Lawrence
Durell
(1912-1990)
(en un seul livre :
1053 pages)
Le Quatuor d'Alexandrie (The Alexandria Quartet)
est un ensemble de quatre romans écrits par l'écrivain britannique
Lawrence Durrell, publiés entre 1957 et 1960. Ils présentent
plusieurs perspectives différentes sur un même ensemble d'événements
et de personnages, situé à Alexandrie avant et pendant la
Seconde Guerre mondiale.
édition anglaise d'origine (1962)
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Lawrence Durrell
Le Quatuor d'Alexandrie
Le Quatuor dAlexandrie comporte
quatre romans :
- Justine
- Balthazar
- Mountolive
- Clea.
Nous avons lu
ce quadruple livre pendant l'été 2016.
Voir en bas de page des infos
sur le livre et l'auteur.
Rozenn
J'ai à peine commencé Justine
J'ai tenté
de m'y atteler à deux reprises
Je n'ai rien de plus à
en dire, sauf quelques phrases m'ont arrêtée, m'accrochaient,
mais pas le livre lui-même.
Séverine
Je ne vais pas pouvoir être là vendredi et j'en suis désolée
car j'avais envie de défendre Le quatuor d'Alexandrie qui
va peut-être connaître nombre de foudres (j'ai hâte
de lire les avis car j'ai un mauvais pressentiment
mais peut-être
que je me trompe).
Déjà, je tiens à dire que j'ai lu ENTIÈREMENT
Le quatuor ! Cela a été, certes, un marathon
mais quel marathon ! C'est simple, j'ai adoré ce(s) livre(s).
Je reconnais qu'il faut passer les longueurs poétiques sur Alexandrie
du premier livre pour entrer dans l'histoire et avoir envie d'en savoir
plus sur les différents personnages. J'ai trouvé très
habile le fait d'enrichir progressivement l'histoire en donnant des points
de vue différents sur les personnages. Je crois surtout que j'ai
aimé être bercée par cette atmosphère égyptienne
que je ne soupçonnais pas : cette sorte de melting pot culturel
égypto-européen. J'avais l'impression d'y être.
Il y a tout de même une sorte de fatalisme et de tragédie
grecque avec tous ces morts, tous ces malheurs
heureusement Clea
n'est pas morte car là, ça aurait fait beaucoup !!!
J'avoue que j'ai eu un faible pour les personnages de Nessim et de Narouz.
J'ai aimé la faiblesse du premier et j'ai trouvé très
beau le second même s'il était physiquement pas aidé,
apparemment ! Bref, cet opus, feuilleton ? saga ?
m'a envoûtée et je l'ai finalement dévoré sans
plus me rendre compte de sa longueur.
Et pour finir, je dirais juste un truc sur le style : il faudrait
prendre le temps de le relire (!) pour mieux analyser le changement
de style d'un livre à l'autre. Je ne saurais dire en détails,
mais je n'ai pas eu le même sentiment de lecture d'un livre à
l'autre et j'ai trouvé que l'écriture s'allégeait
en avançant
; et pour ce qui est de toute la réflexion
sur l'écriture de Darley/narrateur, je dirais juste que ça
ne m'a pas interpellée (et intéressée) car je n'aime
pas les romans qui parlent de littérature tout comme les films
qui parlent de cinéma...
Annick L
(avis transmis)
Mon expérience de lecture de ce roman pourrait s'apparenter à
une course d'endurance qui m'a occupée durant tout le mois de Juillet,
à côté d'activités beaucoup plus sympathiques,
fort heureusement. Je l'ai entamée dans de bonnes dispositions :
j'avais enfin l'occasion de découvrir ce "chef-d'uvre"
de la littérature anglo-saxonne réputé (le préfacier
compare Durrell à Faulkner et à Joyce, pas moins !),
au projet ambitieux (articulant quatre parties), dont j'avais souvent
entendu parler. Déception immédiate, dès la première
partie (Justine) : une prose lyrique et pompeuse, des descriptions
interminables et souvent redondantes, et surtout des personnages assez
détestables, en particulier le narrateur, jeune homme sans consistance
et pourtant suffisant (avec son statut d'Européen en Égypte)
qui a le projet de devenir un écrivain. Sa vision misogyne des
femmes et des relations amoureuses m'a été particulièrement
insupportable. Courageusement j'ai entamé la seconde partie Balthazar
en me disant que ce nouveau point de vue serait peut-être plus
intéressant, ce personnage paraissant d'une volée spirituelle
et intellectuelle bien supérieure
hélas : même
enflure stylistique, même prétention dans le regard porté
sur ce pays, sa culture, son mode de vie (très surannée,
sentant à plein nez son colonialisme). Là, j'ai failli arrêter
à plusieurs reprises et je ne pouvais poursuivre que par à-coups,
en survolant de grands passages. Heureusement que je suis à la
retraite et que j'ai du temps à perdre ! Je me suis alors
fixé l'objectif d'aller coûte que coûte jusqu'au début
de la troisième partie, pour voir où menait cette construction
en mosaïque (une forme de curiosité). Bien m'en a pris car
j'ai trouvé celle-ci, centrée sur Mountolive, le personnage
du diplomate, beaucoup plus intéressante dans sa dimension historique
et géo-politique (je l'ai lu comme un témoignage sur l'époque
et les relations entre l'Europe et le Moyen-Orient). Du coup j'ai survolé
la quatrième partie où mon âme de midinette a enfin
pu trouver satisfaction avec cette romance amoureuse un peu plus sympathique
que dans la première partie (le jeune homme ayant mûri et
se montrant enfin capable d'engagement dans ses sentiments amoureux).
Au final une lecture peu plaisante, voire ennuyeuse, sauvée par
l'une des quatre parties
je l'ouvre donc au quart. Je lirai vos
avis avec beaucoup de curiosité.
Nathalie R
Ce fut une lecture chaotique. J'ai souffert
J'ai l'habitude de lire
vite et là, il y avait une profusion de vocabulaire, des adjectifs
inattendus et déroutants - "côtes croulantes",
"sac prométhéen", "jaune amie"...-
qui retardaient la lecture et brouillaient le décodage rapide du
texte. J'ai continué néanmoins en suivant l'avis de mon
entourage si enthousiaste sur ce livre. Il a l'art de faire naître
des images précises des lieux et des ambiances inconnues ;
j'ai souvent pensé à Victor Hugo et à ses personnages
grotesques, des personnages qui deviennent des monstres de par les descriptions
subjectives. Je pense plus particulièrement à Narouz ou
à Leila quand elle est décrite lors de la rencontre avec
Mountolive des années après leur idylle. Il y a une destruction
et une reconstruction permanentes de kaléidoscope, qui laissent
entendre que les êtres ne sont pas ce que l'on croit ou ce qu'eux-mêmes
pensent être. Ainsi, un simple tarbouche peut-il transformer "complètement"
l'apparence de Mountolive en "homme quelconque" p.706. J'ai
été très souvent gênée par les notes
qu'il faut aller chercher à la fin, d'autant plus que la compilation
des quatre livres rend l'ouvrage lourd à manipuler ! C'est
devenu intéressant pour moi à partir de la page 250, j'ai
ainsi pu commencer à prendre des notes.
Brigitte
Qu'est-ce que ça signifie que tu prennes des notes ?
Nathalie
Que ça m'intéresse. Les descriptions, quoique longues, sont
la plupart du temps enchanteresses et féeriques. Je pense que ces
images sont gravées en moi pour de longues années (descriptions
du carnaval, de la maison au fond du désert, des bas quartiers).
J'ai appris beaucoup de mots. Même si certaines affirmations stéréotypées
(sur la femme orientale p. 629 ou la femme calculatrice p. 469,
sur la pauvreté de la langue arabe pour dire les sentiments "car
personne ne peut penser ou exprimer ses sentiments à l'aide du
seul arable désuet et dans dimensions" p. 464), je
n'ai pas été gênée par l'aspect colonialiste
du propos. C'est une uvre ancrée dans une époque,
et il me semble que tout ce qui est dit est dit à partir d'une
vision limitée, comme le halo d'un phare conique. Tout est à
relativiser et n'a pas l'ambition de donner une vision ethnologique ou
sociologique du pays. Pour moi, on ne peut comprendre le projet ni en
mesurer le sens, si on n'a pas lu les 4 livres du Quatuor, d'autant
plus que toute l'uvre est jalonnée d'explications sur l'écriture
et la recherche de la vérité ou de la réalité
(p. 748) du temps avec une tentative de définition sur le
présent permanent p. 750 : "je commençais
à vivre entre les battements de la pendule".
