L'ambiance violette est particulièrement appropriée à
ce livre où cette couleur revient régulièrement...
Chloé Delaume, dorigine franco-libanaise,
est née à Versailles en 1973. À lâge
de dix ans, elle est témoin du meurtre de sa mère par son
père et du suicide de celui-ci.
Son nom décrivaine est bien plus quun simple
pseudonyme : elle porte le prénom de lhéroïne
de LÉcume des jours de Boris Vian et son patronyme
est emprunté à Antonin Artaud qui, à lépoque
où il était hospitalisé à Rodez, a traduit
le 6e chapitre de La Traversée du miroir de Lewis Carroll,
sous le titre « Larve et laume ».
Ce n'est qu'un début...
Mais revenons d'abord
en arrière... Pour en savoir davantage, cliquez ici
pour avoir des détails.
Sans ces détails relatifs à
l'enfance et la jeunesse, la fiche
Wikipédia est bien mise à jour.
Fictions et autofictions
2000 : Les
Mouflettes dAtropos, Farrago, rééd. Folio
2001 : Le
Cri du sablier, Farrago/Léo Scheer, rééd.
Folio
2001 : Mes week-ends
sont pire que les vôtres [en ligne], éd. du Néant,
9 p.
2003 : La Vanité
des somnambules, Farrago/Léo Scheer
2003 : Monologue pour
épluchures dAtrides, CipM
2003 : Corpus Simsi,
Léo Scheer
2004 : Certainement
pas, Verticales, rééd. Points
2005 : Les
Juins ont tous la même peau : rapport sur Boris Vian, La
Chasse au Snark, rééd. Points
2006 : J'habite
dans la télévision, Verticales, rééd.
J'ai lu.
2007 : La nuit je suis
Buffy Summers, éd. è®e
2007 : Chanson de geste
& opinions, Mac/Val
2007 : La Dernière
Fille avant la guerre, Naïve Sessions
2007 : Transhumances,
éd. è®e, fiction radiophonique
2008 : Dans
ma maison sous terre, Seuil
2009 : Eden
matin midi et soir, ill. François Alary, éd. Joca
Seria
2009 : Narcisse et
ses aiguilles, L'Une & l'autre
2010 : Au
commencement était l'adverbe, ill. François Alary,
éd. Joca Seria
2011 : Le Deuil des
deux syllabes, L'Une & l'autre
2012 : Une
femme avec personne dedans, Seuil, rééd. Points
2012 : Perceptions,
ill. François Alary, éd. Joca Seria.
2013 : Où
le sang nous appelle, avec Daniel Schneidermann, Seuil
2014 : Conversations
entre onze heures et minuit, n° 1, éd. du musée
Balzac
2015 : Vous aimez beaucoup
voyager, ill. François Alary, éd. du Cimetière
2015 : Alienare,
avec Franck Dion, Seuil
2016 : Les
Sorcières de la République, Seuil, rééd.
Points
2020 : Le
Cur synthétique, Seuil, rééd. Points
2023 : Pauvre
Folle, Seuil
2024 : Phallers,
Points
Essais
2008 : S'écrire
mode d'emploi, publie.net
2010 : La Règle
du je, PUF
2019 : Mes
bien chères surs, Seuil
Collaborations, ouvrages collectifs
2004 : Tout
sera comme avant, Collectif Dominique A, éd. Verticales
2006 : Un
toit : nouvelles sur le logement, éd. Le Cherche Midi
2007 : Neuf
Leçons de littérature, collab. avec Michel Butor,
Pierrette Fleutiaux, et Hédi Kaddour, éd. Thierry Magnier
2010 : Sillages,
avec Christian Garcin, Michaël Glück, ill. Marc Torikian, Cadex
éditions, nouvelles
2012 : Noël
: quel bonheur !, Armand Colin, 13 visions de Noël
2019 : Back
Office, n° 3 "Désign graphique et pratiques
numériques", B42
2021 : Lettres
aux jeunes poétesses, collectif, L'Arche
2021 : Sororité,
dir. ouvrage collectif, Points
Site
Le site de Chloé Delaume, très
esthétique, rend bien compte de la diversité de ses créations.
Il fait lui-même partie de ses réalisations artistiques :
https://chldelaume.net/
Quelques
articles sur le livre
|
- "Chloé Delaume,
une dernière introspection avant la fin du monde", Sophie
Joubert, L'Humanité, 23 août 2023. Extrait :
Dans ce conte gothique qui avance au rythme lent
du train, les sorcières ont baissé la garde et la «
Tueuse » est « devenue gourdasse en crinoline », prisonnière
volontaire du « mythe de l'âme sur ». Avec quelques
alexandrins cachés, Pauvre Folle affronte en fiction l'envers
de la théorie dépliée dans Mes bien chères
surs, boîte à outils pour lutter contre le patriarcat,
Clotilde Mélisse personnifiant le conflit ultérieur entre
la féministe et la midinette. Sans cesse ramenée aux béances
de l'enfance, Chloé Delaume descend au plus profond d'elle-même
dans un roman lucide et courageux qui se lit d'une traite, jusqu'au
terminus.
- "Eparpillée façon
puzzle", Elisabeth Philippe, Le Nouvel Obs, 19 août
2023. Extrait :
Durant le voyage, elle ouvre son
crâne pour en extraire ses souvenirs, qui prennent la forme de
pierres précieuses ou descalope suintante, et tente de
recomposer le puzzle de sa vie tourmentée. Ce puzzle, cest
aussi celui de Chloé Delaume, prix Médicis 2020 pour le
Cur
synthétique, et familière de lautofiction
depuis les Mouflettes
dAtropos, paru en 2000. Écrit dans une langue fluide
quon dirait tissée de vers blancs, Pauvre Folle
fait entendre toutes les voix de lautrice : lexpérimentale,
la déjantée, la féministe, la lyrique, la surréaliste...
Un chur chaotique et tendrement mélodieux.
- "Les confessions sans fards
d'une quinquagénaire : une autofiction d'une irresistible clairvoyance",
Marine Landrot, Télérama, 18 août 2023. Extrait
:
De pareilles éclaboussures littéraires,
aux couleurs rares et tranchées, à la trajectoire qui
fait mouche, on en tapisserait volontiers son intérieur, murs,
plafonds, planchers. Concentré de trouvailles lexicales, de clairvoyance
à courte ou longue focale, et de drôlerie monumentale,
chaque phrase de cette autofiction semble tenir du premier jet parfait.
