Lirelles

Nous avons lu pour le décembre 2022

L'intemporalité perdue et autres nouvelles
d'Anaïs NIN
(Waste of Timelessness)
Trad. Agnès Desarthe, préface Capucine Motte

Découvrez NOS RÉACTIONS sur le livre...

AUTOUR DU LIVRE : quelques infos


Éd. Nil, 2020
Voir la jolie présentation animée des éditions Nil ›ici
Éd. Pavillons Poche/Robert Laffont, 2021, 240 p.

Recueil de seize nouvelles écrites en 1929 et 1930

  L'intemporalité perdue
  La chanson dans le jardin
  La peur de Nice
  Le sentiment tzigane
  Le Russe qui ne croyait pas aux miracles et pourquoi
  La danse qui ne pouvait pas être dansée
  Un parfum dangereux
  Les roses rouges
  Fiancés par l'esprit
  Alchimie
  Tishnar
  L'idéaliste
  Les plumes de paon
  Fidélité
  Une fête gâchée
  Un sol glissant


Biographie d'Anaïs Nin (1903-1977)
- Voir la fiche wikipedia
- Une biographie en BD : Anaïs Nin : sur la mer des mensonges, de Léonie Bischoff, Casterman, 2020. Prix 2021 du public au Festival international de la bande dessinée d'Angoulême. Léonie Bischoff est membre du Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme. Voir l'émission de France Culture en audio ou en vidéo où elle intervient sur le livre que nous lisons.
- Une anecdote : en décembre 1935, elle rencontre au cabaret Le Monocle à Montparnasse, 60 boulevard Edgar-Quinet, la troublante Frede, dont nous avons lu la biographie ; elle décrira Frede dans son Journal.

La traductrice, la préfacière
- Agnès Desarthe est romancière et a traduit une trentaine de livres.
- Capucine Motte, belge, a co-créé le prix Anaïs Nin, destiné à faire découvrir des auteurs français à l'étranger en contribuant à leur traduction (Virginie Despentes fut primée en 2015 pour Vernon Subutex que nous avions lu). Elle est également auteure de deux romans (Lattès).

Théâtre
Certaines d'entre nous auront vu au théâtre de la Tempête à la Cartoucherie de Vincennes, Anaïs Nin au miroir, texte Agnès Desarthe d’après L’Intemporalité perdue et autres nouvelles d’Anaïs Nin, mise en scène Élise Vigier, du 10 novembre au 11 décembre 2022 (programme de salle ›ici).
La pièce a été créée au Festival d'Avignon en 2022. Voir ici le programme avec une interview de la metteuse en scène et de l'auteure de l'adaptation à partir des nouvelles "La Chanson dans le Jardin", "Le Sentiment tzigane", "Le russe qui ne croyait pas au miracle et pourquoi", "Les Roses rouges", "Un sol glissant" : 'Ces histoires ont en commun une rencontre, un événement qui fait que les protagonistes ne sont pas ce qu’ils pensaient être, ou quittent ce qu’ils sont. Nous avons ensuite condensé d’autres nouvelles qui convergent toutes vers des femmes dont les vies changent quand elles rencontrent l’art."
Pour qui n'aura pas vu la pièce, on peut visionner le teaser de 4 min sur le site de la Scène nationale La Passerelle de Saint-Brieuc.

Vidéos
• Avec Anaïs Nin

- Entretien avec Pierre Dumayet, Lectures pour tous, 6 mai 1964, INA, 9 min 22
- Entretien avec Fernand Seguin, en 1970, émission Le sel de la semaine, CBC/Radio-Canada, sur YouTube ›ici, 52 min
- Entretien avec Bernard Pivot et Jean Chalon, Ouvrez les guillemets, 11 novembre 1974, 6 min 30.

Sur Anaïs Nin

- Maison de la poésie, 3 mars 2020 : L'intemporalité perdue et autres nouvelles d'Anaïs Nin, avec Agnès Desarthe & Capucine Motte, rencontre animée par Marie-Madeleine Rigopoulos, 59 min
- "Avec Anaïs Nin, le désir est-il encore libérateur ?", par Olivia Gesbert, La Grande Table, France Culture, avec Agnès Desarthe, écrivain, et Léonie Bischoff auteure et dessinatrice de bande dessinée, 24 août 2020, 34 min, ou en audio.

- Un film documentaire, Anaïs Nin, Vivre sans Entraves, de Daniel Ablin pour France 5, 2021, 52 min, on peut juste voir le teaser ici

Radio sur France Culture
Avec Anaïs Nin
Entretien avec Pierre Lhoste en 1969, à la sortie de son Journal (1931-1934) d'1h 30 continue ici ou scindé en trois émissions retransmises en mars 1995.

