|
Chloé Delaume
Personnage de roman
par Thierry Guichard
Le
Matricule des Anges, n°100, février
2009
PUISQU'ON NE CHOISIT PAS SA FAMILLE, CHLOÉ DELAUME S'EST FORGÉ
UNE DEUXIÈME NAISSANCE APRÈS LA MORT, VIOLENTE, DE SES PARENTS.
S'INSCRIVANT À LA FOIS DANS LA VIE ET LA FICTION, CETTE LECTRICE
DE BORIS VIAN A SU TROUVER DANS L'ÉCRITURE UNE MANIÈRE DE
SE CRÉER UN DESTIN. MAIS LA VIE N'EST PAS UN LONG FLEUVE TRANQUILLE
Elle a eu très vite du succès. Après un premier
roman Les
Mouflettes dAtropos publié en 2000 à 27 ans,
c'est Le
Cri du sablier l'année suivante qui lui offre le prix Décembre
et un lectorat inespéré. Son minois mignon, sa coupe de
cheveux à la Louise Brooks, sa façon d'investir son époque
(musique, blog, performances, télévision) lui valent une
reconnaissance immédiate de la part des enfants d'Indochine (le
groupe de Nicola Sirkis) qui se reconnaissent en la fan qu'elle est restée,
tout autant que des avant-gardes, éphémères ou tenaces,
qui découvrent dans ses livres des voies inédites. Étrange
courant d'air frais dans "la république bananière"
des Lettres
Chloé Delaume reste lucide cependant : le malentendu est grand
selon elle et bon nombre de ceux qui ont acheté Le Cri du sablier
ne l'auront pas lu, ne la liront pas. Peu lui importe. Son troisième
roman, La Vanité
des somnambules s'ouvre par : "Je m'appelle Chloé
Delaume. Je suis un personnage de fiction", deux phrases qu'on
retrouvera dans plus d'un des livres suivants. Car oui, Chloé Delaume
est un personnage de fiction. Pour aller la voir, on peut cependant user
du train et du métro. Descendre à la station Crimée,
marcher un peu, prendre une rue laissée pour compte, ouvrir une
porte, traverser une cour, monter un étage et sonner à la
porte de gauche.
La jeune femme qui nous ouvre porte des lunettes immenses qui font d'elle
la sur des chouettes, elle se hisse sur des chaussures à
talon - façon échasses - et semelle compensée à
rendre jaloux le petit Nicolas, "des chaussures de pute"
affirme-t-elle en se cassant en deux pour nous embrasser. La jeune femme
qui nous ouvre, la première fois qu'on la rencontra, avait des
cheveux orange et ne s'appelait pas encore Chloé Delaume. Le nom
qu'elle portait, au siècle dernier, on le retrouve pour la première
fois dans son nouveau roman : Dans
ma maison sous terre. Un roman vital dont l'action tout entière
se situe dans un cimetière. Celui où la mère de l'auteur
est enterrée, après avoir été assassinée
par son mari.
Ce drame familial est à la source de l'uvre. Comment pourrait-il
en être autrement ? Si elle ne l'évoque qu'au détour
de nombreuses digressions dans Les Mouflettes d'Atropos, la scène
traumatique est au cur du Cri du sablier : "En banlieue
parisienne il y avait une enfant. Elle avait deux nattes brunes, un père
et une maman. En fin d'après-midi le père dans la cuisine
tira à bout portant. La mère tomba première. Le père
visa l'enfant. Le père se ravisa, posa genoux à terre et
enfouit le canon tout au fond de sa gorge. Sur sa joue gauche l'enfant
reçut fragment cervelle. Le père avait perdu la tête
sut conclure la grand-mère lorsqu'elle apprit le drame" (p. 19).
