Portrait d'Eudora Welty, 1988, par Mildred Nungester Wolfe, National Portrait Gallery, Londres
Le Brigand bien-aimé
, trad. de l'anglais (États-Unis) par Sophie Mayoux,
éd. Cambourakis, 2014
Poche, 2021, 144 p.

Quatrième de couverture :

Il était une fois en Amérique : la piste de Natchez, cet ancien tracé de bisons pareil à un tunnel serpentant sous le toit des forêts vierges du Mississippi, ses chevaucheurs de six pieds six pouces, ses voyageurs, ses trappeurs, leurs visages barbouillés de baies écrasées, ses Indiens tapis derrière les buissons… En ces temps primordiaux, les corbeaux savaient dire : "Retourne-t’en mon cœur, rentre à la maison", et les hérons, couleur de verre de Venise, avaient un goût aussi sauvage qu’une poire sauvage. Au fond des bois, au milieu des chênes verts, des cèdres et des magnolias, vivaient Clément Musgrove, planteur innocent, sa fille Rosamonde, belle comme le jour, une marâtre, laide comme la nuit, et Jamie Lockhart, le brigand bien-aimé – le Räuberbräutigam des frères Grimm – de ce conte de fées iconoclaste, drolatique et chatoyant comme une plume de paon.


Éd. Points,
coll. Signatures, 2016

Quatrième de couverture :

"L'orage s'était apaisé et le corbeau se taisait, mais qui sait s'il dormait ?"
Il était une fois en Amérique, les forêts vierges du Mississippi, les voyageurs à cheval, les Indiens embusqués, les bandits, les trappeurs aux visages barbouillés de baies écrasées. En ces temps primordiaux les corbeaux savaient dire "Retourne-t'en, mon cœur, rentre à la maison". Et au fond des bois vivaient Clément Musgrove, un planteur innocent, sa fille Rosamonde, belle comme le jour, une marâtre laide comme la nuit et Jamie Lockhart, le brigand bien-aimé.

Eudora Welty est née en 1909 dans le Mississippi. Ses premières nouvelles paraissent en 1936, mais c'est en 1970 qu'elle connaît un immense succès public avec le roman Losing Battles. Elle remporte le prix Pulitzer en 1973 avec La Fille de l'optimiste.

"Le Brigand bien-aimé, conte de fées aberrant où une belle jeune fille n'aspire qu'à être violée par le méchant, qui est en vérité gentil, reste sans doute le texte d'Eudora Welty le plus drôle." Libération


Éd.
Flammarion,
1989,
160 p.

Quatrième de couverture :

Il était une fois, dans une petite maison au fond des bois, une belle jeune fille, Rosamonde, qui vivait avec son tendre père, Clément, et sa vilaine marâtre, Salomé. Cela se passait dans des temps très anciens, quand les lions rôdaient encore dans les forêts touffues du Mississippi, à peine entamées par les haches des pionniers. Des brigands aussi hantaient ces lieux sauvages et ce fut par l'un d'eux que la ravissante et menteuse Rosamonde eut le bonheur d'être enlevée. Conte de fées ? Oui, puisque c'est sur une trame des frères Grimm qu'Eudora Welty a brodé cette histoire aussi fraîche et lumineuse qu'une toile du Douanier Rousseau. Mais conte ancré dans l'espace (la piste des Natchez, au cœur du Mississippi) et dans le temps (la fin du dix-huitième siècle). Pourquoi ? Parce que les lieux, les paysages jouent dans l'œuvre de la grande romancière un rôle capital et que leur rémanence imprègne ici en profondeur un récit qui est un hymne à la liberté des corps, à la sensualité, au plaisir.


Flammarion, coll. Mille et une pages, 2000, 1022 p.

Ce volume comprend Le Brigand bien-aimé
et aussi Acrobates dans un parc – L'Homme pétrifié – – Le Chapeau violet – Les Pommes d'or – Oncle Daniel le Généreux – La Mariée de l'Innisfallen

Eudora Welty (1909-2001)
Le Brigand bien-aimé (The Robber Bridegroom, 1942 ; trad. en français, 1989)

Nous avons lu ce livre pour le 16 décembre 2022. Chouette, personne ne lit Eudora Welty, c'était l'occasion de la découvrir, et de plus pour notre séance de Noël...

