J'ai lu ce roman quand j'étais encore étudiante il y a
40 ans. Je l'avais oublié, mais en le relisant, j'ai ressenti le
même agacement sur certaines choses, ce qui ne m'empêche pas
d'avoir aimé le livre. Le livre est bien écrit, équilibré,
il a un côté drôle, actuel, mais pénible concernant
sa maladie psy. C'est un témoignage édifiant sur l'époque
et la prise en charge des malades psy.
Je me suis demandé si c'était une dépression, ou
un burn-out, ou si elle était bipolaire. Maintenant est-ce qu'on
l'aurait diagnostiquée et soignée de la même façon ?
Heureusement le roman se termine bien, même si on se doute de l'aspect
précaire de sa guérison.
Sur le fait que j'aiété agacée (crispée),
ça concerne certains points négatifs de la psychologie de
la jeune fille comme par exemple :
- Le manque de bonne volonté qu'elle y mettait pour aller bien,
ses mauvais choix : d'abord avec Doreen l'emmerdeuse avec qui elle
n'avait rien à voir, mais qui l'entraînait systématiquement
vers l'échec, elle le comprenait mais ne pouvait s'empêcher
de la suivre.
- Son humour aigre et méchant par moment, et très critique
envers ses amies qui ne lui voulaient que du bien.
- Ensuite dans les hôpitaux psychiatriques, on avait envie de lui
dire de se réveiller, de réagir.
- L'autodestruction (par exemple quand elle s'est cassé la jambe,
elle aurait pu se tuer), ses tentatives de suicide.
- Son côté bizarre/tordu par moment qui démontre le
début de la maladie mentale.
- Le fait qu'elle dise qu'elle ne sert à rien (alors qu'elle est
si jeune).
J'ai trouvé que l'évolution de la maladie et de la guérison
a été bien décrite et semble crédible.
Texte agaçant pas seulement sur sa psychologie, mais aussi au
début où elle n'avait pas encore pris conscience de la condition
féminine :
- Le fait qu'elle dise dans les premiers chapitres que la femme doit rester
chaste contrairement aux hommes : c'est assez étonnant de la part
d'une jeune fille intelligente et évoluée, informée,
à l'époque où le féminisme battait son plein
À cause de ça, ses relations avec les hommes ont été
un échec.
- Son obsession des hommes était pénible, et le fait au
début qu'elle voit un avenir merveilleux avec un mari, des enfants
Pourtant au début du livre, on voit aussi l'autre pôle de
sa personnalité (le côté positif) : par exemple fille
studieuse, sérieuse, bonnes notes, aime la bonne chère,
aime les bains chauds, prend soin de son corps (la minceur est une chose
importante pour elle). Elle a des désirs : les hommes, apprendre
l'allemand, devenir poétesse, gagner des prix en littérature,
etc.
D'un autre côté, ce que j'ai apprécié dans
le livre, ce sont ses engagements et sa description des difficultés
d'être une femme, tout ce qui est encore d'actualité malheureusement
:
- La pollution en ville.
- La peine de mort.
- Les cadeaux pour la publicité de certaines marques, etc.
- Elle finit par se rendre compte des conditions des femmes mariées,
qu'elle appelle "lavage de cerveau".
- La difficulté d'être hétéro.
- La contraception.
- La difficulté d'enfanter.
- La difficulté pour une femme de faire une carrière autrement
qu'en faisant de la sténo (ça m'a fait penser à ma
mère qui voulait que je fasse Pigier pour être secrétaire
de direction, ce qui était le summum pour elle, j'ai préféré
les maths et la physique en faculté, quel choc !).
- Son témoignage sur l'horreur des hôpitaux psychiatriques,
qui ont paradoxalement fini par la guérir avec les électrochocs,
ce que j'ai trouvé très étonnant.
Pour finir, et pour l'anecdote, il y a trois choses que j'ai notées
:
1. J'ai appris un nouveau mot : "salmigondis"
2. Il y a une relation homosexuelle entre deux filles à l'hôpital
(dont une de ses amies qui a fini par se suicider). Elle ne comprend pas
comment on peut aimer ça coucher avec une femme
3. Elle parle de lire des poèmes à voix haute et dire ce
qu'on y voit. J'aime bien cette idée, exercice qui peut être
amusant en société.
Voilà, dans l'ensemble, j'ai bien aimé, c'est un bon livre,
très bien écrit, mais un peu dur.
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