Extrait de Wikipedia

Quatrième de couverture
 
« L'été 1948, Trond a quinze ans, et il est heureux d'être seul avec son père en vacances, dans un village près de la frontière suédoise. Il y retrouve son camarade Jon qui lui propose un matin d'aller "voler des chevaux". Il s'agit en réalité d'emprunter les chevaux d'un propriétaire terrien pour une petite échappée. Trond accepte, malgré une certaine appréhension, et l'aventure se termine mal pour lui : il tombe de cheval et se blesse, puis assiste, impuissant, à une étrange explosion de rage et de violence chez son ami. Son père lui apprend alors que la veille, un effroyable accident est survenu dans la famille de Jon qui quitte le village peu après. Trond passe alors le reste de l'été en compagnie de son père, dont il se sent de plus en plus proche. Quand un voisin lui révèle que ce dernier a été un membre actif de la Résistance pendant l'Occupation de la Norvège, il ne se doute pas encore que les événements dramatiques survenus pendant la Seconde Guerre mondiale vont jeter leur ombre sur sa propre famille et lui ravir son père.
Plus de cinquante ans après, Trond décide de se retirer à la campagne au nord-est de la Norvège. Il a le sentiment que son rêve de quiétude est en passe de se réaliser mais un soir, il fait la connaissance de son voisin Lars, en qui il reconnaît le petit frère de Jon.
Pas facile de voler des chevaux est un livre d'une intensité dramatique rare, habilement construit autour des secrets des personnages principaux. Les réminiscences d'un narrateur au soir de sa vie et son évocation d'un été inoubliable sont tout simplement bouleversantes. »


 

Per Petterson
Pas facile de voler des chevaux

Nous avons lu ce livre en décembre 2016.

Jane, qui a participé à notre Semaine lecture l'été dernier, qui vit en Norvège et nous a conseillé ce livre (choisi "pour le groupe"), nous envoie aussi son avis.

Voir en bas de page des infos sur le livre et l'auteur. 

Muriel (avis transmis par une internaute inconnue)
J'aime beaucoup ce roman norvégien qui narre les souvenirs d'adolescence entre un père et son fils.
Au travers d'une écriture simple, fluide, plusieurs sentiments se croisent avec délicatesse : la solitude, la désillusion souvent amère. La beauté du récit réside dans l'émotion contenue (l'émoi de Trond quand il place son bras autour de l'épaule de la mère de Jon).
La deuxième partie est un peu longue du fait de descriptions trop détaillées sur le flottage du bois sur la rivière.
Mais j'ai particulièrement admiré la virtuosité magistrale et la technicité brillante avec lesquelles l'auteur insère dans une même page, un même paragraphe, le passé (1948) et le présent (1999).
Annick L(avis transmis)
Un roman qui m'a laissé une impression mitigée. J'ai apprécié le côté contemplatif de ce récit, avec la présence forte de la nature (belles descriptions de cette forêt nordique, à la fois inquiétante et protectrice, mais aussi de cette rivière changeante qui joue un rôle central dans l'histoire, du passage des saisons…). C'est très charnel parfois, presque sensuel, par exemple dans les scènes de coupe et d'élagage, de cavalcades à cheval avec son ami, puis avec son père, ou bien la scène de refuge avec les vaches dans l'étable. Mais l'intrigue elle-même, avec ce canevas classique du vieil homme qui revient sur ce moment clé de son enfance où il est entré brutalement dans le monde des adultes, m'a paru très classique. Et le va-et-vient systématique entre le présent de la narration et ses souvenirs de l'été 1948 où tout à basculé ont fini par me lasser. D'autant que les personnages-clés, celui de son ami Jon ou celui de son père, des hommes rudes, inaptes à livrer leurs sentiments, sont brossés à grands traits et laissent le lecteur à distance : aucun éclairage a postériori sur leur comportement inexplicable (l'accès de violence de Jon par exemple), toujours perçu de l'extérieur par le narrateur-enfant mais aussi par le lecteur qui éprouve donc peu d'empathie. Une seule figure vraiment attachante, rayonnante, celle de la mère de Jon. En résumé je n'ai pas trouvé de prise pour soutenir mon intérêt jusqu'au bout. Une lecture agréable pour le voyage dans le temps de dans l'espace qu'elle m'a offert, mais pas passionnante.
Ouvert à moitié.
Manuel(avis transmis)
Ma lecture de Pas facile de voler des chevaux date de cet été. Per Patterson a su me tenir en haleine d'un bout à l'autre de son récit. Son talent de conteur et de constructeur d'histoire font de ce livre une vraie réussite. Plusieurs thèmes dans son livre m'ont particulièrement touché :
- le rapport au père et à l'autorité ; les pères sont nombreux ici
- la relation entre frères : Jon et Lars
- les événements liés à l'adolescence et leurs conséquences à l'âge adulte : on trouve Trond en reclus après des événements personnels qui font miroir à ceux passés (l'abandon du père)
- la seconde mondiale : je connaissais peu la position de la Norvège pendant le conflit.
Enfin, il y a des passages magnifiques sur le travail, la nature, le regard que porte l'adolescent sur les rapports entre adultes.
J'ouvre aux ¾.
Séverine (avis transmis)
Ce livre est l’exemple parfait de ce pourquoi j’aime le groupe de lecture : c’est typiquement le genre de roman que je n’aurais pas lu sans Voix au chapitre et cela aurait été bien dommage ! Je l’ai lu quasiment d’une seule traite, ce qui m’arrive rarement. J’ai été portée par l’histoire qui est très bien racontée par ses allers-retours entre le présent et le passé. J’aime le personnage de Trond, ses réflexions sur la vie, la solitude, le rapport aux autres. Mais ce que je préfère, de loin, et qui me restera en mémoire, ce sont les sensations très bien rendues par rapport au temps (les saisons), à la lumière (jour/nuit), aux corps (froid/chaud, douleur…), aux lieux (les maisons), à la nature. Je me sens vraiment dans une "ambiance nordique", et les descriptions sont tellement parlantes que j’ai eu le sentiment de "voir" le livre au fil des pages. Et comme j’ai une mémoire visuelle, c’est en cela que je pense qu’il me restera longtemps en tête. Bref, j’ai beaucoup aimé ce livre et je l’ouvre en grand ! Merci à Jane de nous l'avoir suggéré : un très bon choix !

