Flaubert nous
permet de lire une quarantaine de pages dune écrivaine
dont nous navons encore rien lu dans le groupe (et que plusieurs
dentre nous apprécient) et un choix dextraits mitonnés
par Marie-Hélène Lafon : |
|
Nos
17 cotes d'amour et de non amour... |
Jacqueline
J'aime beaucoup ce qu'écrit Marie-Hélène Lafon, mais
je ne sais pas s'il faut parler de Flaubert ou d'elle.
Claire
C'est du livre
Jacqueline
Justement, à cause de Marie-Hélène Lafon, je me réjouissais
de le lire et la première partie répondait à mon
attente : C'est une déclaration d'amour. Il me semble que
tout le monde aime Flaubert, Proust et beaucoup d'autres... J'ai découvert
que Michon a parlé de Flaubert, que Michel Winock en avait écrit
une
biographie (je ne connaissais que celle de Sartre)...
Là, c'est une biographie peu classique : c'est un point de
vue et je l'ai aimé. En poursuivant, comme j'ignorais que c'était
le principe de la collection, je n'ai pas compris tout de suite qu'il
s'agissait d'extraits. Je trouve que c'est tout à fait dommage
de lire Flaubert en extraits. Cependant, passée cette déception,
je me suis rendu compte que le choix venait à l'appui du propos
de la première partie. J'ai bien aimé que lorsqu'il s'agit
de Madame Bovary, elle le centre sur Charles, ça change...
et quand elle parle de l'influence qu'a eue Flaubert sur son écriture,
je me suis demandé si ce que j'avais apprécié dans
son Joseph,
ce n'était pas justement cette influence... J'ouvre aux ¾.
(Jacqueline nous montrera après un travail
sur Flaubert de Maurice Schöne, son grand-père maternel,
fait après sa retraite, pendant la guerre, et racontera aussi que
sa grand-mère paternelle connaissait par cur a
Tentation de Saint-Antoine...).
Nathalie
Mais qu'est-ce qui peut bien motiver un écrivain à se prêter
au jeu de cette collection "Les auteurs de ma vie" ? Quelle
idée peut-il concevoir d'un tel projet qui porte pompeusement un
tel intitulé ? "Flaubert par" ? Existe-t-il
même des thèses qui utilisent ce procédé pour
attirer l'il du lecteur ?
Je suis bien naïve, mais dans un premier temps, quand, après
avoir payé la somme de 14 euros, j'ai ouvert ce que je venais d'acquérir
au prix fort (sans rien lire avant), j'avoue que j'ai été
assez enthousiaste. J'entrais dans le cercle intime de l'auteure et je
m'y reconnaissais, étant une inconditionnelle du "saint ôm".
Amusée, je me soufflais que moi aussi, j'avais mon petit rapport
personnel avec lui, j'en avais découvert la graphie presque illisible
(dans les manuscrits), les ratures, les ajouts, les commentaires, les
remarques moqueuses, exaspérées parfois à l'adresse
de son copiste qui se trompait [Nathalie a travaillé dans une
équipe de bénévoles pour l'université de Rouen
pour décrypter la correspondance, voir le
résultat ici]. J'avais louché sur ses pâtés,
j'avais bavé de joie à retrouver le mot perdu sous l'encre,
j'avançais donc, en me tortillant sur mon fauteuil. Et puis, trente
pages plus loin, je doutais soudain. Mais qu'étais-je en train
de lire ? Ce texte, cette lettre, cet extrait "à la façon
de"
était-ce un pastiche ? L'auteure avait-elle
joué à "écrire du Flaubert". Je tournais
les pages, déstabilisée. J'avançais, je reculais.
