Quatrième
de couverture :
"Alors que vers la fin du XVIIe siècle
le roman noir semait ses naïves terreurs dans les foyers anglais,
Jane Austen, née en 1775 et qui écrit depuis l'âge
de douze ans, ne s'intéresse ni à l'histoire ni à
la politique ni aux fantômes. Elle n'a de goût que pour la
vie - la vie telle qu'un il acéré peut en surprendre
les manèges dans un salon, voire une salle de bal où les
jeunes gens dansent, tandis que leurs parents évaluent rentes et
dots. [...]
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Jane AUSTEN (1775-1817)
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Les 34
cotes d'amour des trois groupes
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Anne
Annick L Catherine
Christine Édith
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Les 17
cotes d'amour de l'ancien groupe
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Nathalie
R(avis
transmis)
Je suis aux trois quarts du roman et au premier quart de la
bio. J'avoue que je préfère la bio au roman.
Et pour une fois, c'est la bio qui me donne envie de revenir vers le roman
pour essayer d'en capter la saveur, ce qui n'a pas du tout été
le cas lors de cette première lecture qui a eu tendance très
rapidement à m'ennuyer férocement. Je l'ai trouvée
extrêmement répétitive.
Or la bio met l'accent sur ce qui n'est pas présent dans l'uvre
de Jane Austen - les événements politiques, militaires,
les enfants. Et tout à coup, oui, le récit prend une autre
épaisseur. Mais il faudrait donc le relire.
En conclusion... J'aurais dû commencer par la bio.
Je me suis très vite sentie étouffée par cet univers
non productif, très vide, semi-mondain dans lequel on passe son
temps à déambuler et à penser à des choses
futiles ou sentimentales. Et puis il y avait toutes ces conventions auxquelles
nous ne sommes pas habitués, toutes ces politesses insupportables,
ces difficultés à faire des choix pour ne pas heurter, ces
communications non dites sur lesquelles des destins se jouent. Cela ne
m'avait pas plu. Je sens bien que c'est la peinture d'une époque
et d'un groupe microscopique, mais cette peinture ne m'intéresse
pas. J'ai l'impression d'avoir vu un feuilleton sur Netflix. J'ai eu beaucoup
du mal à ressentir la saveur de la satire et l'intérêt
sociologique. C'est un monde trop réduit - à la fois dans
le temps et dans l'espace.
J'ouvre ¼ parce que je sais que ma perception est probablement
liée à mon âge, ma nationalité, et mon état
d'esprit.
Séverine (avis
transmis)
L'avis entier est pour Northanger Abbey. J'ai été
heureuse de lire enfin du Jane Austen. J'ai beaucoup aimé ce roman
qui se dévore (quel plaisir de le retrouver à chaque fois !).
On ne peut pas dire : c'est très anglais ! Découvrir Bath
sous cet angle était un pur bonheur : toutes ces "rooms"
dédiées à différentes interactions sociales.
Ce manège des gens qui ont de l'argent et rien d'autre à
faire que d'être en représentation (et de se caser !). Et
surtout quel roman pour midinettes ! Même si on se doute que ça
va bien finir, on frémit à chaque rebondissement (bon la
colère du capitaine m'a paru un peu hors de propos
et exagérée).
Et bien sûr, comment ne pas sourire aux pointes d'humour et à
l'adresse directe du narrateur/auteur en train de conter la vie de son
"héroïne". J'ai bien aimé la parodie de roman
gothique dont Catherine est si friande et qui va se "faire un film
d'horreur" à son arrivée à Northanger Abbey.
D'ailleurs, s'agissant du lieu et du pouvoir des bâtiments, de leur
charge romanesque, ça m'a fait penser au roman de Daphné
Du Maurier Rebecca
superbement adapté
par Hitchcock et la magie/horreur de Manderley (apparemment Du Maurier
compte dans ses sources d'inspiration Jane Austen
tiens, tiens
).
Et il y a aussi une histoire d'amour compliquée par les événements
et les méchants.
Juste pour finir, je dirais que quand je parle de roman pour midinettes,
ça n'est pas négatif (parce qu'on aime toutes ça !!!)
et surtout je pense qu'Austen est très subtile dans son analyse
de la société et des relations humaines
sous la couche
superficielle, il y a une couche profonde et très intéressante
(novatrice pour l'époque ? surtout venant d'une femme ? pas assez
informée de son travail et de la réception à l'époque
pour juger). Bref, je l'ouvre en grand et je pense que je vais continuer
à découvrir cette auteure pour le pur plaisir de la lecture
!
Muriel(avis
transmis)
J'ai lu 200 pages et j'avais déjà essayé de lire
Orgueil
et préjugés.
C'est un univers qui ne m'intéresse absolument pas : robes
en mousseline, recherche de maris, bals... Je trouve ça cucul,
et le style ne m'a pas épatée. Donc, j'ai arrêté.
J'ouvre ¼ pour l'encre.
Monique L(avis
transmis)
Le début du roman m'a intéressée : le fait de décrire
une anti-héroïne tout en décrétant en faire
l'héroïne du roman.
L'histoire du séjour à Bath est assez plate et redondante.
L'ironie de l'auteur ne m'a pas empêchée de trouver tout
ce passage très long. Cela se lit néanmoins très
facilement, c'est léger.
J'ai trouvé plus d'intérêt au séjour à
Northanger Abbey grâce à l'imagination de Catherine liée
à ses lectures.
J'ai trouvé du charme à l'écriture, mais l'intrigue
et la fin me font penser à un roman à l'eau de rose.
J'apprécie la dérision manifeste que l'autrice manipule
avec dextérité, j'aime le ton qu'elle emploie, ses réflexions.
Mais ce qui domine c'est le manque de profondeur de l'histoire.
J'ouvre à moitié.
Fanny(avis
transmis)
Je suis à 50 pages de la fin je lis ce livre avec grand
plaisir.
Pour moi tout l'art tient au décalage que prend l'auteur et à
travers lui le narrateur, avec ses personnages. En clin d'il à
notre lecture précédente, Catherine
est vraiment une oie. Elle en serait presque insupportable.
Mais quel humour ! (Nathalie, tu as trouvé ça drôle
?).
Le récit en lui-même aurait pu me paraître ennuyeux,
tellement l'existence de cette pauvre Catherine me paraît plate
et sans intérêt, mais la distance de l'auteur avec son personnage
qui transparaît à chaque page est truculente. D'autant plus
en le restituant à l'époque. Les scènes de dialogues
ont un côté assez théâtral et très visuel.
Hâte de lire vos avis à défaut de les entendre en
direct.
Pour ma part c'est grand ouvert.
Annick
L(en
direct comme les suivants)
Je partage totalement l'avis de Fanny.
J'ai découvert avec intérêt cette auteure à
travers deux adaptations de ses uvres au cinéma. Mais c'est
le premier livre que je lis, et j'y ai pris grand plaisir. Jane Austen
a beaucoup de talent. D'abord pour brosser, durant toute la séquence
du séjour à Bath, un tableau pittoresque et vivant (le récit
est très dialogué) de cette société provinciale
anglaise, figée, dans ses conventions, ses préjugés
et ses soucis d'argent. Je ne peux pas dire que la vie et les préoccupations
de ces personnages me passionnent fondamentalement. Mais ce qui m'a beaucoup
plu, c'est l'acuité du regard porté sur leurs petites histoires,
à distance, plein d''ironie, de distance. J'ai souvent souri de
la bêtise, de la futilité de leurs préoccupations
(Mme Allen en est un bel exemple !). J'ai même ri en lisant la scène
de parodie du roman gothique. Et, même si tout cela se passe au
18e siècle, on peut retrouver certains travers chez nos contemporains.
Et puis le personnage de Catherine Morland s'avère attachant. D'abord
parce que c'est une lectrice passionnée et que je peux m'y reconnaître,
mais surtout parce qu'elle évolue et s'étoffe progressivement
(une sorte de récit d'éducation). Elle va réussir
à se débarrasser de l'horrible John Thorpe et à prendre
du recul avec son "amie" Isabella, une manipulatrice sordide.
Elle réussira même à faire un choix proche de ses
sentiments, à la fin du roman. Cette "anti-héroïne"
si naïve et idéaliste au départ (trop de lecture de
romans) ne manque pas de ressources et ce portait est assez fin psychologiquement.
Au-delà, cette peinture de murs dénonce, sans en avoir
l'air, le statut des filles-femmes à l'époque : à
Bath elles viennent se "vendre" sur le marché du mariage
et les hommes n'ont plus qu'à faire leur choix. Rien à voir
avec l'amour ! Les critères du rang social et du patrimoine potentiel
des candidates sont déterminants et les pères de famille
surveillent attentivement les affaires ; le personnage du général
Tilney en donne un exemple frappant. Jane Austen, qui ne fréquentait
pourtant qu'un cercle fermé de relations pourrait-elle être
qualifiée de féministe (avant la lettre) ?
J'ouvre en grand.
Etienne(à
l'écran)
Je continue sur cette lancée positive. J'ai beaucoup apprécié.
C'est extrêmement drôle, tordant même. Je ne m'y attendais
pas. À cette distance burlesque. Elle est tellement naïve,
à la Gaston Lagaffe. Il y a des réflexions à l'eau
de rose qu'on ne prend pas au sérieux et une critique de tout le
système, de cette hiérarchie. C'est mordant, impertinent,
léger, drôle. Je l'ai lu très rapidement : c'est un
page-turner. C'est mon premier Jane Austen. Je l'ai lu dans la traduction
de Josée
Salesse-Lavergne (1980), un peu désuète,
ce qui rendait encore plus drôle. Et quand elle imagine que le général
a tué sa femme, c'est encore plus drôle quand elle découvre
qu'elle s'est bien plantée. J'ouvre aux ¾, c'est une belle
lecture.
Laura
Je crois bien, pour la première fois depuis un long moment, avoir
enfin apprécié un livre en entier. Aucun passage ne m'a
déplu. Je me suis sentie emportée dans les pensées
de Catherine relatées par l'autrice, dans son histoire, dans ses
espérances, dans ses déceptions, et dans son amour aussi.
Ce qui me donne, évidemment, le désir le lire d'autres ouvrages
de Jane Austen, même si j'imagine bien que Northanger Abbey
tient une place un peu à part.