Brigitte (avis transmis, en premier lieu sur le titre)
J'ai eu un problème avec le titre français de ce livre norvégien : Ut og stjæle Hester.
Stjæle
est un verbe qui signifie voler (steal en anglais).
Hester : quand j'interroge Internet sur ce mot, des images de chevaux apparaissent, cela signifie donc cheval ou chevaux en norvégien. Le titre du roman traduit en anglais est : Out stealing horses, qui signifie vraisemblablement “mener à bien le fait de voler des chevaux”. A première vue, le titre français ne me plaît pas. Je n'aime pas que le titre soit une phrase complète (sujet, verbe, complément), cela n'ouvre sur rien et n'incite pas à la lecture. Bien sûr, il y a une demi-négation au début, qui alourdit encore l'énoncé, même si elle apporte un peu d'ouverture du point de vue du sens. Ici, il s'agit d'emprunter des chevaux, mais aussi de franchir la frontière en douce pour des actes de résistance… Il s'agit peut-être aussi d'une expression norvégienne particulière. Quand le titre original est trop difficile à traduire, on a parfois recours à une transposition. Ce n'est pas le choix qui a été fait ici. En effet une fois qu'on a lu le livre, on comprend que c'est bien le thème du vol de chevaux qu'il faut retenir pour le titre. Malheureusement la langue française ne se prête pas à l'ellipse et au dynamisme que constituent ut og ou bien out suivi du participe présent. Conclusion : ce titre ne peut pas être rendu correctement en français. C'est bien dommage.

Jane (qui a lu le livre en norvégien, au sujet du titre)
Je crois que Brigitte a raison dans sa conclusion. La traduction est un art délicat. Le titre anglais, qui est plus proche de l’original et qui garde son dynamisme, ne transmet pas non plus exactement le sens du titre norvégien. Le verbe “stjæle” est une forme dialectique du verbe “stjele”, qui donne au titre original un air un peu ”dur”. C’est un peu l’argot des copains, de la bande, un élément qui reflète le monde assez masculin du livre. Je ne vois pas cet élément dans la traduction “Out stealing horses ”.
Pas facile de traduire les titres de roman !
Brigitte
Le livre en lui-même m'a intéressée, surtout par les descriptions de la vie dans une forêt montagnarde : les oiseaux qui se cognent contre les vitres, le bois qu'il faut ramasser après une tempête, les bruits de la forêt. J'ai apprécié au début la description de l'attitude déconcertante de Jon, bouleversé par la mort de son frère Odd, ainsi que celle des relations entre Trond (adolescent de 15 ans) et son père, pris dans une histoire d'amour compliquée. Toutes ces impressions sont bien servies par une écriture plutôt originale, mais sans prétention, comme les ballades à vélo de Trond pour accueillir éventuellement son père à la gare.
Ce qui m'a semblé original dans ce livre, c'est la description très fine et très juste de la façon dont un adolescent de quinze ans (à qui personne n'explique rien) découvre et ressent les énormes bouleversements qui traversent la vie de ses proches : Jon a provoqué la mort de son frère Odd ; son père vit une grande histoire d'amour extra-conjugale. Selon moi, la façon dont Trond vit et observe de l'extérieur les émotions de Jon et de son père est rendue très subtilement. C'est une grande réussite.

Katell(avis transmis)
J'ai lu le livre peut-être en septembre et j'avoue que je ne m'en souvenais déjà plus. Je ne me souvenais pas non plus du nom de l'auteur...
Il s'agit donc de mon avis sur les bribes de lecture qui me restent. D'abord, les très jolies descriptions de la nature. Dans mon souvenir, c'était vraiment très beau, le vent dans les arbres, la rivière... La scène du "vol" de chevaux par les adolescents aussi est assez convaincante. L'histoire me paraît déjà un peu embrouillée. Je me souviens d'aller-retour entre sa jeunesse et sa vieillesse, un problème avec la Seconde Guerre mondiale, mais rien de plus précis. Sa mère qui trompe son père avec un type...
Voilà un livre qui n'était pas désagréable mais qui est en train de partir aux oubliettes.

Nathalie R
C'est pour moi un récit initiatique. Il y a un rapport de force entre les uns et les autres. J'ai ressenti une émotion par rapport à la nature, et aussi eu des difficultés à accepter le découpage. La lenteur m'a fait décrocher. Je partais dans des rêveries... mais à cause du livre. Je suis choquée par l'idée qu'il se fait de qui a 67 ans (on n'est pas vieux à cet âge), je suis peinée par son rapport au passé. Quand on est ado, tout est possible et à la fin on fait les comptes : il n'y a rien entre. Il y a une violence de la scène avec sa fille. Je ne sais comment ouvrir ce livre...
Monique L
Je trouve que ce roman est habilement construit par un subtil jeu d'aller et retour entre le présent et le passé autour des secrets des personnages, en particulier autour de la figure énigmatique du père.
Les personnages sont pudiques et patients et expriment peu leurs sentiments. Cette retenue est pour moi une caractéristique des gens des pays nordiques. C'est un texte sur les non-dits, sur les relations père-fils, sur la solitude, sur les secrets avec lesquels il faut vivre, sur l'amour de la nature aussi.
Il traite également de la peur au moment des changements d'étape de la vie : la fin de l'enfance, le passage à l'âge adulte, et la crainte de la vieillesse. Une phrase m'apparaît comme un clef de ce livre : "Ce début m'a toujours fait peur, parce qu'il laisse entendre que nous ne serons pas forcément le personnage principal de notre propre existence…" lorsque la fille de Trond évoque le début de David Copperfield que lui lisait son père lorsqu'elle était enfant.
Un style simple, mais beau, une économie de moyens, et des paysages splendides. Une nature très présente, peu de rebondissements mais un art de décrire et de raconter des histoires bouleversantes avec une grande finesse. J'ouvre aux ¾.
Fanny
J'ai eu beaucoup de plaisir à le lire, j'ai été sensible aux descriptions des paysages et notamment dans les parties situées dans le présent, dans le froid de l'hiver, peut-être est-ce dû aussi au fait qu'on sent l'hiver actuellement, c'est un livre que j'ai eu plaisir à lire chez moi le soir au chaud... Cela fait peut-être écho au fait que j'ai eu le sentiment que le personnage se ressentait comme étant à la fin de sa vie, à plusieurs moments j'ai cru qu'il allait mourir. C'est un livre qui chemine, notamment à travers ce qui n'est pas dit et qui peut ainsi résonner différemment en chacun. J'aime le style, les phrases simples. Les allers-retours sont bien construits, bien amenés, les ressentis et l'état physique du personnage principal sont parfois accolés avec pertinence. Toutefois, la répétition systématique des allers-retours passé/présent devient trop attendue et a pu me donner à la fin un certain sentiment de lassitude. J'ouvre aux ¾.
Lisa
Je n'ai tenu que jusqu'à la page 40 sans lire la 4ème de couverture. Je m'attendais donc à un secret "explosif" et j'ai été déçue de l'histoire. Les allers-retours dans le temps, c'est classique, il n'y a pas d'innovation. Bon, il y a de belles descriptions. Et j'ai aimé ce qu'il dit du temps. Mais quel intérêt à cette histoire ? Ça vaut juste pour les descriptions de la nature. J'ouvre un quart. Je ne retiendrai rien… Tandis que Le monde d'hier, de Zweig…
Henri
J'avais prévu de m'asseoir à côté de Lisa car elle ne pouvait pas avoir aimé... J'ai adoré de pouvoir s'identifier au mec de 67 ans. Il y a de très bonnes descriptions. Comme je suis en train d'écrire, j'aime bien regarder comment c'est fait. Ce bouquin est inachevé, c'est ce qui me plaît. Sa fille, Lars, le père..., il y a un équilibre entre eux, et pas de définition. La femme aussi est présente. Les événements du passé jouent sur le passage transgénérationnel. Je l'ouvre en grand.

