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J.M. Coetzee
Disgrâce
Nous avons lu ce livre en mars 2004.
Nous lirons en 2013 un autre roman de Coetze : Vers
l'âge d'homme
Brigitte
Voici donc ce que je peux dire au sujet de Disgrâce de Coetzee.
Le style : c'est facile à lire, mais il n'y a aucune recherche
évidente. Le style est au service du récit. Ce n'est jamais
un obstacle à la lecture.
David Lurie, le personnage principal, est traité de façon
intéressante. On présente uniquement son point de vue. On
ne pénètre jamais dans l'intériorité des autres
personnages. Nous n'en savons pas plus que lui sur ce que pensent ou ressentent
Mélanie et Lucie, Bev, le père de Mélanie, ses collègues
de l'université, membres de la commission disciplinaire, Petrus.
A mon avis, c'est une bonne chose. Nous sommes comme lui, nous partageons
son incertitude.
Les sujets abordés sont intéressants : David Lurie,
homme vieillissant, et sa sexualité. Lurie, qui a abusé
d'une de ses étudiantes, se retrouve dans la situation du père
d'une femme abusée, et il va jusqu'à rencontrer le père
de Mélanie. La situation des Noirs en Afrique du Sud, après
la fin du colonialisme et de l'apartheid ; ils ont une vengeance
à prendre contre les Blancs d'origine européenne. Les histoires
de chiens ne m'ont pas retenue, car je suis assez allergique à
toutes les histoires d'animaux, mais elles peuvent sûrement ouvrir
à une réflexion sur la vie (humaine ou animale). Ce que
j'ai préféré, c'est tout ce qui concerne la création
d'un opéra sur Byron ; j'ai beaucoup aimé la façon
dont Lurie fait passer toute son expérience, ses états d'âme,
ses échecs dans la conception de la musique et du rôle de
la Contessa Guiccioli.
Nicole
En plein travail, je viens de réaliser que la réunion sur
Coetzee était imminente ! En vrac, j'ai bien aimé :
la sobriété du style, l'ambiguïté des personnages,
la complexité des relations entre "Blancs" et Noirs"
et cette atmosphère pesante qui persiste tout au long du livre.
Liliane
J'ai été touchée par toutes les déclinaisons
à partir du titre : disgrâce de la fin de vie
d'un homme dont l'histoire personnelle est mêlée au marasme
social de son pays. La vieillesse et ses petits arrangements sexuels et
affectifs dont il aurait mieux valu se passer puisque le protagoniste
a fait le faux pas à ne pas commettre : une relation avec
une étudiante ; le contexte m'a rappelé La Tache
et le puritanisme ambiant. Ensuite la disgrâce continue chez
ce père qui a perdu tout prestige auprès de sa fille qu'il
ne peut plus conseiller ni même protéger. Disgrâce
de la fille, femme seule, sans homme, que le père retrouve comme
une étrangère enlaidie. Enfin le coup de grâce :
le viol, la quasi expropriation par Pétrus, l'appartement saccagé
du père... puis les humiliations : la fille envisage de céder
à Pétrus, le père rend visite à la famille
de ses accusateurs, pour trouver quelle identité ? Bérézina
qui ne remonte pas le moral, auquel s'ajoute l'échec littéraire :
le protagoniste n'écrira pas son opéra.
Ce roman, aussi émouvant soit-il, s'enlise. La troisième
personne, qui cherche à mettre à distance, à tendre
l'écriture, aplatit la narration à la longue. Le chien qu'on
"largue" à la fin parce que le père ne lui accorde
pas une semaine de grâce supplémentaire, pourrait
être une belle image de l'acceptation de tout perdre, même
le peu qui reste, et de mourir. Mais je ne trouve cependant pas cela "magnifique"
(cf. le commentaire de quatrième de couverture), les idées
m'intéressent, mais l'écriture ne me convainc pas. J'apprécie
pourtant les écritures dites dépouillées, mais les
mots doivent être plus forts, je trouve le style trop prosaïque.
J'ai cependant apprécié de mieux comprendre la violence
quotidienne (aux dires de gens qui y sont allés) de l'actuelle
Afrique du Sud.