C'était juin 1983, Chloé Delaume avait 10 ans et ne s'appelait
pas encore Chloé. Écrite, l'histoire intime pouvait, pensait-on,
reposer en paix. C'était sans compter sur ces secrets de famille
qui finissent toujours par refaire surface. En 2004, alors que Le Cri
du sablier avait offert à son auteur une manière de
reconnaissance, Chloé Delaume apprend que son père n'était
en fait pas son géniteur. On imagine le choc quand il a fallu des
années pour faire le deuil d'un père assassin, d'une mère
assassinée et digérer l'idée qu'on est le fruit génétique
des deux
Chloé Delaume est née sous le nom de Nathalie Dalain le
10 mars ("le même jour que Boris Vian") 1973. Ses
parents vivent à Beyrouth au Liban, mais sa mère est venue
accoucher à Versailles. Beyrouth, l'enfant y passe ses cinq premières
années : "mes premiers souvenirs sont plutôt violents
à cause de la guerre. Pendant les bombardements, on se réfugiait
dans la salle de bains qui était la seule pièce à
ne pas donner sur la baie vitrée."
« Nous avons eu
un magnifique mois de juin »,
scande Le Cri du sablier.
Le père, Selim Abdallah vient d'une famille libanaise modeste
et nombreuse. Capitaine au long cours dans la marine marchande, il s'absente
régulièrement durant trois mois, revient quelques semaines,
repart. La mère, qui a fui sa famille en quittant la France pour
aller enseigner le français à Beyrouth, vient d'une famille
riche que le grand-père a ruinée en s'adonnant au jeu. Elle
se voit contrainte de rentrer avec fille et mari après qu'un obus
aura détruit leur appartement libanais.
Parce que le racisme semble chose ordinaire dans la famille ("mon
grand-père a voté Le Pen"), il faut, de retour
en France, masquer les origines du père : Selim se change en Sacha
puis en Sylvain, Chloé doit prétendre qu'il est originaire
du sud de la France et taire absolument qu'ils ont vécu au Liban
: "ce n'était pas simple pour moi. Ma mère a souffert
que l'on se soit appelés Abdallah durant quelques années.
Après la naturalisation, sur mon carnet de santé, elle a
réécrit par-dessus Abdallah le nom de Dalain. Pour la construction
de l'identité, c'était un peu compliqué. Il y avait
toute une réécriture de l'histoire familiale : j'ai été
implantée dans la fiction collective très tôt."
Aujourd'hui, Chloé Delaume parvient à imaginer la situation
de son père : "de voir son identité rejetée,
ça a dû être d'une violence inouïe pour lui. Ma
mère ne supportait pas non plus qu'il puisse commettre des fautes
de français
" Une violence qu'il sait rendre : il
suffit de lire Le Cri du sablier ou Dans ma maison sous terre
pour se faire une idée de la terreur que devait subir l'enfant.
Les coups s'abattent sur la gamine avec le consentement muet de la mère
apeurée : "Le père lui cogne la tête avec
le livre de calcul. (
) Il cogne toujours à droite. Le père
a lu dans Science et vie que c'est de ce côté du crâne
que se situe l'hémisphère défaillant de l'enfant"
(Le Cri
p. 39) La fillette est souvent - et littéralement
- mise au placard.
À Bourg-la-Reine où la mère enseigne au collège,
la famille va être contrainte de s'installer en HLM. "Ça
a été l'effondrement pour ma mère, parce que ça
se voyait qu'on n'était pas riche. Le qu'en dira-t-on était
très important chez nous. Il fallait absolument préserver
les apparences. Quand ma mère se faisait tabasser, il ne fallait
surtout pas que ça se voie. Nous avions un rang à tenir,
mais déjà petite je me rendais compte que c'était
absurde, parce qu'on ne faisait pas partie de la bourgeoisie, pas même
de la petite bourgeoisie. Mon père, probablement, gagnait bien
sa vie, mais il ne nous donnait pas son argent."