Jacqueline
J'ai été prise par les phrases courtes, on y est. C'est plein d'émotions. Je suis touchée par les efforts de ce vieillard.

Nathalie
Ce n'est pas un vieillard !
Jacqueline
Qui a des tâches à accomplir. On ne s'étale pas sur les sentiments. J'ai aimé les allers-retours dans le temps. J'ai eu beaucoup de plaisir à le lire. J'ai pensé à Erri de Luca, à Mingarelli, que nous avions lus. J'ai eu du mal à avoir un raisonnement logique. Il recompose le récit qu'on lui fait dans sa manière de voir. J'ai trouvé dramatique le passage du résistant. Je l'ouvre en grand.
Denis
Le livre m'a mis dans une bulle, un charme insaisissable. Il est inachevé comme tu dis Henri. Les romans norvégiens sont souvent comme cela. Les Norvégiens ne disent pas un mot. Je me retrouve dans les relations du père à son fils. Le père raconté par le gamin est plutôt sympa. J'ouvre en grand : c'est un livre ressources qu'on n'a jamais fini d'interpréter.
Christelle
Ce livre m'a plu. Je l'ai trouvé charmant. Facile à dire. Les allers-retours sont fluides. Dans les descriptions, j'ai été parfois agacée. C'est très pudique, les moments lourds passent facilement car on ne s'appesantit pas. Et la maman là-dedans ? Que pense-t-elle de la place qui lui est donnée ? La place des femmes est réduite à néant. Je l'ouvre en entier.
Richard
Quand j'ai lu pour finir la quatrième de couverture, j'ai conclu qu'elle parlait d'un autre livre. Je trouve le narrateur, le vieux, très égoïste. Il y a un flash quand sa fille vient. Un flash avec les Allemands. Je reste sur ma faim. Tout reste inexpliqué. La scène du bus est très visuelle. Ce livre n'apporte pas grand chose. Les descriptions n'ont rien de nouveau. J'ouvre ¼ et avec difficulté...
Catherine
J'ai bien aimé et c'est bien un livre pour le groupe. J'ai aimé les descriptions de la nature, l'ambiance, des personnages étonnants qui ne parlent jamais. J'ai aimé cette ambiance solitaire. Les allers-retours sont un peu factices. Je suis restée sur ma faim moi aussi. J'attendais un peu plus. Mais j'ouvre ¾.
Claire
Je suis d'accord avec tout le monde. Je l'ai lu il y a plusieurs mois. J'avais tout oublié. Je viens de le retrouver un peu et en feuilletant deux autres romans, je retrouve une voix à la première personne, qui se situe à distance telle qu'elle nous fait entrer à un certain niveau de conscience du personnage. Alors que les relations familiales me barbent, j'ai été très intéressée par cette relation père/fils. J'ai aimé qu'on soit tout le temps dans la nature, sauf à un moment bref, il n'y a pas de ville. J'aimerais savoir comment le montage est réalisé pour effectuer le dévoilement progressif, qui crée une tension que j'ai aimée. Le personnage retiré me fascine. Je comprends qu'on puisse dire : so what ? Mais je me souviens que le livre m'a captivée et je l'ouvre ¾.
Geneviève
J'ai eu beaucoup de plaisir à lire ce livre. Plus que la nature, c'est le rapport au corps, jeune et vieux, dans son rapport à la nature et à l'activité physique qui m'a fascinée. En revanche, en ce qui concerne les personnages, il m'en reste peu de chose et j'ai souvent eu un sentiment d'inachèvement de différentes pistes amorcées et pas suivies. Je trouve intéressant l'avis d'Henri pour qui au contraire c'est un facteur d'ouverture à l'imaginaire. J'ai beaucoup aimé le thème du bois que le père cherche à faire descendre le fleuve, envers et contre tout, et dont il s'avère à la fin que c'est une ultime tentative, ratée, de compenser l'abandon de sa famille. J'ai trouvé aussi intéressante la piste seulement esquissée d'une relation de rivalité entre le narrateur, et Lars, qui a peut-être pris sa place dans la nouvelle famille du père.
Un grand plaisir de lecture, malgré ou plutôt avec un sentiment d'inachèvement, je l'ouvre aux ¾.
Annick A
C'est pour moi un livre profondément terrien, qui parle essentiellement de la transmission entre un père et son fils, une transmission qui ne passe pas par des paroles, des discours, mais par un vivre ensemble dans l'ici et maintenant, des moments de partage, de tâches agricoles à partir desquels des valeurs sont transmises, à savoir l'amour de la nature, l'effort corporel, le travail bien fait, la domination de la souffrance physique par la force de l'esprit (voir dernière phrase du livre : "Et d'ailleurs, c'est à nous de décider si nous avons mal". C'est l'apprentissage de la vie par un adolescent éveillé à la question du désir à travers les actes de son père.
C'est une belle écriture, avec de très beaux moments de description de la nature et qui s'attache de façon remarquable à donner toute l'importance aux petits actes de la vie. La dimension stoïcienne permet d'affronter la vieillesse. La transmission par les gestes, on la trouve aussi quand sont décrits les gestes, le corps "celui qui déchiffre, c'est moi, et celui dont je lis les gestes est un homme de quarante anas à peine : l'âge de mon père quand je l'ai vu pour la dernière fois, à quinze ans, avant qu'il ne disparaisse de ma vie".

Nathalie
Il y a aussi la symbolique des orties qu'ils arrachent.

Annick
J'ai aimé ce livre, construit sur du vide. J'ouvre ½.

Plusieurs
Ça alors !

Annick
½ pourquoi ? Je ne sais pas trop. Je crois comme Richard que de belles descriptions, il y en a dans d'autres livres.
Françoise D
Je rejoins Lisa, Richard, Geneviève… je ne suis pas très positive. Je l'ai lu il y a un bon moment et il ne reste pas grand-chose. Peut-être parce qu'il y a ce côté inachevé dont vous avez parlé. J'aime qu'on me mette les points sur les i, et je n'ai pas trop compris cette histoire. Ces personnages esquissés ne déclenchent pas mon enthousiasme. Pour ce qui est des Nordiques, j'ai lu récemment Les Bottes suédoises de Mankell, qui est la suite des Chaussures italiennes que nous avions lu : deux hommes vivent seuls sans voisin, sans chien (eux !), à part le facteur qui passe, mais je ne suis pas là pour vous parler de Mankell…
Les descriptions de nature sont intéressantes, mais on en trouve ailleurs, chez Vesaas par exemple, et les coupes de bois, il y en a chez Jim Harrison de très réussies. Quant à la fin de la guerre, j'aurais aimé qu'il m'explique. J'ouvre au quart…

Annick A
Pourquoi j'ai ouvert à moitié ? C'est qu'une fois que le livre est fermé, il ne reste pas grand chose. Et je me suis dit : mais qu'est-ce que je vais dire de ce livre ?

