Quatrième de couverture : Ils ont été
appelés en Algérie au moment des événements
, en 1960. Deux ans plus tard, Bernard, Rabut, Février et d'autres
sont rentrés en France. Ils se sont tus, ils ont vécu leurs
vies. |
Laurent Mauvignier (né en 1967)
|
Nos
35 cotes d'amour |
Nous avions lu précédemment Loin d'eux en
2009.
Voici quelques infos en bas de page sur Laurent Mauvignier.
Nombre d'entre nous auront vu l'adaptation
au cinéma en 2020 de Lucas Belvaux, Des
hommes, avec Gérard Depardieu, Catherine Frot, Jean-Pierre
Darroussin.
15
cotes d'amour de l'ancien groupe parisien |
Danièleà
Carpentras
J'aurais beaucoup aimé assister à cette séance Mauvignier.
Javais beaucoup apprécié ce roman/documentaire qui
fut une découverte pour moi qui avais vécu les "événements
dAlgérie" dun autre angle de vue, en tant que
pied-noir. Et jaurais aimé vous en entendre parler. Malheureusement
je savais que je ne serais pas disponible
et du coup, bêtement,
je ne lai pas relu.
Annick Aen
partance pour une île
Jai lu Des Hommes il y a une dizaine d'années : j'avais
beaucoup aimé mais je ne m'en souviens pas assez pour envoyer une
critique argumentée. J'ai lu 7 livres de cet auteur qui écrit
souvent sur des faits de société. Je vous conseille un tout
petit livre Ce
que j'appelle oubli sur un faire divers. Le chorégraphe
Preljocaj a mis en ballet certains de ces textes notamment Retour
à Berratham. Superbe et poignant.
Fannydescendant
de l'avion venant d'Abidjan
J'ai fini Des hommes pendant le trajet retour. J'avais lu Apprendre
à finir de Mauvignier, texte court et intense sous forme
de dialogue, j'en garde un très bon souvenir.
Avec Des hommes, mon sentiment à chaud est très contrasté
et je me demande ce qu'il deviendra avec du recul.
Le style est accrocheur dans un double sens du terme. J'ai accroché
dans le sens où je me suis trouvée embarquée avec
le narrateur, au milieu de ces scènes de guerre et de violence,
ou encore dans le café à attendre Mireille. Cette manière
d'écrire de façon saccadée, à la fois sans
distance et en même temps avec le discours d'un tiers qui relate
la scène est je trouve efficace. Seulement dans le même temps
cela accroche car la lecture n'est pas fluide et la mienne a été
à plusieurs reprises laborieuse, difficile à reprendre lorsque
je posais le livre.
Sur la narration en elle-même là aussi je suis partagée.
D'une part il y a l'émotion et l'humanité qui se dégage
du portrait de ces hommes, j'ai été touchée par ce
qui est d'ailleurs écrit vers la fin : la manière dont ils
sont sans cesse malgré eux rattrapés par leur passé.
C'est très fort je trouve de commencer par le présent et
presque sans transition de revenir 40 ans plus tôt.
Mais je ne peux pas me départir en même temps du sentiment
vague que ce procédé a un côté factice. Avec
peu de recul je ne sais pas dire pourquoi, sinon peut-être par le
fait justement qu'il l'explicite dans la toute dernière partie
du roman. Était-ce vraiment nécessaire de fournir cette
explication de texte ? Cela affadit un peu le propos je trouve.
Je reste très contente de cette découverte. J'ouvre ½,
je conseillerai ce livre et j'ai hâte de lire vos avis.
Jacqueline
Je ne pourrai pas être des vôtres ce soir et je le regrette.
Je n'ai pas eu le temps de relire le livre qui avait été
un vrai coup de cur au moment de sa parution, comme plus tard et
peut-être encore plus Où
j'ai laissé mon âme découvert dans le groupe.
Des hommes est un beau récit des ravages de la guerre dans
une vie, des fossés qu'elle creuse entre ceux qui les ont vécus
et ceux qui les ignorent, entre ceux qui en ont un savoir différent,
un beau récit sur les traces qui perdurent... J'ai vu le film dès
sa sortie et n'ai pas l'impression qu'il soit encore à l'affiche.
Il m'a paru fort et fidèle même si je n'y ai pas vu les mêmes
aspects du jeune couple que dans mon souvenir du livre.
N'ayant pas pu relire le roman, je ne peux pas dire comment je l'ouvrirais
aujourd'hui, sans doute au moins ¾ !
Etienne
Lecture plus "facile" et donc plus reposante que mes précédentes,
des hommes m'a d'abord frappé par ce qui m'a semblé être
son intention : arriver à retranscrire un discours, une parole,
au sens le plus volatile du terme. Une parole haletante, fugace, une rumeur
avec tout ce que cela implique d'intraduisible et d'éphémère.
Qui est Bernard/Feu-de-Bois ? La rumeur n'arrive pas à capturer
ça dans ses filets et ça travaille le village entier. Sur
ce premier point et notamment grâce à son écriture
"parlée", cela m'a paru réussi. Rien de révolutionnaire
certes et un brin trop appliqué pour me séduire mais tout
de même cela sort du lot. Par la suite, j'ai trouvé ça
plus décevant : le changement de point de vue narratif est assez
maladroit donne l'impression que l'auteur veut trop en dire. Par exemple
ça aurait été bien plus intéressant selon
moi de ne donner que les souvenirs d'Algérie de Rabut, selon son
point de vue. Pas de nous expliquer un peu lourdement comment Bernard
a basculé du côté obscur de la force. C'est quelque
chose qui peut revenir souvent dans mes critiques mais quand l'auteur
est trop didactique ou qu'il me prend trop par la main, (c'est bon tu
as vu, tu as bien compris hein ?), j'ai l'impression qu'il ne me prend
pas au sérieux et je peux me crisper. Néanmoins les personnages
campés en Algérie sont plutôt bien équilibrés
et l'ensemble se lit bien, dans un dénouement que l'on connaît
mais qui reste poignant. Dans le même genre on peut aussi évoquer
Sorj Chalandon.
La dernière partie n'est pas tellement plus réussie et je
me demande sincèrement l'intérêt de l'accident de
voiture final (conclure sur Rabut qui ressasse ses souvenirs au petit
matin aurait été plus poignant non ? Pourquoi une fin aussi
téléfilm ?).
Un livre sympathique et facile d'accès sans énormément
de relief mais que j'ouvre à moitié.
Nathalieen
partance pour Londres
Jouvre en grand.
Même pas envie de dire quelque chose de négatif même
si au début lécriture organique ma déstabilisée.
Cest drôlement bien : juste de la violence comme il faut mais
pas trop, juste un travail sur les points de vue drôlement bien
foutus. De la même façon quon peut sinterroger
sur les arguments des uns et des autres en ce qui concerne la légitimité
à vouloir quelque chose (un territoire, une nationalité,
une indépendance), le binôme des deux cousins est vraiment
bien construit et on nous balade ! Que penser de lun ou de lautre
?
Jen dirai plus quand jaurai le temps... [voir ci-dessous]
Passez une très bonne soirée !
Monique L
Un livre coup de poing, magnifique et bouleversant. Il est très
bien écrit, bien construit, très évocateur de ce
qui est ressenti par les divers personnages.
Ça a été une lecture très prenante. L'écriture
m'a littéralement happée. Elle est d'une puissance incroyable !
J'ai été portée par le rythme et le style.
Le roman n'explique rien, n'excuse rien, ne prend pas parti, mais dit
la douleur des souvenirs, l'horreur, la peur de la guerre et le regret
d'une jeunesse perdue, sur le traumatisme qui résulte de l'horreur
dont on ne peut pas parler.
Tout cela avec des mots simples, des phrases inachevées, un mélange
de phrases longues et de phrases courtes.
La construction est efficace. La chronologie inversée crée
une tension qui pour moi, a bien fonctionné :
APRÈS-MIDI : le malaise que la présence de Bernard
suscite parmi les habitants de son village depuis son retour après
une absence de plusieurs années.
SOIR : comment les habitants du village voient le comportement de
Bernard et l'expliquent.
NUIT (la partie la plus longue) : la réalité de la
guerre telle que Bernard et ses copains l'ont vécue.
MATIN : que faire maintenant ?
J'ouvre en entier.
J'ai vu le film après la lecture et, comme presque toujours, j'ai
trouvé que le livre est beaucoup plus riche car il nous permet
d'entrer dans la tête des personnages.
J'ajouterai quun jeune cousin de mon père est revenu cassé
de la guerre dAlgérie quil a faite en tant quappelé
et que ça a été un sujet tabou. Ce cousin vient de
décéder et ce livre ma fait un peu mieux comprendre
son silence.
Catherinedans
le Beaujolais
J'ai débuté ce livre avec un peu d'appréhension et
de réticence en raison du sujet. J'ai lu des livres sur la guerre
d'Algérie, vu des films ; dans ma famille, certains y sont
partis, sans jamais vouloir en parler ; il y avait aussi des pieds-noirs
dans mon entourage ; je n'avais pas forcément envie de replonger
là-dedans.
J'ai eu d'ailleurs eu du mal au début, sans doute en partie en
raison de l'écriture : beaucoup de dialogues sans ponctuation,
des phrases tronquées et un rythme haché. J'ai bien aimé
qu'on soit plongé dans une fête de famille, sans avoir de
détails sur les différents protagonistes, sans précisions
sur le contexte et que l'on découvre petit à petit l'histoire
des deux personnages principaux, Bernard et Rabut, mais je trouvais ça
un peu lent. Il y a, néanmoins, dès cette première
partie, des scènes marquantes, l'agression du chien et de la femme
de Cherfraoui, la mort de la sur par exemple.
