Les Buddenbrook, trad. Geneviève Bianqui, dernière rééd.
Livre de poche, 854 p.

Quatrième de couverture :

Les Buddenbrook, premier roman de Thomas Mann, devenu l’un des classiques de la littérature allemande, retrace l’effondrement progressif d’une grande famille de la Hanse au XIXe siècle, de Johann, le solide fondateur de la dynastie, à Hanno, le frêle musicien qui s’éteint, quarante ans plus tard, dans un pavillon de la banlieue de Lübeck.
Le style, tout en nuances, où l’émotion se teinte de connivence et d’ironie, d’affinités et de détachement, traduit parfaitement la relation que l’auteur entretient avec la réalité et accentue subtilement la transcription du lent processus de décadence.
Les Buddenbrook ou le grand livre de la dégénérescence


Première éd. de poche, Points Seuil, 1981, 638 p.


Première édition en 2 tomes, Fayard, 1932


Fayard
, rééd. 1992, 642 p.

Quatrième de couverture :

Les Buddenbrook, premier roman de Thomas Mann devenu l'un des grands classiques de la littérature allemande, retrace le déclin d'une grande famille de la Hanse, de Johann, le solide fondateur de la dynastie, à Hanno, le frêle musicien qui s'éteint quarante ans plus tard dans un pavillon de banlieue.

Dans un style tout en demi-teintes, où chaque personnage occupe l'avant-scène par intermittence, l'auteur décrit un lent processus où le raffinement s'associe à la dégénérescence. Mais au-delà de l'anéantissement graduel de la bourgeoisie "fin de siècle", c'est d'une insoluble dualité qu'il s'agit  - dualité inhérente à la personnalité de l'écrivain et qui trouvera peut-être sa forme la plus symbolique dans la Mort à Venise - : matérialisme bourgeois contre sensibilité décadente de l'artiste. Ce thème de l'esthète vulnérable et inapte à la vie pratique, traduisant l'affinité entre l'art et la mort, apparaîtra en filigrane dans toute l'œuvre de Thomas Mann.

Issu d'une famille de négociants protestants de Lübeck, Thomas Mann, né en 1875, adhéra à la cause allemande lors de la Première Guerre mondiale. Plus tard, il s'opposa, comme son frère Heinrich, à la montée du nazisme, fut contraint à l'exil dès 1933 et déchu de la nationalité allemande en 1936. Il vécut alors successivement en France, en Suisse et en Californie. Il meurt à Zürich en 1955. Disciple de Nietzsche, Schopenhauer et Wagner, il laisse une œuvre qui compte parmi les plus importantes du XXe siècle, dont la Montagne magique, la Mort à Venise, Tonio Kröger, les Confessions du chevalier d'industrie Félix Krull.

Thomas Mann (1875-1955)
Les Buddenbrook (1901, traduit en français en 1932)

Nous avons lu ce livre pendant l'été 2022 pour notre séance de rentrée le 9 septembre pour les groupes parisiens et le 22 septembre pour le groupe breton.

Nous avions lu de Thomas Mann La mort à Venise en 1999 et de son fils Klaus Mann Le Tournant pendant l'été 2010 avec d'autres livres au choix : Mephisto, Fuite au Nord, La danse pieuse, À travers le vaste monde, Le volcan.

Thomas Mann commence l'écriture de ce roman en 1897, à l'âge de 22 ans. Le livre renvoie à l'histoire de ses propres ancêtres, dont la maison avait été fondée en 1790 à Lübeck. Le livre est publié en 1901, il a 26 ans.

DOC AUTOUR DU LIVRE

Publications de Thomas Mann
Parcours
de Thomas Mann : repères biographiques, images, radio, la famille Mann, potins, timbres...
Les Buddenbrook
: commentaires, pourquoi ce choix, films, pour s'y retrouver dans le roman...


Les 21 cotes d'amour de "l'ancien groupe"
Annick LCatherineDenisEtienneFannyFrançoiseKatellManuelMonique LRenéeRozenn
Annick ABrigitteClaireDanièleGenevièveMuriel Nathalie •Séverine
JacquelineLaura
Henri a assisté sans avoir lu

Séverine(avis transmis)
Un demi pour Les Buddenbrook car j'avais lu ce roman il y a une quinzaine d'années et j'avoue ne pas avoir eu envie de me replonger dans ce pavé cet été. Ayant une mauvaise mémoire, je garde un souvenir très flou du livre, mais ce dont je me souviens c'est que j'avais beaucoup aimé cette saga familiale (on va donc dire que j'ouvre à ¾). Je n'aurais guère de chose à développer si ce n'est dire qu'à l'époque j'avais visité le musée dans la superbe ville de Lübeck. Un musée très riche mais surtout quelle ville ! Je crois et je suis même sûre (!) que c'est un des plus beaux endroits que j'ai vus. La région de la Hanse est fabuleuse et Lübeck un bijou. L'Allemagne est trop peu connue des Français, je pense, et elle recèle pourtant bien des merveilles.
Geneviève(avis transmis)
J'avais lus et beaucoup aimé Les Buddenbrook il y a plusieurs années.
Je dois admettre que le début a été un peu poussif, je ne retrouvais pas mon enthousiasme et j'étais trop occupée pour lire en continu.
Les événements ont fait que j'ai disposé de plus de temps et aussi que cela m'a donné l'occasion de vérifier que mon cerveau était intact...juste au moment où j'attaquais la vie du consul et où montait mon intérêt. À partir de là, j'ai retrouvé cette problématique de la Mitteleuropa, de la montée du capitalisme et de la question du Guépard : "que tout change pour que rien ne change". Je n'insisterai pas sur le caractère terriblement actuel de ce monde qui a cru sa puissance éternelle et qui s'effondre peu à peu...
Et bien sûr une écriture (en l'occurrence une traduction) magnifique.
J'ouvre aux ¾ et je vous embrasse tous et toutes. A très bientôt, probablement pour Jane Austen.
Etienne(avis transmis)
Quel bonheur d'avoir lu ce livre cet été ! L'achever n'a toutefois pas été une sinécure : entre notre déménagement dans la capitale bretonne et la reprise, pied au plancher, de mon activité professionnelle début aout, j'ai dû batailler pour arriver à trouver du temps de lecture. J'avais déjà lu l'année dernière La Montagne magique et espérais retrouver le même enchantement. Je mentirais si je disais qu'il m'a autant plu (la tâche était quasiment impossible) mais j'ai retrouvé avec délice tout ce qui m'avait plu dans l'écriture mannienne.
D'abord cette espèce d'ambition folle (quasi encyclopédique dans La Montagne magique) retrouvée ici sous la forme d'une saga. On pense évidemment aux Rougons dans cette volonté presque scientifique d'analyser, de disséquer la déliquescence d'une lignée. Oui il y a du Zola, mais c'est tout de même éminemment plus drôle ; plus drôle que du Flaubert avec qui il a une parenté évidente (c'est même hilarant, presque burlesque parfois ; je repense aux cercueils envoyés sur la piste de bobsleigh dans La Montagne magique). Donc, ce projet naturaliste et semi-autobiographique de décrire la dégénérescence d'une lignée de vigoureux bourgeois du nord de l'Allemagne va finalement laisser beaucoup de questions en suspens. L'art corrompt-elle le bourgeois ? On pourrait être tenté de répondre par l'affirmative en ayant une lecture superficielle mais on se rendra vite compte que la question est bien plus complexe. Aidé par la lecture de la très belle analyse (40 pages !) fournie par Claire, on comprendra que c'est aussi et surtout un contexte historique qui est à l'origine du désastre : en renonçant à son esprit conquérant et réformateur, en s'asservissant à la Prusse, le bourgeois de Lübeck se renferme sur lui-même et perd toute raison de vivre. L'exposé est érudit mais pas docte et c'est tout le roman qui prend encore plus d'épaisseur.
Un petit aparté sur deux thématiques qui m'ont particulièrement touchées dans ce roman, thématiques que l'on retrouve aussi dans La recherche. D'abord la médecine (qui est encore plus présente dans La Montagne magique évidemment). Il y a une subtilité des descriptions sémiologiques des maladies qui est délicieuse à lire en tant que médecin. Ce petit côté suranné et très presque poétique que j'avais pu entendre dans certains cours. J'ai eu une pensée émue à la lecture de la description de la fièvre typhoïde de Hanno (et non du typhus comme le dit Maurice Godé dans le premier épisode de La Compagnie des auteurs) que j'avais eu comme question à mon internat il y a 10 ans et qui était présentée quasiment de la même façon. J'aime que ces descriptions médicales ne soient pas gratuites et agissent souvent en tant que parallèle ou métaphore (le repli du bourgeois dans Les Buddenbrook, la montée du nationalisme dans La Montagne). Plus brièvement, les descriptions musicales m'ont particulièrement plu ; on sent que Mann est un mélomane et, là aussi, celles-ci ont un rôle bien particulier quand il s'agit d'éclairer la personnalité d'un personnage ou d'illustrer une situation.
J'abrège, je l'ouvre en grand et je continuerai probablement mon pèlerinage mannien l'année prochaine avec Le docteur Faustus.
Danièle(avis transmis)
J'hésite entre ¾ et entier. L'action se situe à Lübeck entre octobre 1835 et l'automne 1877. C'est une fresque historique sociologique et romanesque remarquablement écrite, une merveille de précision, teintée d'ironie. Chaque description détient en soi le germe d'une analyse sociale ou psychologique. Des descriptions à la Bruyère où chaque trait et chaque expression du visage donne à voir le caractère de la personne, inscrite dans son époque et dans sa sphère sociale.
Pour autant le roman ne perd rien de son universalité : lutte pour le pouvoir, ici le pouvoir par l'argent du négoce, ou par sa longue lignée dans la société aristocratique. J'ai aimé la description des relations de pouvoir au sein de la famille (l'obéissance des enfants au père, suivant des règles intangibles bien définies).
C'est un roman que j'ai lu avec plaisir, avide de savoir comment la dégénérescence annoncée de cette famille allait se produire. En fait, c'est le déclin d'une lignée bourgeoise, qui se termine par la mort du seul fils de Buddenbrook, et ce fils n'a pas la fibre commerçante ni le pragmatisme de ses ancêtres. Il a la sensibilité artistique et un certain talent créatif (ses improvisations musicales de la fin, comme un chant du cygne)… Or, pour moi, ce n'est pas un déclin !!!
C'est la fin qui m'a semblé un peu lancinante, avec toujours le même type de catastrophe sociale. C'est pourquoi j'hésite entre ¾ et entier.
(Quelques jours plus tard) Je m'en voudrais de clore mon avis, transmis à la hâte le jour même, sans parler de Tony : j'ai aimé son caractère rebelle, tout en me demandant comment elle faisait pour garder si longtemps son caractère enjoué et facétieux dans un tel environnement et en particulier face au monde masculin. Elle ne connaît pas la déconvenue et rebondit à chaque coup du sort, qui aboutit à un divorce ou une dégradation de ses conditions de vie. Il faut aussi noter qu'elle garde un jugement assez juste en ce qui concerne les tartufferies des pasteurs qui rendent visite à sa mère. On pense là à Molière, tout comme dans les critiques plus ou moins directes de la médecine de l'époque. Tony est un personnage quelquefois subversif, qui critique ouvertement la médecine de l'époque et le poids des conventions, mais qui finalement s'y conforme. Sa relation de jeunesse avec Morten lui a ouvert l'esprit et lui a donné un vernis de culture républicaine qu'elle sait ressortir à l'occasion dans la conversation, mais pas au point de renoncer totalement à ses goûts de luxe.
J'ai aimé l'idée du livre de famille, fil directeur de l'histoire, qui intervient au moment des grandes décisions pour Tony et des étapes de la chronologie des Buddenbrook, et au bout duquel, par prémonition, le petit Hanno tire un grand trait, pensant qu'après lui "il n'y a plus rien".
Par ailleurs, j'ai aimé aussi la scène d'anthologie où Thomas et le barbier discutent à égalité des évènements d'actualité et livrent leur opinion sur la politique. Une occasion pour nous d'avoir un panorama sur l'histoire du pays et sur les querelles de clocher de la ville (8e partie, chapitre IV, p. 482).
J'ai bien ri à la lecture de la définition de tolérance p. 533, que Thomas Mann, ironiquement, fait tenir à Thomas, et qui garde toute son actualité : "Une tolérance […] c'est une manœuvre qui n'est pas tout-à-fait irréprochable […] mais qui cependant, par un accord tacite, est admise couramment dans le monde des affaires. La ligne de démarcation entre tolérance et délit est très difficile à tracer". Et plus loin : "messieurs nos juristes ne font qu'un seul et même corps ; ils sont liés par des intérêts communs, par des dîners corporatifs, voire des attaches familiales, et ils ont à observer des égards réciproques".
J'ai trouvé que la traduction s'améliorait au fil de la lecture. Je suis passée du français à l'allemand, histoire de voir comment la traductrice se débrouillait avec le dialecte : fort bien, ma foi, même si cela pouvait parfois paraître bizarre. Je vois mal comment faire mieux.
Jacqueline(avis transmis)
J'ouvre à moitié... J'ai lu avec intérêt, mais ai trouvé cependant un peu vieillot toutes les descriptions des personnages et de leurs costumes (un vrai film d'époque !). Je n'ai pas dû avoir la bonne édition : ma préface vantait la jeunesse de Mann et son admiration alors pour les Frères Goncourt, ce qui pour moi, n'était pas une bonne recommandation littéraire ! J'ai été déçue par la fin et ses deux morts avec l'impression que Mann se débarrassait un peu vite...
Renée(avis transmis)
Thomas Mann dans ce roman reste dans les codes du XIXe siècle - portrait sans concession de la bourgeoisie éclairée et affairiste. On fait des affaires, on gagne grâce à un travail acharné beaucoup d'argent, et on se marie "entre soi" avec une personne susceptible d'agrandir la fortune familiale : ce sont avant tout des alliances où l'amour doit venir après le mariage.
Comme Balzac, Mann démonte tous les mécanismes de la société, c'est un miroir du monde bourgeois qui ambitionne aussi d'intervenir dans la sphère publique.
Incroyable qu'un auteur de 26 ans ait pu scruter les consciences avec une telle lucidité. Il semble qu'il se soit inspiré de sa propre famille, donc il a eu 26 ans d'observation... Il montre parfaitement l'opposition entre le matérialisme des affaires et la sensibilité artistique.
Peu de choses à dire, sinon le plaisir de suivre l'évolution des personnages.
Je fondais beaucoup d'espoir sur Tony dont l'histoire m'a particulièrement intéressée : elle a des velléités de révolte, elle est intelligente, mais s'enfonce dans ses aprioris bourgeois. Je brûlais de lui dire : prends le pouvoir, prends la direction des affaires, agis, ose aimer au lieu de subir.
J'ouvre en grand malgré quelques longueurs auxquelles nous ne sommes plus habitués.
Annick A(par sms en attendant d'avoir le temps)
J'ai beaucoup aimé, mais j'ouvre aux ¾ en raison de quelques passages un peu longuets.
Nathalie R (en direct comme ceux qui suivent)
J'en suis à la page 295, c'est la Révolution française. Il y a une obsession du portrait que je ne trouve pas très intéressante. J'ai beaucoup ri. Le seul personnage drôle fait semblant d'être très méchant et perd de l'argent. J'ai beaucoup aimé le passage où Tony renonce au mariage pour rester un maillon de la chaîne familiale. Ce qui me fait rire ? Par exemple, p. 189 : "Bien que Clothilde ne fût pas beaucoup plus âgée que sa cousine Tony, à vingt et un ans, les traits de son long visage commençaient déjà à s'accuser"... J'ouvre aux ¾.
Fanny
Pour Thomas Mann, je restais calée sur Mort à Venise. J'avais une appréhension avec ce gros livre et en fait ça a coulé tout seul en dépit de la longueur. J'ai apprécié les descriptions qui campent la réalité, les aspects historiques mêlés à l'histoire. Il n'y a pas eu un moment où je me sois ennuyée. La construction du roman est très élaborée ; par exemple, l'alternance de chapitres longs ou courts joue un rôle : à la fin, le contraste entre le long récit des journées d'école sans fin de Hanno et les deux brefs chapitres de conclusion est saisissant. Ma seule réserve serait le fait que les personnages ont plusieurs noms ; au début cela m'a un peu gênée pour me repérer dans les différents personnages. J'ai de plus lu ce livre avec beaucoup de plaisir en Allemagne. J'ouvre en grand.