Il n'y a pas que l'argent qui manque : l'amour est aux abonnés
absents. "L'amour, c'est un truc que j'ai découvert chez
mes copines, quand je voyais les relations entre leurs parents. Quand
je découvrais qu'on pouvait s'échanger des mots doux, qu'il
y avait des familles où les enfants ne se faisaient pas taper.
Je me souviens de ma mère attendant mon père un soir de
Saint-Valentin devant la table dressée. Lui, ce soir-là,
n'est pas rentré : il était allé voir une maîtresse
ou des prostituées."
L'enfant apprend vite à lire, avant même d'entrer à
l'école. À 6 ans, son père en mer, sa mère
au collège, elle est laissée seule dans l'appartement :
"elle me préparait des assiettes froides pour que je mange
à midi. C'est aussi pour ça que l'apprentissage de la lecture
a été important : seule, tu t'emmerdes. J'ai appris tôt
car la lecture était la seule communication que j'avais avec ma
mère."
Commencée en cours préparatoire, sa scolarité est
chaotique : bonne en français, nulle en maths, turbulente en tout.
"Je m'ennuyais effroyablement. Je pigeais très vite, et
ce genre de gosses ne fait pas de bons élèves. J'avais déjà
des pulsions suicidaires
" Inscrite dans une école
catholique dont elle sera exclue en CE2 pour avoir versé de l'encre
dans le bénitier de la chapelle, elle se découvre une foi
"délirante" qui l'autorise à demander autant
à Dieu qu'au Diable la mort de son père
Après le drame du 30 juin 1983 ("nous avons eu un magnifique
mois de juin" scande Le Cri du sablier), la gamine devenue
aphasique est mise dans "une école pour gogols".
Elle restera muette neuf mois. Ses grands-parents qui l'ont prise en charge
la laissent à sa tante et son oncle quand elle réintègre
une sixième "normale". Le qu'en dira-t-on impose
qu'elle taise son histoire et qu'elle appelle désormais ses "hébergeurs"
papa et maman : "ça a été violent parce que
j'ai eu l'impression qu'on effaçait ma mère pour toujours.
On me collait chez la psy une fois par semaine et on considérait
que le travail était fait." L'enfant enchaîne alors
les tentatives de suicide, les "T.S." comme elle dit
aujourd'hui : elle en comptabilise treize depuis ses 11 ans. "Le
plus souvent par absorption de médicaments. Avec mon père,
j'étais bien placée pour savoir que le suicide exposé
au collectif, c'est indécent. Je ne voulais pas faire subir quinze
ans de psychanalyse à celui qui découvrirait mon corps mutilé
au bas d'une tour ou sur un rail de métro. La plupart de mes T.
S. étaient des appels au secours basiques."
Cest dans la revue Evidenz
quelle publie son premier texte.
Chloé Delaume devient alors
un personnage de fiction.
La collégienne doit masquer aussi ses origines libanaises : son
oncle, Georges Ibrahim Abdallah, est accusé de deux attentats sur
le territoire français perpétrés pour le compte de
la Fraction Armée Révolutionnaire Libanaise. Il est emprisonné
en 1984, il l'est toujours aujourd'hui. "Il sert de bouc émissaire."
La DST débarque chez les "hébergeurs",
le portrait des terroristes présumés est affiché
aux frontières et le nom du village familial, au Liban, fait la
Une des journaux
Dans ma maison sous terre évoque cela, ajoutant
une dimension nouvelle à l'histoire familiale.
La lecture sera donc un refuge et l'espace d'une reconstruction possible.