- "La matière grise
de Chloé Delaume", Raphaëlle Leyris, Le Monde,
17 septembre 2023. Un article qui élargit à son uvre
en général. Extraits :
Anciens ou nouveaux, les lecteurs de Chloé
Delaume trouveront dans lenthousiasmant Pauvre
folle nombre déléments
sur lesquels elle bâtit son uvre depuis vingt-trois ans.
Alors que son uvre fera dans quelques mois lobjet dun
colloque international, Chloé Delaume sest livrée
à une petite répétition en discutant avec «
Le Monde des livres » de trois aspects de son travail. (AUTOFICTION,
METRIQUE, JEU)
- Un article négatif (mais il a fallu chercher...) : "Pauvre
Folle de Chloé Delaume", Shangols, 6 septembre
2023. Devinette : l'auteur de l'article est-il un homme ou une femme ?
Extraits :
Avec son écriture heurtée, difficile
à suivre, qui jongle avec la ponctuation sans parvenir à
lui faire dire quoi que ce soit, Delaume énerve dès
le départ.
Très vite, elle tombe dans des travers très dommageables
: une écriture crâneuse, de petite maline, voulant à
tout prix se ranger parmi les "guérillères",
les sorcières, derrière les grands noms de lactivisme
féministe le plus trash. C'est peu de dire que ça lui
va mal au teint. Tout semble artificiel, insincère, faux, dans
ce roman qui cherche absolument à en être, quitte à
en rajouter trois louches. Delaume crâne ostensiblement avec
ses motifs fatigants de femme en guerre qui a tout compris à
la société de guerre des sexes, qui sait mieux que nous
en tout cas. En se plaçant ainsi au-dessus de ses lecteurs
(les hommes, parce qu'ils sont ridiculisés quelle que soit
leur position sur les femmes ; les femmes parce qu'elles sont considérées
comme des pauvres victimes un peu concons), elle se montre désagréablement
prétentieuse, et produit un livre qui énerve.
Des interviews,
à lire, écouter et/ou regarder :
à lire :
- par Marion Olité, sur le site Madmoizelle,
27 septembre 2023
à écouter :
- par Eva Bester, Grand
canal, France Inter, 7 septembre 2023, 50 min
- par Soazic Courbet, dans le podcast
de la librairie lilloise L'Affranchie, 19 octobre 2023, 39 min
- par Marie Richeux, dans Le
Book Club, France Culture, 28 août 2023, 58 min.
- par Lauren Bastide, Folie
douce (qui a pris la suite du podcast La Poudre), 1er février
2024, 76 min.
à écouter et/ou regarder :
- par Elisabeth Philippe, à la Maison de la poésie, avec
des lectures par l'auteure, 10 octobre 2023, 1h, audio
ou vidéo.
Chloé Delaume est la reine de l'autofiction.
Voici ce qu'elle dit de la fiction :
Jai
un rapport particulier aux personnages de fiction, quels quils
soient. Parce que jen suis devenu un moi-même. Parce que
ce sont eux qui nous forgent, nous accompagnent et parfois veillent.
La lecture et la vie, apprentissage commun, transmission et partage,
le rapport au monde se modifie,
lâme relativise ses chagrins, le corps reste vivant, les
héros se sacrifient sans que le papier ne tremble. Les héroïnes
du XIXe, à part Nana, je nen naime aucune. Emma Bovary
minsupporte, Madame de Rênal mexaspère tout
autant que Madame Arnoux, et quand Gervaise est enfin morte, jétais
bien aise quelle soit moisie. Mais Henriette de Mortsauf, cest
pire. Une véritable ennemie, une insulte à lintelligence,
ses bondieuseries, ce romantisme. Lexistence par procuration,
la jouissance dans le renoncement. (Chloé Delaume, à
propos de l'héroïne de Balzac)
Chloé Delaume
tente la réflexion littéraire avec La
règle du Je : autofiction, PUF, 2010, 96 p.
: un essai quand même bref ! D'autres vont se charger d'en écrire
des pages...
Elle est en effet un objet d'études universitaires,
dont voici quelques exemples :
- un article : "Virturéalité
et autogenèse : les (re)constructions de 'Chloé Delaume'
sur chldelaume.net", Laurent Milesi, Genesis, 50,
2020
- un numéro de revue : "Sécrire
Chloé Delaume", textes réunis par Annie Pibarot
et Florence Thérond, revue Komodo 21, n° 6, 2017,
suite à une journée d'étude en 2014
- un colloque carrément, et carrément international : "Chloé
Delaume : une uvre intermédiale", 17-18-19 janvier 2024
- colloque dont le programme
est impressionnant.
Et
voici NOS RÉACTIONS sur le livre
Ce
26 mai 2024, nous sommes 15 à
avoir lu livre :
- en direct (7) : Anne,
Claire Bi, Claire Bo, Joëlle L, Marie-Yasmine, Muriel, Patricia
- par zoom (2) : Agnès,
Laetitia
- par écrit (6)
: Aurore, Felina, Flora,
Nelly, Sophie, Véronique.
Prises ailleurs
: Joëlle M, Nathalie, Sandra, Stéphanie.
Aurore
(avis transmis)
Je ne savais pas trop à quoi m'attendre en lisant le livre, j'ai
été ravie dès la page 19 (!) "la petite Aurore
: tout le monde l'appelle Horreur" (un classique !). J'ai quand
même poursuivi ma lecture après avoir pouffé de rire
un bon coup. Clotilde, apparemment le double de l'autrice, est amoureuse
d'un homme gay qui semble plutôt bi. Elle décide donc de
prendre le train pour revivre sa vie et trouver une issue à son
dilemme. J'ai beaucoup aimé le fait de la suivre au gré
des stations, égrenées par les chapitres. J'ai aussi beaucoup
aimé la poésie des souvenirs (Clotilde dit plusieurs fois
qu'elle coud/pose le puzzle des souvenirs) et surtout, surtout, le langage
de l'amour que les deux amants inventent (la clairière, les falaises),
tout comme la réflexion : "Est-ce que la poésie
suffit pour que vive une histoire d'amour ? Est-ce que ça se tricote
avec des mots, une langue, plutôt qu'avec des gestes et des mouvements
du corps, une histoire d'amour ?" (p. 84)
Le livre est assez difficile à résumer tant il est riche
; l'histoire d'amour, le retour et les retrouvailles avec cet être
jadis tant aimé, représentent ce qui m'a attirée
de prime abord, avant de commencer la lecture. J'ai aimé suivre
cette histoire vouée à l'échec bien qu'elle m'ait
également barbée au bout d'un moment (la technique de l'ignorance
a fini de m'achever). Finalement, le début du livre est la partie
qui m'a le plus intéressée, celle où la narratrice
évoque son enfance et ses troubles psychiques (très bien
décrits).