Henri (un ancien resurgi)
Je passais par là et j'ai vu de la lumière...
Pour ma part, j'ai lu Boulgakov et bien après des années après vous le fameux Confiteor.
Manuel
Ce livre était dans ma bibliothèque depuis des années. J'avais essayé de m'y mettre, mais il me tombait des mains. J'avais gardé l'impression d'un livre difficile, mais non… Je n'en n'ai pas terminé la lecture… J'ai fait plusieurs pauses.
Le livre est très répétitif, avec beaucoup de descriptions de visage et/ou physique des protagonistes (une flopée de descriptions de nez, de fronts et de lèvres…, un vrai catalogue), des habits qu'ils portent (un vrai défilé), sans parler de la météo, mais je trouve le livre passionnant.
Le récit débute alors que l'Allemagne n'est pas encore unifiée : il y a plusieurs monnaies, les différents Länder ont leur spécificité, avec des régions à majorité catholique ou protestante (cf. le séjour de Tonie à Munich). On devine dès le début que les Buddenbrook ne vont pas anticiper ce changement majeur.
Le regard de Thomas Mann sur cette famille est très acerbe et ironique. J'ai parfois bien ri. J'ai pensé à Zola et le drame de l'atavisme.
Il y a beaucoup d'histoires dans le livre et il m'est difficile de tout retenir. Certains passages sont prodigieux. Par exemple le passage des festivités des 100 ans de la famille. On devine la catastrophe et elle est annoncée par les quelques grêlons qui tombent sur la verrière pendant que la musique retentit. Le dernier Noël dans la maison familiale. La mort de la mère est d'une tristesse infinie, de même que la dispute sur le partage avec les deux frères.
J'ai également beaucoup aimé les passages sur la musique : Wagner est un moderne. Les descriptions du vieillissement de Thomas m'ont troublé.
J'ouvre en grand !
Rozenn(à l'écran)
Voilà un livre énorme et subtil à la fois. Je me suis régalée.
À la première tentative, non, je ne comprenais pas qui était qui : ils avaient tous le même prénom, le même nom et des surnoms. J'ai trouvé une généalogie sur internet. Mais même alors, je me suis dit que je ne le lirai peut-être pas. En fait, j'étais shootée. La lecture dépend vraiment du moment et des circonstances.
Quelques semaines après, je l'ai repris et j'ai été subjuguée. Je me suis forcée à ne le lire que peu à peu. En m'arrêtant. En prenant des notes. En dégustant les indications de traits de caractères, de rapports entre les personnages, les petites touches ironiques qui marquent une distance.
L'ensemble peint une société terrible, dans laquelle chacun est assigné à son genre et son statut social. C'est terriblement machiste : les femmes ne valent que ce que vaut leur rang social, leur dot, sont soumises au père, au mari, au frère, enfermées dans leur rôle, leurs préjugés ; barricadées - puisqu'elles peuvent même s'y complaire, s'en faire une gloire (cf. Tony). Gerda est différente. Les hommes aussi sont assignés à leur genre : ils se doivent d'être virils, mais respecter tout de même les usages du monde : malheur à ceux qui sortent du rang (Christian, Jakob), à ceux qui sont faibles ou sensibles (cf. terribles rapports de Thomas avec Hanno).
Il s'agit d'une famille qui se voudrait figée (avec son livre de raison), dans une société terriblement hiérarchisée, avec des rapports avec les domestiques, dévoués et que l'on déplace comme des meubles : c'est une société de dominations entre classes sociales, présentées comme naturelles. On découvre une société de bourgeois, des négociants vaniteux et ambitieux, rivaux, jaloux les uns des autres, jaloux de leurs prérogatives, jaloux des aristocrates, inquiets de perdre leur rang (fortune et réputation).
Les personnages sont complexes ; ils évoluent subtilement. Ils traversent des crises. Les personnages secondaires pourraient être caricaturaux - même bouffons, comme les professeurs vus par Hanno - mais les principaux prennent de l'épaisseur au fil du roman : Clotilde, les trois vieilles filles, le courtier-traducteur (fasciné par Gerda), le dentiste et son perroquet… ; ils reviennent au fil des chapitres et les détails constituent peu à peu tout un univers dans lequel le lecteur évolue lui aussi, retrouvant des éléments de décors (tentures, robes de chambre) et de caractères, de rapports qui se précisent et se nuancent.
C'est surtout la finesse de l'écriture qui m'a paru délectable : dans l'analyse des rapports entre les personnages, souvent seulement suggérés, dans les détails (reprises, raccourcis, choix des adjectifs : "un silence impur perfide réticent"), dans la construction d'ensemble - a priori simple puisque chronologique - rythmée par des chapitres souvent assez brefs mais de longueur inégale : à la lenteur de la journée d'école succède la brièveté brutale, elliptique de la typhoïde - mort non décrite de Hanno.
D'autres qualités encore : des subtilités de langage qui échappent sans doute en grande partie aux non germanistes, la façon de faire sentir la musique avec des mots, et la portée philosophique : rapports à la religion, passages sur la fin de vie et la mort.
Et la mer est préférée à la montagne ;-)
Katell(à l'écran)
Merci à Brigitte grâce à qui j'ai lu ce livre dès qu'elle en a parlé et je l'ai adoré, il y a un moment donc.
J'ai bien aimé la fille qui divorce tout le temps - le divorce existait donc dès cette époque.
J'ai aimé que cela se passe dans l'Allemagne du Nord.
Les classiques, ça fonctionne bien.
J'avais lu La Montagne magique, mais c'est plus barbichonnant.
Quand on a beaucoup lu, lire un bon classique, ça fait du bien.
J'ouvre aux ¾, mais non, allez, j'ouvre en entier !
Françoise D
Je préviens tout de suite, j'ouvre en grand, j'ai adoré.
Je l'ai lu en juin et il y a eu de la déperdition… Mais ce dont je suis sûre, c'est que je ne l'ai pas lâché. J'en suis surprise moi-même.
C'est une fresque formidable, en partie autobiographique.
Ce qui m'étonne, c'est que pas un ne se révolte. Au départ j'ai cru que Tony le ferait puisqu'elle était tombée amoureuse, et puis non, elle se conforme... au conformisme de son milieu. Et puis, il y a ce malheureux enfant, Hanno, j'espérais qu'il s'en sortirait mais non, et c'est pire.
Que dire de plus ? Oui, il y a l'écriture, les descriptions, c'est vrai qu'elles peuvent être répétitives, mais c'est bien, ça aide à se remettre sur les rails de ce pavé. Mann est sans pitié.
Merci à Brigitte.
J'avais lu évidemment La mort à Venise et La Montagne magique, il y a très longtemps. (Cris, soupirs et protestations diverses concernant cet "évidemment") Mais je suis très contente d'avoir lu celui-là, d'une grande richesse.
Muriel
Je l'ai lu il y a plusieurs années. Ce qui ressort de ma mémoire est le portrait de cette femme qui se marie pour rendre service à sa famille : ça me scie la cabane. Comme quelqu'un qui investit ses derniers sous. Et pourtant, elle fut amoureuse… J'ouvre aux ¾.
(Sans évidemment), j'ai lu La Montagne magique que j'ai trouvé long et j'avais marre des tubars...
Brigitte(à l'écran)
J'avais lu La Montagne magique et Mort à Venise, mais je ne connaissais pas Les Buddenbrook.
J'ai d'abord eu du mal à entrer dans le roman, je me perdais dans les personnages. Puis, peu à peu, j'ai appris à les connaître, chacun avec sa personnalité ; ils me sont devenus familiers. Beaucoup de personnages sont intéressants, en particulier Antony, mais aussi Jean, Elisabeth, Thomas et finalement Hanno.
Nous entrons dans leur intimité, partageons leurs préoccupations, leurs craintes, leurs espoirs… Thomas Mann réussit à nous les rendre proches, et à nous faire vivre avec eux au cœur du XIXe siècle, parmi les riches commerçants de Lübeck. Certains sont intéressants, telles les interrogations de Jean qui cherche toujours à agir conformément à son éthique et à respecter les usages de son milieu et de sa communauté. Il aime beaucoup sa fille, mais la force à un mariage qui lui déplaît.
Antonie est une bourgeoise qui se voudrait éclairée, mais elle reste superficielle et assez snob, par manque de profondeur de vue et incapacité à penser par elle-même.
Elisabeth est un personnage, qui veille soigneusement à son apparence extérieure, et tient à suivre la mode de son temps. Le passage consacré à sa mort, me semble une très bonne description de l'état de la médecine d'alors et des rites observés par son entourage.
J'ai beaucoup aimé le moment où Hanno découvre la musique, en assistant aux répétitions de sa mère, ainsi que le récit de sa journée au collège.
Je voudrais mentionner la panique et l'angoisse de Thomas, dont l'apparence est toujours impeccable et réservée, alors qu'il traverse des moments dramatiques, sans jamais être compris. Jamais nous ne le voyons communiquer vraiment avec Gerda. Seul Hanno entre par instant en résonance avec lui, comme le montre subtilement le narrateur.
La situation des femmes est conforme à ce que nous imaginons. Au décès de Thomas, c'est le frère de Gerda qui prend en main la gestion de ses biens, il s'en tire de façon lamentable et cela ne pose question à personne.
Il faudrait mentionner aussi les personnages secondaires, qui contribuent à façonner l'ambiance générale.
La ville de Lübeck est aussi un personnage : nous devenons familiers du lieu et de ses habitants, nous connaissons la vieille ville, le port, les rues principales les maisons de la grande rue et même les faubourgs où mourra Hanno.
Comment un jeune homme de vingt-cinq ans a-t-il pu réussir l'exploit de nous introduire dans le monde des Buddenbrook, même si sa propre famille lui en fournissait le modèle. Je crois qu'on le retrouve un peu dans le personnage de Thomas, de Christian et d'Hanno.
Pour finir, j'ai beaucoup apprécié cette lecture, qui vaut essentiellement par le talent de son auteur et j'ouvre aux ¾.
Denis(à l'écran)
Je l'ai lu il y deux ou trois ans. C'est un livre assez miraculeux, écrit à 25 ans, très intéressant. Les personnages ont une telle épaisseur qu'ils tiennent compagnie.
J'aime la dimension d'histoire sociale. Cela m'a fait penser à la fresque de La Famille Moskat de Singer.
J'ouvre en grand.
Quand j'étais adolescent, je faisais de l'allemand et j'avais acheté le livre en allemand. Je ne comprenais pas qui était Tony. Le nombre de mots inconnus était impressionnant : j'avais beau avoir un bon dictionnaire, y compris allemand-allemand, certains mots des descriptions n'y figuraient pas.
