Ana-Cristina
(qui
participe au nouveau groupe parisien depuis 2016)
La mise en lumière de différentes lectures (avis) révèle
les multiples facettes que peut prendre une uvre, mais pas uniquement.
Elle permet, dans une certaine mesure, de comprendre aussi à quel
point faire part de sa lecture est tout sauf un acte anodin. Je me suis
rendu compte, lors des échanges autour d'un livre, que notre lecture
(notre critique) dépend de notre vie (profession, instruction
),
de la qualité de la présence de l'uvre dans l'imaginaire
collectif, de nos connaissances sur la vie de l'auteur, sur ses autres
livres, etc., etc. Rien d'étonnant et rien de bien nouveau, mais
pour moi cela est toujours un instant privilégié que ce
moment où je peux constater, de visu si j'ose dire, des bribes
de connaissances qui jusqu'alors étaient restées hors de
ma vue. Mais, et cela est sans doute plus important, même si cela
est moins vérifiable, notre lecture dépend aussi de nos
expériences plus intimes. Pour cette raison, chaque avis donné
révèle aussi une petite part de soi. Finalement, la conversation
autour d'un livre m'offre une possibilité supplémentaire
d'être au plus près d'une autre personne vouée, et
c'est la vie !, à rester pour moi une parfaite étrangère.
J'ai alors la confirmation qu'il y a d'autres vies sur la Terre que la
mienne et que nous ne sommes pas que des corps qui déambuleraient
tels des zombies interchangeables, mais aussi des personnes uniques donc
aussi des esprits. Cette impression, je la ressens aussi lors de la lecture
proprement dite. Le premier échange dans cette expérience
qu'est la lecture n'est-il pas celui qui s'instaure entre l'auteur et
son lecteur ?
Donc, lire permet, en premier lieu, d'accéder à d'autres
univers intérieurs, et donner son avis sur le livre lu, ensuite,
autorise à dévoiler le sien (d'univers). Mais il faut qu'une
condition soit remplie pour que ce processus ait lieu. Laquelle ?
Pour répondre, je m'appuierai sur un avis lu sur le site de Voix
au chapitre, à propos d'Un
pedigree, roman de Modiano : "Enfin j'aime aussi quand dans
son discours du Nobel, à propos de la relation roman/lecteur, Modiano
parle de l'"art qui ressemble à l'acupuncture où
il suffit de piquer l'aiguille à un endroit très précis
et le flux se propage dans le système nerveux", c'est très
beau" (avis de Claire). Cette idée qu'un roman, par exemple,
puisse insuffler, à condition de piquer au bon endroit, un supplément
d'énergie donc de vie me plaît beaucoup. C'est d'ailleurs,
je crois, la condition première car spontanée pour que nous
ayons quelque chose à dire sur un livre : il doit dynamiser
c'est-à-dire sortir de son inertie le lecteur. Il aura alors senti
la piqûre dont parle Modiano. Cette piqûre dopera le lecteur,
l'aiguillonnera en quelque sorte, lui permettant alors de donner son avis
qui, une fois transmis, à son tour, déclenchera chez celui
qui l'écoute une réaction vivifiante que je juge salutaire
pour l'esprit et
le corps.
En résumé je dirai donc que pour moi la littérature
n'est rien de moins qu'une source où je bois pour me sentir plus
vivante !
Avril 2018
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