Lawrence Durell
(1912-1990)

(en un seul livre :
1053 pages
)

Le Quatuor d'Alexandrie (The Alexandria Quartet) est un ensemble de quatre romans écrits par l'écrivain britannique Lawrence Durrell, publiés entre 1957 et 1960. Ils présentent plusieurs perspectives différentes sur un même ensemble d'événements et de personnages, situé à Alexandrie avant et pendant la Seconde Guerre mondiale.


édition anglaise d'origine (1962)

 

Lawrence Durrell
Le Quatuor d'Alexandrie

Le Quatuor d’Alexandrie comporte quatre romans :
- Justine
- Balthazar
- Mountolive
- Clea.

Nous avons lu ce quadruple livre pendant l'été 2016.
Voir en bas de page des infos sur le livre et l'auteur. 

Rozenn
J'ai à peine commencé Justine… J'ai tenté de m'y atteler à deux reprises… Je n'ai rien de plus à en dire, sauf quelques phrases m'ont arrêtée, m'accrochaient, mais pas le livre lui-même.
Séverine
Je ne vais pas pouvoir être là vendredi et j'en suis désolée car j'avais envie de défendre Le quatuor d'Alexandrie qui va peut-être connaître nombre de foudres (j'ai hâte de lire les avis car j'ai un mauvais pressentiment… mais peut-être que je me trompe).
Déjà, je tiens à dire que j'ai lu ENTIÈREMENT Le quatuor ! Cela a été, certes, un marathon mais quel marathon ! C'est simple, j'ai adoré ce(s) livre(s). Je reconnais qu'il faut passer les longueurs poétiques sur Alexandrie du premier livre pour entrer dans l'histoire et avoir envie d'en savoir plus sur les différents personnages. J'ai trouvé très habile le fait d'enrichir progressivement l'histoire en donnant des points de vue différents sur les personnages. Je crois surtout que j'ai aimé être bercée par cette atmosphère égyptienne que je ne soupçonnais pas : cette sorte de melting pot culturel égypto-européen. J'avais l'impression d'y être.
Il y a tout de même une sorte de fatalisme et de tragédie grecque avec tous ces morts, tous ces malheurs… heureusement Clea n'est pas morte car là, ça aurait fait beaucoup !!! J'avoue que j'ai eu un faible pour les personnages de Nessim et de Narouz. J'ai aimé la faiblesse du premier et j'ai trouvé très beau le second même s'il était physiquement pas aidé, apparemment ! Bref, cet opus, feuilleton ? saga ? m'a envoûtée et je l'ai finalement dévoré sans plus me rendre compte de sa longueur.
Et pour finir, je dirais juste un truc sur le style : il faudrait prendre le temps de le relire (!) pour mieux analyser le changement de style d'un livre à l'autre. Je ne saurais dire en détails, mais je n'ai pas eu le même sentiment de lecture d'un livre à l'autre et j'ai trouvé que l'écriture s'allégeait en avançant… ; et pour ce qui est de toute la réflexion sur l'écriture de Darley/narrateur, je dirais juste que ça ne m'a pas interpellée (et intéressée) car je n'aime pas les romans qui parlent de littérature tout comme les films qui parlent de cinéma...
Annick L (avis transmis)
Mon expérience de lecture de ce roman pourrait s'apparenter à une course d'endurance qui m'a occupée durant tout le mois de Juillet, à côté d'activités beaucoup plus sympathiques, fort heureusement. Je l'ai entamée dans de bonnes dispositions : j'avais enfin l'occasion de découvrir ce "chef-d'œuvre" de la littérature anglo-saxonne réputé (le préfacier compare Durrell à Faulkner et à Joyce, pas moins !), au projet ambitieux (articulant quatre parties), dont j'avais souvent entendu parler. Déception immédiate, dès la première partie (Justine) : une prose lyrique et pompeuse, des descriptions interminables et souvent redondantes, et surtout des personnages assez détestables, en particulier le narrateur, jeune homme sans consistance et pourtant suffisant (avec son statut d'Européen en Égypte) qui a le projet de devenir un écrivain. Sa vision misogyne des femmes et des relations amoureuses m'a été particulièrement insupportable. Courageusement j'ai entamé la seconde partie Balthazar en me disant que ce nouveau point de vue serait peut-être plus intéressant, ce personnage paraissant d'une volée spirituelle et intellectuelle bien supérieure… hélas : même enflure stylistique, même prétention dans le regard porté sur ce pays, sa culture, son mode de vie (très surannée, sentant à plein nez son colonialisme). Là, j'ai failli arrêter à plusieurs reprises et je ne pouvais poursuivre que par à-coups, en survolant de grands passages. Heureusement que je suis à la retraite et que j'ai du temps à perdre ! Je me suis alors fixé l'objectif d'aller coûte que coûte jusqu'au début de la troisième partie, pour voir où menait cette construction en mosaïque (une forme de curiosité). Bien m'en a pris car j'ai trouvé celle-ci, centrée sur Mountolive, le personnage du diplomate, beaucoup plus intéressante dans sa dimension historique et géo-politique (je l'ai lu comme un témoignage sur l'époque et les relations entre l'Europe et le Moyen-Orient). Du coup j'ai survolé la quatrième partie où mon âme de midinette a enfin pu trouver satisfaction avec cette romance amoureuse un peu plus sympathique que dans la première partie (le jeune homme ayant mûri et se montrant enfin capable d'engagement dans ses sentiments amoureux).
Au final une lecture peu plaisante, voire ennuyeuse, sauvée par l'une des quatre parties… je l'ouvre donc au quart. Je lirai vos avis avec beaucoup de curiosité.

Nathalie R
Ce fut une lecture chaotique. J'ai souffert… J'ai l'habitude de lire vite et là, il y avait une profusion de vocabulaire, des adjectifs inattendus et déroutants - "côtes croulantes", "sac prométhéen", "jaune amie"...- qui retardaient la lecture et brouillaient le décodage rapide du texte. J'ai continué néanmoins en suivant l'avis de mon entourage si enthousiaste sur ce livre. Il a l'art de faire naître des images précises des lieux et des ambiances inconnues ; j'ai souvent pensé à Victor Hugo et à ses personnages grotesques, des personnages qui deviennent des monstres de par les descriptions subjectives. Je pense plus particulièrement à Narouz ou à Leila quand elle est décrite lors de la rencontre avec Mountolive des années après leur idylle. Il y a une destruction et une reconstruction permanentes de kaléidoscope, qui laissent entendre que les êtres ne sont pas ce que l'on croit ou ce qu'eux-mêmes pensent être. Ainsi, un simple tarbouche peut-il transformer "complètement" l'apparence de Mountolive en "homme quelconque" p.706. J'ai été très souvent gênée par les notes qu'il faut aller chercher à la fin, d'autant plus que la compilation des quatre livres rend l'ouvrage lourd à manipuler ! C'est devenu intéressant pour moi à partir de la page 250, j'ai ainsi pu commencer à prendre des notes.

