Les Papiers d'Aspern

Par la troupe de la comédie Française
Adaptation théâtrale de Jean Pavans

Françoise Seigner : Juliana Bordereau
Catherine Hiegel : Tita Bordereau
Jean-Damien Barbin : Morton Vint

Catherine Hiegel et Jean-Damien Barbin

Catherine Hiegel et Françoise Seigner

Catherine Hiegel, Jean-Damien Barbin et Françoise Seigner

Catherine Hiegel et Françoise Seigner

 

Jean-Louis Perrier (Extrait Le Monde du 2 février 2003)

L'adaptation de Jean Pavans, pourtant fin connaisseur de Henry James, réduit les ombres de la pièce. Seul le jeu pudique de Catherine Hiégel laisse filtrer l'esprit de l'auteur.
Il vaudrait mieux oublier, ne serait-ce qu'un instant, Henry James. Mais comment ? Chaque nouvelle mise en scène ou mise en film d'une de ses œuvres n'est-elle pas une chance de retourner à la source ? Comment ne pas relire Les Papiers d'Aspern ? D'autant que Jean Pavans, l'adaptateur, en est aussi l'éminent traducteur, et l'un des meilleurs connaisseurs de l'œuvre. Alors, il faut bien constater qu'il a préservé l'architecture extérieure de la nouvelle, mais bouleversé son ordonnancement intérieur. Ses personnages se nourrissent plus d'une dramaturgie analytique que de l'élan jamésien. Ce qui était suggéré paraît asséné ; les pistes, les hypothèses, multiples, obéissent au sens unique ; les éblouissements, soudains, et les élans, proches de la folie, s'effacent sous le convenu.
La reprise, mot pour mot, de dialogues romanesques n'en fait pas forcément des dialogues de théâtre. Là où le traducteur découvrait des équivalences aux subtiles ambiguïtés jamésiennes, le dramaturge résume, condense, et souligne d'un crayon gras - celui qui fait rire -, tandis que le metteur en scène contresigne. Il n'est pas jusqu'à la langue qui ne soit affectée. La mode ou la manie de reprendre un mot ou un fragment de phrase dans la phrase suivante n'assure pas la théâtralité. Le système est d'autant plus éprouvant que le malheureux narrateur, tracé d'emblée dans le ridicule, appuie systématiquement sur la dernière syllabe de chaque réplique, comme s'il devait ramener la scie au point initial, avant de reprendre sa course.

UNE AFFAIRE DE BIJOUX

S'il s'agissait de boulevard, l'ensemble paraîtrait digne, courageux peut-être, mais nous demeurons, ne l'oublions pas, sous le regard sans complaisance de Henry James. Les insaisissables papiers d'Aspern deviennent une simple cagnotte, homologue d'une liasse de billets de banque capables de se transformer, d'un mouvement de menton, en quelques pièces d'or, en attendant d'être changés pour leur poids de sexe. Transaction, comme de bien entendu, effectuée en scène, au risque du grivois. La "concupiscence" de l'homme de lettres est prise au pied de la lettre, et sa quête du "divin" poète disparu réduite à une affaire de bijoux de famille, disputés à une vieillarde vénale (Françoise Seigner) par un gandin sans scrupules (Jean-Damien Barbin).
Heureusement, entre la vieille muse et le jeune fat, il y a Tita (Catherine Hiégel). Par un de ces curieux sursauts de mise en scène - ou de distribution bien comprise -, Catherine Hiégel apparaît comme la créature même du romancier. Son maintien assure timidité et droiture, candeur et pudeur, et le découpage savant de ses répliques restaure l'improbable. Chacune de ses apparitions laisse filtrer un peu de la lumière estivale tamisée par Henry James à travers les vénitiennes d'un palais déserté par le monde. Elle devient le secret poétique de Jeffrey Aspern. Le vrai suspense de chaque instant.

 

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