Et
voici NOS RÉACTIONS sur le livre
LES
LECTRICES
Ce 6 avril
2025, nous étions
11 à participer
de diverses manières à la séance
:
- en direct : Claire Bo, Joëlle, Laetitia, Mar, Marie-Yasmine, Nelly,
Patricia, Sophie de Paris
- en visio : Agnès
- par écrit : Felina, Véronique
- prises ailleurs : Anne, Aurore, Claire Bi, Flora, Sophie de Nice, Stefania.
LES
TENDANCES
-
Véronique
n'est pas entrée dans le livre. Felina
s'est ennuyée dès la première page.
- Sont mitigées
: Joëlle,
mitigée - ;
Laetitia
et
Nelly mitigées
+
-
Sont très positives : Agnès,
Claire Bo, Mar, Marie-Yasmine,
Patricia, Sophie.
LA
SUCCESSION DES AVIS
Puisque le livre est une suite de listes, c'était l'occasion d'ajouter,
à notre avis sur le livre, quelques mots sur le rôle des
listes pour nous.
Véronique
J'ai commencé la lecture du livre en me demandant pourquoi Claire
avait proposé ce livre. L'époque - l'an mille - des listes
de situations évoquées... : le livre m'est tombé
des mains.
J'ai voulu insister et, non, je n'arrivais pas à m'intéresser
au contenu. La forme ne me plaisait pas.
Par contre l'approche de certains écrivains sur le livre m'a intéressée.
Je n'ai certainement pas su aborder cet ouvrage.
Peut-être n'étais-je pas dans l'envie de lire ce type de
document, si moderne parfois dans ces réflexions. J'ai peut-être
manqué quelque chose, mais j'ai préféré lire
le dernier livre de Lydie Salvayre sur les dimanches qui m'a passionnée
(Depuis
toujours nous aimons les dimanches).
J'espère grâce à vous toutes découvrir pourquoi
ce livre est devenu un classique de la littérature japonaise.
Concernant
mon rapport aux listes : dans la vie de tous les jours, j'écris
très rarement de listes. S'il m'arrive d'en noter une sur mon smartphone,
c'est synonyme de fatigue et de peur d'oublier des choses importantes
à effectuer pour moi ou les autres. Dans la vie quotidienne, la
liste me semble réduire les possibilités d'imprévus,
de surprises, de rêverie. En fait, écrire une liste pour
moi serait plutôt de l'ordre du domaine professionnel pour hiérarchiser
mes tâches et les organiser. Vous aurez compris que je ne suis pas
une adepte de la liste dans la vie quotidienne.
Felina
Tout
en ayant une passion pour le Japon, sa finesse et sa tendance à
des uvres contemplatives
Tout en reconnaissant la qualité du texte, sa grande sensibilité
et la poésie qui se dégagent de ce livre
Tout en appréciant le style d'écriture très beau
Je me suis ennuyée dès la première page, malheureusement,
habituée à une structure narrative plus classique, j'ai
trouvé cette compilation de listes et d'observations isolées
un peu monotone et répétitive.
Quant aux listes, c'est vraiment mon truc ! Au travail, elles structurent
mes journées, et dans ma vie perso, elles m'aident à organiser
mes envies et mes courses. Étant anxieuse, le simple fait de noter
les choses m'apaise. J'ai toujours un papier et un crayon à portée
de main, et quelle satisfaction de rayer une tâche accomplie ! Bref,
les listes sont essentielles à mon équilibre.
Marie-Yasmine
J'ai
beaucoup apprécié ce petit recueil de listes qui a réussi,
avec une simple énumération, à me plonger dans une
époque et une destination lointaines. Ses réflexions sont
parfois très proches des nôtres, et c'est très rassurant
de se retrouver dans une expérience commune : cela m'évoque
une universalité de l'expérience humaine.
Avec elle, je partage lappétit pour les jolies choses, les
nouvelles croustillantes, les romans passionnants et les interlocuteurs
agréables.
Je partage aussi son aversion pour les moustiques, les hommes sans talent
qui parlent trop et les fêtes où je ne connais personne.