Brigitte
Qu'est-ce que ça signifie que tu prennes des notes ?
Nathalie
Que ça m'intéresse. Les descriptions, quoique longues, sont la plupart du temps enchanteresses et féeriques. Je pense que ces images sont gravées en moi pour de longues années (descriptions du carnaval, de la maison au fond du désert, des bas quartiers). J'ai appris beaucoup de mots. Même si certaines affirmations stéréotypées (sur la femme orientale p. 629 ou la femme calculatrice p. 469, sur la pauvreté de la langue arabe pour dire les sentiments "car personne ne peut penser ou exprimer ses sentiments à l'aide du seul arable désuet et dans dimensions" p. 464), je n'ai pas été gênée par l'aspect colonialiste du propos. C'est une œuvre ancrée dans une époque, et il me semble que tout ce qui est dit est dit à partir d'une vision limitée, comme le halo d'un phare conique. Tout est à relativiser et n'a pas l'ambition de donner une vision ethnologique ou sociologique du pays. Pour moi, on ne peut comprendre le projet ni en mesurer le sens, si on n'a pas lu les 4 livres du Quatuor, d'autant plus que toute l'œuvre est jalonnée d'explications sur l'écriture et la recherche de la vérité ou de la réalité (p. 748) du temps avec une tentative de définition sur le présent permanent p. 750 : "je commençais à vivre entre les battements de la pendule".
Bien que j'aie eu à faire un gros effort, j'ouvre aux ¾. Les descriptions sont magnifiques.
Jacqueline
J'ai lu les 4 et je suis contente de les avoir lus et d'avoir vécu ce jeu de changement d'optique où chacun ressent à sa manière les événements, avec l'évolution de sa perception dans le temps. J'ai eu beaucoup de mal au début. Nathalie en donne peut-être une explication que je n'avais pas su voir. Justine est un peu suranné. Je n'adhérais pas à l'idée que cet ensemble permettrait de connaître Alexandrie : peut-on se fier à Durrell qui ailleurs parle de son amour de la Provence en lui attribuant des événements qui me paraissent discutables ?... Je reconnais son érudition quant à l'Egypte, mais cela ne m'a pas convaincue... Pourtant il crée un monde à découvrir. A partir de Mountolive, j'ai accroché et j'ai cru à ce personnage de diplomate et au milieu dans lequel il évoluait... J'ai commencé à comprendre le projet de Durrell et son aspect proustien de réflexion sur la vie. Chaque événement va donner lieu à des renversements de points de vue ou d'interprétation selon qui l'évoque et à quel moment. A la fin de Justine on peut soupçonner Nessim de meurtre. Il y a un aspect roman policier dans ces retournements... J'ai été sensible à la mise en abyme du travail de l'écrivain à travers de nombreux exemples... Par contre, je ne peux ni prendre au sérieux l'histoire de Scobie, ni complètement m'intéresser à la plupart des personnages...
J'ouvre à moitié. Je suis contente de l'avoir lu.
Monique L
J'ai lu jusqu'au bout… ce ne fut pas une lecture aisée. On se demande où le narrateur nous emmène, et comme ce n'est pas chronologique, on se trouve face à un gigantesque puzzle dont on ne dispose pas de toutes les pièces. Très souvent, on découvre qui parle ou de qui l'on parle après avoir bien entamé la lecture. L'auteur nous perd dans des développements de sujets divers. C'est un kaléidoscope ou un bric-à-brac.
Le style de Durrell n'est pas facile. Il est beaucoup trop verbeux. Certaines des images qu'il emploie m'ont paru gratuites voire surfaites. L'idée, la construction, certains passages sont intéressants mais l'ensemble m'a paru lassant. Justine fut ennuyeuse, Balthazar intéressant, Mountolive m'a plu. J'aurais arrêté la lecture dès Justine si cela n'avait été pour le groupe lecture.
Chacun voit les événements suivant son caractère, son vécu, ce qu'il sait. L'approche des personnages par touches successives est très réussie, avec cette vision prismatique qui est évoquée p. 36. Quelle est la bonne vision ?
Je trouve que ç'aurait pu être un chef d'œuvre si ça n'avait pas été noyé dans cette prose assommante, avec des parties parfois indigestes - j'ai sauté des descriptions. J'ai été déçue par Clea, c'est autre chose, décevant. J'ouvre à ½, certains passages sont toutefois très intéressants.

Brigitte
Je me rappelle d'avoir lu Justine dans le groupe il y a bien longtemps. J'avais été un peu déçue, sachant qu'on en fait tout un plat… J'avais un souvenir de marécages… J'ai repris au commencement ; le début est difficile. Je suis contente de l'avoir lu. ll faut lire les 4. Les adjectifs, les comparaisons, ça m'a beaucoup plu, ça enrichit : c'est tellement inattendu, rare, dénué de poncifs, ça nous force à changer notre regard, ça nous déplace. Restée en Normandie l'été, j'ai en fait passé un mois à Alexandrie, et pas seulement : on va et vient au bord de la mer, dans le désert, dans les rues romaines, au café… Un mois à Alexandrie bien entendu dans les années 38…

Claire
Vous avez vu que j'ai mis en ligne des photos d'Alexandrie de l'époque, magnifiques (ici)…
Brigitte
Je suis d'accord : à partir de Mountolive, c'est plus facile, car c'est plus classique. Il y a une grande richesse, et cet aspect prismatique… c'est l'époque de Picasso. Il nous met en attente - on revoit les choses autrement ; et dans notre vie c'est pareil. J'ai lu toutes les notes et j'ai vu que Durrell déteste Trollope dont j'ai lu deux livres. J'ai lu les critiques de Durrell à ma belle-fille qui a répondu avec ses arguments - on a donc débattu avec Durell à ce sujet… Bref Le Quatuor est une expérience littéraire très intéressante. J'ouvre en grand. C'est un visionnaire (cf. le djihad) ; les descriptions et les scènes dans le désert sont très belles.
Monique S
J'avais lu Le Quatuor d'Alexandrie en 1989 et j'ai le souvenir d'un éblouissement littéraire ! Pour la forme du récit, essentiellement, la complexité de l'intrigue, les retournements... J'avais été un peu déçue par le 4e où il travaille sur la temporalité (c'est la suite, alors qu'avant ce sont les différentes couches et les différentes visions). J'ai relu Justine et en partie Balthazar. J'ai conservé le même enthousiasme. J'aime encore autant : l'écriture brillante, la complexité mystérieuse des personnages, la discontinuité du récit (on passe d'un personnage à l'autre, à des descriptions et à de réflexions), la ville d'Alexandrie qui est LE personnage, vivante comme une pâte à pain fermentant son levain, mélangeant toutes les cultures, toutes les religions, les bien-portants et les malades, les riches et les pauvres... On ne sait plus si ce sont les hommes qui fondent la ville, ou si c'est la ville, son climat, son atmosphère, qui fondent les hommes, leurs sentiments et leurs pensées. En relisant, j'ai retrouvé toutes mes premières impressions de lecture. La relecture aujourd'hui me rend par contre très présents à l'esprit le nouvel état du monde, le durcissement des communautés, les radicalisations, le grand rétrécissement de liberté dans les expressions et les modes de vie... J'ouvre en grand.
Danièle
Je ne l'ai pas lu jusqu'au bout. Je lis habituellement très vite, comme toi Nathalie, mais là n'y arrivais pas, car il me fallait relire pour comprendre. C'est un très beau style et j'étais gênée de devoir être freinée dans ma lecture. Dans Balthazar, ainsi, j'ai du lire lentement et je me suis lassée. Alexandrie est un personnage important : je suis déçue car je ne ressens pas d'atmosphère. C'est très occidental, très précieux, il n'y a rien d'oriental, tout est phagocyté par l'œil occidental de Durrell, même si c'est très réussi. Je n'ai pas lu Mountolive et Clea. Il y a une relation originale entre les deux frères. J'ai apprécié les divers prismes à travers lesquels on voit les personnages, dûs surtout au fait que certains savent des choses que les autres ignorent. S'agit-il d'ailleurs de prisme ? J'ouvre ½.
Annick A
J'ai lu les 4 livres, sans difficulté et avec un a priori très positif. Oui, avec Justine j'ai eu un peu de mal. Mais ce livre ne prend sens que si on lit les 4. J'ai découvert la ville d'Alexandrie, son ambiance. J'ai adoré les passages sur le désert. J'ai été émerveillée. Les personnages sont intéressants. Darley est fou amoureux de Justine. La réalité n'existe que dans l'imaginaire de chacun. Darley aime Justine et ne se rend pas compte qu'elle ne l'aime pas. C'est extrêmement bien fait. Les lettres de Leila et Mountolive sont superbes. C'est un des premiers livres donnant ainsi des regards différents. Oui, il y a quelques longueurs, j'ai sauté certaines descriptions. Mais j'ai été portée par cette très belle écriture. J'ai beaucoup aimé. Mais parfois l'atmosphère est morbide et nous met mal à l'aise. C'est un grand livre, j'ouvre aux ¾. J'ai bien aimé Balthazar, c'est là que le livre prend son sens. A la fin du 3e tome, j'avais envie de relire Justine. Clea, le dernier livre, lui, se déroule dans le temps.