Bien que j'aie eu à faire un gros effort, j'ouvre aux ¾.
Les descriptions sont magnifiques.
Jacqueline
J'ai lu les 4 et je suis contente de les avoir lus et d'avoir vécu
ce jeu de changement d'optique où chacun ressent à sa manière
les événements, avec l'évolution de sa perception
dans le temps. J'ai eu beaucoup de mal au début. Nathalie en donne
peut-être une explication que je n'avais pas su voir. Justine est
un peu suranné. Je n'adhérais pas à l'idée
que cet ensemble permettrait de connaître Alexandrie : peut-on
se fier à Durrell qui ailleurs parle de son amour de la Provence
en lui attribuant des événements qui me paraissent discutables ?...
Je reconnais son érudition quant à l'Egypte, mais cela ne
m'a pas convaincue... Pourtant il crée un monde à découvrir.
A partir de Mountolive, j'ai accroché et j'ai cru à
ce personnage de diplomate et au milieu dans lequel il évoluait...
J'ai commencé à comprendre le projet de Durrell et son aspect
proustien de réflexion sur la vie. Chaque événement
va donner lieu à des renversements de points de vue ou d'interprétation
selon qui l'évoque et à quel moment. A la fin de Justine
on peut soupçonner Nessim de meurtre. Il y a un aspect roman policier
dans ces retournements... J'ai été sensible à la
mise en abyme du travail de l'écrivain à travers de nombreux
exemples... Par contre, je ne peux ni prendre au sérieux l'histoire
de Scobie, ni complètement m'intéresser à la plupart
des personnages...
J'ouvre à moitié. Je suis contente de l'avoir lu.
Monique L
J'ai lu jusqu'au bout
ce ne fut pas une lecture aisée. On
se demande où le narrateur nous emmène, et comme ce n'est
pas chronologique, on se trouve face à un gigantesque puzzle dont
on ne dispose pas de toutes les pièces. Très souvent, on
découvre qui parle ou de qui l'on parle après avoir bien
entamé la lecture. L'auteur nous perd dans des développements
de sujets divers. C'est un kaléidoscope ou un bric-à-brac.
Le style de Durrell n'est pas facile. Il est beaucoup trop verbeux. Certaines
des images qu'il emploie m'ont paru gratuites voire surfaites. L'idée,
la construction, certains passages sont intéressants mais l'ensemble
m'a paru lassant. Justine fut ennuyeuse, Balthazar intéressant,
Mountolive m'a plu. J'aurais arrêté la lecture dès
Justine si cela n'avait été pour le groupe lecture.
Chacun voit les événements suivant son caractère,
son vécu, ce qu'il sait. L'approche des personnages par touches
successives est très réussie, avec cette vision prismatique
qui est évoquée p. 36. Quelle est la bonne vision ?
Je trouve que ç'aurait pu être un chef d'uvre si ça
n'avait pas été noyé dans cette prose assommante,
avec des parties parfois indigestes - j'ai sauté des descriptions.
J'ai été déçue par Clea, c'est autre
chose, décevant. J'ouvre à ½, certains passages sont
toutefois très intéressants.
Brigitte
Je me rappelle d'avoir lu Justine dans le groupe il y a bien longtemps.
J'avais été un peu déçue, sachant qu'on en
fait tout un plat
J'avais un souvenir de marécages
J'ai repris au commencement ; le début est difficile. Je suis contente
de l'avoir lu. ll faut lire les 4. Les adjectifs, les comparaisons, ça
m'a beaucoup plu, ça enrichit : c'est tellement inattendu,
rare, dénué de poncifs, ça nous force à changer
notre regard, ça nous déplace. Restée en Normandie
l'été, j'ai en fait passé un mois à Alexandrie,
et pas seulement : on va et vient au bord de la mer, dans le désert,
dans les rues romaines, au café
Un mois à Alexandrie
bien entendu dans les années 38
Claire
Vous avez vu que j'ai mis en ligne des photos d'Alexandrie de l'époque,
magnifiques (ici)
Brigitte
Je suis d'accord : à partir de Mountolive, c'est plus
facile, car c'est plus classique. Il y a une grande richesse, et cet aspect
prismatique
c'est l'époque de Picasso. Il nous met en attente
- on revoit les choses autrement ; et dans notre vie c'est pareil.
J'ai lu toutes les notes et j'ai vu que Durrell déteste Trollope
dont j'ai lu deux livres. J'ai lu les critiques de Durrell à ma
belle-fille qui a répondu avec ses arguments - on a donc débattu
avec Durell à ce sujet
Bref Le Quatuor est une expérience
littéraire très intéressante. J'ouvre en grand. C'est
un visionnaire (cf. le djihad) ; les descriptions et les scènes
dans le désert sont très belles.
Monique S
J'avais lu Le Quatuor d'Alexandrie en 1989 et j'ai le souvenir
d'un éblouissement littéraire ! Pour la forme du récit,
essentiellement, la complexité de l'intrigue, les retournements...
J'avais été un peu déçue par le 4e où
il travaille sur la temporalité (c'est la suite, alors qu'avant
ce sont les différentes couches et les différentes visions).
J'ai relu Justine et en partie Balthazar. J'ai conservé
le même enthousiasme. J'aime encore autant : l'écriture brillante,
la complexité mystérieuse des personnages, la discontinuité
du récit (on passe d'un personnage à l'autre, à des
descriptions et à de réflexions), la ville d'Alexandrie
qui est LE personnage, vivante comme une pâte à pain fermentant
son levain, mélangeant toutes les cultures, toutes les religions,
les bien-portants et les malades, les riches et les pauvres... On ne sait
plus si ce sont les hommes qui fondent la ville, ou si c'est la ville,
son climat, son atmosphère, qui fondent les hommes, leurs sentiments
et leurs pensées. En relisant, j'ai retrouvé toutes mes
premières impressions de lecture. La relecture aujourd'hui me rend
par contre très présents à l'esprit le nouvel état
du monde, le durcissement des communautés, les radicalisations,
le grand rétrécissement de liberté dans les expressions
et les modes de vie... J'ouvre en grand.
Danièle
Je ne l'ai pas lu jusqu'au bout. Je lis habituellement très vite,
comme toi Nathalie, mais là n'y arrivais pas, car il me fallait
relire pour comprendre. C'est un très beau style et j'étais
gênée de devoir être freinée dans ma lecture.
Dans Balthazar, ainsi, j'ai du lire lentement et je me suis lassée.
Alexandrie est un personnage important : je suis déçue
car je ne ressens pas d'atmosphère. C'est très occidental,
très précieux, il n'y a rien d'oriental, tout est phagocyté
par l'il occidental de Durrell, même si c'est très
réussi. Je n'ai pas lu Mountolive et Clea. Il y a
une relation originale entre les deux frères. J'ai apprécié
les divers prismes à travers lesquels on voit les personnages,
dûs surtout au fait que certains savent des choses que les autres
ignorent. S'agit-il d'ailleurs de prisme ? J'ouvre ½.
Annick A
J'ai lu les 4 livres, sans difficulté et avec un a priori très
positif. Oui, avec Justine j'ai eu un peu de mal. Mais ce livre
ne prend sens que si on lit les 4. J'ai découvert la ville d'Alexandrie,
son ambiance. J'ai adoré les passages sur le désert. J'ai
été émerveillée. Les personnages sont intéressants.
Darley est fou amoureux de Justine. La réalité n'existe
que dans l'imaginaire de chacun. Darley aime Justine et ne se rend pas
compte qu'elle ne l'aime pas. C'est extrêmement bien fait. Les lettres
de Leila et Mountolive sont superbes. C'est un des premiers livres donnant
ainsi des regards différents. Oui, il y a quelques longueurs, j'ai
sauté certaines descriptions. Mais j'ai été portée
par cette très belle écriture. J'ai beaucoup aimé.