Mais non, je réalisais tout à coup qu'on me proposait une
visite guidée. Ah ! ça ! Non ! Mais qu'est-ce
donc qui avait motivé le choix du groupe ! Je refusais d'aller
plus loin. Flaubert ne se lit pas façon Lagarde et Michard. Flaubert
doit étonner. Le texte crée du liant, de la gomme à
vous résiner le cul sur une chaise. La lecture est longue mais
elle surprend, elle entraîne, là, où l'écrivain
veut nous emmener. Le lecteur assidu se retrouvera à trépider,
sursauter, rager, transpirer
grogner, pleurer, rire sardoniquement,
glousser en l'imaginant choisir ses mots, mais surtout il se laissera
faire, se laissera porter par son rythme, ses ralentissements et ses bruyantes
cavalcades, il suivra son esprit retors. Bref, je déteste les visites
guidées où l'on se met des illères, et dont
on sort en se disant que "C'est là ce qu'on aura vu de meilleur"
(sic). Qu'ajouter sur les titres intermédiaires qui m'ont usé
les yeux ? Las, j'abandonnais aussitôt l'ouvrage, fonçais
relire Madame Bovary puis entrais dans une lecture jubilatoire
avec Bouvard et Pécuchet. Oui, mauvaise idée éditoriale,
mauvaise idée de l'auteure qui, a bien dû se demander quand
même ce que Flaubert aurait pensé de ce projet de découpage.
Si l'on veut découvrir Flaubert, il faut pour moi, le lire en texte
intégral. Il a suffisamment écrit pour que chacun puisse
aller chercher le titre qui lui semblera le plus accessible. Pas question
de "goûter" pour voir si on va en acheter ou pas. Si Flaubert
nourrit, il n'a jamais été une denrée alimentaire.
Je ferme entièrement et persiste à dire que je ne sais à
qui je pourrais faire ce cadeau empoisonné. Je le ferme complètement.
Je l'ai fermé d'ailleurs au sens propre et je suis allée
lire Madame Bovary puis Bouvard et Pécuchet.
Je ne sais pas quoi faire du livre. Je vais le laisser dans la rue. Je
ne peux l'offrir à personne, ce serait cruel.
Rozenn
Je ne peux pas l'abandonner, c'est un kindle. Mais je vais l'effacer.
Les extraits, c'est non !
J'ai cherché sur Flaubert. J'ai lu la correspondance
entre Maupassant et Flaubert. Flaubert a besoin d'argent...
J'ai relu Un cur simple. Je n'aime pas Flaubert. Enfin, j'aime
bien le lire, mais je ne supporte pas l'idée que ce soit Flaubert,
c'est l'école.
J'ai lu des nouvelles de Lafon et c'est horrible et extraordinaire, j'ai
hâte de lire un roman.
Annick L
Comme beaucoup d'entre nous je n'ai pas apprécié le parti pris
de cette collection : la première partie me laisse sur ma faim,
et le choix des extraits ne balaye pas assez large... tout ça est
vraiment superficiel, en particulier pour Bouvard et Pécuchet
(réduit à une citation de deux lignes) ! Au moins, j'ai
pris plaisir à relire les extraits, avec une émotion particulière
pour Un cur simple qui me fait fondre littéralement.
J'avais lu l'essai que Sartre a consacré à Flaubert, l'Idiot
de la famille...
Claire
... que 3000 pages (tome 1+tome
2+tome
3)...
Annick
... que j'avais trouvé autrement passionnant par son éclairage
socio-psychanalytique, avec le sentiment que cet ouvrage apportait un
éclairage singulier sur la personnalité et l'uvre
de cet auteur.
J'ai pourtant lu un roman de Marie-Hélène Lafon, Histoire
du fils, que j'avais beaucoup aimé, cette auteure a une
véritable plume. J'ai même envie de lire d'autres titres.
Donc je suis toujours aussi fan de Flaubert, je ne demande qu'à
mieux connaître cette romancière mais je ferme ce livre-ci.
Claire
Je trouve excellente l'idée de cette collection "Les
auteurs de ma vie" : un écrivain exprime sa passion pour
un écrivain du passé et associe son anthologie personnelle.
Pour ma part, je trouve Lagarde
et Michard formidables et je préfèrerais lire des extraits
que les livres entiers (moues indulgentes en guise de commentaire...).
