Portrait d'Eudora Welty, 1988, par Mildred Nungester Wolfe,
National
Portrait Gallery,
Londres Quatrième de couverture : Il était une fois en Amérique : la piste de Natchez, cet ancien tracé de bisons pareil à un tunnel serpentant sous le toit des forêts vierges du Mississippi, ses chevaucheurs de six pieds six pouces, ses voyageurs, ses trappeurs, leurs visages barbouillés de baies écrasées, ses Indiens tapis derrière les buissons En ces temps primordiaux, les corbeaux savaient dire : "Retourne-ten mon cur, rentre à la maison", et les hérons, couleur de verre de Venise, avaient un goût aussi sauvage quune poire sauvage. Au fond des bois, au milieu des chênes verts, des cèdres et des magnolias, vivaient Clément Musgrove, planteur innocent, sa fille Rosamonde, belle comme le jour, une marâtre, laide comme la nuit, et Jamie Lockhart, le brigand bien-aimé le Räuberbräutigam des frères Grimm de ce conte de fées iconoclaste, drolatique et chatoyant comme une plume de paon.
Quatrième de couverture : "L'orage s'était apaisé
et le corbeau se taisait, mais qui sait s'il dormait ?"
Quatrième de couverture : Il était une fois, dans une petite maison au fond des bois, une belle jeune fille, Rosamonde, qui vivait avec son tendre père, Clément, et sa vilaine marâtre, Salomé. Cela se passait dans des temps très anciens, quand les lions rôdaient encore dans les forêts touffues du Mississippi, à peine entamées par les haches des pionniers. Des brigands aussi hantaient ces lieux sauvages et ce fut par l'un d'eux que la ravissante et menteuse Rosamonde eut le bonheur d'être enlevée. Conte de fées ? Oui, puisque c'est sur une trame des frères Grimm qu'Eudora Welty a brodé cette histoire aussi fraîche et lumineuse qu'une toile du Douanier Rousseau. Mais conte ancré dans l'espace (la piste des Natchez, au cur du Mississippi) et dans le temps (la fin du dix-huitième siècle). Pourquoi ? Parce que les lieux, les paysages jouent dans l'uvre de la grande romancière un rôle capital et que leur rémanence imprègne ici en profondeur un récit qui est un hymne à la liberté des corps, à la sensualité, au plaisir.
Ce volume comprend Le Brigand bien-aimé
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Eudora Welty (1909-2001)
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"Ma surprise,
je dirai même ma déception, avait été
grande |
AUTOUR
DU LIVRE
|
Des repères biographiques Les uvres publiées Autour du Brigand bien-aimé Des études rares en France Des articles Des vidéos Eudora Welty et les écrivains |
Nos 15
cotes d'amour
|
Fanny(avis
transmis)
J'ai beaucoup
aimé la dimension conte de fée de ce texte. Je l'ai trouvé
assez subtil dans le portrait des différents protagonistes. J'ai
lu cette dimension féerique comme une métaphore sur la dualité
humaine, le bien et le mal en chacun.
J'ai beaucoup aimé également la manière dont la sexualité
est abordée, comme Rosamonde sous ses airs au départ prudes
et innocents s'éveille au plaisir.
Le fond comme la forme ne sont pas dénués d'humour, sur
ce point c'est un régal.
Je ne connaissais pas le conte Le
fiancé voleur, je l'ai lu mais l'ai trouvé très
succinct par rapport au Brigand mal aimé. J'ai eu l'impression
qu'Eudora Welty puisait dans différents contes :
- Cendrillon pour les guenilles et les messages des animaux,
- Blanche Neige pour le meurtre commandité en forêt,
la marâtre jalouse et la cabane aux 7 nains qu'elle entretient.
- Le prince grenouille pour la métamorphose de Jamie
- Boucle d'or pour le passage dans la forêt
- Madame Neige pour la dimension parallèle dans la maison
des brigands...
Et j'en oublie certainement beaucoup.
Petit bémol j'ai trouvé la fin un peu longue. Les 30 dernières
pages durant lesquelles elle recherche Jamie auraient je trouve mérité
d'être raccourcies et je me suis un peu lassée à ce
moment-là.
J'ouvre aux ¾, très bon choix je trouve pour Noël.
Muriel(avis
transmis)
Cela
me semble être un livre pour enfants. C'est la première fois
qu'un livre du groupe lecture me donne cette impression ; les livres
sont d'ordinaire sérieux, trop sérieux.
Pourquoi pour enfants ? Les personnages sont caricaturaux, avec les vilains
et les gentils.
Certes, il y a un peu d'humour, mais ça ne m'intéresse pas.
J'en suis à la moitié et je ne suis pas motivée pour
continuer. J'ouvre un quart.
Christelle(avis
transmis)
J'ai eu beaucoup de plaisir à lire ce conte (de Noël ?)
qui pourrait bien être un conte pour enfants si on en retire la
longueur et quelques détails crus et sanglants (quoique Perrault,
par exemple, ne soit pas avare en égorgements).
L'écriture est très plaisante, avec suffisamment de détails
qui permettent de se représenter une nature luxuriante et dépaysante,
au fin fond du Mississipi "au
milieu des chênes, des cèdres et des magnolias".
Camper ce conte en Louisiane, avec tous les éléments du
conte classique européen, aurait pu ne pas fonctionner chez moi.
Au contraire, ça m'a paru parfait car la violence que l'on peut
retrouver dans un conte ne dépare pas dans la Louisiane du 19e
siècle où, visiblement, les héritières sont
régulièrement enlevées, les têtes couramment
mises à prix, les Indiens en embuscade, prêts à scalper
leurs prisonniers... La description des aubergistes sans oreilles au début
du livre, suivie de la scène de la chambre et des sacs d'or, et
celle du camp indien, dressent tellement bien l'ambiance.
Les personnages sont hauts en couleur, j'ai beaucoup aimé l'humour
autour de certains personnages, en particulier la mythomanie de Rosamonde
qui rend l'héroïne imparfaite : "Rosamonde
était une menteuse de premier ordre" et surtout
le voisin "écervelé" Bouc et ses surs :
"Va te rompre le cou !
hurla Salomé. Ta mère aurait mieux fait de t'étrangler
dans ton berceau." Bouc dit que cela faisait deux personnes
qui partageaient cette opinion mais ce n'était pas tellement.
De la fin, je dirais qu'elle m'a paru très caricaturale mais, dans
la logique du conte, qu'imaginer d'autre que celle-ci en Louisiane ? "Ils
étaient parents de beaux jumeaux (...) et vivaient dans une belle
maison de marbre (...) avec cent esclaves"
Bien consciente que ce n'est pas un chef-d'uvre littéraire,
dans l'enthousiasme de la période de Noël, j'ouvre en grand !
Maëva(avis
transmis)
Je n'ai pas apprécié la lecture de ce conte à mi-chemin
entre Blanche-Neige et Cendrillon. L'absurdité des
situations, l'enchaînement décousu des scènes, la
violence gratuite et les descriptions clichées des personnages
ne m'ont pas convaincue. Chacun porte une caractéristique qu'il
gardera tout au long de l'histoire, si bien qu'il n'y a pas d'attachement
particulier qui se crée : la marâtre avare, la jeune écervelée,
le père naïf, le brigand fourbe...
Mais ce qui m'a le plus gênée reste l'histoire d'amour entre
Rosamonde et Jamie Lockhart qui comporte de nombreux aspects problématiques,
tant dans le rapport de domination, d'acceptation (voire de romantisation)
des violences et la place de la femme : "Tout d'abord, elle enfila
sa robe ; puis, n'ayant rien d'autre à faire, elle remit en place
les meubles dans toutes les pièces, et lava ensuite les assiettes."
Rosamonde est volée, enlevée, séquestrée (elle
n'est pas autorisée à quitter le logement sans l'accord
de son mari), pourtant le récit les place dès la deuxième
rencontre comme des "amoureux". Bon, un amour qui rend sacrément
aveugle puisqu'ils ne parviennent pas à se reconnaître lors
d'un repas.
