Extrait du Monde
(2013)
Quatrième de couverture :
Situé de nos jours, en Ukraine, ce
livre raconte les aventures dun jeune écrivain juif américain
"Jonathan Safran Foer" en quête de ses origines.
Guidé par un adolescent semi-illettré, Alex, par un vieillard
et un chien, il sillonne la région à la recherche des vestiges
dun mystérieux village détruit par les Nazis en 1941.
Mais soudain le récit bascule, et nous voici projetés
dans un autre monde : du 18 mars 1791 au 18 mars 1942, cest
la chronique terrible et fabuleuse dun shtetl appelé Trachimbrod
qui se déroule sous nos yeux
un shtetl qui nest peut-être
que la version légendaire du mystérieux village
Peuplé denfants trouvés, de rabbins
kabbalistes, damoureux en proie à la fureur érotique,
cet admirable roman sinscrit dans une tradition où la bouffonnerie
est souvent lultime expression du sacré.
Mais cest aussi un tour de force littéraire
dune stupéfiante modernité.
Passant avec allégresse du mystique au profane,
du rire aux larmes et du broken English au grand style, Tout est illuminé
est un acte de foi envers le Roman, dans toutes ses dimensions.
"Il est manifeste que lauteur
de ce premier roman est un jeune homme prodigieusement doué. Et
ce qui est plus rare quil semble posséder une
sorte de sagesse. Lisez-le. Absolument." Russell Banks
Quatrième de couverture :
Ils sont inséparables : lui,
le jeune écrivain au langage déroutant, et son grand-père
aux cheveux longs qui prétend être aveugle. En quête
de leurs origines, partis à la recherche dun improbable village
sur les routes dUkraine, ils vont traverser la mer, la terre et
lHistoire : celle, de 1791 à 1942, du shtetl Trachimbrod,
peuplé denfants trouvés, de kabbalistes et dérotomanes
Un puzzle génial, dune stupéfiante modernité.
Né en 1977 à Washington, Jonathan Safran
Foer a fait des études de lettres à Princeton. Tout est
illuminé, son premier roman, a été salué
par la critique et couronné Meilleur Livre de lannée
2002 par Susan Sontag et Joyce Carol Oates dans le Times.
"Un récit gigogne
où se mêlent le tragique et le féerique, le burlesque
et le sacré, la méditation sur lexil et la quête
des origines." (LExpress)
Traduit de langlais (États-Unis) par Jacqueline
Huet et Jean-Pierre Carasso
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Jonathan Safran Foer
Tout est illuminé (2002)
Traduction-exploit... de l'anglais (États-Unis)
par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso
Nous avons parlé de ce livre le
1er juin 2018 et le groupe breton le 24 mai.
Quelques repères sur l'auteur
et son uvre en bas de page
(Lors de notre soir, nous initions par lire tous les avis qui nous
sont nouveaux riches parvenus, dans un ordre hasardeux, pour proférer
comme le narrateur du livre...)
Nathalie
Je ne suis pas du genre à utiliser les capitales, mais là
je le fais !
J'AI ABANDONNÉ SAFRAN FOER dès les dix premières
pages...
Je REFUSE de perdre mon précieux temps à lire un texte volontairement
déconstruit (un mot pour un autre de sens proche) qui rend la lecture
ATROCE !
J'ai l'impression d'être un élève DYSLEXIQUE.
Je rage de voir qu'on va avoir des lecteurs qui vont trouver ça
BIEN...
J'ai compris que le contenu serait intéressant, MAIS tant de livres
intéressants m'attendent que je le laisse aux bons soins des petits
malins qui ont la lecture facile...
Catherine
Je ne connaissais pas cet auteur avant de lire ce livre. Je l'ai trouvé
très original dans son écriture et sa construction. J'ai
trouvé le début très drôle : le langage
totalement improbable d'Alex, l'équipée avec le grand-père
aveugle qui leur sert de chauffeur et le chien débile ; la
synagogue et les avachistes... Je me suis un peu perdue par moments dans
l'histoire du shetl, racontée par l'auteur lui-même, qui
s'étale une très longue période, avec des allers
et retours incessants, et dans les personnages. Ce récit s'intercale
avec les lettres d'Alex à l'auteur, toutes dans ce jargon hilarant,
et avec celle du voyage en voiture, ce qui aboutit à un puzzle
parfois compliqué qu'il faudra que je le lise une deuxième
fois pour mieux comprendre. Plus le livre avance et plus le burlesque
laisse la place au tragique et on pressent que le grand-père a
joué un rôle dans ce drame. La fin est particulièrement
glaçante mais sans que le livre tombe dans le pathos. J'ai beaucoup
aimé ce livre que j'ouvre aux ¾.