Mais parfois l'atmosphère est morbide et nous met mal à
l'aise. C'est un grand livre, j'ouvre aux ¾. J'ai bien aimé
Balthazar, c'est là que le livre prend son sens. A la fin
du 3e tome, j'avais envie de relire Justine. Clea, le dernier livre,
lui, se déroule dans le temps.
Richard
J'ai beaucoup voyagé pendant que je lisais ce livre sur liseuse,
je l'ai donc lu dans l'avion, dans le train, en voiture, en bateau
et je n'étais pas bien disponible.
François
Tu l'as lu en anglais, Richard (avec accent frimeur sur Richard) ?
Richard
Oui. Je n'ai lu que Justine et une partie de Balthazar.
Pourquoi est-ce si difficile ? J'ai fait une chose que je ne fais
jamais, je suis allée voir ce que les experts anglais disent :
ils disent que Justine est le plus facile.
Plusieurs
Quoi !!!!!
Richard
C'est certes une superbe description d'Alexandrie comme personnage. Les
points de vue différents pour montrer comment les personnages vivent
les mêmes événements, c'est génial. Mais les
descriptions sont trop recherchées. Les adjonctions d'adjectifs
aux substantifs participent à la difficulté de lecture.
Le style ? C'est plat... en tout cas en anglais... c'est peut-être
bien meilleur en français... ça ressemble à un texte
d'élève de terminale. Il y a des phrases qui font passer
des idées, par exemple : on ne connaît jamais personne
sans avoir fait l'amour avec ; je ne vous demanderai pas votre avis, mais
je ne suis pas d'accord. Je sais maintenant ce que veut dire boustrophédon
Claire
C'est quoi ?
Richard
Cela consiste à écrire et lire de gauche à droite
puis de droite à gauche, et ainsi de suite. Je le placerai dans
un diner en ville.
Je l'ouvre à ½ par humilité, car je sais que je n'ai
pas rendu justice à Durrell en lisant trop peu.
Liz
J'ai été intéressée par vos avis. Je l'ai
lu en français, ce qui était difficile, je l'ai alors pris
en anglais et je l'ai lu en français avec l'anglais à côté
pour comprendre les mots que je ne connaissais pas. Il y a beaucoup de
différences entre les deux langues dans les descriptions. La traduction
a dû être difficile.
J'ai lu seulement Justine. J'aime beaucoup le style d'écriture
de Durrell, qui est un peu éclectique : il présente
des personnages sans ordre particulier, il saute de l'un à l'autre
avec juste assez de détails pour préparer le terrain pour
les événements à suivre, ses descriptions sont vivantes
et uniques. J'ai trouvé la complexité des personnages intéressante,
ils couvrent tout le spectre : de Clea, une femme authentique, généreuse,
gentille, à Scobie un alcoolique pédophile. Le traitement
de l'amour est intriguant : comme un psychologue, Durrell explore
les liens et les dépendances entre les amitiés et les gens
amoureux dans les différentes couches sociales ; où sont
les frontières de l'amour ? En ce qui concerne Nessim, quelle
liberté est-ce que nous pouvons octroyer à nos amants avant
de souffrir nous-mêmes ? Pour Justine, l'amour et le sexe sont
un médicament : quelque chose de physique, rassurant, qu'elle utilise
pour tenter de faire oublier sa dépression, sans égard aux
conséquences pour autrui ; elle applique la logique perverse
qu'elle doit tromper son mari pour préserver leur relation. En
tant qu'anglo-saxonne conservatrice, j'ai trouvé ce comportement
très irritant
En fait, comme personnage, j'ai trouvé
Justine egocentrique, égoïste, maniaque, sans qualités
rédemptrices. J'ai pensé que, comme toujours, ce n'était
probablement que son physique qui attirait les hommes, mais Clea était
aussi éprise de cette femme. Peut-être les femmes et les
hommes les uns comme les autres sont superficiels.
Tout au long du livre, Durrell demande si les actions des personnages
sont libres, ou si elles sont le produit des forces de l'histoire et de
la puissance de la ville d'Alexandrie. Je viens de finir un livre sur
l'histoire longue et colorée de Paris et je me demande si un roman
similaire ne pourrait pas être situé à Paris ?
L'histoire de la révolution et du carnage ainsi que la réputation
romantique de Paris ont sûrement influencé les actions des
gens à travers l'histoire et justifie encore la folie des personnages.
J'ouvre ½.
Claire
Je suis la seule survivante avec Brigitte à avoir été
présente il y a 28 ans dans le groupe lorsque nous avions lu Justine
de Durrell dont je ne me souvenais pas du tout ; et à l'époque
nous ne prenions pas encore en note nos avis, donc pas possible de retrouver
son avis... L'enthousiasme de Fanny, Monique S et Fanfan m'avaient ouvert
l'appétit. J'ai été sensible à l'esthétique
du livre dans son joli coffret comportant les 4 romans. J'ai attaqué
sans lire préface ou postface.
Je comprenais les phrases, mais pas le sens ; je ne voyais pas où
ça allait. J'ai insisté mais tout semblait de la guimauve.
J'ai retrouvé alors le vieux livre de poche de Justine
où j'avais pris quelques notes qui commençaient ainsi :
Ennui
atroce jusqu'à la p. 75. À la p. 110 apprivoisement,
mais je ne goûte pas encore. J'aime bien peu connaître du
narrateur. Je vois de l'audace, mais aussi de l'artifice. Pour finir,
avis mitigé et je n'ai pas envie de lire les autres. Ça
m'a complètement découragée et j'en ai voulu au groupe
lecture de programmer un gros livre comme ça... Je préfère
la formule un auteur pour l'été de qui on lit ce qu'on veut,
biographie éventuellement comprise
C'est vrai que l'été
permet un gros livre, mais c'est un risque...
J'ai feuilleté le volume mais rien ne m'a accrochée, c'est
d'ailleurs un livre qui ne semble pas possible à feuilleter, d'après
ce que vous dites. J'ai lu autour : la postface que je trouve remarquable,
avec la biographie et l'analyse, la présentation qui valorise le
livre et remplace avantageusement la lecture
La préface,
elle, m'est tombée des mains : qui est cet auteur célèbre
à fuir, Vladimir Volkoff ? Livre fermé...
La vie de Durrell est très intéressante, mais c'est de l'auteur
dont je parle et non de l'uvre. J'avais dû être intéressée
par son côté bouddhisme, car j'ai trouvé dans ma bibliothèque,
religieusement couvert, Le
sourire du Tao, j'ai tout oublié
Françoise D
J'ai lu seulement Justine. En entier. Dans le transsibérien...
je m'en souviens peu
j'ai donné mon livre à la guide
de Mongolie
Je n'ai pas accroché. Je n'ai pas senti la présence
d'Alexandrie. J'ai trouvé ça surfait. Je ne crois pas à
l'histoire du personnage. Je n'en ai rien retiré. Mais il serait
malhonnête de ma part d'avoir un avis sur Le Quatuor
Fanny (qui avait proposé le livre, appuyée par Monique
S)
J'ai lu les quatre livres deux fois. La première fois en 2015,
je m'étais dit que je le relirai, mais je ne savais pas que ce
serait cet été
J'ai eu plaisir à le lire :
c'était une lecture lente, que parfois je m'interrompais car c'est
très dense. J'ai beaucoup aimé Balthazar.
Annick
C'est ton préféré ?
Fanny
J'ai aimé un peu moins Mountolive. Dans Justine,
je ne comprenais pas tout, mais je me suis laissé porter. Balthazar,
c'est un point de vue différent de Justine. J'ai eu plaisir à
lire Clea avec l'intervention du temps et là où les
personnages prennent vie, alors que jusque là, c'étaient
des mosaïques. Mountolive retrouve Leila vieillie et changée.
Darley retrouve Justine qui a beaucoup changé avec le temps. Darley
retrouve Clea plus belle qu'avant, avec son nouveau rire. ("Et
maintenant je vous invité à dîner, Clea, pour célébrer
ce nouveau rire que vous avez !" p. 820) En fait Leila et
Justine se trouvent comme flétries par l'effet du temps (même
si cela ne dure qu'un temps pour Justine) tandis que Clea semble s'épanouir
dans une nouvelle maturité et donne d'ailleurs son nom à
ce dernier roman qui introduit la dimension du temps.