Ensuite, j'ai lu d'une traite la partie racontant l'Algérie. Puis
j'ai regardé le film (que j'ai beaucoup aimé) et je suis
revenue vers le livre pour en relire des passages.
C'est un livre très marquant. Il met en scène une poignée
de jeunes appelés seulement, mais à travers leur histoire,
on comprend beaucoup sur cette guerre, ce qu'ont vécu ces garçons
de 20 ans, plongés brusquement dans ce conflit, l'ennui, l'attente
la peur, la colère puis la haine, les crimes des deux côtés,
le malaise des jeunes harkis, l'impossibilité de raconter au retour...
Les actes les plus barbares ne sont qu'évoqués, avec sobriété,
mais tout est dit, et rien n'est simpliste. Il y a une grande force d'évocation
dans le récit, dans l'écriture, une vraie profondeur des
personnages, y compris les personnages plus secondaires, Solange et Février
par exemple.
On revient ensuite au présent des deux cousins, qui restent hantés
par leur passé, l'un détruit, qui a échoué
et abandonné femme et enfants, l'autre qui a réussi tout
de même à se construire une vie mais ne peut plus dormir.
C'est assez poignant.
Il faudrait citer beaucoup de phrases, y compris la dernière :
"je voudrais savoir
si l'on peut commencer à vivre quand on sait que c'est trop tard".
C'est un livre très noir, mais avec un peu d'espoir dans la dernière
page.
J'étais partagée au début ; je ne le suis plus
au final. C'est un beau roman, je l'ouvre aux ¾.
Toujours notre triple formule
inaugurée en septembre 2021 : après avoir lu à
haute voix les réactions ci-dessus transmises, notre tour de table
alterne entre les rabuts physiquement présents et les feu-de-bois
simultanément à l'écran...
Rozenn
C'est un livre époustouflant.
Je l'ai lu en deux fois. Trois fois même parce que la première
fois j'ai dû m'arrêter : c'était trop violent ;
j'ai laissé le livre jusqu'au lendemain ; ensuite, j'ai été
trop occupée et je ne l'ai repris longtemps après que parce
que la date de notre rencontre approchait. Mais pendant cette interruption
il était resté très présent.
Et avant-hier, après avoir lu un mail de Claire qui signalait le
film je l'ai regardé. Pour une fois le film n'a pas gâché
la lecture, la fin de la lecture. Parce que l'écriture est tellement
plus forte que l'image.
Ce matin j'ai repris la lecture la gorge serrée tout du long.
La composition paraît très simple, mais les retours en arrière
dans les souvenirs de la guerre font d'un incident familial une fresque
historique, un récit terrifiant.
Le récit horrible de tout ce que j'avais su sans le savoir à
l'époque. De tout ce que nous savions sans vraiment savoir, sans
avoir vraiment voulu savoir. Alors, j'étais au lycée ;
mon frère aîné et moi nous militions contre la guerre
d'Algérie ; j'étais à la manif de Charonne,
entre autre.
J'ai toujours eu tellement la guerre, toute violence, en horreur que j'ai
toujours évité de la regarder de près. Pas besoin
de descriptions, de récits, surtout rester à distance. Comme
lors des attentats. Condamner, mais ne pas voir, ne pas écouter
non plus, éviter de ressentir - à chaud.
En lisant ce livre, on vit la violence. On la sent. On la ressent.
Tout est dans ce livre, tout ce qui était dit, tout ce dont nous
étions informés. Et ce que je me gardais d'imaginer.
Comment l'écriture peut-elle rendre les sensations de la violence,
la force des souvenirs, les traces laissées ?
J'ai eu un étudiant vers 75 : j'encadrais alors une formation d'adultes
sans diplôme qui suivaient une formation longue diplômante
pour devenir chef du personnel. Ils étaient agents de maîtrise
dans une grande entreprise automobile. Ils avaient brisé des grèves.
Ils avaient été choisis par la direction pour suivre ces
formations qui justifieraient leur promotion. Lui m'a dit un jour : "après
ce qu'on nous a fait faire en Algérie
" C'était
un type très sympathique.
Nous étions concernés, militants actifs
et pourtant
je ne voulais pas vraiment tout savoir. Ou alors avec distance comme par
le livre d'Alleg : témoignage, dénonciation, lecture
qui permet de savoir, pas de ressentir.
Ce livre démontre toute la force de la littérature : faire
vivre, faire accepter de vivre pour mieux refuser. Un aspect de l'écriture
qui me frappe particulièrement, c'est le rythme : rythme des
phrases, rythme du récit comme un dévoilement progressif
qui résonne avec mes réticences.
Denis
C'est un livre qui peut être vu selon de nombreuses dimensions,
mais que j'ai trouvé épouvantable, insupportable, cauchemardesque.
À mon âge, je ne supporte plus les descriptions de tortures,
de massacres, de supplices. Elles me restent dans un coin de la tête
et reviennent aux heures sombres. Avez-vous apprécié le
supplice du pal dans Le
pont sur la Drina ? Jusque là, j'ignorais que le supplicié
pût rester vivant aussi longtemps... Cette vision me hante de temps
à autre.
Certes, ce livre est salutaire au sens où il fait bien sentir les
horreurs de la guerre (qui ne dit pas son nom, puisqu'on ne parlait à
l'époque que des "événements d'Algérie").
J'avais 16 ans en 1962 et je ne comprenais rien aux attentats qui se déroulaient
à Paris. Au lycée, j'avais même des copains fachos,
mais aussi des "Cocos" ou de la JEC (Jeunesses ouvrières
chrétiennes). Les fachos se gargarisaient des supplices infligés
à "nos troufions" par les "fellouzes" et parlaient
de s'engager dans les paras pour aller "casser du bougnoule".
Beaucoup d'exagération, espérons-le, et je n'ai aucune idée
de ce qu'il en est advenu.
La réalité de la guerre n'était guère représentée
explicitement dans les medias, mais en toile fond de films comme Muriel
d'Alain Resnais.
Aussi, je trouve très réalistes les descriptions de la vie
militaire par Mauvignier, pour autant que je puisse en juger par ma propre
expérience, aussi limitée soit-elle en temps de paix, comme
sous-lieutenant dans une ville de garnison où le mess des officiers
était lieu de rencontre et de discussion entre officiers d'infanterie
de marine (commandos) et officiers des transmissions (dont j'étais).
Je me demande où et comment Mauvignier a obtenu ces descriptions,
tant du contexte de l'Algérie de l'époque que de l'état
d'esprit des soldats.
Malgré ces aspects positifs et tout le travail littéraire
de l'auteur, je n'arrive pas à aimer ce livre. Je ne voudrais pas
avoir à le relire. J'ai d'ailleurs parcouru rapidement un certain
nombre de pages qui traînaient en longueur, ou dont le suspens me
paraît artificiel. Je ne me suis pas attaché au personnage
principal, Bernard, ni d'ailleurs à aucun autre. Le style haché
ne facilite pas les choses. Sur un livre entier, c'est plutôt irritant.
Je me suis demandé si c'était le "style Mauvignier"
et suis allé voir d'autres ouvrages de lui à la bibliothèque.
Au hasard, en feuilletant, j'ai trouvé la même tension qui
m'est plutôt désagréable.
Je me suis rappelé l'ouvrage de Samuel Beckett, Molloy,
que nous avions lu dans le groupe, et où j'avais eu des difficultés
avec l'écriture de Beckett qui me paraissait insensée, jusqu'à
ce qu'en suivant le conseil d'une amie je le lise à haute voix
- et je suis alors tombé sous le charme. Je n'ai pas fait
l'essai sur Des hommes, ni vu le film, mais je n'ai pas le courage
d'essayer.
En définitive, je fais prévaloir le critère du plaisir
de lire et j'ouvre au quart.
Brigitteà
l'écran
J'ai vu le film et j'ai lu le livre.
Même si le film est très fidèle au livre, on comprend
mieux en lisant le livre.
C'est une époque que j'ai bien connue. Je suis absolument de cette
génération, où les garçons devaient faire
28 mois de service militaire, dont une très grande partie en Algérie.
Tout ce qui est raconté ici est vrai. Une seule chose me surprend,
c'est la passion religieuse de Bernard, qui part à l'armée
avec son missel, n'est-ce pas un peu exagéré !
C'était sûrement un livre nécessaire et le style de
Mauvignier est parfaitement adapté pour rendre compte des ressassements
mémoriels de Bernard et de son cousin.
Pour ceux qui ont vécu cette époque, c'est une lecture éprouvante,
car il nous est difficile de prendre suffisamment de recul.
J'ouvre aux ¾.
Laura
Des Hommes est un ouvrage que j'ai sincèrement beaucoup
apprécié, et cela dans sa totalité. Pourtant, quand
est venue la période de le lire, j'avais quelques appréhensions,
ou du moins quelques préjugés infondés et sans raisons
(je n'avais véritablement aucune raison d'être réticente
mais je l'étais tout de même). Peut-être était-ce
à cause de la bande annonce de son adaptation qui est passée
en boucle dans les cinémas au cours de l'été, et
que j'ai dû subir à chaque séance ; je n'aime pas
plus que ça Depardieu. Mais bon, je savais que le livre allait
parler de la guerre d'Algérie et ça m'intéressait.
Alors, pendant toute la première partie (très prenante ceci
dit), je me suis demandé quand le sujet allait véritablement
être posé. Malgré cette attente, j'ai tout apprécié,
et je reprenais ma lecture avec un grand intérêt et un grand
plaisir, sans comparaison avec Bouvard et Pécuchet.