Sur Anaïs Nin
- 4 émissions d'une heure (très intéressantes), par Matthieu Garrig
ou-Lagrange, La Compagnie des œuvres, France Culture, "Anaïs et la jouissance féminine", du 15 au 18 mars 2021 :

- 1/4 : Vie de l'amour d'Anaïs Nin, avec Elisabeth Barillé, écrivaine, autrice de Anaïs Nin, masquée si nue (Livre de poche)

- 2/4 : L'œuvre atypique d'Anaïs Nin, avec :
1- Béatrice Commengé, traductrice de Vénus Erotica, Les Petits oiseaux, d'Inceste (Le Livre de poche) et de la Correspondance passionnée : Nin/ Miller (Stock)
2- Simon Dubois Boucheraud, maître de conférences à l'Université de Nice Côte d'Azur, auteur de la thèse Ecritures du moi, genèse et créativité : les mises en scène d'Anaïs Nin (1931-1942).

- 3/4 : Les nouvelles d'Anaïs Nin, avec :
1- Agnès Desarthe, romancière et traductrice de L'intemporalité perdue et autres nouvelles (Pavillons poche/Robert Laffont)
2- Capucine Motte, romancière, co-fondatrice du Prix littéraire Anaïs Nin et autrice de la préface de L'intemporalité perdue et autres nouvelles.

- 4/4 : Anaïs Nin en quête de sublimations, avec :
1- Bernard Chouvier, auteur notamment des articles : "La création en couple : noyau pervers et scénarios narcissiques", "La psychanalyse au risque d'Anaïs Nin"
2- Alexandra Destais, autrice de l'essai Eros au féminin (Klincksieck).

- "Avec Anaïs Nin, le désir est-il encore libérateur ?", par Olivia Gesbert, La Grande Table, avec Agnès Desarthe, écrivain, et Léonie Bischoff, auteure et dessinatrice de bande dessinée, 24 août 2020, 34 min, ou en vidéo.

Les livres d'Anaïs Nin traduits en français
C'est intéressant de voir ce qui, en 2022, n'est pas épuisé : des nouvelles, notamment érotiques, un volume rassemblant ses 5 romans, les journaux non expurgés, la correspondance avec Henry Miller.
Nouvelles érotiques
-
Vénus Erotica
- Auletris
- Alice et autres nouvelles
- Les Petits oiseaux
Autres nouvelles
- La cloche de verre
- épuisé
- Un hiver d’artifice
-
L'intemporalité perdue et autres nouvelles

Journaux
- Journal d'enfance (1914-1919) - épuisé
- Journal d'enfance (1919-1920) - épuisé
- Journal d'une jeune mariée (1923-1927) - épuisé
- Journaux de jeunesse (1914-1931)
- Journal (1931-1934) - épuisé
- Inceste (1932-1934) - journal non expurgé ou La maison de l'inceste
- Le feu (1934-1927) - journal non expurgé - épuisé
- Journal (1934-1939) - épuisé
- Comme un arc en ciel (1937-1939)
- Journal de l'Amour (1932-1939) - journal non expurgé
- Journal (1939-1944) - épuisé
- Journal (1947-1955) - épuisé
- Journal (1955-1966) - épuisé
- Journal (1966-1974) - épuisé
- Henry et June : les cahiers secrets - journal non expurgé

Correspondance
- Correspondance passionnée : Nin/ Miller

Essais
- D.H. Lawrence : une étude non professionnelle - épuisé
- Etre une femme et autres essais
- Ce que je voulais vous dire : entretiens et causeries

Cinq romans
- Les miroirs dans le jardin - épuisé
- Les Enfants de l'albatros
- Les chambres du cœur - épuisé
- Une espionne dans la maison de l'amour
- épuisé
- La séduction du minotaure -
épuisé
- Les cités intérieures
, 2021, préface Laure Adler : cinq romans Les miroirs dans le jardin, Les enfants de l’albatros, Les chambres du cœur, Une espionne dans la maison de l’amour et La séduction du Minotaure où elle met en scène trois femmes, trois amies, Lillian, Djuna et Sabina qui sont des reflets fictionnels de l’auteure.

