Gallimard
Quarto (avec illustrations)
Tel
Gallimard
En 1930, alors que, surréaliste
dissident, il travaillait à la revue Documents, Michel
Leiris fut invité par son collègue l'ethnographe Marcel
Griaule à se joindre à l'équipe qu'il formait pour
un voyage de près de deux ans à travers l'Afrique noire.
Ecrivain, Michel Leiris était appelé non seulement à
s'initier à la recherche ethnographique, mais à se faire
l'historiographe de la mission, et le parti qu'il prit à cet
égard fut, au lieu de sacrifier au pittoresque du classique récit
de voyage, de tenir scrupuleusement un carnet de route.
|
|
Michel Leiris
L'Afrique fantôme
Nous avons lu ce livre l'été 2007.
Nous avons eu une visite spéciale pour le groupe (parisien et breton)
le 2 juin de la partie Afrique du musée du Quai Branly en rapport
avec l'expédition que relate Michel Leiris.
Sabine
Bonne élève, j'ai commencé le pavé très
tôt en juillet pour être sûre d'en avoir terminé
la lecture fin août. Heureuse surprise : en deux semaines,
la chose fut faite ! En voici les raisons.
13 juillet : j'ouvre le livre de M. Leiris. Je découvre
une préface. Je la lis et la relis. C'est bien écrit. J'ai
compris ce qu'est un "ethnographe". Je suis contente :
moi qui ai vécu en Afrique, ce livre va me parler. Je me couche,
il est tard.
14 juillet : le livre est toujours à la même place.
Je lis la deuxième préface. Elle est un peu plus compliquée
surtout la dernière phrase (relisez-la !). La carte de l'Afrique
est très pédagogique. Je suis rassurée. J'entame
avec conviction et entrain les premières journées en mer...
oh ! Flûte, j'ai un début de nausée. Cela devrait
passer.
16 juillet : j'ai été malade hier, j'ai préféré
abandonner ma lecture 24 heures pour être en forme, car la route
est longue. Bon, j'ai réussi à mémoriser les personnages
principaux, Griaule, Larget et Mouchet. Mais je ne sens monter aucune
odeur, ni couleur de cette Afrique où je suis restée pourtant
trois ans.
27 juillet : les jours ont passé, les protagonistes
ont parcouru des kilomètres et moi, j'ai sauté des pages,
une, puis deux, puis vingt... l'ennui a triomphé. Je quitte le
continent africain pour les Antilles, en espérant y découvrir
des univers plus savoureux !
Il me tarde que l'un ou l'une d'entre vous me fasse partager son plaisir
d'avoir lu Leiris.
Brigitte
J'ai lu le livre avec beaucoup d'intérêt. Après cette
lecture, c'est un peu comme si j'avais fait moi aussi le voyage, mais
de façon bien plus confortable !!! J'ai aussi apprécié
de me retrouver plongée dans l'atmosphère des années
30 : les préoccupations, le langage, les développements
technologiques, etc.
J'ai bien connu au CNRS le laboratoire "Systèmes de pensée
en Afrique noire" (celui de Marcel Griaule) qui fut un temps dirigé
par Alfred (Oscar) Adler, l'oncle de Sabine. J'ai vu plusieurs fois avec
eux des films représentant des masques, où on les voyait
pratiquer des danses rituelles.
Claire
Sabine, comment se fait-il que tu n'aies pas dans ton avis parlé
de ta famille ? Heureusement que Brigitte est là !
Sabine
Brigitte a bien eu de la chance car mon oncle s'est bien gardé
de nous faire les moindres commentaires sur ses recherches ethnologiques !
Qui plus est, ses bouquins sont absolument illisibles : il emploie
des termes qui ne sont pas dans le dictionnaire... Mais si j'avais su,
vous auriez pu le convier à votre soirée. Après le
fils, le père !
Ève
Je ne pourrai malheureusement pas me joindre à vous mais j'ai tout
de même mon petit grain de sel à vous passer : malgré
tous mes efforts je n'ai pu me livrer à la lecture de L'Afrique
fantôme. Pourtant, la visite du quai Branly m'avait bien motivée,
j'avais d'ailleurs acheté le livre le jour même à
la librairie du musée.
