Extrait de
Swissinfo.ch (1979)


Quatrième de couverture
 :

" Nous ne vivons plus sous la crainte d'un Dieu, d'une justice immanente, d'un Fatum comme dans la Cinquième Symphonie ; non ! plus rien de tout cela ne nous menace." Notre monde n'est plus hanté que par des pannes. Pannes de voiture, par exemple, comme celle de la Studebaker d'Alfredo Traps, un soir, au pied d'un petit coteau...
Et voilà comment ce sympathique quinquagénaire rencontre ce jour-là son Destin, charmant vieux monsieur qui l'invite à passer la nuit chez lui. Juge à la retraite, celui-ci passe d'excellentes soirées, en compagnie de ses amis, l'avocat et le procureur, à reconstituer de vrais procès.
Celui d'Alfredo Traps commence comme un jeu...

La Panne, ce chef-d'oeuvre d'humour noir, a été porté à l'écran en 1972 par Ettore Scola, sous le titre La Plus Belle Soirée de ma vie.

Traduit de l'allemand par Armel GUERNE



La Panne
(version scénique)
éd. Zoé, 2010

Quatrième de couverture

« Traps. Quel crime suis-je donc censé avoir commis ?
Le Procureur. Un point sans importance, mon ami. Il y a toujours un crime à trouver. »

Dans ce texte clé de l’œuvre de Friedrich Dürrenmatt (1921-1990), la différence entre la culpabilité et l’innocence, entre la justice et l’injustice s’estompe, pendant que la toute puissance des mots se déploie.

Nouvelle traduction de la version radiophonique de La Panne (1955). Traduit de l'allemand par H. Mauler et R. Zahnd

Préface d'Hélène Mauler

Friedrich DÜRRENMATT (1921-1990)
La panne (roman publié en Suisse en 1956)

Nous avons lu ce livre pendant notre cinquième Semaine lecture du 7 au 14 juillet 2018 dans les Hautes-Alpes. Les 7 livres lus pendant la semaine : ICI

Voir en bas de page la documentation sur l'auteur et ses œuvres.

Voici d'abord nos 19 cotes d'amour (15 participants à la Semaine lecture + 4 à distance) :

Chantal, Édith, Rozenn, Manuel, Nathalie, Denis, Muriel, Séverine, Monique S
Suzanne, Fanfan, Claire, Fanny, Françoise, Catherine, Marie-Odile, Lisa
Jacqueline
Monique L

Lisa (à Paris)
J'ai beaucoup aimé ce livre. L'écriture est sympa, même si je n'ai rien relevé de grandiose. Par contre, l'histoire, j'ai été bluffée.
Au début de ma lecture, je n'étais pas convaincue, je trouvais ça un peu facile. Plus j'avançais, plus j'appréciais cette histoire.
La fin m'a particulièrement plu : enfin une chute réussie ! Je suis souvent déçue par les chutes des nouvelles, là c'est une réussite.
J'aime ce que l'auteur nous raconte sur la culpabilité.
Je n'ai pas vu l'intérêt de la première partie. J'ouvre aux ¾.