Thomas Mann est très intéressant, son histoire est intrigante. Ses fils évoquent la distance qu'il entretenait avec ses enfants.
Une anecdote : j'habite dans le 13e près de la rue Thomas Mann où il y a d'ailleurs l'université de Chicago. Il y a un arrêt du bus 89 qui s'appelle "rue Mann", on entend "prochain arrêt Mann"...
Monique L
Le nombre de pages m'a effrayée au début, mais une fois lancée, j'ai été prise par la lecture et n'ai pas eu envie d'arrêter. L'auteur est habile pour nous intéresser à poursuivre notre lecture.
L'écriture est agréable. Les descriptions des lieux, des usages sont remarquables. Les personnages sont bien campés et leurs états d'âme sont retranscrits avec beaucoup d'acuité et une étude psychologique fine.
Même le vilain petit canard de la fratrie, Christian, analyse à un moment son positionnement avec beaucoup de lucidité et de perspicacité.
J'ai particulièrement été sensible à la vie de Tony qui est sacrifiée à l'intérêt de la famille. Elle est pleine de vie et a du caractère. J'ai mal compris son mariage munichois auquel elle semblait adhérer au début, malgré le comportement choquant de ce mari pour son milieu.
Un autre personnage attachant est Thomas, avec son sentiment de ne pas être à sa place et de vivre de faux- semblants malgré les honneurs qu'il a acquis.
La place faite à la musique, au théâtre et à l'opéra, et les désaccords que cela engendre, c'est intéressant.
J'ouvre en entier.
Annick L
Merci de nous avoir fait découvrir cette œuvre de Thomas Mann.
J'ai admiré la capacité de ce jeune écrivain de 26 ans à reconstituer avec talent un pan d'histoire de la société allemande sur un siècle environ (trois générations), bien ancré dans la ville de Lübeck. Le tableau est soigné et on imagine facilement le mode de vie de ces riches bourgeois, leurs belles demeures, leurs relations sociales, en famille et sur la place publique. On saisit bien également les enjeux qui les animent pour protéger leur patrimoine et leur réputation, ou en tirer quelque reconnaissance publique. Au-delà de cette famille il retrace les mutations profondes vécues à cette époque. Quelques descriptions m'ont paru fastidieuses mais la fresque est très efficace.
Pour autant j'ai été surtout intéressée par les personnages qui sont au centre de cette tragédie. Ils sont campés sur une durée assez longue pour qu'on s'y attache et qu'on puisse les voir évoluer. En particulier les trois frères et sœur, Thomas, Tony et Christian : on est témoin de leurs rêves de jeunesse, de leur quête de bonheur, de leur désir de s'accomplir, mais aussi des difficultés qu'ils rencontrent, de leurs angoisses, de leurs échecs. L'analyse psychologique est fine (inspirée de l'expérience personnelle de l'auteur dont la famille a été endeuillée par plusieurs suicides ?), avec l'impression d'une sorte de destin tragique, liée à la transmission héréditaire de certaines fragilités psychologiques Le personnage de Thomas est littéralement clivé, avec une part d'ombre qui va grandir à la fin de sa vie jusqu'à l'emporter dans la mort. Son fils, le petit Hanno, tiraillé entre les impératifs prônés par son père et sa vocation d'artiste musicien, sous l'influence de sa mère, n'y survivra pas. Tony, elle, constamment sous l'emprise des hommes de la famille (mariages arrangés, etc.), apporte un rayon de lumière dans cette famille, grâce à sa naïveté, ses relations chaleureuses avec les autres, sa capacité à rebondir.
Tout cela donne une touche de complexité subtile et moderne (Freud commençait à publier ses travaux !) à cette puissante saga familiale. Bien loin de la saga des Rougon-Macquart, en plusieurs volumes, où les types humains sont plus caricaturaux.
Ma seule réserve porte sur le sujet même du roman : je ne me sens pas concernée par le destin de cette famille !
Grand ouvert.
Laura
Je n'ai pas pu terminer le livre, ce qui donne déjà le ton de mon avis. J'avais beaucoup d'attentes vis-à-vis de l'ouvrage de Thomas Mann. Je n'avais encore lu aucun de ses écrits, mais je connaissais l'auteur de nom, et imaginais alors plonger dans un chef-d'œuvre qui me transporterait dans des contrées romanesques encore inconnues, vertigineuses et spectaculaires. Je m'imaginais d'avance être épatée par la langue, par l'histoire, l'intrigue ou l'absence d'intrigue, bref, par un renouveau littéraire. Mes attentes furent trop grandes, et comme elles furent déçues ! De la langue, je n'ai retrouvé qu'une traduction classique, ce qui m'a menée à croire que la langue originale ne témoignait pas de la polysémie d'"originalité" ; de l'histoire, j'ai découvert une biographie linéaire d'une famille à laquelle je ne parvenais pas à m'attacher, qui enchaînait les anecdotes sans poser de quelconque pensée ou avis, qui plantait des caractères en leur laissant peu de marge d'évolution, et qui se répétait (par exemple, Tony serait une "oie", cela une dizaine de fois). Seule une remarque a su attirer mon attention, et provient de Christian : "Il y aura toujours des gens autorisés à s'intéresser ainsi à eux-mêmes, à observer minutieusement leurs sensations ; ce sont les poètes, qui savent exprimer, de façon précise et harmonieuse, leur vie intérieure et enrichir, par là, la vie sentimentale des autres." p. 274. L'auteur qui est romancier et non poète s'excuse-t-il d'avance de ne pas enrichir ma vie sentimentale ?
Pourtant, certains passages ou certaines aventures m'ont bel et bien tenue en haleine : Tony avec le fils du marin, les anecdotes de Christian, ou encore la mystérieuse Gerda. Il m'est arrivé à plusieurs reprises de tenter d'imaginer quelle suite pouvait prendre l'histoire : Tony allait-elle tout abandonner pour l'amour du jeune médecin, allait-elle plutôt décider de tromper Grünlich avec ce dernier, ou encore, se résignerait-elle à son triste sort ? À vrai dire, seule la vie de Tony a sincèrement soulevé mon intérêt. Pour ce qui est des autres personnages et problématiques soulevées… je me fichais sincèrement des questions d'argent et de commerce liées à Thomas. En lisant Les Buddenbrook, j'ai eu la sincère sensation, au bout d'environ 350-400 pages, de lire une histoire de famille qui ne me regardait pas, d'entrer dans une intimité quotidienne en jouant un rôle de voyeuse. C'est comme si l'auteur m'avait partagé son intimité sans concession alors que nous n'étions amis que depuis deux jours. C'est donc avec une grande gêne que j'ai continué ma lecture, jusqu'à l'abandonner à la page 538. Cela dit, je concède à l'auteur son talent pour décrire le physique de ses personnages, et du même coup leur intériorité : ce sont notamment les personnages de Grünlich et Permanender qui m'ont le plus marquée. Je parvenais, grâce à ces descriptions si fines, à les visualiser parfaitement, ils prenaient réellement forme, et j'ai bien ri de leur ridicule.
J'ouvre à moitié.
Catherine
Moi aussi j'ouvre en grand...
J'ai trouvé le livre facile à lire ; malgré sa longueur, je ne me suis jamais ennuyée. J'ai aimé la peinture d'une ville, d'une société, d'une époque. Ça m'a donné envie d'aller voir Lûbeck et la maison de Thomas Mann.
J'ai aimé le profil des personnages, particulièrement ceux de Tony et Thomas. Tony tient une place importante dans le roman, elle est plus complexe qu'elle n'en a l'air au premier abord, le rang de sa famille lui importe beaucoup ; et si elle refuse d'abord le fiancé qu'on lui destine, elle accepte finalement l'idée que son bonheur personnel est moins important que la grandeur de sa famille. Le journal dans lequel son grand-père puis son père ont consigné les événements importants de la famille, le livre de raison, joue un rôle important puisque c'est en le relisant que Tony prend finalement la décision de se fiancer ; elle est fière de sa décision et l'inscrit elle-même dans ce journal. Ce qui est paradoxal, c'est qu'elle se marie pour participer à l'enrichissement familial, puis après son divorce, se remarie pour retrouver une position sociale : or, en fait, ses mariages favorisent leur déclin. La vision de la religion est parfois critique.
J'ai beaucoup aimé l'écriture ; les passages sur la musique, les descriptions des personnages ; certaines sont très drôles : les favoris de Grünlich, les Munichois… Il y a des scènes marquantes, comme la description très réaliste de l'agonie de la mère.
J'ai aimé la complexité du personnage de Thomas qui pressent à son apogée la décadence de la famille. Seule réserve, la fin m'a déçue, je l'ai trouvée trop rapide.
Claire
Quand le livre a été évoqué par Brigitte, Séverine a mentionné son enthousiasme pour Lübeck et la maison des Buddenbrook. J'ai donc mis le cap au printemps dernier vers les villes hanséatiques de Lübeck, Hambourg et Brême - passionnant voyage que je vous recommande - et j'ai commencé les Buddenbrook dans la capitale de la Ligue hanséatique, Lübeck, lisant des noms de rue ou d'églises que je voyais. Quant à la maison-musée des Buddenbrook, elle permet des pèlerinages pour y lire de célèbres passages du livre...
Je rejoins l'admiration pour la performance que constitue cette œuvre ambitieuse écrite si jeune. C'est long, c'est long, mais c'est vrai qu'on ne s'ennuie pas, car outre la narration qui progresse, il y a sans arrêt des morceaux de bravoure, des exercices de style éblouissants, notamment dans les descriptions. Pourquoi, quand même, écrire un livre si long, me disais-je ; c'est pas parce que ça déroule sur plusieurs générations qu'on doit nous imposer un tel nombre de pages : aussi, bien avancée dans le livre, ai-je décidé de "sauter" pour ne repérer que l'intrigue : eh ben je n'ai pas pu sauter, car j'étais arrêtée par le brio.
Quand même aussi… c'est une histoire enfermée, on ne voit guère le monde, comme si on était dans une pièce de théâtre un peu étouffante. J'ai trouvé un peu appuyés les temps d'introspection du héros, variations sur la descente qui s'annonce. Mais en fait pour moi, le personnage principal du livre, c'est Tony. Pour ce qui est des mariages comme stratégies et placements financiers et sociaux, Jane Austen qui nous attend dans deux semaines, n'est pas dépaysante à ce sujet...
Bon j'ouvre aux ¾ et après vous avoir entendu.es, je conclus que Brigitte a vraiment réussi son coup estival avec ce livre, chapeau !