Monique L
Ce que vous rejetez, c'est ce que j'aime : ces personnages qui ne vont pas au bout des choses... Et en Norvège, les relations sont difficiles. Je trouve dans le livre cette ambiance, et j'apprécie...

Fanny
Il y a plein de choses oubliées parmi ce qui n'est pas dit, et il en reste pour chacun...

Nathalie
Je voudrais savoir quel âge a l'auteur quand il écrit...

Catherine
50 ans.

Nathalie
Le chien qui a gardé son âme de chiot, c'est curieux cette phrase... Et la structure, elle est fondée sur des rapports de force, de sexualité, d'autorité, de force physique, mais pas de transmission. Et c'est artificiel.

Henri
Je suis en désaccord avec toi. Il y a transmission. Ils sont d'ailleurs émus par la même femme.

Fanny
Elle est super intéressante cette femme, elle a une force puissante cette mère.

Henri
On met là les points sur les i...

Annick
Je ne sens pas l'inachevé. Ce qui n'est pas dit est là, autrement.

Catherine
Les personnages ne sont vraiment qu'esquissés.

Geneviève
Je suis d'accord...

Fanny
C'est vrai que les personnages, on les saisit pas bribes, mais ils ne sont pas pour autant "esquissés".

Catherine
La mère a juste deux pages, une petite étincelle à laquelle on ne croit pas.

Henri
On voit les personnages à travers les yeux d'un enfant, il ne peut pas tout saisir.

Geneviève
Ces couches superposées, c'est très très bien.

Denis
Les relations sont différentes entre eux. Avec la mère, on ne pose pas de questions. J'ai pensé aussi à Vesaas L'arbre de santal, Le Palais de glace.

Nathalie
Est-ce qu'on parle de l'écrivain ou du narrateur ?

Henri
Je ne suis pas votre interprétation norvégienne... Le livre pourrait se passer... en Italie - bon, les arbres seraient différents. D'ailleurs Jacqueline a parlé d'Erri de Luca...

Claire
Ce que tu as aimé sur le temps Lisa, ce n'est pas ça ? J'aime aussi : "l'essentiel c'est le temps lui-même, cet élément dans lequel je vis et que je remplis d'activités physiques qui le rythment, le rendent visibles et l'empêchent de s'écouler sans que je m'en aperçoive".

Annick
J'ai pensé qu'il y avait quelque chose de l'ordre de la méditation dans la démarche de ce personnage...

Henri
Et les relations entre les chiens, qu'est-ce que vous en pensez ?...
Jane(avis transmis depuis la Norvège, c'est Jane qui nous a proposé ce livre)
Ce livre, assez petit en taille, mais dense en contenu, m’a plu énormément. Tout d’abord il y a la langue et le style de Petterson – ici je dois dire que j’ai lu le roman en norvégien et j’espère que la traduction française a gardé l’élégance du texte original. J’ai trouvé l’écriture simple et précise. L’auteur sait dire beaucoup en peu de mots. Il sait éveiller tous nos sens avec ses descriptions merveilleuses : l’apparence du paysage, l’odeur de la terre, le bruit que font les troncs en tombant sur le sol, la sensation des gouttes de pluie sur la peau… Il sait aussi créer une atmosphère profondément norvégienne : la forêt, le lac, la neige et la coupe et le flottage du bois. J’ai été emportée par le rythme du récit, marqué par l’alternance entre les souvenirs du passé et la vie actuelle du narrateur, et j’ai adoré la manière dans laquelle l’auteur nous dévoile petit à petit l’histoire de Trond. Le suspense est très fort, et l’ombre de la deuxième guerre mondiale joue son rôle. J’ai été captivée par cette histoire pleine de contrastes et pleine d’émotions (par exemple l’amour, le sentiment d’avoir été abandonné, d’avoir été trahi, le chagrin, la jalousie, la fierté…). J’ai trouvé émouvante la relation père-fils, et j’ai été bouleversée par les révélations au cours du roman. Ce livre fait bien réfléchir sur beaucoup de choses : les relations familiales, les secrets de famille (thème adoré par les Norvégiens, cf. par exemple les drames d’Ibsen), l’impossibilité de s’échapper du passé, les périodes de transition dans la vie (enfance-adolescence, vie active-vieillesse), la mort… C’est un roman très mélancolique, très dramatique et très intense, et en même temps c’est un roman très beau, très touchant et très passionnant ! Je l‘ouvre en grand !!

Françoise H (du nouveau groupe parisien dont les avis suivent)
Je n'ai pas lu tout le livre - il doit me manquer 50 pages - et je l'ai lu de façon hachée. J'ai adoré le premier chapitre. Cela fait beaucoup de bien, ce récit, cela donne l'impression de marcher dans la campagne, alors que je trouve que nos sens sont endormis, notre rapport à la nature est peu sollicité. Le héros est un peu comme Robinson, il est dans un univers sur lequel il a un regard d'étrangeté. J'ouvre à moitié.

Ana-Christina
J'ai également ressenti cette douceur tout au long du roman. L'intérieur est un endroit où l'on est bien, réchauffé. Il n'y a pas d'intrusion violente. L'auteur est attentionné, il ne nous fait pas peur, même quand il décrit des événements dramatiques. Il envoie du dramatique, puis le tranquille revient. La première page, avec les mésanges qui s'écrasent contre la fenêtre et qui, parfois, reprennent leur envol, symbolise tout le livre : "De la fenêtre de la cuisine je l'entrevois quand les bouleaux ont perdu leurs feuilles". Nos sens sont en éveil, mais ce n'est pas une douceur mièvre. Quand Trond rencontre Lars, on le découvre en même temps qu'il se présente à Lars. C'est un personnage plein de tact, par exemple dans la scène de la fermière qui trait la vache.
C'est un livre optimiste, je ne dirais pas que j'ai adoré mais j'ai passé un bon moment. C'est dommage de ne pas pouvoir le lire en norvégien.