J'ai lu aussi Histoire
du fils de Marie-Hélène Lafon et ai beaucoup apprécié
le style et la composition ; en revanche, je suis restée sur
ma faim quant au "sujet", comme si celui-ci, vraiment faiblounet,
n'était là que pour servir une réalisation formelle
où l'on sent la jouissance d'écrire. Avec Flaubert, pas
de problème a priori question "sujet", elle a de quoi
faire... J'ai retrouvé sur-le-champ le style qui m'a paru délicieux,
donnant une originalité à sa façon d'emporter le
sujet. Et puis... et puis... j'ai trouvé qu'elle était au
bord de se pasticher elle-même avec ses kyrielles de synonymes ("choisi,
ourdi, mitonné, façonné" p. 18
et 20 lignes plus loin : "cette
grâce inépuisable, insigne, énaurme, violente, capiteuse,
foudroyante, lancinante, insoutenable et vertigineuse"),
ses coupures après prépositions sans nom ("Être
nourrie de, être adossée à."), ses
phrases rythmées avec retour à la ligne ("En
manger. En manger par cur. Manger du Flaubert par cur."
p. 28).
J'ai été gênée par des références
qui m'échappaient par méconnaissance de l'uvre de
Gustave, ce qui agace l'inculte comme chez Jaccottet...
Et puis, j'ai lu l'avis de José Luis du groupe de Tenerife (j'y
renvoie ici), qui a visiblement une très
grande connaissance de Flaubert, et là j'ai trouvé ça
cruel et horriblement pertinemment cruel.
Alors que le principe de la collection me semblait séduisant et
que ce choix nous permettait d'entrer dans notre journée Flaubert
en se baladant dans ses uvres, accompagnés par une auteure
qui a un souffle, j'ai trouvé un peu décevante la performance
de MH Lafon : j'avais lu un livre dont la forme m'avait plu sans
sujet convaincant, la forme ici a suscité des réserves et
alors qu'elle avait un formidable sujet qui l'a dépassée.
J'ai beaucoup aimé les lettres à la mère ; quant
à l'extrait de deux lignes du Dictionnaire des idées
reçues, c'est se foutre du monde : "que fait l'éditeur
!"
Je me suis alors rappelé Le perroquet de Flaubert de Julian
Barnes que nous avions lu en 1993 (...que 28 ans) quand nous étions
allés visiter le pavillon
Flaubert à Croisset : je me suis replongée dedans, quel
plaisir ; il a réussi ce qu'elle a raté, mais il est vrai
sans la contrainte de la correction. Lisez Le
perroquet !
Françoise
Je vais un peu répéter. On reste sur sa faim. J'ai bien
aimé le début. Puis quand on s'aperçoit que c'est
des extraits, c'est un peu décevant. Mais ça m'a remis en
tête Flaubert, pour ce que j'en avais lu (Madame Bovary, Un cur
simple...) et donné envie de lire Bouvard et Pécuchet,
c'est pas si mal. C'est une lecture agréable et instructive. Je
ne connaissais pas Lafon. J'ai lu L'annonce
et Nos
vies. . C'est agréable à lire. Je l'aime bien. C'est
intéressant. Ça me donne envie d'en lire d'autres. Peut-être
qu'au bout d'un moment, on se lasse. Nos vies m'a fait penser à
Michon.
Rozenn
Dont elle est fan d'ailleurs.
Françoise
L'annonce m'a fait penser à Mauvignier (Histoires
de la nuit). Mais j'ai vérifié et elle l'a écrit
avant lui. Il s'en est peut-être inspiré. J'ouvre à
moitié.
Denis
J'ai été plutôt déçu quand j'ai eu le
livre en main : 14 euros pour des extraits de Madame Bovary, c'est
de l'arnaque, et le texte introductif m'a paru bien léger pour
justifier ce prix. Bon, pour être juste, j'ai apprécié
la lettre à la mère, que je n'aurais certainement jamais
trouvée dans la correspondance de Gustave.