Ce n'est pas superficiel, c'est une lecture introspective, la découverte
de soi renvoie à divers points de vue qui se superposent (p. 828
"Il n'y a pas d'Autre ; il n'y a que soi-même
perpétuellement aux prises avec ce problème : la découverte
de soi !"). J'ai eu plaisir à me laisser porter par
le texte, la première fois comme la seconde. Il y a aussi plusieurs
passages qui parlent de l'écriture, par exemple Pursewarden note
p. 594 des phrases "qui trouveraient place dans son livre"
qui sont citées, et on se dit que c'est comme ça que Durrell
a fonctionné. Ou dans la lettre de Balthazar qui est citée
p. 383, il parle d'"une histoire racontée par couches
successives en quelque sorte". Ou encore p. 862 "si
tu veux être
je ne dirai pas original, mais simplement contemporain,
tu devrais essayer un carré - comme au poker - sous forme de roman
; passer un axe commun à travers les quatre histoires, par exemple,
et dédier chacune d'elles aux quatre points cardinaux. Un continuum,
ma fois, incarnant non pas un temps retrouvé, mais un temps délivré."
Enfin, j'aime beaucoup la dernière phrase p. 996 "Il
était une fois
" J'ouvre en grand !
Annick A
Je trouve qu'on n'a pas dit, pas assez dit, que c'est un grand livre sur
l'amour.
Nathalie
Dites-moi si j'ai bien compris : Justine couche avec les deux pour
avoir les infos, n'est-ce pas ?
Plusieurs
Ouiiiii
Nathalie
Justine a une névrose profonde
pour moi elle n'est pas vivante.
Annick
Elle renaît au dernier livre.
Annick
Et toi Fanny qui a relu, est-ce que tu vois Justine différemment ?
Fanny
Oui. Est-ce qu'on pourrait lire les 4 volumes dans un autre ordre, je
me le demande.
Claire
J'ai feuilleté en bibliothèque la correspondance de Durrell
et Miller (ici)
en relevant ce qu'ils disent de la préparation du Quatuor,
Durrell prévoit qu'on ne comprendra rien...
Je trouve qu'éditorialement et encore plus avec tout ce que vous
dites, il devrait être précisé que le premier livre
n'a de sens qu'avec les autres. Mais néanmoins si je l'avais su,
si je vous avais entendus, très convaincants, avec de commencer
à lire, je me demande si j'aurais eu le courage d'affronter Justine
jusqu'au bout
Annick A
C'est normal qu'on ne comprenne pas, plein de fois, je me suis dit : mais
qu'est-ce qu'il a voulu dire ? La force de ce livre vient du fait
que les choses se mettent en place au fur et à mesure du livre.
Danièle
Oui, pour moi ce n'est pas une vision de prisme dont il a été
question, c'est qu'on nous donne des informations au fur et à mesure.
Annick
J'en lisais un peu et puis j'alternais ave d'autres livres, un petit polar
et j'avais plaisir à y revenir.
Nathalie
Concernant la façon dont Alexandrie est présentée,
chaque personnage avance avec son halo de phares.
Annick
Et chacun n'est fait que du regard de l'autre.
Nathalie
C'est curieux quand il dit : "J'aime les livres français
avec leurs pages non découpées. Je ne voudrais pas d'un
lecteur paresseux au point de ne pas avoir le courage d'utiliser un couteau
contre moi" p. 438.
Françoise D
La scène avec le chameau est horrible !
Plusieurs
Ouiiiii
Jacqueline
Dans l'introduction, on nous dit qu'il admirait D. H. Lawrence. Richard,
est-ce que tu penses qu'il y a une parenté dans l'écriture ?
Richard
D. H. Lawrence, ce n'est pas plat !
Yolaine (avis transmis de Bretagne)
La frustration que j'éprouve à avoir été la
seule à achever cette lecture dans le groupe morbihannais me pousse
à envoyer mon avis. J'ai éprouvé beaucoup de plaisir
à passer cet été accompagnée de cet ouvrage
plein d'exotisme : encore une uvre que je n'aurais pas découverte
sans Voix au chapitre.
Pourtant, comme les autres, j'ai d'abord éprouvé quelques
difficultés à m'intéresser aux amours de Darley et
de Justine. C'est peut-être l'atmosphère alexandrine qui
m'a intriguée et encouragée à persévérer,
l'ambiance de cette ville que les personnages du roman aiment et détestent
à la fois, cette ville écrasée de chaleur le jour,
avec ses somptueux couchers de soleil et ses quartiers mal famés
aux nuits inquiétantes.
Mais les choses se corsent dès le deuxième volume, l'idée
de revivre cette histoire avec les yeux de narrateurs différents,
en enrichit les perspectives et ménage des rebondissements qui
rendent la lecture passionnante. Ce montage donne une profondeur philosophique
au récit ; la vérité n'existe pas, chaque expérience
est subjective, tout devient mystérieux, et très oriental.
L'évocation subtile de cette époque à jamais disparue
d'une ville cosmopolite au passé grandiose, dans un Moyen-Orient
en décomposition, entre bureaucratie, corruption, trafics d'armes,
misère et prostitution, à tel point que la guerre y passe
presque inaperçue, est perçue d'abord à travers le
désespoir ou l'errance des différents personnages. Dans
cette histoire, il n'y a pas d'amour heureux. Mais au fil des pages, le
style devient de plus en plus lyrique, et dans le dernier volume Clea,
les descriptions poétiques m'ont paru éblouissantes et intelligentes,
jamais gratuites, toujours en écho profond avec l'intimité
des personnages, ainsi qu'en harmonie avec l'environnement. L'épisode
de la blessure et noyade de Clea est d'une beauté et d'un suspense
cinématographiques.
Un bémol toutefois en raison du côté fastidieux de
certaines pages, en particulier les interminables réflexions sur
la littérature de Pursewarden, qui m'ont laissée sur le
bord de la route. Et pourtant, c'était peut-être le prix
à payer pour la naissance de ces pages à l'écriture
complètement novatrice et qui paraît encore très moderne
aujourd'hui.
Ana-Cristina
(du nouveau groupe parisien dont les avis suivent)
Le plaisir et le déplaisir ont été de la partie.
Et une fois le livre fermé, je peux dire que je n'y vois pas très
clair ! Un bourdonnement de pensées et de sensations s'entremêlent.
Je me demande alors si ce remue-ménage n'est pas dû à
la complexité de l'uvre. Ce qui m'amène à cette
première question : est-ce que je dois parler de complexité
ou de foisonnement ? La postface me souffle le mot "profusion",
mais aussi le mot "épure". Christine Savinel écrit :
"la manière durrellienne est là, entre profusion
et épure". Et c'est entre ces deux extrêmes, la
"profusion" et l'"épure" que je peux inscrire
la relation houleuse que j'ai entretenue avec cet artiste à la
présence imposante et forte, mais je l'avoue aussi très
irritante et étouffante.
QU'EST-CE QUI M'A DEPLU ? Je peux donner deux raisons. Toutes les
deux liées justement à la notion de "profusion".
La première raison porte même un nom. Elle s'appelle la "philosophie
de l'introspection" : c'est Lawrence Durrell lui-même
qui utilise cette expression
L'auteur veut aller au-delà
des apparences et révéler les causes profondes des actions
et des pensées des personnages. Et c'est justement la transcription
qu'il fait de ses plongées dans les profondeurs de la "psyché"
de ses personnages qui ne m'ont pas du tout convaincue. Et pourtant, elles
rythment l'uvre. J'y suis donc souvent confrontée. Pourquoi
ces analyses me gênent-elles à ce point ? Parce que
je les trouve confuses. L'auteur veut "faire vrai" et moi je
trouve que dans ces moment-là il sonne terriblement faux :
ses analyses ne m'intéressent pas ; je peux même dire que
je les trouve irritantes, elles m'énervent ; elles forment comme
une farce indigeste que l'auteur fait entrer de force dans le corps du
récit ; et par là-même les enfonce dans mon crâne ;
une farce indigeste parce que le flux de paroles s'écoule sans
gêne ; je peux même dire que l'auteur "dépasse
les bornes". Et l'abondance s'ajoutant à l'impression de désordre
cette "philosophie" m'apparaît aussi impénétrable
qu'une jungle. Cette dernière remarque m'amène naturellement
au second motif de mon déplaisir qui est déterminant dans
l'impression générale que m'a laissée cette lecture.