L'enfant lit les livres de sa mère qui ont rejoint la bibliothèque
du grand-père. "Il m'avait dit qu'elle détestait
Queneau. J'ai essayé de lire Zazie dans le métro,
je n'y comprenais rien et ça me faisait pleurer de n'y rien comprendre
et surtout, de ne pas comprendre pourquoi ma mère n'avait pas aimé
ce livre." Queneau fera partie des auteurs essentiels dans son
apprentissage de la littérature. Elle lit aussi beaucoup de poésie,
grâce au Lagarde et Michard à partir duquel sa mère
enseignait. Ophélie "de Rimbaud m'a bouleversée
: l'utilisation de la ponctuation, comment on peut mettre de la vie dans
une phrase. Dans le Lagarde et Michard, je lisais surtout les textes marqués
d'une croix : c'étaient ceux que ma mère avait fait travailler
à ses élèves. J'adorais Rimbaud. Comme pour Nerval,
je ne comprenais pas tout." Le chagrin l'accompagne : "dès
que j'entendais quelqu'un dire 'maman', j'avais les larmes aux yeux
"
Elle découvre Cocteau en sixième, puis Sartre, Camus, "je
passais beaucoup de temps à ne rien comprendre à ce que
je lisais." Elle lit Romain Gary, et, grande révélation,
Boris Vian. Sa rencontre avec L'Écume des jours, elle la
raconte à sa manière dans Les
Juins ont tous la même peau (2005) : son prénom
viendra de ce roman qui fait de la fiction une réalité ("l'histoire
est entièrement vraie puisque je l'ai imaginée d'un bout
à l'autre" écrivait Vian). "C'est lui qui
m'a ouvert tout le courant pataphysicien et oulipien. J'étais en
troisième quand je l'ai découvert."
Le groupe Indochine (auquel est consacré La
Dernière Fille avant la guerre, 2007) la renvoie à
Marguerite Duras qu'à l'époque elle ne parvient pas à
aimer ; "j'avais alors peut-être du mal avec les récits
à la première personne. Ce n'est que vers 20 ans que j'ai
vraiment découvert Duras. Balzac aussi."
L'écriture lui vient d'autant plus naturellement que sa mère
lui avait fait écrire des récits versifiés : "pour
que je lui foute la paix, elle m'expliquait ce qu'était un octosyllabe
et me demandait d'en écrire un avant de pouvoir revenir la voir.
Puis, ensuite, on passait à l'alexandrin." Elle écoute
beaucoup de musique et écrit des textes sur la mort. Elle collabore
au journal du lycée de Sartrouville et ses textes sont souvent
censurés par le proviseur car la drogue et le suicide en font l'essentiel
des thèmes. Elle n'attend pas d'avoir 18 ans pour fuir le foyer
de sa tante, passe le bac, s'inscrit en Lettres et en Arts du spectacle
à Nanterre. On trouve une trace ironique dans Certainement
pas de ces cours "principalement constitués d'analphabètes".
La romancière s'excuse : "à l'époque, je
me défonçais énormément au Lexomil et au Xanax,
donc mes souvenirs sont très flous
J'ai gardé un ami
de cette époque, notre professeur de linguistique, le pataphysicien
Marc Décimo." La fac ne lui offre que peu de découvertes
littéraires, c'est tout juste si elle peut citer Francis Ponge.
Elle quittera Nanterre à l'issue de ses deux maîtrises.
À Paris, elle rencontre l'écrivain Mehdi
Belhaj Kacem "une histoire très importante et fondatrice.
C'est aussi l'histoire la plus destructrice de ma vie. Je recréais
le couple parental ; je crois que j'attendais qu'on se tue."
MBK lui fait découvrir Pierre Guyotat, Marc Cholodenko, Jean-Jacques
Schuhl. "On était très amoureux au début.
À la fin, c'était Shining dans la maison
"
Ensemble, ils viennent s'installer à Montpellier où pendant
un an, Chloé Delaume fait l'hôtesse dans un cabaret : "c'était
de la prostitution light, on faisait des séances masturbatoires,
pas plus." On lui demande si sa situation financière était
à ce point critique : "j'ai voulu faire ce boulot parce
que je trouvais que le travail était une aliénation. J'avais
fait plein de petits jobs mal payés où la fatigue n'était
pas compensée financièrement. Je voulais connaître
aussi ce milieu de la nuit, un peu glauque. J'étais attirée
par ça aussi. Ce travail était dans ma logique de mépris
pour les hommes, la misandrie s'épanouit quand tu travailles dans
ce genre de bar. Plus tard, à Paris, ça a été
pire. J'avais choisi de travailler dans un bar du XVIe arrondissement.