Richard
J'ai beaucoup voyagé pendant que je lisais ce livre sur liseuse, je l'ai donc lu dans l'avion, dans le train, en voiture, en bateau… et je n'étais pas bien disponible.

François
Tu l'as lu en anglais, Richard (avec accent frimeur sur Richard) ?

Richard
Oui. Je n'ai lu que Justine et une partie de Balthazar. Pourquoi est-ce si difficile ? J'ai fait une chose que je ne fais jamais, je suis allée voir ce que les experts anglais disent : ils disent que Justine est le plus facile.

Plusieurs
Quoi !!!!!

Richard
C'est certes une superbe description d'Alexandrie comme personnage. Les points de vue différents pour montrer comment les personnages vivent les mêmes événements, c'est génial. Mais les descriptions sont trop recherchées. Les adjonctions d'adjectifs aux substantifs participent à la difficulté de lecture. Le style ? C'est plat... en tout cas en anglais... c'est peut-être bien meilleur en français... ça ressemble à un texte d'élève de terminale. Il y a des phrases qui font passer des idées, par exemple : on ne connaît jamais personne sans avoir fait l'amour avec ; je ne vous demanderai pas votre avis, mais je ne suis pas d'accord. Je sais maintenant ce que veut dire boustrophédon

Claire
C'est quoi ?
Richard
Cela consiste à écrire et lire de gauche à droite puis de droite à gauche, et ainsi de suite. Je le placerai dans un diner en ville.
Je l'ouvre à ½ par humilité, car je sais que je n'ai pas rendu justice à Durrell en lisant trop peu.
Liz
J'ai été intéressée par vos avis. Je l'ai lu en français, ce qui était difficile, je l'ai alors pris en anglais et je l'ai lu en français avec l'anglais à côté pour comprendre les mots que je ne connaissais pas. Il y a beaucoup de différences entre les deux langues dans les descriptions. La traduction a dû être difficile.
J'ai lu seulement Justine. J'aime beaucoup le style d'écriture de Durrell, qui est un peu éclectique : il présente des personnages sans ordre particulier, il saute de l'un à l'autre avec juste assez de détails pour préparer le terrain pour les événements à suivre, ses descriptions sont vivantes et uniques. J'ai trouvé la complexité des personnages intéressante, ils couvrent tout le spectre : de Clea, une femme authentique, généreuse, gentille, à Scobie un alcoolique pédophile. Le traitement de l'amour est intriguant : comme un psychologue, Durrell explore les liens et les dépendances entre les amitiés et les gens amoureux dans les différentes couches sociales ; où sont les frontières de l'amour ? En ce qui concerne Nessim, quelle liberté est-ce que nous pouvons octroyer à nos amants avant de souffrir nous-mêmes ? Pour Justine, l'amour et le sexe sont un médicament : quelque chose de physique, rassurant, qu'elle utilise pour tenter de faire oublier sa dépression, sans égard aux conséquences pour autrui ; elle applique la logique perverse qu'elle doit tromper son mari pour préserver leur relation. En tant qu'anglo-saxonne conservatrice, j'ai trouvé ce comportement très irritant… En fait, comme personnage, j'ai trouvé Justine egocentrique, égoïste, maniaque, sans qualités rédemptrices. J'ai pensé que, comme toujours, ce n'était probablement que son physique qui attirait les hommes, mais Clea était aussi éprise de cette femme. Peut-être les femmes et les hommes les uns comme les autres sont superficiels.
Tout au long du livre, Durrell demande si les actions des personnages sont libres, ou si elles sont le produit des forces de l'histoire et de la puissance de la ville d'Alexandrie. Je viens de finir un livre sur l'histoire longue et colorée de Paris et je me demande si un roman similaire ne pourrait pas être situé à Paris ? L'histoire de la révolution et du carnage ainsi que la réputation romantique de Paris ont sûrement influencé les actions des gens à travers l'histoire et justifie encore la folie des personnages. J'ouvre ½.
Claire
Je suis la seule survivante avec Brigitte à avoir été présente il y a 28 ans dans le groupe lorsque nous avions lu Justine de Durrell dont je ne me souvenais pas du tout ; et à l'époque nous ne prenions pas encore en note nos avis, donc pas possible de retrouver son avis... L'enthousiasme de Fanny, Monique S et Fanfan m'avaient ouvert l'appétit. J'ai été sensible à l'esthétique du livre dans son joli coffret comportant les 4 romans. J'ai attaqué sans lire préface ou postface.
Je comprenais les phrases, mais pas le sens ; je ne voyais pas où ça allait. J'ai insisté mais tout semblait de la guimauve. J'ai retrouvé alors le vieux livre de poche de Justine où j'avais pris quelques notes qui commençaient ainsi : Ennui atroce jusqu'à la p. 75. À la p. 110 apprivoisement, mais je ne goûte pas encore. J'aime bien peu connaître du narrateur. Je vois de l'audace, mais aussi de l'artifice. Pour finir, avis mitigé et je n'ai pas envie de lire les autres. Ça m'a complètement découragée et j'en ai voulu au groupe lecture de programmer un gros livre comme ça... Je préfère la formule un auteur pour l'été de qui on lit ce qu'on veut, biographie éventuellement comprise… C'est vrai que l'été permet un gros livre, mais c'est un risque...
J'ai feuilleté le volume mais rien ne m'a accrochée, c'est d'ailleurs un livre qui ne semble pas possible à feuilleter, d'après ce que vous dites. J'ai lu autour : la postface que je trouve remarquable, avec la biographie et l'analyse, la présentation qui valorise le livre et remplace avantageusement la lecture… La préface, elle, m'est tombée des mains : qui est cet auteur célèbre à fuir, Vladimir Volkoff ? Livre fermé...
La vie de Durrell est très intéressante, mais c'est de l'auteur dont je parle et non de l'œuvre. J'avais dû être intéressée par son côté bouddhisme, car j'ai trouvé dans ma bibliothèque, religieusement couvert, Le sourire du Tao, j'ai tout oublié…

Françoise D
J'ai lu seulement Justine. En entier. Dans le transsibérien... je m'en souviens peu… j'ai donné mon livre à la guide de Mongolie… Je n'ai pas accroché. Je n'ai pas senti la présence d'Alexandrie. J'ai trouvé ça surfait. Je ne crois pas à l'histoire du personnage. Je n'en ai rien retiré. Mais il serait malhonnête de ma part d'avoir un avis sur Le Quatuor

Fanny (qui avait proposé le livre, appuyée par Monique S)
J'ai lu les quatre livres deux fois. La première fois en 2015, je m'étais dit que je le relirai, mais je ne savais pas que ce serait cet été… J'ai eu plaisir à le lire : c'était une lecture lente, que parfois je m'interrompais car c'est très dense. J'ai beaucoup aimé Balthazar.

Annick
C'est ton préféré ?
Fanny
J'ai aimé un peu moins Mountolive. Dans Justine, je ne comprenais pas tout, mais je me suis laissé porter. Balthazar, c'est un point de vue différent de Justine. J'ai eu plaisir à lire Clea avec l'intervention du temps et là où les personnages prennent vie, alors que jusque là, c'étaient des mosaïques. Mountolive retrouve Leila vieillie et changée. Darley retrouve Justine qui a beaucoup changé avec le temps. Darley retrouve Clea plus belle qu'avant, avec son nouveau rire. ("Et maintenant je vous invité à dîner, Clea, pour célébrer ce nouveau rire que vous avez !" p. 820) En fait Leila et Justine se trouvent comme flétries par l'effet du temps (même si cela ne dure qu'un temps pour Justine) tandis que Clea semble s'épanouir dans une nouvelle maturité et donne d'ailleurs son nom à ce dernier roman qui introduit la dimension du temps.
Ce n'est pas superficiel, c'est une lecture introspective, la découverte de soi renvoie à divers points de vue qui se superposent (p. 828 "Il n'y a pas d'Autre ; il n'y a que soi-même perpétuellement aux prises avec ce problème : la découverte de soi !"). J'ai eu plaisir à me laisser porter par le texte, la première fois comme la seconde. Il y a aussi plusieurs passages qui parlent de l'écriture, par exemple Pursewarden note p. 594 des phrases "qui trouveraient place dans son livre" qui sont citées, et on se dit que c'est comme ça que Durrell a fonctionné. Ou dans la lettre de Balthazar qui est citée p. 383, il parle d'"une histoire racontée par couches successives en quelque sorte". Ou encore p. 862 "si tu veux être… je ne dirai pas original, mais simplement contemporain, tu devrais essayer un carré - comme au poker - sous forme de roman ; passer un axe commun à travers les quatre histoires, par exemple, et dédier chacune d'elles aux quatre points cardinaux. Un continuum, ma fois, incarnant non pas un temps retrouvé, mais un temps délivré." Enfin, j'aime beaucoup la dernière phrase p. 996 "Il était une fois…" J'ouvre en grand !