Lisa
Je ne serai pas parmi vous ce soir parce que je n'ai réussi à
lire que 20 pages de ce livre. J'ai trouvé ça imbuvable
et je n'ai pas réussi à me forcer. Donc pour l'instant je
le ferme et je réessaierai peut être un jour...
Brigitte
C'est un livre très difficile à lire. J'ai vraiment failli
laisser tomber cette lecture. Quand c'est Sacha qui écrit, on a
l'impression de lire un texte traduit par traduction automatique :
les mots ne sont pas employés dans leur acception habituelle ;
c'est très gênant surtout pour les verbes. Finalement je
suis allée jusqu'au bout du livre. On y retrouve l'ambiance des
shtetl d'Europe centrale au XIXe siècle, comme ils étaient
décrits dans un livre que nous avons lu dans le groupe il y a très
longtemps (Gimpel
l'imbécile d'Isaac B. Singer).
C'est une performance de l'auteur d'avoir recours à tant de registres
d'écriture si divers. J'imagine le cauchemar qu'ont dû vivre
les traducteurs. On y côtoie l'Ukraine, la guerre de 39-45, les
crimes nazis, l'émigration aux États-Unis, des réflexions
philosophiques profondes, l'érotomanie
Je retiens ces quelques lignes concernant les habitants de Trachimbrod
avant sa destruction (p. 385) : "Il
en allait de même chaque fois que quiconque tentait de parler :
son esprit s'empêtrait dans les réminiscences. Les mots se
muaient en marées de pensées sans début ni fin, et
noyaient celui qui parlait avant qu'il ait pu atteindre le canot de sauvetage
de ce qu'il tentait d'exprimer. Impossible de se rappeler ce qu'on avait
voulu dire, ce qu'était, après ce flot de mots l'intention
initiale."
C'est un exploit. Livre intéressant, mais trop difficile à
lire. J'ouvre à moitié.
Renée (de Narbonne)
Pour ma part, j'ai eu beaucoup de mal à entrer dans ce roman, gênée
par l'écriture "orale" d'Alex. Ses expressions genre
"j'étais si effervescent" sont formidables mais la lecture
est ralentie par la multiplicité de termes originaux.
Cependant au fur et à mesure que le puzzle se dessinait, j'avais
de plus en plus envie de lire la suite.
Fort habilement, JSF a construit son roman avec quelques petites histoires
dans la grande HISTOIRE. Les petites histoires souvent comiques, parfois
tragiques.
Le thème étant la mémoire et la quête des racines :
pourquoi, même après plusieurs générations
intégrées à un pays, les Juifs ont besoin de ressasser
leur histoire, leur généalogie ? Concernant la culpabilité
du survivant qui se transmet de génération en génération,
JSF a écrit cette phrase qui hante le livre : "On
ne devrait jamais avoir à être le seul qui reste".
Certains passages sont cruels, nous rappelant que les Juifs pensaient
que les nazis les protégeraient des bolcheviks ; ils accusaient,
à juste titre les seconds de vouloir les éliminer, ce qui
fut souvent fait.
C'est aussi :
- un roman d'amour : paternel, filial, fraternel
- la relation du choc de culture entre Safran, le jeune écrivain
d'un pays prospère, et Alex, ingénu peu instruit d'un pays
pauvre
- la mise en abyme d'un récit en train de s'écrire.
Il y a de l'humour pour adoucir le tragique : par exemple la maison
en construction où les ouvriers sont des acteurs. Ou la fausse
Augustine qui marche devant la voiture.
Livre ouvert en grand, il m'a conquise.
Marie-Odile (du groupe breton)
Ayant tenté la lecture de ce roman à un moment sans doute
peu propice, je l'ai abandonné au bout de quelques chapitres que
je reliais mal les uns aux autres. Mais sur le chemin de la médiathèque
où je devais rendre l'ouvrage, je l'ai machinalement rouvert et
là tout s'est illuminé ! Je l'ai alors rapporté
à la maison pour me régaler d'une lecture sélective,
comme un enfant gâté qui dans un gâteau se délecte
de la part qu'il aime en délaissant le reste.
Je traduis : j'ai dévoré avec grand bonheur les chapitres
concernant la vie du shtetl, mais en contournant habilement tout ce qui
n'était pas daté de 1791 à 1942. J'y ai trouvé
tout ce que j'aime : la fantaisie, l'humour, l'imagination, les phrases-gigognes :
"le souvenir engendrait le souvenir qui engendrait
le souvenir", un rythme alerte, des personnages pittoresques,
de l'humanité, des évidences jamais formulées :
"La seule chose qui soit pire qu'être triste,
c'est que les autres sachent qu'on est triste". J'ai adoré
le livre des rêves récurrents, l'incapacité de Yankel
à perdre le papier qu'il veut perdre, le berceau de papier journal
confectionné pour Bord sur qui s'imprime le texte, le trou dans
la cloison de la chambre du Kolkien, le livre des antécédents,
la nuit de noces-bombardement de Zosha et beaucoup d'autres passages...