Katell
J'ouvre deux fois. Une pour le livre. L'autre pour l'uvre tout entière
de J.M. Coetzee. La découverte de Coetzee ! Aussi importante
pour moi que lorsque j'ai découvert Jane Austen ou Murakami Ryû...
Quel bonheur d'être émerveillée par un écrivain !
Cela se traduit chez moi par une boulimie, j'enchaîne les bouquins,
j'ai envie de tout lire, je baigne pendant quelques mois dans son univers.
Pour Disgrâce... et pour ceux que j'ai lu dans la foulée...
(j'en dirai un mot à la fin) : je suis fascinée par
cette apparente simplicité de l'écriture, de la narration.
Des personnages qui dans leurs moindres détails sont saisissants
(le tendon du derrière du genou de Lucie, quand elle jardine...),
la précision des dialogues (entre Rosalind et David par exemple,
plus vrais que nature). Je suis captivée par ces histoires "au
cur de ce pays", à la fois proche culturellement et
complètement exotique. Des rapports entre les gens : Pétrus,
Bev, le jeune garçon... Ils ont chacun leur étoffe, une
identité remarquable. Avez-vous remarqué que jamais la "couleur"
de personnages n'est mentionnée ? (Dans aucun de ses livres
d'ailleurs. Par exemple, Michaël K, on ne sait pas s'il est noir
ou blanc...). Je jubile lorsque habilement, l'auteur mêle l'arrière-plan
politique ou économique à la vie de ses personnages...
Pour Disgrâce, j'ai été frappée par
ces histoires en parallèle, du harcèlement sexuel et du
viol, de l'indignation ressentie par Lurie mais de l'absolution qu'il
se donne quand il s'agit de ses propres instincts (?) sexuels... Enfin,
bref, je recommande chaudement et à tous la lecture de Coetzee.
Ensuite, pour bien comprendre l'auteur, lisez Scènes de la vie
d'un jeune garçon et Vers l'âge d'homme (époustouflant
!), où l'on découvre son cheminement littéraire,
personnel, on a l'impression de le connaître intimement. Je suis
en train de lire Mickaël K, sa vie, son temps... C'est magnifique !
Un Vendredi ou la vie sauvage en Afrique du Sud... et puis plein
d'autres encore ! Voilà, une fan...
J'ai été sidérée par les remarques de Françoise
(les mêmes que les miennes !) et d'autres encore (Paul, sur l'universalité
du propos de Coetzee). Je n'arrive pas à le voir comme un auteur
"Sud-Africain", avec ce que cela comporte d'exotique et de découverte
du pays, même si ses romans s'insèrent dans un contexte politique
et économique.
Françoise
C'est le premier Coetzee que je lis et je vais en lire d'autres :
j'ai beaucoup aimé. Au début, je ne me suis pas rendu compte
qu'il y avait des Noirs dans l'histoire : je me croyais en Australie
ou dans quelque pays similaire. Je crois qu'il a toujours refusé
de prononcer sur l'apartheid : il s'agit d'humains, point. Il s'agit
de rapports de force, de violence, mais pas de rapports Noirs/Blancs.
Son écriture dépouillée va bien avec le sujet :
aride. Il va à l'essentiel. Le rapport de Lurie et de sa fille
est intéressant aussi, avec des jeux de miroirs : elle ne
veut pas lutter, elle accepte la situation, lui refuse cette attitude
alors qu'elle a été la sienne dans l'histoire avec l'étudiante.
Petite restriction : quand il revient au Cap et que son appartement
est saccagé, c'est un peu trop.
J'ai adoré ce livre, du début à la fin. On est pris
par le récit, on se retient de tourner les pages trop vite :
c'est la définition d'un grand livre que rapportait Monique lors
de la séance sur Zadie Smith : " Un bon livre, c'est
quand on a envie de tourner les pages pour connaître la fin de l'histoire
et qu'on se retient de le faire par crainte de rater les qualités
d'écriture... " C'est exactement le cas pour Disgrâce
Annabel
Je l'ai commencé hier, il me reste une trentaine de pages, j'ai
beaucoup aimé jusqu'à ce que le héros rende visite
aux parents de Mélanie : alors là, je ne comprends
plus.