Et puis, la fin... Jamie troque ses habits de mauvais garçon pour
ceux d'un honnête commerçant grâce au pouvoir de l'amour.
Au secours !
Je m'emporte, peut-être est-ce dû à la fièvre.
Je concède que les descriptions de la nature sont agréables
à lire et que quelques passages sont drôles, mais dans l'ensemble,
je n'ai pas apprécié du tout. Je ferme complètement.
J'ai hâte de découvrir vos avis !
Rozenn(en
direct)
Je suis tout à fait d'accord avec Maëva. Pourtant j'adore
les contes de fée, et j'étais très contente d'en
lire.
C'est un ramassis de tous les autres, avec des côtés insupportables
mais c'est comme dans les contes de fées.
(Rozenn nous demande combien de versions de La Belle au bois dormant
il y a ; on donne notre langue au chat : il y a 300 versions.
Elle nous résume une version
du 17e siècle de Giambattista
Basile, abominable, où Blanche-Neige
se fait violer pendant qu'elle dort, accouche pendant qu'elle dort...
Elle dit à quel point c'est difficile de lire des contes à
un enfant de 5 ans tout en l'éduquant à la notion de consentement...)
Bref, Le Brigand bien-aimé imite trop pour que qu'on ne
pense pas à un conte. Mais c'est trop long, ce n'est pas assez
horrible, ça ne prend pas.
Annick L
Je suis bien d'accord avec Rozenn. Même si c'est écrit avec
une jolie plume, notamment dans les évocations de la nature, avec
cette forêt animée par des esprits inquiétants...
la forêt des contes !
Cette inspiration domine l'histoire, avec des figures typiques, comme
celle de la marâtre. J'ai lu la version
des frères Grimm, très schématique
et, en comparant les deux, on voit bien que la romancière a étoffé
les personnages - Rosamonde, son père, le brigand, etc. -
a modernisé les enjeux, en introduisant explicitement le désir
sexuel, le plaisir qui attache Rosamonde à son brigand bien-aimé,
a ajouté des épisodes dont on se demande d'ailleurs ce qu'ils
apportent d'intéressant (je me suis ennuyée à la
fin). Il y a quelque chose qui cloche dans le format du récit et
dans le collage des différents morceaux (les Indiens, Mike Fink,
le batelier héros mythique du Mississipi, etc).
J'étais pourtant prête à me plonger avec plaisir dans
cette histoire annoncée comme un conte de Noël pour les grands.
Quelle déception ! J'ouvre un quart pour les belles scènes
dans la forêt enchantée.
Monique L
C'est un livre déroutant mais intéressant.
Il y a les personnages classiques des contes : le père assez naïf,
la marâtre laide, jalouse, avide et méchante, le brigand,
la belle jeune-fille, un corbeau qui parle, mais avec un décalage
comme le fait que la jeune-fille ne soit pas parée de toutes les
qualités, elle est menteuse.
Des scènes loufoques. Des situations inexpliquées : la tête
du frère dans la malle
Les retournements de situation s'enchaînent,
le burlesque côtoie l'horreur, des personnages laids et méchants
sont face à des personnages beaux et attachants. L'évocation
de la sexualité et des viols ici présente n'est pas habituelle
dans les contes traditionnels.
Je n'ai pas ressenti d'humour (sauf celui du décalage) et surtout
je n'ai pas réussi à trouver un sens à ce conte,
ni une morale.
Le sujet ? Il y est surtout question d'apparence, de mensonge, de déguisement,
de double-face pour le brigand,
Le style est agréable, il imite celui des contes traditionnels
avec des répétitions de tournures, une ritournelle, des
figures caricaturales. Il y a de très belles descriptions de paysage.
J'ouvre à moitié.
Jacqueline
J'ai lu très vite, avec beaucoup de plaisir, à cause de
tous les clins d'il à nos contes traditionnels comme aux
espèces de mythes des États Unis avec les méchants
Indiens, les aventuriers débarqués et défrichant
les terres vierges
Les aventures de Rosamonde m'ont tenu en haleine
jusqu'à la fin et j'ai eu l'impression d'une création originale
à partir de toutes ces histoires connues. J'ai bien aimé
aussi les belles descriptions de forêts
Il me semble qu'il
ne faut pas prendre le récit au pied de la lettre comme cette directrice
de crèche qui refuse que soit chanté Souris verte car c'est
cruel de la plonger dans l'huile... J'ai du mal à avoir un discours
féministe sur les contes, cela me paraît extrêmement
réducteur
À part ce plaisir amusé de lecture, il ne me reste pas grand-chose
du Brigand bien-aimé, mais je me suis posé des questions,
en repensant à L'ivrogne
de la brousse qui cumulait aussi des références
au contes africains mais dans lequel je n'avais pas réussi à
entrer sans doute à cause des différences de culture. Ici,
justement, ça m'amusait de retrouver les références
à du connu y compris les stéréotypes sur les Indiens
J'ouvre aux ¾
Rozenn
Elle n'en fait pas grand-chose des Indiens.
Jacqueline
Non. Mais le voleur qui devient commerçant, le défricheur
qui finit à la tête d'une riche plantation et d'esclaves,
c'est ironique. Bon, ce n'est peut-être pas un grand livre mais
je l'ai trouvé bien fait.
Laura
J'ai commencé par un préjugé : après avoir
lu les premières lignes de la quatrième de couverture, j'ai
eu l'impression de quelque chose de décalé, non conforme,
fantaisiste, sans être provocant à la William Burroughs.
Bizarre, bigarré. Donc je l'ai emprunté à la bibliothèque
au lieu de l'acheter.
Grossière erreur ! Le préjugé s'est évanoui
à la lecture, comme s'il n'avait jamais pris forme. Maintenant
je suis déçue de ne pouvoir ranger le livre dans ma bibliothèque
comme illustration d'une partie de ma personnalité.
J'ai apprécié dès le début le projet d'une
parodie de conte, complètement absurde. Dès la scène
de l'auberge, puis l'élément déclencheur pour moi
: Rosamonde. Jeune fille magnifique, parfaite, apparent exemple de vertu,
conciliation de Cendrillon et Raiponce, mais menteuse invétérée.
J'avoue que j'ai bien ri tout du long.
J'ai apprécié la pluralité des genres, les thèmes
et intrigues, mais j'ai une réserve sur le nombre d'intrigues.
Il y en avait trop à mes yeux et je me suis un peu perdue. Par
exemple, l'introduction de Bouc, mais surtout de Petit Harp et de Grand
Harp, l'histoire de la tête et de ce qui l'entoure, etc.
Contre la plupart des avis, je considère que l'autrice a écrit
un ouvrage plutôt féministe. Mais je ne connais pas ses avis
politiques donc bon
J'ai cette hypothèse à cause de la scène de viol
de Rosamonde, qui finalement n'est pas du tout traumatisée, ne
se considère victime de rien, et même si ça a pu être
désagréable, elle s'en détache aisément. Une
maison sans dessus dessous a plus de gravité à ses yeux.
Alors je me demande si ce n'est pas justement une position féministe
de l'autrice, qui tout en sachant que le viol est un "déshonneur"
et mérite vengeance (la soupe renversée sur Jamie Lockhart,
la moutarde sur les lèvres lorsqu'il faut l'embrasser : légère
vengeance je l'admets, mais tout de même illustration d'une vengeance)
estime que toute femme n'en sort pas nécessairement détruite
psychologiquement.
Claire
Rosemonde serait la cousine de Virginie Despentes ?
Laura
Oui j'ai pensé à Despentes. Et donc, dans cette lignée,
il est très possible que le choix de laisser Rosamonde s'occuper
de la maison et des enfants soit à la fois ironique et féministe.
J'ouvre aux ¾.