L'autrice aborde également de très nombreux thèmes,
peut-être un peu trop, le livre devient un peu fourre-tout : troubles
mentaux, célibat, prostitution, sororité, #MeToo, Virginie
Despentes, Adèle Haenel (on se lève et on se casse,
p. 62), luttes féministes, catégorisation des hommes (chapitre
ultra savoureux !), misandrie, politique, industrie du cinéma vs
industrie de la littérature. Tout ça pour écrire
de longues lignes sur un amour impossible avec un homme gay qui devrait
lui permettre de sortir de l'hétérosexualité patriarcale,
ça ou le célibat comme seule solution puisque qu'elle a
rencontré UNE femme avec qui tout s'est mal passé, mouais...
Quant au devenir "politiquement lesbienne", cela me dépassera
toujours.
Par contre, j'ai souvent été déconcertée par
le style : "Plus le temps passait plus elle assimilait la vie
de couple à un évier, un évier en inox, avec sa vieille
éponge qu'il serait temps de changer, mais tout le monde a la flemme
de passer au Franprix." (p. 56) (on a connu métaphore
plus poétique...) Ou encore : "Elle ajoutait souvent que
la désertion des hétéras vers le royaume des guerrières
supposait que Goudouland soit l'Armée du salut" Ou encore
: "qui exige un coup de vent peut en mordre la poussière"
(p. 161).
En résumé... J'ai aimé livre sans l'aimer. Je ne
me suis pas ennuyée, j'avais même hâte de le retrouver,
mais certains éléments ainsi que le style m'ont déconcertée.
Pas sûre de lire un autre Chloé Delaume...
Sophie
(avis transmis)
J'ai beaucoup aimé avec malgré tout deux réserves.
Première réserve : au premier chapitre, l'entrée
dans la lecture m'a été difficile, car je ne comprenais
pas ce qu'elle disait, trop de références, trop de mots
compliqués, un style complexe : "Le Saint-Jean gaze précède
la collapsologie." Je n'ai rien compris, et je n'ai pas cherché
à comprendre, car je déteste les lectures studieuses, chercher
les références et les définitions, j'aime qu'elles
se comprennent par le contexte. Donc ça commençait mal.
Ce que j'ai aimé : Le second chapitre m'a immédiatement
conquise, parce qu'il est question d'une narration. Comment l'héroïne
tombe en amour pour la poésie et la littérature. Le récit
intime, la passion palpable, les références aux années
80 (Arcopal, Dunhill, le Tang, the Cure, les Docmarteens, les keffiehs
et bandanas) m'ont très vite fait ressentir de l'empathie pour
le personnage de Clothilde.
Ses traumas qu'elle subit à 10 ans m'ont particulièrement
touchée car cela fait vraiment beaucoup (d'autant qu'ils sont autobiographiques
)
: féminicide de sa mère par son père, suicide de
son père, puis arrivée dans une nouvelle famille "bac-5"
dans laquelle elle doit ne pas mentionner son histoire et appeler sa tante
"maman" et son oncle, "papa". Cette histoire paraît
incroyable. Puis conséquences de ses traumas, dépression,
TS, bipolarité et histoires sentimentales difficiles.
Sa passion pour l'écriture sera salvatrice et résiliente,
même si elle se défend de ce concept. Et en même temps
l'entraîne vers un monde irréel avec cette histoire amoureuse
dans lequel le retour à la réalité sera un choc douloureux.
Le fil conducteur du voyage en train permet un départ et une arrivée,
et un flux de pensées, entre narration, analyse et questionnement.
Les thèmes traités et leur questionnement, la découverte
fulgurante et passionnelle de la poésie & littérature
qui l'amèneront à la création par l'écriture,
l'héritage maternel de cet amour, le féminicide et le suicide
d'un parent, les conséquences des traumas, la dépression,
les TDS, la bipolarité, le patriarcat et l'hétérosexualité,
le lesbianisme, la prostitution, la voyance, les histoires d'amour, l'ennui
dans le couple, l'idéalisation d'une relation passionnelle en dehors
de toute réalité, l'emprise amoureuse, le réconfort
de son chat citrouille, et, et, et*
La couverture est remarquable tant elle résume son propos. Une
image surprenante à la fois irréelle et construite, douloureuse
et drôle à la fois, et hyper symbolique. La reine qui dégringole
de son idéalisation, le chat citrouille transformé en lapin,
que lui imposera son objet de fixation "son monstre". Le livre
à la frontière de plusieurs styles, comédie dramatique
et essais psychologique, sociétale voir même philosophique.
Le style est surprenant, poétique et drôle :
-
les noms d'oiseaux : "Mademoiselle tête de Faon"
et leur analyse symbolique "la Reine", "le
Monstre", "elleetlui"
- la narration : "Le trio devint la Triade et s'inventait tant
d'aventures que se rendre au supermarché relevait de l'épopée
homérique".
- ses ressentis : "Se prendre un vaudeville dans la gueule,
Clotilde n'apprécia pas des masses", "Ainsi
sont morts les amants d'encre, la volupté en strophes, le chaos
à la rime ; du lever au coucher reliés par la chaîne
d'or d'un amour impossible"
- les références culturelles : "La voilà
donc qui rêve qu'elle collabore avec Guillaume, qu'ils ont décidé
de tourner une variation autour d'un film de Sophie Calle réalisé
en 1995, No Sex Last Night, où l'artiste traverse en Cadillac
les États-Unis avec Greg Shepard afin de sauver leur couple par
un road movie ; caméscopes respectifs, une heure et douze minutes.
Et pendant que son souffle parfaitement régulier s'échappe
de sa bouche entrouverte, elle se voit avec lui partir, la Reine en
crinoline".
- le titre des chapitre : "La vie cinéma"
- mon passage préféré parce qu'il reprend une question
féministe des années 70 (enfin je crois que c'est des
années 70
) : "Clotilde éprouvait de l'aversion
pour les personnes exerçant le pouvoir patriarcal, pas pour tout
être humain doté de testicules. En fait elle était
juste antiphallocrate, mais le terme semblait éculé. Ce
qu'elle détestait, ce n'était pas le couillidé
par essence, c'est ce qui le constituait socialement et culturellement
; ce qu'elle méprisait, c'était son orgiaque brutalité
à s'emparer de tout ce qu'il trouve. Seulement, évidemment,
ça soulevait des questions. Le féminisme radical est-il
compatible avec une histoire d'amour hétérosexuelle ?