C'est l'attrait de l'auteur pour le bavardage intempestif. Il se déclare
lui-même "gentleman littéraire hystérique
et surchargé". Je trouve que cette étiquette lui
va comme un gant. Le discours imaginaire que Pursewarden tient à
"Frère l'Âne" (Darley) me paraît être
un bon exemple. On le trouve dans Clea. On y voit Pursewarden au
bar avec Darley qui lui pose des questions sur l'art. Il y répond
mais il ne formule pas les réponses à haute voix, il se
les dit à lui-même, dans son for intérieur. Darley
doit donc voir son ami, assis en face de lui, qui l'écoute très
attentivement, mais qui reste muet comme une carpe et qui se contente
juste, de temps en temps, de hocher la tête. Cette situation, pourtant
non dépourvue d'intérêt, va s'effacer. Je vais en
quelque sorte la perdre de vue. C'est le bavardage de Pursewarden qui
va occuper le premier plan. Ce bavardage - c'est-à-dire les
réponses de Pursewarden dites en quelque sorte à mon intention,
puisque non adressées à son interlocuteur - devrait
m'intéresser. Mais non. Le monologue de Pursewarden m'apparaît
sans fin ; il m'accable. C'est un bavardage non dépourvu de
lyrisme, mais un lyrisme qui n'atteint pas son but. Mon cur reste
de pierre, mes yeux secs et mes sens atrophiés ; ma curiosité
est éteinte. Je ne peux même plus réfléchir
parce que je suis littéralement étouffée par cet
écoulement incessant et insensé de mots. Je trouve que Lawrence
Durrell manque alors singulièrement de délicatesse. Pour
en finir avec ce chapitre consacré aux désagréments
provoqués par Le Quatuor d'Alexandrie je dirai ceci :
lorsque la manie de la "profusion" prend possession de l'auteur,
je suis loin de sentir ce que ressent Virginia Woolf à la lecture
de Tchékhov : "l'horizon s'élargir, l'âme
atteindre une étonnante impression de liberté".
Mais, je dois avouer que, aussi bizarre que cela puisse paraître,
une fois terminé Le Quatuor, j'ai eu envie de le relire.
Je me suis dit que dès lors que je possédais une vue d'ensemble
de l'uvre, je pourrais davantage me laisser bercer par les envolées
démesurées et extravagantes de l'auteur et apprécier
sa virtuosité.
QU'EST-CE QUI M'A SEDUITE dans cette uvre ? Je peux donner
plusieurs raisons, elles, plutôt reliées à la notion
d'"épure". J'aime bien Lawrence Durrell quand il fait
preuve d'un peu de retenue. Dans ces passages au style sans doute plus
classique, il fait preuve d'une grande maîtrise dans l'art de raconter.
Là je redeviens attentive. Disant cela, je pense aussitôt
à l'épisode de la chasse au canard dans Justine.
Mais une autre scène me paraît être un morceau de bravoure.
Elle est dans Mountolive. C'est la scène entre David et
le vieil ambassadeur. C'est sans doute un des moments que je préfère
L'écrivain ne cherche pas à tout dire. Il n'explique rien.
Il manie la suggestion à la perfection. Et pourtant nous comprenons
beaucoup. L'humour fait partie de la panoplie de tout bon conteur. L'humour
c'est la cerise sur le gâteau ! Et si cette scène n'en
manque pas, celle entre Pombal et Pursewarden dans la salle de bain, qui
se trouve également dans Mountolive, a tout à fait
l'efficacité d'une scène de comédie de Shakespeare.
Si j'ai parfois souri à la lecture de ce livre, je dois confesser
que j'ai, aussi, parfois été émue. J'aime beaucoup
le monologue intérieur de Pursewarden quand le crépuscule
descend sur Alexandrie et qu'il décide de passer la soirée
seul. Je lis un très court extrait : "Le monde intérieur
déroulait ses bobines, se détendait, s'écoulait en
un flot de pensées qui clignotaient par intermittence, comme du
morse, dans sa conscience. Comme s'il était devenu un véritable
appareil récepteur. Il appréciait ces rares bons moments
de dictée !"
Lawrence Durrell fait disparaître ses personnages l'un après
l'autre... C'est astucieux. Malgré mon intérêt nuancé
pour cet auteur, je décide de ne pas le faire disparaître
de ma bibliothèque. Je le garde quand même. Peut-être
le relirais-je un jour ? Pour toutes ces raisons je décerne
au Quatuor d'Alexandrie un livre à moitié ouvert.
Nathalie F
J'ai lu jusqu'au début de Clea. J'ai globalement aimé.
Je me demande comment il a pu pondre ça. Les appendices servent
bien le propos, ils partent dans tous les sens. Chaque personnage prend
vie par lui-même. J'ai apprécié les tics de langage
de Scobie, c'est comme si il avait existé. Le chapitre de Justine
m'a paru difficile. Darley est peut-être lui-même confus,
donc la confusion est certainement voulue. J'ai trouvé intéressant
le roman choral, où tout est remis en question de ce que l'on pense
initialement. Darley devient falot, roulé dans la farine et ça
c'est pas mal. Pour ceux qui n'ont pas tout lu on comprend ensuite les
retournements. Mais je n'ai pas encore tout lu
Livre ouvert aux
¾
Alix
Je me suis perdue au milieu de Balthazar. J'ai la sensation d'un
rendez-vous manqué. On dit qu'Alexandrie est au centre du roman,
mais moi ça ne m'a pas donné envie de découvrir la
ville. Peut-être que je n'ai pas su profiter, en tout cas je suis
passée à côté. Des passages m'ont parlé,
mais les personnages ne m'ont pas intéressée. J'ai sans
doute lu trop vite, car en relisant un passage ce matin je me suis rendu
compte qu'il m'avait échappé. Ce sont des citations qui
m'ont plu dans le livre plus que des passages ; par exemple :
"ce fut comme si la ville s'effondrait avec fracas autour de moi".
Cela parle du rapport que l'on peut avoir avec les lieux selon les moments
et notre état d'esprit. Je pense que je le finirai. Jusque là,
la lecture n'a pas été facile. C'était mes devoirs
de vacances. Il y avait une alliance de plaisir et de déplaisir.
Livre ½ ouvert.
Julius
J'ai lu les quatre romans et je vois deux niveaux d'écriture. Pour
paraphraser Pursewarden qui disait "Il y a ma vie et il y a la
vie de ma vie", je dirais "Il y a le roman et il y a
le roman du roman".
J'avoue avoir été furieux pendant une bonne partie de la
lecture car, dès l'attaque de Justine, le lecteur m'a paru
se trouver très rapidement enferré dans une narration erratique
qui semble divaguer d'un personnage à l'autre, d'une scène
à l'autre, le tout parsemé de sentences et de considération
théoriques et psychologiques à la fois abstraites et gratuites :
Agapè et Éros sont inconciliables, il convient donc de ne
pas les mêler, tout en privilégiant l'amour spirituel. Mais
comme Dieu nous a donné un corps et que ce serait un péché
de ne pas en user, il convient aussi de pratiquer l'amour physique, mais
avec un tiers afin de ne pas corrompre l'amour spirituel, d'où
la construction des fameux triangles dans lesquels sont imbriqués
de l'un à l'autre tous les personnages. Et comme nous sommes à
Alexandrie, ville de tous les ennuis et de toutes les débauches,
cet amour physique privilégiera toutes les sexualités possibles
et imaginables, d'où un tropisme, pour ne pas dire une complaisance,
envers des situations plus ou moins malsaines, voire morbides : inceste,
leitmotiv du bordel d'enfants, cadavre de ftus
Alexandrie,
ainsi décrite comme le lieu d'une sexualité à la
fois banalisée et sacralisée, me paraît vue uniquement
à travers un prisme baudelairien qui met en scène les atmosphères
les plus nauséeuses de la ville, ses odeurs d'urine et de sueur,
ses vieilles femmes aux cheveux pleins de tiques et de croûtes (p. 33),
ses maisons aux haleines fétides
Le lecteur qui espérait
retrouver du Naguib Mahfouz ou des descriptions à la Pierre Loti,
sera pris à la gorge (mais il se sera peut-être trompé
de livre
) Dans le même temps, les personnages m'ont paru peu
crédibles (toujours dans Justine) : Nessim, homme d'affaires
copte, flamboyant mais incapable de parer les incartades minables de sa
femme, Scobie, un raté promu chef des services secrets, Pursewarden
qui est pure théorie (la soirée à trois dans chambre
de Justine m'a semblée affligeante), Justine elle-même qui
demeure insaisissable jusqu'à l'exaspération
Enfin,
l'ensemble, parsemé de phrases incompréhensibles (ex. p. 47),
ou carrément illisibles ("Le couteau des phrases épluchait
l'obscurité."), de citations interminables de Pursewarden
ou du livre de Jacobi, sourd l'ennui : un ennui que semblent d'ailleurs
partager tous les personnages eux-mêmes et jusqu'au narrateur. Et
le style participe de cet ennui : filandreux, hasardeux, nébuleux
Alors, user d'un style ennuyeux au possible pour dépeindre l'ennui
dans une ville ennuyeuse, pourquoi pas, mais 1000 pages pour décrire
cela
c'est long !