"Ma surprise, je dirai même ma déception, avait été grande
lorsque j'avais découvert que les livres étaient écrits
par des gens, que ce n'étaient pas des merveilles naturelles
qui croissaient toutes seules comme l'herbe
."
                            Eudora Welty

 

 

 

AUTOUR DU LIVRE
Des repères biographiques
Les œuvres publiées
Autour du Brigand bien-aimé
Des études
rares en France
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Eudora Welty et les écrivains

Nos 15 cotes d'amour

Fanny(avis transmis)
J'ai beaucoup aimé la dimension conte de fée de ce texte. Je l'ai trouvé assez subtil dans le portrait des différents protagonistes. J'ai lu cette dimension féerique comme une métaphore sur la dualité humaine, le bien et le mal en chacun.
J'ai beaucoup aimé également la manière dont la sexualité est abordée, comme Rosamonde sous ses airs au départ prudes et innocents s'éveille au plaisir.
Le fond comme la forme ne sont pas dénués d'humour, sur ce point c'est un régal.
Je ne connaissais pas le conte Le fiancé voleur, je l'ai lu mais l'ai trouvé très succinct par rapport au Brigand mal aimé. J'ai eu l'impression qu'Eudora Welty puisait dans différents contes :
- Cendrillon pour les guenilles et les messages des animaux,
- Blanche Neige pour le meurtre commandité en forêt, la marâtre jalouse et la cabane aux 7 nains qu'elle entretient.
- Le prince grenouille pour la métamorphose de Jamie
- Boucle d'or pour le passage dans la forêt
- Madame Neige pour la dimension parallèle dans la maison des brigands...
Et j'en oublie certainement beaucoup.
Petit bémol j'ai trouvé la fin un peu longue. Les 30 dernières pages durant lesquelles elle recherche Jamie auraient je trouve mérité d'être raccourcies et je me suis un peu lassée à ce moment-là.
J'ouvre aux ¾, très bon choix je trouve pour Noël.
Muriel(avis transmis)
Cela me semble être un livre pour enfants. C'est la première fois qu'un livre du groupe lecture me donne cette impression ; les livres sont d'ordinaire sérieux, trop sérieux.
Pourquoi pour enfants ? Les personnages sont caricaturaux, avec les vilains et les gentils.
Certes, il y a un peu d'humour, mais ça ne m'intéresse pas.
J'en suis à la moitié et je ne suis pas motivée pour continuer. J'ouvre un quart.
Christelle(avis transmis)
J'ai eu beaucoup
de plaisir à lire ce conte (de Noël ?) qui pourrait bien être un conte pour enfants si on en retire la longueur et quelques détails crus et sanglants (quoique Perrault, par exemple, ne soit pas avare en égorgements).
L'écriture est très plaisante, avec suffisamment de détails qui permettent de se représenter une nature luxuriante et dépaysante, au fin fond du Mississipi "au milieu des chênes, des cèdres et des magnolias".
Camper ce conte en Louisiane, avec tous les éléments du conte classique européen, aurait pu ne pas fonctionner chez moi. Au contraire, ça m'a paru parfait car la violence que l'on peut retrouver dans un conte ne dépare pas dans la Louisiane du 19e siècle où, visiblement, les héritières sont régulièrement enlevées, les têtes couramment mises à prix, les Indiens en embuscade, prêts à scalper leurs prisonniers... La description des aubergistes sans oreilles au début du livre, suivie de la scène de la chambre et des sacs d'or, et celle du camp indien, dressent tellement bien l'ambiance.
Les personnages sont hauts en couleur, j'ai beaucoup aimé l'humour autour de certains personnages, en particulier la mythomanie de Rosamonde qui rend l'héroïne imparfaite : "Rosamonde était une menteuse de premier ordre" et surtout le voisin "écervelé" Bouc et ses sœurs : "Va te rompre le cou ! hurla Salomé. Ta mère aurait mieux fait de t'étrangler dans ton berceau." Bouc dit que cela faisait deux personnes qui partageaient cette opinion mais ce n'était pas tellement.
De la fin, je dirais qu'elle m'a paru très caricaturale mais, dans la logique du conte, qu'imaginer d'autre que celle-ci en Louisiane ? "Ils étaient parents de beaux jumeaux (...) et vivaient dans une belle maison de marbre (...) avec cent esclaves"
Bien consciente que ce n'est pas un chef-d'œuvre littéraire, dans l'enthousiasme de la période de Noël, j'ouvre en grand !
Maëva(avis transmis)
Je n'ai pas apprécié la lecture de ce conte à mi-chemin entre Blanche-Neige et Cendrillon. L'absurdité des situations, l'enchaînement décousu des scènes, la violence gratuite et les descriptions clichées des personnages ne m'ont pas convaincue. Chacun porte une caractéristique qu'il gardera tout au long de l'histoire, si bien qu'il n'y a pas d'attachement particulier qui se crée : la marâtre avare, la jeune écervelée, le père naïf, le brigand fourbe...
Mais ce qui m'a le plus gênée reste l'histoire d'amour entre Rosamonde et Jamie Lockhart qui comporte de nombreux aspects problématiques, tant dans le rapport de domination, d'acceptation (voire de romantisation) des violences et la place de la femme : "Tout d'abord, elle enfila sa robe ; puis, n'ayant rien d'autre à faire, elle remit en place les meubles dans toutes les pièces, et lava ensuite les assiettes."
Rosamonde est volée, enlevée, séquestrée (elle n'est pas autorisée à quitter le logement sans l'accord de son mari), pourtant le récit les place dès la deuxième rencontre comme des "amoureux". Bon, un amour qui rend sacrément aveugle puisqu'ils ne parviennent pas à se reconnaître lors d'un repas.
Et puis, la fin... Jamie troque ses habits de mauvais garçon pour ceux d'un honnête commerçant grâce au pouvoir de l'amour. Au secours !
Je m'emporte, peut-être est-ce dû à la fièvre.
Je concède que les descriptions de la nature sont agréables à lire et que quelques passages sont drôles, mais dans l'ensemble, je n'ai pas apprécié du tout. Je ferme complètement.
J'ai hâte de découvrir vos avis !
Rozenn(en direct)
Je suis tout à fait d'accord avec Maëva. Pourtant j'adore les contes de fée, et j'étais très contente d'en lire.
C'est un ramassis de tous les autres, avec des côtés insupportables mais c'est comme dans les contes de fées.