Ce que j'ai aimé particulièrement, ce n'est pas l'histoire
en elle-même, qui en soi est des plus banales, des plus communes,
mais la manière de raconter cette histoire. Cela peut paraître
évident, mais j'ai aimé cette ironie flagrante que s'amuse
à utiliser l'écrivaine tout au long de son texte. On voit
qu'elle s'est amusée, qu'elle a adoré écrire son
manuscrit. C'est donc cette ironie, cette distanciation de l'autrice avec
d'un même coup ses personnages et le lecteur, le fait même
qu'elle se moque ouvertement de lui, alors qu'il attend les tournures
romanesques habituelles, que j'ai trouvé géniale. Jane Austen
met le lecteur face à son propre comportement, elle le lui dévoile
: son ouvrage est presque la simple occasion d'un diagnostic psychologique
du lecteur à travers la description de ses symptômes. Elle
nous prouve qu'elle nous connaît parfaitement, et s'applique alors
à nous frustrer. J'ai donc aimé le fait que Catherine soit
décrite de manière répétitive comme n'étant
pas une héroïne, alors même que la fin de l'histoire
semble signifier le contraire. Au sujet de cette fin heureuse que j'espérais
pouvoir attendre, j'ai l'impression que Jane Austen a eu un peu de compassion
pour son lecteur. Car au vu des 320 pages précédentes, j'aurais
pu m'attendre à tout sauf à un mariage. Tout, c'est-à-dire
ici : à la quotidienneté, la vie réelle sans de tels
rebondissements. Car justement, il me semble que l'autrice met tout en
uvre pour ne mettre en scène que l'ennui et les déceptions
de la vie quotidienne (autant lors des premiers jours passés à
Bath, qu'une fois face à l'intrigant coffre de Northanger Abbey.)
L'arrivée à Bath me semble d'ailleurs trainer en longueur,
comme si l'autrice était parvenue à témoigner du
fond à travers la forme, ce qui est sûrement le cas, car
j'attendais impatiemment comme Catherine l'avènement du point central
de l'histoire : la fameuse abbaye. C'est précisément dans
ce passage que j'ai trouvé Jane Austen brillante. Elle manie avec
perfection le jeu du chat et de la souris. Sans cesse elle fait en sorte
que tous les éléments soient réunis pour enfin changer
de registre et passer à l'horreur (autrement dit, me satisfaire,
moi lectrice, qui n'attend que cela depuis le début et qui suis
narguée par le spectre d'Udolphe), mais elle semble en être
empêchée presque contre son gré : ce sont les lieux
et les personnages eux-mêmes qui résistent au registre. Bref,
j'ai été prise dans l'histoire et j'ai bien ri des espoirs
déçus de Catherine. Sur ce point, elle pourrait presque
témoigner d'un certain bovarysme : elle s'identifie à ses
héroïnes de manière répétitive, mais
ses attentes restent insatisfaites. En plus de toute cette ironie, j'ai
évidemment apprécié la bonté du personnage
de M. Tilney, mais encore plus la remarque de l'autrice à son sujet
(éd. Archipoche,
p. 324) : "Je dois confesser que son affection avait
eu pour origine quelque chose comme un sentiment de gratitude : il l'avait
aimée de l'aimer."
Après avoir le livre, j'ai visionné le
film. Il n'est clairement pas aussi complet que l'ouvrage, mais la
trame générale était là et m'a bien amusée,
même si l'ironie semble s'être un peu effacée pour
y préférer une sorte de conte de fée (je ne dis pas
non). Mais le plus que le film m'a apporté, c'est que je suis follement
tombée amoureuse du sourire de M. Tilney...
Grand ouvert.
Richard(qui
fait son come-back avec une écrivaine britannique comme lui...)
J'ai lu il y a très longtemps deux romans auxquels celui-ci ne
ressemble pas. J'avais une telle image de son écriture avec Emma
et Orgueil et préjugés que j'ai été
un peu déçu. Je n'ai d'ailleurs pas compris tout de suite
l'ironie. Le début paraît trite comme on dit en anglais,
c'est-à-dire léger, sans grande signification et, du coup,
on s'en lasse très vite, et certains aspects sont peu crédibles.
C'est pourtant mon auteur préféré avec tous ces jeux
psychologiques des personnages des autres romans
lus. L'ironie ? On ne peut se mettre au diapason de ce qu'elle veut communiquer.
J'ai reposé le livre. Quelqu'un a parlé de Netflix ? C'est
un peu Dallas... léger, superficiel. Sauf à y glisser ses
propres idées. J'ouvre à moitié et je m'en vais me
retourner vers les autres classiques d'Austen.
Brigitte(à
l'écran)
J'ai lu ce livre jusqu'au bout, mais j'ai sauté plusieurs passages.
Je n'en pouvais plus
des discussions pour savoir si Catherine irait ou pas avec ses amis à
l'excursion prévue, etc.
C'est intéressant pour la description quasi caricaturale d'une
société snob et souvent très intéressée.
J'ai cependant apprécié la fine description des états
d'âme de l'héroïne, tellement naïve et sentimentale,
férue de romans un peu niais. Finalement, elle découvre
peu à peu les manipulations mesquines de son entourage et devient
adulte.
Je note tout particulièrement, aux pages 37 et suivantes en
10/18,
le développement de Jane Austen sur le "roman". Peut-être
s'adresse-t-elle à nous, lecteurs de romans.
J'ouvre à ½.
Katell
Il y a 25 ans, il y a eu une "austenmania" (avec la sortie du
film Raisons
et sentiments de Ang Lee, la mini-série
Orgueil et Préjugés, Emma,
l'entremetteuse avec Gwyneth Paltrow...). À cette époque,
j'ai lu tous les romans de Jane Austen (il y en 6) et même le 7e
Sanditon,
son roman inachevé par sa mort. C'est dire que je suis fan.
Cependant, Northanger Abbey, roman écrit dans sa jeunesse
et repris par la suite, est à mon sens un roman mineur. Les trois
parties (à Bath, à Northanger Abbey et l'épilogue)
sont mal équilibrées. Mais on trouve en germe tout le génie
et l'ironie de Jane Austen, les réflexions universelles comme cette
description de John Thorpe et de son équipage. On pourrait la transposer
de nos jours avec les possesseurs de voitures de sport ou de luxe. J'ai
été moins passionnée par le pastiche de roman gothique
et je trouve que la fin est bâclée. J'ouvre donc à
moitié car ce n'est pas son meilleur. Et j'envie celles et ceux
qui vont découvrir les autres romans qui sont des chefs-d'uvre.
Claire
Je suis allée à Lübeck parce que nous lisions Les
Buddenbrook, je suis allée à Bath puisque nous lisions
Jane Austen...
J'ai d'abord lu la
biographie avec grand intérêt. J'ai trouvé le
défi bien relevé : faire une biographie originale après
tout ce qui a déjà été fait. À savoir
centrée sur l'évolution de l'écriture. J'ai été
légèrement gênée quand les romans étaient
évoqués et que le lecteur était censé les
connaître. Car si j'ai lu et aimé les deux romans lus à
Voix au chapitre, je ne me souviens plus des personnages. J'ai
apprécié également la juste distance, entre l'admiration
et la prise en compte des réserves existantes : par exemple, son
manque de "conscience politique".
Quant à L'abbaye de Northanger, j'ai vraiment beaucoup aimé
: l'humour avant tout, les jeux avec le lecteur, les effets rigolos de
la lecture des romans gothiques, les jeux de séduction et de société
qui restent éternels. J'aurais raccourci un peu la première
partie. J'ai beaucoup aimé Henry Tilney. Pour moi, contrairement
à Nathalie, Catherine n'est pas une oie... Et certaines analyses
m'ont semblé vraiment subtiles.
Je craignais de voir le film : j'ai trouvé très réussie
cette adaptation, avec deux personnages masculins (les méchants)
un peu trop caricaturaux. Le plaisir vient aussi de la lecture préalable.
Quant à l'histoire du livre et celle de la traduction, des traductions,
voilà des rebondissements dont j'ai été également
friande.
Catherine
J'ai lu tous les romans d'Austen quand j'étais ado. J'en ai relu
certains plus tard, avec un regard un peu différent. C'est d'ailleurs
un des intérêts de ces romans, il y a plusieurs grilles de
lecture. Je suis fan absolue de Jane Austen. Je les ai donnés à
lire à mes enfants, y compris mon fils. Trop souvent, ce sont uniquement
les femmes qui lisent les romans de Jane Austen et c'est dommage.
Je n'avais pas relu Northanger Abbey depuis ma jeunesse. Ce n'est
pas mon préféré, il est moins subtil, moins abouti
que Raisons et sentiments, Orgueil et préjugés ou
Emma mais il est particulièrement drôle car très
ironique. Le personnage de Madame Allen par exemple, qui ne parle que
de ses robes, de leur tissu, de leur prix au mètre. Ce ne sont
pas du tout des romans à l'eau de rose ou frivoles. On y trouve
une peinture au vitriol de la société de son époque,
des conventions sociales, de l'omniprésence de l'argent. Les femmes
ont une valeur marchande et le sort de celles qui ne parviennent pas à
se marier, le mariage étant seul à même de leur donner
une position sociale et un foyer, est particulièrement tragique.
Elles sont considérées comme inaptes à réfléchir,
on les préfère ignorantes. Le point de vue de Jane Austen
n'est pas réellement féministe, elle n'exprime pas ouvertement
de jugement, elle fait un constat. Mais pour l'époque, c'est déjà
beaucoup. Il n'y a pas vraiment de happy end à mon sens, les héros
se marient, mais ce qu'on voit des couples mariés dans les romans
d'Austen, à quelques exceptions près, ne fait pas rêver.
J'ai trouvé intéressantes les réflexions du narrateur
sur la littérature, sur le roman qu'il défend. Les positions
sur la question des deux prétendants de Catherine, Thrope et Tilney,
sont révélatrices. L'autre débile, Thorpe, évidemment,
ne lit pas de romans - comme beaucoup d'hommes d'ailleurs y compris aujourd'hui,
alors que Henry les apprécie. Je trouve néanmoins que même
Tilney finalement est assez conventionnel, comparé à Catherine,
qui a des opinions beaucoup plus personnelles. On le voit par exemple
lorsqu'ils se promènent dans la campagne, lorsqu'elle s'extasie
devant un beau paysage et qu'il lui explique doctement que ça n'est
pas vraiment beau. Il finit même par la convaincre que la vue sur
la ville de Bath n'est pas intéressante et qu'il ne faut pas l'admirer.
La partie sur le roman gothique est amusante aussi, en particulier les
terreurs un peu fabriquées de Catherine dans l'abbaye qui ouvre
un coffre en tremblant et trouve une note de blanchisserie...
