Prix Renaudot en 1932

Quatrième de couverture :

– Bardamu, qu'il me fait alors gravement et un peu triste, nos pères nous valaient bien, n'en dis pas de mal !...
– T'as raison, Arthur, pour ça t'as raison ! Haineux et dociles, violés, volés, étripés et couillons toujours, ils nous valaient bien ! Tu peux le dire ! Nous ne changeons pas ! Ni de chaussettes, ni de maîtres, ni d'opinions, ou bien si tard, que ça n'en vaut plus la peine. On est nés fidèles, on en crève nous autres! Soldats gratuits, héros pour tout le monde et singes parlants, mots qui souffrent, on est nous les mignons du Roi Misère. C'est lui qui nous possède ! Quand on est pas sage, il serre... On a ses doigts autour du cou, toujours, ça gêne pour parler, faut faire bien attention si on tient à pouvoir manger... Pour des riens, il vous étrangle... C'est pas une vie...
– Il y a l'amour, Bardamu !
– Arthur, l'amour c'est l'infini mis à la portée des caniches et j'ai ma dignité moi ! que je lui réponds.


C'est sur ce quai-là, au 18, que mes bons parents firent de bien tristes affaires pendant l'hiver 92, ça nous remet loin.
C'était un magasin de "Modes, fleurs et plumes". Y avait en tout comme modèles que trois chapeaux, dans une seule vitrine, on me l'a souvent raconté. La Seine a gelé cette année-là. Je suis né en mai. C'est moi le printemps


 

 

 

 

 

 

Louis-Ferdinand Céline
Voyage au bout de la nuit

Nous avons lu ce livre en novembre 1993, le nouveau groupe parisien en juin 2017. Nous lirons D'un château l'autre en avril 2012.

Claire
J'ai lu ce livre il y a une quinzaine d'années. Je ne supporte pas pour l'instant de relire un livre... Je suis allée jusqu'à la page 2... Je ne peux donc pas donner d'impressions fraîches...

Marie
J'ai fait un effort pour aller jusqu'à la page 200 et quelques. A 20 ans, ça m'avait déjà ennuyée. Ça m'agace qu'on me raconte des histoires comme ça. Ce qui m'intéresse, c'est quand il pense : aigre doux ou cynique ou tendre. La partie romanesque m'ennuie. Le style est remarquable.

Jacques
Ce livre est un monument. Lucide jusqu'au désespoir. Le récit est ponctué d'agonies. C'est un traité de nihilisme, avec des aphorismes vengeurs. C'est un roman radical. Une sorte de manifeste. Il a tout dit. C'est d'un réalisme désespéré. Ça m'a fait penser à Schopenhauer, "La vie oscille, comme un pendule, de la souffrance à l'ennui". C'est un livre de critique sociale, avec un refus de l'obéissance. Il s'agit de petites gens. Il y a une démystification du travail et de l'amour.

Rozenn
Que reste-t-il ?

Jacques
C'est un grand comique verbal (par exemple p. 506), avec les noms des personnages. Il parle des femmes, de la beauté, du vieillissement. Robinson est l'objet d'invraisemblances. Ça me fait penser au nô où les personnages ont un double. Je ferai un rapprochement aussi avec Au cœur des ténèbres. De temps en temps j'en relis trois pages. Ça correspond à mon état d'esprit. Je me sens complice.

Brigitte
J'avais déjà lu Le voyage et j'ai donc lu Mort à crédit. Céline m'avait fait découvrir la littérature. J'ai explicité cela avec la description du régiment. Il y a des monologues dans Mort à crédit. Il devient parfois poète.

Christine
Je l'avais lu à l'âge de 16 ou 17 ans. Il y a le calme après la tempête hargneuse. "J'étais fait comme un rat" dans le livre. J'ai aimé ce qui se passe sur le front C'est un manifeste contre les guerres. Et l'arrivée en Amérique ! On l'a cru de gauche, il a bluffé. Mais il ne propose rien. Il y a beaucoup d'humour, de la délicatesse parfois. Il y a beaucoup de bruit. J'ai été secouée par la lecture : par le style, par la brutalité des changements de chapitre. Je trouve ça immense.