Si les gamines qui travaillaient avec moi à Montpellier voulaient
qu'on les identifie comme des hôtesses, à Paris, elles n'avaient
pas peur de se dire putes. À Montpellier, on était les smicardes
du tapin alors qu'à Paris, on touchait mille francs pour le salon
et deux mille pour une passe
Évidemment, on avait toutes
un rapport compliqué au père. Quand on faisait la pute dans
le bar, on attendait toutes que notre père entre
C'était aussi pour moi la seule façon d'avoir un travail
qui n'était que corporel : mentalement, je ne me sentais pas abîmée.
Mon expérience de travail la plus violente, je l'ai vécue
quand j'étais étudiante : j'ai fait caissière chez
Carrefour. Là, le mépris des clients, tu le sentais."
Mehdi Belhaj Kacem monte la revue Evidenz fin 1999 à laquelle
Chloé participe (elle sera la co-directrice de publication au deuxième
numéro). Expérience importante où elle laisse libre
cours à son désir d'aider de jeunes auteurs à faire
connaître leurs écritures expérimentales, où,
surtout, elle va publier pour la première fois. C'est à
ce moment-là qu'elle décide de prendre le nom de Chloé
Delaume et de devenir désormais un personnage de fiction. "Evidenz
m'a permis de rencontrer plein de gens comme Éric Arlix"
(fondateur des éditions é®e où elle a publié
deux titres, ndlr). À Paris, Mehdi et elle vont vivre "en
communauté" avec l'équipe de la revue Tiqqun
qu'a créée Julien Coupat. Le même qui en novembre
dernier a été arrêté et emprisonné,
soupçonné d'avoir saboté des caténaires de
TGV. "Cette cohabitation avec les Tiqqun a été un
moment charmant. On se réunissait quasiment chaque jour. J'ai appris
plein de choses. Par exemple sur le féminisme italien. J'ai mieux
exploré Debord et Foucault. Mehdi était dans la philosophie
pure alors que les Tiqqun cherchaient à appliquer la pensée
au politique."
Evidenz lui ayant mis le pied à l'étrier de la publication,
Chloé confie le manuscrit de son premier roman, tiré de
son expérience de la prostitution, à Michel Surya, directeur
de la revue Lignes. Impressionné, le futur éditeur
confie le manuscrit aux éditions Al Dante et à Farrago.
Quinze jours plus tard, le directeur de Farrago, Jean-Pierre Boyer, accepte
de la publier : "parce que Michel Surya l'avait saoulé
en lui répétant qu'il fallait du sang neuf. Jean-Pierre
Boyer a été malicieux. J'avais écrit mon texte en
colonnes, ça faisait quatre cents pages et c'était illisible,
mais je ne voulais pas qu'on y touche. Il m'a fait croire à une
mauvaise manipulation de son ordinateur et j'ai bien été
obligée de me rendre compte qu'il avait raison de vouloir une mise
en page plus classique."
Alors qu'elle écrit le livre suivant, la séparation avec
Mehdi est consommée et la revue Evidenz ne survivra pas
longtemps au clash. Farrago publie Le Cri du sablier. Ironie du
sort, le livre se trouve finaliste du prix Décembre, en compétition
avec Essence n de l'amour de
Mehdi Belhaj Kacem. C'est Chloé
Delaume qui remporte le Prix décerné cette année-là
par un jury où figure Daniel Schneidermann avec lequel elle travaillera
plus tard pour la défunte émission Arrêt sur images
sur France 5.
