Georges
Perec, dans Penser/Classer
évoque Sei Shônagon dans un sous-chapitre
« Sei Shôngon ne classe pas ; elle énumère
et recommence. Un thème provoque une liste, de simples énoncés
ou d'anecdotes. Plus loin, un thème presque identique produira
une autre liste, et ainsi de suite ; on aboutit ainsi à des séries
que l'on peut regrouper ; par exemple les "choses" émouvantes
(choses qui font battre le cur, choses que l'on entend parfois avec
plus d'émotion qu'à l'ordinaire, choses qui émeuvent
profondément) ou bien, dans la série des "choses"
désagréables :
Choses désolantes
Choses détestables
Choses contrariantes
Choses gênantes
Choses pénibles
Choses qui remplissent d'angoisse
Choses qui paraissent affligeantes
Choses désagréables
Choses désagréables à voir
Un chien qui aboie pendant le jour, une chambre d'accouchement où
le bébé est mort, un brasier sans feu, un conducteur qui
déteste son buf, font partie des choses désolantes
; dans les choses détestables, on trouve : un bébé
qui crie juste au moment où l'on voudrait écouter quelque
chose, des corbeaux qui s'assemblent et croassent en se croisant dans
leur vol, et des chiens qui hurlent longtemps, longtemps, à l'unisson,
sur un ton montant ; dans les choses qui paraissent affligeantes : la
nourrice d'un bébé qui pleure la nuit ; dans les choses
désagréables à voir : la voiture d'un haut dignitaire,
dont les rideaux intérieurs paraissent sales. »
Georges Perec
Penser/Classer
Hachette, coll. Textes du XXe siècle, 1985, p. 165
(livre en
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rééd. Points Essais Penser/Classer
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