Des lieux où Anaïs Nin a vécu
Anaïs Nin a vécu entre la France et les États-Unis ; elle est née et est morte en France. Quelques lieux proches de nous où elle a vécu :
- Neuilly-sur-Seine : Anaïs Nin est née 7 rue du Général Henrion Bertier en 1903.
- Paris 14e : entre 1925 et 1928, Anaïs et Hugo, qu'elle a épousé en 1923, habitent 11bis rue Schoelcher avec Rosa, la mère d'Anaïs. Ils occupent deux ateliers au rez-de-chaussée et louent plus tard, en plus, une chambre sous les toits. Ce sera l'adresse de Simone de Beauvoir entre 1955 et 1986...
- Paris 16e : en 1928, ils emménagent 24 boulevard Suchet.
- Louveciennes : Anaïs et son mari Hugo louent une maison entre 1931 et 1935 2 bis rue de Montbuisson. Elle y rencontre Henry Miller en 1931 et outre Miller, Antonin Artaud, Lawrence Durrell, Brassaï et d'autres artistes et écrivains y viendront. C'est dans cette maison qu'elle écrit le premier volume de son fameux Journal, qui rassemblera plus de 15 000 pages dactylographiées. Laissée à l'abandon depuis les années 30, la maison se dégradait lentement : diverses tentatives ont été faites pour acheter la maison aux propriétaires, afin de la sortir de son triste état et de faire reconnaître son importance culturelle. Elle est à vendre actuellement : pas mal pour les réunions de Lirelles...
- Paris 14e : elle séjourne aussi 18 Villa Seurat, où Henry Miller vit entre 1934 et 1938 ; le peintre Chaïm Soutine et l'écrivain Blaise Cendrars vivent à cette même adresse en 1937.
- Sur les quais : elle vivra aussi sur la péniche Nanankepichu à laquelle succédera la Belle Aurore, louée à Michel Simon en 1938.


Et voici NOS RÉACTIONS sur le livre


Pour ce 11 décembre 2022, nous étions 15 à nous retrouver pour cette séance de Noël, où des nouvelles d'Anaïs Nin étaient programmées :
- 11 en direct :
Aurore, Brigitte, Claire, Flora, Joëlle L, Laetitia, Lucie, Muriel, Nelly, Patricia, Véronique
- 3 en visio :
Agnès, Joëlle M, Sandra
- 1 par écrit dont nous avons lu l'avis pour ouvrir la séance :
Felina.
Étaient bien prises par ailleurs (5) : Marie-Claire, Marion, Nathalie, Sophie, Stéphanie

Cinq d'entre nous avions vu l'adaptation très libre du livre au Théâtre de la Tempête à la Cartoucherie de Vincennes : Anaïs Nin au miroir, texte Agnès Desarthe d’après L’Intemporalité perdue et autres nouvelles d’Anaïs Nin, mise en scène Élise Vigier.

Les tendances

Les ninistes (on dit pas comme ça pour les adeptes de Nin ?...) ont été particulièrement minoritaires : courageuses devant le flop exprimé par des bof, berk voire prout - oui oui oui : ces onomatopées ont commenté des impressions de lecture... -, Brigitte, Claire, Patricia ont néanmoins formulé leur enthousiasme.
Les nihilistes : Flora est arrivée après les échanges pour manger et boire - habile esquive car elle n'a pas eu à se prononcer...
Lucie n'a pas surmonté un rejet préalable et a préféré ne pas lire le livre... Joëlle M a elle ouvert le livre ! Et a même lu la préface !

Entre ces extrêmes, nous avons eu des degrés de déception et de rares tentations :
Les déçues, qui n'aiment pas, voire qui rejettent : Agnès, Felina, Muriel, Nelly
Les déçues, mais qui soulignent des qualités : Joëlle L, Sandra, Laetitia
Nécessitant plus de courage et surtout de temps pour se prononcer, Aurore et Véronique n'ont eu que des mots positifs, mais n'ont pas suffisamment lu pour dire si elles rejoignent le trio minoritaire de conquises.

Cependant, même si Anaïs a fait chou blanc, plus d'une n'a pas été mécontente de la découvrir, de la lire enfin. Qui lit Anaïs Nin aujourd'hui ?

La succession des prises de parole

Felina
De Anaïs Nin je n'avais lu que Le Delta de Vénus, ses nouvelles érotiques, lorsque j'avais vingt ans. Les atmosphères parisiennes un peu décadentes, les histoires d'amour entre artistes et modèles m'avaient fascinée et intriguée. Je ne peux pas dire autant de bien de ce recueil de nouvelles. Dès la première nouvelle, je me suis ennuyée. Aucune ne m'a vraiment intéressée et je n'ai pas eu envie d'aller jusqu'à la fin du recueil.
Je me suis arrêtée à la nouvelle des roses rouges. Trop onirique, bucolique, trop abstrait parfois et frivole, à mon goût, par moment. Peut-être à relire à un autre moment ou seulement à vingt ans...