Certains éléments nous rappellent toutefois la distance
de laquelle nous provient cette énumération : les dents
peintes en noir, les coupes de cheveux à porter en fonction de
la condition de chaque femme, la relation avec les domestiques qui paraît
bien compliquée.
J'ai particulièrement apprécié la sincérité
que l'on sent dans ces notes, probablement venant du fait qu'elles n'étaient
pas destinées à être lues.
Concernant mon rapport aux listes : elles ont une importance énorme
dans ma vie, elles m'aident à ordonner mes pensées et ma
vie et à ne pas me sentir submergée par le monde qui m'entoure.
J'en ai des durables, dans des carnets que j'aime relire pour me rendre
compte du chemin parcouru et des éphémères qui se
jettent une fois le devoir accompli à la fin de la journée.
J'en fais trop rarement des poétiques, destinées à
ma femme (ouf elle a trouvé une place dans cet avis) mais j'aimerais
en faire plus. Une amie est très amatrice des listes pour/contre
afin de prendre des décisions, mais elles me paraissent beaucoup
trop raisonnables pour être honnêtes, je me refuse à
les utiliser.
Joëlle
D'emblée, l'idée m'a
paru sympa et j'ai abordé le livre avec gourmandise.
Mais ce livre court m'a rapidement paru long, voire sans fin. D'ailleurs
je ne l'ai pas terminé.
C'est super quand on a des phrases courtes, des formules lapidaires, quand
on s'approche de l'aphorisme. Et là, on peut frôler le surréalisme.
Exemple : "CHOSES QUI NE SERVENT PLUS À RIEN,
MAIS QUI RAPPELLENT LE PASSÉ" : "Un
peintre dont la vue s'obscurcit".
C'est décevant quand on lit une anecdote rédigée.
Parce que là, ça tombe à plat. Est-ce un problème
de traduction ? Une difficulté liée à l'éloignement
spatio-temporel ? En tout cas, ça fait pschitt. Exemple : "CHOSES
IMPATIENTANTES" (tout
le chapitre).
À part ça, j'ai bien aimé la structure, les thématiques,
que j'ai trouvées amusantes et fines - d'où ma déception
devant certaines rédactions pas à la hauteur de la promesse
initiale.
Quant au principe de "listes", ça ne me fait ni chaud
ni froid. Personnellement, je n'en fais pas, même pour aller au
marché. A la rigueur pour préparer une mini-valise, quand
il faut aller à l'essentiel et ne pas déborder. Mais c'est
une fois par an grand maximum. Ça ne tient pas trop de place dans
ma vie.
Laetitia
Ces "notes de chevet", qui ont plus de 1000 ans, ont été
une découverte totale. Je ne suis pas familière, il est
vrai, de cette collection "Folio sagesses". Apparemment, l'auteure
- Sei Shônagon - est très connue au Japon ! Et ces "notes"
ont influencé la littérature japonaise jusqu'au développement
du roman moderne.
J'ai trouvé la préface intéressante, nécessaire
même, pour appréhender ces "CHOSES QUI RENDENT HEUREUX"
; j'ai ainsi pris des notes au fil des pages et ai appris des mots (par
exemple, le terme "waka" qui signifie "poésie")
et des éléments propres à la civilisation et la culture
de l'ère Heian - par exemple l'importance de la place des femmes
dans la littérature à cette époque.
J'ai cependant été décontenancée, aussi bien
par le fond que par la forme de ce texte. Pas de narration, une sélection
fantaisiste, avec plusieurs styles d'écritures : cf. "Les
Notes de chevet de Sei Shônagon" par Christine Angot
(L'édito culture, France Inter, 27 juin 2024).
Comme Joëlle, j'ai préféré les courtes phrases
aux longs développements.
Ce que j'ai apprécié :
- une forme de raffinement, notamment à travers l'évocation
des éléments naturels : j'ai particulièrement aimé
les notes qui donnent à voir le soleil, la lune, le brouillard,
les nuages (p. 85
) ; l'auteure saisit avec justesse et légèreté
les petits moments d'émerveillement du monde ;
- la notion d'"impermanence", évoquée dans la
préface ;
- le rapport à l'intime, la sensibilité de l'auteure ;
- l'humour discret.