L'opposition entre Verticalistes et Avachistes m'a fait penser à
Swift (l'opposition entre Gros-Boutiens et Petits-Boutiens, les uns ouvrant
les ufs par le gros bout et les autres par le petit bout, ce qui
entraînera querelles et... guerre de religion).
Bref, ce roman dans le roman m'a pleinement rassasiée. J'ai même
parfois frôlé l'indigestion d'énumérations
ou de propos délicieusement absurdes.
Peut-être ai-je raté quelque chose en ne reprenant pas les
chapitres en italique : cette façon d'écrire à
la manière d'un étranger employant des termes impropres
sans que le sens en souffre m'a paru géniale, mais un peu lassante.
Finalement, je ne regrette pas d'avoir joué à saute-chapitres
et si je garde fermée une (et même deux) partie(s) de ce
livre foisonnant, j'ouvre l'autre en grand.
Marie-Claire (du groupe breton)
Hou la la !!! Quelle histoire !!!
Au fait, c'est quoi l'histoire ?
Une histoire qui se déplace dans le temps, les lieux, les personnages,
qui parfois se détachent... Qui nous permet, parfois, d'avoir quelques
belles pages ! Brod, objet d'amour, d'attention
Mais quel pensum, ce livre !
Quelle écriture !? On a l'impression d'un surajout d'incongruités
dans le choix des mots, des expressions, comme si, il fallait toujours
rajouter plus de fautes de français ou de "gros mots".
La volonté est-elle de choquer ou de vouloir parler "rue" ?
C'est fatiguant, il faut vraiment faire un gros effort pour dépasser
le premier ¼ de ce bouquin.
Finalement je le ferme, car c'est ce que j'ai fini par faire.
Marie-Thé (du groupe breton)
Je me suis sentie projetée dans l'espace et dans le temps, sur
les routes d'Ukraine et dans le shtetl des origines. J'ai aimé
ce périple en compagnie d'Alexandre, en même temps Jonathan
Safran Foer, sans oublier le grand-père et la chienne tout de même
agaçante. Il y a des passages très drôles, j'ai souvent
ri. Je dirai la même chose pour les pages qui racontent la vie dans
le shtetl, entre "verticalistes" et "avachistes",
en compagnie du "Rabbin bien considéré", etc.
J'ai aimé le côté burlesque, baroque, mais je n'oublie
pas que la tragédie a aussi sa place.
La traduction, voulue aussi, m'a d'abord surprise, puis je m'y suis habituée
et l'ai même recherchée, en pensant au talent des traducteurs.
J'ai beaucoup pensé à Philip Roth, disparu quand je lisais
Tout est illuminé, et pour moi son ombre a alors recouvert
jusqu'au titre de ce livre. Comme je l'ai déjà rencontré
chez Philip Roth, je pense qu'ici le narrateur se confond avec l'auteur ;
c'est-à-dire : Alexandre se confond avec Jonathan Safran Foer.
J'ai aussi pensé à Opération
Shylock avec Philip Roth face à son double envahissant,
ou qui y disait d'Aharon Appelfeld : "Nous
sommes les héritiers communs d'un passé qui s'est brusquement
scindé en deux."
Par ailleurs, même si nous sommes loin de Portnoy
et son complexe, je retiendrai ces lignes parmi d'autres chez
Jonathan Safran Foer (ceci se passe après les défilés
du festival du jour de Trachim) : "assez
de voltage copulatoire pour électrifier sexuellement les cieux
polono-ukrainiens."
Avec l'humour si présent, j'ai aussi pensé à Woody
Allen, aux frères Cohen avec A
serious man par exemple. L'humour est parfois grinçant :
"Je fais pour vous quelque chose que je déteste.
C'est ce que veut dire être amoureux." Il y a aussi
l'enfant couchée dans le four... corps tatoué...
Je retiendrai encore la beauté et la poésie rencontrée
dans ces pages, ainsi les constats de décès qui s'envolent
dans les arbres : "Certains tomberaient avec
les feuilles en septembre de cette année-là.
D'autres tomberaient avec les arbres, des générations plus
tard." Ou : "l'ombre qui
était une meilleure preuve de l'existence de l'oiseau que l'oiseau
lui-même ne l'avait jamais été." J'aime
"le livre des antécédents" ou encore le visage
qui se détache (p. 138)
Le corps du kolkien, recouvert de bronze fait penser à l'adoration
du veau d'or de la Bible. "C'était un dieu
changeant, détruit et recréé par ses adorateurs,
détruit et recréé par leur adoration."
