Lorsque Luc est parti, ses parents, Jean et Marthe, ont pensé que
c'était mieux pour eux trois. Gilbert et Geneviève, son oncle
et sa tante, eux aussi ils y ont cru. Mais pas Céline, sa cousine.
Elle, c'est la seule qui n'a pas été surprise, la seule à
avoir craint que ce qui en Luc les menaçait tous finisse par s'abattre
sur eux. |
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Laurent Mauvignier
Loin d'eux
Nous avons lu ce livre en décembre
2009.
Nous lirons ultérieurement Des
hommes en 2021.
Jacqueline
Je ne connaissais pas du tout cet auteur. Javais envie de lire Des
Hommes sur la guerre dAlgérie. Jai eu du mal
à entrer dans celui-ci (Loin deux). Jai compris
au bout du troisième personnage quil sagissait de monologues
intérieurs. Cest une lecture dense, on a envie de prendre
son temps pour bien lire. Cest un livre qui mérite dêtre
lu et relu. Jai beaucoup aimé. Cest un livre sur le
travail. Je ne sais pas expliquer pourquoi je laime. Le fond et
la forme font corps. Lécriture me rappelle celle de François
Bon, par lintensité à faire vivre les personnages ;
ça se renouvelle tout le temps. Il y a constamment quelque chose
de nouveau quon ne savait pas. Le discours intérieur des
différents personnages nest pas nouveau, mais ici cest
complètement naturel. Ils parlent tous dans le même style
et ce nest pas gênant car ce nest pas du langage, cest
de la pensée. A la fin il y a lidée dun langage
commun dans la famille. Cest très ancré dans le présent,
ça me rappelle LAtelier
62 de Martine Sonnet. Les trajets pour aller au travail celui
du père, celui du fils. La manière de dire ces choses de
la vie me rappelle F. Bon, par exemple les punaises qui tombent dans
la boîte quand on enlève les affiches de cinéma ;
cest un vrai travail décriture. Il y a des invraisemblances :
le propriétaire soccupe de vider la chambre et de beaucoup
de choses après le décès. Mais ça ne gêne
pas le roman. Cest une uvre littéraire.
Monique
ce qui est invraisemblable, cest que lauteur donne la
parole au suicidé.
Françoise D
Jai des sentiments très mitigés par rapport à
ce livre. Cest une écriture, cest une uvre littéraire
sans conteste, cest extrêmement dense, fort, dur. Il y a des
accents durassiens : « Mon silence à moi pour
cimenter sa tristesse à elle... » Lécriture
est parfaite, travaillée, ciselée, pesée ; il
y a un vrai travail. En même temps, javais du mal à
reprendre le livre à chaque fois après lavoir laissé.
On sait dentrée de jeu comment ça va finir, donc il
ny a aucune surprise et cest inexorable, cest déchirant.
Il faut vraiment être dans lhumeur ou très masochiste.
Je pensais à Jauffret que je trouve désespérant ;
mais là où je laisse tomber Jauffret, je ne lâche
pas Mauvignier malgré tout. Je me suis demandé pourquoi.
Pour moi la différence cest lhumanité et lémotion.
Jauffret na aucune sympathie pour ses personnages, il est froid.
Voilà la différence. Tout ça passe grâce à
lécriture. Je pense en lire un autre, pour voir. Jai
pensé aussi au film de Nanni Moretti La Chambre du fils :
cette mort défait le couple. Ici cest linverse, mais
cest plus rare.
Brigitte
Je me retrouve en partie dans ce que dit Françoise. Il avait reçu
le prix du livre Inter pour Apprendre
à finir. Jai été séduite par
le titre. Jai eu beaucoup de mal à le lire. Lécriture :
il ny a pas dair. Comment communiquer, il ny a aucun
espace. Je me demande sil arrive à trouver une écriture
pour chaque situation, chaque livre. Les personnages, cest du fusionnel,
il ny a pas de haine entre eux, il y a une incompréhension,
une unité invraisemblable. Ils veulent que le fusionnel soit possible,
mais il ny a pas de communication. Je venais découter
lémission LUniversité des savoirs sur
le deuil. Nous sommes un phénomène biologique et on vit
comme si la mort nexistait pas et puis elle arrive. Sortir du temps,
jonglage avec le temps. Il faut se relancer. Eux ils sont déjà
dans la mort. Ce jeune homme, quest-ce que le cinéma pour
lui ? Ça fait réfléchir.