Bien qu'aucun personnage dans la première partie ne soit franchement
attachant, ni Solange qui est déplacée, ni Bernard qui est
à la fois touchant et écurant de par sa description
physique, ni Rabut qui ne prend jamais vraiment parti ; j'ai été
prise dans le fil de l'histoire, qui a été pour moi un enchaînement
incessant de stress. Mon cur tapait à chaque page. Mauvignier
sait bien tenir en haleine son lecteur, et je l'en remercie, bien que
je me sente un peu coupable d'être tenue en haleine par l'horreur
de faits réels et traumatisants. Toutefois, le bon côté
du livre, c'est qu'il parvient à trouver un parfait équilibre
en le dit et le non-dit. À chaque massacre, à chaque traumatisme,
on sent, on a l'intuition de ce qui a pu se passer, mais on espère
toujours se tromper, sauf que non, on sait, tout autant que les personnages
eux-mêmes. Autre que l'histoire, l'écriture m'a également
énormément plu : ces phrases longues, parfois sans
ponctuation, parlantes, haletantes. Elles étaient vivantes et poétiques,
elles étaient réelles. Et d'autres plus philosophiques,
à mon avis : "Comme
une image impossible venue brouiller le réel" (p. 42)
ou encore "Mais là,
c'est autre chose. Il n'est pas seul à être seul, ils sont
seuls tous ensembles." (p. 161),
c'est typiquement le genre de choses que je pourrais dire.
Étrangement, à la fin de l'ouvrage j'ai pensé à
un autre roman sur la guerre d'Algérie. Sûrement en lien
avec le style d'écriture qui est pourtant assez éloigné
: Éden,
Éden, Éden de Pierre Guyotat. J'ai lu cet ouvrage
il y a quelques années avec difficulté. Là, c'est
l'horreur de la guerre d'Algérie dans ce qu'elle a de plus obscène
et morbide. C'est cru. Mais dans les passages les plus terribles de Des
Hommes, j'ai pensé à Guyotat.
Une seule chose me dérange dans ce roman : je ne parviens pas à
savoir quel parti prend Mauvignier face à la guerre d'Algérie.
Mais au fond, je ne crois pas qu'il soit question d'un quelconque parti
à prendre, hormis le parti pacifique. C'est l'horreur de la guerre,
des deux côtés, la torture et la mort des civils, la mort
et le trauma psychologique des militaires. Et ici je pense encore à
un autre livre, Voir
du pays de Delphine Coulin qui parle aussi de ce trauma.
Bref, j'ouvre en très grand.
Françoise D
J'ai un gros problème : j'ai lu le livre, j'ai vu le film. Et puis
qu'ai-je fait du livre ? Impossible de le retrouver, de savoir à
qui je l'ai prêté. Or le film dont je me souviens que je
l'avais trouvé fidèle a écrasé le livre et
j'ai donc du mal à en parler.
J'ai aimé la construction, certes pas innovante, sur le thème
"Que sont-ils devenus ?" L'histoire paraît tout à
fait plausible. De là où certains d'entre nous nous plaçons,
Brigitte par exemple, moi dont le frère est parti 24 mois en Algérie,
nous sommes peut-être un peu moins exigeants par rapport au livre.
Mais il est bénéfique, comme très peu ont parlé.
Et puis nous sommes en plein dans l'actualité...
J'aime bien l'écriture, ça glisse bien.
Alors que Depardieu est pour moi un repoussoir, je dois convenir qu'il
est très bon acteur dans le film et j'ai adhéré à
l'adaptation.
Claire très
isolée parmi le concert d'avis très positifs
Quand le film est sorti peu après le confinement, j'ai voulu lire
le livre car j'aime beaucoup voir l'adaptation d'un livre après
avoir lu celui-ci. Même si le film risquait de ne pas rester longtemps
à l'affiche, j'avais le temps de lire et étais vraiment
décidée à le faire. Le livre m'est absolument tombé
des mains. J'ai trouvé ça mortel toute la partie de l'anniversaire
et je n'ai pas pu m'acharner. J'ai vu le film avec un intérêt
limité. Pour cette soirée, j'ai voulu reprendre le livre,
attentive à ce qui avait pu avoir un tel effet. Je comprenais,
sachant l'histoire et la situation, tout l'effort que doit faire le lecteur
pour être attentif puisqu'il n'a pas les éléments
que j'avais en relisant ; j'ai aperçu les tics des éditions
de Minuit (le jeu des temps et des pronoms, les claudesimoneries, les
durasseries). J'ai retrouvé l'inintérêt de cette narration
longuette pour qu'on pige de quoi ça cause : ceux qui sont
revenus d'Algérie ne s'en remettent pas et ça pèse
sur les relations... J'ai recherché ma réaction quand nous
avions lu de ce même auteur Loin
d'eux qui avait eu aussi du succès dans le groupe : même
chose, je ne l'avais pas lu en entier et l'avais trouvé mortel.
L'auteur me semble toujours aussi sympathique et je m'incline devant la
noble ambition du livre et vos réactions sont très convaincantes.
Livre fermé, pour moi c'est rare...
Découvrir une étude titrée Poétique
de lincompréhension dans les romans et récits de Laurent
Mauvignier ne pallie que superficiellement l'incompréhension
de mon incompréhension...
J'avais vu aussi le ballet dont parle Annick au Festival d'Avignon, Retour
à Berratham, une pièce rigolote qui avait suscité
huées et applaudissements tièdes (un jeune homme revient
chez lui après la guerre, son retour attise la haine de ceux qui
sont restés piégés, il part sur la piste de sa famille,
l'appartement est occupé, les ruines ont remplacé les immeubles,
le programme de la visite : viol, meurtre, disparition... : un monde genre
Des hommes, quoi !)
Sur l'Algérie, thème qui n'est pas nouveau dans les choix
du groupe, j'avais modérément aimé le livre de Jérôme
Ferrari que mentionne Jacqueline, Où
j'ai laissé mon âme, modérément aimé
celui d'Alice Ferney Passé
sous silence impressions fades entièrement
relevées par L'art
de perdre d'Alice Zeniter que nous avions également lu
et que j'avais énormément apprécié.
Annick L qui avait proposé le livre
Ce romancier français aura décidément été
ma grande découverte de l'année. J'ai lu d'abord Dans
la foule, puis Des hommes et son dernier, Histoires
de la nuit.
La lecture de ce roman est une expérience incroyablement forte.
On est happé dès le début par cette scène
à laquelle on ne comprend pas grand-chose : qui sont ces gens
réunis pour une fête d'anniversaire, quels sont les liens
entre l'héroïne de la fête, Solange, et celui qui vient
faire irruption, ce Bernard/Feu-de-Bois qui suscite immédiatement
la réprobation générale ? Qui est au juste ce
narrateur qui se cache derrière un "on" générique ?
Et puis, petit à petit, les éléments du puzzle se
mettent en place et des repères sont posés. Mais il reste
le goût rance de toutes ces vieilles haines - incompréhensions
qui se sont accumulées depuis des décennies. Nous renvoyant
à un passé dont nous ignorons tout. La scène tourne
ensuite vraiment au drame lorsque Feu-de-Bois agresse violemment le seul
invité arabe qui se trouve là. Alors le narrateur joue enfin
son rôle et il commence à dévider le fil à
remonter le temps jusqu'à la guerre d'Algérie, 120 pages
plus loin. Les protagonistes principaux entrent en scène, Bernard
et Rabut, deux cousins qui ont dû quitter leur campagne 40 ans plus
tôt, pour répondre à l'appel et se battre dans ce
pays lointain, sans rien comprendre à ce qui se jouait vraiment
dans cette guerre d'indépendance. Et le lecteur plonge avec eux,
à travers des scènes de guerre d'un réalisme sans
concession, où l'évocation, au présent de narration,
des attaques de l'ennemi, des raids des soldats français dans les
villages arables, des trahisons
mettent les deux camps à
égalité dans l'horreur.
Des hommes n'est pourtant pas un roman historique sur la guerre
d'Algérie, mais un récit intimiste sur les blessures psychiques
et morales profondes que cette expérience - d'une violence
inouïe - a laissées dans les esprits et dans le cur
de ces jeunes hommes. De même pour les rescapés de la guerre
de 1914-1918 (souvent évoquée ici par les anciens :
"C'est pas Verdun quand
même !"), ou pour les jeunes soldats américains
qui sont revenus du Vietnam avec des psycho-traumatismes inguérissables.
Le grand talent de Laurent Mauvignier consiste à nous faire entrer
dans l'intimité de ses personnages et à nous faire entendre
la voix de tous ces anonymes, tous ces gens de peu, oubliés, méprisés,
déclassés. Ici Bernard et sa sur Solange, Rabut et
sa femme, leur vieux copain qui tente de garder le lien avec ceux qui
étaient dans son bataillon, Février, etc.
Le silence qui a entouré le retour des soldats au pays après
la signature des accords d'Evain a été assourdissant. On
voulait oublier cette sale guerre
et le parti-pris de Laurent Mauvignier
d'en faire une fiction est d'autant plus intéressant. Une chercheuse,
Raphaëlle Branche a récemment publié un ouvrage dans
lequel elle rassemble des témoignages authentiques d'anciens appelés
: Papa,
qu'as-tu fait en Algérie ?
Parmi les personnages du roman, Bernard/Feu-de-Bois semble le plus détruit,
"un bloc de silence
et de haine qui s'est rétracté, brûlé de l'intérieur" :
un clochard alcoolique qui vit aux crochets des gens du village. On finit
par comprendre qu'il n'a pas réussi à se reconstruire une
vie, malgré son mariage avec Mireille, une jeune fille de colons
qu'il a connue là-bas et avec laquelle il s'est marié, a
eu des enfants, etc.
Mais Rabut, malgré les apparences d'une vie "normale"
avec son épouse, malgré sa bonne intégration sociale
dans sa commune natale, est lui aussi hanté par les fantômes
du passé et se soigne à coup de neuroleptiques.
Les seules qui les écoutent sont les femmes : Solange bien
sûr qui n'a jamais rompu tout à fait avec Bernard et qui
continue à le défendre, la patronne du café, l'épouse
de Rabut qui sait ce que son mari s'efforce de taire.