Je n'ai pas tout à fait terminé ce livre et j'ai l'impression
de m'acheminer vers un mystère.
A la mort de Philip Roth, Jonathan Safran Foer a dit : "
Philip Roth était mon héros." J'ouvre ce
livre aux ¾.
Synthèse des avis du groupe
breton (par Yolaine)
Fermé
: Chantal, Jean, Marie-Claire, Édith
½ :
Annie, Marie-Odile¼ :
Suzanne, Claude
¾
: Marie-Thé
Il y a ceux qui ont détesté, et exprimé leur refus,
leur colère ou leur étonnement devant les critiques dithyrambiques
glanées sur internet ; puis ceux qui ont trouvé la
lecture laborieuse et éprouvante (la majorité, puisque rares
sont celles qui ont réussi à lire le livre jusquau
bout), et enfin les gagnants, ceux, ou plutôt celles qui ont rusé
en renonçant à suivre le texte de manière linéaire,
mais sont allées piocher au gré de leur inspiration et de
leur plaisir.
Cette approche sélective semble avoir permis la découverte
enthousiasmante dune littérature novatrice et profondément
originale, dune imagination débordante, où se côtoient
tragique, burlesque et baroque, dans une alternance dhistoires déjantées
et oniriques.
Un style époustouflant, un humour juif, beaucoup de trouvailles
et danecdotes savoureuses, un charme surréaliste quillustre
bien la couverture
de lédition Points.
Poids de lhistoire, de la généalogie et de lhérédité,
culpabilité du peuple juif, rencontres amoureuses étranges
et sexualité omniprésente et lumineuse.
Mais limpression dominante reste quand même létrangeté
et la confusion, qui laisse le lecteur parfois admiratif mais aussi perplexe
dans ce parcours du combattant.
Après cette tournée d'avis lus,
Danièle attaque
Comme Nathalie, je n'ai pas pu ouvrir longtemps ce livre. J'ai ressenti
de la colère. De la colère contre le traducteur, puis j'ai
vu que c'était à tort, alors de la colère envers
l'auteur. Après j'ai compris que le narrateur parle à coup
de dictionnaire, remplaçant un mot par un synonyme, car ce n'est
pas un hasard la façon dont les mots inattendus apparaissent. J'ai
compris ça, mais c'était lassant.
Monique L
Je l'ai lu sur une tablette. J'ai cru avoir une mauvaise version. Je pensais
aller chez le vendeur en lui disant : changez-le moi c'est plein
de fautes. Heureusement, Brigitte m'a dit que c'était "normal".
Danièle
J'ai compris que c'était loufoque et burlesque. Mais j'ai abandonné
à 100 pages, je ne serais jamais arrivée au bout. Peut-être
faut-il une stratégie comme ne pas lire tous les chapitres, comme
Marie-Odile. Mais j'étais écurée. Je ferme
le livre. Quand je pense qu'il a eu un prix...
Claire
J'enchaîne, car je suis dans le club de Nathalie, Marie-Claire,
Lisa et Danièle, et je vais être rapide. Le début
m'a enchantée avec cette langue décalée et puis très
rapidement j'ai jeté le livre par la fenêtre.
Monique L
J'ai trouvé ce livre très curieux, original et très
difficile à lire. Je l'ai lu jusqu'au bout. Cela m'a demandé
un effort. Je pense que j'aurais sauté sans problème des
passages que j'ai trouvé ennuyeux si cela n'avait pas été
dans le cadre du groupe de lecture.
Il faut un temps d'adaptation pour lire le baragouinage d'Alex qui parfois
est à la limite du compréhensible.
Mais ma difficulté de lecture n'est pas due qu'à la langue,
mais également à ma méconnaissance des us et coutumes
des communautés décrites.
On comprend parfois qu'il s'agit de critiquer avec plus ou moins d'humour
des pratiques et habitudes que je connais peu ou même pas du tout.
J'ai dû passer à côté de certains traits d'humour.
J'en suis consciente.
L'omniprésence du sexe est pour moi excessive et peu compréhensible.
Était-ce et est-ce si prégnant dans ces contrées ?
Claire
L'éditeur aurait pu mettre ces passages en couleur pour qu'on y
aille directement.
Monique L
Je n'ai pas su apprécier le rôle de la chienne pétomane.
Malgré toutes ces critiques, j'ai eu des moments de plaisir de
lecture, entre autres dans la chronique du village ou au moment de la
rencontre avec Augustine et la visite du village détruit, ou encore
la scène de la boîte.