Monique L (à Paris)
Ce livre me laisse un goût amer. Un humour noir dans un monde de personnels de justice alcoolo. Je trouve que ce ne sont pas des connaisseurs, car mélanger tous ces grands crus en une seule soirée me semble sacrilège. C'est le côté "chevalier du Tastevin" de mon grand-père maternel et le côté connaisseur de grands vins de mon frère qui se rebellent. C'est sans doute anecdotique mais sérieux.
Revenons à la lecture. Ce qui pourrait être intéressant, c'est le passage d'innocent à victime de notre "héros", bien qu'ayant vu le glissement lent et continu de ce changement, je n'ai pas été convaincue. Ce qui m'a le plus marquée c'est le final, car Traps se sent plus considéré par le juge qui le condamne à mort que par son défenseur qui lui cherche des excuses et le rend ainsi plus quelconque et vulnérable. La toute fin du suicide m'a surprise, mais quelle aurait pu être une autre fin ?
Je n'ai pas été sensible à la dérision et à cet humour. J'ouvre au quart.
Marie-Odile (dans les Pyrénées)
J'ouvre aux ¾ ce récit que je conseillerais à tous ceux qui sont en panne de lecture, car il a vivement capté mon attention (une fois passées les réflexions du premier chapitre qui ont cependant le mérite de justifier le titre).
Si, au début, Traps parle parfois de "conte", l'atmosphère m'a rappelé certains récits fantastiques : les personnages sont de plus en plus grotesques, les rires diaboliques, les discours désarticulés. L'action relève vite du cauchemar, comme un jeu de rôle qui tourne mal. J'ai pensé aux Dix petits nègres d'Agatha Christie. Dans les deux récits, le lieu est clos, le temps resserré, le décor intérieur et extérieur mentionné, le nombre des personnages limité, et surtout, comme Traps, tous sont coupables de quelque chose qui échappe à la Justice traditionnelle). Ce récit m'a cependant paru original, car l'accusé est le premier à s'accuser, les valeurs sont renversées, la condamnation valorisée... La mise en scène d'une justice dont le but est de faire vivre ses protagonistes entraîne Traps là où il n'avait pas prévu d'aller. J'ai été impressionnée par la complexité du récit qui mène de la panne de voiture à "la panne de raison" Traps perd la honte, découvre "sa vérité", l'accusé s'accuse et finit par exécuter lui-même la sentence… J'ai bien aimé la progression implacable, le mélange subtil de drôlerie et de gravité, de farce et de réflexion, qui, pour moi, font la réussite de ce récit.