Ajoutons que Laurent Mauvignier construit ce récit choral de façon
magistrale, jusqu'au dénouement, nous faisant passer régulièrement
d'un point de vue à l'autre (le lecteur est très sollicité !)
et jouant entre le présent de la scène (fin années
90) et le passé en Algérie dans un découpage rigoureux
en quatre actes : Après-midi, Soir, Nuit (très longue
!), Matin.
Une uvre qui m'a bouleversée, captivée
comme
son autre roman Dans
la foule. J'ouvre en très grand.
En dialogue avec d'autres souvenirs comme ceux de Monique, le sujet de
ce roman me touche particulièrement car mon père, militaire
de carrière, a fait la guerre d'Algérie et il a été
très absent. J'étais encore une petite fille et il m'envoyait
de jolies cartes postales : une oasis, un fennec... À son retour,
il n'a plus jamais parlé de ses années passées là-bas.
Quand j'ai grandi j'ai réalisé qu'il avait fait cette guerre
terrible et que ces cartes étaient trompeuses. Plus récemment
j'ai fait une demande de récapitulatif de carrière... pour
savoir, enfin !
Nathaliede
retour de Londres, se retenant d'abord de lire nos avis...
Tout d'abord déstabilisée profondément par la technique
d'écriture de Laurent Mauvignier, j'ai peu à peu complètement
adhéré et je peux même dire que j'en aurais volontiers
redemandé. C'est rare que je sois emballée par un "procédé"
(je les trouve souvent très artificiels et ils ont tendance à
m'agacer), mais ici ce dernier amplifie de façon brillante la narration.
Cette tentative de retranscrire la réalité des échanges
et des pensées est géniale. Parce que oui, on parle souvent
comme cela, parce que oui, on exprime souvent nos idées de façon
floues quand elles ne réussissent pas à dire l'indicible,
ou tout simplement parce qu'on ne réussit pas à aller au
bout de notre raisonnement. J'ai vraiment aimé les passages de
paroles rapportées. Je m'interroge sur la façon dont il
a procédé et j'ai envie de penser que Laurent Mauvignier
les a prononcées à haute voix avant de les transcrire.
Bien que le roman développe des thèmes récurrents
de la littérature - le hasard, la nécessité,
les mauvais choix, l'absurde, le libre-arbitre, l'amitié, la loyauté -,
il me semble qu'il ne tombe jamais dans la banalité. C'est fort.
On vibre. On a peur. On se met à la place de. On pleure sur. La
technique des changements de points de vue, façon "reconstitution"
des faits est bien menée. Ça fonctionne parfaitement.
Je considère aussi que le roman peut prendre encore plus d'ampleur
grâce à deux lectures. La première pour suivre à
l'aveugle, la deuxième pour savourer en tout état de cause
et permettre à chaque personnage d'acquérir toute son ampleur.
Le personnage de Bernard est terrible car le roman ne donne pas toutes
les réponses en particulier, pour moi, en ce qui concerne l'acte
inaugural. J'ai eu l'impression que je devais me forger une intime conviction
sans pourtant avoir quelqu'un à juger. Le texte est un kaléidoscope
qui alterne l'ombre et la lumière. J'ai vraiment eu besoin de relire
le tout début. Bernard/Feu-de-Bois est l'homme en morceaux. La
technique de narration nous permet petit à petit d'en recoller
quelques-uns. L'empathie nous gagne. Le titre m'a fait penser à
celui de Primo Levi (Si c'est un homme), à la fois par sa
forme bien entendu mais aussi pour ce qu'il peut signifier en termes d'humanité.
J'avais adoré le
livre d'Alice Zeniter. Il me semble que celui-ci, bien que fictif,
a tout autant valeur de témoignage. Je le prête à
qui veut savoir ce qu'est un talent littéraire.
Synthèse
des 5 AVIS DU GROUPE BRETON |
La divergence des appréciations ne
reflète pas l'unanimité réelle qui nous rassemble
autour de ce roman, mais simplement la difficulté plus ou moins
aiguë à nous plonger dans une époque douloureuse, et
ce d'autant plus que l'écriture de Mauvignier la restitue avec
une grande véridicité. Certains ont même refusé
de le lire, tout comme on a refusé pendant longtemps de parler
de la guerre d'Algérie, et ce livre, loin de nier cet aspect de
l'histoire, nous permet de comprendre les raisons profondes de ce traumatisme
et de la persistance du silence.
Il faut toutefois distinguer le contexte historique et la fiction littéraire,
ce qui est assez compliqué car la mise en scène des différents
protagonistes donne un tableau très complet des dommages et souffrances
causés par cette guerre qui n'en avait pas le nom, galère
vécue par des appelés partis en Algérie pour 28 mois
de service militaire. Cette histoire nous impose un travail de mémoire,
quels que soient notre âge et notre proximité vécue
avec les événements, en raison de la culpabilité
collective qui se manifeste encore aujourd'hui et dont le poids, alourdi
par deux générations de non-dits, se fait sentir à
chaque page du récit de Mauvignier.
La construction de cette tragédie en trois actes, où l'on
passe de la réunion familiale catastrophique, dans le modeste village
de La Bassée, au passé atroce en Algérie et au retour
dans le quotidien désespéré contemporain est savamment
menée, et nous avons toutes été "happées"
par le texte. Le style oral, haletant avec ses phrases déstructurées
en harmonie avec les ravages psychiques des personnages, des propos de
bistrot aux querelles familiales en passant par les bagarres entre soldats,
la narration de Rabut, cousin (ou double ?) de Bernard qui tient
le rôle principal, témoin actif de tous les événements
clés traversés, nous font partager de façon presque
hallucinante les sentiments des personnages : effroi, culpabilité,
colère, violence.
Mais la guerre n'est pas l'élément essentiel du récit.
Le centre, c'est l'homme, dans son humanité et sa souffrance, qui
est originelle, car l'épreuve de la guerre est venue s'ajouter
pour "Feu-de-Bois" à un autre secret destructeur, celui
de la mort en couches de Reine, la sur aînée, secret
de famille lui aussi porteur d'une terrible culpabilité, ainsi
qu'au rejet maternel dont on ne guérit jamais.
Le titre "Des hommes" comporte plusieurs dimensions. Il reflète
en particulier le souci de l'auteur de donner une dimension humaine à
tous les protagonistes, de quelque côté qu'ils soient. C'est
aussi une expérience très masculine, où les femmes,
essentielles et omniprésentes en arrière-plan (Mireille,
l'épouse, Reine et Solange, les surs, Fatiha, la petite victime
algérienne, et surtout la mère) sont toutes des victimes
réduites au silence. Mais Mauvignier s'attache moins à la
description de la guerre elle-même qu'à la destinée
funeste de ses héros écrasés par la catastrophe.
On peut ressentir un malaise au fil des pages qui nous plongent parfois
dans une atmosphère très glauque.
Ce roman psychologique très touchant, très charnel,
nous a toutes bouleversées par sa force. Celles qui ont vu l'adaptation
très fidèle de ce roman au cinéma ont trouvé
l'écrit supérieur au film. La dernière phrase du
livre "je voudrais savoir
si l'on peut commencer à vivre quand on sait que c'est trop tard"
répond à la citation de Jean Genet placée en préambule,
appréciée pour la justesse avec laquelle elle résume
l'ouvrage.
La conclusion collective est que nous avons encore fait une belle découverte
(personne n'avait lu d'ouvrages de cet écrivain auparavant) et
que nous avons affaire à un écrivain de grand talent.
Chantal
Je l'ouvre en GRAND. Sans réserve. Sans aucune objectivité,
j'assume.
La construction du livre - présent, passé, présent -
m'a convenu. Comme l'auteur dit qu'il a tourné longtemps "autour
du pot" avant de partir "là-bas", moi j'ai fait
de même. J'ai apprécié la description de cet après-midi
déflagrateur, l'impossibilité de dire en même temps
que la nécessité de dire, de revenir loin dans ce passé
jamais digéré ni par les uns ni par les autres, avec tout
le non-dit que l'on ressent si fort chez Solange, chez Rabut. Le narrateur...
Rabut ? qui énumère le déroulement des faits, et
on est pris.
Et la partie "nuit", ça y est on part là-bas,
avec Bernard. Et là... j'ai lu tout ce passage une boule au ventre
l'autre dans la gorge... revoyant mes 8 ans, amoureuse de ce voisin si
beau si gentil, qui est parti "là-bas", et au retour
deux ans après, fou, enfermé chez ses parents, hurlant si
fort toutes les nuits, tout le hameau l'entendait... mon dieu...
Et là, l'auteur est fort, très fort. Son style dans cette
partie du livre est remarquable pour moi. Ses phrases, hachées,
haletantes, courtes, certaines pas finies... deux mots, un seul quelquefois,
et l'effet est terriblement efficace : il "anime" - au
sens "il donne une âme" - à Bernard, Rabut, Février.
Le lecteur les voit vivre, ressent leur peur - peur au ventre -,
leur colère, leurs doutes sur ce qu'ils font là, eux qu'on
a arrachés à leur vie sans rien leur demander... Mais là
encore le non-dit, les choses qu'on peut dire, celles qu'on ne peut pas...
: tout ce passage pour moi est remarquable, vraiment.
Et j'ai aimé la fin, qui ne dit rien de la suite des événements
de la veille, qui laisse au lecteur toute sa place. Et Rabut, à
jamais tourmenté, que seuls le froid et la neige, l'engourdissement,
apaisent, pour un moment...
Roman de la solitude, l'extrême solitude "des hommes"...
Marie-Odile
Je n'avais jamais lu Mauvignier.