J'apprécie beaucoup l'écriture, même traduite. La
description des personnages, les scènes de bal, la description
de l'abbaye : on a l'impression d'y être. J'ai beaucoup aimé
l'incipit, dans lequel elle décrit Catherine comme une enfant ordinaire,
plutôt laide, une anti-héroïne.
J'ai lu la
biographie après et écouté les quatre
émissions de France Culture, très intéressantes,
ce qui permet de découvrir l'arrière-plan contemporain de
Jane Austen, sa vie et tous les événements de son époque,
la Révolution française, Napoléon, les guerres contre
la France, par rapport à son milieu clos sur lui-même.
J'ai aussi aimé le film, les scènes ''gothiques" sont
très drôles.
J'ouvre en grand.
Jacqueline
Dans l'état de fatigue où j'étais quand je l'ai commencé,
ce roman a été une délicieuse surprise : j'ai adoré
le début, le ton alerte, l'ironie sur les conventions romanesques,
la présentation d'une héroïne "ordinaire",
fille d'un clergyman "ni méprisé ni pauvre" et
dont la mère ne la mettra pas en garde contre les machinations
des baronnets puisqu'elle n'en fréquente pas...
C'est un roman de formation et j'ai pensé que ce devait être
le premier roman de formation d'une fille (destiné aux filles ?),
en tout cas je n'en connais d'autres que beaucoup plus récents
alors que toute la littérature, et à cette époque,
regorge de romans de formation de garçons...
Je pense que ce côté histoire de jeune fille a joué
dans mon plaisir avec une petite pensée pour Papa
Faucheux" où Les
quatre filles du docteur March.
Je n'ai peut-être pas tout lu avec le même plaisir que le
début, mais j'ai trouvé remarquable le mélange d'ironie,
de distance dans le récit et de justesse dans la description des
impressions de cette jeune fille et de leur évolution.
En même temps, on est dans un roman. Les petites invraisemblances
comme, par exemple, la confiance accordée par le général
aux propos de quelqu'un comme Thorpe, passent en tant que ressorts du
roman. Les conventions du genre sont respectées : illusions dissipées,
péripéties parfois dramatiques, mariage à la fin.
En même temps, il y a une peinture de la société de
l'époque ; la première rencontre des héros au bal
est orchestrée par le maître de cérémonie :
la fille de clergyman épousera un clergyman. Ils seront heureux
certainement, mais auront-ils dix enfants comme les parents de Catherine
?
J'ouvre aux ¾.
Danièle
Je n'avais jamais lu Jane Austen. J'ai tout le temps souri, j'ai même
ri pendant la lecture de ce roman. C'est rare ! J'avais quelquefois des
scrupules, en pensant que c'était un peu à l'eau de rose.
Mais, dans un roman à l'eau de rose, on ne rit pas ! On se laisse
prendre par l'action. Ici l'auteure a su créer la distance ironique
et malicieuse qui fait tout le plaisir de la lecture et qui est à
la base de sa satire sociale.
Par ailleurs, le style pourrait sembler lourd avec la longueur de ses
phrases et la recherche constante d'exactitude dans les descriptions.
Mais curieusement, l'ironie et l'humour qui le traversent donnent une
impression d'ensemble légère, d'ailleurs bien rendue dans
le film. Et dans la traduction aussi, avec ses imparfaits du subjonctifs
(je me suis régalée) qui frisent constamment l'ironie.
L'entrée en matière et les incursions de l'auteure dans
le roman donnent le ton et créent également une distanciation
voulue : Jane Austen intervient en tant qu'auteure dans le roman, c'est
elle qui tire les ficelles, et elle choisit de ne pas écrire conventionnellement,
mais à contre-courant de ce qu'on attend d'habitude dans un roman
qui traite d'histoire d'amour. Bien sûr il faut une héroïne
de roman, mais elle ne suivra pas le chemin habituel des héroïnes
de roman. Il faut rappeler que Jane Austen est très jeune lorsqu'elle
écrit ce roman, et, à mon avis, cède à l'envie
d'être originale et de trouver son propre style.
J'ai aimé aussi sa manière de nous faire vivre le pouvoir
de l'imagination ! Et j'ai pensé à vous, fidèles
amis du groupe lecture, vous avez pu voir ce que cela donne de lire trop
de romans
L'auteure s'amuse dans les sujets de discussion qu'elle fait tenir à
ses personnages : soit les plus insipides et conventionnels mais dans
un style très snob, soit en tant qu'auteur de roman elle-même,
comme par exemple "êtes-vous lecteur de roman".
Thème encore d'actualité, comme l'a si bien remarqué
Catherine, et qui, sans vouloir généraliser, crée
souvent un clivage homme/femme, sauf ici avec notre cher Tilney !
Et nous nous amusons aussi, avec l'auteure, du style grandiloquent utilisé
par contraste avec la futilité des détails, et donc de la
futilité ou du snobisme des personnages.
Catherine est un personnage plus complexe qu'il n'y paraît. Elle
semble par moments frivole et ingénue, mais elle ne perd finalement
jamais son sens critique quand il s'agit de juger ses relations. Elle
ne se laisse abuser qu'un moment (certes long) par Isabelle et John Thorpe,
qui ne recherchent son amitié que pour sa fortune. Elle séduit
par sa grâce naturelle et par sa droiture d'esprit. C'est la revanche
de la noblesse d'esprit sur la mesquinerie des chasseurs de dot. Pourquoi
pas ?
Puis je me suis laissé prendre par le côté romanesque
de l'histoire, guidée par mon désir de voir une fin heureuse
aux tourments de l'infortunée Catherine et ravie de naviguer dans
un roman tellement bien écrit.
Un petit peu lassée à la fin par l'obsession
du thème des mariages de convenance et des conventions sociales,
lié pourtant à l'époque, je n'ouvre qu'à trois
quarts et demi.
Annick A
J'ai lu beaucoup de livres d'Austen. Et là j'ai eu un peu de mal,
me demandant même pourquoi on l'avait choisi. Il y a sans doute
un problème de traduction (Annick a la traduction
de Fénéon disponible dans divers poches datant de 1898),
ce qui fait que j'ai arrêté.
J'ai adoré le film, et notamment les scènes d'imagination
de l'héroïne causées par ses lectures.
Je suis alors retournée au livre, sans aller très loin car
j'étais déçue de ne pas trouver la profondeur des
autres romans. Certes on y retrouve une peinture sociale et une critique
humoristique de la société, mais de moindre qualité.
Ayant lu très peu lu le livre, je ne peux pas dire comment l'"ouvrir".
Françoise D
Je le dis tout de suite : j'ouvre en grand !
Je suis inconditionnelle !
Je n'ai aucune réserve !
J'ai adoré l'humour, le portrait de Mrs Allen, les incises de l'auteure
et les fantasmes de Catherine.
Ça se termine bien comme d'hab, et hop la !
Il me reste à lire Persuasion qui est depuis trop longtemps
sur ma table de nuit.
J'ai lu la
bio et ai beaucoup aimé, avec des éclaircissements sur
les livres et des parallèles avec sa vie. Elle ne fut jamais mariée,
ce qui créa certainement une blessure et lui inspira sans doute
d'écrire sur la condition des filles et femmes de son époque
et des fins heureuses, pour (nous) dire que les mariages d'amour pouvaient
exister, ce qui ne lui arriva pas, hélas.
Le film, j'ai beaucoup aimé. Il y a des raccourcis forcément,
mais on retrouve bien le livre, ça vaut vraiment le coup.
Etienne
Un petit côté Downton Abbey peut-être ?
Françoise
Bien sûr ! Et Les
vestiges du jour (Françoise se pâme en y pensant) !
Jean-Paul
Pour moi c'est l'histoire d'une "gourde" sans intérêt.
On passe de calèche en salle de bal, il ne se passe rien, c'est
d'un vide sidéral. La seule chose qui a trouvé grâce
à mes yeux, c'est lorsque l'auteure intervient. Mais sinon, ce
livre est insipide. Je n'avais jamais lu du Jane Austen et n'en relirai
pas. Je ferme et l'enferme à double tour.
Katherine
Je m'étais dit qu'il fallait bien que je lise un jour du Jane Austen.
Je l'ai lu en anglais. J'ai aimé le style qui est très poétique,
précieux, joli, mais c'est tellement ennuyeux
Il ne se passe
rien du tout. C'est sa marque de fabrique, un certain contexte, une classe
sociale qui est décrite, mais sans aucun intérêt.
Je ferme complètement le livre.
Laure
Je suis dans la même mouvance. J'ai trouvé cela mignon, cela
rappelle l'adolescence, où tu espères, tu rêves
mais longuet. J'avais envie d'arrêter. Page après page, on
se demande s'il va enfin lui arriver quelque chose
mais non. Il
y a peut-être quelque chose que je n'ai pas compris. J'attends d'en
savoir plus sur l'auteure pour décider si je relirai un autre de
ses romans ou non. J'ouvre à moitié.
Christine
Je vais prendre le contrepied ; j'ai mis un peu de temps à entrer
dans l'histoire, mais une fois que je suis entrée dedans, j'ai
été emportée. J'ai adoré cette immersion dans
la fin de ce 18e siècle. Jane Austen fait beaucoup d'allusions
à la littérature gothique, très à la mode
à cette époque. J'ai bien aimé son style. J'ai trouvé
ça très fleur bleue, et ça m'a fait du bien d'être
emportée dans cette histoire d'amour, d'attente. Je me suis laissé
emporter dans cette mentalité, dans la découverte de la
façon dont vivaient les gens, cette "gentry" que j'ai
découverte, cette classe particulière qui avait de l'argent,
qui pouvait acheter des terres, mais qui n'était pas noble. J'ai
tellement adoré que j'ai lu deux autres romans d'elle, Le
Cur et la Raison et Orgueil
et préjugés, que j'avais lus très jeune
et j'ai beaucoup aimés. Malgré une fin que j'ai trouvée
un peu bâclée, je l'ouvre en grand.