Françoise
Au début, ça me plaisait. J'ai pris ça tout de suite
comme un truc drôle... au xième degré même si
ce n'est pas l'intention de l'autrice, on ne sait pas, mais j'y voyais
de la distance : ce père benêt qui fait fortune, la
marâtre caricaturale, etc.
Puis ça s'essouffle. Elle va chercher différents contes
et du coup ce n'est pas très réussi ces différentes
sources. J'ai eu l'impression qu'elle s'embourbait, à vouloir en
faire trop (par exemple Grand Harp et Petit Harp ?) et ça m'a lassée.
J'aime bien les contes, clac, clac, les contes classiques, où les
méchants sont punis et les gentils récompensés, quoi !
Les Indiens, je n'ai pas percuté, dans le Mississippi ? Pour moi,
il y a surtout des esclaves noirs, mais c'est un conte... ok, elle a le
droit de les ignorer, j'aurais bien voulu le lire en vo, mais je m'y suis
prise trop tard. Féministe ou pas ? Pour moi c'est hors sujet.
Je suis mitigée. J'ouvre ¼.
Annick
La scène de bagarre au début, c'est génial !
Françoise
Elle tire sur la ficelle. En tant que conte, je ne trouve pas ça
réussi.
Claire
Je ne l'ai pas lu comme un conte, où voyez-vous que c'est un conte
? C'est pas écrit dessus... bref, je l'ai lu comme un roman, ce
joli petit livre qui tient dans la main.
Ça m'a plu tout de suite, j'ai trouvé ça loufoque,
et puis rapidement, comme Françoise, j'ai déchanté
: mais ça nous mène où, quel est le sens ? J'ai été
vite démobilisée et j'étais même en colère
qu'on ait choisi ce livre, j'en voulais à Etienne...
J'ai fait l'hypothèse que ce n'était pas le bon livre choisi,
un premier roman, hors de ses talents de nouvelliste. J'ai lu alors le
livre qui a eu le prix Pulitzer avec plus de confiance, La
Fille de loptimiste, publié lui en 1972, soit trente
ans après le Brigand. Son savoir-faire s'était forcément
affirmé. Je me suis baaaaaarbééééée.
Ce qui m'avait conduite ainsi à persévérer est que
j'avais lu entretemps Les débuts d'un écrivain, écrit,
lu,i quand elle avait 74 ans ; j'ai aaaaaaaadoré ce livre : ce
sont trois conférences qu'elle a été invitée
à donner à l'Université d'Harvard, et qui constituent
une autobiographie jusqu'à ce qu'elle devienne écrivain,
c'est vraiment passionnant, un vrai roman ! (Le livre a été
publié par les éditions de l'université, Harvard
University Press, qui n'avait aucunement l'habitude de publier un best-seller
: ce fut le cas, le livre restant 46 semaines sur la liste des best-sellers
du
New York Times, devenant et finaliste pour le National Book
Award for Nonfiction... De plus, le livre fut adapté pour la BBC
en film documentaire par Patchy Wheatley, et Eudora Welty, scénariste,
y joue son propre rôle...)
J'ouvre le Brigand au ¼, La
Fille de l'optimiste je le ferme et Les débuts d'un écrivain
je l'ouvre en grand.
Nathalie
J'ai été complètement emportée ! Quelle drôlerie
! Une véritable course folle ! Il y a toutes les réflexions
philosophiques qui jalonnent le récit et qui sont autant de haltes
à savourer. Par exemple le rêve : "dès
que je m'étends, c'est le passé. Dès que je me mets
debout c'est le présent. Et je dois lutter pour ne pas tomber"
ou alors "Les Indiens
savent que leur heure est venue. Ils sont certains que l'avenir s'amenuise
sans cesse, et cela leur donne loisir d'être infiniment hais et
cruels." Il me semble clair que le narrateur prend parti
et exprime une opinion. Elle est renforcée par une autre affirmation
très belle :"Quelque
chose secouait le monde et le faisait basculer, et nous nous sommes tous
transformés en pionnier." Et ainsi tout au long
du récit, le texte est jalonné d'assertions qui donnent
une forte ampleur au récit.
J'ai raconté plusieurs fois le début à l'auberge
autour de moi avec beaucoup de succès...
Il y a aussi ce passage génial entre Salomé et Clément
: celui où pour asservir l'homme dont elle a fait son objet de
désir, elle refuse de défaire les liens que les Indiens
ont placés autour de leurs deux corps. J'ai été transportée
par le passage où le brigand convoite la robe de la jeune fille,
puis son jupon. Rosamonde résiste et déroule ses cheveux
pour masquer son corps. C'est un passage magnifique.
Si elle a emprunté, peu importe !
Oui, c'est une femme qui désire, qui va vers quelque chose qui
fait mal. On peut reprocher le non-conformisme du propos et estimer que
c'est un récit qui dessert la cause des femmes, mais en même
temps il existe des femmes qui vont volontairement vers les mauvais garçons
et qui le revendiquent. Rosamonde sait ce qu'elle veut et ce qu'elle veut
c'est le brigand. J'ai pensé à Madame D'Aulnay La
Princesse printanière, et ce qu'une doctorante Émilie
Cauvin, écrit, "La
disconvenance dans La
Princesse Printanière".
On y dénonce également le comportement de la jeune princesse
qui s'entiche de l'émissaire et non de celui qu'elle doit épouser.
Au tout début, j'ai pensé, bien que
cela ne soit pas explicite, que c'était un conte et un conte pour
tout public, que je pourrais le lire à de jeunes enfants, mais
très vite j'ai réalisé que j'aurais du mal à
raconter certains passages ! Il y a beaucoup de symboles, comme le symbole
sexuel de la petite dague. Un passage merveilleux aussi, au cours duquel
les deux amants s'endorment sur un lit d'épines odorantes qui traversent
leurs rêves. C'est très beau, tous ces passages très
lumineux associés à la nature. Il y a un véritable
art de conter. Le récit se déroule comme un emboîtement
et se révèle être un récit circulaire : on
commence avec les trois hommes, on finit avec eux ; chacun a évolué
ou a disparu. Le personnage de Bouc qui défonce les portes au lieu
de les ouvrir m'a amusée à chaque fois, c'est extra.
C'est une joie de lecture. J'ouvre en grand.
Catherine
J'ai trouvé ça très drôle. Et justement j'avais
beaucoup ri avec L'ivrogne
de la brousse
J'ai bien aimé tous les ingrédients de nos contes, transportés
dans le Mississipi, bébé dans l'eau bouillante inclus. J'aime
bien le personnage de Rosamonde, assez libre. C'est vrai qu'elle se fait
violer... et il y a le coup d'éventail, la soupe renversée
sur lui - des vengeances sans le dire.
J'ai beaucoup aimé l'écriture.
Je me suis un peu lassée sur la fin : rebelote avec les Indiens !
On retrouve Fink. J'ai bien aimé la métamorphose du brigand
en commerçant, trouvant une actualité à ce phénomène
des voleurs ayant pignon sur rue, ce qui finit en beauté cet anti-conte.
Brigitte(à
l'écran)
C'était bien parti. La scène dans l'auberge m'a beaucoup
plu. C'est bien écrit. Voilà un livre pour Noël adapté
!
Peu à peu, alors que la première partie est bien, cela devient
trop long, compliqué. L'éditeur n'a pas joué son
rôle ! Il aurait fallu recentrer plus.
De plus, le rôle du paysan "innocent" aurait pu être
creusé, au lieu de le laisser benêt. Rosamonde est intéressante
dans la première partie, et ce fils de la voisine qui a six surs
et qui revient à la maison en demandant chaque soir si elles sont
mariées..., il y a de quoi faire.
Le personnage de Mike Fink, terreur du Mississipi, complètement
disparu depuis la scène de l'auberge, réapparaît à
la fin, vraisemblablement pour donner une cohérence à l'ensemble,
mais cela ne fonctionne pas. Il y aurait donc beaucoup à reprendre
pour faire du Brigand bien-aimé un conte réussi.