Joëlle M
Ça va être court. J'avais plein de problèmes de boulot, j'étais vraiment sous l'eau. Voilà un PETIT livre qui va me détendre, me suis-je dit. La préface commençait bien, mais a fini très mal puisqu'elle rapporte ses paroles à son amant "les femmes sont fondamentalement des putains, elles veulent être traitées comme des putains". Ça m'a cassé tout élan et je me suis replongée dans mon appel d'offres, sans dépasser la préface...

Agnès
Je me situe dans la même lignée... J'ai eu un parcours analogue avec la préface.
Je dois d'abord dire que j'avais un a priori défavorable : est-ce la proximité de Henry Miller, de ce milieu ? Quelque chose de malsain m'inspirait une certaine réticence. J'ai moi aussi buté sur la préface : "Il faudra attendre sa rencontre avec Henry Miller pour qu'Anaïs trouve enfin son 'maître'. Et même celui-ci la décevra, si bien qu'elle se jettera dans d'autres liaisons avec d'autres hommes, y compris avec son propre père" : mon malaise s'est, là, confirmé.
Mais j'ai poursuivi et ai lu 12 des 16 nouvelles. Bien que j'aime assez le surréalisme, le fantastique, l'étrangeté, bien que j'aie trouvé l'écriture belle, d'une réelle maîtrise, avec une recherche, dans le vocabulaire, la construction..., je me suis profondément ennuyée.
Les histoires n'ont rien à me dire, je n'en ressors rien. Je n'ai envie ni de poursuivre, ni de découvrir par d'autres biais. Bof, bof !

Nelly
Sans a priori, je suis pour ma part allée au-delà de la préface…
D'abord le titre, L'intemporalité perdue, m'a paru incompréhensible. Puis j'ai dès le début ressenti de l'ennui : je le lisais le soir pour m'endormir… Je n'en gardais aucune trace ; quand je finissais une nouvelle, je me demandais : qu'avais-je lu ?...
Ces intellectuels de Montparnasse, ça ne m'a pas touchée, alors que pourtant je suis attachée à ce quartier. Anaïs Nin, qui a habité à deux pas de chez moi, dans la maison où vécut Simone de Beauvoir, décrit des gens tous issus de la même classe sociale. Et il n'y a pas d'émotion, ni de commentaire ; à les rendre originaux, ces personnages, artistes, ils perdent de leur crédibilité.
Quelque chose manque, de l'ordre de la sincérité. Dans les échanges des personnages, règnent la froideur, peu d'empathie, pas d'amour. Et pas une once de féminisme ! Avec même des stéréotypes.
Quant au style, il m'a paru prétentieux et affecté, comme si elle se regardait écrire…
Est-on dans un conte poétique ? Dans un rêve ? En tout cas je n'ai pas suivi le fil du rêve, si rêve il y a.
Alors que j'aime bien les nouvelles, je n'ai pas terminé le livre. Quant aux chutes, elles sont déconcertantes. Souvent les nouvelles se terminent sur une ouverture, là non. Je n'ai pas été captée, ou captivée.
En revanche, j'ai trouvé la pièce accrochante et l'adaptation intéressante. Ce qui m'a un peu réconciliée, car les nouvelles y sont bien adaptées, avec plus de chaleur. Même s'il y a quelques longueurs dans la pièce, il y a une belle mise en scène. Cela m'a donné envie de me replonger dans le livre.

Laetitia
Je ne vais pas remonter la cote et je suis proche d'Agnès : son nom ne m'avait jamais donné envie de la découvrir.
J'étais un peu fatiguée, le livre n'était pas trop gros, bon ! Mais la préface ne m'a pas séduite. Le titre du livre qui est celui de la première nouvelle, "L'intemporalité perdue", est perturbant. Elle est difficile d'accès, exigeante, décourageante. Il faut être attentive.
J'ai tout lu et j'en conclus que la première nouvelle n'aurait pas dû être placée là.
J'ai peu retenu de cette lecture et me suis ennuyée. J'ai pourtant repéré des aspects positifs : j'ai apprécié le style, l'écriture, comme Agnès. C'est rythmé, notamment par des répétitions ; les adjectifs sont précis et limite prétentieux : oui, elle s'écoute parler/écrire.
L'alliance forme/fond est particulièrement réussie pour la danse, où j'ai eu l'impression que ça tournoie dans l'écriture.
"Fiancés par l'esprit" relève de la prose poétique - expression qu'elle utilise. J'ai relevé une grande présence des sens, analysés avec des éléments - la pluie par exemple. Ce qui est original est qu'on part du réel - Paris, Clichy, Montparnasse - puis on bascule dans un autre monde.
Pour ce qui est du fantastique - j'aime bien par exemple chez Maupassant - on y bascule, mais c'est moins intéressant. Dans les thématiques abordées, l'art est très présent : la danse, la musique, la peinture (la Grande Chaumière)…
Quant aux femmes, à leur place, pas de féministes, mais des femmes multiples… Anaïs Nin est narcissique ? Ou pas. Je ne sais pas. Elle m'intrigue. L'amour reste intellectuel, ce n'est pas inintéressant.
Il y a des pointes d'humour, par exemple p. 112-113, et avec le caniche blanc !
Bon, mais globalement : je n'ai pas accroché, je suis intriguée, quelques petites choses m'ont intéressée.