Et deux réserves :
- j'aurais apprécié des illustrations en accompagnement
des notes ;
- par ailleurs, il me semble nécessaire d'être "zen"
et concentrée (une forme de mise en condition) pour apprécier
ce livre qui est "à l'image de la conception japonaise
du monde - fluctuant, à la réalité trompeuse, soumis
à la loi du changement".
Mon rapport aux listes :
- au travail : les "TO DO" listes !
- je fais des listes de courses
que je ne suis pas forcément
(voire pas du tout) !
- j'ai rempli de nombreux petits carnets lors de passages dans les librairies,
les musées ou lors de voyages ; aujourd'hui, ces notes sont classées
dans mon smartphone !
Mar
Je
suis allée au Japon sur les
lieux où l'autrice dont Sei Shônagon fut en quelque sorte
la concurrente, Murasaki Shikibu, écrivit le Dit du Genji.
J'ai bien aimé ce livre.
Je suis surprise qu'il contienne cette chaleur humaine datant de 1000
ans et que je m'y reconnaisse.
Dans "CHOSES QUI NE SONT BONNES À RIEN", elle
se questionne et n'a envie que personne ne lise : "À
la vérité, tout cela ne devrait être ni écrit
ni montré ; mais je ne pensais pas que personne dût
voir ces notes, et je les ai rédigées en me proposant dy
mettre absolument tout ce qui me viendrait à lesprit, même
les choses étranges, même les choses déplaisantes."
C'est très intéressant de voir que l'écriture est
en quelque sorte un outil thérapeutique, en écrivant sans
filtre. C'est d'ailleurs quelque chose de difficile à apprendre
à faire...
Je suis allée au Japon et j'ai visité le
musée dédié au Dit du Genji. Ce musée
préserve très bien les goûts esthétiques de
l'époque, et il a été une bonne référence
visuelle pendant ma lecture.
J'ai bien aimé ce livre. J'ai trouvé que l'autrice est
extrêmement expressive et qu'elle a très bien capturé
de nombreux aspects atemporels de l'expérience humaine. J'étais
surprise de lire un texte écrit il y a plus que 1000 ans et d'y
voir des parties de moi-même.
Dans "CHOSES
QUI NE SONT BONNES À RIEN",
elle explique qu'être lue n'est pas ce qui la motive à écrire
ce récit et qu'au contraire pour elle, l'écriture est une
fin en soi : "À la vérité, tout cela ne devrait
être ni écrit ni montré ; mais je ne pensais pas que
personne dût voir ces notes, et je les ai rédigées
en me proposant d'y mettre absolument tout ce qui me viendrait à
l'esprit, même les choses étranges, même les choses
déplaisantes." Pour moi, l'écriture, telle qu'elle
est décrite dans cette citation, est un outil thérapeutique
très puissant et j'ai trouvé fascinant que l'autrice ait
découvert cela par elle-même il y a si longtemps.
Quant à mon rapport aux listes : j'utilise des listes tous les
jours parce qu'elles m'aident à organiser mon temps, il s'agit
de to-do lists très simples. J'ai aussi des listes de choses positives
que j'ai tendance à oublier, les petites victoires du quotidien.
Mais quand il s'agit du type d'écriture (pour moi thérapeutique)
que je reconnais dans ce livre, cela ne prend pas la forme d'une liste
pour moi, mais plutôt celle d'un texte long et sans forme.
Agnès
Je
suis contente d'avoir lu ce livre, dont je connaissais seulement l'existence.
Toutefois, je ne l'ai pas aimé au point de lire l'ouvrage
intégral, ces 80 pages de morceaux choisis ont suffi pour satisfaire
ma curiosité.
J'ai tout
d'abord été très impressionnée de lire une
autrice qui a écrit voici plus de mille ans. En particulier parce
qu'il s'agit d'un recueil de pensées intimes, d'impressions personnelles.