Tant que les privilèges ne seront pas abolis, comment ne pas
se dire je couche avec l'ennemi, et se projeter tondue à la Libération
? ".
En
dehors de cette lecture, j'ai aimé :
-
les références
à son prénom et nom d'autrice
-
l'autrice, qui foisonne de projets et créativités
avec son site riche +++
Ma seconde réserve : *Les thèmes trop nombreux font
un peu trop fourre-tout.
Conclusion : super découverte malgré tout. Ce livre
me trotte dans la tête. Et me donne l'envie de lire ses livres.
Nelly
(avis
transmis)
J'ai eu du mal avec ce livre car bien qu'il m'ait en quelque sorte captivée,
j'ai ressenti des impressions différentes selon les chapitres,
souvent du malaise, de l'exaspération et parfois même du
dégoût.
Évidemment, on est saisi dès les premières lignes
par la violence de ce qui arrive à la narratrice et aussi par la
manière dont elle le raconte. Qu'il n'y ait pas de mesure dans
sa haine envers son père et le système patriarcal est largement
compréhensible, et qu'elle ait pu se reconstruire après
un tel cauchemar force l'admiration, mais sa vision noire de l'existence
la poursuit absolument dans tout ce qu'elle raconte, même quand
elle parle d'amour. J'y ai vu surtout une détermination absolue
à maîtriser ses émotions et une auto-analyse permanente
qui donne l'impression que l'écriture lui permet juste de se regarder
vivre. Elle est dans une constante stratégie : pas de spontanéité,
pas de laisser aller, pas d'émotion. Quelques scènes laissent
une place à la sensualité : la scène du coup de foudre
par exemple, qui est assez jolie, à souligner par rapport à
d'autres passages à l'opposé franchement écurants
(le chapitre sur sa période prostitution).
Il semble que rien ne l'impressionne. Cela met mal à l'aise, ce
qui est probablement l'effet recherché.
Je peux apprécier le sarcasme, pas le mépris. Ce n'est qu'un
détail, mais le surnom de l'évier pour le partenaire de
Guillaume par exemple, est vraiment laid et méprisant.
J'aurais aimé être séduite par l'écriture,
mais la volonté de dimension poétique par la richesse des
mots ne m'a pas du tout charmée. Je n'y ai pas vu d'esthétisme.
Le côté politisation et militantisme autour du choix de sa
sexualité m'a agacée. Je l'ai rencontré chez d'autres
auteures, mais je n'adhère pas à l'expression "choisir
d'être lesbienne". Le lesbianisme politique, je ne comprends
pas, je n'ai pas été plus convaincue par ses démonstrations.
Curieusement, par ailleurs ce personnage n'échappe pas aux clichés
hétérosexuels, quand il s'agit de se comporter comme une
midinette dans l'attente de Guillaume chez elle, pour l'arrivée
de Guillaume (talons aiguilles, petite robe).
Un détail qui m'a semblé incohérent : la première
fois que Clotilde doit affronter le partenaire de Guillaume il s'appelle
Stéphane, et à la fin c'est Juan : est-ce voulu ?
Je reconnais des qualités à ce livre dérangeant,
un côté "coup de poing" qui ne laisse pas indifférent.e,
mais je n'ai pas pris tellement de plaisir à le lire.
Agnès
Jai lu Pauvre folle de Chloé Delaume il y a plusieurs
mois et cest un livre que jai beaucoup aimé. Jai
donc soutenu cette proposition de lecture, sans pour autant relire louvrage.
J'ai le souvenir davoir été conquise par lhumour
mordant de lautrice (par exemple, je trouve sa galerie de portraits
d'hommes depuis #MeToo savoureuse) et par son style vivant, vif, cru et
poétique à la fois. Les chapitres consacrés au mouvement
féministe actuel mont paru très intéressants
et éclairants. Ce qui est dit au sujet des lesbiennes politiques
aussi (et on pourrait la mettre en dialogue avec Virginie Despentes au
sujet de la fameuse expression "devenir lesbienne").
Par ailleurs, le portrait de son père et la relation de ce qu'elle
a vécu enfant est glaçant (je ne connaissais pas tout le
déroulé de l'événement).
Seul bémol, le développement de l'histoire d'amour entre
l'héroïne et cet homme (même gay) ma semblé
souffrir de quelques longueurs.
De Chloé Delaume, jai lu Les
Sorcières de la République et l'essai Mes
bien chères surs. En plus de son engagement dans
le mouvement féministe, de son activisme qui fourmille de propositions,
de sa lucidité (sur elle-même), japprécie sa
gouaille et son énergie.
Marie-Yasmine
J'ai lu ce roman sourcils froncés et en soupirant régulièrement.
L'histoire d'amour ne m'a pas séduite, et plutôt navrée.
Les scènes d'amour m'ont plutôt rebutée et le style
d'écriture ne m'a laissée perplexe, même si je ne
peux dénier un vrai travail.
J'ai été très agacée par les coupures régulières
dans l'histoire, destinées à nous faire des leçons
de féminisme, de psychanalyse ou de militantisme. Quand un roman
est bien construit, il n'a pas besoin de s'interrompre pour exposer une
idée aussi directement, les concepts doivent s'intégrer
dans la narration. J'ai même sauté les pages "portraits
post #MeToo" parce que j'avais l'impression de lire un article de
Madmoizelle, et que je n'étais pas vraiment là pour
ça.
C'était une lecture pénible, mais je suis tout de même
heureuse de l'avoir achevée. Chloé Delaume a un style bien
affirmé et c'est intéressant de le découvrir.
Claire
Bi
Si Marie-Yasmine soupirait, pour ma part j'ai soufflé et levé
les yeux au ciel tout du long. Je l'ai fini pour en parler ici, sinon,
vraiment, j'aurai arrêté.
C'est le premier livre que je lisais de Chloé Delaume. Je savais
qu'elle faisait plein de choses, qu'on partagerait probablement le même
point de vue sur le féminisme et qu'elle avait un passé
traumatique, mais je n'avais par contre pas mesuré à quel
point c'était une star de l'autofiction, ni jusqu'où elle
la pousse dans son travail. C'est un genre que je connais peu, mais pourquoi
pas.