Anne
Moi, je trouve que ce livre est très profond. Il n'est pas très
long, ce que j'apprécie grandement. C'est fleur bleue, mais à
l'adolescence, on est comme ça et on recherche l'amitié
et on tremble pour que l'amitié vous soit rendue. C'est merveilleusement
bien écrit, avec une grande simplicité ; il me donnait envie
de lire, de continuer. On est dans une autre époque, avec cette
question qu'est le mariage et tous les enjeux subtils qu'il y a, dans
le désir de faire une chose mais qui si il est fait peut blesser
quelqu'un
Et puis, il y a tout le milieu autour, envieux ou plus
ou moins malveillant. Ce général qui l'invite est curieux,
on se demande un moment s'il n'est pas celui qui s'intéresse à
l'héroïne. Si on accepte d'entrer dans ce qui parait être
une mièvrerie et qui n'en est pas du tout une, qui est la vie,
dans cette simplicité du passage de l'adolescence vers l'âge
adulte - où elle pèse tout ce qu'elle vit, tout ce qu'on
lui dit, car c'est son avenir qui est en jeu - on ne peut que trouver
de la profondeur à ce roman. On ne devrait pas jeter ce genre de
considérations au panier. Ce livre a une légèreté,
une humilité dans l'écriture, elle est au plus près
de ce qu'elle vit ; elle est fraîche, elle est jeune, elle parle
juste. Je l'ouvre en grand.
Christine
Je trouve que c'est rafraîchissant de lire un tel livre dans le
contexte actuel.
Anne
Elle est tellement dans l'espoir, dans l'espoir de découvrir. Le
bal, c'est quelque chose d'extraordinaire et en même temps il y
a le risque de faire tapisserie. Elle est dans une lutte intense vis-à-vis
d'elle-même, de cette société dans laquelle elle entre,
avec ses codes. Elle est au plus près de ce qu'elle ressent, elle
essaie d'être honnête, elle n'y arrive pas toujours, elle
s'en rend compte
J'ai trouvé cela formidable.
Françoise
Je l'ai lu au mois d'août, je n'ai absolument rien retenu, mais
j'ai pris des notes. Ce ne sera pas le livre de l'année, mais j'ai
trouvé cela très ludique. La romancière joue avec
les codes du roman gothique, elle nous prend à témoin, ce
qui est peu courant pour un livre de ce 18e siècle. C'est finalement
très moderne, l'héroïne a une façon de rabrouer
les garçons et de ne pas céder à leurs flatteries
très moderne. Elle a une liberté de ton. Elle n'est pas
gourde, elle est fine, elle sait bien se défaire des jeux de la
séduction. J'ai trouvé l'écriture choisie, fluide,
peut-être due à la traduction. J'ouvre à moitié.
Anne
Je voudrais ajouter une chose : c'est le moment où l'héroïne
a peur, elle déraille ; elle est dans un état extrême
d'intensité, d'excitation, sans que ce soit dit comme tel, sexuelle.
Elle imagine qu'un homme a tué sa femme. Qu'est-ce que c'est que
le rapport sexuel : est-ce que c'est dangereux, quelque chose de terrible
? C'est formidable d'avouer cela dans un livre de cette époque-là.
Romain (nouveau dans le groupe)
Je l'ouvre à moitié. J'ai failli fermer le livre parce que
ces histoires de la gentry... un peu Downtown Abbey, ne m'intéressent
pas ; j'avais beaucoup de préjugés sur Jane Austen, que
je ne connaissais que par quelques passages du film Orgueil et Préjugés,
film sentimental, avec calèches, bals, histoires d'amour déçu
Mais quand j'ai compris que la narratrice avait beaucoup de recul sur
son personnage, qu'elle s'en moquait, j'ai trouvé le livre très
intéressant. Les personnages autres sont selon moi très
secondaires ; par contre Catherine est très intéressante
au fur et à mesure que l'histoire évolue. Elle s'ennuie
en réalité, a besoin d'aventures. Du coup, elle va prendre
les eaux, va à Bath, profite de l'opportunité qu'on lui
donne de partir en calèche vers un nouveau milieu, non pas pour
découvrir le monde mais pour sortir de ses romans par lesquels
elle a vécu par procuration et vivre "la vraie vie".
Puis elle s'ennuie finalement à Bath aussi et est ravie de quitter
la ville pour l'abbaye pour trouver un peu de piment. Mais ce n'est pas
du tout ce à quoi elle s'attendait. Elle va de désillusion
en désillusion. Le fait que Austen se moque beaucoup de son personnage,
j'ai beaucoup aimé. J'ai senti l'ironie de l'auteur au deuxième
et même troisième degré par rapport à son héroïne.
Mais la chute est vraiment plate. Par contre la douleur psychologique
est bien rendue, comme par exemple quand elle se sent ridicule face à
Henry qui la découvre dans la chambre de sa mère. La société
britannique est bien rendue.
Nathalie
C'était mon premier roman de Jane Austen. Dans la préface
de mon exemplaire, il est indiqué que Jane Austen a décidé
d'écrire ce premier roman pour parodier les romans gothiques très
à la mode à cette époque. Si l'on en croit ce qui
se dit dans le roman, lors d'une soirée à Bath, leur sortie
était attendue et commentée autant que les sorties des Harry
Potter ! Son héroïne, Catherine, fait expressément
référence en le mentionnant à de très nombreuses
reprises au roman gothique Les
Mystères d'Udolphe d'Ann Radcliffe, que Jane Austen a elle-même
beaucoup aimé - je dois dire qu'elle m'a franchement donné
envie de le lire. L'autrice en reprend les codes pour écrire une
histoire dans laquelle, c'est vrai, il ne se passe rien, du moins en termes
d'événements, contrairement aux romans gothiques où
quand on ouvre une porte, on croise un cadavre ! Cela, je l'ai trouvé
très intéressant. Il faut se rappeler l'époque et
le milieu dans lesquels vivaient ces jeunes filles qui ne connaissaient
pas grand-chose de la vie, et nous paraissent telles des "oies blanches".
Catherine connaît peu de choses de la vie ; elle a une sincérité
et une intégrité rafraîchissantes, l'antithèse
de la coquette Isabella, superficielle, calculatrice et prédatrice
- comme quoi les femmes ne sont pas obligatoirement des victimes
! Mais s'il n'y a pas beaucoup d'action, en revanche le personnage grandit
tout au cours du roman, notamment grâce à Tilney, homme intelligent,
ayant de l'humour, généreux avec l'héroïne qu'il
comprend, d'autant que lui aussi aime les romans ; il la fait réfléchir
et fait grandir. Elle apprend progressivement que les romans ne sont pas
la vérité, qu'il faut apprendre à la chercher au-delà
des apparences. C'est une leçon que Jane Austen donne aux jeunes
filles de son époque.
Anne
C'est pour cela qu'il se passe quelque chose. Elle se transforme.
Nathalie
Exactement. Elle ne découvre pas de cadavres mais elle se transforme
en une jeune fille plus éveillée. Ce que j'ai bien aimé
aussi dans ce livre, c'est tout ce qui n'est pas dit ; je trouve cela
d'une subtilité incroyable. Sur de nombreux passages, on perçoit
ce que ressent le personnage de Catherine, ou même ce que pense
l'autrice, mais ce n'est pas exprimé. Je trouve cela très
joli. J'ouvre à moitié.
Katherine
C'est vrai qu'il y a plein de phrases un peu en suspend où l'on
sent la moquerie, le jugement mais avec une grande finesse ; elle a un
style extrêmement poétique, que personnellement je trouve
plutôt précieux, mais très fin.
Nathalie
Oui, c'est très fin, c'est subtil, c'est léger. Son écriture
montre bien la légèreté du personnage. D'ailleurs
elle n'écrit pas de la même façon quand elle parle
d'Isabella, qu'on sent plus sirupeuse.
Anne
Avec ce que tu en dis, c'est curieux que tu ne l'ouvres qu'à moitié.
Nathalie
Je ne l'ouvre qu'à moitié parce que j'ai quand même
souffert au moins le premier tiers, en lisant le verbiage échangé
dans ces salons. Certes, ils sont à lire avec la distanciation
et l'ironie qu'y met Austen. Mais c'est quand même une épreuve
pour une femme d'ici et d'aujourd'hui.
Anne-Marie
À mon avis, ce n'est pas du premier degré, ce n'est que
de la dérision. Jane Austen s'amuse et est très ironique,
notamment sur son héroïne qui ne pense pas beaucoup, Catherine
est un peu une "petite gourde". Elle suit Mrs Allen pour quitter
sa campagne, et Mrs Allen, qui est parfaitement indifférente à
la jeune fille, est carrément stupide. L'auteure nous montre une
société un peu absurde, faite de codes à respecter,
d'endroits où il faut être vu, d'histoires et de ragots dérisoires,
de protestations d'amitié, etc. Catherine, qui n'a donc d'opinion
sur rien, change d'avis sous l'influence de ses interlocuteurs, et est
si empêtrée qu'elle semble dire non quand elle dit oui, et
vice versa, ce qui provoque des malentendus comiques, on est presque dans
un vaudeville. Là encore, l'auteur se moque gentiment de son héroïne.
Le personnage de John Thorp est le moins réussi de toute la galerie
de portraits, car il est trop extrême, très grossier et stupide.
Les autres sont amusants ou étranges, comme le Général
Tilney. Il y a des pesanteurs et des longueurs, et en filigrane, une critique
de la société qui n'est fondée que sur l'argent,
et dans laquelle aucun salut n'existe en dehors du mariage pour une jeune
fille : en outre un vrai beau mariage ne peut avoir lieu que si les deux
futurs époux ont des fortunes équivalentes, c'est un peu
le mot de la fin.
Synthèse
rédigée par Yolaine
des 8 avis du groupe breton réuni le 17 novembre 2022, suivie d'avis individuels Brigitte Chantal Soaz Suzanne Marie-Odile Marie-Thé Yolaine Édith Jean était là mais n'avait pas lu Jane |
Nous nous sommes retrouvés assez nombreux pour cette séance
consacrée à l'Angleterre du XVIIIe et XIXe siècles,
et avec beaucoup de plaisir, bien que, quelques divergents que fussent
nos avis, personne n'ait vraiment sombré dans l'austenmania.
Nous avons ignoré les nombreuses adaptations au cinéma et
à la télévision inspirées de l'uvre
de l'auteure, ainsi que la biographie
de Fiona Stafford, pour nous concentrer
sur le texte de Jane Austen. La seule entorse à cette démarche
a été commise par Suzanne, qui avec un chapeau magique nous
a instantanément fait effectuer un voyage dans le temps à
l'époque du Directoire.
Pour la plupart d'entre nous, ce fut une complète découverte.
Nos lointaines années de lycée n'avaient pas suffi à
nous donner l'envie de plonger dans ces délicieux romans si féminins,
et nous sommes sans doute trop jeunes pour avoir été initiées
à la subtilité des uvres majeures préalablement
recommandées par Voix au chapitre que sont Raison
et sentiments et Orgueil
et préjugés (humour anglais).