Sandra
Je connaissais le nom d'Anaïs Nin. Sa bio ne m'intéressait pas : érotisme, féminisme, clichés relatifs à la muse.
Grâce à Lirelles, je m'y mets : la préface est courte cette fois - pas comme pour Ourika… -
mais ne me donne pas très envie.
La première nouvelle a un titre perturbant. : intemporalité oui, perdue oui, mais intemporalité perdue : ?!!
L'écriture m'a attirée. J'ai adoré "La chanson dans le jardin", j'ai été accrochée, et cela m'a permis de continuer. Je retiens aussi "Une fête gâchée", ainsi que "l'Alchimie".
J'ai apprécié le style. Oui, c'est énigmatique ; parfois je n'ai pas tout compris. Certaines nouvelles sont un peu "prout prout", excusez-moi du terme, concernant les relations entre hommes et femmes, c'est du stéréotype, ou du surfait, pas toujours intéressant. Ainsi, je n'ai pas apprécié toutes les nouvelles.
Autre bémol, le manque de fil conducteur. Parfois, dans un recueil de nouvelles, il y a un point commun, là elles sont toutes différentes.
Le recueil est trop dense. Moins de nouvelles aurait peut-être davantage permis de les apprécier.
C'est davantage le style plus que le contenu qui m'a plu. Je suis mitigée, et n'ai pas envie d'approfondir la connaissance de cette autrice.

Muriel
Je n'ai pas tout lu. Dès le début, je me suis barbée. Je ne comprenais rien.
"L'alchimie" m'a plu.
Je n'avais rien lu d'Anaïs Nin, ne la connaissais pas. Par contre, je connais son père, Joaquín Nin, compositeur cubain de mélodies.
Bref, ça ne m'a pas accrochée, alors que j'ai adoré les nouvelles de Joyce Carole Oates.

Joëlle L
Dès les années 70, Anaïs Nin m'inspirait des sentiments ambigus, voire du rejet.
Je ne comprenais pas qui était cette hystérique, vaguement féministe (?) complètement nymphomane, un peu mijaurée et qui me semblait très fausse et fabriquée… et faisait l'objet d'un quasi-culte. Elle ne me plaisait pas du tout, m'agaçait.
Je ne l'avais logiquement jamais lue. Ni son journal ni aucun autre texte. Ce qui n'était pas bien de ma part, j'en conviens. Donc merci Lirelles de m'avoir forcé la main.
Mais maintenant que j'en ai lu, je ne suis pas sortie des sentiments ambigus qu'elle m'inspirait, même s'ils ont évolué.
D'abord j'ai décidé d'entrer dans les textes en faisant abstraction de mes préventions. J'ai entamé ma lecture comme s'il s'était agi d'une écrivaine dont je n'aurais jamais entendu parler.
Ça ne s'est pas très bien passé : je ne comprenais rien à ses histoires.
Dès le titre j'étais larguée. Déjà l'intemporalité est un concept pas évident, et en plus on la perd. Comment s'y retrouver ? Est-ce qu'il y a une allusion à Proust et son "temps perdu" ? Mais je ne vois pas bien le rapport. Ni avec Proust ni avec la nouvelle qui porte ce titre. Et en fait, je ne comprends pas ce que veut dire "intemporalité perdue". Et je ne comprends pas pourquoi la nouvelle s'appelle comme ça.
J'ai alors pris le parti d'utiliser les ressources proposées par Claire. Je me suis formée à la lecture d'Anaïs Nin et ça m'a bien aidée. Même si le personnage m'horripile toujours.
J'hésite. D'un côté, j'aime bien ce ton décalé, ces histoires sans queue ni tête, ces dialogues dignes de Ionesco. Les dialogues, pour moi, c'est le côté vraiment intéressant et réussi. Je n'ai pas lu toutes les nouvelles, mais j'ai apprécié :
- "Le Russe qui ne croyait pas aux miracles et pourquoi" pour la situation et les dialogues
- "Alchimie" pour l'ironie
- "L'idéaliste" pour la situation.
Mais je me sens en terre étrangère, comme dans une ville où les plaques de rues sont écrites en cyrillique par exemple. Je ne trouve pas mon chemin.