Annick A
Je trouve qu'on n'a pas dit, pas assez dit, que c'est un grand livre sur l'amour.

Nathalie
Dites-moi si j'ai bien compris : Justine couche avec les deux pour avoir les infos, n'est-ce pas ?

Plusieurs
Ouiiiii…

Nathalie
Justine a une névrose profonde… pour moi elle n'est pas vivante.

Annick
Elle renaît au dernier livre.

Annick
Et toi Fanny qui a relu, est-ce que tu vois Justine différemment ?

Fanny
Oui. Est-ce qu'on pourrait lire les 4 volumes dans un autre ordre, je me le demande.

Claire
J'ai feuilleté en bibliothèque la correspondance de Durrell et Miller (ici) en relevant ce qu'ils disent de la préparation du Quatuor, Durrell prévoit qu'on ne comprendra rien...
Je trouve qu'éditorialement et encore plus avec tout ce que vous dites, il devrait être précisé que le premier livre n'a de sens qu'avec les autres. Mais néanmoins si je l'avais su, si je vous avais entendus, très convaincants, avec de commencer à lire, je me demande si j'aurais eu le courage d'affronter Justine jusqu'au bout…

Annick A
C'est normal qu'on ne comprenne pas, plein de fois, je me suis dit : mais qu'est-ce qu'il a voulu dire ? La force de ce livre vient du fait que les choses se mettent en place au fur et à mesure du livre.

Danièle
Oui, pour moi ce n'est pas une vision de prisme dont il a été question, c'est qu'on nous donne des informations au fur et à mesure.

Annick
J'en lisais un peu et puis j'alternais ave d'autres livres, un petit polar et j'avais plaisir à y revenir.

Nathalie
Concernant la façon dont Alexandrie est présentée, chaque personnage avance avec son halo de phares.

Annick
Et chacun n'est fait que du regard de l'autre.

Nathalie
C'est curieux quand il dit : "J'aime les livres français avec leurs pages non découpées. Je ne voudrais pas d'un lecteur paresseux au point de ne pas avoir le courage d'utiliser un couteau contre moi" p. 438.

Françoise D
La scène avec le chameau est horrible !

Plusieurs
Ouiiiii…

Jacqueline
Dans l'introduction, on nous dit qu'il admirait D. H. Lawrence. Richard, est-ce que tu penses qu'il y a une parenté dans l'écriture ?