Dix mille exemplaires du Cri du sablier seront vendus. Chloé
Delaume est alors très médiatisée ce qui lui vaudra
des jalousies et des aigreurs. "J'étais heureuse, parce
que j'étais bien entourée. Michel Surya, Jean-Paul Curnier
et Léo Scheer m'ont protégée. C'était un peu
un conte de fées que ce soit sur ce livre-là, où
je parle de la mort de mes parents, que le succès est venu. Mais
Mehdi méritait plus que moi d'obtenir le prix. Il avait déjà
une uvre considérable derrière lui."
Depuis La Vanité des somnambules (2003), Chloé Delaume
pensait en avoir fini avec l'histoire familiale. Ses livres nous la montraient
personnage du Cluedo réglant ses comptes avec cette ironie et cet
humour qui signent tous ses livres. L'autofiction usait de sa connaissance
de la télévision pour fustiger la colonisation des cerveaux
à quoi sert le petit écran. On la vit même se transformer
en un personnage du jeu "Les Sims", réinventer le roman
"dont vous êtes le héros" avec La
nuit je suis Buffy Summers. Du "je" au"jeu",
la littérature semblait avoir engendré pour Chloé
Delaume une vie entre fiction et réalité.
Reste qu'en 2004, par l'intermédiaire d'une cousine, la grand-mère
maternelle révélait que Selim/Sylvain n'était pas
son vrai père. Révélation indigeste : Le Cri du
sablier tournait autour de cette idée de l'héritage
schizophrénique auquel la fille d'un meurtrier ne peut pas ne pas
penser. Chloé Delaume est née de là : de cette impossibilité
à être à la fois la fille d'un assassin et celle de
sa victime. Tout s'effondrait. Il lui aura fallu quatre ans pour redonner
le mot de la fin au livre. Écrit pour tuer, Dans
ma maison sous terre, son nouveau roman nomme enfin celle qui
a donné son corps à Chloé Delaume : Nathalie Dalain.
C'est comme si, le livre terminé, cette morte-là pouvait
enfin reposer en paix. Et Chloé reprendre ce jeu dont elle peut
inventer les règles : écrire "je m'appelle Chloé
Delaume, je suis un personnage de fiction" et vivre alors ce
que la fiction déroulera.
"Personnage
de roman", par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges, n° 100 , février 2009
À noter : elle a travaillé de 1998 à 2001 au Matricule
des Anges sous son vrai nom. Ce passé a sans doute permis au
rédacteur en chef du Matricule, Thierry Guichard d'obtenir
ce parcours détaillé.
L'interview date de 2009. Ensuite elle publiera :
2009 : Eden
matin midi et soir, ill. François Alary, éd. Joca
Seria
2009 : Narcisse et
ses aiguilles, L'Une & l'autre
2010 : Au
commencement était l'adverbe, ill. François Alary,
éd. Joca Seria
2010 : La Règle
du je, PUF
2011 : Le Deuil des
deux syllabes, L'Une & l'autre
2012 : Une
femme avec personne dedans, Seuil, rééd. Points
2012 : Perceptions,
ill. François Alary, éd. Joca Seria.
2013 : Où
le sang nous appelle, avec Daniel Schneidermann, Seuil
2015 : Vous aimez beaucoup
voyager, ill. François Alary, éd. du Cimetière
2015 : Alienare,
avec Franck Dion, Seuil
2016 : Les
Sorcières de la République, Seuil, rééd.
Points
2019 : Mes
bien chères surs, Seuil
2020 : Le
Cur synthétique, Seuil, rééd. Points
2023 : Pauvre
Folle, Seuil
2024 : Phallers,
Points
Elle sera un an en 2011-2012 pensionnaire à la Villa Médicis.
Mariage n° 1 - 1999-2002 avec Mehdi Belhaj Kacem
Mariage n° 2 - 2006-2013 avec Thomas Scotto d'Abusco
Autre compagnon : Daniel Schneidermann qui avait une maison
en Touraine où elle vivait au vert....
=>
Retour à la page Chloé Delaume
|