Monique S (dans la Sarthe)
Je ne connaissais pas le film, j'ai donc découvert ce récit de but en blanc. Quelle richesse et quelle drôlerie !
On est à certains moments dans le conte fantastique grotesque (les trognes des vieillards, leur costumes, leur hilarité subite et bruyante, leur débordements). On est aussi dans un univers un peu suranné (j'ai pensé, parmi des livres que nous avions lus, à Maîtres anciens de Thomas Bernhard et à l'atmosphère anglaise des Vestiges du jour de Kazuo Ishiguro – avec une panne aussi).
Dans ce milieu intellectuel du barreau, on sait manier le verbe, rationaliser sa pensée ; on sait apprécier les meilleurs vins, les meilleurs mets ; on suit un certain décorum bourgeois pour ouvrir, déguster les meilleures bouteilles. Le tout sur un fond philosophique : comment "réussir sa vie" ? Doit-on rester dans une certaine inconscience et la médiocrité, ou bien accéder à une certaine "hauteur" en étant acteur de sa vie, quitte à employer de façon volontaire tous les leviers, y compris le crime ? J'ai souvent pensé à Edgar Poe (écriture implacable, conte, fantastique, raisonnement) et aussi à l'univers de Polanski, en particulier au début de son film de Le Bal des vampires.
A la fin, comment interpréter le suicide du "représentant de commerce" ? Pour moi, c'est qu'il n'était pas à la hauteur du jeu. Il n'avait pas l'étoffe des autres convives ; on n'échappe pas à sa classe, il s'est brûlé les ailes à un jeu trop subtil pour lui. Il a été le jouet totalement malléable des autres, ce qui vient confirmer ses craintes du départ, quand il se dit p. 24 : "une conversation où il risquait fort de se sentir ridicule..."
Ce que j'ai adoré tout le long du livre, c'est qu'à chaque ligne, on est incapable de prévoir la suivante ; et on est en effet à chaque page : surpris, amusé, scotché. Excellent, à déguster à petites gorgées, avec gourmandise, comme un grand millésime. Je l'ouvre en grand.
(Pour ceux des semaines lectures au Val Richard, vous souvenez-vous des passages que nous interprétions pour rire devant la maison durant nos lectures ensemble ? J'aurais bien aimé jouer des passages de ce livre avec vous : les silences soudains et suspendus au repas, puis les cris, les rires, et les tapages sur la table, ou bien la dernière montée des escaliers vers les chambres...)
Chantal (à Vars comme ceux qui suivent)
Quel plaisir ! Mais après le bla-bla de la péroraison. Mais quand j'ai relu cette première partie, je l'ai appréciée. J'ai aimé l'implacable progression, cela m'a fait penser à Kafka, aux procès du XXe siècle. J'ai trouvé les arguments brillants, peut-être moins pour le défenseur. J'ai aimé le style de l'écriture avec parfois des petites phrases hachées qui montre bien l'évolution de Traps. J'ai aimé le suspense, j'avais imaginé une autre fin. J'ouvre en grand.
Jacqueline
Je n'ai pas beaucoup aimé. J'ai commencé gentiment par le premier chapitre. Il m'a beaucoup agacée. Quelle prétention extraordinaire ! Il défonce des portes ouvertes. L'histoire m'a accrochée, il m'est arrivé de rire. Mais c'est très compassé, vieillot. Je me rappelais vaguement le film qui m'avait bien accrochée. Ici c'est très bien construit cette intrigue. Le style m'a fatiguée. J'ai été agréablement surprise par la fin. J'ouvre à moitié car c'est bien ficelé.
Édith
J'ai dégusté, lu et relu. Pourquoi j'y retourne ? J'ai relu avec les commentaires (de ceux en train de lire) que j'ai écoutés. Vérité, jeu, langage : Les écrits sur le théâtre en parlent. De vieux viveurs se jouent le jeu de la camaraderie, avec une deuxième forme de vie. Je me suis délectée de cette malveillance. Est-ce une histoire possible ? Question que pose ce livre. Je me suis délectée de façon macabre et j'ouvre grand. J'aime le côté ancien de l'écriture.
Suzanne
La première partie m'a posé question. Il s'agit d'universel cosmique : vais-je retrouver cela, me suis-je dit, dans le texte qui suit ? Je me suis demandé de quelle époque était l'auteur. C'est une farce macabre sur fond de dîner fin. J'ai pensé au Dîner de Babette. Le personnage a besoin de se sentir coupable. La plaidoirie de l'avocat vaut la peine. Il y a une progression du jeu. J'ai retenu l'élégance calamistrée. J'ouvre trois quarts.
Rozenn
Je n'ai pas lu le début. Je suis complètement emballée. Pour certains mots, j'ai l'impression que c'est mal traduit. Qu'est-ce qui m'a plu ?
- Les personnages, mais ils sont difficiles à distinguer, il y a un petit problème.
- L'évolution de l'accusé : tout content d'être au centre, d'être le héros, content de l'identité qu'on lui donne.
- Une petite peur, la jubilation de la culpabilité, et puis... même pas peur
- La fin m'a beaucoup plu.
La pièce de théâtre que j'ai lue ne tient pas. J'ouvre en grand.
Manuel
Ce fut un très grand plaisir de lecture. J'ai aimé les descriptions : on les voit. J'ai aimé l'arrière-fond, le village, l'unité de lieu. J'ai adoré la chute. Les dialogues sont croustillants. Et le juge dans le piano !... Est-ce qu'on se prend au sérieux ? Cela ne m'étonne pas qu'un Italien l'ait adapté, c'est une parfaite comédie italienne. J'ouvre en grand. Ce n'est pas un chef-d'œuvre, mais c'est une vraie création. Et l'écriture datée fait du bien.
Fanfan
P. 33, on voit la tactique, et que Traps est bien crétin.
Je ne voyais pas cette fin. Pourquoi est-il mort ? Tout ce que dit le juge lui a cassé le moral.
J'ai aimé le style, le rythme : c'est relax, jovial, puis PAM ! Quelque chose, là, est lié à la musique.
J'ai adoré comme ce type est fier d'avoir trouvé un sens à la vie. J'ouvre trois quarts.
Nathalie
J'ai beaucoup ri, c'est clownesque, burlesque. J'ai douté longtemps de leurs intentions. J'ai l'impression d'être dans L'Auberge rouge. J'ai relu après le manifeste qu'est la partie 1, qui marche par le refus, très bovaryen. Flaubert était d'ailleurs passionné par les minutes de procès. J'ai tout aimé, quoique parfois ce ne soit pas convaincant, car c'est trop intelligent de la part de Traps. Les dialogues sont réussis. J'ai adoré. J'ai eu beaucoup de plaisir (plats et vins compris...)