A ma grande honte, il m'est tombé des mains à chaque tentative
de lecture. Je n'ai pas passé les 60 premières pages, frustrée
tout de même à l'idée de manquer quelque chose de
sûrement exceptionnel, si j'en crois la quasi unanimité des
personnes qui m'en ont parlé... Désolée. J'attends
impatiemment de connaître les autres avis.
Katell
J'étais chez une amie qui m'avait invitée à me détendre
au bord de la mer (j'adore raconter ma vie, en voilà une tranche),
quand négligemment posé sur la table de la salle à
manger, je vois L'Afrique fantôme, légèrement
orné et la tranche un peu marquée... Genre, j'ai tenté
de le lire.
Négligemment, je jette un il, l'emmène sur la plage...
et plouf, c'est le bouquin parfait pour les gens insomniaques... C'est
inintéressant, long et barbant. Ce n'est pas du tout de l'ethnographie
mais une suite de faits et de personnes sans aucun recul, écrit
au jour le jour (j'en ai lu... trois pages). Ça fait juste bien
dans la bibliothèque.
Si je peux vous conseiller un bon roman qui se déroule en Afrique
et que j'ai lu cet été : Les
Yeux dans les arbres, de Barbara Kingsolver.
Françoise G
J'ai ouvert Aurora,
j'ai fermé au bout de trois pages. En Bretagne, il faisait froid,
j'ai lu 460 pages. Je ne peux pas dire que j'ai aimé, mais je l'ai
trouvé intéressant. Je l'ai lu comme une énigme policière.
Je n'étais pas passionnée, mais désireuse de connaître
la suite. J'ai vu dans ce livre l'Afrique. Il y a dans ce livre beaucoup
de données comme dans une suite de photos ou un film qui passe
devant les yeux. J'étais étonnée qu'il se flagelle
autant. Leiris déteste les Blancs. Il a beaucoup d'états
d'âme. Il y a de petites touches propres à Leiris. Il se
donne à voir comme il donne à voir. Il écrit des
petites notes avant d'aller se coucher. Il est dans l'excès, le
paradoxe, la nuance poétique. J'ai embarqué à Bordeaux
sur le bateau. Il note des petites choses de la vie quotidienne qui font
que je suis près de lui. Leiris explique l'excision, la circoncision,
de façon brutale mais a un parti pris en faveur des Noirs. Ce parcours
m'a fait traverser les villages, les coutumes, les rituels. J'ai aussi
passé les paysages, les marigots et les collines. J'avais une attente
forte de Leiris puis ça été la déception.
Ce qui est très long et lassant, pour lui aussi, c'est la négociation
à la frontière de l'Abyssinie. Je me suis arrêtée
peu après. C'est un beau livre utile. J'avais visité le
musée du quai Branly que j'avais trouvé sombre. Ma prochaine
visite aura plus de sens. C'est la première fois que je lis un
livre obligé.
Françoise D
Je l'ai lu jusqu'au bout, mais je suis partagée sur ce livre. D'abord
comme certains d'entre vous parce je l'ai trouvé long ; Leiris
se perd dans des détails et des répétitions pénibles,
mais en même temps on aimerait en savoir plus, avoir plus d'information
sur les paysages traversés, les peuples rencontrés, le fonctionnement
des différentes administrations. Contrairement à ce que
dit Françoise G, je n'ai pas trouvé le style cinématographique,
ni même imagé, ou à de rares moments ; je l'ai
trouvé tortueux, lourd parfois. Comme Sabine, j'ai vainement attendu
la couleur, les odeurs. Je sais, c'est un journal, mais il aurait pu le
relire pour élaguer et reformuler parfois. Mais c'est un témoignage
intéressant et si je l'ai lu il faut bien que quelque chose m'ait
tenue. Je crois que c'est le narrateur lui-même ; on suit son
parcours intellectuel et sa position de plus en plus critique sur leur
situation et leurs méthodes. A ce sujet, je tiens à dire
que notre (excellent) guide au quai Branly nous a "enfumés"
en justifiant le vol des Konos ou des peintures ; alors que quand
on lit Leiris, on voit bien qu'ils se sont conduits comme des bandits,
et contre le gré des indigènes. D'ailleurs, Leiris à
son retour est devenu anti-colonialiste et c'est tout à son honneur.