Les 11 cotes d'amour du "nouveau groupe"
ChristineFrançois Françoise H MargotMonique MValérie
Julien Nathalie B AnneAntoine David

Valérie (avis transmis)
Ces deux romans, La Montagne magique que j'ai découvert il y a quelques mois et Les Buddenbrook lu aujourd'hui, sont exceptionnels et leur longueur n'en sont pas effrayantes. Bien au contraire, on aimerait que cela n'en finisse pas. C'est en allant il y a quelques années à Lübeck, où j'ai visité la maison Buddenbrook, transformée en musée, que j'ai eu envie de lire l'histoire de cette famille hors pair que constitue les Buddenbrook. L'histoire se déroule sur quatre générations mais elle est surtout centrée sur la troisième avec quatre enfants : les deux frères, Thomas et Christian, deux sœurs dont l'éclatante Antonie. Cette famille s'inscrit dans la bourgeoisie de très riches négociants en grains exerçant dans la ville de Lübeck que Thomas Mann parvient à nous décrire de façon si parfaite, décrivant les mœurs et les codes sociaux de ce type de société bourgeoise. Les premières, à qui cette bourgeoisie de commerçants fait offense, ce sont les femmes. Qu'ont-elles à faire de leur vie sinon à se marier et engendrer des descendants mâles poursuivant la lignée de leurs pères ? D'où mon attachement sans doute à Antonie, surnommée Tony, jeune, ravissante, qui aspire à une vie pleine de douceurs, peut-être même visant l'aristocratie ; malheureusement, son destin est dicté par l'intérêt bourgeois et mercantile de la famille. Elle se voit "contrainte" d'épouser un commerçant cupide qui fera faillite, ne sauvant son honneur qu'en divorçant et retournant chez les siens. Une deuxième tentative de mariage avec un Munichois échouera lamentablement, c'en est fini d'être "une oie" et toutes ses illusions s'enfoncent dans la morne vie d'une ville qui la rejette. Que dire des deux frères ? Thomas, l'aîné reprend le flambeau du commerce familial, gagne les honneurs de cette société en devenant consul puis sénateur. Son frère Christian lui est tout de suite le vilain petit canard, celui qui ne "fait qu'écouter ses états d'âme". Thomas Mann reste un grand maître dans l'art de disséquer les cœurs et sonder le tréfonds des âmes. On est fasciné par cette écriture qui cisaille les cœurs de nos héros. Personne ne peut échapper à ce qui vous tiraille, vous pénètre. Même Thomas, qui jette l'opprobre sur son frère cadet, est lui aussi atteint du même mal qui les ronge. Celui de ne pas être à sa place, vivre dans les faux-semblants, ne pas se comprendre. Thomas Mann nous conduit par le biais de ses personnages à une introspection qui donne à réfléchir sur des thèmes qui lui sont chers. Une place particulière dans le roman est faite à la musique, par la femme de Thomas qu'elle transmet à son fils Hanno. Thomas Mann nous guide dans cet univers musical qui transforme les cœurs et peut porter au sublime. Lire l'œuvre de Thomas Mann, c'est une joie sans faille, une sensibilité exacerbée, un pur moment de bonheur. Et, j'ai bien de la chance car d'autres titres m'attendent encore.
Antoine, nouveau dans le groupe (avis transmis)
Les Buddenbrook est mon unique interaction avec Thomas Mann, dont le nom et l'œuvre sonnent comme une intimidante forteresse. Ceci dit, en regardant le rayon germanophone de ma librairie, je me suis rendu compte que les 800 pages du roman sont finalement assez maigres face aux 1200 pages de La Montagne magique. J'ai essayé Les Buddenbrook comme on tente de gravir l'Annapurna avant l'Everest (l'Everest étant La Montagne magique) et je dois reconnaître que j'ai vite fait demi-tour pour retourner au camp de base. Je me suis arrêté après 350 pages. Ce qui m'a rebuté est la difficulté de rentrer dans les personnages : il y en a beaucoup, c'est très bavard, mais l'auteur ne nous explique que très peu leurs caractères, on doit constamment déchiffrer. Contrairement à un Balzac qui nous fait la grâce de nous introduire ses protagonistes avec des descriptions soignées et des profils psychologiques détaillés avant de les mettre en scène, j'ai eu l'impression que Thomas Mann attendait de nous un effort d'interprétation pour comprendre ses gens à travers un regard purement extérieur. Bref, je n'ai pas réussi à faire cet effort car je me suis ennuyé, et je suis un peu contrit de dire ça pour ma toute première lecture. Mais si j'ai bien compris, il s'agit de son premier roman et je suis sûr qu'il saura mieux me captiver avec ses prochains ! (Je vais vite tenter Mort à Venise qui ne fait que 300 pages).
Monique M(avis transmis)
Très jeune, Thomas Mann voulait devenir écrivain. Il a choisi pour son premier roman d'écrire l'histoire romancée de sa famille, appartenant à la grande bourgeoisie de négociants en grains. Son père était consul des Pays-Bas dès 1864, élu au Sénat de la ville de Lübeck en 1877 ; en mai 1890, la maison de commerce paternelle fête son centenaire, mais le sénateur Mann décède en octobre 1891 à l'âge de 51 ans, laissant un testament qui prévoit la dissolution de la maison de commerce. Les études de Thomas Mann ne sont guère brillantes. En 1892, sa mère s'installe à Munich où il la rejoint en 1894. Dès 1892 Thomas Mann écrit pour le magazine Der Frühlingsturm, puis travaille pour une société d'assurances. Il étudie Schopenhauer, Nietzsche, Freud, Gœthe, Schiller, Lessing, Dostoïevski, Tchekhov, Fontane et la musique de Richard Wagner. Thomas Mann avait une passion pour la musique, jouait du violon et aurait dit à sa famille que s'il n'avait été écrivain, il aurait voulu être chef d'orchestre. Tout ce préambule extrait de Wikipédia explique les thèmes abordés dans Les Buddenbrook, premier livre de Thomas Mann écrit à 26 ans et la connaissance intime qu'il a de ces domaines. Ce qui m'a frappée, c'est l'étonnante maturité du jeune écrivain, la facilité avec laquelle il décrit avec autant d'acuité, de finesse et de précision le déclin de cette famille et les traits de caractère de chacun des personnages, leur évolution, la façon dont ils sont confrontés à leurs épreuves et la fidélité avec laquelle l'auteur colle à leur personnalité tout au long de leur vie. Thomas Mann témoigne d'un esprit d'observation et d'une grande puissance d'analyse de la psychologie des différents membres de la famille, bourgeois ou artiste, discipliné ou rebelle. Il attrape le lecteur par sa façon de pénétrer dans leur vie intérieure, leurs aspirations les plus secrètes, leur exigence morale, leur sens du devoir, leurs réactions face aux revers de fortune. C'est aussi une analyse passionnante du milieu social de l'époque, la lutte pour le pouvoir de ces grands négociants héritiers de la Hanse, à la mi-temps du XIXe siècle. J'ai lu que c'est grâce à ce roman que Thomas Mann avait eu le prix Nobel de littérature en 1929. Ce qui est passionnant c'est la découverte de l'univers de ces grands bourgeois, consuls, sénateurs de leur cité, l'énergie qu'ils mettent à tenir leur rang, à ne pas déroger à la règle du clan, de la caste familiale qui exige de soumettre les alliances familiales ou relationnelles au service exclusif du patrimoine familial ancestral. Ce monde du pouvoir et de l'argent, Thomas Mann le relate admirablement à travers les intrigues entre les diverses familles qui détiennent le pouvoir, celui des grandes entreprises de négoce, cotées en bourse, leur train de vie fastueux avec hôtels particuliers, voitures privées, réceptions, gouvernante, cocher, et autres nombreux domestiques. La description des lieux, les salons aux tapisseries précieuses, meubles laqués et rideaux de soie, l'abondance des plats servis aux repas dans de la porcelaine de Saxe…, tout est décrit avec une profusion de détails qui, alliés à la vitalité des conversations, leur sujet, entrepreneurial ou domestique, concourent au plaisir de lecture. Hors murs, c'est aussi la description de la ville avec ses rues éclairées aux quinquets, celle du port avec ses docks, les échanges entre armateurs et capitaines des bateaux qui transportent les cargaisons de seigle, houblon, bois… C'est le royaume de "l'avoir et du devoir" comme le dit A. Levinson dans la préface. Ce livre est si prenant, sonne si juste, sa construction en petits chapitres centrés autour d'un rite familial, d'un épisode dramatique ou d'un échange entre personnages est si astucieuse, qu'elle allège le récit, permet au lecteur de souffler, accroit l'intérêt. J'ai particulièrement trouvé remarquables les chapitres relatant : la muflerie de Grünlich lors de sa demande en mariage ; sa visite chez les Schwarzkopf ; l'échange entre Thomas et Tony lors de son refus de retourner à Munich ; l'éblouissante soirée de Noël ; le décès de Mme Buddenbrook et la discussion sur le partage des biens qui s'ensuit ; la séance chez le dentiste, la chute, puis la mort de Tom ; la scène de la salle de classe et des transes de Hanno qui n'a pas appris ses leçons… Tout est si crédible, si juste, les souffrances de chacun, les délires de Christian, ses bouffonneries, son talent d'imitateur, l'orgueil de Tony, ses désarrois, les doutes de Tom en sa fin de vie, la fragilité de Hanno, son talent de pianiste (admirables pages décrivant ses improvisations p. 747 et 750), la beauté de son amitié avec Caius ; la description de la nature lourde, orageuse annonciatrice de catastrophe (la mort du père p. 256 et les intuitions prémonitoires ressenties par Tom)... que l'on est plongé dans un vrai récit, une vraie famille, on la sent au point que lorsque j'ai refermé le livre, qu'il n'y avait plus rien à lire, je me suis sentie orpheline. J'ouvre en grand.
Anne
J'adhère à ce que dit Monique, mais je n'ai pas aimé le livre. Le livre est sans doute intéressant sur le plan politique mais Thomas Mann m'empêche de penser : il pousse trop loin la description des personnages et des situations. En fait, les descriptions manquent de profondeur. Surtout, il y a une profusion de détails qui décourage la lecture. Comment vous expliquer ? J'aime beaucoup le gâteau au chocolat. Ici, c'est si comme Thomas Mann m'offrait un gâteau au chocolat pour quatre personnes. Qu'en ferais-je ? J'en prendrais une seule part. Là, c'est trop !
Et puis, l'histoire traîne trop. Il y a bien des moments théâtraux comme l'épisode avec Grünlich. Moi, j'ai des réactions affectives… J'ai envie de lire beaucoup de choses… des choses courtes et bien ficelées. Vers 280-300 pages, je me suis précipitée vers un Duras : j'avais besoin de lire quelque chose de moins explicite, quelque chose qui me laisse imaginer les situations et les personnages. J'avais besoin d'une force d'évocation et de poésie…
Christine
Au fil de la lecture, les personnages prennent de l'épaisseur et on voit la fin d'un monde. La longueur du livre sert à montrer ces évolutions. En fait, les chapitres sont courts. Cela accélère la lecture car il y a à la fois une limite et un suspens. Et puis, ces longues descriptions physiques… On finit par vivre avec les personnages, on finit par les comprendre. Ce qui est terrible dans cette famille, c'est le poids du conformisme et de l'apparence. Regardez Tony : elle se soumet au mariage car elle se doit d'être fidèle à la tradition. C'est l'absence d'innovation qui perd cette famille !
Julien, nouveau dans le groupe
Oui, chacun retourne à la place que lui assigne la société. Pensez à l'épisode de la révolution de 1848 quand le peuple interpelle les classes dirigeantes. Un des marchands ne peut quitter la salle des séances de l'assemblée car il est trop gros pour s'échapper par la lucarne du toit ! Et il suffit à Johann Buddenbrook de quelques paroles adroites pour disperser les insurgés. Le fond rejoint la forme dans ce livre. Les descriptions sont menées avec rigueur. L'écrivain veut montrer que cette société se déroule dans un cadre bourgeois oppressant. Les seuls moments où la tension baisse, c'est l'épisode où Tony séjourne chez les Schwarzkopf. C'est un moment de pause dans le livre. Ensuite, les émotions des personnages sont soumises à un ordre dont il leur faut porter l'héritage. Christian et Tom agissent en miroir. Christian n'est pas capable d'honorer les attentes de ses parents, Tom si ! C'est moins chaque personnage que la famille entière des Buddenbrook qui intéresse Thomas Mann. Il la décrit comme une entité aux prises avec des enjeux qui déterminent sa survie, comme une arborescence. Il y met aussi beaucoup d'ironie. En dépit des évènements tragiques que traversent les Buddenbrook, la gouvernante Ida Jungmann répète à l'envi : "sois hurus, mon bon onfont". C'est comme un méta-chapitre.