J'ai entendu le titre comme y étant question des hommes, pas des
femmes, pas de l'humanité non plus.
J'aime la phrase de Jean Genet qui précède
le roman et le contient tout entier.
Dès le début, j'ai été happée par la
haute tension générée par ce texte. On sent que ce
n'est pas du bien qui va sortir de la poche de Feu-de-Bois, que l'objet
en question va partir comme un projectile et faire du mal en tendant vers
son but. Haute tension, jamais de répit. Il s'agit d'"une
chose comme ça...qui vient se glisser et brouiller ce moment de
notre histoire où tout à coup elle est là, comme
un compte à régler vieux de quarante ans, un âge d'homme
pour nous regarder et nous dire non, ce n'est pas fini, on croyait que
c'était fini mais ce n'est pas fini ". En fait,
c'est un mal ancien qui se réveille.
Le fil chronologique bien présent, bien que bousculé parfois,
les scènes écrites au ralenti,
tout cela m'a dit l'inéluctable.
J'ai eu l'impression d'assister à une tragédie sans majesté,
dans un univers glauque, pauvre, réaliste (une salle des fêtes,
des prénoms, des vêtements, un personnage malodorant qui
emplit l'air autour de lui...)
Me suis laissée entraîner par la syntaxe
parfois déstructurée comme le personnage, des groupes de
mots se heurtant les uns les autres, s'agglomérant, se reprenant,
se tournant sur eux-mêmes, entraînant le lecteur dans ce qui
sera une phrase quand même, puis une autre et une autre encore.
Dans la seconde partie, Feu-de-Bois est hors-champ, mais on ne parle que
de lui, de son passé, départ, retour. La "guerre"
est évoquée en creux, sans qu'on la raconte, mais avec le
terrible impact qu'elle a eu.
Lorsque, la nuit, on entre dans le vif du sujet jusque là contourné,
abordé de biais (ce qui, pour moi, lui donnait plus de force),
les scènes évoquées sont terribles, mais moins inattendues.
On termine, sans surprise, sur la difficulté pour tous de vivre
avec le passé, et pour Rabut avec Feu-de-Bois, ce miroir infidèle
de lui-même : "ce
qu'il aurait dû devenir aussi s'il avait été capable
de ne pas accepter des choses".
Curieusement, en refermant ce livre, j'avais un peu envie de l'oublier
et très peu envie d'en parler
Envie d'enfouir à nouveau
les atrocités, le sentiment de gâchis, l'incompréhension,
la révolte qu'il exhume le temps de la lecture? Quoi qu'il en soit,
je garderai en mémoire le portrait d'un homme à la dérive,
comme on en a tous aperçu un jour, ici ou là, porteur d'un
passé qui l'écrase et qui reste aux autres impénétrable.
J'ai pensé à ce que pourrait être un roman parallèle,
intitulé Des femmes. Elles sont ici à l'arrière
plan : Solange par qui l'incident arrive, la sur morte en couches,
Mireille abandonnée, Nicole qui peut juste proposer un café,
Éliane qui n'a pas pu/su attendre, femmes et petites filles massacrées
là-bas. Femmes victimes ou impuissantes, silencieuses souvent elles
aussi.
J'ouvre aux ¾.
Yolaine
J'ai lu Des hommes en deux jours : écriture efficace
et sujet traité de façon assez exhaustive ; mais après
coup, j'ai eu une espèce de haut-le-cur. J'ai commencé
Histoires
de la nuit que j'avais acheté sans doute par erreur, et
là pareil, j'en suis à la page 140 et je n'arrive plus à
ouvrir le bouquin. Donc ce n'est pas la guerre d'Algérie qui me
rend malade, c'est Mauvignier. Pierre qui vient de terminer Des hommes
partage un peu mon sentiment : la littérature ne doit
pas faire vomir, et là, on est dans un monde très glauque
et sans aucune lueur d'espoir. Je lis pour nourrir ma vie, même
pas pour me cultiver, juste pour trouver du sens, et par les temps qui
courent, nous avons besoin de charisme, pas de héros qui subissent
leur désastre de vie. Il faut regarder le bout du tunnel.
Les copines se sont extasiées sur la citation de Jean Genet, et
j'ai aussi beaucoup de mal avec cet auteur, un peu pour les mêmes
raisons. Mais c'est peut-être moi qui suis une pauvre midinette...
Les
11 cotes d'amour du nouveau groupe parisien réuni le
14 septembre
|
Nathalie B
J'ai apprécié le thème de ce roman, le refoulé
de la guerre d'Algérie sur les hommes qui ont dû la faire.
La façon dont Mauvignier aborde cette partie de notre histoire,
elle-même beaucoup refoulée, que pendant longtemps on a simplement
appelée "les événements d'Algérie",
est pleine de justesse et de sensibilité. Je trouve que sa composition
qui commence 40 ans après la fin de la guerre, et qui donne à
voir un homme abîmé, alcoolique, violent, nommé Feu-de-Bois,
dont tout le monde se méfie, dans un milieu rural, est très
intéressante. Ensuite on verra ce même individu, alors jeune
homme, Bernard, qui n'a jamais connu que sa campagne qui part en Algérie
faire une guerre dont ce n'est pas le nom et pour laquelle il n'a aucun
intérêt. Mauvignier nous raconte une histoire d'Hommes qui
rencontrent l'Histoire et se font laminer par elle. Certains meurent,
d'autres survivront mais ne seront plus jamais les mêmes. Derrière
les photographies des soldats, les appelés, qui envoient à
leur famille des instantanés de vie au soleil, entre camarades,
se cachent la peur, la violence, le sang, la torture, la haine et la mort.
Aucun ne reviendra indemne de toutes ces horreurs dont ils ont été
au mieux témoins ou complices, au pire auteurs. Comment se défaire
de cela ? Comment retrouver l'innocence perdue ? On ne peut
qu'avoir une pitié sourde pour ces jeunes gens qui lorsqu'ils reviendront
ne parleront pas de ce qu'ils ont vécu là-bas. Je trouve
que la citation de Genet en exergue du roman est très parlante
(ce n'est pas toujours le cas). J'ai aimé le style qui dès
le début du roman installe le lecteur dans une sorte d'inquiétude.
L'auteur parvient à rendre une ambiance menaçante, insécure.
On s'attend à ce qu'il se passe quelque chose de grave à
chaque page. Et dans le même temps, on ressent de la tristesse.
C'est un beau roman très sensible dans lequel aucun des hommes
n'est jugé. On pourrait être chacun de ces hommes, qu'ils
soient du FLN, harkis, appelés. Car c'est avant tout une histoire
d'hommes même si quelques femmes traversent le roman ; elles
sont en bordure, même si elles peuvent en être le cur
et la raison. J'ouvre en grand.
Ana-Cristina
Roman captivant. Écriture à fleur de peau, en suspension,
fluide. Une tristesse sourde. Une atmosphère électrique.
Mauvignier montre la violence sans aucune complaisance. "L'important
c'est d'aller son chemin" écrit P. Léautaud
dans Le
Petit ami (qui n'a, par ailleurs, vraiment aucun rapport avec
Des hommes !). Ici, ces hommes, dans leur chemin, on les y
a mis de force. On leur a en quelque sorte volé leur destin, et
à coup sûr brisé leur avenir. Nathalie, la citation
placée en exergue t'a frappée. Elle résume parfaitement
pour toi le roman : "Et
ta blessure, où est-elle ? Je me demande où réside,
où se cache la blessure secrète où tout homme court
se réfugier si l'on attente à son orgueil, quand on le blesse?
Cette blessure - qui devient ainsi le for intérieur-, c'est elle
qu'il va gonfler, emplir. Tout homme sait la rejoindre, au point de devenir
cette blessure elle-même, une sorte de cur secret et douloureux.".
Cette citation de Genet me fait penser à cette phrase de Mauvignier
(qui l'aurait reformulée) :"Peut-être
que ça n'a aucune importance, tout ça, cette histoire, qu'on
ne sait pas ce qu'est une histoire tant qu'on n'a pas soulevé celles
qui sont dessous et qui sont les seules à compter, comme les fantômes,
nos fantômes qui s'accumulent et forment les pierres d'une drôle
de maison dans laquelle on s'enferme tout seul, chacun sa maison, et quelles
fenêtres, combien de fenêtres ?"
(p. 270). Moi je dirai simplement que nous sommes tous des
énigmes. J'ouvre en grand.
Laure
Sur la forme : un style haché, quelque peu "asthmatique"
qui décrit chaque étape de la pensée, d'un mouvement,
d'une préméditation. Retranscription presque fidèle
des étapes de la pensée jusqu'aux gestes : les actions,
mais aussi les suppositions. Description précise avec les 5 sens
ce qui rend l'écrit encore plus vivant et prenant.
Sur le fond : l'histoire de la guerre d'Algérie sans parti pris.
Les avantages et inconvénients perçus par chacun et la réalité
de l'ambivalence humaine. C'est un beau roman. Quelque
peu dur à lire parfois du fait du style. Livre grand ouvert.
Audrey, entreet
Pour le dire un peu gauchement je trouve que le livre de Mauvignier est
un livre de gauche.
De manière plus adroite, et non "à droite" !,
je dirais que c'est un livre humaniste : d'emblée quand
Mauvignier fait le portrait de Bernard, attablé dans le café,
dégoulinant de vin et de gras, ça pourrait devenir malveillant
et dégueulasse, mais ça tourne au contraire à la
présentation d'un homme posé d'emblée comme une victime.
Ce passage se termine ainsi : "mais
ce n'était pas un ogre non plus, pas un monstre, juste un type
en qui la colère monte pour remplacer l'incompréhension
et le sentiment d'injustice, de mépris, de haine dont il se sentait
victime" (p. 33)
Et on comprend tout de suite que Mauvignier va chercher à rendre
justice à des hommes sur lesquels nous n'avons pas forcément
envie de poser notre regard. En somme, oui il y a un côté
dégueulasse, mais tâchons de comprendre pourquoi, au fond
le livre va se construire autour de cette perspective-là :
Partie 1 : le constat. En France, les dégâts au présent
et les conséquences d'un drame sont exposés.