Denis
Je connais La panne depuis des années 60. Je l'ai étudié en allemand. C'est un livre énigmatique. Une critique très profonde de la justice. Dürrenmatt est un provocateur ; il titille l'ordre suisse ; c'est une parodie de justice. J'ai été déçu par le film avec Michel Simon. La servante est devenue jolie et la fin est différente.
Vos commentaires enrichissent ce livre enraciné en moi. Kafka, je n'y aurais pas pensé. En allemand c'est plus clair. Je me suis attaché à la première partie, l'ai lue quatre ou cinq fois ; je ne comprends pas bien ; un écrivain peut parler des pannes ; que fait cette première partie ?
Le thème est métaphysique, parallèle à l'univers de Chirico. Ce n'est pas un roman humain. Je n'ai pas compris pourquoi il se suicide. J'ouvre en grand.
Claire
Le premier chapitre m'a sidérée, m'a plu : j'ai trouvé cela alambiqué. Les énumérations, comme celle de la première page, donnent un rythme au texte à certains moments.
J'ai eu du mal à me situer : j'étais dans une recherche de vraisemblance malvenue ; j'ai trouvé cela TROP, au-delà du grotesque.
Je me suis questionné sur la traduction, par exemple des points virgule ponctuent l'énumération de la première page et dans le texte d'allemand que j'avais aussi sous les yeux, ils n'apparaissent pas ; dans le début de la deuxième partie, la présentation du personnage n'est pas faite dans le même ordre, c'est bizarre (voir un tableau édifiant réalisé par la suite).
J'ai lu la pièce et contrairement à toi Rozenn, je l'ai préférée. La première partie qui pose problème ne figure pas, mais on retrouve des passages qui renvoient de façon plus claire aux thèmes de cette partie. Simone est pleinement un personnage, annonçant théâtralement les plats et les vins. Et la fin, différente, est drôlement intéressante.
Et puis j'ai aimé ce que j'ai découvert de l'auteur, quel bonhomme ! J'ouvre la pièce en grand et le roman trois quarts.
Fanny
J'ai trouvé le style désuet. Psychologiquement, c'est très fort. Le retournement est très fort. J'ai été surprise par la fin. C'est très bien monté. Je n'avais jamais lu, mais j'avais un sentiment de familiarité. J'ai pensé au Dîner de cons dont nous parlions avec Manuel. Et aussi au juge-pénitent dans La Chute de Camus. Le début, je l'ai relu mais je ne l'ai pas compris. Ça ne veut rien dire. C'est très hermétique. J'ouvre aux trois quarts.
Muriel
J'ai trouvé la première partie barbante. Et la suite formidable ! Une originalité folle ! Et ce vieux qu'on croit gâteux. Et ce jeu où ils sont là attendre le client. La plaidoirie m'a fait penser à la chanson "Ping Pong Li" de Georges Ulmer. C'est hénaurme, comme Ubu, monstrueux, dégénéré. Le gars est minable, il se rend compte qu'il a peut-être contribué à la mort de son collègue ; rentré dans sa chambre, il se suicide. Les arguments de la défense, c'est très bien. C'est extrêmement original. J'ouvre en grand.
Séverine
C'est le livre que j'attendais. Je l'ai lu trop rapidement. Je connaissais La visite de la vieille dame. Je suis fan d'Agatha Christie ; or beaucoup de livres de Dürrenmatt se réfèrent au policier. Il y a Le Juge et son bourreau et La Promesse. J'ouvre en grand. C'est un jeu de doute, le doute est instillé. La panne m'a rappelé Les vestiges du jour qu'on a lu : avec le prestige de la voiture, le statut social que donne la voiture. Le sujet est la panne d'auteur ? J'ai hâte de lire d'autres livres de lui, Grec cherche grecque par exemple. J'ai été surprise par la fin. C'est jubilatoire ce jeu macabre.
Catherine
J'ai eu du plaisir c'est sûr. C'est très bien fait. Les descriptions des personnages, la graisse. C'est grotesque. Il y a un côté un peu sordide. Et la société de textile Héphaïstos ! C'est assez féroce, cette satire. Les plaidoiries sont très bien, dont celle de la défense. Un bémol : je n'ai pas été convaincue, car il est trop médiocre pour se suicider. Mais c'est super bien fait.
Françoise
Au début je n'ai rien compris. Le début est un repoussoir de lecture. Mais j'ai continué et... c'est un régal de lecture. La tension monte, c'est bien foutu. Et les descriptions physiques ! Le style désuet va bien. La fin est invraisemblable. J'ai pensé à La Boule noire de Simenon. Par ailleurs, il y a une clairvoyance par rapport aux cerveaux artificiels. Et le sous-titre donne une clé : "une histoire encore possible". J'ouvre aux trois quarts (à cause de la première partie).

