J. M. Coetzee
Vers l'âge d'homme

Nous avons lu ce livre en avril 2013.
Nos avis antérieurs sur un autre roman de Coetze :
Disgrâce

Mireille
J'étais intéressée par l'écriture et la construction du livre. Je suis partagée. Le héros est-il à prendre sur le mode caustique ? Un personnage qui vit dans l’ombre de lui-même. Selon moi, il n’est pas attachant. Ça démarre très mal avec le vieux lait dont il fait un fromage dans un vieux bas. Il est poursuivi par l’idée d’être un artiste, d’écrire. Il y a des références cinématographiques (Monica Vitti), littéraires, etc : ce personnage fonctionne à partir de ce qu’il a entendu, avec des stéréotypes. Il se pose tellement de questions... : pour écrire faut-il avoir des maîtresses ? Faut-il être malheureux ? Quelle est la différence entre écrire en vers et en prose ? Ce personnage est-il naïf ? Ou bien est-ce la présence trop importante de l’auteur ? Il est naïf et minable, et on sent la jeunesse de l’auteur pour raconter cela. Dans son second emploi d’informaticien, il est un peu plus joyeux. J’ai été plus intéressée par la façon d’écrire que par ce personnage qui est inintéressant et qui rejette sa mère. Il a un regard très dur sur les Américains.
Claire 
J’ai beaucoup aimé ce livre. Ce personnage est extraordinaire. Il se sent minable mais il est tout sauf banal. J’aime beaucoup la distance du narrateur. Il y a t de l’humour (la poésie du cricket...). Ce jeune homme a emmagasiné une culture extraordinaire, c'est cela qui le meut. Il est complètement décalé par rapport à sa vie et son milieu. L’Afrique du Sud puis l’Angleterre sont comme des décors, avec des enjeux politiques dessinés en arrière-plan : il est là, sans y être. C’est passionnant de suivre tous ses ratages ; le personnage rappelle Franck Bascombe et le héros de la chambre de Giovanni. Je me demandais pourquoi la période choisie était les années 30 (avec les innovations d’IBM) et j’ai appris, après avoir fini le livre heureusement, qu’il est largement autobiographique ; je l’ai lu comme un roman, l’écriture de la distance créée. Quand le héros doit reprendre sa propre langue, c’est très bien rendu. La fin est frustrante.

Rozenn
Je ne sais pas ce que j’en pense. J’ai lu le livre en plusieurs fois et j’aime ce que je relis, ensuite ça m’énerve. C'est le héros qui se raconte son histoire comme cela, mais en fait ce ne sont pas tellement des échecs. J’en ai marre de ces personnages qui se décrivent comme étant à côté de leurs pompes. Il se raconte son histoire de façon négative, mais on pourrait le faire de façon positive. Vivre ainsi doit être épuisant. Ce n’est pas jouissif, ni joyeux. J’admire le mérite de l’auteur pour en faire un livre aussi intéressant sur l’impression d’ennui. L’auteur sur lequel le héros travaille et fait sa thèse existe-t-il vraiment ? J’admire le passage où le héros quitte IBM. Je donnerais volontiers ce livre à une adolescente intravertie

Monique S.
Je suis d'accord avec tout ce que Claire a dit. Je suis sensible au côté un peu perdu. Je me suis beaucoup reconnue dans cette jeunesse où j’ai beaucoup galéré. J’aime la force du héros qui quitte sa mère étouffante, qui quitte son pays où il y a trop de conflits. C’est une attitude hyper courageuse. Il est dans une galère noire quand il arrive à bon port, il a un objectif, l’écriture, auquel il ne renonce jamais. Il a une grande liberté dans ce boulot, dans son mode de logement. Il découvre des mondes en vivant dans la maison de quelqu’un d’autre ; il fait énormément de rencontres, malgré toutes ses difficultés. Il attend une muse qui viendrait débloquer sa puissance créatrice. Il dit beaucoup de choses sur la politique sans s'attarder. Il est dans un no man’s land : il n’est plus chez lui en Afrique du Sud et il n’est pas chez lui à Londres ; il ne veut plus retourner en Afrique du Sud et quand il parle la langue natale il trouve une grande détente. Il a une grande force intellectuelle dans ses efforts d’écriture, il travaille énormément et ne renonce jamais. Beaucoup de pages décrivent des choses banales de la vie qui sont en même temps un questionnement philosophique. J’ai aimé le passage de l’avortement : il accompagne la jeune fille, il est embarrassé, il s’interroge sur l’attitude à tenir, est-ce un deuil ? Il parle de son père devenu alcoolique et ne veut pas lui ressembler. Ce n’est jamais dans le pathos ni dans la complaisance.
Geneviève
Que peut-on dire de ce livre ? J’ai été très très déçue. Au début ça va, mais à Londres, c'est le pensum, il ne se passe jamais rien. J’ai envie de secouer le personnage, surtout dans ses rapports avec les femmes quand il couche avec une amie de sa cousine, il ne comprend ce qu’il fait qu’après coup quand sa cousine lui écrit. J’ai aimé la scène au Cap où deux jeunes étudiants assistent à une manifestation qui les impressionne. J’ai vécu en Nouvelle-Zélande où je me sentais déplacée comme le héros du livre. Son atonie m’exaspère. La description de la vie chez IBM est extraordinaire. Sa haine des Américains est intéressante. J’ai aimé le rapport avec l’Indien et avec le Pakistanais. Mais globalement, c’est un pensum.