(Rozenn nous demande combien de versions de La Belle au bois dormant il y a ; on donne notre langue au chat : il y a 300
versions. Elle nous résume une version du 17e siècle de Giambattista Basile, abominable, où Blanche-Neige se fait violer pendant qu'elle dort, accouche pendant qu'elle dort... Elle dit à quel point c'est difficile de lire des contes à un enfant de 5 ans tout en l'éduquant à la notion de consentement...)

Bref, Le Brigand bien-aimé imite trop pour que qu'on ne pense pas à un conte. Mais c'est trop long, ce n'est pas assez horrible, ça ne prend pas.
Annick L

Je suis bien d'accord avec Rozenn. Même si c'est écrit avec une jolie plume, notamment dans les évocations de la nature, avec cette forêt animée par des esprits inquiétants... la forêt des contes !
Cette inspiration domine l'histoire, avec des figures typiques, comme celle de la marâtre. J'ai lu la
version des frères Grimm, très schématique et, en comparant les deux, on voit bien que la romancière a étoffé les personnages - Rosamonde, son père, le brigand, etc. - a modernisé les enjeux, en introduisant explicitement le désir sexuel, le plaisir qui attache Rosamonde à son brigand bien-aimé, a ajouté des épisodes dont on se demande d'ailleurs ce qu'ils apportent d'intéressant (je me suis ennuyée à la fin). Il y a quelque chose qui cloche dans le format du récit et dans le collage des différents morceaux (les Indiens, Mike Fink, le batelier héros mythique du Mississipi, etc).
J'étais pourtant prête à me plonger avec plaisir dans cette histoire annoncée comme un conte de Noël pour les grands. Quelle déception ! J'ouvre un quart pour les belles scènes dans la forêt enchantée.