J'ai également apprécié la construction qui fait
se rencontrer deux histoires : celle du voyage de Jonathan d'Alex
et de son grand-père, et celle de l'histoire des ancêtres
de Jonathan dans le shtelt, de la fin du 18e siècle à la
seconde guerre mondiale.
Au changement de chapitre, il m'a fallu quelques instants pour savoir
où j'en étais et qui écrivait.
Certains passages m'ont paru artificiels comme celui où il définit
ifice, artifice
Je ne conseillerai ce livre à personne. Je tire mon chapeau aux
traducteurs. J'ouvre le livre au ¼.
Françoise
l'avais lu quand il est sorti et pourquoi en français, ça
je n'ai pas retrouvé pourquoi. Et là je ne l'ai pas relu,
gardant les souvenirs : et je me rappelle que j'ai beaucoup aimé.
Je l'ai lu jusqu'au bout sans difficulté.
Claire
C'est une question de Q.I. ce livre.
Françoise
J'ai aimé la démarche de l'auteur. Est-ce un procédé ?
Je m'en fous. Ai-je tout compris ? Je m'en fous. C'est foisonnant,
délirant, avec un humour décalé. J'ai aimé.
Cela m'a fait penser aux Boutiques
de cannelle que nous avions lu.
Claire
Et même deux fois !
Françoise
Et nous l'avions vu adapté
au théâtre. C'est juif également.
Bref, j'avais été emballée.
Fanny
Pourquoi tu ne l'as pas relu ?
Françoise
Je n'ai pas eu le temps, lisant aussi autre chose. Mais je l'aurais lu
en anglais.
J'ouvre en grand. J'avais été impressionnée, époustouflée,
de la part d'un mec jeune. J'avais un a priori favorable pour un premier
roman.
Claire
Tu as un a priori favorable quand c'est un premier roman ?
Geneviève
Oui pour un premier roman qui est comme celui-ci remarqué.
Richard
Je suis venu, je n'ai pas tout lu (80 pages sur 270 dans la version en
anglais). Il y a des contresens et non sens très rigolos. Par exemple
le grand-père pour dire qu'il est retraité (retired),
dit qu'il est retardé (retarded). Toute la construction
est russe. Un autre exemple :
Your train ride appeased you?
I asked. Oh, God, he said, twenty-six hours, fucking
unbelievable. This girl Unbelievable must be very majestic, I thought.
"Le voyage en train vous a apaisé
?" demandai-je. "M'en parlez pas, vingt-six heures sur cette
putain de banquette !" Cette fille Banquette doit être très
majestueuse, pensai-je. (p. 56)
Claire
La traduction est vraiment au poil.
Richard
À force de lire le mot qui n'est pas le bon mot, ça fatigue.
J'ai lâché mon attention.
C'est la première fois que je viens principalement pour savoir
les avis des autres sur un livre que je n'ai pas aimé.
Il faut aimer l'humour juif, apparenté au britannique. Il y a quelques
scènes vraiment fantastiques : au resto quand on fait tomber
des pommes de terre. J'ouvre un quart.
Claire
C'est quoi l'humour juif ?
Rozenn
Parlons-en à la fin du tour.
Quand j'ai commencé à le lire, je me suis dit qu'est-ce
que c'est que cette merde ! Pourquoi on a choisi ça !
Je ne comprends rien. Je laisse le livre, d'ailleurs je l'égare.
Aujourd'hui je vais aux urgences et avant de partir, au cas où,
je range un peu et je retrouve le livre, et je m'emmène aux urgences,
où je commence à le lire : c'est magique ! J'en
suis à la page 144, j'étais navrée qu'on vienne me
faire une prise de sang. Je voulais le lire avant de mourir ! J'ai
pensé au Maître
et Marguerite. J'adore. J'adore retrouver l'Ukraine où
je suis allée. J'ai relu le début, avec un décalage
de mots. Le personnage est tellement touchant. Il y a quelque chose sur
l'altérité de formidable ! La petite fille me laisse
perplexe. Mais tous les personnages sont touchants. Quand j'étais
immobilisée pendant longtemps, je lisais allongée un livre
par jour, mais c'était comme si j'avais mangé trop vite.
Celui-là c'est parfait, car il résiste. Mais j'ai trouvé
ça fluide car j'ai admis de ne pas m'arrêter à chaque
fois. Je n'ai qu'une envie, c'est continuer. J'ouvre en grand.
Pour un livre comme cela, il faudrait qu'en cours de lecture, ceux d'entre
nous qui ont avancé dans le livre donnent un conseil aux autres,
sans donner leur avis, en disant : accrochez-vous !