J'ai aimé le voyage en train où les souvenirs défilent
façon Zone
de Mathias Énard, ou quand elle interroge en creux ce que deviennent
le désir et l'amour qu'on essaie de réveiller d'une histoire
ancienne. Certains passages sont assez drôles : la comparaison laconique
d'un couple avec un évier, certains portraits de la galerie post
#MeToo,
même si elle est un peu longuette, comme le livre de façon
générale : à la 40e fois où elle nous dit
que Clothilde a le ventre troué par le 10050e mail du pauvre type
qui l'obsède depuis douze chapitres, on a envie de crier ça
suffit, et on ne peut qu'être d'accord avec les conseils de ses
amis, et comme eux assez abattue.
Peut-être aussi que je n'avais pas envie de me plonger dans les
paradoxes d'une féministe qui se retrouve dans toutes les impasses
hétéros possibles - elle va quand même passer son
année de résidence à la villa Médicis obsédée
par cette histoire affligeante d'ennui et de mégalomanie à
la 3e personne. Peut-être que le fait qu'elle soit capable de l'énoncer
clairement, tout en ne pouvant s'empêcher de remettre une pièce
dans la machine, m'a déprimée et que même si c'est
un fonctionnement bien croqué, ce n'était pas ce que j'avais
envie de lire. J'ai bien senti qu'il pouvait y avoir plusieurs fils à
tirer, du côté de l'auto-sabordage, de l'enfance ou des troubles
psychiques. Mais je n'accroche vraiment pas à son écriture.
Je la trouve peu travaillée, voire j'ai parfois eu l'impression
de lire un premier jet (je ne suis d'ailleurs pas la seule, une critique
a écrit que c'était une sorte de 1er jet génial.
Mouais.) Sa mère lui a appris à écrire des alexandrins
quand elle avait huit ans ? Allez hop, on met des alexandrins partout.
On adore L'écume des jours ? Allez, on fait des puzzles-gélatine
de cerveau et autres images du même genre. Pour quelqu'un accordant
tant d'importance à la poésie, j'ai trouvé le monde
imaginaire censé surgir de leur correspondance bien pâlichon
- c'est sans doute voulu de sa part, mais ça m'ennuie et ce n'est
même pas beau.
À mi-chemin je suis allée voir ce que Claire avait mis en
ligne sur son
travail et sa biographie, et qui a forcément modifié
ma lecture. Je suis restée songeuse concernant ce qu'elle a fait
de son passé : là aussi, il y aurait des fils à
tirer mais l'écriture me bloque. J'ai eu l'impression enfin de
lire un fourre-tout d'opinions post
#MeToo
qui ne m'a rien appris, fait en plus pour éduquer
le lecteur, ce qui ne m'intéresse pas beaucoup.
[Après discussion avec le groupe et ayant compris
jusqu'à quel point TOUT est autofiction dans ce qu'elle écrit,
je comprends que le geste littéraire soit intéressant à
étudier et malgré le côté règlement
de comptes rive gauche, ça me l'a rendue sympathique. Elle est
un peu givrée, dommage que son écriture me rebute. Son
site m'en a appris plus sur sa démarche : j'hésite entre
trouver ça intéressant drôle et troublant, ou alors
mégalo et ennuyeux. Probablement un mélange des deux].
Anne
Au
début j'ai cru que je n'allais pas aimer, car il y avait des phrases
que je ne comprenais pas, comme par exemple "Le peuple des pyjamas
bleus est de tant tellement proche, une épée de Damoclès
en coton toujours rêche" ou "Au fond de ses pupilles
s'étend si cru un ciel d'orage, Clotilde s'est construite sur des
marais de fange que sa colère assainit". Mais ce n'était
qu'au début.
Avec son humour, elle m'a conquise. J'ai pouffé de rire en lisant
certains passages, ce qui ne m'arrive rarement en lisant un livre. Et
j'ai lu le livre avec plaisir.
J'ai aimé les thèmes traités, comme celui de la "lesbienne
politique", la sororité, la sorcellerie, l'écologie,
les chats
Le fil conducteur du train et du puzzle aux drôles de formes, ça
m'a amusée.
Le moment où elle aborde le sujet de la prostitution m'a fait penser
à King
Kong Théorie de Virginie Despentes, et je me suis dit qu'il
serait intéressant de les voir échanger, sur différents
sujets qu'elles abordent toutes deux dans leurs livres.
Les petits "moi" qui dialoguent au sein d'elle-même, j'ai
trouvé ça intéressant, et Relouta m'a bien fait marrer.
Certains passages m'ont rappelé que je suis contente de ne pas
être hétéro pour ne pas avoir à me poser la
question de ma place et de la place de l'homme dans le couple.
Pour finir, j'ai donc eu peur de ne pas tout comprendre au début
dans ce livre, mais j'ai vite adhéré à ce mélange
d'aspects dramatiques et d'autres drôles. Cela me donne envie de
lire d'autres livres de cette autrice.
Patricia
J'ai beaucoup aimé ce livre, à mon avis un des meilleurs
livres de cette saison Lirelles (après peut-être Louise
Erdrich).
Je ne connaissais
pas vraiment Chloé Delaume, je m'attendais plus à quelque
chose comme Amélie Nothomb, peut-être à cause de leur
ressemblance physique et de leur franc-parler, alors que finalement cela
n'a vraiment rien à voir.
J'ai trouvé Chloé Delaume extrêmement talentueuse.
J'ai surtout beaucoup, beaucoup aimé son écriture et la
façon dont elle traite les sujets dans ce livre, qui sont, en fait,
les thèmes autobiographiques récurrents favoris de son uvre.
Ici, elle traite tous ces sujets de façon très originale.
J'ai connu peu d'écrivains contemporains qui soient aussi doués.
J'y retrouve l'inspiration de Boris Vian, dans le surréalisme,
comme ses souvenirs qui sont des objets de forme et de texture variables
qui évoluent, et se modifient dans le temps. J'y ai aussi vu certaines
ressemblances avec l'écriture d'Hélène Cixous (par
exemple, des formules qu'elle utilise souvent, et une certaine folie)
ou Milan Kundera (onirique comme le dialogue avec son chat Citrouille)
Il y a également beaucoup d'humour et d'autodérision.
Ce que j'ai trouvé magnifique, c'est sa prose rythmée, sa
poésie, qui se lit comme du slam sur presque 270 pages, je trouve
ça très, très fort.
Concernant les sujets abordés, outre ses traumatismes d'enfance
et sa maladie psychique, il y a une histoire d'amour qui est le fil conducteur
du livre et, en tant que femme hétéro féministe,
elle a des questions existentielles (histoire d'amour avec l'homme, l'ennemi).