Brigitte (qui a lu en anglais)
Le recueil Waste of Timelessness and Other Stories ou L'intemporalité perdue et autres nouvelles regroupe seize nouvelles écrites avant 1932, c'est-à-dire avant les trente ans de l'écrivaine et avant son premier ouvrage publié, en 1932 : une étude sur D.H. Lawrence. C'est la période qui suit son mariage (1923) et son installation à Paris en 1924. La préface de l'édition en anglais indique qu'il s'agit des "premiers récits d'une écrivaine qui deviendrait célèbre par la suite". Et c'est justement ce qui, pour moi, a fait tout leur intérêt : découvrir les prémices d'une œuvre avant la médiatisation de l'auteure, sur la base de sa vie tumultueuse et de ses récits érotiques qui personnellement me rebutent et m'ont laissée longtemps incapable d'aborder son œuvre, faute de parvenir à la distinguer de tout cet emballage légèrement névrotique, cultivé par les médias.
Ces nouvelles, l'auteure les considérait comme "immatures" ; elles ont toutes été refusées par les revues américaines auxquelles elles ont été proposées, puis c'est Anaïs Nin elle-même qui s'est opposée à leur publication, jusqu'à très peu de temps avant sa mort, en 1977. C'est alors qu'elle l'a autorisée, pour que les lecteurs et critiques puissent apprécier les progrès réalisés, de sa jeunesse à sa maturité. Elle en a souligné deux traits qui lui semblaient caractéristiques de son écriture et d'elle-même : l'ironie et le féminisme - ce qui n'est pas toujours évident. Mais elle a toujours dit que c'étaient des récits écrits pour les amis, car les amis seraient plus tolérants envers leurs défauts.
Quelles qu'elles soient, ces premières nouvelles sont sans doute l'un des meilleurs moyens de mieux apprécier son talent d'écrivaine, son écriture. La plupart sont abstraites, allusives, métaphoriques, oniriques, brèves et surprenantes dans leur brusque chute finale. Elles se savourent lentement, en se laissant entraîner dans le monde esquissé par l'auteure, monde en marge et hors du temps (timeless), symbolisé par le bateau dans le jardin de la première nouvelle. J'ai particulièrement apprécié l'art de bifurquer dans une autre dimension à partir du réel, et la concision imagée de l'écriture ; bien aimé les personnages traités avec un recul qui joint le poétique au réalisme, qu'il s'agisse du Russe-qui-n'en-est-pas-un mais en a assimilé l'âme telle qu'on la conçoit, en un cliché courant, ou la danseuse de flamenco qui se tue à danser pour nourrir sa marmaille et son bon à rien de mari - et là perce une nuance de féminisme avant l'heure ; bien aimé enfin l'onirisme qui s'écaille vite dès qu'on gratte un peu, comme dans l'avant-dernière nouvelle du recueil.
J'avais été un tantinet frustrée par les chutes un peu brutales, parfois ; j'ai donc été emballée par la relecture de ces récits, replacés dans l'esprit de l'œuvre, par la troupe du spectacle au théâtre de la Tempête, formidable coup de projecteur sur les aspects que j'avais mal perçus, l'humour en particulier.
Ces nouvelles annoncent les treize du recueil Under a Glass Bell (1944) qui a été réédité en 2013 par les mêmes éditions (Swallow Press), avec les mêmes illustrations en noir et blanc de son mari Hugh Guiler (pseudonyme d'artiste Ian Hugo). La première édition a été épuisée en trois semaines ! Après ce recueil, il faudrait lire les novellas publiées en 1961 puis les nouvelles de Collages de 1964, puis les cinq romans suivants, publiés entre 1946 et 1958, qui, publiés ensemble sous le titre Cities of the Interior, forment un véritable roman-fleuve… Il faudrait le temps pour le faire, je verrais bien le calme d'un été…
                                   

Véronique
J'ai d'abord vu la pièce, que j'ai beaucoup aimée, qui donne envie de découvrir Anaïs Nin.
J'ai lu deux nouvelles. J'ai bien aimé celle avec la petite fille, où on lit librement les livres pour les adultes.
Je n'ai pas été décontenancée.
J'ai envie de continuer.

