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Yôko Agawa
La Piscine
Les Abeilles
La Grossesse
Nous avons lu ces récits en novembre 2004.
Dawn
Je n'ai lu que La Piscine. Il y a trop de descriptions, je ne trouve
pas de sentiment. Je me suis fait avoir, car je n'avais pas détecté
le sadisme de la narratrice. Je n'y crois pas.
Annick
J'ai trouvé ce livre superbe. J'ai été un peu désorientée
par le point de vue de la narratrice avec ce détachement glacial,
cette précision clinique de la description, par exemple concernant
la confiture de pamplemousse. Les personnages sont conscients de ce qu'ils
vivent et c'est comme si cela arrivait à quelqu'un d'autre (La
Piscine). C'est un univers original, étonnant, bizarre qui
rejoint le fantastique (Les Abeilles). Les personnages sont étonnants,
avec une vision assez sombre de leur cruauté. On déguste
ça comme un bonbon acidulé, cela procure des sensations
très fortes, mais ce n'est pas de l'émotion. On reste dans
la distance. L'écriture est sidérante, avec une précision,
très ciselée. Yoka Ogawa a un vrai talent de nouvelliste.
Les attaques des trois courts romans sont captivantes à chaque
fois. Il y a un coup de théâtre à la fin, très
brutal comme une porte qui claque. C'est très bien fait, mais on
est mal à l'aise avec ces rapports pervers entre les personnages,
ce déploiement de cruauté comme une fleur qui s'épanouit.
Geneviève
J'ai eu une perception inégale des trois nouvelles. J'ai apprécié
énormément La Piscine (parce que je vais beaucoup
à la piscine
). On est plus dans les sensations que dans les
émotions. Ce regard sur la jeunesse, les relations avec le bébé,
entre attendrissement et exaspération, la relation fantasmée
avec le jeune plongeur, la narratrice orpheline dans son propre foyer.
Les Abeilles, ça démarre très bien, ensuite
c'est agaçant. Le retournement final est bien, mais trop c'est
trop. J'ai beaucoup aimé La Grossesse, notamment le regard
porté sur l'enfant et sur la maternité. Il y a des relations
malsaines entre le couple et la narratrice. Je trouve que Yôko Ogawa
réussit mieux ses débuts que ses chutes.
Liliane
J'avais déjà lu ces nouvelles sans aller jusqu'au bout,
cette lecture était loin de m'avoir convaincue. On a trop vanté
l'art de mêler subtilité et cruauté de l'art japonais
pour que ces nouvelles ne paraissent pas convenues, forcées même.
J'ai aimé cependant la fin de La Piscine, leffondrement
de la narratrice sur un mot de celui qu'elle désire. Cependant,
même cette fin aurait pu être meilleure si le jeune garçon
était resté plus elliptique, ne disant seulement qu'il avait
vu la jeune fille avec l'enfant, sans affirmer qu'elle l'avait tué.
La passion de la jeune fille cesserait sur un doute. Pour être réussies,
ces nouvelles devraient rester, au plus serré, sur la limite étroite
entre vie ordinaire et vie fantasmée. Or, dans chaque histoire,
c'est le fantasme qui l'emporte, c'est aussi la raison pour laquelle je
n'ai pas aimé la dernière phrase de La Grossesse :
"Le bébé détruit de sa sur". La lecture
gagnerait à ménager davantage d'incertitude, le mot "détruit",
même si ce n'est pas vérifié après, alourdit
la chute finale. Je ne parle pas Des Abeilles, ou on nage en plein
fantasme. Je suis agacée par la remarque d'un journaliste qui indique,
après avoir évoqué la perversité des personnages,
qu'Ogawa dans la vie est "une femme rangée", voulant
sans doute rassurer le lecteur ou souligner l'inouï de son imaginaire.
Pour moi, ce cas de figure rejoint celui de nombreux auteurs qui ne voient,
comme issue à la vie de leur héroïne, qu'une sorte
de folie. Je n'ai pas envie de m'enliser dans cet univers féminin
confiné, gâteaux, confitures et patchwork à la clé.