Richard
D. H. Lawrence, ce n'est pas plat !
Yolaine (avis transmis de Bretagne)
La frustration que j'éprouve à avoir été la seule à achever cette lecture dans le groupe morbihannais me pousse à envoyer mon avis. J'ai éprouvé beaucoup de plaisir à passer cet été accompagnée de cet ouvrage plein d'exotisme : encore une œuvre que je n'aurais pas découverte sans Voix au chapitre.
Pourtant, comme les autres, j'ai d'abord éprouvé quelques difficultés à m'intéresser aux amours de Darley et de Justine. C'est peut-être l'atmosphère alexandrine qui m'a intriguée et encouragée à persévérer, l'ambiance de cette ville que les personnages du roman aiment et détestent à la fois, cette ville écrasée de chaleur le jour, avec ses somptueux couchers de soleil et ses quartiers mal famés aux nuits inquiétantes.
Mais les choses se corsent dès le deuxième volume, l'idée de revivre cette histoire avec les yeux de narrateurs différents, en enrichit les perspectives et ménage des rebondissements qui rendent la lecture passionnante. Ce montage donne une profondeur philosophique au récit ; la vérité n'existe pas, chaque expérience est subjective, tout devient mystérieux, et très oriental.
L'évocation subtile de cette époque à jamais disparue d'une ville cosmopolite au passé grandiose, dans un Moyen-Orient en décomposition, entre bureaucratie, corruption, trafics d'armes, misère et prostitution, à tel point que la guerre y passe presque inaperçue, est perçue d'abord à travers le désespoir ou l'errance des différents personnages. Dans cette histoire, il n'y a pas d'amour heureux. Mais au fil des pages, le style devient de plus en plus lyrique, et dans le dernier volume Clea, les descriptions poétiques m'ont paru éblouissantes et intelligentes, jamais gratuites, toujours en écho profond avec l'intimité des personnages, ainsi qu'en harmonie avec l'environnement. L'épisode de la blessure et noyade de Clea est d'une beauté et d'un suspense cinématographiques.
Un bémol toutefois en raison du côté fastidieux de certaines pages, en particulier les interminables réflexions sur la littérature de Pursewarden, qui m'ont laissée sur le bord de la route. Et pourtant, c'était peut-être le prix à payer pour la naissance de ces pages à l'écriture complètement novatrice et qui paraît encore très moderne aujourd'hui.
Ana-Cristina (du nouveau groupe parisien dont les avis suivent)
Le plaisir et le déplaisir ont été de la partie. Et une fois le livre fermé, je peux dire que je n'y vois pas très clair ! Un bourdonnement de pensées et de sensations s'entremêlent. Je me demande alors si ce remue-ménage n'est pas dû à la complexité de l'œuvre. Ce qui m'amène à cette première question : est-ce que je dois parler de complexité ou de foisonnement ? La postface me souffle le mot "profusion", mais aussi le mot "épure". Christine Savinel écrit : "la manière durrellienne est là, entre profusion et épure". Et c'est entre ces deux extrêmes, la "profusion" et l'"épure" que je peux inscrire la relation houleuse que j'ai entretenue avec cet artiste à la présence imposante et forte, mais je l'avoue aussi très irritante et étouffante.
QU'EST-CE QUI M'A DEPLU ? Je peux donner deux raisons. Toutes les deux liées justement à la notion de "profusion". La première raison porte même un nom. Elle s'appelle la "philosophie de l'introspection" : c'est Lawrence Durrell lui-même qui utilise cette expression… L'auteur veut aller au-delà des apparences et révéler les causes profondes des actions et des pensées des personnages. Et c'est justement la transcription qu'il fait de ses plongées dans les profondeurs de la "psyché" de ses personnages qui ne m'ont pas du tout convaincue. Et pourtant, elles rythment l'œuvre. J'y suis donc souvent confrontée. Pourquoi ces analyses me gênent-elles à ce point ? Parce que je les trouve confuses. L'auteur veut "faire vrai" et moi je trouve que dans ces moment-là il sonne terriblement faux : ses analyses ne m'intéressent pas ; je peux même dire que je les trouve irritantes, elles m'énervent ; elles forment comme une farce indigeste que l'auteur fait entrer de force dans le corps du récit ; et par là-même les enfonce dans mon crâne ; une farce indigeste parce que le flux de paroles s'écoule sans gêne ; je peux même dire que l'auteur "dépasse les bornes". Et l'abondance s'ajoutant à l'impression de désordre cette "philosophie" m'apparaît aussi impénétrable qu'une jungle. Cette dernière remarque m'amène naturellement au second motif de mon déplaisir qui est déterminant dans l'impression générale que m'a laissée cette lecture. C'est l'attrait de l'auteur pour le bavardage intempestif. Il se déclare lui-même "gentleman littéraire hystérique et surchargé". Je trouve que cette étiquette lui va comme un gant. Le discours imaginaire que Pursewarden tient à "Frère l'Âne" (Darley) me paraît être un bon exemple. On le trouve dans Clea. On y voit Pursewarden au bar avec Darley qui lui pose des questions sur l'art. Il y répond mais il ne formule pas les réponses à haute voix, il se les dit à lui-même, dans son for intérieur. Darley doit donc voir son ami, assis en face de lui, qui l'écoute très attentivement, mais qui reste muet comme une carpe et qui se contente juste, de temps en temps, de hocher la tête. Cette situation, pourtant non dépourvue d'intérêt, va s'effacer. Je vais en quelque sorte la perdre de vue. C'est le bavardage de Pursewarden qui va occuper le premier plan. Ce bavardage - c'est-à-dire les réponses de Pursewarden dites en quelque sorte à mon intention, puisque non adressées à son interlocuteur - devrait m'intéresser. Mais non. Le monologue de Pursewarden m'apparaît sans fin ; il m'accable. C'est un bavardage non dépourvu de lyrisme, mais un lyrisme qui n'atteint pas son but. Mon cœur reste de pierre, mes yeux secs et mes sens atrophiés ; ma curiosité est éteinte. Je ne peux même plus réfléchir parce que je suis littéralement étouffée par cet écoulement incessant et insensé de mots. Je trouve que Lawrence Durrell manque alors singulièrement de délicatesse. Pour en finir avec ce chapitre consacré aux désagréments provoqués par Le Quatuor d'Alexandrie je dirai ceci : lorsque la manie de la "profusion" prend possession de l'auteur, je suis loin de sentir ce que ressent Virginia Woolf à la lecture de Tchékhov : "l'horizon s'élargir, l'âme atteindre une étonnante impression de liberté". Mais, je dois avouer que, aussi bizarre que cela puisse paraître, une fois terminé Le Quatuor, j'ai eu envie de le relire. Je me suis dit que dès lors que je possédais une vue d'ensemble de l'œuvre, je pourrais davantage me laisser bercer par les envolées démesurées et extravagantes de l'auteur et apprécier sa virtuosité.
QU'EST-CE QUI M'A SEDUITE dans cette œuvre ? Je peux donner plusieurs raisons, elles, plutôt reliées à la notion d'"épure". J'aime bien Lawrence Durrell quand il fait preuve d'un peu de retenue. Dans ces passages au style sans doute plus classique, il fait preuve d'une grande maîtrise dans l'art de raconter. Là je redeviens attentive. Disant cela, je pense aussitôt à l'épisode de la chasse au canard dans Justine. Mais une autre scène me paraît être un morceau de bravoure. Elle est dans Mountolive. C'est la scène entre David et le vieil ambassadeur. C'est sans doute un des moments que je préfère… L'écrivain ne cherche pas à tout dire. Il n'explique rien. Il manie la suggestion à la perfection. Et pourtant nous comprenons beaucoup. L'humour fait partie de la panoplie de tout bon conteur. L'humour c'est la cerise sur le gâteau ! Et si cette scène n'en manque pas, celle entre Pombal et Pursewarden dans la salle de bain, qui se trouve également dans Mountolive, a tout à fait l'efficacité d'une scène de comédie de Shakespeare. Si j'ai parfois souri à la lecture de ce livre, je dois confesser que j'ai, aussi, parfois été émue. J'aime beaucoup le monologue intérieur de Pursewarden quand le crépuscule descend sur Alexandrie et qu'il décide de passer la soirée seul. Je lis un très court extrait : "Le monde intérieur déroulait ses bobines, se détendait, s'écoulait en un flot de pensées qui clignotaient par intermittence, comme du morse, dans sa conscience. Comme s'il était devenu un véritable appareil récepteur. Il appréciait ces rares bons moments de dictée !"