Une moitié d'entre nous a ressenti de l'ennui à la lecture
de la première partie, assez lente, et où il ne se passe
pas grand-chose. Le souci principal des protagonistes semble en effet
se limiter aux questions suivantes : quelle robe vais-je mettre ? Qui
épouse qui ? Ces situations cornéliennes se répètent
à longueur de pages et au fil des nombreux malentendus qui provoquent
d'interminables rebondissements. Dans la deuxième partie, le changement
de décor dans les couloirs mystérieux de l'abbaye de Northanger
et le rôle des personnages secondaires d'Isabella et de John Thorpe
qui deviennent machiavéliques ajoutent un suspense bienvenu à
ce roman de midinette.
Mais c'est compter sans le féminisme de nos lectrices, qui passèrent
de la lassitude à l'exaspération devant la soumission à
la gent masculine et l'absence de militantisme de Jane Austen, qui termine
ses récits de femme-objet
par des mariages. Ses personnages,
outrageusement misogynes, leur ont semblé caricaturaux, artificiels,
réduits à des marionnettes dont Jane se contente de tirer
toujours les mêmes ficelles. Ils évoluent dans un monde fermé,
suranné, superficiel, hypocrite, dans une société
où ne compte que le paraître. Catherine Morland n'est qu'une
oie blanche d'une naïveté révoltante. Ce feuilleton
à l'eau de rose est à mille lieues de nos préoccupations
contemporaines, et donc sans intérêt.
Mais l'autre moitié des lectrices s'est laissé "embarquer"
par ce roman. Elles ont aimé l'écriture ciselée de
Jane, ses descriptions précieuses de la campagne anglaise, son
regard subtil et aiguisé sur une époque et une société
très particulière, où la "gentry" qui vit
de ses rentes ou des revenus de bénéfices ecclésiastiques
ne travaille pas, mais se bat néanmoins avec de douloureux problèmes
d'argent, où les rapports sociaux ne sont pas exempts de cruauté
et de violences psychologiques. Elles ont aimé visiter Bath et
le Hampshire, elles ont aimé l'authenticité de Catherine,
qui découvre le monde avec toute la fraîcheur de ses seize
ans (c'est une sorte de parcours initiatique), et l'on se dit qu'elle
n'est pas si différente de nos ados du XXIe siècle, et que
l'observation juste et fine des ressorts psychologiques qui animent les
personnages a une dimension universelle et intemporelle. Elles ont apprécié
l'ironie de l'écrivaine, qui se place à la distance nécessaire
pour se moquer de ses personnages, comme de ses lecteurs. Elle manipule
Catherine pour en faire une héroïne de roman gothique qui
part à l'assaut d'une sinistre abbaye médiévale,
et réussit une parodie qui a peut-être donné le coup
de grâce à la mode du roman gothique en Angleterre.
Au-delà des histoires qu'elle nous raconte, Jane Austen est habitée
par la passion de l'écriture, du roman, du théâtre,
de la littérature. Elle se situe au-delà des engagements
politiques ou sociaux, de la lutte contre le patriarcat et autres anachronismes.
C'est peut-être la raison de l'intérêt qu'on lui porte
encore aujourd'hui et de son étonnante modernité.
Brigitte
J'ouvre le livre ¼ : imperméable à l'écriture
de Jane Austen, je me suis forcée à lire ce roman dès
les premières pages. Après une quarantaine de pages j'ai
abdiqué : les longues phrases, les descriptions, les états
d'âme des personnages, les préoccupations futiles et sentimentales
de ces semi mondains britanniques en émoi me lassent
Pas de
surprise : l'intrigue, la recherche du mari, le destin de la vie
de jeune femme tracé par sa famille et son rang social, l'argent.
Peut-être trop loin de mes préoccupations et de mon intérêt
pour la société britannique ? J'ai cherché de
l'ironie, mais je n'ai pas trouvé l'accroche.
Peut-être n'ai-je pas compris que Jane Austen osait par son écriture
être une rebelle, une vaillante critique de la société
qu'elle côtoie, bien que née dans un milieu plus modeste ?
Merci cependant à Voix au chapitre de me proposer de lire
Jane Austen. Seule, je n'aurais pas été vers cette jeune
auteure provinciale britannique vivant dans le presbytère de son
père anglican au XVIIIe qui ose offrir à la lecture des
romans d'amour à une époque où le religieux avait
sans doute une très grande place en matière d'éducation
des jeunes filles.
Je me transporte des années en arrière, jeune adolescente,
lisant des romans sentimentaux empruntés à ma mère
j'y cherchais sans doute du rêve. Madeleine de Proust ! J'ai d'ailleurs,
dans ma bibliothèque, retrouvé un de ses livres
de
Jane Austen : Orgueil et préjugés. Et je ne résiste
pas à l'envie de vous proposer des dessins qui l'illustrent :
Illustrations de C.E. Brock tirées d'une édition anglaise de 1895 |
- Presque dès le premier instant où je suis entré dans cette demeure, je vous ai distinguée et ai vu en vous la future compagne de mes jours. |
- Elle est acceptable, mais pas assez belle pour mon goût. |
N'abandonnant pas Jane Austen, j'ai voulu voir si les films adaptés
de son uvre m'attiraient davantage, eh bien
pas réellement.
Certes je trouve de l'ironie en demi-teinte pour cette société
peinte dans de beaux costumes, des lieux majestueux, mais j'y trouve de
la redondance et la préoccupation majeure devient ennuyeuse : se
marier, se marier à tout prix
! J'ai bien conscience que
l'adaptation cinématographique n'est souvent que le pâle
reflet de l'écrit et fait perdre de la subtilité à
l'uvre de l'écrivain. Mon anglais trop scolaire ne m'a pas
permis d'apprécier la VO de Northanger Abbey. Je visionne
Persuasion (2022) : pour les rencontres, le rang social est de
la plus haute importance jusqu'au ridicule des situations et les tourments
amoureux de la pétillante Anne Elliot me mènent avec humour
de balades en repas et vice-versa ; je retrouve Bath. Je regarde aussi
Emma (2020) en entremetteuse romantique dans un environnement où
l'oisiveté règne : peu de surprises dans l'histoire, à
noter de très beaux décors. Enfin je visionne Orgueil
et préjugés (2005). Dès le début du film,
au premier bal des cinq surs, le sujet est posé. On devine
aisément les intrigues à venir. Heureusement le caractère
orgueilleux et franc d'Elisabeth relève le tout.
Je me dis après avoir vu ces films adaptés de l'uvre
de Jane Austen que cette dernière peut être lue au-delà
du roman sentimental, avec un intérêt pour l'analyse sociologique
qu'elle propose et qui me renvoie à la reproduction, la distinction,
la domination de Bourdieu...
Avec un grand respect, je dis au revoir Jane Austen (sans envie immédiate
de lire un autre de ses romans) et à la société britannique
de la fin du XVIIIe.
Marie Odile
Au cours de ma lecture, il m'a semblé que Jane Austen prend plaisir
à se moquer de son personnage, héroïne naïve qui
se veut parfaite, des femmes comme Mme Allen, frivoles et sans conversation,
des hommes comme le stupide et fanfaron John Thorpe, du roman de manière
générale, du récit gothique stéréotypé,
de moi lectrice qui ai accepté pendant 150 pages de m'ennuyer dans
cette ville de Bath...
Dans la première partie, je me suis un peu lassée d'un récit
linéaire répétant les éternelles questions
: qui a la plus belle robe ? Qui a le plus d'argent ? Qui héritera
et de combien ? Et surtout qui épousera qui ?
Je reconnais que la deuxième partie qui justifie le titre, et surtout
les derniers chapitres, m'ont tenue en haleine car le rythme s'accélère.
Quelques imprévus et, à la fin, tout se bouscule même
un peu.
J'ai aimé :
- quelques traits d'humour : "Et le mercredi arriva très
exactement le jour où l'on pouvait raisonnablement prévoir
qu'il arrive"
- quelques répliques paradoxales :
Henry : "Je vous comprends fort bien."
Catherine : "C'est que je ne parle pas suffisamment
bien pour être incompréhensible"
- la mise à distance lorsque la narratrice "envoie son
héroïne au lit" ou envisage que tout se passe "contrairement
à ce qui se passe normalement dans les roman". Les dernières
pages sont particulièrement riches en commentaires étonnés
de la narratrice sur son propre récit et j'ai trouvé ça
plutôt sympathique.
Jusqu'à la fin, je me suis interrogée sur l'attente qu'a
fait naître en moi le passage de la page où Mme Allen est
présentée comme devant "réduire la pauvre
Catherine au désespoir et au malheur, en faisant preuve d'imprudence,
de vulgarité, de jalousie, ou en interceptant ses lettres, en ruinant
sa réputation ou en la chassant de chez elle". Jusqu'à
la dernière ligne, mon attente a été déçue
et ça me laisse perplexe...
Ce fut pour moi une lecture facile et reposante, idéale pour un
jour d'automne pluvieux.
J'ai parfois même envié cette époque sans téléphone
portable où les malentendus sont constants, où on attend
pendant des jours l'arrivée d'un courrier, où on met des
heures à parcourir quelques lieues, où rien ne se fait dans
l'immédiateté.
J'ouvre à moitié ce roman qui ne m'a
pas déplu mais qui ne m'a pas éblouie non plus.
Chantal
Mon avis après notre réunion gastronomique, en présence
de notre nouvelle Soaz : je n'ai pas aimé ce livre. J'ai vraiment
fait des efforts pour arriver au bout du texte. Ce qui ne m'arrive jamais
à Voix au chapitre. À chaque chapitre je me disais :
"elle (Catherine Morland) me barbe ! Elle m'ennuie".
Lecture vaine, qui ne m'apporte rien. Aucun plaisir de lecture.
Certes, l'écriture est claire, limpide, la lecture aisée
; la construction du livre, avec les deux parties, l'est aussi. Mais,
tout de même, 100 pages pour décrire toujours la même
chose, les mêmes situations, cette station thermale où les
seules préoccupations de ces demoiselles consistent à choisir
quelles robes elles doivent porter : mousseline blanche ? Mousseline à
pois ? Ou bien : ce jeune homme me regarde-t-il ? Non ?
Bien sûr, la narratrice - la biographe de l'héroïne
comme elle se nomme à la fin du livre - bien sûr elle veut
décrire et railler ce milieu de la bourgeoisie moyenne de fin 18e
siècle, dans la campagne anglaise, des jeunes filles d'une naïveté
incroyable pour qui le seul avenir possible est le mariage.