J'ai adoré le style sobre. Quand ils vont se faire agresser, mon
cur a palpité : peu de polars m'ont donné cette
sensation. Quand on quitte la ville pour la campagne, l'opposition entre
deux mondes est étonnante, on ne croirait pas le même pays.
J'ai bien aimé quant à moi les passages avec les animaux.
Je trouve le livre excellent et le style superbe, absolument. Cela dit,
je ne comprend pas les réactions des parents de Mélanie :
inviter le "violeur" de leur fille à la maison !
Nicolas
N'est-il pas encore voyeur quand il se rend chez les parents de l'étudiante
?
Manuel
Le contexte est très religieux avec la question du pardon.
Claire
Je crois qu'il veut exploiter toutes les facettes de sa disgrâce.
Nicolas
N'est-il pas encore voyeur quand il se rend chez les parents de l'étudiante
?
Manuel
Il ne se sent jamais coupable de ce qu'il a fait, il l'aime
Geneviève
Il est dans l'ambiguïté permanente, il tourne autour, d'ailleurs
il retournera la voir jouer sur scène.
Nicolas
Est-ce qu'il ne provoque pas un jugement moral ?
Annick
Le jugement est aussi dur à l'égard des universitaires que
des Noirs à la campagne. On en sort en se demandant où on
est : il brouille les repères.
Annabel
Il refuse de présenter des excuses à ses pairs : il
aurait suffi qu'il le fasse pour que tout s'arrange.
Si j'ai beaucoup aimé ce livre, je ne pourrais pas enchaîner
avec d'autres livres de Coetzee comme Katell, je trouve ça trop
dur.
Manuel
J'ai lu Disgrâce juste après Sourires de Loup...
Quel choc ! J'ai beaucoup aimé l'alternance entre le récit
de David Lurie et le processus de création de son opéra
sur Byron qui ne verra jamais le jour. Le lent abandon de son projet suit
la disgrâce du "héros" du livre
D'abord de
la musique de chambre en guise d'accompagnement, ensuite un banjo, enfin
un chien
L'écriture est épurée et vise juste,
il n'y a pas d'artifice et le style est efficace. Le récit à
la troisième personne m'a parfois déstabilisé, dérangé :
l'auteur nous laisse seul juge des événements. A de nombreuses
reprises j'ai été tenté de porter un jugement mais
cela me paraissait impossible en regard des nombreux retournements de
situation (la relation avec Mélanie, la vengeance sur le jeune
Noir). Ses réflexions sur la vieillesse m'ont touché, son
récit sur la condition des Blancs en Afrique du Sud intéressé.
Je retiendrai beaucoup de choses de ce livre que j'ai dévoré
mais j'aurai du mal à le conseiller. Il y a un côté
parfois malsain, presque pervers dans ce qui se passe dans le livre. Je
lirai d'autres livres de J.M. Coetzee.
Nicolas
J'ai adoré ce livre très facile à lire, pas trop
gros. Je n'ai jamais lu un livre où on ne sait jamais dans l'instant
ce qu'il va se passer après. L'histoire des chiens m'a touché.
Et la relation avec son père qui ne marche pas. On n'arrive pas
comprendre les choix de Lucy, mais pour rester là où elle
est, c'est le prix à payer. Et la relation avec son père
qui ne marche pas. J'ai lu un deuxième livre de Coetzee, Mickaël
K, sa vie, son temps, bien différent, et je vais lire l'ensemble
de ses livres moi aussi. Son style est extraordinaire. Je n'ai pas trouvé
de côté malsain.
Geneviève
C'est un très grand livre. A vous écouter, je trouve qu'il
y a énormément de choses à y voir ; dans ma
lecture justement, je trouvais qu'à certains moments c'était
trop. Depuis le début, il se punit de ses désirs, d'être
encore quelqu'un qui désire. Il y a un problème d'inceste
latent avec Mélanie, avec cet amour qu'il a eu et a pour sa fille
et leur incommunicabilité ; jamais elle ne l'appelle " papa ".