J'ouvre à moitié, l'écriture est bien adaptée,
mais il y a trop de cadavres, il faut élaguer, ça gêne.
Etienne(à
l'écran depuis Rennes)
Je suis finalement content d'avoir proposé ce livre que j'ai trouvé
par hasard lors de ma quête sur les écrivains sudistes (parmi
la liste à vous proposer : Flannery O'Connor, Willa Cather...).
Je ne m'attendais pas à trouver cet OVNI et c'est pourquoi je me
suis dit : il faut que je le propose !
C'est un livre protéiforme et la diversité des réactions,
des interprétations, le montre. Pour moi, il est féministe,
anticolonial, anticapitaliste : subversif, quoi !
J'ai été charmé par la langue.
J'ai beaucoup ri, c'est parfois à la limite de l'absurde : murs
en canne à sucre, personnage sans queue ni tête, on est déstabilisé.
Le bandit est infect, du début à la fin. Il n'y a aucune
morale. Le bandit devient commerçant, avec à peine un changement.
Oui, c'est un anti-conte qui ne finit pas par un mariage heureux, c'est
noir, très noir. Je n'ai pas pu ne pas penser à Angela
Carter.
Je suis d'accord avec la critique de Brigitte, c'aurait pu être
un peu ramassé ; c'est pourquoi j'ouvre aux ¾.
Des repères biographiques Les uvres publiées Autour du Brigand bien-aimé Des études rares en France Des articles Des vidéos Eudora Welty et les écrivains |
DES REPÈRES BIOGRAPHIQUES |
Enfance
- 1909 : née à Jackson, Mississippi
; elle est aînée de deux frères ; sa mère est
institutrice : Welty développe un amour de la lecture renforcé
par sa mère pour qui "toute pièce de notre maison,
à tout moment de la journée, était à la disposition
de quiconque voulait y lire ou s'y faire faire la lecture" ;
le père directeur d'une compagnie d'assurances, est passionné
par les instruments qui instruisent et élève ses enfants,
armé de la foi dans
le progrès, écrit sa fille, qui est devenue une photographe
passionnée, comme son père.
Après ses études secondaires, sa famille déménage
dans une maison qu'elle fait construire, style néo-Tudor, restée
l'adresse permanente de Welty jusqu'à sa mort (voir Eudora
Welty House and Garden).
Études
- 1925-1927 : études en littérature
au Mississippi State College for Women, à Columbus, le plus vieil
établissement de ce genre en Amérique, pauvre et surpeuplé
(1200 filles), mais où elle est heureuse et bien formée
- 1929 : 3e année à l'University of Wisconsin, Washington
; diplôme B.A.
- 1930-1931 : (pour se préparer à
un emploi) Columbia University School of Business à New York.
Premiers boulots
- 1931 : Retour à Jackson. Mort de son père, à qui
sa mère survivra 35 ans.
- 1931-1933 : Petits boulots (presse et radio locales).
- 1933-1936 : premier emploi à plein temps elle entre comme attachée
de publicité à la Works
Progress Administration, créée
par le président Roosevelt au moment de la Grande Dépression
pour résorber le chômage via une politique de grands travaux,
elle sillonne le Mississippi, écrivant des articles et prenant
des premières photographies
; elle mène des interviews, recueille des histoires et des photos
de la vie quotidienne dans le Mississippi ; elle acquiert ainsi une vision
plus large de la vie du Sud et des relations humaines dont elle s'inspire
pour ses nouvelles.
Sa carrière littéraire
Trois ans plus tard, elle quitte son emploi pour
se consacrer à la création.
-
1936 : première exposition à
New York aux Photographic
Galleries of Lugene Opticians. Publication de sa première nouvelle,
Death
of a Traveling Salesman, dans la revue Manuscript.
- 1940 : Diarmuid Russell lui propose ses services d'agent littéraire
(voir "Doù
viennent les écrivains ?" Marie-Andrée Lamontagne,
Liberté, 1993)
- 1941 (premier recueil publié) : A
Curtain of Green (L'Homme
pétrifié, 1986)
-
1942 (premier roman) : The Robber Bridegroom (Le
Brigand bien-aimé, 1989)
- 1943 (nouvelles) : The Wide Net and Other Stories (Le
Chapeau violet, 1987)
-1946 (roman)
: Delta
Wedding (Mariage
au Delta, 1957)
- 1949 (nouvelles)
: The Golden Apples
(Les
Pommes d'or, 1995)
-
1949 : Bourse Guggenheim, pour un voyage en Europe (France, Italie, Angleterre,
Irlande).
Voir la suite, c'est-à-dire
LA LISTE nombreuse des livres d'Eudora
Welty publiés aux USA.
Eudora
Welty connaît honneurs et distinctions, y compris en France
- 1952 : élue au National
Institute of Arts and Letters 1969 : membre de l' Académie
américaine des arts et des sciences
- 1973 : Prix Pulitzer pour The
Optimist's Daughter (La
Fille de loptimiste, Calmann-Lévy, 1974)
- 1983 : invitée par l'Université de Harvard à donner
des conférences qui seront publiées : One Writer's Beginnings
(Les
débuts d'un écrivain, Flammarion, 1989)
- 1987 : la France la fait Chevalier de lOrdre des Arts et des Lettres.
- 1993 : Docteur Honoris Causa de lUniversité de Bourgogne
- 1996 : la France la fait Chevalier
de la Légion dHonneur. Le consul français, Gérard
Blanchot, se déplace à Jackson pour la lui remettre :
"C'est un honneur. Je suis si excitée." dit-elle la veille.
Elle se rendra à la cérémonie en robe noire et blanche,
au bras du romancier Richard Ford, un voisin, né à Jackson
lui aussi, et qui l'entoure d'une affection amusée (nous
avions lu de Richard Ford Un
week-end dans le Michigan). Il en fait un article
dans Le New Yorker : "Bonhomie
for a Southern Belletrist: Why the French love Eudora Welty",
19 février 1996.
Des adaptations sur scène ou à
l'écran
-
1956 : le roman publié en 1954 The Ponder Heart (Oncle
Daniel le Généreux, Flammarion, 1997) sera monté
à Broadway en 1956.
- 1975 : The
Robber Bridegroom (Le
Brigand bien-aimé, Flammarion, 1989) estadapté
sous forme d'une comédie
musicale du même nom à Broadway par Alfred Uhry (livret)
et Robert Waldman (musique).
- 1983 puis 1987 : ses interventions à
l'University d'Harvard sont publiées sous forme de mémoires
intitulées Les
débuts d'un écrivain : c'était le premier
livre publié par Harvard University Press à être un
best-seller du New York Times (au moins 32 semaines sur la liste)
et finaliste pour le 1984 National Book Award for Nonfiction... Il devint
en 1987 pour la BBC un
film documentaire de Patchy Wheatley où Eudora Welty, scénariste,
joue son propre rôle.
Des potins ?
Douée en amitié, elle fut plutôt
fouareuse en amour..
L'histoire d'amour de sa jeunesse, avec l'apprenti
écrivain John Robinson,
avait pris fin lorsqu'il était
apparu qu'il vivait avec un autre homme ; Welty est resté amie
avec lui par la suite.
Elle a beaucoup voyagé, travaillé intensément et
entretenu une coterie d'amis dévoués ; après la mort
de son frère, elle s'est également occupée de ses
nièces.
L'autre grande histoire d'Eudora était pour Kenneth Millar, mieux
connu sous le nom d'auteur de policiers Ross
Macdonald avec qui elle correspondait et qu'elle a finalement rencontré,
par accident, alors qu'ils séjournaient tous les deux dans le même
hôtel. Millar était marié à l'écrivaine
Margaret Millar,
qui était jalouse de Welty et ravie de réprimander publiquement
son mari. La relation entre Welty et Millar a été en grande
partie épistolaire, ponctuée de rencontres intenses. L'ont-ils
fait ou non, le mystère demeure entier...
