivain, on
peut très bien m'appeler un bricoleur de mots. (Libération,
2017)
- Puis elle devient écrivaine à plein temps.
Les livres
de Auður Ava Ólafsdóttir
Ses romans sont tous traduits en France. Les voici dans l'ordre de leur
publication en Islande ; le premier a mis 18 ans avant d'être
traduit, le dernier a été traduit l'année de sa publication
:
- 1998 : Le
Rouge vif de la rhubarbe, trad. Catherine Eyjólfsson, Zulma,
2016.
- 2004 : L'Embellie,
trad. Catherine Eyjólfsson, Zulma, 2012 ; rééd. Points,
2014 ; rééd. Zulma poche, 2017.
- 2007 : Rosa
Candida, trad. Catherine Eyjólfsson, Zulma, 2010 ; rééd.
Points, 2012, 2013,
2016
; rééd. Zulma poche, 2015. C'est ce roman qui l'a fait connaître
au public français.
- 2012 : L'Exception,
trad. Catherine Eyjólfsson, Zulma, 2014 ; rééd. Points,
2016.
- 2016 : Ör,
trad. Catherine Eyjólfsson, Zulma, 2017.
- 2019 : Miss
Islande, trad. Éric Boury, Zulma, 2019 - Prix Médicis
étranger.
- 2020 : La
Vérité sur la lumière, trad. Éric
Boury, Zulma, 2021.
- 2023 : Eden
trad. Éric Boury, Zulma, 2023.
Auður Ava Ólafsdóttir
a par ailleurs écrit
des poèmes et des pièces de théâtre, non traduits
en français.
Vidéos
Auður
Ava Ólafsdóttir et l'Islande
Diffusée sur Arte, la collection documentaire de 16 films, "L'Europe
des écrivains", explore chaque pays à travers le regard
de figures majeures de la littérature contemporaine.
Un film de Sylvie Deleule, consacré à l'Islande (2015, 52
min), est ainsi présenté : trois écrivains phares
font découvrir les multiples facettes de cette ile mystérieuse
à la géographie façonnée par les volcans et
les plages de sable noir. Árni
Thórarinsson, l'un des maîtres du polar, puise son inspiration
dans la face cachée de l'ile, entre corruption et conflits d'intérêts.
Ancré dans une tradition romanesque et poétique, Jón
Kalman Stefánsson nous embarque dans les fjords âpres
et glacés du nord. Le regard décalé et plein d'humour
de Auður
Ava Ólafsdóttir interroge les liens puissants entre
la nature et les Islandais.
Voir un extrait ici avec
Auður Ava Ólafsdóttir. On peut visionner le film pour
2,99€ en location ici.
Plus récemment :
- en 2017, France 3 Normandie la rencontre ici
à Reykjavik (3 min 39)
- en 2023, les
Boréales là (1 min 30).
Auður Ava Ólafsdóttir et son livre
Elle présente elle-même Miss Islande, et en français,
sur le site de la Librairie Mollat : https://www.youtube.com.
Une
rencontre plus longue avec Auður Ava Ólafsdóttir
A la librairie Pantoute au Québec : une "causerie"
de 44 min, 22 octobre 2022.
Des articles
sur Miss Islande
Des articles affluent dans des périodiques
très variés, à la sortie du livre Miss Islande
et après que le livre a eu le prix Médicis en novembre 2019
; remarquons en particulier :
- Le Monde
par Camille Laurens (25 octobre)
- Le Canard enchaîné
(24 décembre)
- La
Règle du jeu (11 décembre).
Mais citons aussi :
Vanity Fair (septembre), La
Croix (2 octobre), Le
Devoir à Québec (5 octobre), L'Or
des livres (7 octobre) et plus tard Benzine
(19 avril 2020), Transfuge
(8 juillet 2021). Le site de l'éditeur Zulma met en ligne dans
un dossier de presse avec d'autres articles consacrés au livre
ici
: zulma.fr.
Une
interview sur le livre Miss Island : "Parlez-nous
de la genèse de Miss Islande : qu'est-ce qui vous a poussée
à écrire ce roman ?", leclaireurfnac.com, 30 septembre
2019.
Des entretiens
à la radio avec Auður Ava
Ólafsdóttir
- À la sortie de Miss Islande : entretien fouillé
avec Émilie Deseliène, dans son podcast La
page blanche, sur Miss Islande, 26 octobre 2019, 34 min.
- À la sortie de Miss Islande :
"Pour moi, l'imagination fait partie de la réalité",
avec Marie Richeux, Par les temps qui courent, France Culture,
20 novembre 2019, 58 min.
- Auparavant avec Laure Adler, Hors-Champs,
France Culture, 5 décembre 2012, 44 min. Elle a publié alors
Rosa Candida
et L'Embellie.
- Ultérieurement avec Olivia Gesbert, La Grande Table (en
audio ou en
vidéo), France Culture, à l'occasion de la sortie du
roman La
Vérité sur la lumière, 17 novembre 2021,
26 min.
Deux traducteurs
Catherine
Eyjólfsson a traduit 5 romans entre 2010 et 2017 :
- Rosa Candida,
2010
- L'Embellie,
2012
- L'Exception,
2014
- Le
Rouge vif de la rhubarbe, 2016
- Ör, a, 2017.