La sobriété absolue vis-à-vis de choses si dures,
intenses, fonctionne très bien.
Le fait de ne pas dire qui est noir est délibéré.
Je suis allée en Afrique du Sud sous l'apartheid, j'avais senti
avec les Noirs des relations d'une grande ambivalence. On ne pouvait pas
ne pas tenir compte de la couleur de la peau (je me souviens d'une remarque
que j'avais faite à un stagiaire comme j'aurais fait dans n'importe
quel stage : on m'a immédiatement taxée de raciste ;
même si l'on veut ne pas tenir compte de la couleur de la peau,
on ne peut pas faire autrement que d'en tenir compte). Ce livre répond
à ma question de l'époque : qu'est-ce que ça
va devenir ? Je comprends parfaitement le choix de Lucy, la réponse
à ma question est en partie là. Je ne recommanderais pas
le livre à des lycées, à des adultes oui.
Annick LJ
J'ai reçu ce livre comme un coup de poing. Je suis allée
en Afrique du Sud deux fois, en 96, 97, après la fin de l'apartheid,
en mission professionnelle. Les responsables éducatifs étaient
forcément noirs, parfois compétents, parfois totalement
incompétents, et tous doublés par un Blanc. Sur place, on
se demande : comment ils vont s'en sortir ? Coetzee est d'un
pessimisme terrible. La solution peut être celle de Lucy, mais à
quel prix ? La négation de soi-même. Lurie lui-même
devient moins qu'un chien.
L'écriture est formidable. A aucun moment il n'y a de digression.
Des faits s'enchaînent les uns aux autres et Lucy accepte l'inacceptable.
On n'a jamais d'explication, de commentaire.
Nicolas
Pourquoi elle refuse d'user de son fusil ?
Plusieurs
Parce qu'ils sont trop nombreux.
Martine
Je rappelle des chiffres : 80% de Noirs, 20% de Blancs. Je suis allée
deux fois aussi en Afrique du Sud, je n'ai pas vu comme Annick de Noirs
cornaqués par un Blanc, mais la première chose qui m'a choquée
c'est qu'on ne voit pas de métis (en dehors des Indiens). On est
noir ou blanc. C'était interdit
et on le voit physiquement. On ne s'est jamais mélangé sous
le règne de la minorité. La race était indiquée
sur les papiers d'identité (black, white, coloured).
Après la fin de l'apartheid en 1994 (voir quelques
dates-clés), que se passe-t-il pour les Blancs ? Tous
les repères sont brouillés : c'est Coetzee, qu'on prononce
" cotzi "
.
Claire
Tu dis pas Paul Kli ?
Martine
En Afrique du Sud, on dit Cotzi. La volonté de Mandela a été
de hisser les Noirs. Ce livre est une sorte de message de Coetzee de désarroi
et de désespoir à ses compatriotes : regardez comme
on souffre, nous. Il n'y a pas d'auteurs noirs, sauf un dont j'ai oublié
le nom, que des auteurs blancs.
Claire
Qu'as-tu pensé du livre ?
Martine
J'ai adoré. Le pays voisin, le Zimbabwe, c'est bien pire, l'Afrique
du sud a évité cela. Mais Mandela est toujours là.
C'est vrai que l'auteur ne dit pas qui est noir ou blanc, mais je n'ai
pas eu de doute. En tant que Blanc, il en a marre de porter sa couleur
de coupable.
Un autre choc, c'est la différence entre Johannesburg, une ville
avec des grands buildings, et le bush : le Quart-Monde.
Annick
C'est vrai, on fait quelques dizaines de kilomètres et on est dans
des conditions de vie terribles.
Martine
Le narrateur s'identifie aux "Occidentaux" (terme qu'il emploie).
Il est à l'automne de sa vie comme la domination blanche. Lucy
a une réponse, comme une ethnologue à la Lévi-Strauss.
(protestations)
Claire
Je partage l'enthousiasme général. Je lisais sans joie Sourires
de loup que j'ai abandonné au bout d'une bonne centaine de
pages pour Disgrâce : j'ai été complètement
happée, c'est comme si je quittais Nous deux pour Le
Monde et pourtant on trouve des thèmes identiques sur les communautés.