300 lettres que Welty et Macdonald ont échangées entre 1970
et 1982 ont été éditées.
Eudora
Welty dans son
bureau dans sa
maison de Jackson, Mississippi, où elle écrivit presque
tous ses livres.
"Cest
un peu un cliché sur Welty que de la présenter comme une
espèce de Miss Marple qui nest jamais sortie de son trou,
alors quelle a fait une partie de ses études en dehors du
Sud, fait de longs séjours à New York, plusieurs mois à
San Francisco. Celle qui est devenue une vieille dame qui a toujours vécu
dans le Mississipi a donc une connaissance du reste des États-Unis."
(Jean-Marc Victor, "Le
Sud et ses fictions : à propos des nouvelles de Eudora Welty",
entretien, EchoGéo, 2015).
Sans parler du fait qu'elle a voyagé en Europe...
Au fait, et la religion ?
Un de ses grands-pères avait été prédicateur
baptiste. À Jackson, des évangélistes se produisaient
de façon spectaculaire. "J'en arrivai tout naturellement
à comprendre que la vénération que m'inspire le sacré
de la vie, il est peu vraisemblable que je ne la trouve jamais encouragée
par la religion organisée. C'est plus tard, quand je fus en mesure
de voyager plus loin, et dans la mesure où je pouvais le percevoir,
que la présence du sacré et du mystère me parut descendre
dans les vitraux de Chartres, dans les silhouettes de paysans des chapiteaux
d'Autun"
Comme
quoi le Mississipi n'est pas sa seule référence...
LES UVRES PUBLIÉES |
Voici les livres traduits en français
Peu de livres restent disponibles en France : un recueil de nouvelles,
deux romans.
Son premier livre traduit en français en 1986 est L'Homme
pétrifié qui avait été publié
aux Etats-Unis 45 ans plus tôt. Voir l'article dans Le Monde
de Nicole Zand dont le titre s'exclame : "Découvrir
enfin Eudora Welty".
- Quatre recueils de nouvelles : Le
Chapeau violet, L'Homme
pétrifié (épuisé),
Les
Pommes d'or (épuisé),
La Mariée de l'Innisfallen
(épuisé)
- Quatre romans : Le
Brigand bien-aimé, La
Fille de loptimiste, Mariage
au Delta (épuisé),
Oncle
Daniel le Généreux (épuisé)
- Un volume Fictions,
réunissant les nouvelles et deux romans : les romans Le Brigand
bien-aimé et Oncle Daniel le généreux,
la nouvelle Acrobates dans un parc, les recueils de nouvelles
L'Homme pétrifié, Le Chapeau violet, Les Pommes d'or
et La Mariée de l'Innisfallen (épuisé)
- Un essai : Les débuts
d'un écrivain (épuisé),
avec trois parties "Ecouter", "Apprendre à voir",
"Trouver une voix".
L'épuisement des livres est signalé pour montrer
qu'Eudora Welty n'est guère lue en ce moment... (Pour rappel :
LA LISTE
des livres d'Eudora Welty publiés aux USA).
Eudora Welty était aussi photographe
(voir quelques photos sur Aware)
: elle travaille dans les années 1930 pour la Works
Progress Administration, pour laquelle elle parcourt le Mississippi
marqué par la Dépression, en photographiant des gens de
toutes les origines et de tous les milieux sociaux.
Exposées à New York, ses photos sont publiées dans
deux recueils : One Time, One Place (1971) et Photographs
(1989). Voir la présentation
de l'ouvrage de Géraldine Chouard : Eudora Welty et la photographie
: naissance d'une vision, Michel Houdiard éditeur, 2012.
On peut visionner des photos ici : "The
Photography of Eudora Welty", par Smithsonian Magazine,
3 min 59.
AUTOUR DU BRIGAND BIEN-AIMÉ : Faulkner, Grimm, Margaret Atwood, Mike Fink, piste de Natchez, une comédie musicale |
Le livre paraît en 1942. Faulkner en personne
écrit à son auteure : Vous vous débrouillez
bien. Puis-je
vous aider ?
Qui êtes-vous ? Quel âge avez-vous ?
Ayant perdu la lettre, Eudora Welty l'a retrouvée
à l'Université de Virginie qui l'avait achetée une
fortune : "Quelqu'un avait retrouvé la lettre et, plutôt
que de me la rendre, l'avait vendue" a-t-elle raconté.
Voici le texte de la lettre
en question :
27
April [1943] Dear Welty: You are doing fine. You are doing all right. I read THE GILDED SIX BITS, a friend loaned me THE ROBBER BRIDE-GROOM, I have just bought the collection named GREEN something, haven't read it yet, expect nothing from it because I expect from you. You are doing very fine. Is there any way I can help you? How old are you? When I read THE ROBBER BRIDEGROOM I thought of course of Djuna Barnes, the same as you thought of Djuna Barnes. I expect you to pass that, though. Do you mind telling me about your background? My address is below, until July. Faulkner |
William Faulkner écrit à Eudora Welty de
Californie, où il travaille sur des scénarios pour Warner
Brothers Studios. Pourquoi écrit-il spontanément à
cette jeune écrivaine du Sud qu'il ne connaît pas ?
Eudora Welty a encadré et accroché la lettre dans une pièce
à l'étage de la maison où elle vit depuis 1924, dans
la pièce où se trouve le bureau où elle écrit...
L'histoire du Brigand bien-aimé (The Robber Bridegroom) est inspirée d'un conte de Grimm Der Räuberbräutigam (voir les textes ici en allemand et anglais, traduit en français Le fiancé voleur (texte ici en français).
Margaret Atwood a aussi écrit un Fiancé voleur en 1993 : The Robber Bride, en poche ici.
Dès l'ouverture de la nouvelle, apparaît Mike Fink qui exista, véritable figure légendaire.
L'histoire suit Clement Musgrove chez lui sur la
piste de Natchez : c'est une piste historique de 708 km de long
entre Natchez dans le Mississippi et Nashville dans le Tennessee reliant
les rivières Cumberland, Tennessee et le fleuve Mississippi. Elle
a été intensément utilisée par les Indiens
d'Amérique et les explorateurs européens blancs comme route
de transit à la fin du XVIIe siècle et au début du
XVIIIe. De nos jours, la piste est commémorée avec la Natchez
Trace Parkway longue de 277 km qui suit approximativement son tracé.
Certaines portions de la piste sont encore accessibles.
Le roman a été
adapté sous forme d'une comédie
musicale du même nom à Broadway par Alfred Uhry (livret)
et Robert Waldman (musique).
Ce qu'en disent :
- Le Monde, lorque le roman est traduit en français, 47 ans après qu'il est sorti aux USA... :
Dédié à la préfacière
de l'Homme pétrifié, Katherine Ann Porter, l'auteur
célèbre de la Nef
des fous, qui, avec Robert Penn Warren, avait été
l'une des premières à croire en son talent, le Brigand
bien-aimé (The Robber Bridegroom, 1942) est la première
incursion d'Eudora Welty dans le domaine du roman. Un court roman - ce
qu'en anglais on appelle novella, et qui n'a pas de nom en français
- qui semble être le prolongement des contes de fées qui
ont marqué son enfance et que cette conteuse de race retranscrit
à sa façon en les ancrant entre le Mississippi et la Vieille
Piste de Natchez, "cet ancien tracé de bisons, où
les voyageurs de passage étaient attaqués par les bandits
et les indiens, ou éventrés par les animaux sauvages",
dans le deep South d'une époque reculée, dans la Louisiane
du dix-huitième siècle.