Profonde dans les analyses qu'elle en fait, elle a conscience de ses contradictions,
ce que je trouve très honnête de sa part. C'est ce qui m'avait
perturbée dans le livre Le
Carnet d'or de Doris Lessing, assez démodé maintenant,
que j'ai lu il y a quelque temps, c'étaient ces femmes hétéros
féministes de l'époque complètement assujetties aux
hommes dans leurs histoires amoureuses : je n'arrivais pas à
comprendre comment elles pouvaient assumer cette contradiction (2e génération
des féministes des années 70). Pas facile d'être hétéro
pour une femme. C'est vrai, qu'être lesbienne règle le problème
chez nous...
Cependant, dans ce livre, Chloé Delaume, elle, a réglé
(temporairement) ce problème de façon très spéciale,
en ayant une vie amoureuse épistolaire et fictionnelle (la Reine
et le Monstre), quasiment platonique, avec un homme homosexuel vivant
en couple avec un autre homme. Ce qui n'est pas dans le schéma
homme/femme classique. Et donc il n'y a pas de contradiction pour elle
(3e génération de féministes).
Durant une grande partie du livre, cet amour devient complètement
dévastateur, et malgré les conseils de ses amis, elle ne
peut se résoudre à mettre fin à cette relation épistolaire
toxique, et elle y retourne toujours. C'est un passage assez long (mais
drôle aussi) et à un moment, tout comme ses amis, on a envie
(nous le lecteur) qu'elle en finisse une bonne fois pour toute avec cette
histoire toxique qui la rend folle.
Son parcours en train me fait penser a posteriori à un cheminement
psychanalytique qui se déroule comme une psychanalyse pour démêler
tous ces problèmes, en partant de ses souvenirs et ses rêves,
d'où le puzzle.
Je ne dévoile pas la fin pour garder le suspens. Mais c'est ce
que nous mettons souvent en place après une histoire d'amour qui
ne convient pas, essayer de trouver des stratégies pour tenter
de passer à autre chose.
D'autres sujets : la prostitution et Griselidis
Real, découverte à Lirelles.
Bref, j'ai aimé et trouvé très intéressant
la façon dont elle aborde les sujets.
Laetitia
J'ai
deux livres de Chloé Delaume que je n'ai pas encore lus : Le
Cur synthétique et Le
Cri du sablier.
Pauvre Folle est ainsi la première uvre de cette auteure
à laquelle je me confronte. A la lecture de son
site, j'ai été très impressionnée par
tout ce qu'elle avait déjà fait, alors même qu'elle
n'a que 51 ans. Pour moi, c'est ainsi une découverte totale.
Mon avis sur le livre : mitigé.
J'ai été déroutée, aussi bien par le fond
que par la forme.
Le livre est sous-titré "roman", cela interroge. N'est-ce
pas plutôt un essai ?
Il y aussi la poésie (ou prose poétique), bien présente
; le livre mêle ainsi plusieurs genres, plusieurs niveaux de langues.
Nous avons des mots rares comme "uxoricide" (meurtre de l'épouse),
"anhédonie" (perte de la capacité à ressentir
le plaisir) et des termes triviaux, vulgaires, crus, qui ne m'ont pas
plu.
Chloé Delaume m'a fait penser à Virginie Despentes à
travers des phrases "punchline", également à travers
le lien à la musique : elle a enregistré un
album avec le groupe The Penelopes (dans Pauvre folle,
le groupe Ulysse et Télémaque).
J'ai écouté sa prestation
à la Maison de la poésie
: on la voit lire, avec beaucoup d'assurance, cela vaut la peine de visionner.
On sent quelqu'un de lucide, avec un certain recul sur elle-même.
Le titre nous renvoie à la pathologie bipolaire. Elle dit bien
"Je suis Clotilde" (autofiction). Bipolarité qui peut
peut-être expliquer qu'on va ici, puis ailleurs (impression de livre
"fourre-tout", alternance de périodes up/down) ? De la
théorie, au tout dire, à la poésie. La bipolarité
l'envoie à des confins. L'écriture a certes aussi un aspect
cathartique.
Pour ce qui est des aspects psy ("EMDR", "forclusion",
"psychologie inversée"...), elle a fait relire le livre
par une amie psychologue. La bipolarité m'a fait penser à
une auteure que nous avions lue, Delphine de Vigan (à
son livre Rien
ne s'oppose à la nuit et non D'après
une histoire vraie que
nous avions choisi il y a quelques années).
Quant
à la construction jusqu'à la fin où elle semble avoir
réglé le problème, passant à autre chose,
elle recourt au puzzle dans le train, procédé narratif que
j'ai trouvé totalement artificiel : elle n'aurait pas pris
le train, cela aurait été pareil. Le livre est fait pour
nous parler de nombreux sujets, tels que : comment peut-on être
une femme "hétéra" à l'heure du mouvement
#MeToo ? L'histoire d'amour permet une confrontation avec ses amies ;
cela paraissait très mal parti dès le départ cette
histoire avec un gay !
J'ai apprécié les références féministes,
LGBTQ..., Monique Wittig, Alice Coffin, "iels", "cis/non
binaire", la réflexion sur les définitions ("féminicide").
C'est vraiment un livre de notre époque, lequel, au-delà
de l'histoire personnelle de Clotilde/Chloé, renvoie à l'actualité.
Elle évoque aussi par ailleurs des auteurs classiques comme Stendhal
et Balzac.
J'ai bien aimé la construction du livre : elle analyse tout, décortique.
Les trois premiers chapitres sont bien faits et posent d'emblée
la problématique de son histoire personnelle.
Il y a de l'humour indéniablement (chapitre consacré à
la typologie du mâle hétérosexuel post
#MeToo),
je parlerais cependant plutôt d'ironie qui compense le côté
très sombre et noir du livre.
En conclusion, je suis mitigée. Du fait de l'élargissement
à l'époque, c'était une uvre à lire
à Lirelles. Mais celle-ci m'a parfois dérangée (avec
par exemple avec beaucoup trop de détails : cf. chapitre sur
la prostitution) souvent déroutée.
À noter : la question du "lesbianisme politique" interroge
une fois de plus : à quand une confrontation avec Virginie ?...
Claire
Bo
J'ai été partagée entre la rigolade, la sympathie,
l'agacement et l'inintérêt.