Mais le principe de ce livre, à savoir demander à quelqu'un
de pondre une intro et de choisir quelques extraits de l'uvre, me
paraît une mode que je retrouve dans l'expo
Cartier-Bresson de la BNF. "On" a sélectionné
(qui ? comment ? pourquoi ?) cinq notoriétés en leur demandant
de choisir des photos parmi un corpus que Cartier-Bresson lui-même
trouve de grande qualité, et d'exposer ce choix. L'expo est très
belle, j'ai aimé, mais je n'ai pas eu la patience de chercher le
principe directeur de chacune des notoriétés, et encore
moins de leurs rapports les uns avec les autres. À quoi rime cette
mise en scène ? À faire du neuf avec du vieux ?
J'ouvre ¼ pour la lettre à sa mère. C'est vrai que
l'écriture de Flaubert dans sa correspondance est fabuleuse, dans
mon souvenir - car cela fait longtemps que je n'y suis pas allé
voir.
Lisa
Je me suis plongée dedans sans me renseigner. J'ai pensé
à Sept
femmes de Salvayre que j'avais aimé, j'étais impatiente.
Je n'avais lu que les lettres
à Louise Colet, une lecture horrible au lycée et
Madame Bovary ne m'avait pas transcendée...
"Flaubert for ever" : ça commence comme un mot d'un élève
de 4e, ça commence mal. Mais ça continue bien. J'ai bien
aimé sa façon d'écrire. J'ai noté par exemple
quand elle est enceinte : "elle s'arrondit de sa propre mort."
Ou comme je ne suis pas mariée : "il sombre dans le mariage.
" Je ne sais pas de quoi elle parle parfois dans certains passages.
Je suis un peu déçue. Et puis c'est une escroquerie de ne
pas dire qu'il y a des extraits. Oui, la correspondance est extraordinaire
et donne envie de la lire. Il y a des phrases qui m'ont touchée
et qui m'ont donné les larmes aux yeux par exemple p. 66.
Je suis perplexe devant cette collection. J'ouvre à moitié
car j'ai envie de lire Flaubert.
Monique L
Ce livre déconcerte. Ce n'est pas un essai, ni un énième
hommage à un grand écrivain. Je ne suis pas une admiratrice
de Flaubert bien que j'aie beaucoup aimé Un cur simple.
Par contre j'ai fait plusieurs essais infructueux pour lire Salammbô.
La première partie du livre de Marie-Hélène Lafon,
courte donc frustrante, nous livre ce qu'elle retient d'essentiel de Flaubert.
J'ai été gênée par le style de cette partie.
J'avais pourtant lu Histoire
du fils que j'avais beaucoup apprécié.
La seconde partie regroupe des extraits de sa correspondance avec sa mère
lors de son voyage en Orient que j'ai bien aimés, de certaines
de ses uvres : Madame Bovary, L'éducation sentimentale,
Un cur simple ,Bouvard et Pécuchet. J'ai relu ces extraits
avec plaisir.
J'ai lu rapidement cet ouvrage. Ce qu'il m'en reste c'est que cela m'a
donné envie de lire sa correspondance, enfin une partie
Il
faudrait m'en extraire les plus intéressantes... J'ouvre à
½.
Séverine
Je ne veux pas être aussi dure que les précédents
avis. Certes, je n'avais pas compris le concept du livre et je dois dire
que j'ai été comme beaucoup un peu désarçonnée.