Lawrence Durrell fait disparaître ses personnages l'un après l'autre... C'est astucieux. Malgré mon intérêt nuancé pour cet auteur, je décide de ne pas le faire disparaître de ma bibliothèque. Je le garde quand même. Peut-être le relirais-je un jour ? Pour toutes ces raisons je décerne au Quatuor d'Alexandrie un livre à moitié ouvert.
Nathalie F
J'ai lu jusqu'au début de Clea. J'ai globalement aimé. Je me demande comment il a pu pondre ça. Les appendices servent bien le propos, ils partent dans tous les sens. Chaque personnage prend vie par lui-même. J'ai apprécié les tics de langage de Scobie, c'est comme si il avait existé. Le chapitre de Justine m'a paru difficile. Darley est peut-être lui-même confus, donc la confusion est certainement voulue. J'ai trouvé intéressant le roman choral, où tout est remis en question de ce que l'on pense initialement. Darley devient falot, roulé dans la farine et ça c'est pas mal. Pour ceux qui n'ont pas tout lu on comprend ensuite les retournements. Mais je n'ai pas encore tout lu… Livre ouvert aux ¾
Alix
Je me suis perdue au milieu de Balthazar. J'ai la sensation d'un rendez-vous manqué. On dit qu'Alexandrie est au centre du roman, mais moi ça ne m'a pas donné envie de découvrir la ville. Peut-être que je n'ai pas su profiter, en tout cas je suis passée à côté. Des passages m'ont parlé, mais les personnages ne m'ont pas intéressée. J'ai sans doute lu trop vite, car en relisant un passage ce matin je me suis rendu compte qu'il m'avait échappé. Ce sont des citations qui m'ont plu dans le livre plus que des passages ; par exemple : "ce fut comme si la ville s'effondrait avec fracas autour de moi". Cela parle du rapport que l'on peut avoir avec les lieux selon les moments et notre état d'esprit. Je pense que je le finirai. Jusque là, la lecture n'a pas été facile. C'était mes devoirs de vacances. Il y avait une alliance de plaisir et de déplaisir. Livre ½ ouvert.
Julius
J'ai lu les quatre romans et je vois deux niveaux d'écriture. Pour paraphraser Pursewarden qui disait "Il y a ma vie et il y a la vie de ma vie", je dirais "Il y a le roman et il y a le roman du roman".
J'avoue avoir été furieux pendant une bonne partie de la lecture car, dès l'attaque de Justine, le lecteur m'a paru se trouver très rapidement enferré dans une narration erratique qui semble divaguer d'un personnage à l'autre, d'une scène à l'autre, le tout parsemé de sentences et de considération théoriques et psychologiques à la fois abstraites et gratuites : Agapè et Éros sont inconciliables, il convient donc de ne pas les mêler, tout en privilégiant l'amour spirituel. Mais comme Dieu nous a donné un corps et que ce serait un péché de ne pas en user, il convient aussi de pratiquer l'amour physique, mais avec un tiers afin de ne pas corrompre l'amour spirituel, d'où la construction des fameux triangles dans lesquels sont imbriqués de l'un à l'autre tous les personnages. Et comme nous sommes à Alexandrie, ville de tous les ennuis et de toutes les débauches, cet amour physique privilégiera toutes les sexualités possibles et imaginables, d'où un tropisme, pour ne pas dire une complaisance, envers des situations plus ou moins malsaines, voire morbides : inceste, leitmotiv du bordel d'enfants, cadavre de fœtus… Alexandrie, ainsi décrite comme le lieu d'une sexualité à la fois banalisée et sacralisée, me paraît vue uniquement à travers un prisme baudelairien qui met en scène les atmosphères les plus nauséeuses de la ville, ses odeurs d'urine et de sueur, ses vieilles femmes aux cheveux pleins de tiques et de croûtes (p. 33), ses maisons aux haleines fétides… Le lecteur qui espérait retrouver du Naguib Mahfouz ou des descriptions à la Pierre Loti, sera pris à la gorge (mais il se sera peut-être trompé de livre…) Dans le même temps, les personnages m'ont paru peu crédibles (toujours dans Justine) : Nessim, homme d'affaires copte, flamboyant mais incapable de parer les incartades minables de sa femme, Scobie, un raté promu chef des services secrets, Pursewarden qui est pure théorie (la soirée à trois dans chambre de Justine m'a semblée affligeante), Justine elle-même qui demeure insaisissable jusqu'à l'exaspération… Enfin, l'ensemble, parsemé de phrases incompréhensibles (ex. p. 47), ou carrément illisibles ("Le couteau des phrases épluchait l'obscurité."), de citations interminables de Pursewarden ou du livre de Jacobi, sourd l'ennui : un ennui que semblent d'ailleurs partager tous les personnages eux-mêmes et jusqu'au narrateur. Et le style participe de cet ennui : filandreux, hasardeux, nébuleux… Alors, user d'un style ennuyeux au possible pour dépeindre l'ennui dans une ville ennuyeuse, pourquoi pas, mais 1000 pages pour décrire cela… c'est long !
Surtout, surtout, il manque l'émotion : baudelairien, certes, mais sans le tressaillement esthétique de Salammbô ou de La mort de Sardanapale par Delacroix pour rester dans un registre de proximité. De sorte que lorsque le lecteur parvient à la scène presque finale du roman, la partie de chasse sur le lac Maréotis, il se trouve soudain désarçonné par le style qui s'éclaircit, le changement de ton, l'épaisseur soudaine des personnages… La scène est brillante : descriptions empreintes de poésie, psychologie très fine des situations, acuité du regard. Ainsi, l'auteur sait donc écrire ? Il peut "bien" écrire, il peut se dégager de ce verbiage psycho-mystico-théorique qu'il nous inflige depuis le début de Justine ? Le lecteur, qui soupçonnait déjà l'auteur de se prêter, non sans une certaine jubilation, à une vaste mascarade n'en est que plus furieux. Il ne sait pas, alors, que le narrateur est un écrivain en devenir et que le style épouse cette étrange mise en abyme… Une remarque à propos du personnage éponyme : en référence aux exergues répétées de Sade, on peut se demander si Justine est vraiment vertueuse… (Justine ou les infortunes de la vertu)… ou si elle ne serait pas plutôt Juliette (Juliette ou les prospérités du vice). Si elle n'atteint jamais ses plaisirs, c'est peut-être parce qu'elle se satisfait plus à les rechercher, à les organiser… Or l'on voit, plus avant dans le roman (Mountolive, notamment), combien Justine, toute référence exclusivement sexuelle mise à part (car cet aspect de son personnage est finalement mineur), se montre entièrement occupée à l'organisation de ses plaisirs (cf. la manière dont elle prend le pas sur Nessim dans la préparation du complot copte…). Justine ou la tyrannie du plaisir maîtrisé…
Passant à Balthazar, après avoir maudit une fois de plus la préface du dénommé Vladimir Volkoff, panégyrique éhonté du roman, le lecteur fulmine un peu plus en constatant que ce deuxième opus n'apporte pas grand chose de nouveau. Deux principes, cependant, méritent de retenir l'attention : d'une part la systématisation d'une dialectique qui veut que chaque action porte en elle-même et engendre son contraire, que chaque personnage soit double, triple, quadruple…, que chaque effet provienne de plusieurs causes en gestation, et, d'autre part, le principe de prédestination car tout est déjà écrit et les vases communicants des âmes forment un cloaque aussi fangeux que les eaux du lac Maréotis. Mais le style reste lourd et les personnages semblent toujours aussi peu crédibles (le personnage de Toto, par exemple). Je retiens deux épisodes qui émergent nettement de l'ensemble : la visite de Nessim à son frère pour lui annoncer son prochain mariage et la scène au cours de laquelle Narouz fait rendre gorge au Magzub à propos de l'enfant disparu de Justine. Dans ces deux scènes, les personnages prennent un relief exceptionnel, avant que de retomber dans la litanie des citations et des considérations absconses de Pursewarden et d'Arnauti… L'on passe juste d'un roman de mœurs (Justine) à une intrigue finalement policière (le meurtre de Toto pendant le bal des Cervoni).