Je trouve miraculeux d'avoir ainsi accès au cur et au cerveau
d'une femme qui a vécu à une époque si éloignée.
C'est très émouvant.
On a tendance, par ignorance ou arrogance, à croire que les êtres
humains sont, depuis leur apparition sur Terre, de plus en plus fins d'esprit
et intelligents. On appréhende le temps comme un continuum de progrès.
Ce livre nous montre le contraire grâce à notre rencontre
avec la narratrice qui fait preuve d'une grande finesse d'analyse de ses
sentiments et de ses impressions, ainsi que d'une impressionnante capacité
à observer sa société, son environnement, qui sont
extrêmement riches et raffinés.
J'adore les listes et j'en rédige en permanence, la forme de cet
inventaire m'a donc comblée. D'ailleurs, après ma lecture,
je n'ai pas arrêté pendant quelques jours de classer mentalement
tout ce que je faisais !
J'ai également apprécié le style de l'ouvrage qui
est d'une grande poésie. Les expressions utilisées pour
désigner les couleurs m'ont particulièrement enchantée
("couleur de cerisier, couleur de glycine", "couleur
de prunier rouge", etc.), ainsi que l'évocation de la
nature et des animaux. La poule étalée sur ses poussins
pour les protéger m'émeut, comme la narratrice, profondément.
Un livre que je classerais parmi les curiosités que Lirelles
m'a permis de découvrir. Je suis cependant heureuse que nous
poursuivions notre programme avec deux romans.
Nelly
Je n'ai pas lu ce livre de façon classique. J'ai quand-même
lu la préface consciencieusement,
puis je l'ai plutôt feuilleté, car à mon sens il n'y
avait pas d'ordre préétabli. Le titre "Notes de chevet"
reflète bien ce qu'on perçoit lorsque on ouvre le livre.
On le prend, on le repose, on saute une page ou deux, on sourit sur un
mot ou une expression, mais on n'a pas besoin de se concentrer pour comprendre
le fil de l'histoire. En ce sens, cela peut-être assez distrayant.
C'est amusant de lire dans le désordre. Cela permet de rêvasser.
Le contenu me semble difficile à commenter, car je trouve que les
mots ou les courtes phrases des listes procurent juste des impressions
fugitives, sur lesquelles on ne s'arrête pas. On n'approfondit pas.
Certaines considérations de l'autrice sont intemporelles, d'autres
datent, même si je reconnais bien sur le contexte de l'époque
et que je suis consciente que le texte date du premier millénaire.
Il y a une alternance entre des phrases courtes et piquantes avec des
passages presque naïfs.
"On naime plus une personne, cest toujours la même,
et il vous semble cependant que cest une autre."
Les commentaires sur les rapports sociaux (serviteurs / servantes et les
maîtres / princesses / impératrice) sont désuets,
car nous les lisons avec la distance d'un millénaire.
Les listes sur les sujets classiques restent assez banales !
"LES CHOSES QUE L'ON NE PEUT COMPARER
Lété
et lhiver. (...) La jeunesse et la vieillesse. (...) Le noir et
le blanc."
!
Il y a un semblant de poésie mais un peu facile : le soleil,
la lune, les nuages, la nature. Mais bien sûr je n'ai fait moi-même
que survoler.
Je me suis demandé si l'humour n'était pas parfois involontaire.
"LES CHOSES QUI FRAPPENT DE STUPEUR
En nettoyant un peigne, on est arrêté par quelque chose,
et il se brise."
Il y a un autre auteur qui a écrit des livres que j'aime consulter
de la même façon (sous forme de listes) : Charles Dantzig,
Dictionnaire
égoïste de la littérature française, Dictionnaire
égoïste de la littérature mondiale. C'est plus
tonique.
Comme le titre l'indique, c'est très partial, complètement
subjectif et cela alterne entre considérations personnelles et
documentations sérieuses. Il parle des listes dans un de ses dictionnaires,
comme la forme la plus rudimentaire de la littérature et cite Li
yi Chan comme son inventeur (vers 800) : aurait-il inspiré
Sei Shônagon ?