Christine
D'ailleurs, Tony se fait une raison après son histoire avec Morten Schwarzkopf en se rattachant à la lignée des Buddenbrook. C'est en consignant sa nouvelle condition de mariée dans le livre de la famille qu'elle quitte sa vie de jeune fille.

Julien
Oui et Hanno clôt la lignée des Buddenbrook en tirant un trait dans ce fameux livre de famille. Le génie de Thomas Mann c'est de lui faire faire ce geste en toute innocence à la manière d'un dessin.

Christine
Pendant tout le livre, je n'ai pas senti le déclin de cette famille. C'est seulement quand tout se délite qu'elle périclite.

Anne
Il y a pourtant l'épisode de la transaction que mène Tom pour le compte du père de l'amie de Tony…

Christine
Oui c'est un tournant parce que Tom pour la première fois de sa vie déroge à ses principes de marchand…

Julien
Oui, et il y a aussi le moment où Tom se fait usurier…

François
En fin de compte, Tom est assez sordide. Voyez comme il mesure les mariages de Tony comme des transactions. De la même manière, le père de Morten qui donne satisfaction reçoit à Grünlich s'exclame : "Je vous félicite sincèrement ! Vous aurez là une marchandise de bon aloi, quelque chose de solide".

Christine
On retrouve des situations similaires dans les romans de Jane Austen ! C'est l'époque…