Mais j'ai aimé, j'ai eu plaisir à lire ce livre. Le texte
de Marie-Hélène Lafon m'a plu. On balaye la biographie de
Flaubert par touches, le style est incisif. J'ai appris des choses. Certes,
c'était un peu court
Quand j'ai compris ensuite qu'il s'agissait
d'extraits, j'étais ravie. J'adore Madame Bovary. Ça
reste mon roman préféré et j'ai pu le mesurer à
cette relecture. J'ai très mauvaise mémoire mais j'ai pu
me rendre compte combien j'avais gardé en tête le texte,
les images, des tournures de phrases
bref, je me suis délectée
à me replonger dans le texte (même partiel). J'ai pu découvrir
des passages de L'Éducation sentimentale que je n'ai pas
lu, mais je dois dire que quand on ne connaît pas l'histoire et
les personnages, ces extraits ne permettent pas d'appréhender le
texte de la même façon. En revanche, cela a été
plus facile avec Bouvard et Pécuchet où j'ai plus
eu le sentiment de comprendre la teneur du livre et je suis partante pour
le lire
dans le groupe ou toute seule : en tout cas, c'est très
tentant ! Il n'y a pas d'extraits de Salammbô,
mais cela ne m'inspire guère
même si j'ai
été épatée par l'influence incroyable de
Salammbô. J'ouvre à moitié. J'avais aimé
de Lafon L'annonce.
Et s'agissant de la collection à laquelle appartient le livre,
je suis perplexe concernant d'autres éditions où ce sont
des auteurs morts qui sont censés parler de l'auteur de leur vie
je serai curieuse de voir sur quoi ils se basent
Manuel
Je n'aime pas le style de Lafon, donc je n'ai pas été convaincu
par sa prose. J'ai écouté une émission
de France Culture récente où elle parle de Flaubert
et c'était agréable. Je n'avais pas compris le principe
du livre. J'ouvre au ¼.
Laura
Vous écouter a modifié mon avis. J'avais envie d'être
très positive, de l'ouvrir en grand.
Tout le monde
Mais fais-le !
Laura
J'étais parfois d'accord avec vos avis, ce qui m'a fait prendre
conscience qu'il n'y avait pas que du positif dans ce bouquin. Déjà,
d'un point de vue tout à fait prosaïque, je n'aime pas la
forme d'extraits, j'ai d'ailleurs été un peu déçue
d'en voir autant. Je n'aime pas, parce que c'est réimprimer des
bouts de livre déjà imprimés, et écologiquement
ça m'énerve, même s'il peut y avoir de bons contre-arguments.
Par ailleurs, je ne me souviens de rien, ou presque, une semaine après
la lecture du livre. Alors là, je me dis qu'il y a peut-être
un petit problème. Je me souviens parfaitement des extraits flaubertiens
(hormis Madame Bovary, car ça suffit d'être spoilée
),
mais pour ce qui est de Lafon
je me souviens de la forme, pas du
fond. Par rapport à son écrit, j'étais un peu perdue
parce que je n'avais pas encore lu Madame Bovary, je me suis perdue
entre les Charles et je ne sais qui, ne sachant pas si c'était
un personnage de Flaubert ou un de ses amis. En revanche, j'aime le style
de Lafon ; il est très percutant, très rythmé, et
il y avait de très beaux passages. J'aimerais bien la lire vraiment.
Quant à moi, j'aime ce style facebook comme dit Etienne, ça
change, ça a du culot. Quant aux extraits, j'ai eu beaucoup de
plaisir à lire Bouvard et Pécuchet et Un cur
simple. Le point positif c'est que ça m'a donné envie
de lire Flaubert. De plus, j'ai aimé le nom donné aux extraits,
par exemple "Loulou for ever", je trouve ça hilarant.
J'ouvre ¾.
Geneviève
Je ne l'ai pas lu mais je peux vous en parler ? Je viens de le feuilleter.
Claire
Une règle essentielle est que l'on peut donner son avis sur un
livre qu'on n'a pas lu
Geneviève
Dans les 40 pages écrites par Marie-Hélène Lafon,
il me semble qu'elle a l'art de partir d'un détail, une parole
pour extrapoler à l'uvre, ça me paraît très
intéressant. En ce qui concerne la sélection d'extraits,
c'est une technique intéressante pour la Correspondance,
considérant son volume. En revanche, lorsqu'il s'agit de Un
cur simple, c'est du gâchis. J'aurais eu envie de lire
de véritables analyses de Flaubert. Mais surtout, le contrat de
lecture n'est pas respecté : la seule mention en sous-titre
ne suffit pas, il aurait fallu que soit mentionné sur la couverture
et dans la 4e de couverture, qu'il s'agit d'une anthologie et pas d'une
analyse.