J'ai trouvé ça palpitant. Vous dites, c'est dur, c'est malsain :
je n'ai pas gardé ce souvenir ; c'est certainement dû
à la distanciation causée notamment par cette troisième
personne et l'écriture sans adjectifs ni commentaires. En dépit
des horreurs, ce fut un plaisir. Le thème de l'opéra ne
m'a pas captivée. L'image n'est flatteuse ni pour les Blancs ni
pour les Noirs. J'ai eu très envie de lire un autre livre, et cette
fois autobiographique, Scènes de la vie d'un jeune garçon :
le "il" qui est un "je" y est encore plus impressionnant.
J'ai été intriguée à l'occasion de l'attribution
du prix Nobel, de lire dans un article du Monde (4 octobre 2003)
que les critiques d'Afrique du Sud traitaient ce livre de "disgracieux",
de "raciste" et Coetzee de "charlatan", voire d'"imposteur".
En allant sur le site afrik.com, j'ai été sidérée :
à propos de Disgrâce, un critique (en 2001) parle
d'une "molle" introduction puis d'une histoire qui s'emballe :
"C'est clair que Coetzee, naguère opposant à l'apartheid,
se range totalement du côté des fermiers blancs d'Afrique
du Sud. Il dénonce dans une fiction assez convenue et désagréable
une violence inouïe (viol, agression, vol, saccage, tout cela sur
le compte des Noirs s'attaquant à de "paisibles" Blancs...) ;
ce qui, d'après lui, est déjà la triste réalité
de l'Afrique du Sud. Disgrâce, malheureusement, dégage
une forte odeur de roman colonial. Manifestement, pour Coetzee, les Blancs
souffrent et c'est à cause des Noirs qui cherchent à prendre
leurs terres, leurs maisons. Il suggère même qu'un " boy "
noir, naguère esclave dans une ferme, se pavane maintenant comme
le maître et qu'il veut prendre comme troisième épouse
la fermière blanche, propriétaire des lieux ! Ou est-ce
seulement la débordante imagination d'un auteur déçu
(et dépassé) par la tournure que prennent les choses dans
son pays ?"
Cette façon de voir les choses qui nous est complètement
étrangère replace le livre dans une autre perspective
glaçante.
Paul
A la lecture dEbène je faisais remarquer que lauteur
navait pas abordé lAfrique du Sud. Sagit-il peut
être dun hasard, mais avec Disgrâce nous restons
sur le même continent et partons à la découverte de
ce pays quest lAfrique du Sud, et de ses hommes et femmes.
Au début de ma lecture je nai pu mempêcher de
faire un parallèle avec lhistoire conté par Philippe
Roth dans La Tache. Javais peur de me lancer à nouveau
dans une histoire où une nouvelle fois un homme dâge
mur avait une aventure avec une étudiante. Scandale, démission,
procès,
Je ne renie par le roman de Philippe Roth qui est
extraordinaire a plus dun titre car il dit beaucoup de choses. Mais
je ne voulais pas débuter un nouveau livre avec des protagonistes
identiques. Quelle na pas été ma surprise lorsquau
fil des pages, je découvrais la vraie teneur du roman de Coetzee.
Lauteur nous surprend, le déroulement de lhistoire
nous interpelle. Mais ce qui ma le plus marqué, cest
le rôle que lauteur nous assigne : nous sommes des lecteurs.
Je mexplique. Face à toutes ces situations, je suis convaincu
que nous aurions agi (en tant de que personne) différemment, réagi
autrement. La réalité de la vie, sa dureté, son injustice
simposent aux lecteurs car il ny a pas déchappatoire
possible à cette injustice. Je ne me suis identifié à
aucun des personnages. "Jaurais réagi différemment".
En fait nous analysons ces situations à laide de nos repères,
de nos balises. Lauteur peut sen douter, mais nen joue
pas, car il ne sagit pas dun jeu. Je crois que nous sommes
à des années-lumières de comprendre le fonctionnement
de lAfrique et de ses habitants. Mais ce nest pas seulement
la société Sud-Africaine qui est dépeinte par lauteur.