Qu'avait-elle en tête, l'Eudora Welty de trente ans, lorsqu'elle
nous contait cette histoire de bandits ? On pourrait penser qu'elle a
rêvé être Rosamonde, "une fille aux cheveux
d'or que sa marâtre (Salomé) enfermait dans sa chambre pour
la punir de chanter, et qui chantait pourtant", victime de son
affreuse belle-mère jalouse de l'adoration que voue à
sa fille son mari, Clement Musgrove, "planteur innocent"
venu des terres vierges des forêts qui longent le Mississippi. Rosamonde,
hardie, têtue, mythomane presque ("Elle pensait que les
Indiens l'enlèveraient peut-être, et qu'ils l'adopteraient
dans leur tribu, et lui donneraient un autre nom, ou qu'un léopard
l'emporterait dans sa gueule avant qu'elle ait pu proférer un mot.")
Est-elle menteuse prosaïque ou romancière inventive cette
Rosamonde, enlevée par un brigand qui, justement, avait sauvé
un jour son père de la mort. Rosamonde, la belle, qui, pour échapper
aux mauvais sorts de la méchante jalouse belle-mère, part
sur les chemins à la recherche de son brigand Jamie Lockhart. La
première fois qu'il la vit, il la fit mettre nue, effeuillant un
à un tous ses jupons au milieu de la forêt ! Grande lectrice
de Grimm, d'Andersen, de Perrault, de Swift et des Mille et Une Nuits,
l'auteur accumule, dans cette narration, comme dans un jeu à la
fois personnel et "à la manière de", une
série de quiproquos et de fantasmes, qui sont la loi du genre...
Ils se marièrent, eurent de beaux jumeaux et tout se termina le
plus heureusement du monde, puisque Jamie, tout naturellement, cessa d'être
bandit pour se muer en marchand fortuné de La Nouvelle-Orléans,
"transformation si facile qu'on pouvait à peine parler
de changement".
- Plus récemment Léon-Marc Levy, dans le magazine en ligne La Cause litttéraire, 23 juin 2020 :
Le thème du brigand bien-aimé est récurrent
dans l'imaginaire américain et dominé par la figure de personnages
souvent peu recommandables. Jesse James en est devenu le représentant
le plus connu - probablement grâce au film d'Henry King en 1939
- et pourtant James était un voleur de grand chemin, un tueur redoutable.
On peut y ajouter Billy Le Kid, encore plus violent et sanguinaire. Eudora
Welty bâtit son conte autour de Jamie Lockhart, personnage imaginé
par elle et qui est probablement la combinaison de plusieurs personnages
réels de bandits plus ou moins populaires dans le Sud, autour de
Natchez, Mississippi.
Jamie n'est pas recommandable non plus quant à son casier judiciaire,
lui aussi voleur et tueur. Mais, sous la plume d'Eudora Welty, il revêtira
peu à peu les habits du Prince Charmant.
Car c'est un conte, dans la lignée prestigieuse des contes populaires.
Ce qu'il faut de merveilleux, ce qu'il faut de cruauté, avec une
ligne forte qui passe entre méchants et gentils. Tout y est, le
brave paysan planteur naïf, voire un peu "innocent", sa
fille blonde et belle comme une princesse, sa femme - marâtre de
la fille - méchante et laide comme une sorcière, des
figures sorties de l'Enfer et bien sûr, Jamie Lockhart, le brigand
bien-aimé - version weltyenne du Prince Charmant - diable
séduisant que l'amour conduira à la rédemption.
Pas de "Once upon a time/il était une fois" mais on l'entend
comme s'il y était !
Qui est la dédicataire ?
Le style de vie de Katherine
Anne Porter (née en 1890) - changeant souvent de lieu de vie,
passant d'un amant à l'autre - ne ressemblait guère à
celui d'Eudora Welty (née en 1909),
qui est retournée dans sa maison familiale au début de la
vingtaine et y est restée célibataire jusqu'à son
dernier jour.
Mais à la fin des années 1930, lorsque Katherine Anne Porter,
écrivaine confirmée, auteure notamment de
la Nef
des fous, qui a la quarantaine
tombe sur les nouvelles de Welty dans la Southern
Review, elle sent qu'elle a trouvé une âme sur
chez la jeune femme de 28 ans.
Welty n'oubliera jamais les coups de pouce qu'elle a reçus de l'écrivaine,
repensant avec émerveillement à sa première lettre
qui semblait tomber du ciel. Porter invitait la jeune femme à lui
rendre visite dans l'appartement qu'elle partageait avec son troisième
mari à Baton Rouge en Louisiane, à 150 miles au sud de Jackson
où Welty vivait avec sa mère dans leur grande maison de
style néo Tudor. Il a fallu six mois à Welty pour rassembler
le courage d'accepter l'invitation : elle a fait deux fois la moitié
du chemin avant de rebrousser chemin. Mais la rencontre, amicale, finit
par avoir lieu.
Les deux femmes partageaient une profonde admiration pour le travail de
Jane Austen, Virginia Woolf et Katherine Mansfield.
Katherine Anne Porter a fait son possible pour aider la jeune écrivaine,
contribuant à sa nomination à des prix, la présentant
à Ford
Madox Ford, invitant Welty à l'accompagner à Yaddo
- une prestigieuse colonie d'artistes dans le nord de l'État de
New York. Porter a commencé à travailler sur une préface
au premier recueil de nouvelles de Welty, A
Curtain of Green - un acte qui, selon Porter elle-même,
ajouterait 10 000 $ aux ventes du livre... Mais la chose ne s'est pas
faite sans complications : Porter, qui avait toujours eu du mal avec les
délais, n'a pas réussi à le faire à temps.
Welty a préféré reporter la date de publication et
le livre est finalement sorti avec l'avant-propos promis... (infos tirées
d'un article rigolo : "Katherine
Anne Porter et Eudora Welty", par Emma Claire Sweeney, site somethingrhymed.com,
7 juillet 2017).
DES ÉTUDES PEU NOMBREUSES EN FRANCE |
En
France, on peut dénombrer les universitaires spécialistes
de notre auteure.
La première fut
Danièle Pitavay,
professeure de littérature nord-américaine à l'Université
de Bourgogne, auteure de :
- une thèse en 1982 La technique dans l'uvre d'Eudora
Welty : la mort de Méduse, suivie 10 ans plus tard de :
- La mort de la
Méduse : l'art de la nouvelle chez Eudora Welty, Presses
universitaires de Lyon, 1992 (épuisé)
- Eudora Welty : les sortilèges du conteur, Danièle
Pitavy-Souques, Belin, Voix américaines, 1999 (épuisé)
- "Eudora Welty
in France: Delta V", Eudora Welty Review, University
of Pennsylvania Press, 2009, p. 217-220
-
Eudora Welty and the Poetics of the Body (avec certaines contributions
du colloque au même titre tenu à Rennes en 2002 sous les
auspices de la Fondation
Faulkner basée à Rennes ; tous les textes, sauf un,
sont en anglais, dans la mesure où les auteurs spécialistes
de Welty sont dans leur grande majorité américains), revue
Etudes faulknériennes, Presses universitaires de Lyon, 2005,
dir. avec Géraldine Chouard, autre
spécialiste, auteure également de :
- "Eudora
Welty de A à Z : LAmérique à la lettre",
Transatlantica, 2002, article très détaillé
de 60 p.
- Eudora welty et la
photographie naissance d'une vision, éd. Michel Houdiard,
2012.
Citons aussi Jean-Marc Victor qui a soutenu
une thèse en 1999 "L'esthétique
de la trace dans l'uvre de Eudora Welty" et publié
des articles : "Regarder
ceux qui regardent : Eudora Welty photographe", Transatlantica,
2010 ; "Le
Sud et ses fictions : à propos des nouvelles de Eudora Welty",
entretien, EchoGéo, 2015.
En revanche aux États-Unis,
il existe :
- The Eudora Welty Review
(depuis 1977)
sans parler de :
- The
Eudora Welty Society
- The Fondation Eudora Welty.
DES ARTICLES |
Pour chaque article qui suit, figure un extrait.