Monique L
C'est un livre déroutant mais intéressant.
Il y a les personnages classiques des contes : le père assez naïf, la marâtre laide, jalouse, avide et méchante, le brigand, la belle jeune-fille, un corbeau qui parle, mais avec un décalage comme le fait que la jeune-fille ne soit pas parée de toutes les qualités, elle est menteuse.
Des scènes loufoques. Des situations inexpliquées : la tête du frère dans la malle… Les retournements de situation s'enchaînent, le burlesque côtoie l'horreur, des personnages laids et méchants sont face à des personnages beaux et attachants. L'évocation de la sexualité et des viols ici présente n'est pas habituelle dans les contes traditionnels.
Je n'ai pas ressenti d'humour (sauf celui du décalage) et surtout je n'ai pas réussi à trouver un sens à ce conte, ni une morale.
Le sujet ? Il y est surtout question d'apparence, de mensonge, de déguisement, de double-face pour le brigand,
Le style est agréable, il imite celui des contes traditionnels avec des répétitions de tournures, une ritournelle, des figures caricaturales. Il y a de très belles descriptions de paysage.
J'ouvre à moitié.
Jacqueline
J'ai lu très vite, avec beaucoup de plaisir, à cause de tous les clins d'œil à nos contes traditionnels comme aux espèces de mythes des États Unis avec les méchants Indiens, les aventuriers débarqués et défrichant les terres vierges… Les aventures de Rosamonde m'ont tenu en haleine jusqu'à la fin et j'ai eu l'impression d'une création originale à partir de toutes ces histoires connues. J'ai bien aimé aussi les belles descriptions de forêts… Il me semble qu'il ne faut pas prendre le récit au pied de la lettre comme cette directrice de crèche qui refuse que soit chanté Souris verte car c'est cruel de la plonger dans l'huile... J'ai du mal à avoir un discours féministe sur les contes, cela me paraît extrêmement réducteur…
À part ce plaisir amusé de lecture, il ne me reste pas grand-chose du Brigand bien-aimé, mais je me suis posé des questions, en repensant à L'ivrogne de la brousse qui cumulait aussi des références au contes africains mais dans lequel je n'avais pas réussi à entrer sans doute à cause des différences de culture. Ici, justement, ça m'amusait de retrouver les références à du connu y compris les stéréotypes sur les Indiens… J'ouvre aux ¾…

Rozenn
Elle n'en fait pas grand-chose des Indiens.

Jacqueline
Non. Mais le voleur qui devient commerçant, le défricheur qui finit à la tête d'une riche plantation et d'esclaves, c'est ironique. Bon, ce n'est peut-être pas un grand livre mais je l'ai trouvé bien fait.

Laura
J'ai commencé par un préjugé : après avoir lu les premières lignes de la quatrième de couverture, j'ai eu l'impression de quelque chose de décalé, non conforme, fantaisiste, sans être provocant à la William Burroughs. Bizarre, bigarré. Donc je l'ai emprunté à la bibliothèque au lieu de l'acheter.
Grossière erreur ! Le préjugé s'est évanoui à la lecture, comme s'il n'avait jamais pris forme. Maintenant je suis déçue de ne pouvoir ranger le livre dans ma bibliothèque comme illustration d'une partie de ma personnalité.
J'ai apprécié dès le début le projet d'une parodie de conte, complètement absurde. Dès la scène de l'auberge, puis l'élément déclencheur pour moi : Rosamonde. Jeune fille magnifique, parfaite, apparent exemple de vertu, conciliation de Cendrillon et Raiponce, mais menteuse invétérée. J'avoue que j'ai bien ri tout du long.
J'ai apprécié la pluralité des genres, les thèmes et intrigues, mais j'ai une réserve sur le nombre d'intrigues. Il y en avait trop à mes yeux et je me suis un peu perdue. Par exemple, l'introduction de Bouc, mais surtout de Petit Harp et de Grand Harp, l'histoire de la tête et de ce qui l'entoure, etc.
Contre la plupart des avis, je considère que l'autrice a écrit un ouvrage plutôt féministe. Mais je ne connais pas ses avis politiques donc bon…
J'ai cette hypothèse à cause de la scène de viol de Rosamonde, qui finalement n'est pas du tout traumatisée, ne se considère victime de rien, et même si ça a pu être désagréable, elle s'en détache aisément. Une maison sans dessus dessous a plus de gravité à ses yeux. Alors je me demande si ce n'est pas justement une position féministe de l'autrice, qui tout en sachant que le viol est un "déshonneur" et mérite vengeance (la soupe renversée sur Jamie Lockhart, la moutarde sur les lèvres lorsqu'il faut l'embrasser : légère vengeance je l'admets, mais tout de même illustration d'une vengeance) estime que toute femme n'en sort pas nécessairement détruite psychologiquement.