Julien
Le cadre bourgeois s'assouplit quand Tony quitte son deuxième mari. Tom est plus compréhensif à ce moment-là. François
J'ai à peine commencé le livre. Il y a quelque chose de fou dans ce livre. Thomas Mann dit s'être inspiré de l'œuvre des Goncourt. Le roman est naturaliste mais il y a aussi quelque chose qui remonte. C'est ça le génie… C'est étonnant comme Thomas Mann cherche à concilier deux projets différents : inscrire cette famille dans un type - celle des bourgeois négociants de La Hanse - et rendre toute leur singularité aux membres de cette famille. On pense à August Sander dont on peut voir actuellement les photographies dans l'exposition sur la Nouvelle Objectivité à Beaubourg. Les évènements sont aussi considérés par Tom ou par sa mère selon une lecture religieuse. C'est une famille pétrie de protestantisme.
Françoise H
Oui, et la morale protestante n'a rien à voir avec la morale catholique. Les catholiques ont la possibilité d'acheter leur place au paradis. Chez les protestants, seules comptent la foi dans le Christ et la lecture de la Bible. Ensuite c'est Dieu qui choisit ou non d'accorder son salut. Tout au long du livre, on sent à quel point les Buddenbrook pèsent leurs actes à l'aune du jugement de Dieu. Ce livre est une véritable révélation : je place Thomas Mann à la même hauteur qu'un Zola, Balzac ou Proust. Thomas Mann est capable de se mettre à hauteur d'un enfant, d'une femme tout juste mariée, d'un vieillard… Il excelle à décrire les moments de crise : les atermoiements de Tony, la crise existentielle qui dévaste Tom à la fin de sa vie, la douloureuse relation entre Tom et Hanno, la révolution de 1848… Finalement, Thomas Mann laisse entendre que la faillite des Buddenbrook est moins due aux conditions extérieures qu'à sa propre dégénérescence. C'est comme si chacun de ses membres mourait de ses propres agents pathogènes. Il me semble que l'œuvre de Thomas Mann se rapproche ainsi de ces auteurs "fin de siècle" que nous avons lus récemment comme Huysmans (À rebours).
David (avis transmis)
J'ai lu ce livre avec un intérêt fluctuant et n'en ai pas dépassé le quart. Je me suis perdu dans la pléthore des personnages, sans doute faute de concentration, et ai eu constamment du mal à identifier les principaux et leur filiation.
Thomas Mann excelle dans la description des conditionnements psychologiques et sociologiques. Certains chapitres très courts font d'ailleurs penser à de petites scénettes et cette mise en scène légère contribue à fluidifier une lecture à d'autres moments un peu indigeste. Je ne saurais dire si l'ambition de cet ouvrage est de s'inscrire dans la lignée des grandes sagas (Balzac, Zola). Si tel est le cas, j'y suis insensible et préfère de loin la concision de T. Mann dans La mort à Venise. J'ouvre au quart.
Nathalie B (avis transmis)
J'ai bien aimé ce roman, premier roman d'un jeune homme de 25 ans qui s'était inspiré de sa famille. Je me suis plongée avec appétence sur l'histoire de cette famille de la haute bourgeoisie protestante de Lübeck qui va disparaître. Tony dira à la fin de son roman "La vie, voyez-vous, brise tant de choses en nous, détruit tant de croyances", ce qui répond au commencement du roman où elle récite sa leçon de catéchisme "Je crois que Dieu m'a créée (…) et m'a donné vêtements et chaussures, le manger et le boire, maison et biens, femmes et enfants, champs et bétail". Le grand-père qui est le fondateur de la maison se moque de la leçon de catéchisme, lui qui était plein d'énergie et a pris ce qu'il y avait à prendre. Mais ce que raconte Thomas Mann dans ce roman, c'est que plus les descendants réfléchissent, ressentent, moins ils agissent, et plus ils perdent leur place dans la société. Qu'il s'agisse de Christian, dont on pense qu'en un autre temps, il aurait pu trouver son bonheur en étant lui-même comédien, mais qui ne va pas réussir à trouver sa place, de Tony, si fière d'être une Buddenbrook, qui accepte de se marier avec un homme lui déplaisant fortement pour faire l'honneur de sa famille, qui ainsi devrait s'enrichir grâce à elle, et qui subira les avanies de ses mariages successifs, ou de Thomas qui toute sa vie durant, pour répondre aux devoirs de sa famille, portera un masque sans savoir qui il est vraiment, ils semblent tous broyés par la société dans laquelle ils vivent, car ils semblent être trop "sensibles", trop "artistes", chacun à leur façon. Le déclin de cette famille semble inéluctable alors qu'ils essaieront désespérément d'être et de faire ce qu'on attend, sauf Christian, sans doute, d'être "les anneaux d'une chaîne", ce qui les empêche d'être "des individus libres, indépendants, doués d'une existence propre" (p. 147). J'ai bien aimé également apprendre comment fonctionnait la ville de Lübeck, les accords commerciaux qui liaient ces états allemands, qui m'ont permis de mieux comprendre le fédéralisme allemand actuel, que je croyais pourtant connaître. La dernière partie est pour moi, à part, et est la plus belle. Celle de la scolarité de Hanno. Cela sonne tellement juste. Et le chapitre de sa mort qui n'est pas racontée mais qui la raconte est extraordinaire. J'ouvre aux ¾.
Margot(avis transmis)
Les Buddenbrook sont d'abord une Maison. Elle inscrit au cœur de la ville la puissance et la gloire patrimoniale de la bourgeoisie commerciale triomphante. Grandeur du capitalisme marchand de la fin du XIXe. Une maison où la table et les repas réunissent et scandent la vie de la famille tout au long des saisons, de l'année. La cuisine, ses saveurs, l'art des plats et de la table, et le cortège de services qui s'enchaînent est un des cœurs du roman du début à la fin. Jusqu'au médecin qui s'accroche avec incompétence obstinée au petit bouillon clair de poulet pour soulager les panses repues et débordant de trop de nourriture. Le lecteur se délecte de ces fumets. La richesse passe en effet par les plats et les estomacs, elle est démonstrative et dispendieuse, ainsi que dans les décors intérieurs et soieries de ces dames avant et après le repas. C'est tout un. La Maison donc, on y vit, on en sort, on la quitte pour les voyages, les mariages ; on y revient. Toujours. Elle est l'aimant du roman, son nord et son sud, de sa splendeur jusqu'à sa perte à travers la vente qui en est organisée pour la famille rivale des Buddenbrook. Les Buddenbrook sont aussi un nom qu'il convient de porter haut et d'honorer. Un nom, une filiation qui organisent le récit, ses épisodes et la giration des différents personnages. Il y a ceux qui l'honorent fièrement, le fils Thomas et Tony ; il y a ceux qui lui font honte, Charles le second frère et le troisième mal marié qui gravite un temps dans des échanges épistolaires, ceci jusqu'au déclin de l'héritier, le petit Johann qui n'aura jamais su ni pu porter ce nom flambant. Grâce à ces deux axes d'écriture, qui sont deux piliers fondamentaux du récit comme de la société marchande et industrielle de l'époque, Thomas Mann procède à des séries de distorsions et de clivages :
- Premier clivage : la figure masculine de l'héritier se brouille et se fémininise de plus en plus. La figure masculine si prégnante au début à travers le paterfamilias s'estompe et se dilue au profit d'un rôle du féminin qui devient prégnant, par défaut. Les hommes s'écroulent ou se "fantomisent".
. Avec le rôle de Tony d'abord, petite oie blanche, Bourdivine avant la lettre, elle incarne à merveille l'idée que Bourdieu va développer au XXe : la femme est un objet d'échange destinée à augmenter le capital familial par alliance. D'ailleurs, elle abandonne toute résistance et cède à un premier mariage avec le répugnant Grünlich pour porter haut ce nom du Père et lui complaire ; elle reprend à cet effet l'écriture du grand cahier des haut faits de la famille tenu jusque-là par le père ! C'est encore sa parole qui clôturera tristement le récit de la saga.
. Avec la mystérieuse présence de la femme de Thomas, invariablement décrite de façon hiératique, par un regard cerné et impénétrable, celle-ci va, à son tour, féminiser l'héritier. Le petit Johann est bel et bien le fils de la mère et non plus l'héritier du père, dans lequel ce dernier ne se reconnaît pas. Johann est d'ailleurs admis dans la sphère musicale de la mère où manifestement il y excelle avec des dons de création inégalés. Petit personnage magnifique et poreux, il se tient à la frontière du maternel et du paternel : il est celui qui regarde et qui voit ce moment où le père lui livre sa souffrance de savoir sa mère enfermée avec un officier dans le salon de musique. Ce jeune fils sait accueillir cette douleur. Il ne sera pas payé en retour et ne cessera d'être le souffre-douleur d'un père qui admet si peu ses propres émotions.
- Deuxième clivage : la sphère des affaires et celle de la culture s'avèrent parfaitement incompatibles. Elles sont étanches l'une à l'autre. Notamment travers la musique et la lecture de la philosophie. Thomas restera définitivement confiné dans les affaires et interdit à la beauté des musiques de sa femme qui, sans appel, lui signifie qu'il ne peut entendre que des musiques sans intérêt et faciles. Le livre de philosophie, que Thomas tient un jour dans ses mains et auquel il s'ouvre - ce qui vaut des pages sublimes d'écriture - est un véritable appel d'air vers un autre monde, puissant, subtil, émouvant et tourbillonnant d'intelligence auquel le personnage se montre tout à coup si sensible. Mais, cet autre monde se referme bien vite, le laissant corps et âme à des affaires de plus en plus calamiteuses.
. L'école enfin, sphère de l'éducation, de l'apprentissage et du développement des nouvelles générations d'élite, s'est transformée avec l'arrivée d'un nouveau directeur en un lieu de tortures et de corrections disciplinaires. Une bétaillère. Personne n'échappe au rouleau compresseur de la bêtise, ni les maîtres, ni la plupart des élèves qui partagent avec la même ardeur une âme veule et vindicative. Tel est le ciment des élites à venir. Encore une fois le jeune Johann porte seul un regard qui voit, il est désormais inutile de venir en aide à qui que ce soit tant cela sera lu comme une faiblesse qui se retournera contre lui. Se dessine une société où le groupe aimante et plie l'individu à une logique du pire. Un avenir assez sombre se profile alors sous la plume de Thomas Mann qui s'avérera d'ailleurs dans l'endoctrinement des sociétés totalitaires. Nous lecteurs, assistons à son creuset.
. Enfin Les Buddenbrook sont le récit de corps soumis à l'excès et aux excès de richesses et de sévices. Soumis à l'excès de nourriture, personne n'y résiste, et tout soumis à la mort brutale. Celle-ci est dépeinte en contrepoint de la brillance sociale et politique où tout est parfaitement réglé : elle survient, burlesque ; elle défait d'un seul coup la figure sociale des personnages, avec un corps qui bascule, les laissant affaissés sur le fauteuil ou le nez contre terre, tristes pantins à la parole disloquée. Elle est un râle cette mort, qui ravale et émiette tout ce qui a existé. Elle nous vaut - lorsqu'elle arrive sur la pointe des pieds - des pages magistrales, avec des ruptures de style, des ellipses audacieuses. Notamment lors de la toute fin du livre : la fin de la journée type écoulée à l'école, si longue et affreuse, ouvre sur un descriptif anonyme de la typhoïde ; "Voici comment les choses se passent dans la thyphoïde. On se sent envahi…". Et la phrase de fin "Alors il est bien clair qu'il mourra." (il s'agit du patient supposé atteint) annonce sans l'écrire la mort de Johan, qui échappe à la narration et donne lieu au silence d'une retentissante ellipse. Le dernier chapitre met en scène le chœur des femmes restantes sur le départ de Gerda, alors que le petit Johan repose déjà depuis six mois sous terre. Enfin c'est le roman de corps ravagés, interdit de sortir de la moindre contrainte imposée notamment aux jeunes garçons, contraintes et corsetages qui sont un merveilleux outil de sélection pour éliminer les plus sensibles et par conséquent les plus intelligents de la jeune génération. Johann en est le parfait exemple. Fin de la Maison, fin du Nom, fin de la figure masculine. L'avenir s'ouvre sur un chœur de femmes esseulées et amères. Personne n'aura échappé au ravage. Les plus belles pages de ce roman exceptionnel sont pour moi celles qui se déroulent au bord de cette mer de Travesmünde (?) aux teintes délavées et ourlée des ciels et de ces nuages. Horizon visité et délaissé de tous, toujours trop vite et le cœur gros, quel dommage ! Mille mercis pour cette fabuleuse découverte.