Bien que dans ses choix,
je trouve qu'il donne trop de places aux hommes, ses remarques ne sont
pas dénuées d'humour.
Je reprends deux choses des listes de Dantzig :
- "Une chose pénible" : "Converser avec
qui n'a lu que des nouveautés".
- "Une chose charmante" : "L'enthousiasme de
la naïveté".
Mon
rapport aux listes : j'évite d'en faire trop car je trouve trop
frustrant de ne pas en venir à bout. Je retiens néanmoins
le commentaire de Marie-Yasmine : regarder ce qui a été
fait plutôt que ce qu'il reste à faire. Mais j'utilise plutôt
le principe des mini-listes quotidiennes dont je me sers comme des pense-bêtes.
Sophie
J'ai
aimé cette lecture, courte, "atypique" et rafraichissante.
Ce livre est à la fois léger et profond, étonnamment
moderne et désuet.
Il est poétique, historique, philosophique. L'air de rien, avec
grâce.
C'est sa dimension contemplative qui m'a le plus touchée. L'observation
minutieuse de la nature et des effets de la nature sur l'âme.
L'observation de la nature humaine, aussi, qui n'a pas changé.
C'est émouvant de penser qu'une femme a écrit ces lignes
à la cour de l'an mille, au Japon.
L'universalité de ce qui est décrit est frappante.
J'ai aimé l'ironie et l'humour qui émergent parfois et qui
sont comme des clins d'il de l'autrice aux lecteurs de toutes les
époques. Une forme de connivence qui traverse les siècles
et les civilisations.
C'est mystérieux et apaisant.
J'aime les listes qui mélangent des choses de différente
nature, comme :
"CHOSES QUI NE FONT QUE PASSER
Un bateau dont la voile est hissée.
L'âge des gens.
Le printemps, l'été, l'automne et l'hiver."
Je sais que je picorerai quelques lignes de ce livre de temps à
autre. Comme on contemple un même paysage chaque jour, sans jamais
tout à fait y voir la même chose.
Mon rapport aux listes ? Je n'en fais jamais. Sauf avant de faire les
courses, parfois. Et en chemin, je me rends compte que j'ai oublié
la liste
Patricia
Je ne connaissais le livre que de vue, car je l'ai vu longtemps posé
sur le bureau d'une amie qui le lisait. Au premier abord, je pensais que
c'était plus de la littérature zen, donc je n'ai pas posé
plus de questions.
[Commentaire au passage : nous retenons l'expression
fort utile "connaître un livre de vue"...]
J'ai donc été surprise de voir que
c'était un livre écrit il y a plus de mille ans et que c'était
un grand classique de la littérature japonaise, un des premiers
écrits par une femme. Sei Shônagon est la dame de
compagnie d'une impératrice. Si j'ai bien compris à la fin
du livre, elle explique que son livre n'était pas destiné
à être diffusé, il l'a été par "accident".
Elle l'a écrit sous forme de notes ici et là, comme un journal
intime. D'ailleurs, elle y note des pensées intimes qu'elle ne
voulait surtout pas qu'on lise, car ça pouvait être blessant
ou choquant pour certaines personnes, comme elle l'explique dans un des
chapitres.
Au début, je l'ai lu de façon aléatoire, en ouvrant
une page au hasard, puis je l'ai repris d'un bout à l'autre. Je
n'ai lu que la version réduite, ça suffisait pour le moment.
Je ne dis pas que je ne lirai pas un jour la version complète.
J'ai trouvé les références numérotées
utiles pour la compréhension de certaines pensées. Je n'ai
pas lu la préface.
Donc, j'ai beaucoup aimé, j'ai été séduite
par ce charmant petit livre, plein d'esprit et d'émotions, d'amour
de la nature, à la fois d'une grande finesse et aussi d'une certaine
légèreté parfois. Notamment, elle pouvait accorder
une très grande importance à des choses qui me paraissent
à moi, occidentale du monde moderne, futiles voire incongrues.