Manuel
J'étais parti pour ne pas le lire mais la visite au musée
m'avait tellement passionné que je l'ai acheté le même
jour. L'édition Quarto
est indispensable. Les photos et la correspondance donnent un éclairage
fascinant au récit. Malheureusement, soit ce n'était pas
le moment, soit les répétitions m'ont pesé mais le
livre m'est tombé des mains. J'y reviendrai promis. Personnellement,
je me suis posé la question : est-ce une uvre littéraire
dans la mesure où tout est reporté dans les moindres détails,
sans style... ? Je pense ne pas être allé assez loin
dans ma lecture. J'ai apprécié les pics d'humour.
Jacqueline
Je l'avais lu il y a très longtemps. Je le relis et j'en suis à
Gondar. Ce qui m'avait le plus intéressée c'est la façon
dont il n'est pas dupe et en même temps il est impressionné
voire amoureux. J'ai l'intention de continuer. Ce qui me parait le plus
extraordinaire, c'est le côté "roman d'apprentissage".
J'apprécie sa sincérité, il est candide mais jamais
dupe. Mais qui sont ces ethnologues ? Dans le livre de Kourouma,
les ethnologues étaient assimilés à des colonialistes.
Leiris est animé d'idées généreuses :
connaître l'autre. Mais il ne parle pas leur langue. J'aime beaucoup
ce livre avec tout ce qui transparaît d'un rapport impossible. Il
y a aussi ses souvenirs littéraires. Il cite beaucoup Conrad (Au
cur des ténèbres) et son point de vue m'a fait
découvrir cet auteur. Au cur des ténèbres
est l'histoire d'un décalage. Du coup j'ai arrêté
Leiris pour lire Conrad
Marie-Jo
J'ai lu 170 pages jusqu'à Ouaga. Les Dogons m'intéressaient
car j'y suis allée cette année. Ce qui est passionnant c'est
la découverte d'une culture (Griaule a découvert la culture
des Dogons). Ils n'y comprennent rien. En allant en Afrique, on est éberlué.
On donne toujours des noix de cola au chef du village, l'excision existe
toujours ainsi que la circoncision. L'importance des marabouts est étonnante.
La croyance dans l'irrationnel me fascine. Il ne s'interroge pas assez
sur ce qu'il voit. On ne comprend ni la langue ni les rites, mais c'est
pourtant un humain. Le copain malien avec qui j'étais m'expliquait
qu'à Paris il faisait encore des sacrifices de poulet.
Sa description n'est pas assez intellectuelle, ni charnelle. Je n'irai
pas jusqu'au bout car il y a trop de détails. Je me suis quand
même sentie en Afrique. On est partagé entre respecter une
culture et être effaré : comment vont-ils s'en sortir.
C'était un prétexte pour me replonger en pays dogon.
Monique
Je ne me suis jamais ennuyée. Je connaissais Leiris. J'ai eu envie
de le lire après la visite au musée du quai Branly. Cela
m'a passionnée de me promener comme avec une caméra. C'est
une autre époque. Je trouve ça passionnant. C'est une uvre
importante présentant des ponts entre les deux cultures occidentale
et africaine. A certains moments, Leiris est dans une grande détresse
humaine. Il voudrait être intégré dans une communauté.
Je suis très d'accord avec Françoise O, Marie Jo et Jacqueline.
Ce qui est intéressant c'est de prendre conscience des différences
entre nous et les Africains. Chez nous il y a la notion de vrai et de
faux. Pour un Africain, la vérité bouge toujours. Pourquoi
ça m'intéresse ? Parce que ça fait prendre conscience
de ce que nous sommes. Je suis enseignante et j'ai de nombreux élèves
de différentes cultures. Avec les enfants, quand la confiance est
là, on tombe parfois des nues avec ce qu'on apprend de leur vie.
Ce qui m'a beaucoup plu c'est le temps : 18 mois dans un milieu complètement
différent, comme sur une autre planète. L'humain déborde
de ces descriptions. Il y a aussi ses questionnements sur lui-même,
avec ses rêves, son avenir. Ce qui m'a le plus passionnée :
l'Erythrée ; le désir qui est très présent.
Pour de nombreuses raisons, ils ne s'autorisent pas à le vivre.
Je trouve extraordinaire quand il cherche à être présent
dans les rites de possessions pour se trouver avec la fille.
C'est vrai que le journal n'est pas très exceptionnel, l'écriture
est lâche, mais laisse passer beaucoup de choses.