À l'issue de nos échanges,
nous décidons de lire
Bouvard et Pécuchet et un roman de Marie-Hélène
Lafon...
Fanny (avis transmis de Nantes)
La lecture du livre de Marie-Hélène Lafon m'a permis de
relire les morceaux choisis de Flaubert, en particulier l'éducation
sentimentale. S'agissant de Flaubert j'ai lu il y a longtemps Mme Bovary,
l'éducation sentimentale et un cur simple et j'ai retrouvé
le même plaisir. J'ouvrirais donc en grand si c'était de
ses romans dont il était question.
Je suis plus réservée sur le livre de Marie Hélène
Lafon. Je m'attendais à une sorte de biographie revisitée
et entremêlée avec des extraits. Or il y a cette partie au
début mais la suite se limite à un choix de morceaux choisis.
Certes ces choix sont judicieux mais ils restent très classiques
par rapport à ces romans. De plus il y a un grand déséquilibre
en fonction des livres, plus l'ouvrage avance plus les extraits sont courts.
Quel est le sens de faire une dernière partie sur le dictionnaire
des idées reçues et de ne retenir que quelques lignes ?
Le début a été instructif sur la vie de Flaubert
et notamment le rapport à sa mère. Mais j'ai trouvé
son style plein d'emphase. Cela est peut-être à la hauteur
de son engouement pour l'uvre de Flaubert mais cela a plutôt
eu comme effet pour moi de nuire à ma concentration.
J'ai fini le livre il y a plusieurs jours et avec ce petit recul mon plaisir
de lecture reste centré sur les textes de Flaubert.
J'ouvre donc ¼ pour l'originalité du projet.
Nieves (avis transmis de Tenerife)
Qu'est-ce que la lecture de ce court texte m'a apporté sur Flaubert ?
Puisqu'il s'agit d'un livre très émotionnel et pas du tout
académique, l'intérêt c'est l'approche de Flaubert
en tant qu'être humain pour le lecteur. Il est vrai que, souvent,
on lit les ouvrages en se rappelant tout juste le nom de l'auteur, même
en ayant aimé énormément leur lecture. C'est ce qui
m'est arrivé. J'avais lu trois grands romans de Flaubert sans avoir
appris grand-chose sur Flaubert l'homme. C'est donc grâce à
ce petit bouquin que je viens de connaître quelques aspects de sa
vie, ses préoccupations, sa souffrance ou ses conflits.
Tout d'abord, j'ai beaucoup aimé les premières pages où
elle décrit la difficile relation avec son père qui meurt
sans avoir accepté le métier choisi par son fils. Puis m'a
paru aussi très émouvante la correspondance avec sa mère,
les soucis qu'il se faits pour que leur rencontre en Italie se passe bien,
mais il y a aussi l'affliction que lui cause l'échec du mariage
de sa nièce et les problèmes économiques qui en découlent.
Voilà, donc, l'utilité de cette lecture.
Pourtant, je dois dire que j'ai été un peu déçue
car je m'attendais à plus. Un titre si puissant ("Flaubert
for ever") méritait d'apporter un peu plus d'information sur
l'écrivain comme, par exemple, parler de sa correspondance avec
Louise Colet, sa vie d'anachorète à Croisset
D'autre part, par rapport au choix des extraits des romans, ceux de Madame
Bovary m'ont fait découvrir Charles, sa fragilité, son
côté innocent, aspects qui étaient restés pour
moi dans un arrière-plan lors de ma lecture du roman.
J'ai trouvé également très touchants les passages
sur Félicité, d'une grandeur inouïe dans sa simplicité.