Fanny
C'était difficile, j'ai lu les trois quarts, j'ai manqué
de temps. J'avais des mémoires d'étudiants à lire.
Je vais le finir. J'accroche. Il résiste, mais voilà que
je le perds. J'ai 1h30 pour lire avant ce soir, si je le trouve d'occasion
chez Gibert je peux le finir, mais si je le rachète, à qui
je vais le donner
Au début (et je me souvenais de ce qui
en avait été dit la séance précédente
: oh la la
) c'était très décontenançant.
J'ai mis du temps pour comprendre la généalogie, pour trouver
la place de chacun. Mais j'aime ce côté baroque, avec différents
styles, différentes entrées. Brod est très touchante.
Le narrateur, c'est fastidieux un peu. Mais j'ai beaucoup aimé
la chienne dingue, Augustine, le grand-père. Je suis arrivée
avant le passage dont parle Monique, avec les scènes de massacre.
J'ai déjà vu ces scènes. J'ai pensé à
Anima.
Plusieurs
Ah oui, oui.
Fanny
J'étais étonnée que Marie-Thé se pose la question
d'une ambiguïté entre narrateur et auteur. Le narrateur c'est
Safran Foer, il y a son nom ce n'est pas ambigu.
Monique
Enfin il y a trois voix quand même.
Jacqueline
Oui je me suis demandé de quel narrateur parle Marie-Thé,
puisqu'il y en a plus d'un un.
Fanny
Je pense que ce livre nécessite plusieurs lectures. Il y a un côté
fastidieux. Je suis contente de l'avoir découvert. C'est un livre
qui se mérite, qui est très riche avec ce côté
baroque. J'ouvre aux ¾.
Jacqueline
Mon problème : je l'ai emprunté à la bibliothèque
et l'ai perdu dans le bus, je l'ai racheté (Jacqueline tient
le livre sans oser même l'ouvrir). J'ai commencé ravie,
charmée par la langue, j'ai trouvé ça merveilleux.
J'ai pensé à Kourouma,
avec ce ravissement devant la langue.
Geneviève (et d'autres opinant du bonnet)
Oui !
Jacqueline
Ou à Faulkner quand il fait parler l'idiot dans Le
bruit et fureur. Le premier chapitre, formidable, me plaisait
beaucoup. Sous cette langue, il y a une réalité d'un monde
d'aujourd'hui : la compagnie de voyage, un bricolage qui profite
du tourisme. Le deuxième chapitre, c'est un autre monde, une langue
plus habituelle, mais dans un folklore extraordinaire, oral, cela me rappelle
Zeniter,
avec l'histoire de la fortune qui commence.
J'ai eu un très très léger agacement, je n'arrivais
pas à prendre au sérieux : est-ce une parodie de littérature
yiddish ? Ou pas ? Finalement c'est le roman de Jonathan Safran
Foer. J'ai trouvé très extraordinaire. Et cet échange
entre celui qui écrit son roman et l'autre ! Et la langue
qui s'améliore ! À des moments on ne sait plus qui
écrit. L'histoire fantastique entre les deux arrive à la
Shoah, et ça renouvelle ce type de récits.
J'ai confondu plusieurs femmes, il y a une espèce d'ambiguïté
entre des personnages. J'ai envie de le relire de plus près. J'ouvre
aux trois quarts.
Rozenn
Pourquoi aux trois quarts ?
Jacqueline
Parce que j'aurais besoin de le relire. C'est un peu trop humoristique
pour moi. Mais ça m'a plu. Il y a des choses où j'ai gazé
un peu.
Françoise
Ah ça on le garde : t'as gazé !
Geneviève (dont nous nous souvenons qu'elle a proposé
ce livre, mais pas elle...)
Je l'ai lu en 2002 quand il est sorti et ça a été
un choc. J'étais persuadée de l'avoir lu en anglais, mais
finalement je n'en suis pas sûre. Je me souvenais de cette première
impression : cette langue c'est n'importe quoi ; puis la prise
de conscience du décalage voulu : ah oui c'est intéressant.
Je voulais faire pour ce soir des comparaisons entre la version anglaise
et la version française, mais j'ai trop galopé pour avoir
le temps, ce qui teinte mon impression, car c'est vraiment le genre de
livre à ne pas lire en diagonale. C'est foisonnant et je comprends
qu'on puisse dire trop c'est trop. Il faut prendre le temps de se laisser
emporter dans ce flot d'images. Pour Monique qui dit ne pas comprendre
l'intérêt de certaines réflexions dans "Le livre
des antécédents" évoqué p. 300,
il s'agit en fait à partir d'une cascade de termes plus ou moins
inventés de proposer un terme ; "efactifice" pour
parler de la musique comme mode de communication et de son rôle
dans la religion juive. C'est aussi une manière de moquer gentiment
l'intellectualisme juif et son art de couper les cheveux en quatre !