Des aspects qui ne m'ont pas déplu
- des formules ou des mots qui font mouche : "hétéras",
"ce qu'elle aimait, c'était être dans Word",
sur l'appartement de Guillaume : "Du bon goût, de l'adulte"
- le mélange des registres : contrairement à Laetitia, j'apprécie
- le coup de foudre réussi et drôle :
En son for intérieur, Clotilde s'écria
Quelle merveille que cet homme, alors que
des fourmis rouges dévoraient tous ses membres. Guillaume lui
sourit en plissant ses yeux bruns soudain piquetés d'éclats
cuivrés, fauves, acajou. Le salon s'évapora et aussitôt
ils disparurent dans un nuage de sucre glace, tandis que le silence
s'épaississait tellement qu'il leur empoissait les bronches.
Les molécules de saccarose s'infiltraient prestement, changeant
leur cur en pomme d'amour, engluant de sirupeux leur système
nerveux central, tout en faisant scintiller leur peau. Ils étaient
tous deux suspendus, flottant dans le tourbillon poudreux. Clotilde
tendit sa main, Guillaume pressa ses doigts, un afflux de dopamine et
de norépinéphrine confirent dans l'instant leur sourire,
béatitude glacée, figée dans le glucose ; ce qui
n'échappa nullement à Rebecca et son conjoint. Ils observaient
la scène avec stupéfaction, pendant que leur enfant dessinait
des bonshommes qui se jetaient dans le volcan bouche ouverte sur une
bulle marquée d'un SOS au tracé dyslexique.
(p. 81)
- elle déteste les géraniums, moi aussi
- j'aime bien les critiques vaches de ses copines
- l'idée de typologie des hommes ; mais il fallait tenir sur la
distance, hélas
- la difficulté à avoir des relations amoureuses pour les
non lesbiennes, la difficulté de l'hétéro féministe
: un vrai problème !
- je la suis sur la prostitution, n'étant pas abolitionniste
- je rejette en grande partie le livre tout en ne m'ennuyant pas : c'est
un compliment
Des points qui m'ont déplu
- je trouve l'autofiction trop grossière, collant trop à
sa vie, ça me paraît presque enfantin, maladroit. Tout colle
trop ("son tout dernier roman avait reçu un prix littéraire
important" c'est elle ; pensionnaire à la Villa Médicis,
elle l'était) ; d'ailleurs elle dit dans ses entretiens "Clothilde
c'est moi", ce qui en rajoute une couche ; tout ça pour éviter
un je qu'elle a essayé et c'était pathétique
dit-elle, la 3e personne permettant la distance et l'humour
- plus grave pour adhérer au livre, est pour moi le voyage en train
que je trouve artificiel ; l'histoire de puzzle m'a vraiment ennuyée,
j'ai trouvé ça puéril (dans ses interviews elle appelle
ça pour faire bien du "réalisme magique", pour
moi ça tombe à plat) ; que fabrique-t-elle dans ce train
où je n'embarque pas du tout !
- dès la première page, j'ai été gênée
par des termes qui ne passaient pas, que je trouvais affectés,
prenant la pose : "Clotilde observe la neige couvrir avril
", les "prés empoissés par des ruisseaux boueux",
"elle vit et ne vivra plus qu'à l'aune du seuil franchi".
Et ça continuera : elle a "assisté à
l'acmé d'un cauchemar" ; ou alors des facilités
genre "le ciel se fait couleur valium" (bof). Voilà
un exemple dans la même phrase d'une expression qui me déplaît
et d'une réussite : "Ils jouirent tour à tour comme
d'autres rendraient l'âme (pitié !), Clotilde aurait
voulu glisser cet instant sous verre" (joli !)
- l'histoire d'amour m'a paru une harlequinade ; elle aurait peut-être
pu faire quelque chose de mieux si elle quittait la vraie vie pour fictionner
- ses hommages à la littérature vont aussi de la réussite
- "elle se faisait des shots de Racine" - à
l'entre-soi avec référence excluante : "son exemplaire
dédicacé de Rose poussière" (c'est quoi
c'est qui ?)
- la quatrième de couverture m'a semblé être une caricature
de ce qu'il ne faut pas faire, mais c'est un détail
- quant à ce qui est dit sur les lesbiennes, je n'ai pas trouvé
ça sympa du tout :
"Elle se définissait comme bisexuelle,
mais les femmes lui faisaient de moins en moins d'effet, et elle n'en
avait pas connu tant que ça. Elle était forcée
de constater que la dernière qui l'avait touchée avait
broyé ses illusions, saccagé le paysage du royaume utopiste
: elle avait été le trophée d'une séductrice
à tête de faon, qui l'avait soudainement plantée
juste à l'orée du bois pour une proie génitalement
plus audacieuse, après l'avoir cornardée à clito
rabattu. Jamais un homme, non, aucun homme, ne l'avait traitée
de la sorte. Et pourtant, les connards, elle avait pratiqués.
C'était il y a quinze ans, soit plus que l'éternité,
mais elle ne s'en remettait pas. Sa confiance envers les guérillères
était morte avec sa candeur et l'espoir d'un amour certifié
sororal. Tout ça l'avait comme écurée. Ça,
et la frénésie sexuelle de Mademoiselle tête de
faon."
Par ailleurs, pour ce qui est de l'auteure et non du livre, je
suis admirative de la variété de ses uvres. Son
site, qui en fait partie, est très beau.
Tout compte fait, je pense qu'il fallait programmer un Chloé
Delaume à Lirelles, c'est une féministe qui a une
voix particulière, qui compte par son uvre et sa personne.
Outre Pauvre folle, j'ai enfin lu un livre que j'avais d'elle,
La règle du Je,
un essai très court sur l'autofiction, principalement celle qu'elle
pratique : original, intéressant et elle n'y raconte pas sa vie
!
Puisque nous lirons Triste
tigre de Neige Sinno, j'ai remarqué le rapprochement qu'elle
fait entre elles deux dans des entretiens : l'écriture ne la sauve
pas, Neige Sinno, tandis que Chloé Delaume si, car cela lui "permet
une réidentification en changeant d'identité".
Maintenant, le lecteur a-t-il envie de servir son salut à coup
de récits de traumas..., même assaisonnés par un humour
indéniable, pas sûr.
Muriel
(qui comme souvent n'a pas vraiment lu le livre)
Je l'ai lu il y a un moment, mais pas complètement, je me souviens
juste qu'il ne m'a pas vraiment déplu. Il y a des réflexions
marrantes. Je n'y crois pas trop à son histoire avec cet homo.
Mais vous entendre me donne envie de le relire vraiment.