C'est, en effet, un personnage saisissant dans son énorme ignorance
du monde. On comprend pourquoi MH Lafon, qui consacre ses livres à
décrire cette région paysanne, solitaire, si lointaine de
la capitale qui est son Cantal d'origine, ressent cette affinité,
cette espèce de symbiose avec cette femme. C'est bien pour ça
"qu'elle dépense
un bon tiers de son temps et parole à citer et à commenter
de longs passages d'Un
cur simple,
ce 'roman de la servante' qui constitue selon elle le 'bréviaire
absolu' des simples et des humiliés".
Cependant, les pages qu'elle a triées de Bouvard et Pécuchet
ne m'ont pas émue autant. J'ai l'impression qu'elle a choisi
les passages, si on peut dire, plus intimes : la rencontre des deux
personnages, un moment de plaisir à la campagne, ensuite, par opposition
à ce premier moment, leurs illusions perdues, leur désarroi
dû aux mauvais résultats de leurs expériences. Et
pour finir, encore un échec très personnel : celui
de leur vie amoureuse. Moi, j'aurais trié des chapitres plus liés
au contexte où les sujets sont infinis : l'agriculture, la
chimie, l'anatomie, la médecine, la géologie, mais ce choix
aurait probablement ôté l'émotion à la présentation
de l'auteur voulue par MH Lafon
Bref, une lecture qui veut être émouvante, mais que je trouve
un peu légère par rapport à la magnitude de cet écrivain.
José Luis (avis transmis de Tenerife)
Plus qu'opportun, c'est surtout un livre opportuniste, celui que Marie-Hélène
Lafon a pondu il y a un peu plus de deux ans, quand l'année du
bicentenaire de la naissance de Gustave Flaubert se profilait à
l'horizon proche. Je suppose qu'il s'agit là d'une commande de
l'éditeur, mais, quand même, fallait-il l'accepter quand
on aime l'auteur, surtout un auteur comme Flaubert ?
Et puis, à quel public s'adresse et le livre et cette collection
- pages choisies, bonnes feuilles ou Reader's digest ? -
dont il fait partie ? À des gens affairés désireux
de se donner une patine de culture littéraire à utiliser,
pour faire sérieux et cultivé, dans les réunions
sociales ou dans les rencontres amoureuses ? À des lycéens,
voire des enseignants, paresseux ou pressés ? Il y a, c'est
vrai, cette quarantaine de pages que madame Lafon écrit comme première
partie du livre. Pages qui ne sont pas une introduction aux textes de
la deuxième partie, ni une justification des choix faits, et moins
encore une explication des textes. On regrette de ne pas y trouver l'une
ou l'autre de ces orientations, et de préférence les trois.
À la place, l'écrivaine nous propose un échantillon
de son écriture - hachée, en sursauts, bien peu flaubertienne -,
un chant d'amour à la personne et l'uvre de l'ermite de Croisset
et une sorte de dialogue avec les romans de celui-ci, entre ces romans
eux-mêmes et, enfin, entre les personnages qui les peuplent. Le
résultat est paradoxal, parce que le discours que Marie-Hélène
Lafon met en place ne peut être vraiment compris, ou apprécié,
que par des lecteurs ayant beaucoup fréquenté déjà
Flaubert et, en conséquence, toute la deuxième partie du
livre est de trop, sauf à viser - c'est encore une autre possibilité -
un public de nostalgiques fatigués.
Mais parlons-en, de cette deuxième partie. Et tout d'abord, pourquoi
avoir choisi, dans la Correspondance, les lettres adressées
à sa mère, quand, par exemple, celles échangées
avec Louise Colet, au début de sa carrière littéraire,
et à George Sand, presque à la fin de celle-ci, sont, sous
tous les points de vue - personnel et aussi, et surtout, ceux concernant
la pratique et la théorie littéraires - beaucoup plus
riches et importants ?
