Quatrième de couverture
 :


- Que ferez-vous, Monsieur Abetz, quand l'armée Leclerc sera ici ? A Sigmaringen ? Ici même ?... au Château ?
Ma question les trouble pas... ni Hoffman ni lui, ils y avaient pensé...
- Mais nous avons en Forêt Noire des hommes absolument dévoués, monsieur Céline !... notre maquis brun !...
- Tout de même ! tout de même, monsieur Abetz !... la petite différence !... vous faites semblant de ne pas savoir !... vous là, Abetz, même archivaincu, soumis, occupé de cent côtés, par cent vainqueurs, vous serez quand même, Dieu, Diable, les Apôtres, le consciencieux loyal Allemand, honneur et patrie ! le tout à fait légal vaincu ! tandis que moi énergumène, je serai toujours le damné sale relaps, à pendre !...

Louis Ferdinand Céline
D'un château l'autre

Nous avons lu ce livre en avril 2012.
Nous avions lu Voyage au bout de la nuit en 1993.

Brigitte
J'ai bien aimé ce livre pour deux raisons. Je connaissais très mal cette époque de l'histoire : ce récit d'un témoin oculaire (le narrateur) m'a appris beaucoup de choses fort intéressantes. Et le style, l'écriture sont remarquables : il réussit à nous intéresser à ses histoires de ballades dans Meudon avec son chien pour aller soigner une malade elle aussi sans caractère remarquable. C'est la même chose pour les récits de la période allemande. Avec un style très riche, il (le narrateur) se met faussement en retrait de ce qu'il raconte avec toujours une exagération et une emphase qui passent très bien. Je crois qu'il faudrait étudier avec soin son écriture pour comprendre comment elle opère.

Jacqueline
Je trouve ça… je ne l’ai pas lu jusqu’au bout, pas parce que ça ne m’intéressait pas, je n’ai pas eu le temps… ce n’est pas une lecture… j’en suis après le passage délirant. Tout le coté historique et documentaire me manque. Je trouve cela terrible pour une vieille dame de lire cette histoire aigrie… aigrie, c’est péjoratif. Il y a une force dans le dégoût, la crainte, l’horreur de la mort. Que va devenir Lili ? Même si je peux adhérer à ces histoires… voilà on n’est pas reconnu comme médecin si on traine le même complet infâme… et tout ce désespoir d’être dans la misère. Quand je lis je ne peux prendre tout au sérieux.

Monique
C’est grave pour ses clients qu’il n’ait pas de voiture.

Jacqueline
Il y a une grande part de vrai. A cette époque-là beaucoup de gens étaient dans la misère. Il y a de la haine remarquablement rendue, qui me touche, mais je ne peux pas l’accepter. Je n’avais pas lu Céline.

Claire
Est-ce que t’as aimé ?

Jacqueline
Probablement. Je pensais à ce livre de Céline Minard

Monique
...c’est bizarre.

Jacqueline
Non, c’est pas bizarre. Céline je ne me sens pas le droit de sauter, contrairement à Céline Minard. Ce qui est commun, c’est la diatribe. Je ne suis pas quelqu’un qui s’indigne. Les références du début sont compliquées même si j’ai une édition Pléiade avec des notes. Je suis arrivée à l’épisode délirant. Pourquoi Charon et non Claron ? On est dans un cauchemar, dans une fresque du Moyen Age, les camps de la mort. La description de la femme qu’il va soigner est remarquable, il est descendu soigner une malade qui perd la tête... il y a un bateau mouche. C’est après son retour, après l’épuration. Il voit quelque chose de fantomatique... il y a des batailles. Moi je pense aux camps. Il y a une grande force. Je n’en suis qu’au début pour l’instant. J’aime. Des gens disent « Comment peut-on aimer cet écrivain antisémite ? ». J’en suis à un moment d’approche de Céline.

Monique
Il y a des livres interdits. Certains refusent de le lire. Il était paranoïaque.

Jacqueline
C’est vrai que je ne peux le lire comme un autre.

Monique
Cela a l’air d’être gênant pour toi.

