Graham Greene
Un américain bien tranquille

Nous avons lu ce livre en novembre 2003.

Claire
Je n’ai pas un avis très prononcé : j’ai lu le livre et vers la fin, avant le coup de théâtre, j’ai vu le film, dans une minuscule salle à une heure épouvantable (le film n’a pas fait long feu…). J’ai eu la même impression : aucune émotion forte alors que tous les ingrédients sont là. Le livre ne me laisse aucun souvenir de lecture et le film, celui d’un presque ennui. Je me demande si l’écriture en est la cause, mais le livre a peu d’impact, et pourtant l’histoire d’amour a de quoi captiver, ainsi que l’analogie avec la situation en Irak. Pour l’arrière-plan historique, on ne m’en dit pas assez pour que je m’y retrouve et que je repère les bons et les méchants. Qui sont les caodaistes ? Bref, le sentiment d’une certaine fadeur alors qu’il y a matière à une fresque hollywoodienne…
Katell
Tout pareil. Je n’ai rien à ajouter si ce n’est que j’avais lu La fin d’une liaison et que je ne m’en souviens plus non plus. L’Américain de la troisième voie est un peu neuneu. Mickaël Caine est bien choisi pour incarner Fowler.
Liliane
J’ai bien aimé, pas le narrateur qui n’est pas admirable, mais l’analyse que l’auteur donne d’un personnage complexe, l’humour désenchanté, la lucidité cruelle. On n’est pas maître des événements, des décisions, la complexité en est montrée. Le héros est un reporter, ce qui lui donne déjà du recul par rapport aux événements ; il ne veut pas s’engager. Après ses expériences de vie, il refuse passion politique ou amoureuse. Mais il a des cartes dernières à jouer pour garder des raisons de vivre, comme la petite Vietnamienne. Malgré tout, il va être obligé de prendre partie. C’est l’intérêt de ce livre : comment prendre parti sans tout à fait s’engager. Il va falloir qu’il se positionne. Le livre commence comme un polar, mais c’est un polar psychologique, sans enquêteur. Fowler revoit les événements pour situer sa responsabilité dans la mort de Pyle. Le lecteur démêle l’écheveau pour comprendre ce qui motive décisions, actions. Fowler livre Pyle sans le livrer. Ce qui est intéressant, c'est que rien n’est net. Tous les éléments s’enchevêtrent dans le contexte politique. J’ai aimé l’humour de Fowler. La relation Fowler-Pyle m’a beaucoup intéressée : cette amitié qui devient concurrence.
Jacqueline
Je l’avais lu au Vietnam quand j’avais 17 ans, peu après les événements. Je n’en ai aucun souvenir, sauf d’avoir aimé. Graham Greene, c’est toujours la même atmosphère de personnages pris dans des conflits, d’événements qui les dépassent auxquels ils essaient de survivre de manière désabusée : cette tonalité me plaît beaucoup. Je suis allée voir le film, avec le sang, les beaux paysages, les images de guerre. Le film m’a agacée par ses côtés un peu simplistes. Il m’a fait le même effet que L’amant de Duras : le roman est plein de nuances et dans le film, cela devient une histoire de prostituée. Je ressens un sentiment de brutalité : le "choc des photos". J’ai relu le livre, très contente : les histoires de guerre sont plus claires, la bombe, les massacres sont toujours horribles, mais dans le livre ils paraissent moins horribles.
Françoise
J'ai tout aimé : l'arrière plan historique, les personnages, leur
ambiguïté, l'enjeu politique. La subtilité des sentiments de chacun des protagonistes. Rien n'est tout blanc ou tout noir. Et le tout est extrêmement réel et actuel (on pense évidemment à l'Afghanistan, et l'Iraq) rien n'est dépassé. C'est passionnant comme un polar, et aussi un reportage, sans doute parce que l'auteur y a mis de son vécu (entre autres, il est allé à Phat Diem, il était vraiment dans le bombardier qui survole le camp viet minh, il a vu l'attentat de Saïgon), mais c'est aussi grâce à son écriture, très claire, sans temps mort, où action et introspection alternent habilement. C'est un foisonnement de situations, très bien exposées.
Le film est très fidèle au livre, mais le livre nous fait mieux sentir les sentiments mêlés et les hésitations du narrateur à l'égard de Pyle, la complexité de sa situation professionnelle, sentimentale, leur relation. Il ne veut pas prendre parti, il ne croit à rien -dit-il- mais finalement il est loin d'être neutre. A travers le narrateur, l'auteur nous livre un être profondément humain, en proie au doute, désespéré, lucide, mais prêt à se raccrocher à une illusion d'amour, égoïste, etc.. tout ce qui fait l'homme, sans pour autant verser dans la grandiloquence.
Magistral.
Manuel
J'a eu beaucoup de mal à le lire, je pense que la traduction n'est pas bonne, les adjectifs, les passés simples…. Je trouve qu'il aurait fait un très bon polar, avec des scènes comme dans la tour de guet et le dialogue qu'ont les deux Fowler et Pyle. Le livre est extrêmement actuel et avec le conflit en Irak, j'ai l'impression que l'histoire se répète. Le livre est beaucoup plus fin, plus complexe que le film qui minimise les positions de Fowler sur les intentions américaines et son sévère jugement. Fowler dans le film est sympathique, alors que dans le livre, il est assez méprisable. Le film possède des scènes inutiles comme la rencontre avec le général Thé qui ne figure pas dans le livre. Serait-ce pour que le public américain comprenne qui est le méchant ? Il manque néanmoins le petit truc pour en faire un très bon bouquin.

Claire
Manuel m’éclaire avec les passés simples : en relisant des passages, je suis sûre que le passé simple et l’imparfait de ce récit tiennent à distance, créent un manque de punch et contribuent à cette espèce de démobilisation que j’ai ressentie.

Liliane
Pour moi, ce n’est pas le cas, tellement j’étais prise par la teneur du livre.
Geneviève
J’ai trouvé le livre très intéressant. J’aime beaucoup chez les auteurs anglais la fausse demi-teinte. Le livre joue sur deux registres, et ça marche avec l’anglais, faussement à plat, avec une profondeur derrière. Le français explicite plus avec ses adjectifs. On ne dit pas dans ce type de livre ce qu’on doit penser. Des personnages comme Pyle, j’en ai connu, par exemple en Israël, des jeunes Américains qui en toute bonne foi et gentillesse faisaient des horreurs. Fowler aussi m’a rappelé des gens qui vivent à l’étranger, désabusés, critiques sur le pays, mais qui ne peuvent s’en détacher. Quant à l’enlisement des occupants, les rivalités, les manœuvres en coulisse, cette capacité d’immobilisme et d’attente… Comme vous, j’avais plaisir à avoir rendez-vous avec ce livre. Mon fils le lit et il est sensible à l’aspect politique, historique…


 

Nous écrire
Accueil | Membres | Calendrier | Nos avis | Rencontres | Sorties | Liens

Graham Greene n'est pas seulement le grand écrivain catholique consacré par le succès de son fameux roman La puissance et la Gloire. Entré par effraction dans le royaume de la Grâce (selon le mot de François Mauriac), cet ancien membre du Foreign Office a su, même au travers des divertissements que sont des livres comme Notre agent à La Havane et Un américain bien tranquille, dénoncer la guerre, les dictatures et ce vice suprême : l'imbécilité. Voilà pourquoi Graham Green compte parmis les géants de la littérare anglaise du XXe siècle.