Surtout, surtout, il manque l'émotion : baudelairien, certes,
mais sans le tressaillement esthétique de Salammbô
ou de La mort de Sardanapale par Delacroix pour rester dans un
registre de proximité. De sorte que lorsque le lecteur parvient
à la scène presque finale du roman, la partie de chasse
sur le lac Maréotis, il se trouve soudain désarçonné
par le style qui s'éclaircit, le changement de ton, l'épaisseur
soudaine des personnages
La scène est brillante : descriptions
empreintes de poésie, psychologie très fine des situations,
acuité du regard. Ainsi, l'auteur sait donc écrire ?
Il peut "bien" écrire, il peut se dégager de ce
verbiage psycho-mystico-théorique qu'il nous inflige depuis le
début de Justine ? Le lecteur, qui soupçonnait
déjà l'auteur de se prêter, non sans une certaine
jubilation, à une vaste mascarade n'en est que plus furieux. Il
ne sait pas, alors, que le narrateur est un écrivain en devenir
et que le style épouse cette étrange mise en abyme
Une remarque à propos du personnage éponyme : en référence
aux exergues répétées de Sade, on peut se demander
si Justine est vraiment vertueuse
(Justine ou les infortunes
de la vertu)
ou si elle ne serait pas plutôt Juliette
(Juliette ou les prospérités du vice). Si elle n'atteint
jamais ses plaisirs, c'est peut-être parce qu'elle se satisfait
plus à les rechercher, à les organiser
Or l'on voit,
plus avant dans le roman (Mountolive, notamment), combien Justine,
toute référence exclusivement sexuelle mise à part
(car cet aspect de son personnage est finalement mineur), se montre entièrement
occupée à l'organisation de ses plaisirs (cf. la manière
dont elle prend le pas sur Nessim dans la préparation du complot
copte
). Justine ou la tyrannie du plaisir maîtrisé
Passant à Balthazar, après avoir maudit une fois
de plus la préface du dénommé Vladimir Volkoff, panégyrique
éhonté du roman, le lecteur fulmine un peu plus en constatant
que ce deuxième opus n'apporte pas grand chose de nouveau. Deux
principes, cependant, méritent de retenir l'attention : d'une
part la systématisation d'une dialectique qui veut que chaque action
porte en elle-même et engendre son contraire, que chaque personnage
soit double, triple, quadruple
, que chaque effet provienne de plusieurs
causes en gestation, et, d'autre part, le principe de prédestination
car tout est déjà écrit et les vases communicants
des âmes forment un cloaque aussi fangeux que les eaux du lac Maréotis.
Mais le style reste lourd et les personnages semblent toujours aussi peu
crédibles (le personnage de Toto, par exemple). Je retiens deux
épisodes qui émergent nettement de l'ensemble : la
visite de Nessim à son frère pour lui annoncer son prochain
mariage et la scène au cours de laquelle Narouz fait rendre gorge
au Magzub à propos de l'enfant disparu de Justine. Dans ces deux
scènes, les personnages prennent un relief exceptionnel, avant
que de retomber dans la litanie des citations et des considérations
absconses de Pursewarden et d'Arnauti
L'on passe juste d'un roman
de murs (Justine) à une intrigue finalement policière
(le meurtre de Toto pendant le bal des Cervoni).
Arrive Mountolive ! Mountolive et ce roman brillantissime qui opère
un renversement à 180 degrés, dans le style, dans l'intrigue,
jusque dans le schéma narratif. Le lecteur, soudain, ne sait plus
où donner de la tête, il se faufile avec Mountolive dans
les arcanes (humaines, terriblement humaines) des services diplomatiques,
il halète avec Memlik Pacha sur un décor de scène
politique internationale au Proche-Orient, il sanglote avec Leïla,
il se recroqueville devant Narouz furieux, il devient évanescent
avec Liza, il devient finalement insomniaque à force de passer
ses nuits sur ce roman dont il n'arrive pas à se défaire.
Une question toutefois le taraude : qui ? Qui est le narrateur
de ce troisième volume ? Le découpage en chapitres
diffère notablement des deux premiers, le narrateur emploie la
troisième personne du singulier, "il" parle de Darley
(narrateur de Justine et Balthazar), en des termes d'ailleurs
assez peu élogieux. Visiblement, le narrateur n'est donc plus Darley
lui-même, ce besogneux de l'écriture alignant douloureusement
ses paragraphes les uns derrière les autres. Alors qui ? Il
me semble que la réponse viendra dans Clea.
Las, avec le dernier volume, c'est la rechute ! On retombe dans le
style Darley, pesant, lancinant
Plus rapide toutefois. Les situations
en suspens se résolvent à toute allure, une légère
impression que l'auteur est en train de bâcler, emballez, c'est
pesé, rideau
Or c'est à ce moment-là, me semble-t-il,
que surgissent, en prenant le lecteur totalement au dépourvu, ce
qui m'apparaît comme la clé de voûte de l'uvre,
à savoir trois scènes qui me paraissent essentielles :
1) Darley brûlant les lettres de Pursewarden en compagnie de Liza
2) Le journal posthume de Pursewarden adressé à Darley (Frère
l'Âne)
3) L'accident de Clea qui perd la main qui lui servait à peindre.
Ceci est, à mon sens à mettre en relation avec l'ombre de
Sade qui plane sur tout le roman. Le journal de Pursewarden à Frère
l'Âne est un appel à la révolution littéraire
la plus totale qui soit. Il faut mettre cul par-dessus tête toute
la littérature ! Pursewarden ne cesse d'apostropher ce pauvre,
malheureux, minable, incapable, niaiseux Darley qui n'arrivera jamais,
au grand jamais, à aligner trois mots de littérature tant
qu'il restera aussi lisse, onctueux, propre sur lui, merveilleusement
inséré dans la société dont il vit, dont il
jouit sans le moindre effort.
p. 854 : "Réveille-toi, crétin ! laisse-moi te prendre
par tes grandes oreilles d'âne et t'emmener au galop à travers
les figures de cire de notre littérature, parmi les Kodaks bon
marché prenant chacun leurs instantanés monochromes de la
prétendue réalité
"
p. 855 : "Nous contenterons-nous toujours de cette macédoine
en conserve rance du roman subventionné ?"
p. 878 : "Nous éprouvons une peur innée d'abandonner
notre pitoyable moralité rationalisée. Et le salut poétique
que j'annonce ne peut s'accomplir que de l'autre côté. Il
n'est effrayant que parce que nous refusons de reconnaître en nous-mêmes
les horribles gargouilles qui ornent les mâts totémiques
de nos églises, le meurtrier, le menteur, l'adultère et
ainsi de suite
"
p. 855 : "La littérature doit-elle être un pionnier
ou du bromure ?"
p. 861 : "L'art ne serait-il que le petit bâton blanc qu'on
donne à l'aveugle et à l'aide duquel il tâtonne sur
une route qu'il ne voit pas mais dont il est certain qu'elle existe ?