Françoise
Tu as senti que c'était une traduction ?
Ana-Christina
Non, même pas. J'ouvre aux ¾.
Flavia
Moi je n'ai pas aimé ce livre. Je l'ai lu en entier mais de façon hachée, ce qui n'était sans doute pas une chose à faire. C'est lent, il y a des passages interminables. L'histoire est nullissime, je ne la comprends pas. D'accord, les descriptions de la nature donnent envie d'aller se promener, mais de là à les qualifier de superbes... je ne comprends pas certaines critiques que j'ai pu lire.
J'ai malgré tout aimé les passages sur le héros qui pense à sa vieillesse, mais les scènes où il décrit son passé sont nulles. J'ai aimé aussi les descriptions de l'intérieur de la maison, et son indécision quand sa fille lui rend visite… Il y a des passages pas mal mais les ¾ du livre auraient pu ne pas être écrits. Donc j'ouvre ¼.
Alix
La première moitié du livre suscite de fortes attentes, donc j'ai été un peu déçue par la suite du livre. J'ai trouvé l'ambiance très particulière. La nature est omniprésente, c'est très scandinave, il y a beaucoup de descriptions sur les oiseaux les arbres, etc. que j'ai passées rapidement, mais qui contribuent à l'atmosphère du livre. Après j'ai éprouvé un fort malaise dans la scène avec le nid d'oiseaux, de la peur même. Je crois que c'est parce que l'auteur nous la fait vivre comme une scène de cinéma, en faisant appel à nos cinq sens. Il parle du visage de Jon, de ses pupilles noires et dilatées, d'un masque livide, de bruits gutturaux, de ses gestes violents face à la faiblesse des oisillons, puis les éléments se déchaînent : les arbres bougent et le sol aussi, la couleur change, "gris acier", "jaune maladif", il y a une chute de la température, un violent coup de tonnerre et dans tout ça, le silence de Jon.
Par contre contrairement à Flavia je n'ai pas compris la valeur ajoutée du récit présent (Trond vieux), sinon pour ménager le suspense. J'ai éprouvé un certain agacement contre l'auteur qui vous oblige à lire des passages inintéressants, tout ça pour en savoir plus sur ce fameux été 1948.
Quand on apprend que "voler des chevaux" est en fait un code, j'ai ressenti de la satisfaction, de l'excitation. Est-ce que c'est une coïncidence ou pas, peut-être que son père lui a dit quelque chose, peut-être que les événements de la guerre vont rejaillir sur leurs fils ? Mais j'ai été déçue par la fin, car elle n'apporte de réponses sur rien. On suppose que le père de Trond est resté avec la mère de Jon. Mais rien de plus. Finalement je me suis dit que ma déception était peut-être égoïste : je m'attendais à un drame avec une portée historique, et on a un drame personnel, il faut accepter que ce qui nous semble décevant en tant que lecteur est dramatique pour le narrateur. J'ouvre à moitié.
Nathalie B
J'ai beaucoup aimé.
On peut faire un parallèle entre le narrateur et les mésanges, qui se cognent et repartent, tandis que le père du narrateur lui a dit que la douleur c'est dans la tête. C'est un livre très "physique" : le corps vieillit, les activités sont difficiles. Il y a des sensations : le froid, la chaleur.
L'attirance entre le père de Trond et la mère de Jon est extraordinairement décrite, je pense notamment au passage où le narrateur s'asseoit entre eux.
Pour moi, le narrateur a été gelé par le départ de son père, qui a abandonné sa famille. Cela existe dans notre société, malheureusement ! Mais il va s'ouvrir à sa fille et à Lars. Le moment où sa fille vient le voir est pour moi le cœur du livre. Il s'oblige à faire ce qui doit être fait, à se reprendre (étonnement du reste de l'assistance) Si, si ! c'est un vrai effort physique. Il a des douleurs, des malaises, il va basculer… et puis, quand sa fille lui parle de Dickens ("deviendrai-je le héros de ma propre vie, ou bien cette place sera-t-elle occupée par quelqu'un d'autre ?"), c'est terrifiant ! Il se dégèle, il ne sait pas s'il en est heureux ou pas, il va pleurer … c'est une histoire tout en sobriété mais très forte. Elle raconte la nature et le corps. J'ouvre le livre en grand.

Flavia
C'est quand même une drôle de coïncidence !! Le narrateur vit dans un endroit perdu, et comme par hasard, son voisin est Lars !

Audrey
Mais ce n'est pas un hasard ! Ils sont là parce que c'est un lieu qui leur rappelle cet été 1948…

Flavia
A la fin du livre, on ne sait même pas où ils en sont, comment ils ont évolué…
Audrey
Sous un certain angle, on peut se dire que l'histoire du livre est banale : l'exploration de sa mémoire par le narrateur qui revient sur un été décisif, le dernier où il verra son père qui quittera sa famille pour une autre femme. On peut aussi dire qu'il s'agit d'un portrait croisé (entrecroisé) d'un père et d'un fils, des portraits en pointillés. Néanmoins, si l'histoire peut paraître banale, le récit ne l'est pas. Il m'est apparu d'une grande originalité et d'une grande cohérence, mises en place :
1. par l'importance, la puissance et l'omniprésence de la nature
2. par des allers-retours entre présent et passé imbriqués, jusqu'à une confusion volontaire
3. par un récit en pointillés fondés sur silences et non-dits.

1. LA NATURE
- D'ABORD OMNIPRÉSENTE
On pénètre dans le récit par le paysage, par le lieu inscrit dans la nature et présenté comme le lieu tant attendu, rêvé : "toute ma vie j'ai désiré vivre seul dans un endroit comme celui-ci" (p. 15). Presque toutes les activités sont liées à la nature : la moisson, couper le bois, se balader, pisser, marcher dans la neige, déneiger, observer, arracher les orties, etc.
La nature est toujours dépeinte en toile de fond, tel le fond d'une peinture ou le décor d'une scène : le soleil qui se lève au petit déjeuner, le son de la rivière, la brume qui se lève, s'épaissit, le soleil qui chauffe, brûle le cadre de la forêt, avec un changement de temps autour de l'épisode du "vol des chevaux" : "me disant que jamais je n'oublierai cet endroit" (p. 44).
SAUF la dernière scène, seule scène du livre qui se déroule à la ville : c'est précisément la scène de l'abandon du père, le moment où le voile à la fois enveloppant, protecteur et peut-être étouffant de la nature se lève...
- UN RÉCIT AU RYTHME DE LA NATURE
Chaque événement du récit, et c'est assez frappant, voire déroutant, semble raconté de la même manière. Avec la même importance, comme finalement un événement qui s'inscrirait dans un tout, un ensemble qui le dépasserait, l'engloberait, l'écraserait : ça va d'ouvrir un porte (de nombreuses fois cette action est précisée), alimenter le feu, se promener, aller "voler les chevaux", l'accident de Todd, le baiser du père et de sa maîtresse, à l'accident du père de Jon.
Cela me donne l'impression que chaque événement est à la fois dérisoire et important. Voire décisif. Comme surviennent et se succèdent dans la nature, si on la considère à grande échelle, les événements qui la définissent, la nourrissent, la définissent. Chaque événement infime ou énorme finit par s'estomper, être enveloppé, dépassé par le cycle de la vie qui prend le dessus et continue son cycle, à un rythme régulier, et parfois cataclysmique : comme une feuille tombe est essentielle, une fleur qui éclot, un orage qui éclate, un arbre qui s'effondre, une tempête dévastant un espace.
De la même manière le récit tel qu'il est rapporté me donne l'impression que tout finalement appartient à un ensemble plus fort (et aussi protecteur), comme la nature, domine, se répète, se perpétue, impose son cycle. Et dans ce cycle, d'ailleurs, le retour de Trond à la nature, à un lieu similaire à celui qu'il a connu ce fameux été 48.
Il n'y a que la scène où Jon broie le nid (acte de destruction volontaire et gratuit contre un élément naturel) qui m'a semblé être rapporté un peu différemment.