Claire
Rosemonde serait la cousine de Virginie Despentes ?

Laura
Oui j'ai pensé à Despentes. Et donc, dans cette lignée, il est très possible que le choix de laisser Rosamonde s'occuper de la maison et des enfants soit à la fois ironique et féministe. J'ouvre aux ¾.

Françoise

Au début, ça me plaisait. J'ai pris ça tout de suite comme un truc drôle... au xième degré même si ce n'est pas l'intention de l'autrice, on ne sait pas, mais j'y voyais de la distance : ce père benêt qui fait fortune, la marâtre caricaturale, etc.
Puis ça s'essouffle. Elle va chercher différents contes et du coup ce n'est pas très réussi ces différentes sources. J'ai eu l'impression qu'elle s'embourbait, à vouloir en faire trop (par exemple Grand Harp et Petit Harp ?) et ça m'a lassée.
J'aime bien les contes, clac, clac, les contes classiques, où les méchants sont punis et les gentils récompensés, quoi ! Les Indiens, je n'ai pas percuté, dans le Mississippi ? Pour moi, il y a surtout des esclaves noirs, mais c'est un conte... ok, elle a le droit de les ignorer, j'aurais bien voulu le lire en vo, mais je m'y suis prise trop tard. Féministe ou pas ? Pour moi c'est hors sujet. Je suis mitigée. J'ouvre ¼.

Annick
La scène de bagarre au début, c'est génial !