Arrive Mountolive ! Mountolive et ce roman brillantissime qui opère un renversement à 180 degrés, dans le style, dans l'intrigue, jusque dans le schéma narratif. Le lecteur, soudain, ne sait plus où donner de la tête, il se faufile avec Mountolive dans les arcanes (humaines, terriblement humaines) des services diplomatiques, il halète avec Memlik Pacha sur un décor de scène politique internationale au Proche-Orient, il sanglote avec Leïla, il se recroqueville devant Narouz furieux, il devient évanescent avec Liza, il devient finalement insomniaque à force de passer ses nuits sur ce roman dont il n'arrive pas à se défaire. Une question toutefois le taraude : qui ? Qui est le narrateur de ce troisième volume ? Le découpage en chapitres diffère notablement des deux premiers, le narrateur emploie la troisième personne du singulier, "il" parle de Darley (narrateur de Justine et Balthazar), en des termes d'ailleurs assez peu élogieux. Visiblement, le narrateur n'est donc plus Darley lui-même, ce besogneux de l'écriture alignant douloureusement ses paragraphes les uns derrière les autres. Alors qui ? Il me semble que la réponse viendra dans Clea.
Las, avec le dernier volume, c'est la rechute ! On retombe dans le style Darley, pesant, lancinant… Plus rapide toutefois. Les situations en suspens se résolvent à toute allure, une légère impression que l'auteur est en train de bâcler, emballez, c'est pesé, rideau… Or c'est à ce moment-là, me semble-t-il, que surgissent, en prenant le lecteur totalement au dépourvu, ce qui m'apparaît comme la clé de voûte de l'œuvre, à savoir trois scènes qui me paraissent essentielles :
1) Darley brûlant les lettres de Pursewarden en compagnie de Liza
2) Le journal posthume de Pursewarden adressé à Darley (Frère l'Âne)
3) L'accident de Clea qui perd la main qui lui servait à peindre.
Ceci est, à mon sens à mettre en relation avec l'ombre de Sade qui plane sur tout le roman. Le journal de Pursewarden à Frère l'Âne est un appel à la révolution littéraire la plus totale qui soit. Il faut mettre cul par-dessus tête toute la littérature ! Pursewarden ne cesse d'apostropher ce pauvre, malheureux, minable, incapable, niaiseux Darley qui n'arrivera jamais, au grand jamais, à aligner trois mots de littérature tant qu'il restera aussi lisse, onctueux, propre sur lui, merveilleusement inséré dans la société dont il vit, dont il jouit sans le moindre effort.
p. 854 : "Réveille-toi, crétin ! laisse-moi te prendre par tes grandes oreilles d'âne et t'emmener au galop à travers les figures de cire de notre littérature, parmi les Kodaks bon marché prenant chacun leurs instantanés monochromes de la prétendue réalité…"
p. 855 : "Nous contenterons-nous toujours de cette macédoine en conserve rance du roman subventionné ?"
p. 878 : "Nous éprouvons une peur innée d'abandonner notre pitoyable moralité rationalisée. Et le salut poétique que j'annonce ne peut s'accomplir que de l'autre côté. Il n'est effrayant que parce que nous refusons de reconnaître en nous-mêmes les horribles gargouilles qui ornent les mâts totémiques de nos églises, le meurtrier, le menteur, l'adultère et ainsi de suite…"
p. 855 : "La littérature doit-elle être un pionnier ou du bromure ?"
p. 861 : "L'art ne serait-il que le petit bâton blanc qu'on donne à l'aveugle et à l'aide duquel il tâtonne sur une route qu'il ne voit pas mais dont il est certain qu'elle existe ? Frère l'Âne, c'est à toi de décider."
p. 862 : "Tu croyais pouvoir t'en tirer simplement en démontrant ton habileté à manier les mots. Mais les mots… ce n'est qu'une harpe éolienne, ou un xylophone de bazar… !"
p. 855 : "En réalité, ce n'est pas l'art qui est en question, c'est nous-mêmes"
p. 863 : "Si tu veux être, je ne dirai pas original, mais simplement contemporain, tu devrais essayer un carré, comme au poker, sous forme de roman, passer un axe commun à travers les quatre histoires, par exemple […] Une continuum, ma foi, incarnant non pas un temps retrouvé, mais un temps délivré. La courbure de l'espace te donnerait un récit de forme stéréoscopique, etc."
p. 863 : "Le grand écrivain à des contraintes qui sont déterminées par la psyché et dont on ne peut faire abstraction. Où est-il ? Où est-il ?"
p. 868 : "Car je vois de plus en plus nettement l'art comme une sorte de fumier nécessaire à la psyché. Il ne renferme aucune intention, aucune théologie. En nourrissant l'âme, en la fumant, il l'aide à trouver son niveau, comme l'eau. Ce niveau est une innocence originelle. Qui a inventé la perversion du Péché originel, cette dégoûtante obscénité de l'Occident ?"
Autrement dit, Pursewarden appelle à une immense provocation : embraser la littérature comme Sade voulait embraser le monde ("Combien de fois sacredieu ai-je désiré que l'on pût attaquer le soleil, en priver l'univers ou s'en servir pour embraser le monde." Sade). Et pour cela décrire l'indescriptible, le désir de violence et la violence du désir, chercher l'ébranlement qui provoque le lecteur, la recherche de l'émotion par l'imaginaire car c'est l'imaginaire qui nourrit le désir, or le désir est au-dessus de tout. Et tout est bon pour le satisfaire, notamment la sursaturation permanente de tout, qui est aussi une référence à Sade ("Tout est bon quand il est excessif" disait ce dernier) : luxuriance de la nature à Karm Abu Girg, surpopulation dans la description des bals, des fêtes ou dans les rues, sursaturation des citations d'Arnauti et de Purserwarden, intranquillité permanente de Justine, de Narouz, de tous les personnages, logorrhée de Scobie, de Pombal, sursaturation des sexes, jusqu'aux fillettes du bordel d'enfants qui sont comme une nuée fondant sur les personnages qui y pénètrent par mégarde. Le monde, le roman du monde, est plein comme un œuf, il y a du Brueghel chez Lawrence. Mais il faut en passer par là, pour entrer en littérature, il faut se dépouiller, laisser sa dépouille, se laisser soi-même, pour passer de l'autre côté (p. 878 : "Ce que nous appelons vivre n'est en réalité qu'un acte de l'imagination.") Ce drapeau noir de la littérature me fait penser à certains textes/chansons de Léo Ferré légèrement antérieurs au Quatuor : La solitude, Il n'y a plus rien, Préface, Ni Dieu ni maître… (Pursewarden aurait pu citer Ferré : "Le désespoir est une forme supérieure de la critique, pour l'instant, nous l'appellerons bonheur…") Or Darley passe de l'autre côté. Symboliquement. En brûlant les lettres de Pursewarden. Ces lettres que l'écrivaillon falot qu'il était aurait conservées comme la prunelle de ses yeux, petitement, comme autant de talismans tutélaires dont il ne se serait jamais affranchi, continuant à gratter misérablement l'épaisseur de feuilles de papier toujours plus nombreuses et toujours vouées à l'oubli dans le tourbillon des siècles… Il passe de l'autre côté et il est, à mon sens le véritable narrateur de Mountolive, mais un narrateur enfin devenu écrivain ! (Durrell indique que les livres qui sont les quatre lettres du mot love peuvent être lus dans n'importe quel ordre : ils peuvent donc aussi avoir été écrits dans n'importe quel ordre…) Enfin, revêtu de ces nouveaux emblèmes, Darley "aide" Clea à franchir le Styx en lui brisant la main qui peignait, qui peignait toujours de la même manière, qui la tenait à l'écart, non pas de son art, mais de l'Art : mourir à ce monde pour renaître dans le vrai monde, celui de l'artiste, du véritable artiste. Et Clea recommencera à peindre. Les derniers mots qu'elle prononce à la fin du roman sont : "J'attends, parfaitement heureuse et sereine ; je me sens devenue une créature humaine réelle, une artiste, enfin." Ils se retrouveront à Paris…
De tout cela, un seul personnage demeure à l'écart qui m'émeut personnellement : alors que tous les autres s'épuisent à courir frénétiquement à la recherche d'eux-mêmes, alors qu'ils deviennent tous dingues à force de se torturer avec "pour seule préoccupation d'apprendre à se résigner au désespoir", Mélissa demeure calme et immaculée malgré les outrages qu'elle subit (comme la vraie Justine de Sade…), d'une élégance qui a depuis longtemps sublimé le désespoir. Mélissa est déjà passée de l'autre côté.
"Comment vous défendez-vous contre la solitude ?", "Monsieur, je suis devenue la solitude même". Mélissa, de toute éternité, se trouve de l'autre côté…
Livre ½ ouvert.