Partie 2 : l'explication. En Algérie, le pourquoi, l'entassement
silencieux de l'histoire de Bernard et plus généralement
de ces hommes, la guerre et l'horreur ainsi que le silence, la volonté
d'en finir, une certaine incompréhension et des doutes qui se transforment
en fausses certitudes.
Partie 3 : le retour en France, le poids de la mémoire sans
cesse réactivée l'immense poids du silence, des souvenirs
écrasés par les faux-semblants.
La forme du livre, de par le peu de dialogues et d'échanges directs,
lesquels sont intégrés au récit souvent sous la forme
indirecte, donne une impression de masse diffuse, voire confuse, où
se brassent les temps et les personnes où s'imbriquent les lieux
et les moments de vie.
Et puis il y a des changements de narrateur on passe du "il"
(Bernard), au "je" (Rabut), au "on" (les hommes dans
la 2e partie, les combattants ?). Et cela rend bien compte d'un point
qui me semble important : la complexité de la rencontre, ou
la collusion, entre l'histoire individuelle et l'histoire collective.
Je trouve que l'on sent très bien dans ce livre à quel point
des individus sont emportés dans un conflit qui les dépasse.
Mauvignier cherche à les individualiser, il raconte ceux qui prient,
ceux qui lient, ceux qui rient, ceux qui boivent, ceux qui décorent
leur lit, ceux qui espèrent, ceux qui aiment...) Et lorsqu'il rapporte
leur souffrance, Mauvignier rend très bien compte de ce qui va
fusionner chez ces hommes de leur souffrances liées à la
guerre, aux souvenirs de l'horreur, à l'indicible, au silence et
non-dits, à cette mascarade MAIS AUSSI souffrances liées
à cette femme partie avec un autre, ou encore du retour au quotidien
banal, etc. En cela, je trouve qu'il cherche à rendre la complexité
de ce qui fait l'humain.
Et le titre, "Des hommes", raconte précisément
ce qui rassemble ces hommes au sein de l'humanité ET ce qui les
distingue il ne dit pas "les" hommes, il dit "des",
comme un échantillon de l'humanité, c'est-à-dire
parmi les hommes ceux-là. Ce qui permet à la fois de les
individualiser et de les rassembler. La première fois que ce terme
"des hommes" apparaît, il s'attache à décrire
des fellaghas, des Algériens. Parce que, au-delà d'engagements
opposés, ce qui les rassemble ce sont leurs peurs, ce sont leurs
espoirs, ce sont leurs violences, ce sont leurs capacités d'imagination
jusqu'à l'atroce, etc. En bref, ce qui fait l'humain. Et c'est
lorsque de vocabulaire change que l'on passe de "des hommes",
à "fellaghas", à "bougnoules" et à
"bicot" que l'on glisse et qu'on les rend moins humain.
J'ai trouvé sur la forme, outre le fait qu'elle relevait et servait
des propos de fond, que l'auteur était trop présent ou le
style trop prégnant. Dans la première partie je sentais
la plume glisser sur le papier et ça me gênait. Je l'ai beaucoup
moins senti dans la 2e partie. Mais je reconnais à Mauvignier une
capacité à nous happer, à créer du rythme
dans son récit, à accélérer des moments du
récit, à créer des situations de suspense, et à
nous tenir en haleine (par exemple pendant l'agression de Chefraoui, ou
encore à la découverte du corps du médecin).
Pour terminer, j'ai trouvé que c'était un bon livre mais
pas un grand livre. J'ouvre ce livre entre ½ et ¾.
Anne
En fait, ayant vu le film Des hommes, j'ai souhaité plutôt
commencer ma lecture par Ce
que j'appelle oubli, livre qui m'a éblouie, si l'on peut
être éblouie par un récit terriblement sombre
et pourtant
C'est un court récit que j'ai lu d'une traite.
D'ailleurs, impossible de s'arrêter puisqu'il ne contient aucun
point. Si, il y a deux points d'interrogation et j'aurais pu faire là
une suspension, mais j'étais sur une lecture trop passionnante.
Un homme de loi commente des faits : il s'agit d'un meurtre d'homme.
J'ai eu vite le sentiment que c'est l'homme assassiné lui-même
qui s'est substitué au procureur et mis à dire comment on
l'a tué et ce qu'il ressent de son assassinat. Magnifique jeu de
l'écriture. Petit livre que j'ouvre entièrement.
Quand à Des hommes, j'ai été un peu moins
prise par l'écriture que dans le premier livre. À peine
un peu moins
Mais la problématique familiale m'a immédiatement
captivée. Chacun des hommes est prisonnier de ses affects et des
méandres de la guerre d'Algérie, et la simplicité
de l'écriture (très travaillée !) m'a fait vivre
l'horreur et la tristesse de l'histoire de chacun des protagonistes plutôt
que montré la guerre comme un spectacle (ce qui est le cas du film).
Si j'ai trouvé l'écriture de ce livre moins concentrée
que dans Ce que l'on appelle oubli, c'est qu'il se passe des choses
à de nombreux niveaux, l'histoire est plus diffractée (utilisation
de nombreux personnages), les lieux et les temps plus nombreux, aussi
n'ai-je pas ressenti la même émotion que dans l'autre livre,
plus continument tendue. J'ai donc été différemment
intéressée par Des hommes où l'auteur commence
l'histoire par un conflit familial violent : une large main tendue
et dedans un petit coffret bleu nuit (que j'ai vu noir), puis de l'autre
côté Solange, sa sur, pleine d'émotions, de
compassion, de peine et de refus. Puis des hommes, des femmes, sa famille,
qui ne veulent pas du bien à celui qui tend sa main, une main qui
a volé. Une vieille histoire de haine exaspérée par
l'argent. Le destin de ces personnages nous amène en pleine guerre
d'Algérie. Des dialogues y disent la souffrance, l'horreur, la
tristesse, y disent des images terribles. Il arrive que Laurent Mauvignier
fasse parler un personnage à propos des autres et fasse ainsi vivre
tout le monde. Jonglerie qui montre le cirque de la condition humaine.
J'ai beaucoup aimé ce livre et si je l'ai trouvé moins exceptionnellement
intense que le premier cela ne m'empêche pas de l'ouvrir également
très grand.
Katherine
J'étais impatiente de découvrir cet auteur et cette tranche
d'histoire française que je ne connaissais pas. Impatiente aussi
d'entrer dans le cur du récit, ce qui explique sans doute
pourquoi j'ai trouvé l'histoire lente au démarrage, dans
ce village enneigé, des années après la fin de la
guerre
La manière de l'auteur de raconter la guerre d'Algérie et
ses protagonistes m'a marquée. Sans omettre l'horreur et le tragique
des événements, l'accent était mis sur la vie quotidienne
des appelés, leur ennui, leur camaraderie, leurs peurs, leur hâte
que tout se termine. On ne ressent pas chez ces hommes l'idéologie
pour laquelle on les a envoyés se battre, en fait, "la
guerre, l'indépendance, la libération d'un pays ils étaient
plutôt pour, mais au fond, ce qu'ils voulaient d'abord et avant
tout, c'était juste qu'on en finisse et de rentrer à la
maison." (p. 243)
On en vient presque à les considérer comme un autre type
de victime de ces événements : de jeunes hommes qui
subiront des traumatismes inévitables et qu'ils traîneront
comme un handicap tout au long de leur vie. Laurent Mauvignier, en faisant
se chevaucher le passé et le présent, parvient à
notre démontrer l'impact du premier sur le second des décennies
plus tard. Il décrit avec empathie l'impact de la guerre sur ces
personnages, le silence qu'on leur impose à leur retour, l'impossibilité
de se défaire de ces images et événements, bien que
certains semblent le cacher mieux que d'autres. Et autant on peut comprendre
la volonté de tous de mettre ces années derrière
eux, autant ils sont conscients que cela revient à effacer la mémoire
qui y étaient et qui y sont restés, à ne pas remettre
en question ce qui a mené à ce drame, à accepter
ce qui y est arrivé comme inévitable
Ne pas y réfléchir
semble malgré tout être la meilleure solution, contrairement
à ce que semble avoir fait Bernard. Comme l'analyse justement Rabut,
"il est devenu ce que
j'aurais dû devenir aussi si j'avais été capable de
ne pas accepter les choses." (p. 267).
J'ouvre aux trois quarts.
Monique M(avis
transmis)
Ce livre est majeur, c'est un témoignage, une mémoire fondamentale
de la guerre d'Algérie et ses conséquences. L'écriture
est magnifique par la beauté de son style, la richesse de son pouvoir
évocateur, ce sont des mots glissés, des images, une façon
à la fois retenue et éruptive de dire les choses, les blessures
de la guerre, celles de la vie, les obsessions, le mal d'amour, le souvenir
obsédant des combats, du bled, du racisme, des atrocités,
mêlé à celui tout aussi obsédant de ce que
ces appelés ont laissé au pays et pour Bernard, de la mère.
C'est très prenant, l'écriture s'enroule comme un cordon
de chair, quelque chose de haletant, des mots qui vont au rythme de la
pensée, du doute au souffle retenu avant de la livrer, c'est magnifique
de vie et d'humanité. Il sait comme personne donner à certains
moments de vie une densité exceptionnelle (la peur au ventre pendant
les gardes aux avant-postes, la solitude, l'angoisse, le climat malsain
des baraquements, les atrocités des tortures, la découverte
des compagnons égorgés au retour d'Oran
Mais aussi
de moments plus ordinaires lorsque par exemple Bernard tourne cette chose
au fond de sa poche, arme ? couteau ? non petite boîte ronde, un
cadeau pour Solange. Celui aussi ou Nicole prépare une tisane alors
que tous s'interrogent sur la conduite à prendre après l'agression
de Bernard sur la femme de Chefraoui, les bruits de l'eau versée,
de la casserole posée sur la gazinière, des papiers remués
par Solange dans la chambre
, accompagnent et intensifient les pensées
des acteurs).