Éric
Boury traduira les 3 suivants à partir de 2019 :
- Miss
Islande, 2019 - Prix Médicis étranger
- La
Vérité sur la lumière, Zulma, 2021
- Eden,
2023.
Ils sont présentés comme suit, sur le site des éditions
Zulma qui ont publié tous les livres de Auður
Ava Ólafsdóttir.
Née en Bretagne,
Catherine Eyjólfsson a étudié langlais,
lallemand et lislandais à luniversité
dAix-Marseille puis à La Sorbonne, avant de sinstaller
en Islande en 1972. Pendant plus de vingt ans, elle a enseigné
le français au lycée de Reykjavík et à luniversité
dIslande. En 1995, elle participe à la rédaction du
premier dictionnaire français-islandais. Depuis, elle se consacre
à la traduction dauteurs islandais quelle admire et
quelle a aidé à révéler au public francophone,
dont Auður Ava Ólafsdóttir (Rosa candida, LEmbellie,
LException, Le rouge vif de la rhubarbe, Ör), Guðrún
Eva Mínervudóttir (Pendant
quil te regarde tu es la Vierge Marie) et Bergsveinn Birgisson
(La Lettre
à Helga) aux éditions Zulma, mais aussi Einar
Már Guðmundsson. En 2015, le président de lIslande
lui remet le prestigieux Prix Ordstir qui récompense les meilleurs
traducteurs douvrages islandais, et en 2020, la République
française la nomme Chevalier de lOrdre National du Mérite,
pour son engagement au service de la langue et de la littérature
françaises et islandaises.
Né en 1967, Éric
Boury a suivi des études de langues scandinaves (islandais,
norvégien, suédois) à luniversité de
Caen. Ensuite, il a vécu deux années en Islande. Traducteur
spécialiste de la littérature islandaise, il vit en Normandie.
En 2016, il reçoit le Grand Prix SGDL de la Traduction pour lensemble
de son uvre.
Et
voici NOS RÉACTIONS sur le livre
Deux d'entre nous, Anne et Laetitia, s'avèrent mordues de polars
islandais. Lirelles n'a jamais rien programmé de si nordique
et insulaire...
Nous sommes allées jusqu'au Groënland avec Homo
sapienne de Niviaq Korneliusse, au Danemark avec Ombres
sur la prairie de Karen Blixen et en Suède avec Différente
de Sara Lövestam et La
Faculté des rêves de Sara Stridsberg.
Les auteurs islandais sont pour la plupart des hommes. Mais Laetitia a
beaucoup aimé lire de Eva Björg Ægisdóttir Elma,
Les filles qui mentent et Les
garçons qui brûlent, précisant qu'il faut
aimer les thrillers assez noirs ...! Y aurait-il d'autres autrices ?
La recherche commence en vue d'une proposition islandaise pas trop "noir-c'est-noir"
pour Lirelles... : c'est une surprise d'apprendre que la première
ministre islandaise, Katrín Jakobsdóttir, a co-écrit
avec l'auteur de polars très connu Ragnar
Jónasson un polar (bien sûr),
Reykjavik, ce qui n'est pas banal... (elle vient juste de démissionner
pour se porter candidate à l'élection présidentielle
très prochaine).
Nous repérons Yrsa
Sigurðardóttir et même une auteure lesbienne, Lilja
Sigurdardóttir (présentation de l'autrice sur le site gayiceland)
: son roman Piégée
a une héroïne hors-la-loi lesbienne, ne serait-ce pas un choix
possible ? Anne lit le livre et nous dissuade de le choisir.
Laetitia repère alors et nous propose une rencontre
à la Maison de la Poésie avec deux auteurs islandais :
Jón
Kalman Stefánsson, auteur très connu, mais c'est Sigrídur
Hagalín Björnsdóttir qui nous intéresse,
c'est l'occasion de se mettre de visu dans le bain islandais, d'entendre
la langue en direct : nous tombons d'accord, elle est splendide,
brillante star de la télévision, mais nous ne sommes pas
pour autant convaincues de passer à la lecture ; en revanche, est
présent comme interprète Éric Boury que nous apprécions
particulièrement sur scène et que nous allons retrouver
comme traducteur - les traducteurs islandais ne pullulent pas...
Finalement, après lecture de la part de nos deux islandophiles,
Anne et Laetitia, nous choisissons Miss
Islande
de Auður Ava Ólafsdóttir, qui n'est pas une autrice
de polars et qui a une uvre considérable, largement traduite
en France.
Ce
28 avril 2024, nous sommes 13 à
réagir sur le livre :
- en direct
(7) : Anne, Claire Bo, Joëlle
L, Laetitia, Marie-Yasmine, Muriel, Patricia
- par zoom (3) : Agnès, Aurore, Sandra
- par écrit (3) : Claire Bi, Nelly, Véronique.
Sont prises ailleurs (7) : Brigitte, Felina, Flora, Joëlle M, Nathalie,
Sophie, Stéphanie.
Auður
Ava Ólafsdóttir a mis la majorité des lectrices de
Lirelles dans sa poche avec, à plusieurs reprises, un remerciement
exprimé pour la découverte. Pour le premier livre islandais
lu dans le groupe, ce fut une réussite. Mais heureusement, il n'y
eut pas unanimité. Et la fin a donné lieu à diverses
interprétations.