Elle reste dans cette ironie tout au long du livre, elle raille gentiment,
elle prend régulièrement le lecteur à témoin,
quelquefois c'est agréable, mais toutes ces ficelles de style deviennent
pesantes, trop utilisées, et cela peut frôler le ridicule
comme la trouvaille des notes de blanchisserie dans la pièce qui
a tant effrayé Catherine...
Les arguments des passionnées de Jane Austen sont justes, sur cette
manière détournée de dénoncer le sort des
femmes de son époque, complètement dépendantes des
hommes, père, frères, maris...
Voilà. Je l'ouvre ¼. Le ¼ pour rendre justice aux
aficionadas du groupe... et à ma fille qui adore Jane Austen !
Edith
Je me suis totalement laissé embarquer par le roman de J. Austen
et pour mon plus grand plaisir.
Je n'y croyais pas car je pensais - du fait des téléfilms
regardés - que je découvrirais une agréable description
de la vie anglaise à Bath (ville que je connais), fréquentée
par des jeunes gens et leur famille y séjournant. Que je suivrais
tranquillement leurs péripéties mondaines et amoureuses.
Que je savourerais les dialogues, que j'appréciais d'avoir lu,
plus jeune, la Comtesse de Ségur et ses "petites filles modèles",
expressions ampoulées, déférentes et circonstanciées,
mais savoureuses
que j'aime, il est vrai !
CE FUT LE CAS MAIS : à la lumière des faits de société
actuels, je considère que Jane Austen est de plain-pied dans les
débats et luttes présentes ; le machisme ambiant, l'éducation
des filles et leur ambition interdite (épouse et mère ou
subalterne), éducation des filles pour leur autonomie financière
afin de souhaiter et permettre pour chacune un autre destin que le mariage
(j'apprends que Jane Austen est restée célibataire et a
écrit pour gagner son argent).
Les familles Morland, Allen, Thorpe, Tilney, interagissent, intriguent
même lors de rencontres mondaines (bals notamment et salon de thé)
et les jeunes compagnons se dévoilent au cur d'intrigues
amoureuses à peine ébauchées dont CATHERINE Morland
sera l'héroïne principale. Ainsi, j'apprécie le talent
de l'auteur qui décrit, dans toutes les nuances de la séduction
et du désir, de la plus subtile discrète et respectueuse
à la plus vile et manipulatrice sinon violente façon (personnage
de Thorpe ou du général Tilney) et qui font progresser l'action.
J'ai souri aux énoncés toutes en retenue, mais lourds de
sens, de non-dits, de remarques humoristiques - et elles sont nombreuses
- des héros masculins et féminins : circonvolutions
et attitudes se jouant dans des codes bien appropriés, sincérité,
vérité, violence parfois voir celle du jeune Thorpe dans
la séquence du voyage "contraint"
Je n'ai pas cru, autant que me laissait supposer (et espérer ?)
la perspective du séjour de Catherine au château des Tilney,
aux épisodes "gothiques" annoncés par ce genre
de récit. Le caractère naïf et fantasque de Catherine,
ainsi que sa "volonté" de mystère bien annoncée
dans la première partie du roman par les lectures (Udolphe,
temps consacré à la lecture) la prédisposent évidemment
aux étranges découvertes à venir et espérées
(percer le secret de la mort de Madame Tilney) - déconvenue décrite
avec humour
Situation romanesque, par tous les détails émotionnels qui
entourent la découverte de la note de blanchisserie coincée
dans la commode aux tiroirs mystérieux
et seulement lue au
petit matin car la flamme de la bougie fut éteinte par le vent
quel suspense ! Drôle.
Politesse exquise, déroulé de compliments, émotions
et ressentis exacerbés, galanterie dépassée - carnet
de bal - voilà, et grâce à Jane Austen, l'illustration
d'une société qui ne fut pas sans charme pour moi, mais
société décrite hors temps de la vie réelle
et de ses malheurs. L'Europe bouge socialement tant en France qu'en Angleterre.
Et puis, comme quoi je peux aussi me faire de fausses idées (du
fait d'autres lectures ?)
j'ai pensé (nonsense) que le général
Tilney s'étant épris de Catherine à Bath, l'invitant,
la gâtant, se mettant du fait de son attrait en concurrence déloyale
avec son fils Henry
que sa déconvenue, décuplée
dans la violence par son caractère intransigeant l'avait poussé
à une telle muflerie (le renvoi) indigne d'un gentleman. Le général,
contre toute humanité et raison, décide de renvoyer de nuit
et sans explications Catherine ! Mais cela aurait été une
autre histoire !
Le loyal Henry nous donne un happy end.
J'ouvre en grand. Décidée à découvrir d'autres
textes. J'ai bien conscience que de mon point de vue de femme, avec ce
que j'ai acquis et ai vécue, que ce roman pourrait supporter une
plus grande analyse féministe, d'où son grand intérêt
pour notre rencontre. Machisme, violence par la soumission aux règles
sociales, etc.
Marie-Thé
J'ouvre ce livre aux ¾. Si je ferme ¼, c'est à cause
de ce trop long passage à Bath où, finalement, oisiveté
et ennui des personnages ont fini par aussi m'ennuyer.
À part cela, j'ai beaucoup aimé voyager dans cette Angleterre
d'un autre temps, j'étais en immersion... Atmosphère, personnages,
situations, tout y est décrit avec finesse. La description des
lieux, intérieurs et extérieurs, m'a fait penser à
l'uvre d'un peintre. Écrits satiriques d'une société
où ne comptent que le paraître, la fortune, le rang... j'ai
quelquefois pensé à Proust.
À Bath si belle, tout paraît superficiel, quant aux personnages,
Catherine m'est souvent apparue comme une oie blanche, Isabella comme
une péronnelle écervelée. Le général
est grotesque, Henry déstabilisant, John Thorpe est un félon,
Mrs Allen a quelques ressemblances avec une Verdurin. Seul Mr Allen paraît
sage et sensé, mais il reste dans l'ombre. L'humilité des
Morland me dérange un peu, je ne sais pas trop pourquoi...
Mais je me suis concentrée sur le parcours plutôt original
de l'une des leurs : au centre de cette histoire est bien Catherine, lectrice
candide de romans gothiques, et qui découvrira que la vie est toute
autre : "L'absurdité de ses lubies lui sautait aux yeux"
et qui voudra garder "pour elle seule le secret de sa sottise."
Ses soupçons envers le général lui vaudront d'accablantes
paroles d'Henry, qui a tout compris : "Souvenez-vous que nous
sommes anglais, que nous sommes chrétiens." Je note l'allusion
aux "espions volontaires", chargés de surveiller
en Angleterre des sujets favorables à la Révolution française,
et à qui un crime à Northanger Abbey n'aurait pas échappé.
Si ces mots d'Henry sonnent la fin des "illusions romanesques"
de Catherine qui voulait "satisfaire son désir d'avoir
très peur", ils me plongent dans un monde que j'aime découvrir.
Je remarque encore ces réflexions de Catherine pour qui les livres
lus sont "peut-être une image fidèle des Alpes et
des Pyrénées... avec les vices de leurs habitants."
À retenir la critique des romans, "ces produits de l'imagination",
le côté théâtral des intrigues, et bien sûr
les coups de théâtre.
J'ai aimé le personnage d'Henry, qui à mes yeux éclaire
et aime Catherine, malgré ses réflexions misogynes (trait
de l'époque) : "À lui de pourvoir aux besoins du
ménage, à elle de sourire." J'ai ressenti une forme
de sympathie de l'auteur pour Catherine, personnage pourtant si différent,
si éloigné de Jane Austen.
Enfin, j'ai apprécié le côté happy end,
c'est si rare... Je remarque qu'Eleanor et Henry ont eu exactement les
mêmes difficultés et que leur parcours a connu le même
dénouement. Importance de la fortune, voire d'un titre, pour le
général, qui a quand même réussi à "alléger
le travail de ses inférieurs" à Northanger Abbey
! Même si je crois à l'amour chez Henry (et Eleanor) quatre
mots évoqués à la fin de cette histoire me viennent
en tête : "tyrannie paternelle", "désobéissance
filiale".
L'intervention de l'auteur auprès du lecteur m'agace.
Je terminerai par ceci : "la vie finit toujours par imiter l'art."
À méditer... C'est d'Hector
Bianciotti, que j'ai été surprise de lire en quatrième
de couverture.
En
complément éventuel de notre livre, figurait une
BIOGRAPHIE centrée sur l'évolution
de son écriture : Jane
Austen : une passion anglaise de Fiona STAFFORD (Le Livre
de poche, 192 p.)
Certaines éditions proposent une note biographique,
notamment de Jacques Roubaud. Et toujours : Wikipédia.
Pour les bilingues : une biographie oxfordonienne en anglais sur le site
https://www.oxfordbibliographies.com/
Après avoir lu le roman, nous avons visionné une ADAPTATION à l'écran : Northanger Abbey, de Jon Jones (2007), avec Felicity Jones et J.J. Feild. Le film complet est en ligne ici en vo.
L'HISTOIRE
DU LIVRE est romanesque... : ce fut premier roman
achevé de Jane Austen, initialement accepté par l'éditeur
Benjamin Crosby & Co en 1803 sous le titre Susan,
en deux volumes, et acheté pour la somme de 10 £.
Six ans plus tard, le roman n'était toujours pas publié
: Jane Austen écrit à Crosby, s'étonnant de ce retard
et proposant de renvoyer une copie s'il avait été perdu
par négligence et disant que si le retard perdurait, elle serait
libre alors de le faire publier ailleurs.
Crosby proposa de revendre le manuscrit à
Jane pour le prix d'origine auquel il avait été vendu et,
en 1816, son frère Henry le racheta à Crosby.
Jane Austen mourut en 1817. Northanger Abbey fut publié
à titre posthume en 1818.
Il a changé trois fois de titre : Susan, Miss Catherine (ainsi l'appelait-elle dans ses lettres quand elle le retravaillait), et après sa mort Northanger Abbey (et en France également : Catherine Morland, Northanger Abbey, L'Abbaye de Northanger).