Les cotes d'amour du groupe breton
au 22 septembre
Brigitte TChantalÉdithMarie-Odile
                        

avis en attente de •Cindy Édith Jean
Marie-Thé
Sylvie SuzanneYolaine

Édith(avis transmis avant la rencontre)
Je n'avais "croisé" Thomas Mann que par le film Mort à Venise et, dans un passé très lointain (ma trentaine) la lecture de la Montagne magique.
J'ai lu le livre dès le mois de juin. Je sais que je ne l'ai pas lâché avant la dernière page… et c'est un gros livre ! Je sais que les membres de cette famille ont accompagné mes pensées durant les jours, puis j'ai choisi pour rechercher la même émotion de gros volumes, comme si le plaisir que j'avais eu à l'immersion d'un récit, je voulais le retrouver avec une autre histoire.
Je ne reprends pas le livre (livre introuvable ? prêté ?) ; aussi rien de précis pour ces lignes, seulement le souvenir clair d'un plaisir de lecture, une plongée dans une région que j'ai depuis longtemps envie de découvrir : les villes hanséatiques. Je ne prends pas de notes lorsque je lis et je retourne parfois à une seconde lecture "rapide" pour le moment de l'écriture de mon avis. En remplacement de cela, je vais aller lire et écouter les éléments proposés par Voix au chapitre afin de me rafraîchir les noms des personnages et leur parcours. Je ne garde - au moment où j'écris que :
- la puissance d'évocation des manières d'être des personnages soumis à l'implacable de leur milieu et à la fragilité suicidaire de vouloir y échapper pour certains - refus qui fragilise l'ensemble des membres
- la place des femmes qui s'annulent dans le désir du bien commun renvoyant à d'autres récits de personnages féminins
- la description et l'accompagnement de la lente et volontaire dégradation physique et morale du frère du chef de famille
- l'évolution d'une société familiale s'individualisant jusqu'au dernier enfant qui choisit l'art à l'argent et que - ce faisant - il accompagne et finalise la lente disparition des valeurs familiales
- la vente de la maison, LIEU de la tradition liée au commerce et à la notabilité, personnage majeur et j'en ressentirais presque l'odeur contenue dans les différents moments de leur vie, décrite au "menu", avec soin et précision.
Je sais que la prochaine rencontre à Vannes me permettra de mêler "ma voix au chapitre" des collègues. Et le souvenir me reviendra de façon plus précise. J'en suis désolée, mais ce fut un moment de lecture très très agréable et pour cela je l'ouvre en grand.
(Début de relecture)
Un début du livre toutefois un peu confus quand j'ai lu la description de la réception avec les noms et descriptions des notables invités jouant leur partition sociale. Le texte ensuite se recentre totalement sur les membres de la famille et leurs enjeux, la maison, les fêtes traditionnelles, OUF et le plaisir a commencé...
Chantal
J'ai vraiment aimé cette lecture cet été :
suivre cette famille allant lentement vers sa chute m'a réjouie !
Cette écriture si riche, pleine de détails, au vocabulaire recherché, XIXe et début XXe,
m'enchante toujours. Et lire un roman contemporain m'est ensuite difficile, ça me paraît souvent mièvre, manquant de chair.
Là, c'est vrai, par moments je disais à Thomas Mann : "bon, ça va les répétitions : la lèvre supérieure de Tony, les réunions hebdomadaires avec tous les noms toujours répétés"... ; ces répétitions m'ont agacée plus d'une fois, mais elles étaient toutes au service de l'intention de Mann : nous faire entrer au plus profond dans la vie de cette famille, dans leur "fonctionnement" intime.
En 50 ans, quatre générations de cette riche famille, pour chacun des personnages dans une vie étroite, même étriquée, dont aucun ne parvient à se libérer, quelle tristesse ! Maintenir le rang de la famille, respecter les normes sociales de sa classe, même lorsque la société entière change, eux restent immuables... Respecter les dogmes religieux, maintenir la richesse de la famille, au prix de leurs penchants, leurs désirs personnels : terrible ! Il nous décrit une prison dont aucun ne va s'échapper... que par la maladie et la mort.
Moi lectrice, je les vois se démener pour LA famille..., avec l'envie de dire à Tony "mais va donc avec cet étudiant en médecine qui te plaît tant", à Gerda "continue ta musique et assume ton amant lieutenant" et au petit Hanno "fais comme ton copain Caius, suis ton amour de la musique jusqu'au bout"... : mais non, impossible.
Et je me suis régalée des descriptions "médicales" longues et détaillées, l'arrachage des dents de Hanno et de Thomas, l'agonie de la mère de Thomas (j'ai vu que T. Mann était passionné de médecine)
Et je pourrais continuer longtemps... je l'ouvre en grand !
Et je vais lire avec plaisir vos avis !
Marie-Odile
Dès que j'ai ouvert
ce roman, j'ai su qu'il me tiendrait compagnie pendant un bon bout de temps.
Les portraits détaillés, la finesse de l'analyse psychologique m'ont rendu les personnages attachants. Les descriptions minutieuses des intérieurs, des vêtements, de la nourriture, tout ce qui ordinairement m'ennuie m'a ici captivée. J'ai eu l'impression d'observer des tableaux magnifiques. J'ai savouré les longues phrases au vocabulaire riche et abondant. J'ai noté les leitmotivs (comme l'ombre bleue des yeux de Gerda), les traits d'humour ("sois hurus mon bon onfont").
Si l'argent est toujours présent à tous les niveaux, tout me semble construit sur des oppositions : vie/mort, santé/maladie, vieille dame/enfant, père/fils, passé /présent, art/affaires, sensuel/rationnel, craintes/espoirs, préoccupations matérialistes/angoisses métaphysiques. Ces oppositions sont incarnées essentiellement par les deux frères Tom et Christian. D'un côté la respectabilité, la dignité, le vernis social, la tradition, l'héritage, l'argent, la solidité, de l'autre la vie intérieure, l'intime, la fragilité, le malaise, l'attraction de l'art et de la "mauvaise vie". Certaines scènes font contraste également, par exemple la fête de Noël et son merveilleux, suivie de la mort de la grand-mère et de l'affrontement entre les frères.
J'ai eu l'impression que maîtriser son destin n'est chose facile pour personne. Antonie adhère finalement au choix du père, puis du frère, et rejoint les valeurs de celui-ci. J'ai espéré, en vain que son seul véritable amour remonte à la surface... Tom est déçu par son fils et lui, si digne, meurt de façon triviale. La famille Buddenbrook si puissante se trouve presque anéantie. Je crois avoir apprécié les personnages plus pour leurs faiblesses que pour leur solidité… J'ai aimé l'inoubliable Hanno, dépeint avec précision, délicatesse, nuances, en des scènes poignantes, qu'il tire un trait sous son nom dans le registre familial, qu'il récite un poème à son père, ou qu'il découvre ses cadeaux de Noël… Enfance mystérieuse, merveilleuse et douloureuse. J'ai pressenti sa mort, qui scelle la fin des Buddenbrook, mais je ne m'attendais pas à ce qu'elle soit exprimée par une description objective de la typhoïde.
J'ouvre en grand ce roman naturaliste dont j'ai ralenti la lecture pour ne pas refermer le livre trop tôt.
Brigitte T
Bien que ce soit un "pavé" je l'ai dévoré d'un seul trait. Le style simple favorise la lecture. Les parties et les chapitres sont habilement découpés selon les scènes.
Même si je trouve qu'il n'y a pas de surprise ; j'ai été spectatrice de cette saga familiale sur plusieurs générations à Lübeck, pendant la deuxième partie du XIXe siècle, dans un milieu bourgeois où culture et politique sont très liées. Le titre nous donne en quelques mots la fin… pas de suspens : le déclin d'une famille que le lecteur suit de la grandeur à la décadence. Le peuple et l'histoire de l'Allemagne contemporains de l'écriture sont en filigrane. Thomas Mann était alors jeune auteur, mais selon ce que j'ai lu dans l'avant-propos, il était profondément révolté et en désaccord avec son milieu familial aristocratique. Est-ce lui qui parle dans le discours de Morten, fils du peuple étudiant en médecine, à Tony page 147 ?
Le tableau dépeint un milieu bourgeois sur trois générations. Milieu social où il faut poursuivre la lignée de ses ancêtres envers et contre tout, avec ses joies, ses peines, ses faiblesses. Je suis tour à tour de connivence avec les personnages et agacée par les différents personnages, en fonction de leur personnalité. J'ai une affinité pour Tony - personnage central - qui a une haute image d'elle-même et que je sens prête à défendre, …par moment, la condition de la femme dans la société.
Le décor est posé dès le début du livre : la bourgeoisie de père en fils et le mode de vie qui en découle obligent à avoir de l'argent - importance de garder des fonctions dans le milieu de la banque et du négoce ; l'homme fait de la politique presque plus pour le titre qui l'élève dans la société, lui et les siens, que pour les idées. On n'exerce pas un métier manuel ni artistique (cf. la musique p. 516), mais on a un intérêt culturel dans les soirées. Il est de bon ton de se montrer ; on ne s'adonne pas aux jeux de hasard : on paraît (à noter la description picturale des demeures et de leurs décors, des habits, des coiffures, des bals…). On a des domestiques qui nous doivent obéissance sinon gare ! On se marie avec des personnes de son milieu selon la volonté de son père (mariage de Tony avec monsieur Grünlich), la dote est importante. La religion est omniprésente. On enfante, on souffre et on meurt dans la douleur : "le rôle des médecins n'est pas d'amener la mort, mais de conserver la vie coûte que coûte" p. 575…, grand débat Le mode éducatif est strict, rigide et peu pédagogique.
Un intérêt pour moi a été de me conduire à me documenter :
- sur la société en lien avec l'histoire de l'Allemagne avant la première guerre mondiale, sur les livres brûlés en 1933 par les autodafés nazis - destruction symbolique par le feu d'ouvrages "contre l'esprit allemand" dont faisait partie ce livre de T. Mann
- ainsi que sur les ouvrages interdits en France en 1940 : la liste Otto.
J'ai regardé le film de 2008, mais à oublier : de beaux costumes, de beaux décors mais "pas de saveur". On ne retrouve pas la finesse psychologique de livre.

Marie-Odile ajoute
La révolte sociale affleure de temps en temps mais sans perturber l'ordre bourgeois. Je m'attendais à ce qu'elle tienne une plus grande place.
J'ai aimé l'humour de certains portraits comme celui de la petite vieille ridée "riche en piété et en modèles de crochet".
J'ai tenté, sans grand succès il faut le dire, de méditer certaines phrases : "Il est beau de fêter le passé quand on est certain du présent et de l'avenir"
J'ai noté l'importance de thèmes qu'on retrouve dans les autres œuvres de Thomas Mann : la maladie (chaque personnage y est confronté) et de la mort ainsi définie : "Le retour au foyer après une course sans but semée de peines infinies, la correction d'une lourde faute, la libération des chaînes et des entraves les plus répugnantes, la réparation d'un lamentable accident", "Ce qui assure la considération d'autrui à nos mots les plus pitoyables", ce qui rend vénérable la douleur physique, la dégradation, la trivialité...
J'ai écouté plusieurs documents fort intéressants proposés par Voix au chapitre sur l'auteur et son œuvre. L'un d'entre eux m'a donné envie de lire Joseph et ses frères. J'ai commencé mais ce n'est pas une lecture aussi facile que Les Buddenbrook.