 

DOC SUR DÜRRENMATT ET SES ŒUVRES

La Panne, une œuvre qui évolue
- 1955 : pièce radiophonique
- 1956 : récit
- 1979 : version scénique
- 1972 : entre-temps, Ettore Scola adapte le récit au cinéma sous le titre La Plus Belle Soirée de ma vie, avec Alberto Sordi, Michel Simon, Charles Vanel ; ce fut le dernier film de Pierre Brasseur, qui mourut au cours du tournage. Claude Dauphin a relaté ce tournage dans son livre Les Derniers Trombones.

La Panne : ce qu'en dit Dürrenmatt
Les trois versions ?
"Ce fut d'abord (en 1956) une pièce radiophonique. Ensuite, j'ai écrit le roman et, en 1979, la version définitive de la pièce de théâtre. Ces quelques versions de La Panne sont, pour moi, semblables aux transpositions de Bach. Il m'arrive souvent de traiter le même sujet en théâtre, en roman ou nouvelle, de le reprendre plusieurs fois."
Et le film ?

"Ce fut une entreprise malheureuse, pleine de problèmes. Ce fut aussi le dernier film de Pierre Brasseur qui décéda en cours de tournage. Il a donc fallu le remplacer, doubler sa voix.
Généralement, je n'ai pas un bon rapport avec le cinéma. Je trouve que la plupart des cinéastes sont des rafistoleurs. Ils font leur film aux ciseaux. Même Fellini. Je suis un écrivain et, si j'ai joué dans
Le Juge et son bourreau, ce n'était que pour faire une blague. J'y jouais d'ailleurs si mal que si j'avais été le metteur en scène, j'aurais coupé ma scène."
Et la pièce ?
"Elle dit la même chose que mes autres pièces : dans le monde d'aujourd'hui, la tragédie n'est plus possible, ni la faute qu'elle implique, il n'y a plus que le dérisoire des petits accidents. La Panne est la comédie de la justice, cette idée contre laquelle je m'élève résolument, une des plus cruelles que l'humanité ait inventées. Au nom de la justice, on a fait plus de mal que de bien. S'il y a une justice, elle devrait être au-dessus des hommes, elle devrait être divine. La justice humaine est condamnée d'avance parce que les juges ne sont jamais en dehors de la justice. Voilà pourquoi mon personnage, traduit à la faveur d'une panne devant un tribunal corrompu, est à la fois coupable et innocent. Il peut choisir son verdict. Quand j'ai écrit la pièce, j'ai essayé de me placer au-dessus du jugement. C'est une pièce aristophanesque."
Ces citations sont extraites de l'article suivant :
- "La Panne, le 4 septembre au Carré Silvia Monfort. Friedrich Dürrenmatt : Vive Aristophane !", Anca Visdel, Le Figaro, 21 août 1984 ; des photos de la représentation ICI ; un autre article sur cette mise en scène : "Procès en chambre", Caroline de Baroncelli, Le Monde, 11 septembre 1984 ; et voici un article sur une autre représentation :
- "Trois comédiens singuliers font fonctionner La Panne : Darry Cowl, André Falcon et André Chaumeau jouent Dürrenmatt à l'Atelier", Michel Cournot, Le Monde, 13 septembre 1986.
Et les récits ou les romans ?
"Un roman ne m'intéresse que s'il affronte à la fois des problèmes formels et les questions qui se posent à l'intelligence humaine face au cosmos. Pour le dernier, Der Auftrag, je suis parti des principes de composition du Clavecin bien tempéré de Bach et j'ai construit vingt-quatre phrases, de plus en plus longues, qui forment les vingt-quatre chapitres du roman. Et j'ai traité une question qui relève de la théorie de la connaissance." (Le Monde du 15 décembre 1990).