Il faut accepter le foisonnement le baroque, l'invraisemblable. Le chien
pétomane m'a rappelé Pennac et la famille Malaussène,
dans Au
bonheur des ogres ou La
fée Carabine. J'ai aussi pensé, dans une autre catégorie,
à Des
fleurs pour Algernon, qui joue sur la déconstruction de
la langue du narrateur. J'ai accepté la langue étrange des
premiers chapitres quand j'ai réalisé qu'en fait c'était
écrit comme si le personnage avait systématiquement utilisé
un dictionnaire des synonymes, notamment pour les verbes. Par exemple :
"Mother is a humble woman. Very,
very humble. She toils at a small cafe one hour distance from our home.
She presents food and drink to customers therebe very majestic, I thought".
"Ma mère est une femme humble.
Très très humble. Elle besogne dans un petit café
à une heure de distance de notre foyer. Elle présente l'aliment
et le boire à des clients".
En anglais il y a un seul décalage (presents)
contrairement au français qui joue le décalage non seulement
sur le verbe ("elle présente") mais aussi sur
les compléments ("le boire et le manger"), ce
qui n'était pas le cas en anglais, et du coup ça fait beaucoup.
Ce décalage systématique et le malaise qu'il crée
montrent aussi que les synonymes, ça n'existe pas. Question de
contexte : "premium", et "exceptional"
ne sont pas interchangeables.
La difficulté d'un roman polyphonique, comme c'est le cas ici,
c'est que ce n'est pas sécurisant. Je pense à Instruments
des ténèbres de Nancy Huston, qui entrecroise deux
récits, un journal contemporain et un récit du XVIIe siècle.
Danièle
Je me demande ce qu'on a obtiendrait si on réécrivait "correctement"
le discours où il y a des mots à la place les uns des autres...
Geneviève
Il y a un rapport de forces qui évolue : celui qui parle mal,
le jeune Ukrainien qui rêve de partir aux États-Unis, est
dominé mais sa langue évolue au fur et à mesure que
son rêve s'éloigne.
Danièle
Pourquoi il s'exprime, se force à écrire cette langue ?
Geneviève
Il est dans le rêve américain, c'est pourquoi il lui écrit
dans cette langue qu'il ne maîtrise pas, il y a cette thématique
du rêve américain sous-jacente. Mais aussi le désir
d'exploiter la naïveté de ces Juifs américains qui
sont vus comme riches.
Monique
Et le père d'Alex ? On n'en a pas parlé.
Jacqueline
C'est lui qui permet la rencontre.
Geneviève
Moi aussi, il me pose problème.
J'ouvre en grand. Il y a une ouverture sur un monde, une richesse. On
pense aux frères Cohen, à Singer, Roth, Woody Allen...,
c'est une richesse folle. Mais ce n'est pas évident forcément
pour tout le monde ; cette question du judaïsme rejoint des
intérêts personnels, avec aussi celle du romantisme malsain
des origines, ce malaise que j'apprécie de retrouver.
Claire
Et ses deux autres livres ?
Geneviève
J'ai lu Extrêmement
fort et incroyablement près
sorti en 2005, sur les suites des attentats de New York en 2001 et
Me
voici, très récent. Ce n'est pas aussi fort. Le
dernier est proche des premières uvres de Philip Roth, pour
la description de la communauté juive américaine. Ce n'est
pas aussi fort, c'est très Philip Roth, juif américain.
Claire
Alors l'humour juif ?
Geneviève
Rozenn qui raconte sa journée fait de l'humour juif. C'est de l'autodérision.
C'est très décapant, sur la mort, sur le sexe.
Rozenn
Juif américain : qu'est-ce qui est juif ? Qu'est-ce qui
est américain ?
Danièle
Je vais le reprendre ce livre.
Richard
Quand il remplace un mot, je me demande s'il choisit d'utiliser les mots
d'origine latine.
Rozenn
Ce sont des mots d'un "registre du dessus".
Geneviève
Il y a une concurrence en anglais entre les mots d'origine saxonne plus
concrets et d'origine latine plus théorisés. Churchill,
dans son discours "Nous
nous battrons sur les plages" qui a eu tant d'impact, n'utilise
que des mots d'origine saxonne. Et l'américain a plus de mots d'origine
latine.
Richard
Et quand il utilise to commence au lieu de to begin. Il
y a une thèse à faire sur cette langue dans Safran Foer.
Rozenn
Allez Richard, pense à cette thèse.
