Fera-t-il beau demain pour la promenade au phare ? Cette question plane sur la famille réunie un soir de mi-septembre dans la grande maison de vacances des îles Hébrides.
Tout au long du livre s’insinue la pulsation de la mer. L’eau entrave les pensées. La vie se déverse et la mort surprend. Les années passent. La maison est abandonnée. Demeurent les petits miracles quotidiens, ces «allumettes inopinément frottées dans le noir». Ce sont eux qui donnent un sens aux choses, un mouvement à la vie.

Virginia Woolf
La promenade au phare

Nous avions lu en 1987 Mrs Dalloway et lirons par la suite :
- en 1993 Orlando
- en 2000
Une chambre à soi
- l'été 2012 des livres de Virginia Woolf et du groupe de Bloomsbury
- en 2019 à nouveau Orlando
.
En 1990, nous n'avions pas encore pris l'habitude de noter l'avis de chacun. Le "scribe" de ce 26 janvier 1990, Dominique, a lu ce qu'elle a rédigé la séance suivante, et les remarques vont fuser...

Titres possibles :
"Ceci n'est pas un compte rendu" ou bien "Petit Éloge d'un dialogue en forme de compte rendu" ou "Petit dialogue en forme d'éloge et de compte rendu" ou encore "À un autre la vérité" ou "L'art de la coupure" ou "Mauvaise foi" ou "Mixage", "Montage", "Points de vue", etc.

La promenade au phare ? Une tentative intellectuelle dont on se demande si elle pourrait séduire une nouvelle fois - si tant est qu'elle ait déjà séduit. Virginia Woolf était-elle vraiment consciente de ce qu'elle voulait faire ? En effet, on peut s'interroger : n'est-ce pas là un texte, une écriture "De Femme" faite "Pour Les Femmes", c'est-à-dire prodigieusement ennuyeuse ?! Ce livre est une pelouse. La virtuosité intellectuelle de l'auteur n'empêche pas les longueurs. Allons jusqu'au bout des choses : il n'offre rien à quoi se rattacher par les sens, on y est comme dans un bain d'ennui !

Sabine (explosant)
Trahison ! C'est une trahison !

Claire (mesurée, néanmoins)
C'est (ton… affirmatif) scandaleux.

Henri-Jean (estomaqué)
On n'a pas le droit de faire une chose pareille…

Brigitte (se contenant, mais ferme)
Il n'y a aucune vérité dans tout cela.

Freddy (surpris)
Ce petit rapport ne me paraît pas très fidèle à notre échange.

Dominique
Très bien je reprends.
(Dithyrambique) Qu'il est difficile de retenir son admiration ! Voilà un monument de la littérature que toutes les métaphores assemblées ne peuvent épuiser. On est sous le charme d'un regard, d'une attention tendre aux choses et aux gens, d'une musique qui crée, comme une seule note tenue, la transparence de l'air, le merveilleux, le fantastique. Toute est fluide, évanescence, et pourtant, la vie est là, concrète, sensuelle : intimité d'une maison, jeux des enfants, chaleur de la cheminée… Temps coagulé.
Mais aussi, temps épars, distendu, éclaté : celui d'une jeune fille rappelée à l'enfance en descendant un escalier, celui d'une femme qui devient autre qu'elle-même en s'éloignant sur une allée.
On traverse le(s) temps comme on traverse les consciences : fluidité du style, subtile et maîtrisé (ou traduction défaillante ?...), audace des fondus enchaînés qui, tout à coup, nous font chercher le narrateur.
Mais déjà nous oublions notre quête : en deux touches, en un détail, en trois secondes, la vie est là, toute entière, dans une plénitude maternelle ; et dans le même instant, amenuisée, réduite à rien, transparente : une plaine liquide... la mer... une île… un phare...


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