Henri
Je l’ai lu il y a 15 jours déjà, et j’avais tout oublié. Je l’ai lu sans me forcer mais je n’ai pas accroché. C’est à la fois très fidèle aux situations et totalement insipide. Je voudrais rendre justice à Franck Bascombe (personnage de Richard Ford) avec lequel ce héros n’a rien à voir. J’ai été gêné par l’écriture surtout quand l’auteur glisse des réflexions politiques ou philosophiques, c’est trop la voix de l’auteur, pas celle du héros. Ces réflexions sont intéressantes mais il me semble qu'il y a télescopage entre la pensée du protagoniste (qui est immature) et celle de l'auteur. Ce héros est complètement à l’opposé d’Arenas qui brûle dans la littérature alors qu’ici le héros procède d’une approche comptable de la littérature. Dans le style du texte il y a, à mon goût, une place trop importante faite aux phrases interrogatives qui sont systématiques. Le héros rencontre des personnages mais il n’y a jamais de rencontre avec les gens. Il s’entiche d’icônes. Pour ce qui est du titre « vers l’âge d’homme », manifestement il prend vraiment son temps...
Brigitte
Ça m'a beaucoup plu. Je n'ai pas fait le lien avec Disgrâce : c'est un livre d'initiation qui m'a fait penser à La Métamorphose ou à American psycho. Ce jeune essaie de déchiffrer le monde, sans ironie. Si en plus, il faut établir des liens ! Il aime la littérature de manière immature. Il essaie d’appliquer la grille qu’il connaît : avec les amis, avec les nanas. À la fin, il franchit une étape avec le Pakistanais qui se laisse mourir de faim ; lui veut survivre à ces problèmes. Il aime la littérature, il veut quitter sa mère. Il va, il est courageux. Il ne comprend pas grand-chose : la fille qui vient chez lui... Ça m’a beaucoup plu et c’est très bien fait. Le thème de Disgrâce renvoie à la question de l’adaptation au monde ; ici c’est un mode analogue d’interrogation du monde. Quand je préparais le permis de conduire je savais comment tourner à gauche, mais quand j’ai eu à le faire je n’ai pas su le faire.

Jacqueline
Je n’ai pas fini le livre. Je suis agacée par le procédé un peu facile. Le jeune homme qui vit à travers les références littéraires : ça devrait être comme ça, mais ce n’est pas comme ça. J’ai découvert l’aspect humoristique. Je me reconnais dans ce jeune homme dans son côté « on ne connaît rien de la vie, et on se fait des idées »... Il évoque pour moi Mathilde de La Mole dans Le Rouge et Noir. C’est intéressant, mais je n’ai pas d’admiration pour l’écrivain. Je n’en ai lu que la moitié. J’aime ce qu’il dit de Bovary.

Monique D
J’ai été plutôt déçue par le livre de cet auteur dont j’avais beaucoup aimé Disgrâce. J’ai lu ces 20 chapitres d’une traite dans l’espoir qu’à la fin il allait enfin se passer quelque chose de positif, mais non, les événements s’enchaînent : rencontres, amitiés, amour, fuite à l’étranger, métiers, lieux de vie, colocation... tout cela sans que l’auteur Coetzee ait l’air de décider quoi que ce soit. Il se laisse porter. Tout ce qu’il entreprend est profondément déprimant, déplaisant, désespérant et sans aucune conviction à part peut-être dans ses lectures. La politique ne semble pas l’intéresser, il la regarde en spectateur comme le reste.
L’écriture est sèche, à distance, à la troisième personne et au présent. Toute sa vie n’est qu’échec, manque de désir et il en fait le constat lucide, amer « mais qu’est-ce qui ne va pas donc chez lui ? Pourquoi se fait-il une montagne des choses les plus ordinaires... c’est plutôt une maladie morale mesquinerie, manque d’élan, pas essentiellement différent de sa froideur envers les femmes... ». Il se demande « peut-on faire de l’art à partir d’une telle maladie ? » : question à laquelle il répond par : « à dix-huit ans il aurait pu être poète. Maintenant il n’est ni poète, ni écrivain, ni artiste... »


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Le jeune garçon est devenu jeune homme. John a échappé à sa famille étriquée. Étudiant en mathématiques, il dévore la littérature mondiale pour réaliser son grand projet : quitter l'Afrique du Sud au bord de la révolution et se consacrer à l'art et à l'amour qui fera crépiter la flamme de la création.