2. DES ALLERS-RETOURS INCESSANTS ENTRE PASSÉ ET PRÉSENT structurent le récit.
D'abord de manière assez claire et énoncée, alternant assez régulièrement. Puis peu à peu se fondent, à ne plus savoir à quelle époque on se trouve. Cette construction, alors souligne bien les liens, les parallèles entre ces deux lieux, que sont celui de l'été 48 et celui élu par Trond, adulte. Et cela crée aussi un très fort lien entre les deux personnalités du père et du fils, que l'on retrouve dans des paysages similaires pris dans des activités semblables : cuisiner, couper du bois, aller au bord de l'eau, un quotidien physique fait de labeur à la fois contraignant et agréable. Cela souligne bien aussi le modèle que fut le père pour son fils.

3. UN RÉCIT FAIT DE SILENCE ET DE NON-DITS
Il y a finalement très peu d'échanges rapportés dans le livre. Au centre du récit, beaucoup de non-dits, et de silence. Là encore, on peu faire le rapprochement avec la nature.
- Beaucoup de silence notamment entre Trond et Jon, adolescents qui ne se questionnent pas sur leurs activités dans l'année, ni sur ce qui se passe chez eux, ils échangent essentiellement autour de leurs jeux. Jon, notamment ne raconte pas la mort de son frère !
- Silence aussi entre les ados et les parents de l'autre
- Silence et non-dits entre les 2 voisins qui ne rencontrent et ne présentent qu'à l'occasion de la recherche du chien en pleine nuit ? Et se reconnaissent... Quand Lars finira par parler, Trond, ne l'interrogera même pas sur ce qui fait le cœur du livre, à savoir la disparition du père, cet homme auprès duquel, Lars, a dû vivre, comme un fils, et qu'il a dû connaître jusqu'à sa mort. Ce silence est étonnant. Dans l'ensemble, les silences me sont apparus comme évident dans le rythme, dans le caractère des personnages et dans le mode de récit choisit. En tout cas, donc, entre eux par d'échanges de souvenirs, d'évocation du passé.
- Des non-dits aussi entre père et fils. Trond ne sait pas exactement ce que fait son père comme métier, et cela est dû en partie à son activité secrète de résistant. Cela semble néanmoins se répercuter sur les relations de Trond et de sa fille, à qui il n'a pas même dit qu'il partait s'installer ailleurs.
- Et puis, ce silence final, celui du père qui ne dit pas où il part et qui n'adresse pas une ligne pour le fils qui attend un message, un mot pour lui de la part de son père après cet été partagé ensemble. ET RIEN ! ...

Flavia
C'est parce que l'auteur n'avait pas les mots pour cela…

Nathalie
Rien, sauf de l'argent !

Julius
On a l'impression que rien ne s'est passé entre l'abandon par son père et la rencontre de Lars.

Nathalie
C'est le double deuil dont on nous parle au début du livre qui fait que tout s'effondre en lui.

Ana-Christina
Pour l'auteur ce n'est pas l'entre-deux qui compte. C'est le présent.

Audrey
Au final, j'ouvre le livre aux ¾.
François
Je me suis battu avec ce livre. C'est un roman sobre, elliptique. Une parole malheureuse du narrateur suffit à faire disjoncter Trond. C'est la narration qui rend le livre extraordinaire. Le passé remonte à la surface et menace de l'envahir.
C'est un livre plein de résonnances et de silences : le mot de code "voler des chevaux", le lien entre le père et le fils, les mêmes activités… On est toujours à des carrefours. A la fin, le narrateur prend la place de son père auprès de sa mère, c'est elle qui va le transfigurer dans la scène du miroir. Il devient un adolescent. Mais je me pose quand même une question : on voit que l'adolescent s'en est sorti, qu'en est-il de l'homme ?
Il y a du vide dans ce livre, donc il résonne. Cela me fait penser à l'univers d'Ingmar Bergman : fuir l'enfer familial.
Je dirais que le défaut, c'est le côté un peu systématique du retour du père.

Nathalie
J'ai été surprise que la mère de Jon s'attache à l'homme alors qu'elle a quand même perdu son enfant.

Flavia
Mais il ne décrit rien ! Je n'ai pas senti les émotions des personnages. Ni celles de la mère, ni celles du héros, ni celles de son père… j'ai trouvé qu'il y avait plus de force dans sa relation avec son chien.

Françoise
C'est peut-être culturel, le fait que les silences et les vides de ce livre en gênent certains ?
Julius
Difficile d'exprimer un avis tranché après avoir refermé ce livre dans la mesure où sa lecture me laisse des sentiments contrastés. Je ne sais pas si je l'ai vraiment aimé mais je peux dire a contrario que je ne l'ai pas détesté car j'ai objectivement ressenti du plaisir, de l'émotion, de l'intérêt à sa lecture. C'est plutôt l'ensemble du livre qui me laisse sur ma faim.
J'ai été frappé durant tout le livre par l'intériorité du personnage de Trond. Une intériorité structurante qui donne toute sa cohérence au personnage dont on a l'impression qu'il a construit sa vie d'un bloc. J'ai été sensible à cette sobriété qui se traduit aussi dans l'écriture, dans le style. Le roman ne livre de la vie de Trond, à quelques bribes près, que son adolescence et sa retraite actuelle comme si tout ce qui s'était passé entre-temps ne comptait pas, parce que seul comptait l'attente de cette rencontre ou de tout autre événement qui aurait finalement repris le cours de sa vie au moment de la disparition de son père. Il y a là une âpreté que je suis porté à apprécier parce qu'elle fait référence à une vie centrée sur l'essentiel, un refus de l'artifice, de l'apparence, pour rester au plus près de la vérité, sans faux-semblant.
J'ai trouvé, de ce point de vue, que l'aspect psychologique était traité de façon intéressante et cependant étrange, parce qu'on voit bien, à la fin du livre, qu'après le départ du père, la vie continue : il y a l'épisode suédois, l'achat du manteau, le restaurant, le retour… on a l'impression que tout va bien. L'épisode du coup de poing non donné laisse penser que Trond reste sur le bon versant de la vie. Et en réalité, tout est dans le non-dit, dans le vide, dans le creux : la déchirure est là et elle va structurer sa vie jusqu'à maintenant. Mais maintenant, il ne se passera plus rien… Cela pourrait être assez désespérant, et pourtant, il n'est pas désespéré, ce que je comprends, car cela correspond bien au personnage. En revanche, je suis très gêné par le fait que cette attitude, qui est presque une philosophie de l'existence, repose sur la formule "c'est à nous de décider si nous avons mal". Je ne partage pas cette espèce de stoïcisme de principe. Je ne vois pas la vie comme ça et encore moins telle qu'elle est décrite page 87 : "j'ai peu d'estime pour les gens qui prétendent que notre existence est gouvernée par le destin […] Je considère que nous créons nous-mêmes notre vie. J'ai en tout cas créé la mienne, pour ce qu'elle vaut, et j'en assume la pleine et entière responsabilité".
Ceci dit, je trouve que c'est un roman qui pose assez bien la question de la vacuité de l'existence. Question qui peut se poser aussi pour Jon et finalement pour tous les personnages par le fait qu'on ne sait pratiquement rien d'eux. C'est un roman construit sur le thème de l'absence comme présence du manque. Et j'ai eu l'impression qu'au lecteur aussi il manquait en permanence quelque chose, une clé… C'est assez intéressant comme démarche mais je trouve cela insuffisant en soi. En regard, la mère de Jon m'apparaît comme lumineuse, solaire, c'est un personnage dont la vie respire la plénitude, comme le père de Trond dont le silence n'est pas celui de son fils. Psychanalytiquement parlant, c'est sans doute un roman assez riche…
Je ne sais pas trop comment ouvrir le livre car il y a tout de même des passages poignants (p. 156, le dernier échange de Trond avec son père…) mais il est vrai que d'autres auteurs ont fait mieux… Et puis les personnages et les situations manquent tout de même un petit peu de nuances, j'attendais mieux. J'ouvre à ½.