Je l'ai lu avec beaucoup de plaisir, et j'ai beaucoup ri car il y a beaucoup
d'humour, je ne sais pas si c'était voulu, si c'était du
second degré ou si elle se moquait un peu. Il y a naturellement
beaucoup de choses toujours d'actualité, universelles, qu'on devrait
de temps en temps se rappeler, nous qui sommes pris dans notre monde moderne
et stressant.
C'est une femme qui aimait avant tout la beauté, beaucoup la nature,
les hommes et les femmes élégants, raffinés ;
elle était très à cheval sur les rites, les coutumes,
les fêtes, cérémonies, les valeurs et les principes.
Dans les histoires amoureuses, ça sent le vécu et c'est
très drôle souvent, avec des exemples très précis.
Ça nous parle car c'est tellement vrai parfois : elle y montre
la psychologie des hommes et des femmes et met en évidence une
certaine hypocrisie parfois. On voit que c'est une femme du monde, de
la cour, cultivée, élégante, aimant la poésie,
l'art, etc. ; parfois il y a beaucoup d'émotion (parfois elle
exagère les émotions), et par moment (mais pas trop souvent,
quelques fois) un peu de mépris pour les gens du peuple et les
gens laids, petits, etc. : je trouve que ça donne l'impression
d'un côté snob, comme font les beaux parleurs dans les salons
pour faire leur intéressant ou en cherchant à être
drôles. Quand on pense que c'était il y a plus de mille ans,
rien n'a changé
J'ai tout de suite fait le lien avec les haïkus, car ce sont des
pensées courtes qu'elle situe souvent à une saison de l'année,
une heure de la journée, avec le temps qu'il fait, la nature, etc. ;
et il y a toujours une émotion associée.
On y retrouve l'art japonais avec la description des arbres cerisiers,
pruniers, orangers, les fleurs, les rameaux avec des bourgeons et des
fleurs, etc.
Quelques remarques :
- p. 40 : la "guitare" existait déjà ainsi
que les "voitures"
- les dents noires
- sa compassion pour deux oiseaux séparés par un ravin,
on a l'impression qu'elle se projette ; d'ailleurs beaucoup d'émotion
se dégage du chapitre "Oiseaux" : elle devait
passer beaucoup de temps à les observer.
- tellement vrai : "CHOSES QUE LES GENS IGNORENT"
: "la vieillesse de leur mère."
Conclusion : très heureuse de l'avoir lu ! Très intéressant
!
Remarques sur les listes :
- Duras était une spécialiste des listes dans La
Vie matérielle ainsi que Susan Sontag dans son Journal
(que nous avions lus).
- Je suis aussi une pro des listes dans ma vie professionnelle et personnelle.
Je tapisse des cahiers entiers de listes, soit des tirets soit des numéros
Mais je ne les suis pas car je déteste les contraintes.
J'ai acheté le livre qui se trouvait là Ces
choses qui font battre le cur au Japon et ailleurs d'Elena
Janvier (nom d'un trio de trois Françaises ayant vécu au
Japon), qui s'inspire de Sei Shônagon, mais actuel, moderne
Donc pas pareil
Claire
Bo
Je vais d'abord tourner autour du pot. Pour être dans l'ambiance...,
je suis allée au Parc de Sceaux ce matin voir la centaine de cerisiers
justement en fleurs, magnifiques, la fête
de Hanami devenant de plus en plus folklorique...
Vu
ce livre, si ancien, si étrange a priori, et puis parce qu'il s'agit
d'extraits du livre intégral et que je voulais comprendre les choix
effectués, j'ai lu la préface avant, que j'ai trouvée,
comme toi Laetitia, remarquable.
Je connaissais l'existence des deux grands classiques japonais, Le
Dit du Genji, fréquenté si je puis dire, mais sans
en avoir lu une ligne, par une exposition
au Musée Guimet et le
livre illustré magnifique d'une amie passionnée du Japon.
Celui qu'on a lu, j'en avais aussi "entendu causer" et j'avais
même le livre original qu'on m'avait donné - comme Patricia,
je le connaissais donc de vue... - sans non plus en avoir lu une ligne.