Selon sa sur Cassandra, Jane avait écrit le roman entre 1798 et 1799, ce qui signifie qu'elle avait moins de 25 ans lorsqu'elle termina son premier livre. Elle a retouché le roman en 1816 lorsque le manuscrit lui a été rendu, bien que nous sachions qu'à cette époque, elle travaillait déjà sur Persuasion, ce qui explique probablement pourquoi elle s'est arrêtée avant de réviser le roman dans une plus large mesure. Ella a ajouté une préface au roman lors de la révision du manuscrit :
"Le public est prié de se rappeler que treize ans se sont écoulés depuis qu'il a été terminé, beaucoup plus depuis qu'il a été commencé, et que pendant cette période, les lieux, les murs, les livres et les opinions ont subi des changements considérables".
Jane s'est rendue à Bath pour la première
fois en 1797 chez son oncle et sa tante maternels. Il est fort probable
que ce voyage ait inspiré Jane les lieux du livre et qu'elle ait
accordé une attention particulière à The
Pump Room...
Plusieurs
TRADUCTIONS de Northanger Abbey sont
disponibles (au moins 5 !).
Voici d'abord le texte anglais (ses 31 chapitres) en
ligne ici et voici, de la plus ancienne à la plus récente,
les traductions, avec des titres successifs différents :
- 1824 : Hyacinthe de Ferrières,
Hachette-BNF,
version en
ligne ici :
- 1898
: Félix Fénéon, critique d'art, collectionneur d'art,
journaliste,
directeur de revues,
à qui fut récemment consacrée une double exposition
(Musée
du quai Branly et Musée
de lOrangerie) fut le premier à traduire sans lédulcorer
Jane Austen quon eauderosait.
Il découvrit ce livre dans la bibliothèque de la prison
où il attendait son procès en tant qu'anarchiste présumé...
Traduction que Jean Paulhan jugea admirable...
On la trouve en
ligne ici.
Elle parut en feuilleton de dix livraisons en 1898 dans La Revue
blanche, revue davant-garde dont Félix Fénéon
était le rédacteur en chef : il rédige lui-même
des traductions dEdgar P, de Dostoïevski et donc de
Jane Austen.
Il est donc celui qui ressuscite Jane Austen pour le public français.
Cette traduction fut publiée en un livre par
Gallimard,
dans la collection Les Classiques anglais, puis en collection L'Imaginaire,
sous le titre Catherine Morland :
Cette traduction est rééditée
sous le titre Northanger Abbey, dans
diverses collections récentes, par exemple Hugo
poche
qui inclut une "notice
biographique" par Henry
Austen, frère de Jane Austen (extraite de l'Abbaye de Northanger,
trad. Hyacinthe de Ferrières en 1824) :
Ou Hauteville,
avec sa version
collector :
Ou Archipoche
(préface
Emmanuel Dazin, feuilleter
ici), avec sa
version
collector :
- 1980
: Josie Salesse-Lavergne, 10/18
-
2000 : Pierre Arnaud, Pléiade
et
Imaginaire Gallimard (traduction à conseiller), avec un nouveau
titre, L'Abbaye de Northanger :
- 2015 : Michel Laporte, Flammarion
Jeunesse (feuilleter
ici)
Dans l'histoire des traductions de Jane Austen, on croise des personnalités littéraires : d'abord sa première adaptatrice, la baronne Isabelle de Montolieu, femme de lettres à succès, dorigine genevoise, amie de Mme de Genlis dont nous avions lu La Femme auteur et de Maria Edgeworth, qui insuffle sa propre inspiration sentimentale aux uvres de Jane Austen. On l'a vu, le critique et directeur littéraire de la Revue blanche, Félix Fénéon ; Louis Cazamian, fondateur des études anglaises à la Sorbonne, préface Pride and Prejudice en 1947, et des éditeurs renommés, tel Christian Bourgois, qui permit la "redécouverte" dAusten à lorée des années 1980, en rééditant toute son uvre.
Comparons trois phrases du tout début du livre
qui décrivent l'héroïne (notez que même
l'animal cité, dormouse, qui veut dire loir, n'est
pas traduit de la même manière, devenant marmotte, voire
hanneton...) :
No one who had ever seen Catherine
Morland in her infancy would have supposed her born to be an heroine.
(...) She had a thin awkward figure, a sallow skin without colour, dark lank hair, and strong features - so much for her person; and not less unpropitious for heroism seemed her mind. She was fond of all boy's plays, and greatly preferred cricket not merely to dolls, but to the more heroic enjoyments of infancy, nursing a dormouse, feeding a canary-bird, or watering a rose-bush. |
1824, traduction de Hyacinthe de Ferrières
(la moins fidèle...) De toutes les personnes qui ont connu Catherine Morland, dans son enfance, il n'en est pas qui aient dû la croire née pour figurer comme héroïne de roman. (...) Dans la plus tendre jeunesse, Catherine avait de la vivacité dans les yeux, mais son teint était pâle ; ses cheveux étaient noirs, sans boucles et peu épais, ses traits gros, ses membres forts ; enfin son corps ne semblait pas, plus que son esprit, destiné par la nature à représenter, comme je l'ai déjà dit, le principal personnage d'un roman. Elle n'aimait que les jeux des petits garçons ; elle s'amusait plus à tourmenter un hanneton, qu'à faire la toilette de sa poupée ; à élever un moineau, qu'à soigner ces roses, dont les auteurs représentent la culture, comme l'amusement chéri des jeunes beautés, desquelles ils nous donnent l'histoire. |
1898, Fénéon (Hauteville
et
collector,
Hugo
poche,
Archipoche
et
collector,
Gallimard)
Personne qui ait jamais vu Catherine Morland dans son enfance ne l'aurait supposée née pour être une héroïne. (...) Elle était maigre et mal équarrie, avait la peau blême, de noirs cheveux plats et de gros traits ; non plus que sa personne, son esprit ne la marquait pour la fonction d'héroïne. Elle raffolait de tous les jeux des garçons, et préférait de beaucoup le cricket, non seulement aux poupées, mais aux plus poétiques jeux de l'enfance, élever une marmotte ou un canari, arroser un rosier. |
1980, Josie Salesse-Lavergne (10/18) Personne ayant jamais vu Catherine Morland dans son enfance ne l'eût supposée née pour être une héroïne. (...) Une silhouette maigre et gauche, un teint blafard et sans couleurs, des cheveux sombres et plats, des traits grossiers, voilà pour sa personne. Quant à son esprit, il ne semblait pas davantage annoncer sa qualité d'héroïne. Elle aimait tous les jeux de garçons et préférait nettement le cricket, non seulement aux poupées, mais aussi à ces distractions plus romanesques qui consistent pour un enfant à soigner un loir, à nourrir un canari ou à arroser un rosier. |
2000, Pierre Arnaud (Pléiade
et
Imaginaire Gallimard) À voir Catherine Morland telle qu'elle était dans son enfance, personne n'eût imaginé qu'elle fut destinée à être une héroïne. (...) Une silhouette de gamine maigre et gauche, un teint olivâtre et sans couleurs, des cheveux bruns et plats et des traits accusés, voilà pour sa personne. Pour ce qui était de sa nature, elle présentait tout aussi peu de dispositions pour devenir une héroïne. Elle aimait tous les jeux de garçon et préférait de loin le cricket non seulement à la poupée, mais à des occupations enfantines plus dignes d'une héroïne, comme celles d'élever un loir, de nourrir un canari ou d'arroser un rosier. |
2015, Michel Laporte (Flammarion
Jeunesse) Qui aurait connu Catherine Morland enfant n'aurait jamais pu supposer qu'elle était née pour être une héroïne. Une silhouette maigre et ingrate, la peau cireuse et sans couleur, des cheveux bruns et ternes, des traits banals - voilà pour sa personne. Et son caractère convenait tout aussi peu à une héroïne. Elle aimait tous les jeux de garçons, et préférait le cricket non seulement aux poupées mais aussi à tous les amusements héroïques de l'enfance tels qu'élever un loir, nourrir un canari ou arroser des rosiers. |
À noter : l'existence d'un article
très détaillé et intéressant sur Wikipedia,
intitulé "Traductions
de Jane Austen en langue française".
Voir aussi "Les
premières éditions françaises de Jane Austen dans
les collections de la BNF", Lucile Trunel, Revue de la BNF,
2014
Et pour info, un ouvrage savant : Traductions
et métraductions de Jane Austen : effacement et survivance de la
voix auctoriale, Rosemarie Fournier-Guillemette, Presses de l'Université
d'Ottawa, coll. Regards sur la traduction, 2022.
À
LA RADIO
- "Jane Austen (1775 - 1817)",
Toute une vie, 16 avril 2020, 58 min.
- "L'uvre de l'écrivaine britannique Jane Austen", Guillaume Gallienne, Ça peut pas faire de mal, 17 novembre 2012, 46 min.
- Northanger Abbey, tasse de thé, château hanté et mansplaining", épisode 3/4 de la série "Jane Austen, quatre romans et beaucoup de mariages", Adèle Van Reeth, Les Chemins de la philosophie, France Culture, 20 avril 2022, 58 min.
- Jane Austen en 4 épisodes d'une heure, par Matthieu
Garrigou-Lagrange, La Compagnie des auteurs, France Culture, 5
au 9 septembre 2016 :
1/4
: Dépendance et liberté. Dans ce premier volet, en Angleterre,
sur les traces de la romancière Jane Austen, c'est le thème
de l'argent qui nous servira de fil rouge dans l'exploration de la vie
et l'uvre de Jane Austen
2/4
: Ce que parler d'amour veut dire. Jane Austen fit dans ses uvres
la critique mordante, en même temps qu'enjouée, de son époque.
Du réalisme à la satire sociale, c'est aujourd'hui au langage
austenien que nous nous intéressons.
3/4
: Héroïnes austeniennes. Emma, Anne, Elinor, Marianne,
Elizabeth, Fanny... Jane Austen peint les portraits de femmes en quête
de liberté.
Épisode 4/4
: Les leçons d'Austen. Sans cesse adaptée au cinéma,
l'uvre de Jane Austen suscite l'engouement des réalisateurs,
mais quelle est sa postérité littéraire ? Nous nous
intéressons aujourd'hui à la réception d'Austen en
France, d'abord d'un point de vue subjectif, puis à travers le
prisme de l'histoire littéraire.
LES
ROMANS DE JANE AUSTEN (1775-1817)
Ses six romans sont publiés
en français entre 1815 et 1824, et certains titres sont déjà
réédités en 1828. Austen, décédée
en 1817, ne bénéficiait en Angleterre que dune renommée
encore limitée, mais en France, à la fin des guerres napoléoniennes,
langlophilie faisait rage, et les innombrables "nouveautés"
doutre-Manche envahissaient la capitale.
