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QUELQUES
CITATIONS DE PATTI SMITH AU SUJET DE M TRAIN
Le
projet : un train mental
L'envie m'est donc venue d'écrire sans trame narrative, sans destination
particulière, d'écrire "sur rien", comme me le
suggérait un cow-boy dans un rêve que j'ai fait, et que je
raconte dans le livre. Je me suis dit que j'allais suivre un "train
mental" et voir où cela me menait. J'allais écrire
tous les jours, et rester au temps présent. (Libération,
2016)
Le
projet : un livre sur les jours heureux
Avec M Train, je voulais écrire un livre sur les jours heureux
de mon mariage avec Fred, mais c'est devenu un livre retraçant
les plus grands moments de désespoir de ma vie, c'est-à-dire
son décès. Contrairement à Just Kids, ce livre
n'était pas prémédité. Je n'avais aucune idée
de ce qu'allais écrire quand je l'ai commencé. Ce livre
parle du miracle du destin. C'est la carte de mon existence. Les événements
de ma vie se mêlent aux poètes qui l'ont marquée.
(America, 2018)
Les
stations, le titre
Les stations sont arrivées à la fin du livre.
Au début, je n'avais pas vraiment d'intention, pas de plan, pas
de destination. J'avais déjà le titre, Mind Train,
mais je trouvais qu'il sonnait un peu comme un titre de chanson, Love
Train, par exemple. Alors j'ai décidé de l'appeler M
Train, M pour Mind, donc, mais aussi pour Muse, Magie, Mystère,
Michigan, il y a tant de M possibles...
Au départ, chaque partie était numérotée,
puis j'ai décidé que ce serait les stations de mon train
mental, et je leur ai donné un titre, surtout pour m'amuser, j'adore
en inventer. Et puis pour laisser des respirations aux lecteurs, parce
qu'il n'y a pas d'intrigue dans M Train, simplement des voyages.
Cela ressemble à ces pèlerinages que font certains pèlerins,
ils s'arrêtent dans une église et achètent une médaille
ou une image sainte. Oui, l'idée, c'était des arrêts
le long d'un pèlerinage vers nulle part. (L'Express,
30 avril 2016)
Un
livre solitaire
Ce
livre est un livre solitaire, parce que ma vie est solitaire aujourd'hui.
J'écris, je prends des photos, je me promène (Libération,
2016)
La
photo
C'est
impossible pour moi de ne pas écrire. Je ne sais pas ce que je
ferais de moi-même si je n'écrivais pas. Alors que je pourrais
très bien vivre sans jamais remonter sur une scène ou prendre
une photo : j'en serais triste, mais je vivrais avec. La seule période
où je n'y suis pas arrivée, c'est après la mort de
mon mari. Une période terrible. Mon frère est mort un mois
plus tard, et je n'arrivais même plus à sortir de mon lit.
C'est à ce moment-là que je me suis mise à prendre
des photos. Des polaroïds, qui ont pu me faire ressentir à
nouveau la plénitude qui provient du travail accompli. Je n'ai
plus jamais arrêté. Je n'ai aucune ambition photographique,
aucune habileté technique, même si j'ai travaillé
avec des photographes, dont Robert [Mapplethorpe, ndlr] bien sûr.
Je suis simplement un amateur du XIXe siècle, son appareil sous
le bras. (Libération,
2016)
Le
style : expérimental ?
Mon style n'est pas expérimental, mais mon projet l'était.
M Train est comme un kaléidoscope : quelque chose d'ample contenu
dans quelque chose de petit. Mon livre est simultanément contenu
et expansif. (Les Inrocks,
15 avril 2016)
Le
style : cubiste ?
Lou Doillon - Si on comparaît M Train à une peinture
?
Patti Smith - Ce serait un tableau cubiste. Des figures cubiques simultanées
qui combleraient un trou ou le créeraient. Oui, M Train serait
du cubisme, ou alors un Millet, très pastoral, une bergère.
Ou encore le voyageur solitaire avec son balluchon et son chapeau rayé
de William Blake. Ce serait très romantique, je suppose. (L'Express,
30 avril 2016)
Le
style : musical ?
On m'a dit qu'il n'y avait pas de musique dans M Train excepté
quelques références, mais la musique est dans l'écriture.
Il y a toujours un rythme interne, un rythme de la narration, que ce soit
celui de la marche, celui du grattement du stylo ou même celui du
train imaginaire, avec ce mouvement d'avant en arrière. Quand j'écris,
je dis toujours les mots à voix haute. L'ordre dans lequel ils
"tombent" est très important pour moi, il s'agit ensuite
de les agencer, je n'ai pas à embellir le fond. C'est là
où le vrai travail apparaît, où l'on sent ma personnalité
d'écrivain.