Françoise
Je pense qu'il y a un décalage culturel entre les pays du sud et ceux du nord. En Norvège, le livre a eu un grand succès ! Mais le silence nous pèse plus qu'en Norvège.


SYNTHÈSE DES AVIS DANS LE GROUPE BRETON
suivie d'avis individuels
: Yolaine
: Odile, Suzanne, Chantal, Marie-Thé, Édith, Marie-Odile
 : Jean-Luc

Encore un choix qui a recueilli l'assentiment des Bretons qui l'ont lu, et que nous sommes reconnaissants au groupe de lecture de nous avoir fait découvrir.
C'est peut-être sur le style, dense, sobre et précis que les avis divergent, certaines le trouvant trop simple, pas assez travaillé, d'autres trop descriptif, les détails techniques nous permettant presque de nous initier à l'art du bûcheronnage et au maniement de la tronçonneuse. Il faut dire que nous sommes une majorité de femmes, alors que l'univers évoqué dans ce roman est très masculin. L'écriture de Petterson est en tout cas efficace, car nous avons tous été captivés par un suspense qui nous a fait parcourir ces 200 pages en quelques jours.
Nous avons aussi tous été sensibles à la beauté des paysages norvégiens, le rapport très fort à la nature, les odeurs très sensuelles, le silence et la paix (ou l'angoisse) qui en émanent, la lumière et l'ombre, et en même temps la dureté qui accompagne inéluctablement les lieux très isolés.
Le rapport au temps qui passe nous a tous fait vibrer pour le personnage principal : à 67 ans, confronté à la vieillesse et à la mort, il effectue un retour dans le passé sur les lieux où il a vécu une expérience fondatrice à son adolescence. La complicité des relations père-fils, à laquelle fait écho la visite de la fille de Trond à la fin du roman, le mystère qui entoure les secrets de famille, la disparition et l'abandon du père rendent cette histoire très émouvante et douloureusement nostalgique.
Le parcours initiatique de l'adolescent, qui s'achève par l'achat d'un costume qui symbolise son entrée dans la vie adulte, offre une fin assez réussie à cet ouvrage riche et profond : où est la place de chacun, quelle direction donner à sa vie, cette réflexion pourrait se nourrir d'une seconde lecture qui prolongerait le plaisir éprouvé à la première.
Chantal
J'ai beaucoup aimé ce livre, cette histoire et la façon dont elle nous est narrée :
- les allers-retours, dans un même lieu (?), entre le jeune garçon Trond et le "vieux" Trond de 67 ans (!), narrateur vieillissant qui se regarde et regarde son passé
- j'ai aimé ce personnage nimbé de mystère, de questionnement, sa façon de se situer toujours un peu "en dehors", en retrait, du monde et de ses agitations, de lui-même : "Ce brusque désir d'être loin, dans un endroit où tout ne serait que silence."
- le peu d'éléments sur sa vie et celle de son père nous est distillé au compte-gouttes tout au long des chapitres, maintenant notre intérêt
- les descriptions hyper précises des lieux, des paysages norvégiens, des actions, m'ont enchantée : couleurs, sons, l'omniprésence des corps au travail
- et la présence constante de la rivière étincelante, de la forêt sombre, la lumière et l'obscurité de la vie
- les sentiments, les émotions jamais étalés mais exprimés par le corps, les attitudes, les comportements
- les nombreux questionnements qu'il nous envoie : les relations aux proches, le bilan de vie, l'angoisse du vieillissement et le difficile chemin vers un certain apaisement sinon la sagesse...
- enfin j'ai apprécié le style très simple, les phrases courtes, j'ai même pensé à Camus dans la scène du dernier au revoir père-fils (p. 155) ; simplicité certes mais grande force.
Je ne sais toujours pas pourquoi j'ai enlevé ¼ ! Peut-être pour sa coquetterie qui lui fait dire qu'il n'aime pas dans les romans les passages "tirés par les cheveux" tout en se demandant par quel hasard il se trouve à 67 ans dans ce lieu !!!...
Marie-Odile
Je suis entrée dans ce roman en me pliant au rythme du récit. Ce rythme très régulier, toujours identique m'a semblé calqué sur celui de la marche, celle de l'homme ou des chevaux, "ni vite, ni lentement". Cela avait pour moi quelque chose de reposant, de familier.
La nature, le quotidien, les gestes du travail sont évoqués avec une grande minutie et font l'objet d'une aussi grande attention que les temps forts souvent tragiques qui traitent de départ, de séparation ou de mort violente : le chien, le nid, Odd, le fugitif. (J'ai aimé la façon dont cette dernière scène est évoquée, comme vue d'en haut, en suivant les différents personnages).Tout me semble mis sur le même plan : le bonheur et la douleur, car "c'est à nous de décider si nous avons mal".
C'est un beau roman initiatique. Trond repère les moments où la confiance se perd, où le centre de gravité bascule, où "la façon d'avoir peur et d'être heureux" change. J'ai été frappée par l'attention portée au corps, témoin de ces changements, la fréquence des pages évoquant le sommeil et le réveil... Le parallèle entre la vie de Trond et celle de son père est évident.
Ce qui reste énigmatique pour moi, c'est cette question d'importance où Trond se demande si Lars a pris la place qui lui était destinée, si c'est à lui qu'on a donné une partie de sa vie... Je crois n'avoir pas bien compris même s'il me semble évident que cela a forcément quelque chose à voir avec le père...
J'ai aimé la simplicité, la sobriété, la discrétion, la pudeur de ce récit, la façon dont cela circule entre les êtres, entre les époques, la façon dont la transmission se fait entre père et fils, la façon dont le titre aussi circule, mot de passe pendant la guerre, expression reprise par les enfants ensuite...
Je l'ouvre aux ¾ et je remercie Jane pour cette belle découverte.
Marie-Thé
Première partie, suis très mitigée ; certes, j'ai été très sensible à la beauté des lieux, j'ai aimé la description du cadre de vie de Trond, j'ai éprouvé l'apaisement communiqué par la nature au rythme des saisons, l'inquiétude aussi. Je retiendrai encore ceci : le silence et la paix.