Jacqueline
C’est intéressant. Je pourrai le fermer pour le manque de... Je ne peux pas encore d’avoir de jugement.
Françoise
Premières pages : la cata ! Jamais je n’arriverai à bout de ce livre, c’est chiant, difficile à lire avec tous ces points d’exclamation, suspension, interrogation, etc. J’ai donc eu la – bonne  idée – d’aller plus loin et de picorer des chapitres, ici et là... Et la magie a opéré car je me suis de plus en plus attachée à tous ces passages, la richesse de la langue, l’humour, et aussi l’intérêt du témoignage ; surtout la vie au château de Sigmaringen, toutes ces vies – 1142 pensionnaires – et ce regard acerbe, sans complaisance (y compris pour lui-même). Par exemple, le passage où il fait un toucher rectal de l’Oberartz Franz Traub qui a des problèmes de prostate « Je passe mon doigtier... la vaseline... il se déculotte... son beau pantalon gris à pli... il s’agenouille sur mon grabat... Il n’enlève pas sa tunique, ni son ceinturon, ni sa dague... » c’est du grand guignol ! Et Frau Frucht qui saute sur tout ce qui passe, et toute cette digression magistrale sur le mot incarner  : « Prenez n’importe quel bigorneau, dites-lui dans les yeux qu’il incarne !... Vous le voyez fol ! Vous l’avez à l’âme ! Il se sent plus !... Pétain qu’il incarnait la France il a gobé à plus savoir si c’était du lard ou du cochon, gibet, ... Douaumont, l’Enfer ou Thorez... il incarnait... Le seul vrai bonheur de bonheur l’incarnement ! ... Dans bien plus modeste aussi le truc d’ « incarner » vous fait encore de ces petits miracles ! L’alimentation par exemple... Mettez que demain ils se remettent à nous rationner... qu’on rarrive à manquer de tout, vous grattez pas ! ... Le truc d’incarner vous sauvera, vous prenez n’importe quel bisu, n’importe quel auteur provincial et vous y allez ! Vous l’empoignez, vous le pétrifiez là devant vous "Oh dieu de dieu mais y a que vous pour incarner le Poitou !" vous lui hurlez... ça y est vous manquez plus de rien, à vous les colis agricoles ! ... Vous recommencez en Normandie... Les Deux-Sèvres, et le Finistère... vous êtes parés, vous savez plus où les mettre vos tonnes de colis... Les Incarnateurs donnent, renchérissent, se lassent jamais !
Je miragine pas : tenez, Denoël ! »
... etc.
Bon je m’arrête là, je ne vais pas recopier tout le bouquin ! Mais il nous donne à voir un sacré échantillonnage de l’humanité. Je ne crois pas avoir tout lu ; il me semble qu’il y a beaucoup moins de pages sur le Danemark.

Manuel (avis transmis)
Mon court avis sur le Céline de ce soir depuis la Bretagne... Je n'ai pu passer le cap des 50 pages. Un rapide tour sur Wikipédia m'a permis de savoir qui se cachait derrière le pseudonyme d'Achille entre autre... Les diatribes et le style... Je peux pas.
Je regrette de ne pas être là ce soir et de profiter de l'avis de Monique qui avait proposé le livre.

Claire
L’écriture m’arrête complètement, je l’ai très vite laissé tomber.

Monique
J’avais découvert Le voyage le jour de l’entrée des Américains au Koweit, extraordinaire, avec de très belles pages sur le départ au front. Il y a 3 ou 4 ans, j’ai lu Le Château. En le reprenant j’avais oublié les passages à Meudon, sans le sou, j’ai trouvé ça extraordinaire ; il est paranoïaque ; j’avais oublié le passage à la prison du Danemark. Ce qui m’a le plus scotchée, c’est l’aspect dantesque dans ce petit village avec un château au bord de l’Allemagne, une enclave française. Ce qui m’avait beaucoup plu, c’est le courage du bonhomme : les scènes d’enfer dans la gare, les nuits blanches passées à soigner... Et la part de paranoïa et d’humour, parodie de son mal être. Le livre fait partie d’une trilogie, je lirai bien les trois. Son écriture est efficace, car c’est comme si les scènes étaient gravées. C’est un document historique. Mais j’avais oublié la difficulté de l’écriture. Il y a une tendresse, avec le chat. Il va chez les plus humbles, mais il est dans la caricature.

Annick A
J’avais aussi proposé ce livre car je l’avais lu il y a 20 ou 30 ans, j’avais beaucoup aimé. L’antisémitisme n’est pas présent. J’ai ouvert le livre sans me souvenir du style, mais je me rappelais le château qui m’avait beaucoup appris. J’ai été agacé par la dimension parano + la plainte, pénible sur tout ce qu’on lui a fait subir. Je ne suis pas allée loin, jusqu’au château, mais je n’ai pas fini. Il faut du temps pour entrer. Son style m’a énervée, je ne m’en souvenais pas. Il délire... c’est comme un passage en enfer.

Jacqueline
Avec des passages.

Annick
J’ai eu du mal, j’étais en plus dans un autre bouquin. A-t-il toujours ce style ? Ce qui m’a dérangée, c’est que j’avais beaucoup aimé...

 

Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :

à la folie, beaucoup, moyennement, un peu, pas du tout


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