- Positives : Agnès,
Joëlle L,
Nelly ; voire
très positives :
Claire
Bi,
Anne,
Aurore,
Patricia,
Sandra, Véronique.
- Ont apprécié, avec des réserves : Claire
Bo, Laetitia.
- Tranchent, car négatives : Marie-Yasmine,
virulente, et Muriel,
détachée.
Nelly
(avis
en
cours de lecture)
Je n'en suis qu'à la moitié du livre, qui n'est pas désagréable
à lire, mais je ne me sens pas d'en faire un commentaire.
Claire
Bi (avis transmis,
et avec un titre)
Une pépite volcanique
La première scène démarre fort, en nous projetant
dans cette nuit d'accouchement des années 40 à la ferme,
au milieu d'une nature sauvage qui est partout dès la première
phrase ("Je suis tombée par hasard sur un nid d'aigle quand
j'étais enceinte de toi, à cinq mois de grossesse, un creux
de deux mètres tapissé de roseaux des sables au bord de
la falaise, près de la rivière"). Le vétérinaire
qui lave le bébé dans la bassine à tripes aurait
pu être le mien, véto à la montagne lui aussi. J'ai
donc adoré le début. Viennent ensuite la description à
la fois drôle et dure du père et de son obsession des volcans,
la passe d'arme sur le prénom de l'enfant et finalement les dernières
lignes, très belles, dont on ne sait pas si la mère les
adresse à sa fille dans une lettre posthume ou si ce sont ses pensées
captées par l'autrice ("Toi tu étais transformée.
Tu avais fait un voyage. Tu t'exprimais différemment. Tu parlais
la langue des éruptions, tu employais des mots comme sublime, prodigieux
et titanesque. Tu avais découvert le monde, tu regardais le ciel.
Tu as pris l'habitude de disparaître. Nous te retrouvions allongée
dans les champs, à observer les nuages, ou en hiver, sur une congère,
à contempler les étoiles").
Les vers de Jonas Hallgrimsson qu'elle insère parlent du feu, qui
couve sous le roman, comme une métaphore des volcans d'Islande
et des trajectoires de ce trio de vingt ans, qui par ailleurs m'a beaucoup
touchée. L'équilibre entre les sentiments intemporels et
ce qui est ancré dans ces années 60 islandaises se maintient
tout du long, servi par une écriture sobre juste ce qu'il faut,
incisive et tout en finesse. L'insertion des lettres qu'ils et elles s'envoient
apporte un niveau de lecture supplémentaire, de même que
les titres des courts chapitres qui n'ont pas toujours de rapport direct
à ce qui suit et donnent un côté à la fois
étrange et léger au texte. Comme cette histoire de concours
de beauté qui nous balade jusqu'à ce départ inattendu
pour le sud du Danemark à la recherche d'un lieu où vivre
libre.
Car le patriarcat est omniprésent et rendu dans toutes ses dimensions
complexes à travers les personnages : Jón John bien sûr,
les poètes au café, le père, le couple Isey-Lydur,
la mère de Starkadur... Le personnage de Starkadur est vraiment
bien croqué : ne pouvant pas supporter le talent d'une compagne,
la complimentant pour mieux se lamenter sur son sort et finissant par
lui offrir un livre de cuisine à Noël. Jusqu'à la fin
du livre où il accepte comme au fond un retour à l'ordre
naturel des choses de s'approprier le travail d'Hekla, en se donnant en
plus le beau rôle... j'ai failli m'écrier "ah non merde
hein, ça ne va pas se terminer comme ça !", cette dernière
pirouette de fin m'a bien eue. Il y a un assemblage très réussi
entre la dureté de ce patriarcat, l'oppression et le désespoir
qu'il peut entraîner, et la drôlerie de nombreuses scènes.
La façon de tracer les choix du trio dans l'espace plus ou moins
ample que l'époque leur donne m'a plu, comme les réflexions
sur le métier de femme écrivain (travaillé de deux
façons à travers Hekla et Isey), l'homosexualité
masculine dans les années 60, la vie intérieure d'une mère
au foyer ou la quête de soi dans les marges.
Définitivement merci pour cette jolie découverte ! Je vais
en lire d'autres, d'ailleurs déjà repérés
: L'Embellie,
La vérité
sur la lumière, Ör.
Véronique
(avis transmis)
Après un dix kilomètres dans la très belle ville
de Albi, je viens remercier de l'interview
de l'autrice de Miss Islande qui m'a passionnée.
Je dois dire que j'ai adoré le livre. J'ai voyagé en Islande
et j'ai vécu l'irruption de cette nouvelle île avec curiosité
et intérêt. Le personnage de cette jeune fille qui ne peut
vivre que par la création littéraire m'a beaucoup plu. Sa
volonté de vivre en ignorant la phallocratie ambiante des années
60 est très bien écrite. L'écrivaine décrit
aussi très bien les difficultés de vie à l'époque
des personnes différentes par leur sexualité. Le personnage
de Jón John est une représentation de l'amitié qui
m'a touchée.
Les thèmes du livre sont intemporels. Les discriminations et les
problèmes des minorités sont extrêmement bien dénoncés.