J'aime la construction du livre ; commencer et finir par les conséquences
de la guerre sur la vie de ceux qui l'ont faite, Bernard Feu-de-Bois au
début du livre, Rabut à la fin, de mettre en évidence
leur destruction physique et morale, leur impossibilité d'oublier
ce qui a été, de le mettre entre parenthèses, est
très puissant. Je ne sais s'il existe des récits de la guerre
d'Algérie aussi intenses, aussi justes dans leur relation. Ce récit
vu à travers la voix de personnages multiples dont chacun garde
ses convictions, sa personnalité, donne une vision globale de ce
qui a été pensé, vécu, des deux cotés.
Laurent Mauvignier parle de tout cela de façon magistrale comme
s'il l'avait vécu dans sa chair. C'est un témoignage inoubliable,
absolument sublime. J'ouvre en grand.
Anne-Marie
Ce livre m'a bouleversée. Il fait comprendre avec une grande finesse,
dans une démonstration implacable, comment une guerre sale, sournoise,
une guerre qui ne disait pas son nom, a pu briser un homme, comment elle
lui a montré ce qu'il y avait de pire dans l'humain et comment
le peu de certitudes qu'avait le héros, Bernard, n'y a pas résisté.
Le début montre sa déchéance. Bernard est
revenu au pays mais n'est plus qu'une ombre, on l'appelle Feu-de-Bois,
il sent la fumée, il est sale, hagard et alcoolique. Il essaie
de montrer à sa sur Solange qui est apparemment la seule
à ne pas l'avoir rejeté, combien il l'aime et maladroitement
il lui fait un cadeau disproportionné dont on devine qu'il l'a
acheté avec de l'argent volé dans la maison de sa mère
défunte. Le geste se retourne contre lui et provoque la méfiance,
la haine même, et Bernard qui ne comprend pas ce rejet, s'en va,
et se met à boire frénétiquement au café local
pour supporter le choc. De là il s'en prend à la famille
musulmane (algérienne) locale et tout dégénère.
Cette première partie est inutilement longue, l'annonce du drame
est interminable, la description de Bernard très détaillée,
ses pensées tournent en boucle et les réflexions des uns
et des autres aussi. L'inquiétude et l'angoisse des uns et des
autres est cependant bien rendue. Cela montre un monde simple où
les gens ne comprennent pas ou n'ont pas l'habitude des comportements
extrêmes, et la peur les rend cruels.
Voilà deux cousins (ou trois, on ne sait pas, au début j'ai
pensé que Rabut était le narrateur, puis on voit plus loin
que c'est une autre personne qui parle), donc ces cousins appelés
ne savent pas pourquoi ils sont là, 28 mois c'est long. Ils passent
leur temps à attendre, leur angoisse est palpable et on sent que
l'ennemi, que l'on ne voit jamais, est là tapi en embuscade et
guette. Les femmes et les enfants restent seuls dans les villages abandonnés,
et les appelés ne savent pas comment se comporter. C'est une sale
guerre qui ne ressemble pas à une guerre, parce que "la
guerre se fait avec des gars en face", dira l'un des leurs,
Février, en revenant "parce
que la guerre c'est toujours des salauds qui la font à des types
bien et que les types bien là il n'y en avait pas, c'étaient
des hommes, c'est tout."
(p. 230) Le massacre qui a lieu en l'absence
des soldats, qui sont rentrés plus tard que prévu, et qui
culpabilisent, représente le tournant, celui qui a marqué
les survivants, qui les a transformés. La découverte des
lieux comme abandonnés, les grilles déverrouillées,
le silence puis la porte de la sentinelle ouverte, mais non fracturée,
et tous comprennent que quelqu'un a donné la clé et permis
le massacre, et tous comprennent à ce moment-là qui est
le traitre.
Le narrateur après son retour, a repris sa vie d'avant et explique
pourquoi il repensait à Bernard "et
seulement à lui" : "jai
dû mavouer que ce que je détestais en lui maintenant
ce nétait pas lui, ni ce quil avait été
quand il était jeune, ni rien de lui, mais seulement de le voir
tous les jours, lui, dans la rue, dans la vie, traînant dans tout
son corps et sa présence et même aussi dans sa façon
dêtre devenu ce quil est devenu, notre histoire à
tous les deux. Et, ce qui me gêne, cest quil est devenu
ce que jaurais dû devenir aussi si javais été
capable de ne pas accepter des choses."(p.
269)
Le style est fort, imagé, haletant. J'ouvre en grand.
Avis
du groupe
de Tenerife |
Nous avons parlé très longuement
de Des hommes.
On n'était que quatre, mais avec des opinions très controversées,
en particulier de la part de Nathalie qui a beaucoup aimé le livre,
contrairement aux autres qui n'ont pas vraiment accroché à
cette écriture plutôt décousue dans laquelle il nous
a semblé difficile de trouver un sens et qui nous a laissé
pas mal de questions sans réponse...
Manuela
Le livre de Mauvignier ne m'a pas emballée, j'apprécie la
capacité de l'auteur pour maintenir le suspens tout au long du
récit - l'interminable remise de cadeau, le rapport avec sa mère
etc.- mais ces choses ne se résolvent jamais, l'histoire est effilochée
et les lecteurs, enfin moi, je suis restée sur ma faim. De plus,
je sais que la guerre d'Algérie est en ce moment en pleine actualité
et que pour vous elle constitue une plaie ouverte, un peu comme notre
guerre civile ; on ne finit jamais de tourner la page. Mais je pense que
ce roman en est un parmi des milliers et des milliers, déjà
écrits, sur les personnes qui ont souffert les atrocités
de la guerre. Finalement ils se ressemblent tous.
Nieves
Des romans sur la guerre on en a écrit des centaines. Laurent Mauvignier
s'occupe ici de la guerre d'Algérie, cependant j'ai l'impression
que ce qui l'intéresse le plus n'est pas le conflit en soi, mais
les conséquences de cette guerre sur les hommes, à qui cette
lutte armée a causé un traumatisme dont ils ne se sont plus
remis.
À mon avis, il y a plusieurs scénarios dans ce récit
: celui de la famille et son histoire dans le village, celui de la guerre
(la caserne, les relations qui s'y établissent, la parenthèse
à Oran où on découvre les avantages de la ville par
rapport au village), mais aussi le paysage algérien sec, à
couleurs jaunâtres, toujours envahi de poussière, un contexte
où des femmes, des vieux et des enfants semblent collés
à la terre et où les fellaghas se débrouillent à
leur aise dans l'ombre. Il ne faut pas non plus oublier la mer comme une
porte qui s'ouvre à une autre réalité
Or, je
trouve que tous ces mondes se chevauchent dans ce récit dont l'écriture
faite de phrases inachevées, un manque de signes de ponctuation,
des énumérations fréquentes et un rythme narratif
hatif, très oral, déroute un peu le lecteur. Moi, après
une quarantaine de pages, j'avais pensé ne pas pouvoir finir la
lecture. Mais dans quel but ce type d'écriture où l'oral
et l'écrit semblent se mélanger tout le temps ?
En essayant, donc, de trouver un sens à ce récit, je me
demande si ce qui serait prioritaire pour l'auteur ne serait pas de nous
tenir accrochés aux tourments psychologiques subis par ces personnes
qui ont fait ou qui ont subi la guerre de loin, en particulier, ces trois
hommes (Bernard, son cousin Rabut et Février) vivant encore, au
bout des 40 ans, dans le cauchemar d'une terrible expérience dont
ils n'ont pas réussi à échapper, due à l'absurdité
de la tâche, puisqu'ils "sont
partis défendre la paix avec des fusils mitrailleurs et des rangers,
sauver un pays dont ils n'avaient pas vraiment compris qu'il était
en danger
"
Il paraît que Laurent Mauvignier a été très
marqué par cette guerre à laquelle avait participé
son père qui finit par se suicider. Il est vrai également
que dernièrement on a beaucoup parlé en France de la guerre
d'Algérie et des rapports entre les deux pays. Il est certain également
que le pouvoir avait longtemps jeté le voile sur les horreurs et
la violence commis du côté de la France qui, en les reconnaissant
récemment, a demandé pardon à cet égard. Voilà
pourquoi ce qui m'a paru intéressant, c'est que l'auteur ne prend
pas parti, il n'y a ni bons ni mauvais, chaque personnage vit avec ses
propres contradictions et souffrances. Il n'y a que des hommes. Et cette
question qui met fin au récit : "Je
voudrais savoir si l'on peut commencer à vivre quand on sait que
c'est trop tard" paraît accentuer encore plus l'impuissance
à renouer leurs vies de cette génération marquée
par deux conflits.
José Luis
Je dois avouer que j'ai été incapable d'entrer dans ce livre.
Je l'ai commencé à plusieurs reprises et l'ai abandonné
autant de fois. Ni l'écriture ni le récit ne m'ont intéressé,
plus encore ils m'ont rebuté tous les deux. Ce n'est que la veille
de la réunion mensuelle de notre groupe de lecture que, pendant
six heures de suite, je me suis attelé, pour des raisons de responsabilité
- et, il n'y a pas à l'exclure, une certaine dose de satisfaction
masochiste - à la lecture de Des hommes. Pendant ce
marathon, que j'ai commencé à quatre heures du matin, ce
n'est que vers la moitié du livre que j'ai vécu des moments
de répit, lors de la lecture des pages dédiées à
décrire les exactions commises d'un côté et de l'autre
des forces en présence. Mais là, aucune nouveauté,
et donc aucun intérêt réel de ma part. Comme je pense
l'avoir écrit à d'autres moments, je ne lis pas pour passer
le temps petit qui me reste à vivre, mais pour être déplacé,
déporté, interrogé, pour, en fin de compte, changer,
évoluer. Et ici rien de cela ne m'a été donné.