Monique
J'adore la littérature japonaise. Ces nouvelles m'ont énormément
surprise. Un article du Monde
dit qu'Ogawa était dans la lignée de Kawabata. Je ne suis
pas du tout d'accord ! Il y a ici quelque chose de moderne et de
très dur. C'est pervers, morbide. Elle va droit au but. Les
Abeilles, c'est "dégueulasse" ! L'auteur a une
écriture de la description, de laboratoire, sobre. Ce qui met mal
à l'aise arrive à petites doses, jusqu'à exploser.
C'est toujours à la première personne, mais il n'y a pas
d'émotion, jusqu'aux moindres détails. Dans La Grossesse,
ce qui est intéressant, c'est les relations entre les trois personnages.
On dirait que la sur est commanditée par le couple. La sur
enceinte se gave de confiture ? N'y a-t-il pas un accord tacite des
trois pour détruire l'enfant ? Dans Les Abeilles, avec
le directeur handicapé et admiratif de la musculature du cousin,
y a-t-il un cadavre sous les tulipes ? Ou dans la chambre du dessus ?
La Piscine, c'est très bien aussi. On retrouve chez Ogawa
la bouffe, les corps, les personnages sont dans des intérieurs
très clos, très confinés, un monde rétréci.
J'ai tout lu d'Ogawa et tout me plaît. L'Annulaire, Une
Parfaite Chambre de malade : c'est bouleversant et sans doute
autobiographique.
Manu
J'ai trouvé cela remarquable. C'est court, il y a peu de personnages
et beaucoup de perversité. Il y a de l'humour noir et ça
m'a fait rire ! Pour La Piscine cette histoire d'un enfant
qui se venge sur un autre est très réaliste et dérangeante.
Les enfants sont cruels. Certaines métaphores ne m'ont pas plu,
elles sont en trop. Dans Les Abeilles, j'ai beaucoup aimé
la manipulation de l'auteur, je me suis "fait avoir" et le récit
est très efficace dans ses effets : les descriptions, les
sons, le directeur. Cela ferait un très bon film ! La Grossesse,
c'est jouissif, j'ai beaucoup ri. C'est tordu, mais j'ai adoré.
On va de surprise en surprise. La fin est fantastique : on ne sait
pas comment va être le bébé. J'ai bien aimé
le regard de la narratrice sur sa sur et son beau-frère.
Rozenn
Une remarque préliminaire : j'ai réussi à comprendre
les rapports des personnages de 2046 grâce à Pays de neige
de Kawabata. Je commence à m'intéresser au Japon. Ces nouvelles
sont du Amélie Nothomb réussi. Ce livre m'a scotchée !
Surtout Les Abeilles. C'est un livre magnifique que je ne veux
pas garder chez moi. C'est un livre sur l'ambivalence : c'est plein
de choses que j'ai envie de faire et que je n'ai jamais osé faire.
On laisse ses mauvais sentiments aller jusqu'au bout. On ne sait pas si
c'est vrai ou si c'est du fantasme. On ne connaît pas les niveaux
de conscience de la narratrice. Sur la bouffe, c'est extraordinaire, sur
la boulimie, sur le corps aussi. Dans Les Abeilles, j'ai aimé
le commentaire sur les doigts du gaucher, dans La Grossesse, bien
sûr, les nausées de la femme enceinte et le fait de ne pas
supporter les odeurs. C'est du ressenti "réel", même
si c'est trop. Je l'ouvre en grand mais je ne veux pas que cela se sache
!
Jacqueline
ou peut-être ?
Je l'ai lu très vite, j'ai été accrochée tout
le temps. J'ai lu d'autres livres du même auteur : c'est toujours
une narratrice, il y a toujours des descriptions très précises.
La Piscine, c'est une histoire de solitude terrible, le garçon
qu'elle regarde de loin, il a tout compris et n'a pas d'aversion pour
elle. Les Abeilles, c'est trop. On ne peut pas croire au directeur
handicapé. Mais dans Les Abeilles, j'ai été
intéressée par le contrepoint, il y a un monde qui s'effiloche,
elle n'arrive pas à faire les préparatifs et répondre
à son mari. La Grossesse est remarquable, on reste dans
le fantasme de la narratrice. Mais pourquoi avoir réuni ces trois
nouvelles en un seul recueil ? On passe de l'une à l'autre
alors qu'elles n'ont rien à voir. J'ai lu Hôtel Iris
où la narratrice n'est pas perverse, j'ai moins aimé Parfum
de glace.