Quant aux choix faits au sujet de Madame Bovary, je suis étonné
qu'ayant décidé de proposer au lecteur le récit de
la première visite de Charles chez le père Rouault, qui
se termine par la célèbre et torride scène de la
recherche à deux, Emma et Charles, de la cravache - un chef-d'uvre
à elle seule, cette scène -, madame Lafon n'ait pas
voulu enchaîner avec cette autre scène qui vient pratiquement
juste après et que, d'une certaine manière, fait pendant,
puisque l'érotisme cru de la précédente cède
la place à l'arrivée de l'amour :
"Lorsqu'on n'avait pas encore amené son cheval, elle restait là. On s'était dit adieu, on ne parlait plus ; le grand air l'entourait, levant pêle-mêle les petits cheveux follets de sa nuque, ou secouant sur sa hanche les cordons de son tablier, qui se tortillaient comme des banderoles. Une fois, par un temps de dégel, l'écorce des arbres suintait dans la cour, la neige sur les couvertures des bâtiments se fondait. Elle était sur le seuil ; elle alla chercher son ombrelle, elle l'ouvrit. L'ombrelle, de soie gorge de pigeon, que traversait le soleil, éclairait de reflets mobiles la peau blanche de sa figure. Elle souriait là-dessous à la chaleur tiède ; et on entendait les gouttes d'eau, une à une, tomber sur la moire tendue."
Ce qui est extraordinaire dans les deux cas c'est que Flaubert ne parle
d'érotisme ou sexualité dans le premier cas, ni d'élan
d'amour dans le second et pourtant, sans le dire explicitement, les deux
émotions y sont parfaitement transparentes. C'est que c'était
là l'essentiel du talent inimitable de l'auteur : montrer, faire
voir, sans le dire et en restant parfaitement absent.
Pour faire court - je sais que je suis déjà trop long -
je ne m'arrêterai plus que sur L'Éducation sentimentale,
où les choix me semblent très pertinents, surtout, d'un
côté, les deux passages où madame Arnoux et Frédéric
se rencontrent pour les deux dernières fois - avec, dans la
deuxième, ce coup de tonnerre, ou son de glas, final qui est ce
"Et ce fut tout" -
et, de l'autre, celui de la fin, sauf que, dans ce dernier cas, la portée
significative de ce texte conclusif aurait beaucoup gagné à
commencer quelques lignes plutôt :
"Et ils résumèrent leur vie.
Ils l'avaient manquée tous les deux, celui qui avait rêvé l'amour, celui qui avait rêvé le pouvoir. Quelle en était la raison ?
- 'C'est peut-être le défaut de ligne droite', dit Frédéric.
- 'Pour toi, cela se peut. Moi, au contraire, j'ai péché par excès de rectitude, sans tenir compte de mille choses secondaires, plus fortes que tout. J'avais trop de logique, et toi de sentiment.'
Puis, ils accusèrent le hasard, les circonstances, l'époque où ils étaient nés.
Frédéric reprit :
- 'Ce n'est pas là ce que nous croyions devenir autrefois, à Sens, quand tu voulais faire une histoire critique de la Philosophie, et moi, un grand roman moyen âge sur Nogent, dont j'avais trouvé le sujet dans Froissart : Comment messire Brokars de Fénestranges et l'évêque de Troyes assaillirent messire Eustache d'Ambrecicourt. Te rappelles-tu ?'
Et, exhumant leur jeunesse, à chaque phrase, ils se disaient :
- 'Te rappelles-tu ?'"
Mais la décision qui me semble la plus incompréhensible
est celle de ne citer qu'une seule entrée, "Homère",
du Dictionnaire des idées reçues. Pour moi, ça
tient du mystère. Ne creusons pas, puisque Marie-Hélène
Lafon a voulu garder le secret de ses choix.
Un mot pourtant, avant de conclure : de son propre aveu les ruminations
que l'écrivaine partage avec nous "ont
été nourries par la biographie de Gustave Flaubert publiée
par Michel Winock en 2013". Un peu court, non ? C'est
vrai qu'elle ajoute aussi la Correspondance, mais quand même
!
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
|
||||
à
la folie
grand ouvert |
beaucoup
¾ ouvert |
moyennement
à moitié |
un
peu
ouvert ¼ |
pas
du tout
fermé ! |
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