J'ai souffert quand Claire a voulu le faire supprimer de notre programme
et qu'elle a sucité l'adhésion.
Geneviève
Je suis très proche de ce qui se dit et je n'aurais pas lu ce livre
sans le groupe lecture. Je me suis enfoncée dans un autre pavé
puis je me suis mise à la lecture de L'Afrique fantôme
en sautant de nombreux passages : les sacrifices de poulet avec la
têtes là, la queue ici...
La visite du musée m'a beaucoup intéressée. La façon
dont ils récupèrent les objets m'a fait penser qu'ils ont
utilisé des méthodes de vrais gangsters. Dans l'Erythrée,
à Gondar, j'ai été fascinée par sa fascination.
Je suis dedans, je suis dehors, je ne me suis jamais donné pleinement,
voilà Leiris ; il ne se fait jamais de cadeau de rien, il
ne croit pas en l'ethnographie : qu'est-ce que ça vaut ?
Je le trouve en retrait par rapport aux autres membres de la mission.
Griaule n'a pas d'intériorité, de jugement. A Gondar, Leiris
se fait taper sur les doigts. Plus j'ai avancé, plus j'étais
dedans. Cela relève des problèmes d'étrangeté
que j'ai connu en Afrique, avec des élèves. Le sacré
m'est inaccessible. J'ai trouvé le livre facile d'accès
et non abscons. Je suis très contente de l'avoir lu.
Françoise O
J'ai voyagé dans le livre. J'ai pris des morceaux, la fin, j'ai
sauté des Dogons, j'ai recherché les régions qui
m'intéressaient... Je ne peux pas parler de l'auteur. J'ai ressenti
ce qu'a dit Françoise G. J'ai fait le voyage géographique
et non rituel. J'ai été très sensible à l'aspect
historique. Mon père a 98 ans et finalement les années 30
ne sont pas si loin... Des passages expliquent le mal que les Européens
ont fait là-bas. Des petites régions avaient leurs micro
cultures qu'on a essayé d'uniformiser. La différence c'est
vrai est irréductible. Cela fait réfléchir. Ai-je
le droit d'ouvrir au ¾ ? Je crois que je vais le faire car
j'ai vu l'Afrique, la savane... Je roulais avec eux, depuis la Normandie
ou j'ai passé mes vacances.
Christine
C'est un livre que j'avais lu il y a une quinzaine d'années. Je
voulais savoir ce qu'il m'en restait. Ce livre pour moi est très
important. Mais je ne l'aurais pas conseillé car il faut choisir
le bon moment. Ce qui m'est resté, c'est le projet de Leiris, la
démarche. Il se trouve dans cette position dedans/dehors. L'écriture
du rapport à faire ne lui convenait pas, l'objectivité lui
était impossible donc si on connaît ce qu'on vit celui qui
voit on comprend mieux ce qu'il décrit. C'est ce qui m'avait éblouie.
J'ai trouvé le projet innovant. J'aime le questionnement de Leiris,
il se présente comme indécis alors qu'il s'est engagé.
Il y a la démarche de la psychanalyse, de la littérature,
l'art en général (Christine raconte le secret de la femme
de Leiris...), bref il a plaisir à montrer ses faiblesses.
C'est la première fois que je lisais quelque chose sur les Dogons,
cela me fait penser à Jean Rouch. J'ai eu l'impression d'approcher
l'Afrique. La longueur du livre est utile, car cela rend l'ennui de l'expédition.
Il ne faut donc pas ramasser. Les profs en général résument
le livre en 3 pages... Le livre reste actuel.
Emaouiche
Je n'ai plus rien à dire. J'avais le projet de lire ce livre depuis
quelques années. J'ai lu par petits bouts. Je suis d'accord avec
tout ce que vous avez dit. Je m'y replongerai dans quelques années.
Cela m'a donné envie de lire Conrad et Gide. Sa dénonciation
est bien tranquille. Je suis d'accord avec Françoise O sur l'Afrique :
le gâchis d'aujourd'hui. C'est inutile de revoir le passé.
C'est si compliqué. Je garde l'idée de Christine sur l'implication
de l'observateur. J'aime les journaux.
Claire
Je ne me serais pas crue capable d'ingurgiter les 869 pages dans Miroir
de l'Afrique de L'Afrique fantôme, sans compter que j'ai
feuilleté les 250 pages qui suivent. Je l'ai fait le soir pendant
une semaine de randonnée. Je n'ai pas eu un instant l'envie d'abandonner.