Je n'utilise pas de mots très complexes, j'utilise de très
beaux mots bien sûr, mais je n'ai jamais été bonne
en grammaire, mes phrases tendent à être courtes. Le rythme
vient sûrement des livres que je lisais quand j'étais jeune,
surtout des recueils de poésie. J'en écrivais aussi beaucoup,
chaque mot, chaque adverbe devait compter. Cette discipline et ce labeur
doivent apparaître dans mes livres en prose. (L'Express,
30 avril 2016)
Les
objets
-
Vous
avez un rapport aux objets particulier, ceux qui peuplent votre livre
semblent doués de pouvoirs. Comme cette sympathique cafetière
que vous avez immortalisée dans une photo
- Cette cafetière, mon éditeur voulait qu'elle sorte du
livre ! Mais je l'aime beaucoup, on dirait un petit moine. Je m'attache
aux objets qui me servent, ils deviennent mes amis. A l'âge de 3
ou 4 ans, je m'étais attachée à une brosse à
dents que je refusais de jeter, c'est un peu la même chose. Disons
que là aussi, ce n'est sans doute pas de l'éthique, mais
un code interne qui me murmure que je dois respecter les gens et les choses
qui m'ont servie. Être reconnaissante envers un manteau qui m'a
permis d'être moi-même par exemple
J'ai eu de la chance,
j'ai eu de bons professeurs de vie : mon père, qui avait des principes,
et William Burroughs, que j'ai rencontré très jeune. Il
m'a appris que nos actions parlent pour nous, et que mon nom ne pouvait
pas être synonyme de compromission ou de bassesse. Au contraire,
il devait évoquer de bonnes actions, de bons choix, de l'intégrité.
(Libération,
2016 )
- Pourquoi avoir photographié la chaise de Roberto Bolaño
?
Je suis allée chez lui, il était mort peu de temps auparavant,
et je voulais photographier quelque chose qui lui avait appartenu. Sa
femme m'a montré ses cahiers, son blouson en cuir, mais je n'arrivais
pas à le voir à travers eux. Avant de partir j'ai demandé
s'il n'y avait pas quelque chose qui avait eu une importance pour lui
en tant qu'écrivain, et sa femme m'a dit "oh mais si, sa chaise
!" Elle l'a sortie d'un placard et m'a raconté que partout
où ils déménageaient, et ils ont beaucoup déménagé
car ils avaient des problèmes d'argent, Roberto Bolaño l'emportait
avec lui. Il avait eu l'impression qu'il s'était passé quelque
chose grâce à cette chaise, qu'il avait eu un déclic.
Moi, j'ai eu le sentiment de voir un être animé. (Libération,
2016 )
La
suite du livre : deux livres
- Avez-vous prévu d'écrire une suite à Just Kids
et M Train ?
- Je suis justement en train d'écrire une suite à M Train
! Ce sera différent, mais dans le même esprit, écrit
de la même façon. Ce sera comme une sur pour Just Kids.
Cette fois-ci, je vais me concentrer sur mon propre parcours, sur ma relation
avec Fred, mon mari. On s'est rencontré à travers la musique,
au fil des performances, donc je vais évoquer ma musique, ce qu'elle
représente, d'où viennent les paroles
Ce prochain
livre sera centré sur ma relation avec mon mari. (Fnac,
2017)
Lou Doillon - Les passages les plus personnels sont décrits comme
des lumières vivantes, c'est l'inverse de l'anthropologie. Cela
m'a vraiment plu de voir que je n'étais pas la seule à m'endormir
devant des séries télé policières. Et à
trouver rassurant que des affaires puissent être résolues.
Patti Smith - L'enquêteur d'aujourd'hui est le poète d'hier.
Tous deux négocient avec des sensations, des impressions, des idées
et cherchent un fil conducteur qui va les mener au dénouement.
Pour le poète, ce sont ses derniers vers. Pour, le détective,
ce sera : "Cela commence ainsi, se passe comme ça, et le tueur
est..." Je ne suis pas intéressée par la violence,
par le nud de l'intrigue, mais par sa résolution, sa construction.
Je trouve que cela ressemble beaucoup à l'écriture. Je suis
en train d'écrire une histoire de détective, mais ce sera
un détective existentiel. (L'Express,
30 avril 2016)
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