François
(qui
participe au nouveau groupe parisien depuis 2016)
Je me souviens d'une grande liseuse.
Je me souviens d'une phrase absolument géniale de Roland Barthes
dans le Cy
Twombly que je viens de lire avant d'aller visiter son exposition
au Centre Pompidou.
Je me souviens d'avoir beaucoup fait semblant de lire.
Je me souviens de La
rage de vivre de Mezz Mezzrow que nous lisait notre prof de français
en première.
Je me souviens d'un dessin de Rimbaud, nez au vent avec pipe et chapeau
sur une couverture
du livre de poche.
Je me souviens des Patins
d'argent dans la collection "Rouge et or".
Je me souviens de l'atelier de reliure à
l'École Estienne.
Je me souviens de
Belle du Seigneur que j'ai abandonnée en Corse dans un
refuge du GR20.
Je me souviens d'Adamov qui marchait toujours pieds nus dans Paris.
Je me souviens d'un livre volé aux PUF
à l'angle du boulevard Saint-Michel.
Je me souviens de la dernière phrase des Palmiers
Sauvages : "...entre le chagrin et le néant,
c'est le chagrin que je choisis".
Je me souviens d'avoir lu Faust à Barcelone au milieu des inondations.
Je me souviens d'un cours d'Antoine Compagnon sur
les chiffonniers littéraires.
Je me souviens d'un étudiant qui avait lu tout Dostoïevski.
Je me souviens de la fin du monologue
de Molly dans Ulysse de Joyce : "oui j'ai dit oui je
veux bien oui".
Je me souviens des séminaires de Lacan.
Je me souviens de son "vous vous enlisez, vous lisez trop..."
Je me souviens de Charlus à la fin de La recherche du temps
perdu.
Je me souviens des souvenirs de lecture du narrateur dans Du côté
de chez Swann.
Je me souviens d'un lecteur à la bibliothèque Sainte- Geneviève
qui portait monocle, nud papillon et chapeau melon.
Je me souviens de l'incipit
d'Aurélien.
Je me souviens du kiosque où j'achetais
L'Intrépide.
Je me souviens du "mi
largo comercio con la luna" de Borges.
Je me souviens des lectures d'Emma Bovary.
Je me souviens du "Mentir ou mourir" de Céline.
Je me souviens de la couverture cartonnée de L'Auberge
de l'ange gardien.
Je me souviens des Mots de Jean-Paul Sartre et de cette belle
phrase : "La comédie de la culture, à la longue
me cultivait."
Je me souviens du banc de Bouvard et Pécuchet.
Décembre 2016
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