Et pourtant ! Qui d'autre que le groupe lecture lit L'Afrique
fantôme, me disais-je, hormis les étudiants en ethnologie
et les fans de Michel Leiris (notre échange aura montré
à quel point j'avais tort puisque Jacqueline, Monique l'avaient
déjà lu Christine ne compte pas car elle travaille
au Muséum d'histoire naturelle qui patronne le musée de
l'Homme où travailla Leiris...). Comment n'ai-je pu ne pas laisser
tomber ce pavé après des journées de plus de 1000
m de dénivelé ?... La raison est diverse : d'abord
le bonhomme, énervant et attachant ; faisant preuve de puérilité,
d'humeur fragile, de cafard, d'interrogations régulières
(où suis-je ? où vais-je ? quel sens cela ?) :
ces variations alimentent une forme de suspense. Ensuite l'écriture :
avec la forme unique de ce journal non conventionnel (riche : moi,
maintenant, plus tard l'Afrique les autres, ceux
de la mission l'Europe et les drames qui se fomentent
Zette), l'écriture (parfois poétique, et surtout révélant
une profonde fantaisie jubilatoire). Et puis l'aventure est incroyable,
digne des conquistadores, rappelant la Campagne d'Égypte, ou encore
les routards vers la route des Indes. La découverte elle-même
me retient moins (par exemple, les histoires de possession, de zar, me
rasent...). Des personnages sont étonnants : le savant Abba
Jérôme, certains administrateurs. Mais deux figures, en creux,
me fascinent : Griaule, très chef, et Zette, très aimée.
Ce qui m'a aussi séduite, c'est l'édition de Jean Jamin,
que j'ai trouvé délicate, raffinée : avec les
lettres dans la marge, les précisions. J'ai lu toutes les notes !
Enfin, hier soir, je me suis rendue au musée du quai Branly pour
faire avant cette soirée un pèlerinage sur les lieux de
notre visite, avec en plus une exposition temporaire sur les "objets
blessés". J'ai regardé plus les cartels que les objets
et quand je voyais "Mission Dakar-Djibouti", je me recueillais...
J'ai reparcouru notre itinéraire le kono, les masques,
les fresques... quand tout à coup, oui, cette voix,
c'est lui, notre guide était là conduisant un groupe sur
un autre sujet : il était mais oui magnifique...
Nicole(du
groupe breton)
Quel témoignage, d'autant plus intéressant que le journal
de bord est également un journal intime ! J'ai été
à la fois captivée par les descriptions des faits et gestes
de la mission (bien que l'on oscille entre trop de détails et pas
assez de précisions et que l'on reste souvent dans le flou ayant
du mal à mettre toutes ces mots en images) et l'évolution
psychologique de l'auteur. En particulier les diverses possessions par
les Zar, où seule la fascination éprouvée par l'auteur
nous fait prendre conscience de l'ampleur de ces réunions, dont
la description bien que détaillée reste très technique.
Ses colères envers la colonisation m'ont fait du bien, car j'ai
souvent été "choquée" des façons
de faire de ces messieurs. Il faut toutefois reconnaître que les
transactions n'étaient pas simples... Il est sûr que mon
regard sur les uvres du musée des arts premiers sera très
différent lors d'une prochaine visite. J'ai trouvé le "portrait"
de Michel Leiris, représenté sur la couverture, très
ressemblant de ce qu'il nous donne à voir de lui-même pendant
cette mission. Il l'a, paraît-il, accueilli avec humour.
Marie Thé (du groupe breton)
Nayant pas lu assez le livre, je ne peux ni louvrir ni le
fermer... Mais comme souvent, jai beaucoup aimé ce que jai
lu ; des descriptions de villes ou de régions plus reculées
mont fascinée : la vie intense, les fêtes, le
rythme, les objets sacrés ; les Africains mettant de lArt
dans la vie. Je retiens aussi cette solidarité, lentourage
toujours présent. Et encore la communion avec la nature...
Face à tout cela, une Europe matérialiste, destructrice.
Une Europe colonialiste aussi : "Faire
rentrer limpôt, telle est la grande préoccupation.
