Mireille
(qui a
participé au groupe pendant deux années de 2012 à
2014, avant d'aller vivre à Nice où elle lit à distance
certains de nos livres)
Voix au chapitre me sidère par son développement
et son activité toujours aussi vive et riche. En lisant les portraits
des autres lecteurs j'ai souri en pensant à mes propres lectures
d'adolescence.
Chaque semaine, ma meilleure amie subtilisait Nous
Deux :
l'hebdomadaire qui porte bonheur
à sa grande sur le temps de lire, au bord d'un ruisseau
ou sous la lucarne d'un grenier abandonné, les rebondissements
des épisodes écrits sur des vignettes joliment dessinées
ou sur des photographies d'acteurs inconnus et moins voluptueuses. Ensuite
les Delly nom
de plume d'un frère et d'une sur, prirent le relais. Je les
découvris grâce à la voisine, immobilisée après
une chute, je devais lui faire la lecture de son livre de chevet invariablement
signé Delly. Une fois rétablie, elle me remit tous ceux
qu'elle avait terminés. Lassée des histoires d'amour illustrées
à la petite semaine je pris goût au roman lu le soir dans
mon lit. Nous
Deux, Delly,
étaient rassurants. On mangeait son pain noir puis son pain blanc,
la belle héroïne jolie, vibrante, gagnait à coup sûr
le paradis de l'amour ! Déplaisirs et petitesses s'insinuant
dans la relation sentimentale faisaient monter la tension dramatique mais
se résolvaient ! Les méchants étaient éliminés.
L'amour triomphait...
Il y avait aussi la coiffeuse du quartier qui, après m'avoir raté
une indéfrisable, me donnait régulièrement de vieux
Cinémonde.
Dans chaque numéro, le film raconté faisait mon bonheur
d'autant que je fréquentais assidûment, avec la même
meilleure amie, notre modeste cinéma du quartier, l'équivalent
d'un palais féerique des mille et une nuits.
J'avais seize ans quand je dus quitter ma province, partir seule travailler
à proximité de Baden-Baden, dans un service français
d'une Allemagne occupée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
suite au protocole de Londres et de la conférence de Yalta. Tout
à côté de mon bureau, je découvrais pour la
première fois une bibliothèque, des livres alignés
sur des étagères couvrants tous les murs. C'était
la bibliothèque pour les Français de la garnison. La bibliothécaire
se prit d'affection pour moi, m'initia doucement à la littérature,
m'aida à préparer un concours et trois ans après,
avec une bourse, je reprenais des études à Strasbourg. Bonjour
tristesse de Françoise Sagan, Lolita
de Nabokov et plus tard à sa sortie Procès-verbal
de J.M.G. Le Clézio m'ont marquée.
Voix au chapitre m'a rappelé ce que m'avait déjà
dit une analyste, les livres de Freud ne sont pas sacrés, ils doivent
nous faire penser, on a le droit de les critiquer. J'ai aimé, dans
le groupe de lecture, la divergence des points de vue sur les livres exprimée
en toute simplicité.
Décembre 2016
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