La Panne, préface et postface
- préface à la pièce radiophonique de la traductrice Hélène Mauler
- postface au récit où il est précisé que le terme désignant en allemand le tribunal (Gericht) signifie aussi mets... par Wilfred Schiltknecht, spécialiste de la littérature alémanique.

La panne : la traduction ?
La mise en relation suivante interroge sur la traduction du récit que nous avons lue (une seule traduction de La panne existe en français, celle parue chez Albin Michel en 1958) : voir cette comparaison texte original/traduction mot à mot/traduction d'Armel Guerne

La panne : les dessins de Dürrenmatt
Dürrenmatt dessinait (1000 œuvres conservées).
Voici quatre personnages représentés par Dürrenmatt :

Wucht (force), Zorn (colère), Kummer (chagrin), Pilet
Dessins de la collection privée de Dürrenmatt
reproduits dans Le théâtre de Friedrich Dürrenmatt : de la satire au grotesque
de Philippe Wellnitz, Presses universitaires de Strasbourg, 1999

Des repères sur l'auteur et ses œuvres majeures
- Friedrich Dürrenmatt naît en 1921 dans le canton de Berne. Fils de pasteur, il
est le petit-fils d'Ulrich Dürrenmatt, célèbre satiriste, poète et politicien bernois, dont il conserve l'esprit provocateur. De son grand-père, il dira : "Mon grand-père a été envoyé en prison pendant dix jours à cause d'un poème qu'il avait écrit. Je n'ai pas encore été ainsi honoré. Peut-être est-ce ma faute, ou peut-être le monde a-t-il tellement périclité qu'il ne se sent plus offensé lorsqu'il est sévèrement critiqué." (voir son autoportrait...)
- A partir de 1941, études de littérature allemande et philosophie ; en parallèle, il dessine et peint ; il interrompt ses études pour devenir écrivain.
- Il s'essaie à la dramaturgie en s'inspirant de Brecht, Kafka et de Lessing ; à 24 ans, il écrit sa première pièce de théâtre Les Fous de Dieu, qui provoque un scandale en 1947.
- Il cherche à gagner sa vie comme écrivain et écrit des nouvelles, des romans policiers (sous forme de feuilletons dans les journaux), et des pièces radiophoniques pour subsister, mais sans renoncer à écrire des pièces de théâtre.
- Son premier roman, Le Juge et son bourreau (1951), utilise un schéma de récit policier pour poser des questions existentielles. Viendront ensuite Le soupçon (1951), La Panne (1956), La Promesse (en 1958) avec pour sous-titre "Requiem pour le roman policier"...
- En 1952, il s'installe à Neuchâtel, dans sa maison du Pertuis-du-Sault où il restera jusqu'à la fin de sa vie. Il perce, en 1952, avec la comédie Le Mariage de Monsieur Mississippi dans laquelle il commence à trouver son propre style théâtral (la comédie sombre pour exposer la nature grotesque de la condition humaine) et devient célèbre en Allemagne.
- En 1956, il atteint pour la première fois un public international avec La Visite de la vieille dame. La pièce est montée, entre autres, à New York (par Peter Brook), Milan (par Georgio Strehler), Londres et Paris et reçoit de nombreux prix ; elle donnera lieu également à de nombreuses adaptations cinématographiques.
- En 1962, en pleine guerre froide, il publie la pièce qui deviendra un grand classique Les Physiciens, où
il soulève la question de la responsabilité politique des scientifiques. En 1966, il connaît également le succès avec une autre pièce de théâtre, Le Météore.
- Dans les années 1970 et 1980, Dürre
nmatt donne de nombreuses conférences devant un public international. Il visite les États-Unis, Israël, la Pologne et le camp de concentration d'Auschwitz. Il écrit des essais : sur Israël en 1975, sur Albert Einstein en 1979, un recueil de textes mêlant philosophie, autobiographie et fiction en 1981.
- Les œuvres de Dürrenmatt ont été traduites dans plus de quarante langues.