- "Découvrir enfin Eudora Welty", Nicole Zand, Le Monde, 31 janvier 1986
Considérée comme un des meilleurs écrivains
vivants des États-Unis, titulaire des plus prestigieuses récompenses
littéraires de son pays (prix Pulitzer, American Book Award for
Fiction, Médaille d'or du roman, etc.), Eudora Welty n'a pas eu
de chance, jusqu'ici, avec la France. Deux romans traduits en français
depuis trente ans (1) n'avaient pas réussi à faire connaître
cette femme discrète, secrète, en dehors des modes, en dehors
des engagements politiques, qui a influencé nombre d'écrivains
américains blancs et noirs d'aujourd'hui. C'est son premier livre
qui paraît aujourd'hui chez Flammarion, un recueil de nouvelles
intitulé en français L'Homme
pétrifié (2), qui, à
cause des labyrinthes mystérieux de l'édition de littérature
étrangère, nous arrive plus de quarante ans après
sa parution aux États-Unis.
Il est étrange pour le lecteur de découvrir en 1986 des
textes considérés comme des classiques dans les manuels
universitaires.
(1) Mariage
au Delta, traduit par Lola Tranec (Gallimard, 1957) et La
Fille de loptimiste, traduit par Louise Serviceli (Calmann-Lévy,
1974).
(2) Ce recueil de nouvelles avait paru en 1941 sous le titre d'une autre
nouvelle du volume : A
Curtain of Green (Un rideau de verdure). La plus ancienne, Mort
d'un voyageur de commerce, avait été publiée
dans une revue en 1936, d'autres dans The Southern Review, grâce
à Robert Penn Warren.
- "Eudora Welty, l'ultime survivante de la génération des grands écrivains du Sud américain", Josyane Savigneau, Le Monde, 26 juillet 2001
Elle était "la dernière survivante",
la dernière à pouvoir raconter ses balades en canoë
avec William Faulkner, de douze ans son aîné : "C'était
un géant, le plus grand de nous tous, ceux qu'on a abusivement
désignés comme 'les écrivains du Sud', car nous ne
formions ni un groupe ni une école."
Eudora Welty, cette éternelle jeune fille, délicate et déterminée
à la fois, timide et obstinée, vient de mourir, lundi 23
juillet, à l'âge de quatre-vingt-douze ans, à Jackson
(Mississippi). Elle y était née le 13 avril 1909 et n'en
avait guère bougé.
- "Qui êtes-vous Eudora Welty ?", Marion van Renterghem, Le Monde, 22 décembre 1995
William Faulkner lui avait écrit : "Qui êtes-vous ? Quel âge avez-vous ? Où habitez-vous ? Puis-je vous aider ?" C'était en 1942, il venait de lire Le Brigand bien-aimé, premier roman féerique d'une drôle de dame qui avait déjà publié, un an auparavant, un recueil de nouvelles et qui, comme lui, avait la voix du Sud. Quand il l'a emmenée faire un tour en bateau, sur le Mississippi, ils ne se sont presque rien dit. Eudora Welty regardait l'eau.
- "Un air de Mississippi", Marion Van Renterghem, Le Monde, 21 juin 1996
Leurs maisons d'enfance sont très exactement l'une en face de l'autre. Eudora Welty, quatre-vingt-sept ans, Richard Ford, cinquante et un ans. Elle, pour l'ancien temps du Sud et lui pour le nouveau, industrialisé, déjà loin des clichés du Deep South, qu'Eudora Welty n'a pas quitté. "C'est un pays étrange, amphibie, et partout une même solitude l'habitait. C'était d'abord le Sud", écrit-elle. Dans l'école qu'ils ont fréquentée tous les deux, à une quarantaine d'années d'intervalle, c'est tout juste si on ne leur a pas édifié des totems. Au-dessus d'une bombonne à eau, une inscription invite en tout cas à croire au miracle : "Eudora Welty et Richard Ford, tous deux Prix Pulitzer, ont bu à ce robinet. Et si c'était dans l'eau ?"
"Splendeurs et misères du sud profond", Manuel Carcassonne, La Revue des deux mondes, avril 1999
L'école du Sud, c'est le sens de la conversation, la continuité des traditions, les repères fixes de la famille dans un pays où chacun bouge. "Je pense que l'un des avantages d'être un écrivain sudiste tient dans l'appartenance à une sous-culture, dans un sens, mais dans l'autre, au privilège de regarder les événements de l'extérieur." Mais ne fallait-il pas sinon s'exiler, du moins tempêter, lors de la flambée du racisme, dans les années soixante ? On le lui reprochera. A l'heure du "politiquement correct", miss Welty reste l'incorrecte observatrice, sans parti pris, d'une société où la mixité sociale, le métissage n'existaient pas encore. Eudora reçoit à l'aube des coups de téléphone anonymes, qui déchargent leur colère devant son désengagement politique. Mais jamais elle ne juge, jamais elle ne condamne. Ses livres vivent pour elle. Trop mystérieuse ? Trop discrète ? Que cache-t-elle ? Cela ne nous regarde pas. Sagace, à sa fenêtre, elle confie : "J'ai une vie tranquille, du moins en apparence." Et ailleurs, dans les Débuts d'un écrivain, son seul texte autobiographique dit en conférence à Harvard, coulée des sens (mémoire, vision, toucher), elle glisse : "Je ne suis pas passée à côté de l'amour." Quel sens de l'ellipse !
- "Bonnes nouvelles du vieux Sud", Josyane Savigneau, Le Monde, 1er décembre 2000
On a beau répéter qu'elle est la dernière
survivante de la grande génération des écrivains
du Sud - cadette de douze ans de Faulkner, qui l'appréciait - et
qu'elle est probablement la plus talentueuse des nouvellistes américaines
du siècle, rien n'y fait. Eudora Welty, née le 13 avril
1909 à Jackson, Mississippi, où elle habite encore, n'est
pas reconnue en France à sa juste mesure. Publiée
dans les années 50 chez Gallimard, elle dut attendre près
de vingt ans pour voir paraître un autre titre, chez Calmann-Lévy,
et encore quatorze ans pour que l'on s'intéresse vraiment à
son uvre et que l'on commence, chez Flammarion, à la traduire
dans son intégralité.
Il reste à espérer que l'excellente initiative de Flammarion
qui sort, dans sa collection "Mille
& une pages", sept titres de Welty, va permettre aux Français
de mieux connaître cette aînée de Flannery O'Connor
et de Carson McCullers.
- "Eudora Welty, grande écrivaine du Sud", Mathieu Lindon, Libération, 25 juillet 2001
La nouvelliste et romancière américaine
morte à 92 ans reste méconnue en France.
Contrairement à bon nombre de grands écrivains américains
qui furent célébrés en France avant de conquérir
une notoriété chez eux, Eudora Welty, morte lundi à
92 ans d'une pneumonie, n'a jamais conquis de ce côté-ci
de l'Atlantique la réputation et le succès qu'elle obtint
en définitive dans sa patrie. Sa position était particulière.
Nouvelliste et romancière (et photographe), l'auteur des Débuts
d'un écrivain, des Pommes d'or et de l'Homme pétrifié
(la plus grande partie de son oeuvre traduite l'est chez Flammarion,
en particulier dans le gros recueil Fictions en "Mille et
Une pages" établi par Michel Gresset, traducteur d'Eudora
Welty et de Faulkner) est née à Jackson, Mississippi, le
13 avril 1909, c'est-à-dire douze ans seulement après Faulkner
qui a vite pris pour lui le titre de grand écrivain du Sud.
En 1942, après la parution du Brigand bien-aimé,
il avait envoyé une lettre fameuse à cet écrivain
venue de nulle part sinon du Mississippi : "Qui êtes-vous ?
Quel âge avez-vous ? Puis-je vous aider ?" Ayant perdu
la lettre, elle l'a retrouvée à l'université de Virginie
qui l'avait achetée une fortune. "Quelqu'un avait retrouvé
la lettre et, plutôt que de me la rendre, l'avait vendue",
dit Eudora Welty à Libération venu lui rendre visite
(dans notre numéro du 11 mai 1989).