Brigitte entre
et
C'est une bonne idée de lire ces trois Japonais à la suite,
j'y trouve beaucoup d'intérêt. Celui-ci est très moderne,
on est dans le sous-entendu. Le style est direct. Ça m'a beaucoup
plu. L'histoire du vieux gâteau resté là dans le tiroir,
c'est très intéressant : c'est gentil de donner ce
gâteau à un bébé ; c'est l'horreur sous
l'aspect le plus anodin, c'est une perversité encore plus perverse.
Dans La Piscine et La Grossesse, il ne se passe peut-être
rien
Tout cela n'est peut-être que du fantasme. Je comprends
ce sentiment d'injustice, les autres sont adoptés et elle, elle
reste toujours là. On peut imaginer les fantasmes. J'ai beaucoup
aimé la critique de la mère. Pour le fantasme de La Grossesse
qui peut penser que de la confiture à haute dose peut empoisonner
un ftus ? J'aime beaucoup cette écriture, ces jeunes
filles : on ne leur parle pas, donc elles font marcher leur imagination.
Pour Les Abeilles, je ne suis pas entrée dedans. Le directeur
est incroyable et l'auteur essaye de nous y faire croire. Je n'aime pas
beaucoup le fantastique, mais peut-être que là aussi, il
ne se passe en fait vraiment rien.
Françoise
La Piscine : je n'ai pas vraiment accroché. J'ai trouvé
qu'il y avait un côté artificiel peut-être dû
à la cruauté gratuite/folle de la narratrice. Elle est très
antipathique, et son sadisme m'a dérangée. Mais il y a une
mise en place progressive de l'étrange qui donne de la force au
récit, et une atmosphère très particulière.
Les Abeilles : peut-être préparée par
ce qui se dégage de La Piscine j'ai bien aimé cette
nouvelle. Dès le départ le ton est donné, on est
dans le mystère (le bruit) et l'étrange (comparer son arrivée
à celle de taches de cultures microbiennes). La tension s'installe
et ne faiblit jamais, au contraire, elle progresse avec l'arrivée
du cousin, le personnage quasi fantastique du directeur, la relation qui
se noue avec lui, la disparition de l'étudiant, l'absence inexpliquée
du cousin, la tache du plafond qui s'agrandit petit à petit. On
ne sait pas quoi en penser, on est dérouté, on attend une
explication que bien entendu on n'aura pas. La narratrice fait des recherches
dans la presse, mais laisse tomber
La fin est inattendue et déroutante.
On pourrait s'en sentir frustré, mais ça fait partie du
jeu, l'intérêt tient à tout ce qui nous est subtilement
distillé tout au long du récit. Le personnage du directeur
est incroyable, mais l'auteur arrive à nous faire tout gober. C'est
très fort. La Grossesse : là on est dans le
concret. La grossesse d'une jeune femme racontée par sa sur.
Style journal, très direct. Alors d'où vient l'étrangeté ?
Le malaise ? La clinique (qui ressemble à l'orphelinat et
à la résidence universitaire des deux récits précédents)
donne le ton ; c'est vieux, décadent, désert, bizarre
La description de la confiture de pamplemousse, cette nourriture omniprésente...
et le bébé peut devenir totalement absent. Dans les trois
récits, on retrouve une similitude des lieux, l'importance des
corps, plongeur, bébé, qui se déforment et se dégradent,
mutilé, femme enceinte... et de la nourriture. A noter qu'il n'y
a pratiquement aucune spécificité japonaise : les noms
des plats et des gâteaux sont occidentaux, voire français
(est-ce dû à la traductrice ?) : quatre-quarts,
choux à la crème, génoise aux fraises, apple-pie,
cheese-cake (Les Abeilles) ; bouillabaisse, pizza, gratin
de macaroni, ufs au bacon (La Grossesse) ; à
part le fait que le directeur dans Les Abeilles porte un kimono,
ces histoires pourraient se passer n'importe où. J'ai préféré
Les Abeilles que j'estime être le récit le plus subtil
et le plus abouti. Dans La Piscine et La Grossesse il y
a une violence et sadisme qui m'ont sans doute gênée et qu'il
n'y a pas dans Les Abeilles, en tout cas pas sous la même
forme abrupte et directe.