Par ailleurs...
- En 1946, il se marie avec l'actrice Lotti Geissler, avec qui il aura trois enfants. En 1983, sa femme meurt, et l'année suivante, il épouse l'actrice, réalisatrice et journaliste Charlotte Kerr. Il meurt en 1990 à Neuchâtel. Mais Dürrenmatt avait souvent annoncé sa mort, ayant déjà subi une série de crises cardiaques. Quand il créa une fondation apparemment "prématurée", avec à sa tête sa future veuve, Charlotte Kerr, il répondit de sa manière goguenarde en ricanant, sur le pourquoi de cette fondation "prématurée" : "Ah, vous savez, quand on a eu déjà quelques infarctus comme moi, il faut bien se préparer gentiment à débarrasser le plancher…"
- Et donc, ouvre en 2000 le Centre Dürrenmatt Neuchâtel, consacré non seulement à son œuvre littéraire mais aussi à son œuvre picturale, moins connue du public (1000 œuvres).
-
En effet, dramaturge mondialement reconnu, Dürrenmatt était également peintre. A peine étudiant, Dürrenmatt écrit à son père : "Il ne s'agit pas de décider si je vais devenir un artiste ou non, car cela ne se décide pas, on le devient par nécessité (...) Pour moi, le problème est ailleurs. Dois-je peindre ou écrire ? Je me sens appelé par les deux." Bien qu'il décide alors de faire de l'écriture sa profession, Dürrenmatt continuera à dessiner et à peindre durant toute sa vie : "Par rapport à mes œuvres littéraires, mes dessins ne sont pas un travail annexe, mais des champs de bataille, faits de traits et de couleurs, où se jouent mes combats, mes aventures, mes expériences et mes défaites d'écrivain" écrit-il en 1978, en introduction au premier volume illustré de ses œuvres. La plupart du temps, les illustrations n'ont qu'un rapport ténu avec ses textes. Elles représentent des thèmes mythologiques et religieux comme le Labyrinthe et le Minotaure, la Tour de Babel ou la Crucifixion. Il a été influencé par l'expressionnisme, ainsi que Bosch, Brueghel, Piranèse, Goya ou le peintre suisse Willy Guggenheim dit Varlin, qui a fait plusieurs portraits de lui (par exemple celui-ci de 1962).

Quelques articles
- "En guise de portrait" : un autoportrait extrait d'Écrits sur le théâtre, de Friedrich Dürrenmatt, Gallimard, 1970.
- "Le labyrinthe de Friedrich Dürrenmatt", Jacques Le Rider, Le Monde, 13 septembre 1982 : une savoureuse et éclairante interview.
- "La visite à Friedrich Dürrenmatt", Michel Contat, Le Monde, 19 septembre 1986 ; dans cet article, Michel Contat, en visite donc chez l'écrivain, évoque
Apostrophes du 18 janvier 1985 avec Robbe-Grillet, Philippe Sollers (qu'on peut voir ICI, 7 min) :
Quant aux téléspectateurs, ils ont vu, lors d'un mémorable Apostrophes, une sorte d'Orson Welles alémanique observer d'un œil narquois ou simplement incrédule ces deux numéros que sont Philippe Sollers et Alain Robbe-Grillet, et emporter le morceau par des silences bourrés de sens. Si vous lui rappelez cette émission, il dit placidement : "Le premier, comment l'appelez-vous, était ridicule avec ses vantardises à propos des femmes. Robbe-Grillet est plus malin. Si français ! Mais qui donc voudrait perdre son temps à regarder une telle émission ?"
- "Dürrenmatt, écrivain dehors, peintre dedans", Isabelle Eichenberger, Swissinfo, 31 août 2015.


Friedrich Dürrenmatt avec son perroquet Lulu, 1979, photo : Peterhofen/Stern


 

Nos cotes d'amour pour le livre, de l'enthousiasme au rejet :
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
à moitié
un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !

 

 

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