J'ai vraiment envie de lire des uvres de cette autrice. La poésie
est partie intégrante de chaque chapitre. C'est ce mélange
qui m'a emballée.
Je remercie la ou les personnes qui nous ont fait découvrir le
livre et l'autrice.
Je vous souhaite une bonne réunion Lirelles et à
bientôt avec d'aussi belles lectures.
Marie-Yasmine
(fine pâtissière, avait fait des recherches pour nous
concocter quelque douceur islandaise, mais elle découvrit que vu
la difficulté à planter sur le sol islandais, ce qui pouvait
être semé était réservé prioritairement
à la consommation des animaux. La tradition des pâtisseries
arriva tardivement, venant principalement des Danois, premiers boulangers
et pâtissiers du pays - l'Islande fut rattachée au royaume
du Danemark en 1380 et son indépendance n'advint qu'en 1944 - et
par conséquent, c'est l'influence du Danemark qu'on ressent dans
les traditions culinaires islandaises, et notamment dans les pâtisseries).
Après ces deux avis très positifs, c'est le moment de donner
le mien : décousu, pataud, lourd.
Les personnages sont unidimensionnels :
- le meilleur ami gay se déteste et toute sa personnalité
est d'être homosexuel. Il n'a pas une ligne de texte qui ne soit
pas à propos de sa détestation personnelle en raison de
son orientation.
- La
mère au foyer meurt d'ennui et toute sa personnalité est
d'être mère au foyer. Pourtant j'ai beaucoup aimé
ce qu'elle écrit dans son cahier ou ses lettres et j'ai bien cru
qu'elle allait en tirer du recul et de l'émancipation mais non,
elle reste cantonnée à sa vie domestique jusqu'au bout.
L'auteure dit dans le
podcast de La page blanche que c'est le personnage le plus
personnel et en effet c'est le plus réussi.
- La narratrice, dont on ne sait rien des émotions et de la vie
intérieure, n'est qu'une femme qui écrit et qui est victime
des hommes prédateurs en raison de sa beauté.
- Même l'amant de la narratrice a droit à sa personnalité
unidimensionnelle, être un poète raté.
Le côté méta sur la littérature en général
et la littérature islandaise est raté et lourd. Le livre
parle d'écrire, cite des écrivains, mais ne le fait pas
très bien, sans finesse et sans profondeur.
Beaucoup d'ennui.
Le récit est tellement flou parfois que je ne comprenais plus rien,
j'ai même cru qu'elle couchait avec son frère...
Seul point positif : l'ambiance dépaysante de l'Islande. Mais rien
ne me donne envie de réserver mon billet d'avion dans le roman
Agnès
Ce roman est une belle découverte. Jai vraiment pris plaisir
à le lire.
Parmi tous les aspects qui mont plu, je mettrais en avant le fait
que lautrice, lhéroïne et les narratrices (la
mère au début, puis la fille) sont des femmes, ainsi que
les thèmes abordés : lémancipation féminine,
lhomosexualité masculine, la société patriarcale
- de cette époque, en ce lieu - qui entrave la liberté des
unes et des autres, le voyage mental jusquen Islande et la découverte
de paysages inhabituels, des plages noires, des volcans (lécriture
est évocatrice). Un pays où les poètes sont vénérés
(dailleurs de nombreux personnages écrivent dans le roman,
lhéroïne, son père, sa meilleure amie, son petit
ami qui essaie).
Lhéroïne reste droite et déterminée, malgré
le harcèlement quelle subit, puis décide de ne plus
subir, au travail. Elle met tout en uvre pour atteindre son but,
écrire et être publiée. Cest un personnage qui
inspire la sympathie et que jai eu plaisir à suivre.
Jai également trouvé agréable lambiance
générale du livre, très douce, même les ruptures
amoureuses se passent sans heurts. Les personnages secondaires sont dailleurs
intéressants et
attachants.
La fin peut être vue de deux manières différentes,
et en ce sens je ne sais pas si je la trouve positive ou attristante.
Pour pouvoir vivre son homosexualité et être moins lobjet
de discriminations, son meilleur ami homo la demande en mariage, ce qui
peut paraître une bonne solution car elle permet aussi à
lhéroïne de vivre auprès dun homme qui
respecte ses choix (mais quid de sa vie intime ?). Par ailleurs, elle
décide doffrir son manuscrit à son ex-petit ami pour
que le livre, sous un nom dhomme, soit publié. Ces deux solutions
sont des stratégies de survie, que je comprends tout à fait,
mais elles peuvent également apparaître comme des échecs,
non pour les personnages qui font comme ils peuvent pour parvenir à
leurs buts respectifs, mais un échec de cette société
qui étouffe deux forces créatrices (lécriture
pour elle, la couture pour lui).
Et, pour finir, jai regardé plusieurs vidéos dinterviews
de lautrice et je lai trouvée fort sympathique et intéressante.
Ce qui me laisse une impression densemble tout à fait positive.
Sandra
Je
ne connaissais que de nom cette auteure, qui avait été mise
en valeur par son livre Rosa
Candida.
Ce livre m'a permis de la découvrir mais de découvrir aussi
l'Islande, pays dont je n'avais lu que quelques polars.