Joëlle
L (qui avait proposé le livre)
J'ai bien aimé ce livre, pas
spécialement pour son histoire (qui ne m'intéresse pas trop,
à vrai dire), mais pour la manière ! Le ton, la construction
du récit, l'humour, l'autodérision (dès le titre)
et une écriture poétique très travaillée.
Il faut lire à haute voix certains passages pour en apprécier
le rythme et la musicalité.
J'aime le départ, ce voyage en train, le paysage qu'elle voit par
la fenêtre.
Je trouve très juste et astucieux de raconter une histoire pendant
un long voyage en train, lieu et moment propice à la méditation,
à la rêverie.
J'aime beaucoup la matérialisation des souvenirs, le fait de les
extraire physiquement de son crâne, de les poser sur la tablette
pour les examiner et les décrire, puis de les remettre plus ou
moins en place quand il faut descendre du train.
Et quand elle assemble ses souvenirs, ils sont cousus de fil blanc
Il y a une verve incroyable et des formules que j'ai retenues :
- (en parlant de la France) "pays du fromage et des anxiolytiques"
- (pour évoquer sa grande précarité) "Clotilde
habitait une mansarde dont les deux Velux n'étaient pas étanches,
elle avait une carte Electron et était fichée Banque de
France".
- (à la suite d'une déconvenue amoureuse) "son cur
était plein de courbatures".
- (en rêvant à l'homme idéal) "quelqu'un qui
s'intéresserait à ce qu'elle fait et lui roulerait des pelles
au clair de lune avant qu'elle ne porte un dentier".
Le
rythme et la poésie m'ont emballée :
- "Elle chérissait son célibat, le couple elle en
avait assez. La charge mentale, la charge psy, les plages horaires, les
compromis"
- "travaillant sans relâche, enchaînant les nuits
blanches, accédant à la transe"
- "il n'est fait que de mots hors desquels rien ne fut"
(bel alexandrin !)
En
lisant ce livre, je pensais à la définition de l'humour
"politesse du désespoir". C'est vraiment ça
pour Chloé Delaume dont la vie a été tellement saccagée
et qui s'en sort à coup d'anxiolytiques (et peut-être de
fromage
) et surtout d'humour.
L'humour est ce que je retiens vraiment de cette lecture, dans laquelle
les interventions de la chatte Citrouille ne sont pas à négliger.
Libération,
27 août 2023
Flora
(avis
transmis après la séance)
C'est à partir du second chapitre que je suis rentrée totalement
dans ce roman. J'ai dans un premier temps été rebutée
par le style d'écriture, puis je pense m'y être habituée
petit à petit.
J'ai beaucoup apprécié les multiples thèmes abordés
: le féminisme, la santé mentale, les relations amoureuses/amicales.
C'est un roman très complet qui m'a tenue en haleine jusqu'à
la fin. En effet, je me suis demandé que signifiait ce voyage en
train, quel était son but et qu'elle allait être l'issue de
cette histoire "d'amour".
Belle découverte !
Felina
(avis
transmis après la séance)
J'ai
dans ma bibliothèque Le
Cur synthétique que je me souviens avoir acheté
avec enthousiasme suite à l'apparition de l'auteure dans une émission
littéraire. Le personnage m'avait intriguée et séduite
par son féminisme et son originalité. J'avais commencé
le livre mais il m'était rapidement tombé des mains car
prise par lassitude devant les banalités et les clichés
de cette histoire de femme vieillissante cherchant désespérément
un mari.
J'ai commencé Pauvre folle avec l'envie de changer d'avis.
Mais mon avis est très mitigé. La première partie,
celle dans laquelle elle évoque sa mère et puis sa vie sans
elle et son amour pour la littérature, m'a vraiment intéressée.
Mais l'intérêt s'est lentement transformé en ennui,
puis en agacement, au fur et à mesure que la relation et le comeback
de son amant gay ont pris quasiment toute la place dans le roman. J'ai
retrouvé les mêmes sensations qui m'avaient déçue
à l'époque de la lecture du Cur synthétique.
Mais j'ai quand même terminé le roman, sans trop d'efforts.
Ce sont les réflexions féministes parsemées tout
au long du texte qui m'ont fait endurer le récit de la relation
avec l'amant gay.
Véronique
(a commencé le livre, ses impressions restent en attente)
Pauvre folle évoque à trois reprises la quatrième
vague, ce qui nous a obligées à une mise à niveau...
Voici ce qu'elle dit :
"Elle appelle la Violette, couleur du féminisme héritage
suffragettes, cette révolution qui depuis #MeToo gronde. Pour
Clotilde ce nest pas que la quatrième
vague, cest le dernier tsunami et lultime soulèvement."
"Mais Clotilde était poreuse aux embruns du moment,
elle observait la quatrième vague
féministe libérer la parole, et cette parole, en déferlante,
exprimait à toustes ce même réel : prédation
et domination ; impunité sociale, ombilic culturel."
"En ce moment elle était sur une commande pour une collection
féministe, un texte sur la façon dont elle percevait les
changements liés à la Violette, à limpact
de la quatrième vague. Le titre
cétait Aujourdhui Mesdames".
Un article de l'historienne Bibia PAVARD (aux intéressants travaux,
voir sa fiche wikipédia)
détaille la métaphore marine qui désormais s'est
imposée pour distinguer 4 vagues féministes : "Faire
naître et mourir les vagues : comment s'écrit l'histoire
des féminismes", publié dans un numéro de
la revue Itinéraires consacré à "Féminismes
quatrième génération", n° 2, 2017-2018.
- Une première vague féministe se déploie du XIXe
siècle aux années 1930 autour de la question des droits
civils et civiques.
- Une deuxième vague émerge dans les années 1960,
davantage centrée sur la lutte des femmes contre le patriarcat
et pour les libertés.
- Les années 1990 d'une troisième vague renouveau du militantisme
féministe autour de courants et groupes constitués par des
militant·e·s né·e·s dans les années
1970, n'ayant pas connu le MLF. Ce renouveau militant se caractérise
par la poursuite de certaines revendications et l'émergence de
nouvelles (le droit au mariage pour les personnes de même sexe,
les droits pour les personnes trans, la parité, etc.) et de nouvelles
solidarités transnationales.
- Une quatrième vague depuis les années 2010 serait portée
par l'activisme en ligne.
L'article a une perspective internationale ; les États-Unis jouent
à certaines périodes un rôle pionnier. Elle précise
le contexte français. Attendons la cinquième...
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