Audrey
Je n'ai lu que 100 pages ce qui me paraît trop peu pour en parler.

Françoise H
J'ai tout lu. Moi, j'avais un a priori positif, car je l'avais lu il y a quelques années à un moment où j'étais très amoureuse ! Là je l'ai relu de façon discontinue, et ça a été très agréable par moment, mais j'étais gênée par l'absence d'une intrigue serrée qui aurait lié les personnages entre eux. J'ai beaucoup pensé à Belle du Seigneur

Plusieurs
Oh... Ah... (signifiant un certain nombre d'accords avec Françoise)
Françoise H
Puis j'ai été gênée par toutes les considérations du narrateur sur la nature ou la fonction de la littérature, c'est comme si on était convié à un bon repas et que l'on nous expliquait comment tout a été préparé. On lui demande de faire une œuvre et non pas de dire comment il fait.
Il y a trois impressions de lecture pour lesquelles je recommanderai de découvrir cette œuvre :
- Durrell a de l'amour pour ses personnages. Moi j'adore Justine, Mountolive, Melissa, Clea, etc., je pourrais les reconnaître dans la rue, ils me sont devenus familiers. Durrell nous les livre avec beaucoup de "lacunes", il ne se préoccupe pas de lier entre elles les différentes facettes de ces personnes. Et si Justine organise en effet ses plaisirs, c'est aussi une passionaria de la cause palestinienne sans qu'il ait besoin de nous indiquer comme tout cela se tient. Je lui sais gré de ne pas chercher à expliquer cette complexité ou cette ambivalence - ce charme de la nature humaine.
- Durrell restitue bien les impressions des personnages. Deux passages m'ont très émue : au début de Mountolive, au retour à Alexandrie, il rend la sensation du retour à la maison avec l'idée que les choses sont belles et à leur place, dans leur beauté du quotidien ; lorsque Darley part de son île, cela se passe la nuit, il y a un clair de lune on se croirait dans un tableau du Caravage : mélange de conspiration et de beauté.
- Durrell sait bien décrire la vie dans ce qu'elle a de pesant et aussi dans toutes ses possibilités d'échappée belle. Darley est saisi dans le quotidien de sa vie de bureau, qu'il vive les évènements les plus routiniers ou qu'il soit pris dans les affres de ses spéculations amoureuses, mais aussi Durrell nous le montre l'instant d'après, le temps de descendre l'escalier de son hôtel, ébloui ou sidéré par la beauté du Caire.
Livre ½ ouvert.
Éléonore
J'ai lu 100 pages. Je ne me suis pas pris la tête. Je n'attendais rien. C'était assez facile de rentrer dans le livre, j'étais portée par les atmosphères, je cherchais à sentir, non pas à comprendre. Le texte me coulait sur la peau et ça passait tout seul. Moi, j'ai l'impression qu'il n'y a pas de construction, pas d'histoire et que l'auteur se laisse porter par sensations. J'étais dans le charme d'un monde où Alexandrie est le support pour un ailleurs qui n'existe pas, avec des règles différentes. Ça m'allait très bien. Je me suis laissé bercer par son univers.
J'ai aimé aussi les différentes images de la femme. Soit Mélissa qui danse et se prostitue, partagée entre amour et réalité. Soit Justine, se penchant sur le fœtus et trompant son mari. Tout ceci fait la vie de la femme : prostitution, amour, etc. Par exemple quand Justine se penche sur le fœtus, on ne sait pas ce qu'elle ressent. On peut tout imaginer autour de cette maternité échouée. Je ne voulais pas la juger. Si on inversait les rôles Justine/Nassim, Femme/Homme, on aurait trouvé ça normal. Je crois que la question de la vertu de Justine ne se pose pas et que l'on ne doit pas la juger sur ses mœurs.
Émilie
J'ai tout lu. J'ai eu l'impression de passer à côté d'un chef-d'œuvre et de m'être gavée lors d'un bon repas. Je l'ai lu trop vite. Le parallèle fait par Françoise avec Belle du seigneur me parle. J'ai plus apprécié et compris Justine en avançant dans la lecture. Les tomes complétaient les précédents en apportant des fragments qui complétaient le début. Dans l'intrigue politique et sentimentale, on découvre des doubles vies et des destins très particuliers.
L'aspect géopolitique m'a plu dans Mountolive. Puis des traits d'humour m'ont fait rire. Mais les personnages ne m'ont pas touchée. Je n'ai pas eu d'émotions. Pour finir, je dirais que j'ai une impression de confusion. Je suis contente d'être allée jusqu'au bout et devrais peut-être y retourner pour mieux savourer. Je crois que c'est exceptionnel mais je n'ai pas pu savourer comme j'aurais voulu. Je me demande dans quel ordre ont été écrits les tomes. Livre ¾ ouvert.
Nathalie B
J'ai lu 100 pages. J'ai beaucoup tourné autour avant de finalement me lancer, à quelques jours de notre rendez-vous. En fait le livre m'a happée et bousculée. J'ai même été séduite par la ville, alors que Alexandrie ne me tentait pas. Je trouve que ce n'est pas seulement l'histoire du narrateur qui devient écrivain au fil de son œuvre, mais c’est aussi un apprentissage conduit par l’auteur pour aider son lecteur à le devenir. Ces quelques 100 pages m'ont permis de me re-détricoter sur le plan moral (je m’aperçois que je suis devenue avec les années bien moralisante !). Les personnages sont passionnants. Justine est une femme qui prend, éternelle insatisfaite car elle aspire à quelque chose sans savoir, comprendre, de quoi il s’agit exactement. Mélissa est une femme généreuse qui donne sans rien demander en retour… Je me sentais curieuse, fascinée et interrogée sur le rapport au corps et à la sensualité tels qu’ils sont racontés. Il me reste des sons et des odeurs d'Alexandrie. La ville, telle qu’elle est décrite, dégage une ambiance mortifère et l’auteur fait ressentir la fin d’un monde. Les mots pourriture, charogne… sont beaucoup utilisés. Il y a effectivement quelque chose de Belle du Seigneur, du moins quand l’auteur parle directement au lecteur, ne cesse de lui faire des clins d’œil. Si j’en crois ce qu’en dit Julius, je pense qu’une des ambitions du livre est d'apprendre au lecteur à l'être et à l'élever, marche après marche, roman après roman. En tout cas, j’ai envie d’aller jusqu’au bout de cette lecture.
Valérie
J'avais déjà lu ce livre il y a 25 ans et avais été subjuguée. Je trouve que vous manquez de romantisme. Dans Balthazar, quand il part vivre avec l'enfant, ça me paraît très romantique.
Là je n'ai pas tout relu. Ce personnage de Justine m'a subjuguée, je souhaiterais à chaque femme d'avoir une part de Justine. Je me fous qu'elle soit morale ou pas. Elle est torturée et c'est ça qui est important. Ce qui m'intéresse, c'est ce qu'elle a dans la tête et pas ce qu'elle fait de son corps. J'étais en revanche très ennuyée par la chasse au canard par exemple. J'ai été fascinée par la mère de Nassim, cloitrée à cause de la petite vérole : ce personnage m'a intéressée. J'ai été questionnée aussi sur la beauté et la laideur à travers la description du frère de Nassim.
Ce qui est décrit d'Alexandrie c'est la réalité de l'Egypte : oui c'est sale mais je ne retiens pas que ça. C'est dommage de n'en garder que les odeurs fétides. Et j'ai été émue par les bordels d'enfants.

DOCUMENTATION SUR L'AUTEUR ET LE LIVRE

Une biographie en rapport avec Le Quatuor : la postface de Christine Savinel commence par une "Biographie excentrique" d'un "Irlandais méditerranéen" : la voici ICI.

Un entretien avec Lawrence Durrell spécifiquement sur Le Quatuor et la période de sa vie où il l'a écrit : ICI.

Des photos d'Alexandrie, accompagnées de petits textes du Quatuor, extraites du beau livre Alexandrie d'Égypte : les lieux du Quatuor d'Alexandrie, éd. Eric Kohler, 1989, photos de Rodolphe Hammadi : ICI.

Une émission de radio récente
À France Inter, Cosmopolitan de Paula Jacques, 59 min : une soirée sur Lawrence Durrell enregistrée le 19 avril 2014 au Théâtre de l'Odéon, avec Mathias Enard et des textes lus par Olivier Cruveiller.

Extraits de la correspondance avec Henry Miller à propos du Quatuor :

Des articles
- Lors de la publication du quadruple volume en poche : Quatre romans fondateurs à l'orée des années 1960, Martine Silber, Le Monde, 13 juillet 2002
- Relire le Quatuor d'Alexandrie..., Le Monde, 7 décembre 1990
- Durrell du désir, Mathieu Lindon, Libération, 27 février 2012. L'écrivain britannique aurait eu 100 ans : des rééditions et la publication d'un inédit saluent son œuvre.
- Interview du metteur en scène Stuart Seide qui a adapté Le Quatuor pour le festival d'Avignon en 2002 : "Alexandrie" Alexandrame, René Solis, Libération, 13 juillet 2002.

Des films
- Justine, film américain réalisé par George Cukor, sorti en 1969, avec Anouk Aimée (Justine), Dirk Bogarde (Pursewarden), Robert Forster (Narouz), Anna Karina (Melissa), Philippe Noiret (Pombal), visible sur Internet : ICI. Et sur Lawrence Durell, des films sur le site de l'INA :
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Lawrence George Durrell : images de France, 23 octobre 1970, 49 min
- Lawrence Durrell sur le bouddhisme, 17 avril 1968, 2 min 30 (Durrell, attiré par le taoïsme, déclinaison du bouddhisme Mahâyanâ, est l'auteur du Sourire du Tao).
- Extrait d'Apostrophes avec Lawrence Durrell, 4 juin 1985, 8 min.

Un essai littéraire d'une écrivaine sur l'écrivain Lawrence Durell
Une vie de paysages, Béatrice Commengé, Verdier, 2016 (voir la présentation de Monique Petillon dans Le Monde, 14 avril 2016)

Des études
- Une étude universitaire littéraire sur Le Quatuor : Le Quatuor d'Alexandrie de Durrell : roman de la relativité, Jacques Pelletier (Université de Laval), Études littéraires, vol 3, n° 1, 1970.
- Une étude psy : Le quatuor d'Alexandrie de Lawrence Durrell : une mise en acte de la structure quaternaire du désir, Anne Juranville, revue Psychologie clinique, n° 34, 2012.


 

Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :

à la folie, beaucoup, moyennement, un peu, pas du tout


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A la deuxième page de Justine : "Cinq races, cinq langues, une douzaine de religions ; cinq flottes croisant dans les eaux grasses du port. Mais il y a plus de cinq sexes, et il n'y a que le grec démotique, la langue populaire, qui semble vouloir les distinguer."

Appendice de Balthazar :

"Je sais que ma prose est truffée comme du pudding, mais toute prose provenant du continuum poétique l’est aussi ; ceci pour donner une vision stéréoscopique des personnages."

"J'aime les livres français avec leurs pages non découpées. Je ne voudrais pas d'un lecteur paresseux au point de ne pas avoir le courage d'utiliser un couteau contre moi."