J'ai été embarquée, même si on se trouve dans
les années 60. Sans lourdeur, elle nous décrit une vie dans
l'arrière-pays avec son histoire familiale (sa mère, la
passion du père) ; et avec sa vie en ville, je suis également
partie en voyage.
J'ai apprécié l'histoire des trois personnages. L'héroïne,
je l'ai adorée : on est face à cette protagoniste qui écrit
- c'est sa passion, c'est sa survie. Elle se lève la nuit pour
écrire. J'ai adoré comment cette passion est décrite.
Heureusement qu'elle n'est pas prise au piège du concours de beauté
! Je me disais purée, si elle accepte, ça aurait tout gâché
!
Je me suis demandé pourquoi ce titre, avec lequel l'auteure nous
met dans l'illusion : ce n'est pas mal de nous tromper ainsi. Et puis,
en fait, elle est une Miss Islande, mais d'une autre façon
J'ai aimé l'importance de l'écriture dans cet ouvrage, également
présente dans la vie de l'amie qui est femme au foyer, qui est
écrivaine d'une autre façon et qui n'a pas moins de talent.
J'ai été moi aussi agacée par l'ami qui se plaint
de ne pas vivre son homosexualité, mais c'est bien aussi de montrer
ses difficultés. On voit ainsi que même dans les pays nordiques,
il a fallu un combat.
Si j'ai aimé les trois personnages, j'ai aimé aussi la forme,
avec ces chapitres qui n'en sont pas, sans changement de page. Avec des
allers-retours glissés, on repart dans la jeunesse, c'est très
bien. C'est simple à lire, je me suis laissé couler.
C'est une belle découverte, merci de l'avoir proposé.
Seul écueil : la fin. Le mariage avec son ami homosexuel, bon ça
ne m'a pas décontenancée, de toute façon c'est avec
l'écriture qu'elle est mariée. Mais je suis déçue
par cette fin où elle donne un manuscrit à paraître
sous le nom de son ex-amant. Pourquoi n'a-t-elle pas pris un nom masculin
?...
J'oubliais... : je rejoins Agnès sur la mise en avant de la poésie.
Je ne savais pas qu'elle occupait une telle importance en Islande, et
j'ai apprécié.
Joëlle
L
Jai bien aimé cette lecture.
Dabord jai été agréablement surprise
de lire un roman islandais qui nétait pas un polar. Et quel
courage décrire dans une langue qui a si peu de locuteurs
- et donc de lecteurs potentiels au départ.
Par certains côtés, jai fait le lien avec la
lecture précédente : le climat épouvantable,
les noms imprononçables. Le climat, cest pas trop gênant,
mais les noms, cest une autre affaire. Je nai réussi
à en retenir aucun, ni les personnages ni les lieux.
Plusieurs choses mont surprise :
- Labsence de manifestation démotions (à
linverse du Jardin
Arc-en-ciel où ça pleurnichait tout le temps). Les
événements qui se produisent semblent navoir pas beaucoup
deffet sur les personnages, ou alors cest une super pudeur
des sentiments. Le chat meurt, no comment. Elle quitte son mec, il ne
tente rien pour la retenir, les choses sont comme ça et puis voilà.
Dailleurs ce couple a lair assez tiède. Ils ont des
horaires inconciliables, des préoccupations quils ne partagent
pas. Javais limpression quils étaient soulagés
socialement de pouvoir exhiber un/une compagnon/compagne, mais quà
part ça ils ne simpliquaient pas beaucoup dans la relation.
- La fluidité professionnelle. Cest quelque chose
quon ne verrait pas dans un roman français. On peut passer
de poissonnier à antiquaire, et vice versa, ça ne dérange
personne. Les choses sont possibles, il ny a pas de barrières
et les protagonistes nont pas de revendication de classe, ou de
statut.
Jai apprécié lastuce qui consistait à
placer laction dans les années 60. Jai trouvé
ça assez rusé. On voit tout ce qui nest plus acceptable
aujourdhui. Je pense que si on lisait une histoire écrite
à cette époque, ça choquerait moins parce que ça
ne serait pas aussi bien mis en lumière. Mais je nai pas
trouvé dexemple à lappui. Cest juste une
conviction. Ici lautrice en profite pour souligner le sexisme ordinaire
et le mépris des femmes, leur statut inférieur. Les serveuses
tripotées en permanence et qui sorganisent avec ça,
sans protester. Les payes qui sont la moitié de celles des hommes
pour le même boulot. Les incitations à faire un concours
de miss plutôt quà créer une uvre
- Les velléités littéraires du jeune homme
le poète, qui se prend au sérieux mais traîne
au bistro, pendant quelle produit - en cachette, honteusement. À
la fin, elle lui fait cadeau de son manuscrit pour quil le fasse
publier sous son nom à lui. Ce qui ma heurtée, évidemment
à première lecture. Mais à la réflexion, je
pense que cest juste une manière denfoncer encore le
clou : la narratrice a intériorisé sa situation inférieure,
elle ne peut pas se donner le droit dexister et de réussir.