DOC AUTOUR DU LIVRE
Publications de Thomas Mann
Parcours
de Thomas Mann : repères biographiques, images, radio, la famille Mann, potins, timbres...
Les Buddenbrook
: commentaires, pourquoi ce choix, films, pour s'y retrouver dans le roman...

Thomas Mann commence l'écriture de ce roman en 1897, à l'âge de 22 ans. Le livre renvoie à l'histoire de ses propres ancêtres, dont la maison avait été fondée en 1790 à Lübeck. Le livre est publié en 1901, il a 26 ans.

PUBLICATIONS de Thomas Mann

Les fictions célèbres
- 1901 : Les Buddenbrook
- 1903 : Tonio Kröger (en ligne ›ici)
- 1909 : Altesse royale
- 1912 : La mort à Venise (nouvelle,
en ligne ›ici)
- 1928 : La Montagne magique (en ligne tome 1 et tome 2)
- 1930 : Mario le magicien
(nouvelle suivie de 8 autres récits)
- 1939 :
Lotte à Weimar (roman historique qui s'inspire de la visite réelle de Charlotte Buff à Gœthe en 1816 à Weimar, 44 ans après leur rencontre dans un bal. Dans Les Souffrances du jeune Werther, Gœthe s'inspira de Charlotte Buff pour son personnage de Lotte ou Charlotte, dont Werther deviendra fou amoureux).
- 1933 à 1943 : Joseph et ses frères, tétralogie romanesque :
   I- Les histoires de Jacob

   II- Le jeune Joseph
   III- Joseph en Égypte
   IV- Joseph le nourricier

- 1947 : Docteur Faustus (préface de Michel Tournier)
- 1951 : L'élu

Et aussi
- Sang réservé
(1921, après une première édition de la nouvelle dans une revue retirée de la vente en 1905 en raison de l'inceste scandaleux entre deux jumeaux — la femme de Mann, Katia, constituant dans la vie réelle un couple inséparable avec son frère jumeau Klaus...), suivi de Désordre (1925) et Maître et chien (1918)
- Les exigences du jour : essais (1925 à 1929)
- Considérations d'un apolitique : journal de Thomas Mann pendant la première guerre mondiale
- Schopenhauer (1938)
- Journal (1918-1921 — 1933-1939) et Journal (1940-1955)
- Les Confessions du chevalier d'industrie Félix Krull, roman inachevé, commencé dès 1910.
- Les maîtres : derniers textes de Thomas Mann où il y rend hommage à ceux qu'il admire : Gœthe, Gide, Musil...
- Être écrivain allemand à notre époque : inédits rassemblés.

PARCOURS de Thomas Mann

Repères biographiques
Pour des détails sur le parcours de Thomas Mann, Nobel compris, voir Wikipédia ou aussi La République des Lettres.

Des images
- "Thomas Mann, l'humanisme exilé" : sa vie, en images fixes, par Patrick Estève, La pensée au fil des mots sur YouTube, 6 min 46 ; agréable et pédagogique pour les qi de géranium.
- Un documentaire, Thomas Mann: His Life and Work, d'Ulrich Schwarz, 1992, en anglais ›ici (avec de nombreux documents), 45 min.
- Thomas Mann et les siens,
docufiction d'Heinrich Breloer, véritable saga familiale, primée par un Emmy Award en 2002.
-
Et la cérémonie des prix Nobel en 1929 ›ici.

Un roman tout récent
Alors que nous allons nous retrouver deux semaines après sa sortie, un roman sur Thomas Mann de l'Irlandais Colm Tóibín est traduit en français : Le magicien, Grasset, 608 p.

Des émissions de radio dont les 4 premières sont passionnantes :
- La Compagnie des auteurs, Matthieu Garrigou-Lagrange, France Culture, 4 émissions d'1h du 12 au 15 décembre 2016 :
1/1 : Né en 1875 à Lübeck et mort en 1955 à Zurich, prix Nobel de littérature en 1929, Thomas Mann connut l'exil à partir de 1933, d'abord en Suisse, puis aux États Unis. Dès lors, déchu de sa nationalité, il ne reviendra qu'épisodiquement en Allemagne. Retour dans ce premier volet sur la vie de Thomas Mann et Les Buddenbrook.
2/2 : Thomas Mann présente La Montagne magique, qu'il rédige entre 1912 et 1924, comme un "document de l'état d'esprit et de la problématique spirituelle de l'Europe dans le premier quart du XXe siècle". Avec l'auteure d'une nouvelle traduction.
3/3 : Émission en deux parties avec d'abord la fratrie Mann et notamment Erika et Klaus Mann, auteurs d'
À travers le vaste monde ; puis la tétralogie inspirée par l'Ancien Testament, avec Joseph et ses frères.
4/4 : Qu'il prenne la forme d'un désir interdit dans La Mort à Venise, ou qu'il s'incarne dans le nazisme, le Diable est partout autour de Thomas Mann. En seconde partie, le traducteur Pierre Rusch évoque la correspondance entre Theodor Adorno et Thomas Mann.


Et aussi :
- Thomas Mann et l'Allemagne, François Delorme, Série "Raconter un pays : quatre écrivains nationaux", France Culture, 21 avril 2022, 57 min.
- "Thomas Mann (1875-1955)", Jean-Louis Pelissard et Jacques Taroni, Une vie, une œuvre, France Culture, 11 septembre 1991.

La famille Mann
- "Les Mann : une famille géniale et tragique", Jean-Marie Rouard, Nicole Casanova, Le Quotidien de Paris, 9 novembre 1982
- "Histoire de la famille Mann", propos recueillis par Lionel Richard du fils de Thomas Mann, Golo Mann, Le Magazine littéraire, 1er janvier 1989 (5 pages d'entretien avec Golo Mann)
- "Les Mann : le génie à répétition", Le Figaro, 18 novembre 1991, propos de Golo Mann recueillis par Jean-René Van Der Plaestsen
- "La famille Mann sous l'éclairage de la psychanalyse", Marcel Schneider, Le Figaro, 11 janvier 1996.

Et aussi : potins de divers "genres"

Thomas Mann, son épouse Katia et leurs enfants en 1924, de gauche à droite : Katia, Monika, Michael, Elisabeth, Thomas, Klaus et Erika. Seul manque Golo, le troisième de la fratrie.

Thomas Mann, le père, notre auteur, était bisexuel. Sa fille aînée Erika, auteure, comédienne, chanteuse est bisexuelle. Elle est très proche de son cadet immédiat Klaus qui lui, est amoureux d'elle, mais homosexuel. Elle éprouve une passion pour l'actrice Pamela Wedekind, qui a été fiancée avec son frère Klaus... Elle joue dans le film fort lesbien Jeunes filles en uniforme (1931) en ligne en vo ici. Golo, grand historien, n'a réussi à écrire qu'après la mort de son père et lui aussi était homosexuel. Thomas Mann se confiait auprès de Klaus et Erika sur ses attirances vers les éphèbes rencontrés...
Plein d'autres potins dans cette émission de 4 min : "La famille de Thomas Mann révélée", Chroniques littorales de José-Manuel Lamarque, France Inter, 10 mars 2016, avec Baptiste Touverey qui présente le contenu d'un article de Volker Weidermann, publié dans Books, n° 74, mars 2016 dont voici le début :

À vrai dire, c’était une excellente idée qu’eut Klaus Mann, en mai 1949, peu avant la fondation de la République fédérale. Il serait tout naturel, écrivait-il à sa mère et à sa grande sœur Erika depuis le sud de la France, où il venait d’achever une cure de désintoxication, "qu’on propose à Père la présidence" du nouvel État. Et la répartition des tâches au sein de la future famille présidentielle lui semblait évidente : "Je ferai en sorte que seuls les homosexuels obtiennent de bons postes ; la morphine sera en vente libre ; Erika officiera comme éminence grise, tandis que Père boira du vin du Rhin avec l’ambassadeur russe." D’un aplomb frisant la mégalomanie mais prompts à l’autodérision, toxicomanes, fluctuants dans leurs opinions politiques, ayant des tendances homosexuelles et représentant leur patrie dans le monde entier – tels étaient les Mann.

La célébrité se niche dans les timbres
De nombreux timbres à l'image de Thomas Mann dans différents pays :

LES BUDDENBROOK

Des commentaires
- Un passionnant article sur l'auteur, sa ville, le livre : "Lübeck, le rococo protestant", Le Monde, 16 mai 1992.
- Le site de la maison des Buddenbrook ici.
- Un chapitre costaud, "Les Buddenbrook, roman de la bourgeoisie allemande", Odile Marcel, dans le livre La Maladie européenne : Thomas Mann et le XXe siècle, PUF, 1993 : une étude de fond sur notre livre (mais 40 pages !).
- Des précisions documentaires : qu'est-ce qu'un consul à cette époque ? Voir l'ouvrage en ligne La fonction consulaire à l'époque moderne : l'affirmation d'une institution économique et politique (1500-1800), Jörg Ulbert et Gérard Le Bouëdec (dir.), Presses universitaires de Rennes, 2006, et notamment le chapitre suivant : "Les relations consulaires entre les villes hanséatiques et la France (XVIe-XVIIIe siècles)", par Burghart Schmidt.
- Pour les fins limiers, un livre : Histoires d'escrocs tome 2 : la banqueroute en famille ou Les Buddenbrook, Jean-Michel Rey, éd. de l'Olivier, 2014.

D'où vient cette idée de lire Les Buddenbrook ?...
Un an auparavant, chacune de leur côté, Brigitte et Catherine avaient écouter à France Inter Michel Zink, médiéviste et académicien, auteur de On lit mieux dans une langue qu'on sait mal, invité du Grand entretien de France Inter, s'enthousiasmer pour ce livre. Et de nous convaincre sans difficulté de le programmer pour l'été suivant...


Des films
- Buddenbrooks, réalisé par Alfred Weidenmann, sort en 1959. On peut le voir en allemand sur YouTube ›ici, 1h 34.
- Les Buddenbrook, le déclin d'une famille, de Heinrich Breloer, téléfilm allemand en 2008. En vf, on peut le voir en vidéo de mauvaise qualité sur YouTube ›ici, 2h 25. Diffusé en deux parties sur Arte en 2010, voir
le résumé filmé de première partie ›ici.

Pour s'y retrouver dans le roman
On a lu le livre il y a un certain temps, les impressions importantes demeurent, mais on a oublié les détails... Voici donc :
- un résumé détaillé par sous-parties
- la ville de Lübeck avec les lieux cités dans le roman et la fameuse maison
- un arbre généalogique des Buddenbrook - ou en ligne ici

 

Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
à moitié
un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !

 

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