Frère l'Âne, c'est à toi de décider."
p. 862 : "Tu croyais pouvoir t'en tirer simplement en démontrant
ton habileté à manier les mots. Mais les mots
ce n'est
qu'une harpe éolienne, ou un xylophone de bazar
!"
p. 855 : "En réalité, ce n'est pas l'art qui est
en question, c'est nous-mêmes"
p. 863 : "Si tu veux être, je ne dirai pas original, mais
simplement contemporain, tu devrais essayer un carré, comme au
poker, sous forme de roman, passer un axe commun à travers les
quatre histoires, par exemple [
] Une continuum, ma foi, incarnant
non pas un temps retrouvé, mais un temps délivré.
La courbure de l'espace te donnerait un récit de forme stéréoscopique,
etc."
p. 863 : "Le grand écrivain à des contraintes qui
sont déterminées par la psyché et dont on ne peut
faire abstraction. Où est-il ? Où est-il ?"
p. 868 : "Car je vois de plus en plus nettement l'art comme une
sorte de fumier nécessaire à la psyché. Il ne renferme
aucune intention, aucune théologie. En nourrissant l'âme,
en la fumant, il l'aide à trouver son niveau, comme l'eau. Ce niveau
est une innocence originelle. Qui a inventé la perversion du Péché
originel, cette dégoûtante obscénité de l'Occident
?"
Autrement dit, Pursewarden appelle à une immense provocation :
embraser la littérature comme Sade voulait embraser le monde ("Combien
de fois sacredieu ai-je désiré que l'on pût attaquer
le soleil, en priver l'univers ou s'en servir pour embraser le monde."
Sade). Et pour cela décrire l'indescriptible, le désir de
violence et la violence du désir, chercher l'ébranlement
qui provoque le lecteur, la recherche de l'émotion par l'imaginaire
car c'est l'imaginaire qui nourrit le désir, or le désir
est au-dessus de tout. Et tout est bon pour le satisfaire, notamment la
sursaturation permanente de tout, qui est aussi une référence
à Sade ("Tout est bon quand il est excessif" disait
ce dernier) : luxuriance de la nature à Karm Abu Girg, surpopulation
dans la description des bals, des fêtes ou dans les rues, sursaturation
des citations d'Arnauti et de Purserwarden, intranquillité permanente
de Justine, de Narouz, de tous les personnages, logorrhée de Scobie,
de Pombal, sursaturation des sexes, jusqu'aux fillettes du bordel d'enfants
qui sont comme une nuée fondant sur les personnages qui y pénètrent
par mégarde. Le monde, le roman du monde, est plein comme un uf,
il y a du Brueghel chez Lawrence. Mais il faut en passer par là,
pour entrer en littérature, il faut se dépouiller, laisser
sa dépouille, se laisser soi-même, pour passer de l'autre
côté (p. 878 : "Ce que nous appelons vivre n'est
en réalité qu'un acte de l'imagination.") Ce drapeau
noir de la littérature me fait penser à certains textes/chansons
de Léo Ferré légèrement antérieurs
au Quatuor : La solitude, Il n'y a plus rien, Préface,
Ni Dieu ni maître
(Pursewarden aurait pu citer Ferré :
"Le désespoir est une forme supérieure de la critique,
pour l'instant, nous l'appellerons bonheur
") Or Darley
passe de l'autre côté. Symboliquement. En brûlant les
lettres de Pursewarden. Ces lettres que l'écrivaillon falot qu'il
était aurait conservées comme la prunelle de ses yeux, petitement,
comme autant de talismans tutélaires dont il ne se serait jamais
affranchi, continuant à gratter misérablement l'épaisseur
de feuilles de papier toujours plus nombreuses et toujours vouées
à l'oubli dans le tourbillon des siècles
Il passe
de l'autre côté et il est, à mon sens le véritable
narrateur de Mountolive, mais un narrateur enfin devenu écrivain !
(Durrell indique que les livres qui sont les quatre lettres du mot love
peuvent être lus dans n'importe quel ordre : ils peuvent donc aussi
avoir été écrits dans n'importe quel ordre
)
Enfin, revêtu de ces nouveaux emblèmes, Darley "aide"
Clea à franchir le Styx en lui brisant la main qui peignait, qui
peignait toujours de la même manière, qui la tenait à
l'écart, non pas de son art, mais de l'Art : mourir à ce
monde pour renaître dans le vrai monde, celui de l'artiste, du véritable
artiste. Et Clea recommencera à peindre. Les derniers mots qu'elle
prononce à la fin du roman sont : "J'attends, parfaitement
heureuse et sereine ; je me sens devenue une créature humaine réelle,
une artiste, enfin." Ils se retrouveront à Paris
De tout cela, un seul personnage demeure à l'écart qui m'émeut
personnellement : alors que tous les autres s'épuisent à
courir frénétiquement à la recherche d'eux-mêmes,
alors qu'ils deviennent tous dingues à force de se torturer avec
"pour seule préoccupation d'apprendre à se résigner
au désespoir", Mélissa demeure calme et immaculée
malgré les outrages qu'elle subit (comme la vraie Justine de Sade
),
d'une élégance qui a depuis longtemps sublimé le
désespoir. Mélissa est déjà passée
de l'autre côté.
"Comment vous défendez-vous contre la solitude ?",
"Monsieur, je suis devenue la solitude même". Mélissa,
de toute éternité, se trouve de l'autre côté
Livre ½ ouvert.
Audrey
Je n'ai lu que 100 pages ce qui me paraît trop peu pour en parler.
Françoise H
J'ai tout lu. Moi, j'avais un a priori positif, car je l'avais lu il y
a quelques années à un moment où j'étais très
amoureuse ! Là je l'ai relu de façon discontinue, et
ça a été très agréable par moment,
mais j'étais gênée par l'absence d'une intrigue serrée
qui aurait lié les personnages entre eux. J'ai beaucoup pensé
à Belle du Seigneur
Plusieurs
Oh... Ah... (signifiant un certain nombre d'accords avec Françoise)
Françoise H
Puis j'ai été gênée par toutes les considérations
du narrateur sur la nature ou la fonction de la littérature, c'est
comme si on était convié à un bon repas et que l'on
nous expliquait comment tout a été préparé.
On lui demande de faire une uvre et non pas de dire comment il fait.
Il y a trois impressions de lecture pour lesquelles je recommanderai de
découvrir cette uvre :
- Durrell a de l'amour pour ses personnages. Moi j'adore Justine, Mountolive,
Melissa, Clea, etc., je pourrais les reconnaître dans la rue, ils
me sont devenus familiers. Durrell nous les livre avec beaucoup de "lacunes",
il ne se préoccupe pas de lier entre elles les différentes
facettes de ces personnes. Et si Justine organise en effet ses plaisirs,
c'est aussi une passionaria de la cause palestinienne sans qu'il ait besoin
de nous indiquer comme tout cela se tient. Je lui sais gré de ne
pas chercher à expliquer cette complexité ou cette ambivalence
- ce charme de la nature humaine.
- Durrell restitue bien les impressions des personnages. Deux passages
m'ont très émue : au début de Mountolive,
au retour à Alexandrie, il rend la sensation du retour à
la maison avec l'idée que les choses sont belles et à leur
place, dans leur beauté du quotidien ; lorsque Darley part
de son île, cela se passe la nuit, il y a un clair de lune on se
croirait dans un tableau du Caravage : mélange de conspiration
et de beauté.
- Durrell sait bien décrire la vie dans ce qu'elle a de pesant
et aussi dans toutes ses possibilités d'échappée
belle. Darley est saisi dans le quotidien de sa vie de bureau, qu'il vive
les évènements les plus routiniers ou qu'il soit pris dans
les affres de ses spéculations amoureuses, mais aussi Durrell nous
le montre l'instant d'après, le temps de descendre l'escalier de
son hôtel, ébloui ou sidéré par la beauté
du Caire.
Livre ½ ouvert.