Claire
J'avais voulu voir la pièce adaptée des nouvelles au Festival d'Avignon, mais voyant qu'elle se donnerait à Paris, j'ai attendu et du coup ai lu les nouvelles que j'ai trouvées surprenantes. J'ai alors lancé la proposition d'Anaïs Nin qui a été retenue.
J'ai lu la biographie en BD Anaïs Nin : sur la mer des mensonges, de Léonie Bischoff, dont je n'ai pas été enthousiasmée du graphisme bien que je le trouve original, mais dont j'ai apprécié le récit, les informations : j'en suis sortie complètement agacée par le personnage, que j'ai trouvé assez détestable. Rejet du genre de celui de Joëlle L.
J'ai alors lu et écouté plein de choses sur Anaïs Nin (restituées sur le site), qui m'ont passionnée et je me suis mise à la trouver extraordinaire, y compris à travers ses interviews. Comme la vie de Madame de Duras, la sienne est très romanesque.
Ayant complètement oublié les nouvelles, j'ai relu le livre avant d'aller voir la pièce. Et à nouveau elles m'ont plu. Contrairement à Sandra, qui regrette de n'avoir pas trouvé un fil commun entre les nouvelles, j'ai apprécié que toutes les nouvelles mettent en scène une narratrice ou une héroïne, différente mais au fond semblable, ce qui donne une unité et j'y trouve un plaisir à retrouver le même "esprit".
Autre point commun pour moi, il y a une sorte d'air de rien concernant le fantastique qui s'immisce dans le récit, l'air de rien. Il en va de même pour l'humour. À travers une situation anodine - la visite au grand écrivain - il y a une réflexion sur le roman, là aussi l'air de rien. La nouvelle "Alchimie" est vraiment au poil sur le tourisme littéraire tourné en ridicule (je m'y retrouve) et avec une leçon de mise en fiction, où le sujet instrumentalisé s'en amuse (en l'occurrence la femme du grand écrivain). Avec ces points communs je trouve une richesse sous une apparence de légèreté.
Ce qui ajoute à l'unité, à la personnalité de ces nouvelles, c'est l'absence de date et de lieux : il n'est pas précisé où on est (sauf dans deux ou trois nouvelles Paris, mais ce n'est jamais précis) et les femmes la plupart du temps n'ont pas de nom : on est dans un no man's land, dans un univers créé propre aux nouvelles. Je ne m'étais absolument pas posé la question du titre, qui, vous avez raison, n'a pas un sens évidemment, mais il correspond peut-être à ces absences que j'avais remarquées.
L'étrangeté de ces nouvelles vient pour moi de :
- la quête personnelle des héroïnes, leur recherche, l'affirmation de leur originalité, par exemple l'enfant qui enquête sur son goût des larmes.
- une image étonnante : la bonne confie l'enfant la nuit à la protection des saints qui "n'accordent pas le sommeil à ceux qui sont agités de sentiments bizarres, comme parasités par des insectes dont les ailes plumeuses chatouillent l'intérieur de leur poitrine" p. 26.
- une expression frappante pour décrire quelqu'un qui avait "un talent pour le silence"
- le comportement, par exemple dans la nouvelle des roses rouges que s'envoie la femme à elle-même et qui finit à l'église, c'est tordu, mais amené comme naturelle
- le jeu relationnel poussé de la nouvelle des Fiancés par l'esprit qui met en scène des rapports tortueux de domination entre une femme et un homosexuel au cours desquels elle reprend sa peinture, "le visage détourné de lui pour dissimuler le triomphe délicieux d'avoir été conquise".

J'ai tout oublié, mais demeure une sorte de charme à laquelle l'étrangeté contribue et de rien, avec quand même de la profondeur. Je suis presque étonnée d'ailleurs d'avoir apprécié et de n'être pas au nombre de celles qui se sont barbées.
Après ça, la pièce Anaïs au miroir, peu fidèle à ses nouvelles, évoquant vaguement celles-ci et l'univers d'Anaïs Nin qui transparaît dans le Journal (par exemple tout à coup est cité le poète Blaise Cendrars qu'elle admirait), fut vraiment un bon moment, avec une mise en scène complètement déjantée, dans cette Cartoucherie de Vincennes où il fait toujours bon revenir.