- La répression subie par le garçon homosexuel, le
stress, la nécessité de sexpatrier et de donner le
change. Tout cela devait être effectivement très compliqué
dans un pays aussi petit, où on ne peut pas espérer se noyer
dans la masse. À comparer avec la situation actuelle : lIslande
est un des pays les plus gay friendly, ayant élu une
première
ministre ouvertement lesbienne (2009 - 2013).
Miss Islande ne sappesantit jamais, mais nous remet sous
le nez les profondes évolutions sociétales que nous avons
pu connaître depuis le XXe siècle. Cest élégant
et salutaire.
Patricia
J'ai beaucoup aimé ce petit livre : l'écriture, la poésie,
l'humour et bien évidemment les thèmes abordés (condition
des femmes et des gays en 1960), l'incroyable description du pays et de
la vie en Islande, les personnages.
L'écriture est fine et agréable. Les thèmes
sont abordés de façon subtile.
L'humour souvent ironique est distillé un peu partout dans le livre
: par exemple p. 38-39, Isey n'a jamais été aussi heureuse
après la naissance de son enfant, mais elle ajoute dans l'une des
phrases qui suivent adressée à Hekla "Tes lettres
m'ont maintenue en vie".
J'ai trouvé drôle qu'elle se mette en tant que narratrice
dans la peau d'une femme très belle et très talentueuse
(et très modeste, ajoute-t-on à ma place).
La vie en Islande... la mer, les marins, le climat, la météo,
les volcans, les nuits longues, le froid, la neige, les volcans... la
nourriture (laitages et poissons), utilisent la poésie pour nommer
les gens dans le livre.
L'autrice s'applique à décrire l'ennui en Islande de l'ensemble
des personnages, sauf la narratrice qui est la seule à s'épanouir
dans ce qu'elle fait : écrire. D'ailleurs, il ne se passe pas grand-chose
jusqu'à la page 140. Tout le monde s'ennuie, chacun pour des raisons
diverses et variées. Notamment la voisine d'Isey s'ennuie tellement
qu'elle déprime malgré ses quatre enfants et finit par se
suicider. Nous aussi on commence à s'ennuyer.
Page 140 sur 223, ça bouge enfin... : son "poète"
jaloux de l'homo, jaloux qu'elle écrive et publie, et qu'elle ne
veuille pas être une femme comme les autres. C'est avec soulagement
qu'on apprend qu'elle quitte enfin son poète et qu'elle ne se présente
pas au concours de Miss Islande... Son macho de poète me fait de
la peine, avec sa mère coincée et très austère.
Morale de l'histoire : heureusement qu'il y a les poètes et la
littérature.
Question que je me pose : est-ce que le manuscrit qu'elle donne à
son ex est celui où elle parle de son ami homo, car lui qui était
homophobe, il accepte quand même de le mettre à son nom.
Ironie du sort...
Autre question : je ne trouve pas Hekla très volcanique car son
caractère est plat. Ou peut-être qu'elle couve en silence
comme un volcan jusqu'au jour où elle se réveillera...
Muriel
Je ne l'ai pas lu en entier, car je n'accrochais pas. Comme Joëlle,
je butais sur les noms que je ne parvenais pas à prononcer et que
je finissais par sauter. Je m'intéressais un peu à l'ami
homosexuel qui voulait être couturier, mais pas plus que ça.
J'avais du mal à m'y remettre par manque d'accroche, c'est difficile
d'expliquer pourquoi. La narratrice est belle,
mais bon, et alors. De l'humour, je n'en ai pas vu, donnez-moi un exemple.
Patricia
Isey dit qu'elle est heureuse, puis tout
de suite après qu'elle est malheureuse.
Marie-Yasmine
Ça m'a navrée
Muriel
Écouter et regarder l'auteure m'a intéressée, sur
fond d'Islande dont je garde un très bon souvenir.
Mais le livre ne restera pas du tout impérissable pour moi, étant
donné le peu d'intérêt que j'ai ressenti.
Aurore
Ça a mal commencé car je m'attendais à un thriller.
Ça ne partait donc pas très bien. Et
j'ai beaucoup
aimé.
J'ai aimé l'ambiance, la douceur dont parlait Agnès, la
construction.
Je peux même dire que ce livre m'a permis de me reconnecter à
la lecture que j'avais délaissée tous ces temps.
J'ai beaucoup aimé le chat : Odin, dieu de la poésie et
de la sagesse.
La narratrice ne se rebelle jamais, mais elle met tout en uvre pour
vivre sa vie, réaliser ce qu'elle veut faire : écrire.
J'ai aimé l'hommage à la littérature, à travers
ceux qui écrivent, son amie, et les références à
beaucoup d'uvres.
L'écriture du livre est à la fois profonde et très
simple.
J'ai aimé découvrir l'Islande, la nourriture, par exemple
le plat traditionnel
à Noël qui ne sent pas très bon.
J'ai
aimé l'atmosphère, avec la nuit souvent présente.
Il n'y a pas de juste milieu.
C'est le livre dont j'avais besoin. Je remercie de l'avoir proposé.
Laetitia
Je suis une grande fan de polars - islandais, notamment ! Je me suis intéressée
plus particulièrement à la "littérature islandaise"
après un voyage de quelques jours en Islande en mai 2022, suivi
de La
semaine islandaise qui s'était déroulée à
Paris 14e et durant laquelle Auður Ava Ólafsdóttir présentait
son livre, Rosa
candida.