Éléonore
J'ai lu 100 pages. Je ne me suis pas pris la tête. Je n'attendais
rien. C'était assez facile de rentrer dans le livre, j'étais
portée par les atmosphères, je cherchais à sentir,
non pas à comprendre. Le texte me coulait sur la peau et ça
passait tout seul. Moi, j'ai l'impression qu'il n'y a pas de construction,
pas d'histoire et que l'auteur se laisse porter par sensations. J'étais
dans le charme d'un monde où Alexandrie est le support pour un
ailleurs qui n'existe pas, avec des règles différentes.
Ça m'allait très bien. Je me suis laissé bercer par
son univers.
J'ai aimé aussi les différentes images de la femme. Soit
Mélissa qui danse et se prostitue, partagée entre amour
et réalité. Soit Justine, se penchant sur le ftus
et trompant son mari. Tout ceci fait la vie de la femme : prostitution,
amour, etc. Par exemple quand Justine se penche sur le ftus, on
ne sait pas ce qu'elle ressent. On peut tout imaginer autour de cette
maternité échouée. Je ne voulais pas la juger. Si
on inversait les rôles Justine/Nassim, Femme/Homme, on aurait trouvé
ça normal. Je crois que la question de la vertu de Justine ne se
pose pas et que l'on ne doit pas la juger sur ses murs.
Émilie
J'ai tout lu. J'ai eu l'impression de passer à côté
d'un chef-d'uvre et de m'être gavée lors d'un bon repas.
Je l'ai lu trop vite. Le parallèle fait par Françoise avec
Belle du seigneur me parle. J'ai plus apprécié et
compris Justine en avançant dans la lecture. Les tomes complétaient
les précédents en apportant des fragments qui complétaient
le début. Dans l'intrigue politique et sentimentale, on découvre
des doubles vies et des destins très particuliers.
L'aspect géopolitique m'a plu dans Mountolive. Puis des
traits d'humour m'ont fait rire. Mais les personnages ne m'ont pas touchée.
Je n'ai pas eu d'émotions. Pour finir, je dirais que j'ai une impression
de confusion. Je suis contente d'être allée jusqu'au bout
et devrais peut-être y retourner pour mieux savourer. Je crois que
c'est exceptionnel mais je n'ai pas pu savourer comme j'aurais voulu.
Je me demande dans quel ordre ont été écrits les
tomes. Livre ¾ ouvert.
Nathalie B
J'ai lu 100 pages. J'ai beaucoup tourné autour avant de finalement
me lancer, à quelques jours de notre rendez-vous. En fait le livre
m'a happée et bousculée. J'ai même été
séduite par la ville, alors que Alexandrie ne me tentait pas. Je
trouve que ce n'est pas seulement l'histoire du narrateur qui devient
écrivain au fil de son uvre, mais cest aussi un apprentissage
conduit par lauteur pour aider son lecteur à le devenir.
Ces quelques 100 pages m'ont permis de me re-détricoter sur le
plan moral (je maperçois que je suis devenue avec les années
bien moralisante !). Les personnages sont passionnants. Justine est
une femme qui prend, éternelle insatisfaite car elle aspire à
quelque chose sans savoir, comprendre, de quoi il sagit exactement.
Mélissa est une femme généreuse qui donne sans rien
demander en retour
Je me sentais curieuse, fascinée et interrogée
sur le rapport au corps et à la sensualité tels quils
sont racontés. Il me reste des sons et des odeurs d'Alexandrie.
La ville, telle quelle est décrite, dégage une ambiance
mortifère et lauteur fait ressentir la fin dun monde.
Les mots pourriture, charogne
sont beaucoup utilisés. Il
y a effectivement quelque chose de Belle du Seigneur, du moins
quand lauteur parle directement au lecteur, ne cesse de lui faire
des clins dil. Si jen crois ce quen dit Julius,
je pense quune des ambitions du livre est d'apprendre au lecteur
à l'être et à l'élever, marche après
marche, roman après roman. En tout cas, jai envie daller
jusquau bout de cette lecture.
Valérie
J'avais déjà lu ce livre il y a 25 ans et avais été
subjuguée. Je trouve que vous manquez de romantisme. Dans Balthazar,
quand il part vivre avec l'enfant, ça me paraît très
romantique.
Là je n'ai pas tout relu. Ce personnage de Justine m'a subjuguée,
je souhaiterais à chaque femme d'avoir une part de Justine. Je
me fous qu'elle soit morale ou pas. Elle est torturée et c'est
ça qui est important. Ce qui m'intéresse, c'est ce qu'elle
a dans la tête et pas ce qu'elle fait de son corps. J'étais
en revanche très ennuyée par la chasse au canard par exemple.
J'ai été fascinée par la mère de Nassim, cloitrée
à cause de la petite vérole : ce personnage m'a intéressée.
J'ai été questionnée aussi sur la beauté et
la laideur à travers la description du frère de Nassim.
Ce qui est décrit d'Alexandrie c'est la réalité de
l'Egypte : oui c'est sale mais je ne retiens pas que ça. C'est
dommage de n'en garder que les odeurs fétides. Et j'ai été
émue par les bordels d'enfants.
DOCUMENTATION
SUR L'AUTEUR ET LE LIVRE
Une biographie en rapport avec
Le Quatuor : la postface
de Christine Savinel commence par une "Biographie excentrique"
d'un "Irlandais méditerranéen" : la voici
ICI.
Un entretien avec Lawrence Durrell
spécifiquement sur Le Quatuor et la période de sa
vie où il l'a écrit : ICI.
Des photos d'Alexandrie,
accompagnées de petits textes du Quatuor,
extraites du beau livre Alexandrie d'Égypte : les lieux
du Quatuor d'Alexandrie, éd. Eric Kohler, 1989, photos de Rodolphe
Hammadi : ICI.
Une émission de radio
récente
À France Inter, Cosmopolitan
de Paula Jacques, 59 min : une soirée sur Lawrence Durrell enregistrée
le 19 avril 2014 au Théâtre de l'Odéon, avec Mathias
Enard et des textes lus par Olivier Cruveiller.
Extraits de la correspondance avec Henry
Miller à propos du Quatuor :
LÀ
Des articles
- Lors de la publication du quadruple volume en poche : Quatre
romans fondateurs à l'orée des années 1960, Martine
Silber, Le Monde, 13 juillet 2002
- Relire
le Quatuor d'Alexandrie..., Le Monde, 7 décembre
1990
- Durrell
du désir, Mathieu Lindon, Libération, 27 février
2012. L'écrivain britannique aurait eu 100 ans : des rééditions
et la publication d'un inédit saluent son uvre.
- Interview du metteur en scène Stuart Seide
qui a adapté Le Quatuor pour le festival d'Avignon en 2002 :
"Alexandrie"
Alexandrame, René Solis, Libération, 13 juillet
2002.
Des films
- Justine, film américain réalisé
par George Cukor, sorti en 1969, avec Anouk Aimée (Justine), Dirk
Bogarde (Pursewarden), Robert Forster (Narouz), Anna Karina (Melissa),
Philippe Noiret (Pombal), visible sur Internet : ICI.
Et sur Lawrence Durell, des films sur le site de
l'INA :
- Lawrence
George Durrell : images de France, 23 octobre 1970, 49 min
- Lawrence
Durrell sur le bouddhisme, 17 avril 1968, 2 min 30 (Durrell, attiré
par le taoïsme, déclinaison du bouddhisme Mahâyanâ,
est l'auteur du Sourire
du Tao).
- Extrait d'Apostrophes
avec Lawrence Durrell, 4 juin 1985, 8 min.
Un essai littéraire
d'une écrivaine sur l'écrivain
Lawrence Durell
Une
vie de paysages, Béatrice Commengé, Verdier, 2016
(voir la présentation de Monique Petillon dans
Le Monde, 14 avril 2016)
Des études
- Une étude universitaire littéraire sur Le Quatuor
: Le
Quatuor d'Alexandrie
de Durrell : roman de la relativité, Jacques Pelletier
(Université de Laval), Études
littéraires, vol 3, n° 1, 1970.
- Une étude psy : Le
quatuor d'Alexandrie de Lawrence Durrell : une mise en acte de la structure
quaternaire du désir, Anne Juranville, revue Psychologie
clinique, n° 34, 2012.
Nos
cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
à la folie, beaucoup,
moyennement, un peu, pas du tout
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