Patricia
J'ai beaucoup aimé ce livre. Merci à Lirelles d'avoir programmé ce livre qui m'a permis de rentrer dans l'œuvre d'Anaïs Nin par ces nouvelles qui ne font pas partie de ses romans érotiques, contrairement à une grande partie de son œuvre.
J'ai entendu parler d'Anaïs Nin, il y a une quinzaine d'années, par une amie qui l'adorait et qui m'encourageait à la lire. J'étais donc intriguée malgré l'a priori négatif à cause de ses écrits érotiques et de Henry Miller. Après avoir vu, il y a deux ans, le documentaire sur la 5 Anaïs Nin : vivre sans entrave
où ils en faisaient "une femme moderne, libérée, en avance sur son temps, qui, dans un monde fait pour les hommes, a consommé la vie comme elle l'entendait", cela m'a donné envie de la lire. Le documentaire était surtout axé sur son journal de 35 000 pages, "sans équivalent dans l'histoire de la littérature, qui a bouleversé des générations de lecteurs. Femme caméléon, séductrice, conquérante sexuelle, Anaïs Nin a transgressé tous les codes de la morale et fait du mensonge un art de vivre."
En ce qui concerne les nouvelles de L'intemporalité perdue et autres nouvelles, j'ai beaucoup aimé l'écriture, l'humour, la spiritualité, la finesse. Ce sont des nouvelles très courtes qui se lisent facilement, sans lien entre elles (ou presque).
Le seul reproche que je fais c'est que le monde d'Anaïs Nin n'est pas une société de pauvres. On ne voit pas les gens du peuple, chez elle il n'existe que deux mondes, les artistes et les riches.
J'ai trouvé la première nouvelle un peu bizarre au niveau de l'écriture, car il était à l'imparfait du subjonctif, j'ai eu peur au début que ce soit comme ça dans toutes ses nouvelles, mais non. J'ai compris à la fin qu'il s'agissait d'un rêve, d'où l'utilisation de ce temps.
De façon générale, je remarque que dans la plupart des nouvelles, les personnages s'échappent de leur vie, rêvent d'une autre vie. Ils sont parfois dans un monde intérieur. Le personnage principal, presque toujours une femme, ne couche pas avec les hommes même si elle les désire, ou ne les désire pas. La dernière nouvelle, où le personnage principal, femme, résiste jusqu'à rencontrer l'homme de sa vie. C'est un peu elle, car l'homme de sa vie est Henry Miller, elle n'aura connu que son mari qu'elle n'aime pas vraiment, a priori peu d'amants (avant lui), comme dans ses nouvelles. Il y a une recherche de l'amour, une crainte de la solitude, le mariage semble être quelque chose de terne, différent de ce qu'est l'amour. Elle peut se mettre aussi bien à la place des hommes qu'à la place des femmes. Elle décrit des relations complexes entre les hommes et les femmes, voire impossibles. On voit des psychologies différentes, elle est influencée par Freud et la psychanalyse. Elle n'aime pas les gens sages, mais en même temps, je la trouve très sage dans ses nouvelles, contrairement à sa réputation.
L'art est très important, il est partout, elle semble fascinée par les grands artistes. Il s'agit de danse, chanson, musique, écriture, poésie.
Je trouve les descriptions en général assez poétiques et sensuelles dans la description de la nature. Il s'agit aussi beaucoup de son, de parfum. Par exemple : "sous la caresse de brises qui s'enroulent et se déroulent". Je trouve qu'on y voit un peu sa bisexualité dans la description des femmes, que je trouve très sensuelle et charnelle.
À noter, beaucoup de ses nouvelles se passent en France et en particulier Paris et Nice, dans des lieux que l'on connaît ou reconnaît.
J'aurai voulu analyser plus chacune de ses nouvelles mais il faut du temps qui m'a manqué.

Aurore
La préface m'a au contraire très intéressée quant à la vie d'Anaïs Nin.
J'ai beaucoup aimé pour ma part la première nouvelle. Je me suis laissé porter par le bateau, un peu comme dans une nouvelle émaillée de réalisme magique, et avec une portée philosophique. Mais j'en suis là, à la première nouvelle....

Lucie
Je n'ai même pas ouvert le livre. Je n'ai pas réussi à m'y mettre, comme un blocage. Quand j'étais lycéenne, j'ai feuilleté Vénus Erotica, et je ne me souviens plus pourquoi, mais je me rappelle avoir ressenti une forte répulsion. Berk ! Depuis je n'ai plus envie de lire Anaïs Nin.

La préface et ses cousines

Des écoles de pensée - ou plutôt de pratiques - existent parmi nous : certaines aiment entrer dans le texte sans en rien connaître, sans avoir tourné autour, et sautent la préface quand il y en a une, pour y revenir après.

Pour cette séance, on a vu le rôle négatif spectaculaire de la préface sans laquelle - qui sait -
Joëlle M aurait peut-être adoré le livre...