Des sujets plus généraux sont abordés. Certaines
réalités sont dites sans ménagement. La vieillesse,
la solitude, nous feraient tomber dans une sorte de disgrâce. Mais
ce qui ma le plus étonné, cest que chacun pousse
lautre à être combatif, alors quil est incapable
de sappliquer à lui-même ces mêmes conseils.
Le père ne pousse t-il pas sa fille à se révolter
contre ce qui lui paraît être une injustice ? Mais lui-même
sétait-il révolté contre le faux procès
qui lui était fait ?
Il nen est rien. Les protagonistes transforment leurs injustices
en fatalisme. Lorsque lon subit une injustice, généralement
on manifeste sa présence, or les injustices subies par les personnages
sont considérées comme une fatalité. Il ne sert à
rien de réagir.
Cest un livre noir à nen pas douter, mais cest
un livre beau.
Sandrine
Disgrâce nest pas un livre quon lit impunément,
ni lun de ces livres dont on peut tourner les pages avec légèreté,
ni un livre que lon referme, heureux (se) davoir passé
un bon moment
Disgrâce touche les tripes de son lecteur,
elle remue en lui les tréfonds et les bas-fonds de son être,
elle parle du politiquement incorrect, de ce que lhomme nose
pas savouer à lui-même, de pratiques sexuelles condamnées
par la loi, de racismes que lon tait, de lhypocrisie institutionnalisée
de la société, de la haine et du mépris de lautre.
Disgrâce est une uvre forte où la civilisation
fait place à la survie et la loi du talion, ou le prix à
payer de lAfrique du Sud pour tout ce qui sy est passé
ce siècle dernier, serait un retour à une époque
barbare et primitive, ou lhomme nest plus quune bête
cherchant à survivre dans un monde hostile. Coetzee écrit
avec simplicité, sans intellectualisme aucun. Il décrit
les faits, développe les circonvolutions de la pensée de
son personnage principal sans aucun lyrisme. Son style est brut, fort,
violent.
Jai beaucoup aimé ce récit, je narrive pas à
le comparer à dautres uvres atteignant cette même
puissance, cette même violence qui - et cest là
tout le génie de lauteur - nest jamais décrite
explicitement. Cest une grande uvre qui est pour moi le point
de départ pour découvrir dautres ouvrages de cet auteur.
Internaute inconnu
Disgrâce est un chef duvre total, singulier,
prétendument le récit lucide et sans complaisance dun
homme qui veut comprendre, nest pas sûr dy parvenir,
les hommes, les femmes, les situations gardant leur part de mystère.
On pense à Camus, à Philip Roth, mais cest encore
plus riche...
Dans cette fiction si bien ficelée, cette épure, tous nos
problèmes sont évoqués, étudiés, disséqués,
grandeurs et petitesses : la vieillesse, lamour paternel, lamour
tout court, la place des animaux auprès de lhomme, la naissance
non souhaitée, les relations de travail, ville et campagne, le
viol bien sûr, les gouffres dincompréhension entre
les groupes amenés à vivre côte à côte,
et chacun a ses raisons pour agir, réagir sans pouvoir se permettre
de sarrêter à juger ou condamner, pris quil est
, enfoncé dans sa condition ou subie ou voulue sociale, historique,
familiale, géographique !
Il y a TOUT sans quon sen aperçoive forcément ;
chaque lecture nous fait partager un parcours différent si lon
veut. Il ny a pas un mot de trop : le livre nest pas
dur, cest ce monde qui lest ! Le romancier ny a
mis ni pathos ni sadisme, mais beaucoup du lait de la tendresse humaine ;
le récitant na pas de réponse toute prête, il
séloigne de ceux quil aime, incapable de les aider,
incapable de retrouver lexistence artificielle davant,
se rend utile auprès des innocents délaissés que
lindifférence des hommes a meurtris. Cest bien sûr
lAfrique du sud, mais le monde tout entier beauté et laideur
comprises. Bref, je suis fan et voudrais transmettre mon admiration pour
ce morceau de philosophie si bien illustré !
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