Le texte m'a semblé froid, confus, long sans justification, et
vieux du point de vue littéraire. Je ne veux pas exclure que l'impression
que j'ai ces derniers temps d'avoir vieilli de quinze ans en quelques
mois soit à l'origine de mes réactions pour le moins surprenantes,
et pour moi le premier. D'autres, dans le groupe, ont jugé que
ce texte est un véritable chef-d'uvre, réussi sur
tous les points de vue. Pour moi, pour cet homme qui aurait tout à
coup vieilli, c'est une uvre ratée, médiocre sous
tous les aspects. Une telle différence de jugement doit quelque
part tenir du pathologique ? Et ce serait moi qui pencherais de ce
côté-ci ? Je ne me défendrai pas, toujours est-il
que l'écriture de ce roman me semble vieillie, dépassée,
un mélange indigeste de style nouveau roman et roman de l'absurde,
et que l'histoire racontée - par qui et à qui, d'ailleurs
? - m'est apparue - sauf les exceptions indiquées ci-dessus -
confuse, diffuse, décousue et répétitive, labyrinthique
même, sans nécessité.
Suis-je passé à côté d'un chef-d'uvre
sans m'en apercevoir ? Tant pis pour moi, je suis perdant !
Nathalie
Un roman, un style surtout, au service des non-dits des très jeunes
appelés du contingent, revenus broyés à vie par les
horreurs vues ou commises lors de la guerre d'Algérie.
Dès les premières lignes, j'ai été fascinée
et happée par le style et la construction du récit. De longues
phrases sans ponctuation où aucun mot n'est de trop, fait de chair
et de sang, transmettant avec une telle intensité le fil des pensées
et des regards d'un des protagonistes (le narrateur ?), au fil d'une
narration hachée, effrénée, haletante, qui m'a tenue
sous tension. Les mots se succèdent, défilent avec rapidité,
concision, font mal, arrachent des larmes, tenaillent aux tripes. Chaque
simple mot, par sa portée, se resserre dans ma gorge comme un étau
et me laisse sans respiration. Chaque mot suinte, chargé, lourd,
incarné de la haine, la douleur, la peur des personnages.
Un texte très travaillé pour donner voix justement aux non-dits,
aux silences de ces jeunes appelés, ces hommes, revenus brisés
à vie, de la guerre d'Algérie. Des hommes qui n'osent exprimer
l'horreur et vont faire semblant de reprendre une impossible normalité
dans un entourage anormalement silencieux qui n'ose non plus poser de
questions à ces survivants.
Le seul qui ne fait pas semblant, c'est Bernard, l'autre protagoniste,
personnage déclencheur d'une tragédie qui se déroule
sous nos yeux sur deux jours. La construction du récit en quatre
parties, nettes comme un scalpel, "après-midi, soir, nuit,
matin" pour raconter le passé et le présent qui s'enchevêtrent
aussi.
Un roman exigeant une grande concentration, de par le style et sa construction.
Une reconstruction narrée par des scènes décrites,
tantôt comme des touches de peinture, tantôt comme des photographies,
tantôt comme des scènes d'un film au ralenti, où chaque
détail compte, apporte des nuances, faisant monter la tension d'un
cran, en crescendo et où le lecteur atterré, mot à
mot, anticipe les drames.
Un récit où drame historique et drame familial s'enchevêtrent
dans cette reconstruction où le lecteur devra démêler
le récit à partir des allers retours des pensées,
souvenirs, de Rabut, construire du sens au récit comme si d'un
puzzle il s'agissait, reflétant ainsi peut-être la difficulté
de dire de ces hommes bâillonnés.
Tous sont victimes. Á commencer par Bernard, appelé Feu-de-Bois,
cousin de Rabut, épave humaine, enfermé dans son mutisme,
qui s'autodétruit dans l'alcool, enfant rejeté déjà
par sa mère, un mal aimé, incompris, par Rabut lui-même,
par ses frères, par sa famille, excepté par sa sur
Solange. Démoli dès l'enfance par ce désamour et
détruit, hanté à jamais par l'indicible expérience
de la guerre d'Algérie. Bernard, qui disjoncte, devant nous au
début du roman.
Rabut, lui aussi, jeune paysan du village, appelé, traumatisé,
se fait écho de toutes les pensées, les hantises de tous
les protagonistes, mêlant les voix, les récits. Un concert
de voix, au style indirect, autre grande trouvaille de l'auteur. Dans
les dernières lignes du récit, de cette reconstruction,
arrive la "rédemption" de Rabut, qui comprendra enfin
son cousin Bernard et son peut-être dernier égarement de
raison, geste désespéré et suicidaire.
Tous sont victimes. Des hommes déshumanisés par la guerre
dans un récit qui déborde d'humanité. Des Hommes
de tous bords, de tous fronts : les si jeunes paysans français
du récit, les Algériens, les Harkis.
En lisant le livre, je me disais, ça c'est de la littérature
! Quel talent ce Mauvignier. Une grande découverte pour moi, qui
m'a donné envie de lire d'autres romans de lui. Un livre que j'offrirai.
Qui
est Laurent Mauvignier ?
Il est l'auteur de romans, récits,
pièces de théâtre, scénarios, essais. Il a
reçu de nombreux prix. Certains de ses livres ont été
adaptés au cinéma et au théâtre. Patrice Chéreau
avait voulu adapter Des hommes, mais... il est mort.
Laurent Mauvignier a un site internet
avec beaucoup d'informations et articles utiles aux curieux : https://laurent-mauvignier.net/
Mais aucun potin. Et une bio en
trois lignes dont les midinettes ne sauraient se contenter...
Quelques repères biographiques
Né en 1967 à Tours, il passe son enfance avec ses deux frères
et ses deux surs à Descartes (faut le faire !) :
"Ma mère a élevé ses 5 enfants avant de devenir femme de ménage. Mon père a travaillé en usine puis comme éboueur. Il n'y avait pas beaucoup de livres à la maison. L'éveil à la lecture et à l'écriture, je le dois à une tante, qui m'a offert un livre et un cahier lors d'une longue hospitalisation, pour une maladie restée mystérieuse, quand j'avais 8-9 ans. A cet âge-là, je savais déjà que je deviendrais écrivain".
Après une année au lycée professionnel de Descartes et une première année de BEP comptabilité ("ma mère me rêvait guichetier au Crédit Agricole de Descartes"), il entre, en 1984, à lécole des Beaux-Arts de Tours :
"Jai intégré les Beaux-Arts à Tours avant même davoir le bac. Javais certes le goût de la peinture et du dessin, mais ce qui mattirait dans les Beaux-Arts, cétait lidée de la ville. (...) Tours ma semblé gigantesque. Jy ai vu un escalator pour la première fois de ma vie, et découvert quil fallait payer pour prendre le bus."
Il en ressortira diplômé 7 ans plus tard, en 1991 (DNSEP = Diplôme national supérieur d'expression plastique).
"Javais autour de moi des gens borderline. Certains sortaient de taule. On faisait la fête tout le temps. On arrivait en cours dans des états pas possibles. Une époque divresse, de rencontres artistiques marquantes, comme avec Valère Novarina qui était venu passer quelques jours avec nous. Une période un peu folle, peut-être, au cours de laquelle jai réalisé que je nétais pas le seul à ne pas vouloir devenir comptable."
Sensuivent plusieurs années passées à luniversité : deux ans de Lettres modernes à Tours, deux ans pour la maîtrise darts plastiques à Paris 8, puis une année pour préparer le CAPES par correspondance :
"J'ai passé des années à manquer le Capes d'arts plastiques. J'ai tenu comme ça jusqu'à l'âge de 30 ans, jusqu'au chômage de pion."
En 1997, à 30 ans, il décide
de se consacrer uniquement à lécriture.
En 1999, Loin deux, son premier roman, est publié
quand il a 32 ans aux éditions de Minuit, ainsi
que les suivants.
En 2000, il se marie à Bordeaux où il vit alors et a un
enfant.
En 2008-2009, il est pensionnaire à la Villa Médicis.
Il a beaucoup déménagé : une trentaine de fois depuis
qu'il est parti de chez ses parents à 17 ans. Il est venu habiter
à Toulouse où il vit actuellement quand sa femme Aliénor
est devenue libraire à Ombres Blanches.
Une sélection pour entendre
Laurent Mauvignier
Voici une interview écrite et deux vidéos très différentes
:
- Un entretien sur Des
hommes dans Les Inrocks, 8 septembre 2008 :
"Pourquoi avez-vous eu envie décrire
autour de la guerre dAlgérie ?"
- La présentation
en vidéo par lui-même de son livre, Librairie Mollat,
7 octobre 2009, 5 min 53
- Une conférence au Collège de France le 6 février
2018, 59 min : "Plier,
déplier : mémoires au présent", par Laurent
Mauvignier, invité autour de son roman Des
Hommes par Antoine Compagnon,
dans le cadre de son séminaire "De
la littérature comme sport de combat", où il invite
des écrivains et journalistes à la croisée du récit
de vie et de l'Histoire. Quelle
est la question que pose le passé au présent ? interroge
Laurent Mauvignier.
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
|
||||
à
la folie
grand ouvert |
beaucoup
¾ ouvert |
moyennement
à moitié |
un
peu
ouvert ¼ |
pas
du tout
fermé ! |
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