- "L'ultime survivante de la génération des écrivains du Sud", Josyane Savigneau, Le Monde, 26 juillet 2001
Elle était "la dernière survivante",
la dernière à pouvoir raconter ses balades en canoë
avec William Faulkner, de douze ans son aîné : "C'était
un géant, le plus grand de nous tous, ceux qu'on a abusivement
désignés comme 'les écrivains du Sud', car nous ne
formions ni un groupe ni une école." Eudora Welty, cette
éternelle jeune fille, délicate et déterminée
à la fois, timide et obstinée, vient de mourir, lundi 23
juillet, à l'âge de quatre-vingt-douze ans (
).
C'est plus sûrement parce que cet écrivain magnifique est
une nouvelliste qu'elle a, ici, un public restreint. Et probablement aussi
parce que, malgré le travail remarquable de ses traducteurs, son
style, tout de délicatesse et de poésie, ne peut être
vraiment restitué dans une autre langue. (
) "Eh oui,
aux Etats-Unis aussi, les éditeurs poussent les auteurs à
écrire des romans, constatait-elle avec une résignation
amusée. J'ai été obligée de le faire. Si l'on
lit bien Mariage au Delta ou La Fille de l'optimiste, on voit que ce ne
sont pas de vrais romans. Plutôt des nouvelles 'étirées'.
Le texte court me convient mieux. J'ai peu de goût pour les explications
et les commentaires." Et elle profitait de cette remarque pour
enchaîner sur les reproches qu'on lui avait faits, de ne pas avoir
milité pour les droits civiques. Elle ne cachait rien de son enfance
de petite fille blanche "ne se posant aucune question sur la condition
des Noirs", puis de sa prise de conscience de "la situation
dans le Sud". "Il n'était pas rare qu'à
New York je m'entende demander : 'Combien de nègres a-t-on
lynchés chez vous cette semaine ?' On me reprochait de ne
pas avoir parlé des Noirs dans mes livres et de ne pas faire
une uvre qui milite pour le changement. La condition des Noirs,
je l'ai abondamment décrite [elle a aussi réalisé
un reportage photographique sur l'État du Mississippi, en 1933,
pendant la Grande Dépression], mais j'ai toujours été
résolument opposée à ce qu'on appelle la littérature
engagée. Les positions que j'ai prises, dans la vie, au moment
de la lutte pour les droits civiques, ne regardent que moi, comme personne
privée, comme tout autre citoyen, et il était bien évident,
pour qui m'avait lue, que je ne pouvais qu'être favorable à
la fin de la ségrégation. Mais le propos d'une uvre
de fiction n'est pas de dire aux autres ce qu'ils doivent faire. La fiction,
pour moi, explore, désigne, révèle, témoigne,
elle ne juge pas, elle ne moralise pas."
- "L'il d'Eudora Welty", Florence Noiville, Le Monde, 25 octobre 2002
Initiées par la Fondation Faulkner, les journées
consacrées à la romancière et nouvelliste ont permis
d'éclairer toutes les facettes de son uvre, dont celle, très
méconnue, de son travail photographique. (...)
Le Sud est là, exactement comme dans les livres, avec le même
"il", la même minutie, la même précision
dans la description des lieux et des atmosphères. Avant tout, il
s'agit de restituer des "états d'âmes", note Géraldine
Chouard, commissaire de l'exposition.
EUDORA WELTY EN VIDÉO |
Interviews en anglais de Eudora Welty :
- 1971 : MPB Books Mississippi Public Broadcasting, sur
YouTube, 3 min.
- 1979 : par Dick Cavett dans son Show, 19 et 20 mai 1979, sur YouTube
et 20 mai, sur YouTube,
deux épisodes de 30 min.
- 1988 : Conversation Between Eudora Welty and Cleanth Brooks, sur YouTube, 8 min 19.
- Comment a été réalisé le
portrait d'Eudora Welty par Mildred Nungester Wolfe en 1988, à
la National Portrait Gallery, par Warren Perr, sur YouTube,
2 min 51.
EUDORA WELTY ET QUELQUES ÉCRIVAINS |
Elle est membre fondateur en 1987
de la Fellowship
of Southern Writers qui rassemble des "écrivains du Sud".
Elle a fait paraître de nombreuses
critiques littéraires, principalement dans The New York Times
Book Review, un supplément hebdomadaire littéraire du
New York Times, et ce, entre 1942
et 1984. Elles sont réunies dans A Writer's Eye: Collected Book
Reviews : on trouve les noms de Virginia Woolf, William Faulkner,
V. S. Pritchett, Colette, Isak Dinesen, E. B. White, E. M. Forster, J.
D. Salinger, Ross Macdonald, Patrick White, S. J. Perelman, Annie Dillard,
Elizabeth Bowen (Irlandaise avec qui elle noua une amitié), Katherine
Anne Porter à qui est dédiée Le Brigand bien-aimé
car elle préfaça
Voici quelques extraits d'une interview par Linda Kuehl, The Paris Review, automne 1972 (revue littéraire trimestrielle anglophone fondée en 1953 à Paris et installée à New York depuis 1973) :
Vous avez écrit quelque part que nous devrions encore tolérer le genre de roman familial de Jane Austen. Austen est-elle une âme sur ?
Eudora Welty -
Tolérer ? C'est bien le moins qu'on puisse dire ! J'aime
et j'admire tout ce qu'elle fait, et profondément, mais je ne la
lis pas, ni personne d'autre, parce qu'elle est proche de moi. La pièce
à laquelle vous faites référence a été
écrite sur commande pour Brief Lives, une anthologie que Louis
Kronenberger éditait. Il m'a proposé soit Jane Austen, soit
Tchekhov, et Tchekhov, j'ose croire, est plus "familier". Je
me sens plus proche de lui par l'esprit, mais je n'étais pas capable
de lire le russe, ce qui me semblait nécessaire si l'on voulait
écrire sur lui. Tchekhov est l'un d'entre nous - si proche du monde
d'aujourd'hui, à mon avis, et très proche du Sud - ce que
Stark Young a souligné
il y a longtemps.
Pourquoi Tchekhov est-il proche du Sud d'aujourd'hui ?
Il aimait la singularité des gens, l'individualité. Il tenait pour acquis le sens de la famille. Il avait le sens du destin dépassant un mode de vie, et son humour russe me semble proche de l'humour d'un sudiste. C'est le genre d'humour qui tient essentiellement au caractère. Vous savez, dans Oncle Vania et La Cerisaie, les gens sont toujours réunis et ne cessent de parler, sans que personne n'écoute vraiment. Pourtant, il y a un grand amour et une grande compréhension qui prévalent à travers tout cela, une connaissance et une acceptation des idiosyncrasies de l'autre, une tolérance à leur égard, et aussi un plaisir aigu du dramatique. Comme dans Les Trois Surs, tant que le feu continue de brûler, ils parlent tout au long de leur épuisement, et Vershinin dit : "Je sens une étrange excitation dans l'air", et rit, chante et parle de l'avenir. Ce genre de réactivité au monde, à tout ce qui arrive, du plus profond de leur personnalité me semble très sudiste. Quoi qu'il en soit, j'ai pris un plaisir fantasque à Tchekhov, et peu à peu la connexion s'est imposée à moi.
Revenez-vous parfois à Virginia Woolf ?
Oui. C'est elle qui a ouvert la porte. Quand j'ai lu La promenade au phare, j'ai ressenti, Ciel, qu'est-ce que c'est ? J'étais tellement excitée par l'expérience que je ne pouvais ni dormir ni manger. Je l'ai relu plusieurs fois depuis lors, bien que ces jours-ci je revienne plus souvent à son journal. Chaque jour où vous l'ouvrirez sera tragique, et pourtant toutes les choses merveilleuses qu'elle dit sur son travail, sur le travail, vous laissent empli d'une joie plus forte que la profonde tristesse que l'on ressent pour elle.
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