Élisabeth
J'ai d'abord eu de la rogne à le relire. Puis je me suis fait prendre. Il y a dénonciation et fascination de la guerre. Le médecin est bon et méprisant. Je me suis lassée à partir des banlieues. C'est drôle, cynique, décapant, scandaleux par rapport aux femmes.

Monique
Jusqu'à il y a trois ans, je ne voulais pas le lire. Au moment de la guerre du Golfe, je l'ai lu. Cela m'a transportée. Les banlieues, cela devient procédé. J'ai travaillé dans le social dans ces banlieues, ça m'a semblé ennuyeux, ce regard complaisant à se baigner dans ce qui est noir. J'aimerais lire d'autres choses de Céline qui me rebute.

Anne-Marie
Je l'avais lu à 20 ans. Je retrouve le flot. C'est un salaud, mais il aime la vie, il en parle. Les femmes, les Noirs : c'est horrible, je ne supporte pas. Il est lâche. Je me suis arrêtée à la page 200.

Rozenn
J'aime pas ça. Pas ça du tout. Ca me hérisse. J'ai commencé Mort à crédit. Ça me révulse. Une conception de l'homme qui me répugne. J'ai eu la nausée. Mais c'est très bien fait. J'ai vu des mercenaires à la télé qui disent qu'ils font la guerre en Bosnie pour tuer. C'est un pousse à la violence. Il y a des procédés, le style est fabriqué. Je lis pour lire de belles histoires…, j'ai adoré passer de l'Afrique à l'Amérique, lorsqu'il est recenseur de puces. Un de ses modèles, c'est Rabelais. Sa vision de l'homme est ignoble. Ce livre me met dans une colère profonde. Heureusement qu'il y a le l'humour et des histoires.

Marie-Christine
Je me sens handicapée. Je déteste les gros livres. J'oublie le début. J'ai accroché jusqu'au retour en France. Il y a une délectation à décrire la mort de Robinson. J'aime les réflexions. C'est pessimiste et beau.

Fernando
Je me sens partager l'admiration de Jacques, mais aussi je suis solidaire des réserves morales. Je ne trouve pas le style fabriqué. Je troue bien représentées les couches françaises populaires. Dans le pessimisme de Céline, il y a son antidote (dit Trotski). J'éprouve la compassion pour ce type, Bardamu. Je sens Céline, comme un défi, un ennemi. Je n'éprouve pas de complicité. Je suis encouragé à vivre différemment. C'est peut être un peu long.

Brigitte
Non, ce ne peut pas être court. Il faut être envahi.

Fernando
C'est un livre encourageant.

Dominique
Je l'ai lu 'année dernière. On est court-circuité par ce qu'on sait sur Céline. J'ai décidé de lire tout Céline, ethnologiquement, en guettant le mépris et le racisme. Je n'ai pas trouvé de mépris. Je n'ai pas trouvé le sale bonhomme. Je suis de plain-pied avec lui. Ce narrateur n'adhère pas au mépris du mépris d'autrui. Il se bat contre l'horreur. Le style est fracassant. L'art est au service d'une pensée qui est la mienne. Fabriqué peut-être, mais je suis prise par la virtuosité de l'écrivain.

Rozenn
Il n'y a pas de plaisir dans ce livre.

Christine (citant un passage pour montrer son plaisir)
"On dénichait dans la nuit çà et là des quarts d'heure qui ressemblaient assez à l'adorable temps de paix, à ces temps devenus incroyables, où tout était bénin, où rien au fond ne tirait à conséquence, où s'accomplissaient tant d'autres choses, toutes devenues extraordinairement, merveilleusement agréables. Un velours vivant, ce temps de paix."

Rozenn
On ne peut pas tomber amoureux pendant qu'on lit ce livre…

 

 


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