J'ai aussi un livre qui s'intitule
L'art des listes et j'ai vu qu'un signet se trouvait à
la page concernant les Notes de chevet. J'en avais aussi entendu
causer dans le livre de Georges Perec, Penser/Classer.
Bref, accéder à ce livre, est pour moi de l'ordre
de découvrir pour de vrai un monument faisant partie des merveilles
du monde (vous voyez le Taj Mahal ou le Pont des soupirs), ce qui n'assure
en rien que la lecture est un plaisir.
Ce livre se situe pour moi entre le roman et la poésie, genre vis-à-vis
duquel je me sens mal à l'aise.
Les titres m'ont semblé aussi importants que les listes qui les
suivaient : j'ai été moins friande lorsque le titre est
un nom - "Tissus", "Le vent" - et ai
préféré les titres commençant par "LES
CHOSES".
Je me suis demandé : entre les choses charmantes, ravissantes,
magnifiques, enviables, qui rendent heureux : quelles différences
? Entre les choses qui emplissent l'âme de tristesse et celles
qui paraissent affligeantes ? Entre les choses qui paraissent
pitoyables et celles qui font honte ? Entre les choses excessivement
effrayantes et les choses qui remplissent d'angoisse... Mais
bon, j'ai accepté l'idée de variations et me revenait l'hypothèse
évoquée dans la préface d'exercices, tel un atelier
d'écriture.
Certains titres m'ont semblé très réussis, dans leur
succession : "Choses qui perdent à être peintes",
puis "Choses qui gagnent être peintes. "Choses
qui sont éloignées, bien que proches", puis "Choses
qui sont proches, bien qu'éloignées". Tout cela
pour dire que les titres sont une partie du texte particulièrement
accrocheur pour moi.
Il ne semble pas y avoir une construction d'ensemble. Comme dit Georges
Perec, "Sei Shônogon ne classe pas ; elle énumère
et recommence. Un thème provoque une liste, de simples énoncés
ou danecdotes. Plus loin, un thème presque identique produira
une autre liste, et ainsi de suite".
Aussi est-ce préférable, me suis-je dit, de se laisser
aller, en me rappelant le classement fou de Borges
: "les animaux se
divisent en a) appartenant à l'Empereur, b) embaumés, c)
apprivoisés, d) cochons de lait, e) sirènes, f) fabuleux,
g) chiens en liberté, h) inclus dans la présente classification,
i) qui s'agitent comme des fous, j) innombrables, k) dessinés avec
un très fin pinceau de poils de chameau, l) et cætera, m)
qui viennent de casser la cruche, n) qui de loin semblent des mouches."
J'ai aimé de rares scènes narratives ou simplement évocatrices
d'un fil narratif : "On se sent encore défaillir quand
une autre femme, devant vous, montre une lettre quelle a reçue
de celui quon aime" - on pourrait tirer un roman...
Et en me reportant au texte
intégral, je me suis dit qu'il gagnerait à être
lu pour avoir davantage de récits.
Il y a aussi des généralités : "on peut dire
que tout ce qui est petit est délicieux".
Je suis étonnée du nombre de scènes galantes, donnant
l'impression d'une liberté de murs alors que ces femmes sont
des prisonnières de la cour.
Ne peut-on trouver quelque mauvaise foi dans cette phrase : "À
la vérité, tout cela ne devrait être ni écrit
ni montré ; mais je ne pensais pas que personne dût
voir ces notes, et je les ai rédigées en me proposant dy
mettre absolument tout ce qui me viendrait à lesprit, même
les choses étranges, même les choses déplaisantes"
?
J'ai trouvé un lien avec notre
lecture précédente, plaçant si haut l'amitié
au point de rêver d'un mariage d'amitié: "Quand cest
un amant qui vient la voir, il nest pas besoin de dire la joie quune
femme ressent. Elle est heureuse encore, si cest seulement quelquun
avec qui elle est en relation damitié. Mais quel ennui lorsquun
homme qui nest ni votre amant ni votre ami vient sans motif particulier
vous rendre visite ! "
Il y a aussi un certain sens de l'extase, notamment liée à
la nature, mais aussi des préoccupations qui peuvent paraître
dérisoires. De la subtilité, de la finesse, de la délicatesse
mais aussi de la futilité. Et en tout cas, une grande préoccupation
du paraître ; elle envie les dames "dont on parle d'abord,
en toutes occasions" ; j'imagine des influenceuses avant l'heure...