Pacification, assistance médicale nont qun but :
amadouer les gens pour qils se laissent faire et payent limpôt..."
Jai évidemment repensé par moments à Le Clézio,
à Karen Blixen, et même à Paul Nizan, qui lui aussi
cherchait sa place dEurope en Afrique. Jai vu dans ce livre
un journal de voyage se changeant en journal intime. Tous ces tourments,
et ces lignes écrites à Djibouti : "Pour
moi le mirage exotique est fini. Plus denvie daller à
Calcutta, plus de désir de femmes de couleur (autant faire lamour
avec des vaches : certaines ont un si beau pelage !), plus aucune
de ces illusions, de ces faux-semblants, qui mobsédaient." (Choquant !).
Jajouterai que je me suis attardée sur Dakar et Djibouti,
deux villes où jai vécu ; javais limpression
de retrouver latmosphère et lunivers que jai
connus là-bas.
Un beau livre me revient en tête pour Djibouti : Le
pays sans ombre dAbdourahman
Wabiri (je lavais dailleurs proposé).
Jean-Pierre (du groupe breton)
LAfrique fantôme, je lai refermé (en même
temps que mes yeux) dès la cinquante quatrième page. Voici
mon avis sur le livre que j'avais choisi de lire pendant les vacances :
Fils
de ploucs, de Jean Rohou.
Voilà un livre qui, outre son humanisme, sa philosophie du quotidien,
sa profonde humanité, sa poésie, sa nostalgie non passéiste,
remet bien des choses en place.
Certes, cet ouvrage est très (trop ?) documenté :
il fourmille de données sur les populations, les productions, les
tendances historiques, de pourcentages, de comparaisons chiffrées
entre les communes du Nord Finistère où se situe "l'action",
entre les départements bretons et avec l'ensemble de la France,
et même avec d'autres pays. Et c'est à la fois son point
fort et sa faiblesse : on décroche assez vite sur le tonnage
de patates, les taux de natalité ou le nombre des prisonniers de
guerre. Mais cet ouvrage n'est pas un roman. C'est un témoignage
qui se veut humble et surtout pas magistral, qui ne prétend pas
tirer des conclusions péremptoires ou des vérités
générales d'une expérience individuelle.
On boit en revanche du petit lait lorsque l'auteur tord le cou à
la mode du retour aux sources, à la traque de la celtitude et de
la bretonnité, aux penchants modernes quelque peu réacs
de la quête de la pureté des origines, disant lui-même
que LE Breton n'existe pas plus que LE Français, LE Belge ou Dieu
sait qui. Il explique que nous sommes tous cousins plus ou moins éloignés,
ce qui relativise nos différences qui ne sont finalement que culturelles,
donc que les fruits du hasard, de la nécessité et des superstitions.
La plaidoirie féministe est prégnante et convaincante parce
que non agressive, totalement et résolument progressiste. Les mâles
en prennent pour leur grade, en même temps que leurs attitudes sont
replacées dans leur contexte. Jean Rohou tord le cou à l'inné,
et ça me plaît bien. Il développe la thèse
selon laquelle nous sommes tous les produits de l'histoire et de la géographie,
et argumente de façon claire et probante. Il fustige l'embellissement
intellectualiste d'un passé pas si rose que ça qui a cours
dans la gauche de salon plus préoccupée de constructions
abstraites que de réalités contingentes et vulgaires, et
Pierre Jakez Hélias n'est pas épargné pour son Cheval
d'orgueil.
On ne saurait parler en une page d'un livre de plus de 500 pages et d'un
siècle qui a vu la vie à la campagne se transformer, se
bouleverser, se révolutionner, modernisation qui a broyé
des existences, éradiqué des traditions, effacé des
mémoires, tué une langue, désertifié les campagnes,
pollué l'environnement, mais en même temps donné accès
au confort au plus grand nombre, diminué la pénibilité
des conditions de travail, augmenté l'espérance de vie,
fait chuter la mortalité infantile, libéré les moeurs
Mais on peut conseiller de le lire, tant le propos est salutaire, le témoignage
généreux, la galerie de portrait (y compris l'auto portrait)
savoureuse et criante de vie et l'histoire familiale attachante. On aimerait
avoir l'auteur en face de soi et lui dire merci.
Nous écrire
Accueil | Membres
| Calendrier | Nos
avis | Rencontres | Sorties
| Liens
|