Claire
Et si on lisait du Churchill ?
(Moues dubitatives)
Claire
Quand j'ai visité sa maison, j'ai lu des pages de lui que j'ai
trouvées formidables, dans Mes
jeunes années. Il était écrivain (prix Nobel
de littérature), peintre...
Richard
Je vous raconte une anecdote vraie : une femme politique lui fait remarquer
qu'il est saoul. Oui, lui répond-il, je suis saoul. Et vous, vous
êtes laide. Mais moi, demain, je serai sobre.
Bessie Braddock MP :
Winston, you are drunk, and whats more you are disgustingly
drunk.
WSC :
"Bessie, my dear, you are ugly, and whats
more, you are disgustingly ugly. But tomorrow I shall be sober and you
will still be disgustingly ugly."
(raconté par Churchill, dans Winston
Churchill by himself)
Nathalie
Voilà ce qui fait la saveur de ces comptes rendus lus très
attentivement quand on n'a pu être présent : cela donne
envie de s'y remettre et de dépasser la difficulté.
Je n'ai pas dit que je le ferai, mais je promets que cela donne envie !
Chapo !
QUELQUES REPÈRES
Sur l'auteur
- Né en 1977, Jonathan Safran Foer fait
des études de lettres et a comme mentor Professor
Joyce Carol Oates (sa prof de creative writing à l'université
de Princeton).
- Ses grands-parents sont des survivants de la Shoah dorigine polonaise.
Sa mère est directrice de la Synagogue
Historique Sixth & I. En 1999, il part pour l'Ukraine
afin d'y retracer la vie de son grand-père : de ce voyage
naît ce premier roman publié en 2002, Tout est illuminé
(L'Olivier
2003, Points
2013), couronné de nombreux prix et adapté
au cinéma par Liev Schreiber en 2005. Suivront, traduits en
français :
- un deuxième roman : Extrêmement fort et incroyablement
près (2005 aux USA, L'Olivier
2006, Points
2007), adapté
au cinéma en 2011 par Stephen Daldry, sur les attentats du
11 septembre 2001.
- un essai : Faut-il manger les animaux ? (2009, L'Olivier
2011, Points
2012)
- un troisième roman : Me voici (2016, L'Olivier
2017).
Sur le livre que nous avons lu, Tout
est illuminé
L'histoire de la publication : le
manuscrit est vendu 350000 dollars, avant publication (voir
article)
Quelques
échos éclairants ou pas dans la presse
(les trois articles à
lire ici en pdf)
- Une analyse qui démêle le roman
: "Tout est illuminé de Jonathan Safran Foer, entre
Trou noir et Cornucopie", Laurine Roux, site Pattes
de mouche, 25 septembre 2014.
- "Tout est illuminé de Jonathan Safran Foer :
les Juifs ont six sens : toucher, vue, goût, odorat, ouïe
mémoire", Buzz
littéraire, Alexandra Galakof, avec des images du film
adapté du roman.
- "Ombres et lumière de Safran Foer", par Mathias Malzieu,
Le
Monde, 13 juillet 2016.
Interviews
vidéos de Jonathan Safran Foer
- Sur ses différents livres, dans l'émission Entrée
libre de Claire Chazals à l'occasion de la sortie de Me
voici, 2 novembre 2017 (4 min 30)
- Sur Tout est illuminé,
par la critique Connie Martinson, Connie
Martinson Talks Books, 20 juin 2010 (en
anglais 7 min)
- Pourquoi écrire, Les
Inrockuptibles, 20 octobre 2017 (9 min).
Un ballet inspiré d'un livre-objet
de Jonathan Safran Foer
Tree of codes, non traduit en français, a inspiré
une chorégraphie à Wayne McGregor, donné à
l'Opéra de Paris : www.operadeparis.fr
Jonathan Safran Foer a imaginé un livre-objet Tree
of codes qui matérialiserait la présence fantomatique
du Juif assassiné. Il a évidé le livre de Schulz
The
Street of Crocodiles (en français Les
Boutiques de cannelle que nous avions lu à deux reprises
dans le groupe) et a laissé sous forme de trous dans la page les
mots de Schulz quil a effacés pour exhumer une nouvelle histoire.
Pour en savoir davantage sur ce "livre", voir l'article avec
photos de Laure Depretto, "Découper
la mémoire. Le fantôme de Bruno Schulz, par Jonathan Safran
Foer", Fabula-LhT, n° 13, novembre 2014.
Nos cotes d'amour
pour le livre, de l'enthousiasme au rejet :
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à
la folie
grand ouvert
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beaucoup
¾ ouvert
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moyennement
à moitié
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un
peu
ouvert ¼
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pas
du tout
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