La géographie et la littérature sont très
souvent liées dans les romans islandais - polars ou autres. Ce
qui m'a séduite d'emblée dans Miss Islande, c'est
la culture islandaise très présente - nourriture, macareux,
volcans
- mêlée à la culture des années
60 : les Beatles, Martin Luther King, l'assassinat du Président
Kennedy
Ce livre est bien représentatif du pays avec les trois entrées
que distingue Camille Laurens dans sa chronique du Monde
- volcanique, littéraire, féministe :
- L'héroïne est une femme (cf. le titre) et le livre s'avère
féministe, en tant que roman engagé contre le patriarcat
; il recèle une forme d'énergie militante. Quant aux hommes,
leurs portraits sont bien distincts : le poète, le père,
Jón John.
- Les volcans (160
volcans en Islande) concernent
le prénom même de l'héroïne, Hekla,
qui est le nom d'un volcan qui "bouillonne encore sacrément"
; elle apprend jeune "la langue des éruptions".
- L'importance de la poésie en Islande est bien présente
: Hekla lit et écrit, le café où se retrouvent les
poètes à Reykjavik revient
dans le livre
; et dans son interview à La
page blanche, l'auteure en dit toute l'importance : ainsi elle-même
n'aurait pu commencer sa carrière sans écrire de poèmes...
Précisons
que
l'Islande est une île qui lit
: elle compte en effet, proportionnellement à ses 350 000
habitants, non seulement le plus grand nombre de lecteurs au monde, mais
beaucoup d'écrivains.
Et c'est un roman sur l'écriture et la littérature, avec
des références à Ulysse de Joyce et à
de nombreux autres auteurs : Shakespeare, Malraux, Simone de Beauvoir,
Karen Blixen, Sylvia Plath
C'est un livre sur les livres, avec des
renvois à des poèmes, des sagas islandaises. La chatte "Odin"
évoque quant à elle la mythologie scandinave ; et l'on sait
l'importance des esprits en Islande, où il y a d'ailleurs un Musée
de la sorcellerie et de la magie.
C'est un roman sur l'isolement. En 1963, époque où se passe
le roman, l'Islande est une île isolée du reste du monde.
L'isolement est géographique et intérieur : l'amie d'enfance
de la narratrice se cache pour écrire ; son meilleur ami gay avec
qui elle a une relation forte ne peut s'afficher. Le roman a aussi trait
aux minorités, en particulier en ce qui concerne l'homosexualité.
Tous les trois se cherchent.
J'ai
cependant des réserves :
- la fin est décevante mais révélatrice de l'époque
: peut-être une suite possible à ce roman est à envisager
?
- l'absence d'émotion : alors même que l'héroïne
est passionnée !
- la forme : avec ces chapitres courts sous forme de scénettes
- assez elliptiques - et une poésie mêlée au quotidien,
ce qui peut être déroutant au début.
Claire
Bo
J'avais lu quelques Islandais : La
lettre à Helga de Bergsveinn Birgisson, Entre
ciel et terre de Jón Kalman Stefánsson et il y a
longtemps Rosa
candida de notre auteure du jour ; de Rosa Candida, j'avais
craint le pire car une copine qui avait beaucoup aimé en parlait
en valorisant "quelque chose de frais" ; méfiante, je
lui avais demandé "c'est pas cucul ?", "non, c'est
limite, mais ça n'y tombe pas" ; ouf, j'avais beaucoup aimé,
sensible à un charme, et avais suivi avec un intérêt
constant une histoire étonnante.
Quand j'ai entendu l'assassinat de Marie-Yasmine,
très drôle, j'ai eu envie de la suivre ; mais non, j'ai plutôt
aimé le livre. Je commence par ce que j'ai le moins aimé.
J'ai d'abord ressenti une gêne pour adhérer au choix
de placer le roman dans les années 60 : que ça se passe
dans le passé, j'ai trouvé ça artificiel ;
j'aurais aimé qu'elle écrive un livre actuel et non un rétropédalage,
avec les problèmes de l'homosexuel, la vie toute tracée
de l'amie qui finit dans le bonheur matériel... J'ai regretté
de ne pas sentir l'héroïne : d'accord elle a, comme
son père, une froideur des sentiments, mais du coup, elle ne me
fait guère vibrer. La fin m'a aussi paru décevante
: je trouve d'ailleurs vos interprétations diverses fort intéressantes.
J'ai regretté de ne pouvoir lire, en une table des matières,
la succession des titres ; m'ont agacée les précisions
à la fin du livre donnant les références genre Cantique
des cantiques de certains d'entre eux, ainsi que toutes les phrases en
exergue. Je rejoins d'ailleurs en partie Marie-Yasmine sur sa critique
de l'aspect méta du livre, à propos de la création
littéraire : la narratrice commence par lire Ulysse de Joyce
à l'aide d'un dictionnaire et puis quoi encore, et les déclarations
genre "L'écriture est mon ancrage dans la vie. Je n'ai
rien d'autre. L'imagination, c'est tout ce que j'ai." m'ont laissée
un peu froide. De même, j'ai trouvé que le récit
traînassait un peu à propos du chat, mais bon.