- 1811 (première traduction en français
1815, en ligne sur Gallica) : Sense
and Sensibility => Le
Cur et la Raison (Folio)
- 1813 (première traduction en français 1822, en
ligne sur Gallica) : Pride and Prejudice
=> Orgueil
et Préjugés (Folio)
- 1814 (première traduction en français 1816, en
ligne sur Gallica) : Mansfield Park => Mansfield
Parc (Folio)
- 1815 (première traduction en français 1816, en
ligne sur Gallica) : Emma => Emma
(Folio)
- 1818, posthume (première traduction en français 1824)
: Northanger Abbey => L'abbaye
de Northanger (Imaginaire)
- 1818, posthume (première traduction en français 1821,
en ligne sur Gallica) : Persuasion
=> Persuasion
(Folio)
L'AUSTENMANIA
Jane
Austen est imitée, parodiée, devenue personnage de roman,
avec par exemple
Le
Manuscrit perdu de Jane Austen ou
Le
club Jane Austen. Les "produits dérivés"
abondent.
Comment le phénomène est-il né ? Réponses
extraites d'un article de Fabienne
Bellier-Toulouzou qui prépare
une thèse sur Jane
Austen.
Pendant près de deux siècles, Jane Austen est une auteure estimée mais peu connue en dehors des frontières de la Grande-Bretagne. Les années 1990 marquent un tournant qui la voit passer du statut d'écrivain élitiste à celui d'icône de la culture populaire. L'image d'une Angleterre campagnarde, les histoires sentimentales optimistes, les robes taille empire, photogéniques, sont particulièrement adaptées au format filmé et en quelques années, les principaux ouvrages sont transposés à l'écran. Sense and Sensibility et Emma sont adaptés au cinéma, Pride and Préjudice fait l'objet d'une mini-série BBC qui déclenche une véritable austenmania. Des forums de discussion passionnés voient le jour, des sites dédiés sont créés (1). Une adaptation littéraire moderne de Orgueil & préjugés, Bridget Jone's diary (2) connaît un succès mondial (3) et crée un sous-genre de la littérature sentimentale : la "chick-lit", littéralement "littérature des poulettes". Ce type de récit relate à la première personne sur un ton ironique les aventures d'une jeune citadine aux prises avec une vie de famille loufoque, des amours compliqués et une vie sociale décevante. La finalité du roman est que l'héroïne mette de l'ordre dans sa vie pour obtenir un meilleur avenir professionnel, personnel et sentimental. L'auteure Helen Fielding reconnaît volontiers ses influences : "J'ai emprunté sans vergogne, l'intrigue de Orgueil & préjugés [...]. J'ai pensé que ça fonctionnait depuis des siècles et que [Jane Austen] ne m'en tiendrait pas rigueur". En 2001, Bridget Jone's diary donne lieu à son tour à une adaptation cinématographique qui connaît un grand succès et lance définitivement la fièvre autour de Jane Austen. De 1995 à 2014, plus de vingt adaptations voient le jour. Jane Austen devient "bankable" et investit tous les domaines de la culture pop : ses mots d'esprit sont imprimés sur des tee-shirts, des torchons, des mugs, Elizabeth Bennet devient l'héroïne de son propre jeu sur console. Parallèlement aux rééditions d'ouvrages et aux adaptations cinématographiques et télévisuelles, la littérature inspirée de Jane Austen connaît un essor considérable. Son lectorat est très étendu et ses romans sont spirituels et distrayants qui évoquent des histoires d'amour optimistes se déroulant dans la paisible campagne d'une Angleterre révolue. Des dizaines d'auteurs écrivent donc des romans sentimentaux, croyant imiter Jane Austen, mais la trahissant en omettant le réalisme, l'humour et la portée morale qui sont le ciment de ses ouvrages.
Le volume et la diversité des publications sont tels qu'une catégorisation des adaptations littéraires est établie (4) :
- Prequel : récit portant sur la vie des personnages avant les romans.
- Sequel : roman portant sur la vie des personnages après la conclusion des romans.
- Retelling : roman proposant un nouveau point de vue (généralement un narrateur masculin).
- Variation : roman qui modifie des situations.
- Continuation : roman qui conclut des romans inachevés.
- Children : ouvrage adaptant l'intrigue d'un roman à destination des plus jeunes.
- Mash-up : roman utilisant le texte original en y adjoignant des textes et/ou de nouvelles aventures.
- Inspired by : roman historique ou contemporain qui s'inspire des personnages et des intrigues.
- Paranormal : roman historique qui confronte les personnages à des situations paranormales.
- Bio-fic : roman historique ou contemporain qui ré-invente la vie de Jane Austen.
- Erotic : roman historique qui inclut des scènes érotiques (ou pornographiques) dans le texte original.
- Mystery : roman qui met en scène les personnages de Jane Austen ou elle-même dans des en-quêtes policières.
- Contemporary : adaptation contemporaine (après 1945) des intrigues.
- Young Adult : roman historique ou contemporain qui met en scène les personnages ou les intrigues à destination des adolescents mais qui peuvent être lus par des adultes.
(1) www.pemberley.com, site communautaire des admirateurs de Jane Austen a été créé en 1996 aux États-Unis suite à la diffusion de la série de la BBC.
(2) Helen Fielding : Bridget Jones's Diary, Picador, 1996, Lenders.
(3) Plus de quinze millions d'ouvrages des deux premiers tomes ont été vendus (source éditeur).
(4) Interview de l'auteure : "Are You Bridget Jones?", Daily Telegraph, 20 Nov. 1999.
(Extrait de "Jane Austen, bonne fée de la romance adolescente", Fabienne Bellier-Toulouzou, La Revue des livres pour enfants, n°281, février 2015)
Vous
voulez visiter sa maison devenue musée (où elle a écrit
ses romans), dans le village de Chawton ? Voici en
vidéo.
Un article de Libération
montre bien les aspects foufous des janéites et leurs austeneries :
"Austen
Power", par Johanna Luyssen, Libération, 23 février
2015.
Lentrée du Jane Austen Centre à Bath
Jane Austen est la mascotte de la ville de Bath où elle n'a pourtant
vécu que six années (1775-1817). C'est au n° 1 de The
Paragon à Bath que Jane Austen a logé chez sa tante pour
de vrai...
Billet de 10 pounds
Le site français
d'une austenmaniaque Jane Austen
in my Wonderland, dénombre les innombrables livres dérivés
d'un seul livre, et c'est le moins connu, Northanger abbey :
LES
ECRIVAINS ET JANE AUSTEN
Winston Churchill la lisait pendant le Blitz et
Virginia Woolf la comparaît à Shakespeare...
Mais Germaine de Staël la trouvait "vulgaire", D.H.
Lawrence "déplaisante, méchante,
mesquine, snob", une antipathie partagée par Charles Dickens
et Charlotte Brontë.
Si E.M. Forster a dit que Jane Austen était un monstre, il appréciait
le relief de ses personnages et la manière dont ils "dépendent
les uns des autres", d'où "un tissu serré".
André Gide : "J'achève, à grandes lampées,
Sense and Sensibility (Raison et sentiments) ; moins captivant
sans doute que Pride and Prejudice, ou que Emma (pour autant
qu'il m'en souvienne) mais d'une sûreté de dessin admirable,
et remplissant le cadre à ravir."
Stefan Zweig: "Orgueil et préjugés m'en impose fort.
Comme c'est bien composé, en fonction des caractères, quelle
richesse dans les personnages, quelle connaissance de l'âme humaine,
de quel humour tout cela est-il sous-tendu."
Mark Twain: "Pour qu'une bibliothèque soit parfaite, il
suffit qu'elle ne contienne aucun livre de Jane Austen, même si
elle ne contient rien d'autre."
Fitzgerald : "l'Elizabeth de Jane Austen (à
qui nous sommes redevables des manières d'un si grand nombre de
nos épouses.)"
W.H. Auden, dans son poème "Lettre
à Lord Byron"
"'A côté, Joyce paraît innocent comme l'herbe.
Cela me gêne énormément de voir
Une vieille fille anglaise de la middle-class
Décrire le rôle du "fric en amour,
Et révéler avec une telle franchise et tant de sobriété
Les fondements économiques de la société".
Martin Amis dans The
New Yorker en 1996 analyse l'Austen fever : "Nous autres
des années 90, aurions très certainement choqué Jane
Austen, avec notre étalage non contrôlé de libertés
débraillées. (...) Si le "fric" joue un
rôle pour les héroïnes austeniennes, il est dissocié
de l'amour. En revanche, (...) l'argent est le nerf de la satire. La satire
est ironie militante. L'ironie est indulgente. Elle ne vous incite pas
à changer la société; elle vous donne des forces
pour la supporter. Jane Austen était sans doute une vieille fille
anglaise de la middle-class. Elle est morte inconsolée à
41 ans. Et cela fait maintenant près de deux siècles qu'elle
survit. Ses amoureux sont des amants platoniques, mais ils sont multitude."
Elisabeth Bowen : "Il est exact qu'elle n'a pas dépeint de révoltés ; ses personnages attendent leur plaisir d'une honnête façon de vivre, et l'y trouvent."
Virginia Woolf, qui n'aurait pas aimé se trouver avec elle dans la même pièce, la voit plutôt "dent dure, mais cur tendre". Estimant que "c'est l'un des plus remarquables auteurs satiriques de toutes les littératures" et que "jamais romancier ne montra si infaillible sens des valeurs humaines", elle s'est demandé quels auraient été ses six livres suivants, si elle n'était pas morte : "Elle n'aurait pas écrit sur les crimes, les passions ou sur l'aventure. Elle ne se serait pas laissée entraîner à la négligence ou au manque de sincérité par des éditeurs importuns ou des amis flatteurs. Mais elle aurait connu plus de choses. Son sentiment de sécurité aurait été ébranlé. Sa comédie en aurait souffert. Elle se serait moins fiée au dialogue (cela est déjà perceptible dans Persuasion), et plus à la réflexion pour nous faire connaître ses personnages." (voir l'article entier de Virginia Woolf : "Jane Austen", extrait de l'essai Commun des lecteurs, 1925).
Ce passage en revue du rapport des écrivains vient de l'article "Dent dure, cur tendre", de Claire Devarrieux, Libération, 29 février 1996.
Et pour finir, "Quoi de commun entre Proust et Jane Austen ?", Mathieu Lindon répond dans Libération, 11 octobre 1984, pour nous préparer à notre future lecture de Proust...
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
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