Sabine
J'ai lu Ogawa, rapidement : une qualité ? Je suis assez
désorientée par ces deux livres (Les Abeilles ne
sont pas arrivées jusqu'à Nîmes !). La lecture est
facile ; l'ambiance est vite mise en place, le personnage de la narratrice
est crédible. Il semblerait que l'auteur joue un peu sur le registre
sado-juvénile, comme Nadine Diamant. J'ai aimé le cadre
de l'orphelinat, mais je n'ai pas réussi à mettre des images
sur celui de La Piscine. J'ai détesté les dialogues
(surtout lorsque la réplique est longue) que j'ai trouvés
très, trop littéraires. On ne parle comme cela. Pour résumer,
"y'a des choses", mais c'est un embryon d'écriture qui
demande à grandir.
Claire
J'ai adoré le coffret des trois livres d'Actes Sud, cette apparence
raffinée et qui est en contradiction avec le contenu. Je suis enthousiaste.
Ça semble fabriqué à Liliane, c'est à voir
sur l'ensemble de l'uvre, mais c'est bien quand même :
pour l'instant, je ne sens pas le procédé, l'artifice. J'ai
tout gobé. Toute l'uvre est traduite par la même traductrice
et j'ai eu un grand plaisir d'écriture : "J'ouvre
grand la bouche et avale l'obscurité de la nuit en même temps
qu'une bouchée de blanquette", "Dans la poêle
étaient blottis mes ufs au bacon complètement refroidis."
Elle utilise des métaphores triviales qui font choc : "Les
éclairs couraient dans le ciel nocturne bleu outremer, produisant
à chaque fois un bruit de vaisselle cassée.", "Elle
pleurait vraiment du fond du cur. Sa manière de pleurer était
aussi remarquable que si elle avait joué la comédie."
Ce sont des nouvelles très échafaudées, avec un arrière-plan
très construit. Il y a bien les "lieux" d'Ogawa dont
parle cet internaute qui a présente toute l'uvre de notre
auteur : "Ogawa aime beaucoup les lieux fermés qui
respirent l'ancienneté sans pour autant être délabrés
- vieux mais fonctionnels : un ancien laboratoire, un orphelinat,
un hôtel... Des lieux que l'on pourrait qualifier de " feutrés " :
le silence d'une pièce qui isole de l'extérieur."
(site
de Xavier Plathey)
Monique
Cette auteure fait circuler les personnages et les objets d'une nouvelle
à l'autre.
Claire
Cette cruauté sans culpabilité donne une liberté
de lecture. Je suis très contente d'avoir découvert cet
auteur et son univers original. Je l'ouvre à 100%.
Katell
J'adore cette écriture, uniquement dans le ressenti. Rien n'est
expliqué. C'est dans la lignée du Japon actuel, comme Haruki
Murakami, et complètement éloigné des japoniaiseries
de Kawabata ! Je trouve que la narratrice n'est pas cruelle, c'est
une fille adorable, super gentille. Son imagination l'entraîne,
c'est tout. J'ai préféré Les Abeilles, comment
la narratrice s'occupe du directeur, elle lui donne la becquée
avec les gâteaux, c'est assez érotique, ces morceaux de quatre
quarts qui rentrent dans sa bouche et elle qui regarde le bout de ses
doigts luisants de gras... Tout le reste, c'est du fantasme. Comme je
n'aime pas beaucoup les nouvelles - c'est trop court - j'attends
de lire d'autres uvres pour ouvrir en grand.
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
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à
la folie
grand ouvert
|
beaucoup
¾ ouvert
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moyennement
à moitié
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un
peu
ouvert ¼
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pas
du tout
fermé !
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