Mais j'ai aimé plein de choses : j'ai aimé les relations
avec l'ami homosexuel, avec l'amie, avec l'amant, avec le père
(remarquable !). J'ai aimé l'importance de la poésie
dans la société, des poètes. J'ai aimé
faire du tourisme grâce aux éléments historiques
: indépendance tardive, présence des Américains,
vivacité du communisme, l'importance
de partir à l'étranger,
l'Île Surtsey
qui surgit de la mer,
on mange les oiseaux de mer, etc. La variété des écrits
relance l'attention si nécessaire : lettres, journaux, poèmes...
J'ai été sensible à un certain charme de l'écriture
que j'ai retrouvé dans un tout autre univers que Rosa Candida,
sans doute lié au mélange d'intensité et de froideur,
d'écriture sans fioriture et de passions ou malheurs sous-jacents
; les chapitres très brefs - mais sont-ce des chapitres ? - apportent
un rythme. J'ai aimé des scènes qui reposent
de l'obsession de l'écriture, par exemple la visite folklo chez
la mère de l'amant. J'ai apprécié la liberté
de l'auteure quant aux murs, la ténacité presque
sans effort d'une héroïne qui semble totalement affranchie.
Les situations dénoncées le sont en douceur sans
idéologie, par exemple, à propos de son amant "le poète"
très marqué politiquement : "Il replie le journal
et le repose.
- Leur drapeau tricolore n'a pas mis longtemps à brûler.
Le feu des entrailles de la Terre s'est chargé d'embraser la bannière
de la fraternité.
Il se lève.
- Impérialistes un jour, impérialistes toujours.
Telle est la conclusion de mon communiste.
Puis il me demande si je suis passée à la boucherie Tómas
Jónsson et si j'ai acheté de quoi manger." (J'aime
beaucoup la chute sans commentaire).
En dehors de Joyce qui m'est resté en travers, les évocations
littéraires familières étaient agréables
à rencontrer : La
cloche de détresse que nous avions lu, parfois avec souffrance,
Nouveaux
contes d'hiver de Karen Blixen dont nous avions découvert
des nouvelles fort exotiques, Simone de Beauvoir qui nous a peinées
avec La
femme rompue, Thomas Mann dont nous avions aimé La
mort à Venise. Trois auteurs sont mentionnés, en
s'en réjouissant, comme homosexuels : Gide, Thomas Mann, Selma
Lagerlof (suédoise, en plus première femme prix Nobel).
On croise aussi L'Odyssée, les sagas
islandaises, La
Mère de Gorki, Ne
tirez pas sur l'oiseau moqueur d'Harper Lee (elle obtient le prix
Pulitzer pour ce qui sera son unique roman !), La
faim de Knut Hamsun (préfacé par Gide) ; cité
à plusieurs reprises avec fierté dans le livre, l'Islandais
Halldór
Laxness
eut le Prix Nobel de littérature
en 1955, mais aussi
- ô surprise - après avoir eu le Nobel de la paix
en 1952 : un double Nobel, faut le faire !
Après le livre, j'ai découvert l'autrice, très
attachante, très intéressante, dans les vidéos
ou podcasts ci-dessous. Cependant, dans l'interview approfondie de La
page blanche consacrée à notre livre, elle expose
ses objectifs et j'y trouve la raison de mon sentiment d'artifice concernant
l'époque où elle situe le livre.
Tout compte fait, je suis contente de l'avoir lu et pense que le
choix pour Lirelles était une très bonne idée
: merci à Laetitia et Anne. Et contrairement à Marie-Yasmine,
j'ai très envie d'aller en Islande, d'y retourner en fait - peut-être
en groupant avec le Groënland, que notre lecture d'Homo
sapienne m'avait donné envie de découvrir...
Anne
J'ai lu le livre en décembre et n'ai pas eu le réflexe
de prendre des notes. Donc quatre mois plus tard les souvenirs sont flous.
Cependant, en vous entendant, les sensations me sont revenues.
C'était très bien de lire ce livre à Noël, il
faisait froid sur l'île de Noirmoutier, j'étais dans l'ambiance...
J'aime l'univers des livres islandais que j'ai lus - des polars - que
j'ai retrouvé ici : les congères, la poussière volcanique
sur les trottoirs.
Globalement, j'ai beaucoup aimé ce livre. J'ai apprécié
qu'il se lise facilement.
L'ambiance patriarcale qui paraît être celle des années
60 en Islande m'a plutôt convaincue.
J'ai trouvé le sentiment qui lie la narratrice et son ami homosexuel
assez beau ; s'ils se marient, ce n'est pas que par convenance.
La relation avec le père est très belle également.
Avec ce lien aux volcans.
Quant au poète, il m'a beaucoup agacée ; mais il m'a surprise
dans le bon sens quand Hekla le quitte. Je m'attendais à une réaction
agressive, mais non, il me semble dans mon souvenir qu'il lui adresse
une lettre où il la laisse partir, sans essayer de la retenir.
Pour ce qui est de la fin, je l'interpréterais comme un fait qu'ils
ne sont pas restés en si mauvais termes. Ma réaction est
peut-être naïve, mais finalement, il pourrait contribuer à
la valoriser.
Bref, mon avis est très positif sur ce livre.
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