Françoise G
pour le style
Cest une découverte. Cest très fort sur le plan
littéraire. Il y a beaucoup de tristesse, de sensibilité
et de force. Au bout de 30 à 50 pages, jai trouvé
que ça devenait systématique. Le monologue intérieur,
cest très bien pour parler de la non-communication, de la
solitude, de la douleur de ne pas pouvoir dire. On se sent un peu étouffer.
La vie dans un milieu prolétaire est bien montrée ;
on peut la dater du début de la deuxième moitié du
XXe. Les personnages manquent de mots : « cette histoire
de phrase quil aurait eue dans la bouche »... on est
étouffé par les mots qui ne peuvent pas sortir. On nen
parle pas, on travaille : cest vrai dans certains milieux.
Il y a aussi incommunicabilité entre les générations.
Les enfants sont coincés dans ce silence, ce non-dit. Jattendais
que cette relation Luc-Céline soit plus développée.
Il y a des mots qui manquent. On a une impression denfermement.
De temps en temps lauteur lâche des choses énormes :
« on sait bien que votre fille ne vous aime pas » ;
ça me semble invraisemblable que des taiseux puissent dire ça.
En tant que lectrice, je suis frustrée. Lauteur nen
dit pas assez. Luc, quand il est mort, parle dans un monologue intérieur,
cest une énigme. Il est encore plus présent quand
il est mort. Je suis surprise par la dernière phrase du roman qui
ne me parait pas en cohérence avec le personnage de Luc qui par
ailleurs est très bien présenté dans son incapacité
de communiquer avec ses parents.
Françoise O
Je nai pas été gênée par la construction,
mais javais limpression que javais un problème
dincompréhension, alors je lai relu une deuxième
fois. Jentendais bien les voix de Luc et de Céline. Il nest
pas sûr que labsence de communication avec les parents soit
la raison du suicide. Ces monologues intérieurs sont tellement
riches quils en deviennent peu vraisemblables, ce sont les mots
de lauteur. Seuls Céline et Luc sont vraisemblables.
Claire
Ce livre est mortel ! Je ne my suis pas remise quand jai
interrompu ma lecture. Donc, je ne suis pas allée au bout. Lauteur
est sympathique, mais le livre est étouffant. Labsence de
paragraphes est étouffante, cest une « souffrance
scripturale »... Je louvre quand même un quart
parce que lauteur est sympathique.
Monique
Javais envie de le découvrir. Je nai pas été
gênée par la tristesse du sujet. Jai lu Apprendre
à finir, Seuls,
Des
hommes
et jai été émerveillée par le style,
par ces monologues intérieurs. Cest très très
bien fait. Quand Gilbert parle de ce que ressent son frère, on
se retrouve dans la conscience de Jean ! Ce nest jamais artificiel
ou gratuit. Je ne suis pas gênée par le manque de communication.
La description des affiches qui vieillissent, de la cuisine, cest
comme des natures mortes ; ça se passe dans un milieu ouvrier
modeste qui me touche énormément. Les personnages sont remarquables.
Lauteur souligne le lien personnel entre la mère et le fils,
et le père en souffre. La seule communication de Luc, cest
avec Céline. Il y a une grande tendresse entre les personnages,
leur richesse intérieure est admirable. Lauteur nous montre
un monde comme la vie réelle, il met en mots de manière
magistrale les choses de la vie quotidienne. Je suis très contente
que cette uvre existe. Je le compare à Claude Simon, mais
Mauvignier cest plus incarné.
Monique, qui a écrit à lauteur
pour linviter à cette soirée, nous montre sa réponse
déclinant sympathiquement linvitation.
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
|
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à
la folie
grand ouvert
|
beaucoup
¾ ouvert
|
moyennement
à moitié
|
un
peu
ouvert ¼
|
pas
du tout
fermé !
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