Mais j'ai été agacée par ces interminables descriptions de la préparation des tronçonneuses et de leur entretien, même la marque est mentionnée. Plus tard, j'ai pensé que cela faisait écho aux soins méticuleux qu'apportait le père à ses outils ; "chaque chose a sa place, chaque place a sa chose", ai-je entendu quelquefois autour de moi.
Et la place des personnes, où est-elle ? En cheminant dans le livre, je me pose avec le personnage principal, Trond, cette question. Où est la place de chacun ? Et je m'arrête ici : "Deviendrai-je le héros de ma propre vie, ou bien cette place sera-t-elle occupée par quelque autre ? A ces pages de le montrer." Puis à cet obstacle, la question que Trond ne parvient pas à poser à Lars : "As-tu pris la place qui m'était destinée ? Est-ce à toi qu'on a donné une partie de ma vie ?" Le père de Trond a pris la place du père de Lars. Par ailleurs, la mère de Trond, sa sœur, tous ces personnages semblent égarés, Trond lui-même cherche son chemin. Du côté de chez Jon c'est la même chose, et la tragédie sera là : mort du frère jumeau de Lars, de l'inconnu qui n'a pas pu rester simplement à sa place dans la grange puis dans la barque.
Je découvrirai en avançant dans ces pages, avec l'enchevêtrement des troncs sur la rivière, bloqués par des obstacles, puis libérés, et emportés par le courant, l'enchevêtrement des personnes, même parcours...
Une autre question amenée par Trond retient mon attention : quelle ligne, quelle direction donner à sa vie ? Le coup de poing à la ville, en Suède, ne partira pas sur l'inconnu à qui on essaie de demander son chemin (nous sommes dans le libre arbitre), Trond en a fait le choix, a pris une autre direction. Je pense ici aux points cardinaux, souvent évoqués dans le livre, aux vents qui transforment les lieux, les journées, les hommes, selon leur provenance.
J'ai aimé l'évocation de ce "moment fondateur" : la chevauchée à travers des paysages merveilleux avec le père. Une autre chevauchée, à vélo cette fois, lui fera écho, lorsque Trond ira à la gare à la rencontre d'un père qui ne viendra jamais.
Avec Trond vieillissant, nous sommes dans des lieux reculés et beaux, en forêt, sous la neige, etc. (j'adore), et l'écho d'une vie passée, de lieux semblables ou différents, arrive inlassablement jusqu'ici ; et tout fait écho dans ce livre, les parallèles aussi sont partout ; j'ajouterai que j'imagine bien l'écho résonner dans ces paysages.
Je me répète sans doute en disant que j'ai été émerveillée par le Nord ici si bien décrit, mais l'évocation des voyages de Jon devenu matelot, imaginés par Trond, sont d'une grande beauté aussi. J'ai aimé le suivre sur les traces de Rimbaud et ailleurs. Et j'ai pensé à un autre auteur norvégien, Knut Hamsun, dont le livre La Faim a été lu par le groupe : à la fin de La faim, le personnage principal finissait par larguer les amarres.
Difficile d'achever, tant à dire encore... Je dirai que j'ai trouvé ce livre admirable, agréable, juste, que j'ai été sensible à la peinture des lieux, au début je me croyais chez moi en cette fin novembre. J'oubliais, le temps qui passe devient précieux pour Trond à l'automne de sa vie. A noter encore l'alternance de la clarté et de l'obscurité, l'évocation de l'œuf écrasé dans la main de Jon, image du jumeau mort. La rivière semble être le lien, le support, les limites à dépasser ou non, dans toute cette histoire. La transmission, la filiation, le passage, de l'eau, etc. Mais aussi le passage de Trond à l'âge adulte peut-être, avec son costume, à la fin du livre, les émois de la chair, les étreintes étouffantes aussi, l'eau (présente aussi dans le rêve : tenir la tête hors de l'eau), le livre est traversé par tout cela, parsemé aussi de petits indices sur la vie de Trond. Le travail des bûcherons est très important, je pense encore à la voie lactée, contemplée, couché sur le dos la nuit, tellement juste...
Beau livre, personnages forts, jusqu'à la dernière ligne... "C'est à nous de décider si nous avons mal" = message paternel...
Avec ces pages nous sommes aussi dans la psychanalyse, mais là c'est un autre chapitre. Je déteste la photo de couverture (Folio), complètement à côté. J'ouvre aux ¾.

AVIS DU NOUVEAU GROUPE PARISIEN
à venir (réunion le 9 décembre 2016)

DOCUMENTATION SUR LE LIVRE ET L'AUTEUR

Les livres de Per Petterson parus en France :
- Jusqu'en Sibérie, publié en Norvège en 1996, traduit et publié aux éditions Circé en 2002
- Dans le sillage, 2000, traduit par Circé en 2005
- Pas facile de voler des chevaux, 2003, traduit par Gallimard en 2006
- Maudit soit le fleuve du temps, 2008, traduit par Gallimard en 2010
- Je refuse, 2012, traduit par Gallimard en 2014

Documentation sur Per Petterson (ICI, 7 pages)
=> Bio rapide – Ses œuvres
=> "Per Petterson, un roi en Norvège", Marianne Payot, L’Express, 24 septembre 2010
=> Sur Pas facile de voler des chevaux :
- Avis de l’auteur sur la traduction anglaise de Pas facile de voler des chevaux meilleure à ses yeux que son propre texte…
- Marine Landrot, Télérama, 11 novembre 2006
- Mathieu Lindon, Libération, 31 août 2006, "Son nom est Petterson"
- Extrait d’une interview (pour qui lit l’anglais) par Joy E. Stocke, Wild River Review, septembre 2011
=> Sur Maudit soit le fleuve du temps : Mathieu Lindon, "Petterson navigue au bord de la mère", Libération, 16 septembre 2010
=> Sur Je refuse : Mathieu Lindon, "Petterson, un refus digne de ce non", Libération, 22 octobre 2014
=> Per Petterson répond à la question "Quels sont les trois livres que vous emporteriez sur une île déserte ?", Bibliothèque idéale du naufragé, Françoise Armanet, Flammarion, 2015

 


Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :

à la folie, beaucoup, moyennement, un peu, pas du tout


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