Claire
Je me sens un peu la demeurée du groupe. Je suis pourtant la plus assidue,
puisque c'est chez moi que le groupe se réunit depuis 1987 ; du coup,
je suis forcément présente et j'ai depuis longtemps dépassé ma 200ème
séance.
Je me sens en effet handicapée à plusieurs titres.
Premièrement, je me demande si j'aime lire
; j'adore parler des livres, mais les lire, moins. La raison est que je
suis peu souvent enthousiaste. Rares sont les livres rencontrés qui me
rendent impatientes de les retrouver (il y en a quand même quelques-uns
: Le baron perché de Calvino, Le baiser de la femme araignée
de Manuel Puig, La conscience de Zeno de Svevo, Le liseur
de Bernard Schlink, Le livre de Dina de Herbjorg Wassmo…). Et puis,
je préfère lire le journal.
Deuxièmement, j'ai des problèmes de mémoire
et d'attention (bien qu'encore très jeune…) : et dès qu'il y a trop de
personnages, trop d'inférences à faire, je me mélange les pinceaux, et
je perds le fil.
Troisièmement, je n'aime pas la lecture de
narration point final genre roman policier, ça me barbe, j'ai l'impression
de perdre mon temps (réserve faite pour La Reine des pommes de
Chandler ou Bastille Tango de Jean-François Vilar, et encore, c'est
parce qu'il y a du tango). J'aime encore moins les correspondances et
les journaux où on raconte ce qu'on mange le midi.
Quatrièmement, si je n'aime pas la littérature
de SNCF que je viens de citer qui se lit facilement, je n'aime pas en
général non plus la littérature qui demande au lecteur une intense activité
de construction ou de méditation. Ne parlons pas de poésie, je baille
déjà. J'aime qu'un livre me prenne, me saisisse : j'adore haleter devant
les rebondissements ou frémir à chaque crise de conscience du héros ou
encore m'identifier telle une midinette.
Cinquièmement, j'aime l'écriture qui vous
fait des délices, des trucs et des machins (et je n'exclus pas l'écriture
froide d'Annie Ernaux ou de Raymond Carver) et ça c'est pas si fréquent,
soit que ça soit fade et conventionnel (genre dictée de quatrième de collège),
soit que ça soit alambiquement fatiguant (Claude Simon), soit que ça veuille
faire du style ou que ça ne mérite que quelques extraits dans votre Lagarde
et Michard perso (Christian Bobin).
En dépit de ces raisons qui ne sont pour l'instant qu'au nombre de 5,
j'adore participer à ce groupe de lecture qui a à mes yeux quatre étoiles.
J'ai fréquenté trois autres groupes de lecture, qui avaient vraiment beaucoup
moins d'étoiles. Vous avez vu nos petits livres correspondant à nos appréciations,
c'est vraiment croquignolet. J'aime aussi lire Le Guide du Routard.
Avril 2001
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