Pensant qu'on lit et à ce qui lie notre groupe, j'ai
noté parmi les "CHOSES QUI RENDENT HEUREUX" :
"On trouve un grand nombre de contes quon na pas encore
vus. Ou encore, on a lu le premier volume dun roman passionnant,
et lon découvre le second. Il peut se faire, du reste, quon
soit déçu" et encore : "J'ai complètement
égaré un livre que jai besoin de consulter sur-le-champ ;
je le cherche en dérangeant à plusieurs reprises quantité
de choses, et je finis par le trouver. Je suis transportée de joie."
Enfin, j'ai découvert, autour du livre, qu'en 2009 Umberto Eco,
auteur du Nom
de la rose,
invité par le Louvre pour une carte blanche, a choisi pour thème
"le vertige de la liste" et à cette occasion a publié
un livre, Vertige
de la liste,
que j'ai découvert et qui m'a enthousiasmée, par l'analogie
entre les tableaux reproduits et les listes sans fin.
Quant aux listes personnelles, j'aime bien le pour/le contre (se quitter
ou pas ?...). Dès que j'ai plus de trois choses à dire,
il faut que j'écrive car ça ne tient pas dans ma mémoire.
J'ai retrouvé la liste de toutes les choses que je ferais quand
je ne travaillerais plus : "lire les romans à la mode, lire
Les Hauts de Hurlevent, Sans Famille, Les Trois mousquetaires".
Et j'ai retrouvé un poème-liste
que Borges m'a en quelque sorte offert pour mes cinquante ans et que j'aime...
Quelques
échos sur le livre
Trois
points de vue d'auteur.es :
- "Les
Notes de chevet de Sei Shônagon" par Christine Angot,
L'édito culture, France Inter, 27 juin 2024, 3 min
(vidéo).
- "Les
Notes de chevet de Sei Shônagon", par Jean-Claude Carrière,
On n'a pas fini d'en lire, Laura El Makki, France Inter,
7 juillet 2012, 35 min.
- Alberto Manguel (qui fut secrétaire de Borges), consacre aux
Notes de chevet un mois de son Journal
d'un lecteur, écrit en 2004, Actes Sud : voici ces
pages consacrées aux Notes de chevet.
Un article assez
récent d'une spécialiste, Evelyne
Lesigne :
- "Des
liasses de papier dont on fit un 'oreiller' : le registre de lécriture
de Sei Shônagon", revue Études littéraires,
n°1-2, 2019 : Les Notes de chevet ont servi de source dinspiration,
au Japon comme ailleurs, pour permettre une écriture fragmentaire
et discontinue, moyen dexpression spontané pour une écriture
de lintime. Pourtant, ce texte attribué à Sei Shônagon
est avant tout le reflet dune activité intellectuelle collective.
Cet article présente et commente plusieurs extraits de luvre
pour étayer cette affirmation.
Différentes éditions
:
préface,
choix et notes Corinne Atlan, Folio Sagesses, 112 p.

Morceaux
choisis des Notes de chevet, trad. André Beaujard
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Première
parution Gallimard en 1966, Gallimard / Unesco :
en
ligne ici
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Citadelles
& Mazenot, 2000, coffret :

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La
première édition, en 1934, était la thèse
complémentaire du traducteur André
Beaujard, diplômé de lÉcole des Langues
Orientales, présentée à la Faculté des
Lettres de lUniversité de Paris, publiée par
la Librairie Orientale et Américaine
G.-P. MAISONNEUVE :
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avec
une préface de son excellence M. Adatci, membre de l'académie
impériale du Japon, ancien ambassadeur du Japon à
Paris

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