Françoise
Elle tire sur la ficelle. En tant que conte, je ne trouve pas ça réussi.
Claire
Je ne l'ai pas lu comme un conte, où voyez-vous que c'est un conte ? C'est pas écrit dessus... bref, je l'ai lu comme un roman, ce joli petit livre qui tient dans la main.
Ça m'a plu tout de suite, j'ai trouvé ça loufoque, et puis rapidement, comme Françoise, j'ai déchanté : mais ça nous mène où, quel est le sens ? J'ai été vite démobilisée et j'étais même en colère qu'on ait choisi ce livre, j'en voulais à Etienne...
J'ai fait l'hypothèse que ce n'était pas le bon livre choisi, un premier roman, hors de ses talents de nouvelliste. J'ai lu alors le livre qui a eu le prix Pulitzer avec plus de confiance, La Fille de l’optimiste, publié lui en 1972, soit trente ans après le Brigand. Son savoir-faire s'était forcément affirmé. Je me suis baaaaaarbééééée. Ce qui m'avait conduite ainsi à persévérer est que j'avais lu entretemps Les débuts d'un écrivain, écrit, lu,i quand elle avait 74 ans ; j'ai aaaaaaaadoré ce livre : ce sont trois conférences qu'elle a été invitée à donner à l'Université d'Harvard, et qui constituent une autobiographie jusqu'à ce qu'elle devienne écrivain, c'est vraiment passionnant, un vrai roman ! (Le livre a été publié par les éditions de l'université, Harvard University Press, qui n'avait aucunement l'habitude de publier un best-seller : ce fut le cas, le livre restant 46 semaines sur la liste des best-sellers du New York Times, devenant et finaliste pour le National Book Award for Nonfiction... De plus, le livre fut adapté pour la BBC en film documentaire par Patchy Wheatley, et Eudora Welty, scénariste, y joue son propre rôle...)
J'ouvre le Brigand au ¼, La Fille de l'optimiste je le ferme et Les débuts d'un écrivain je l'ouvre en grand.
Nathalie
J'ai été complètement emportée ! Quelle drôlerie ! Une véritable course folle ! Il y a toutes les réflexions philosophiques qui jalonnent le récit et qui sont autant de haltes à savourer. Par exemple le rêve : "dès que je m'étends, c'est le passé. Dès que je me mets debout c'est le présent. Et je dois lutter pour ne pas tomber" ou alors "Les Indiens savent que leur heure est venue. Ils sont certains que l'avenir s'amenuise sans cesse, et cela leur donne loisir d'être infiniment hais et cruels." Il me semble clair que le narrateur prend parti et exprime une opinion. Elle est renforcée par une autre affirmation très belle :"Quelque chose secouait le monde et le faisait basculer, et nous nous sommes tous transformés en pionnier." Et ainsi tout au long du récit, le texte est jalonné d'assertions qui donnent une forte ampleur au récit.
J'ai raconté plusieurs fois le début à l'auberge autour de moi avec beaucoup de succès...
Il y a aussi ce passage génial entre Salomé et Clément : celui où pour asservir l'homme dont elle a fait son objet de désir, elle refuse de défaire les liens que les Indiens ont placés autour de leurs deux corps. J'ai été transportée par le passage où le brigand convoite la robe de la jeune fille, puis son jupon. Rosamonde résiste et déroule ses cheveux pour masquer son corps. C'est un passage magnifique.
Si elle a emprunté, peu importe !
Oui, c'est une femme qui désire, qui va vers quelque chose qui fait mal. On peut reprocher le non-conformisme du propos et estimer que c'est un récit qui dessert la cause des femmes, mais en même temps il existe des femmes qui vont volontairement vers les mauvais garçons et qui le revendiquent. Rosamonde sait ce qu'elle veut et ce qu'elle veut c'est le brigand. J'ai pensé à Madame D'Aulnay La Princesse printanière, et ce qu'une doctorante Émilie Cauvin, écrit, "La disconvenance dans
La Princesse Printanière". On y dénonce également le comportement de la jeune princesse qui s'entiche de l'émissaire et non de celui qu'elle doit épouser.
Au tout début, j'ai pensé, bien que cela ne soit pas explicite, que c'était un conte et un conte pour tout public, que je pourrais le lire à de jeunes enfants, mais très vite j'ai réalisé que j'aurais du mal à raconter certains passages ! Il y a beaucoup de symboles, comme le symbole sexuel de la petite dague. Un passage merveilleux aussi, au cours duquel les deux amants s'endorment sur un lit d'épines odorantes qui traversent leurs rêves. C'est très beau, tous ces passages très lumineux associés à la nature. Il y a un véritable art de conter. Le récit se déroule comme un emboîtement et se révèle être un récit circulaire : on commence avec les trois hommes, on finit avec eux ; chacun a évolué ou a disparu. Le personnage de Bouc qui défonce les portes au lieu de les ouvrir m'a amusée à chaque fois, c'est extra.
C'est une joie de lecture. J'ouvre en grand.
Catherine

J'ai trouvé ça très drôle. Et justement j'avais beaucoup ri avec L'ivrogne de la brousse
J'ai bien aimé tous les ingrédients de nos contes, transportés dans le Mississipi, bébé dans l'eau bouillante inclus. J'aime bien le personnage de Rosamonde, assez libre. C'est vrai qu'elle se fait violer... et il y a le coup d'éventail, la soupe renversée sur lui - des vengeances sans le dire.
J'ai beaucoup aimé l'écriture.
Je me suis un peu lassée sur la fin : rebelote avec les Indiens !
On retrouve Fink. J'ai bien aimé la métamorphose du brigand en commerçant, trouvant une actualité à ce phénomène des voleurs ayant pignon sur rue, ce qui finit en beauté cet anti-conte.
Brigitte(à l'écran)
C'était bien parti. La scène dans l'auberge m'a beaucoup plu. C'est bien écrit. Voilà un livre pour Noël adapté !
Peu à peu, alors que la première partie est bien, cela devient trop long, compliqué. L'éditeur n'a pas joué son rôle ! Il aurait fallu recentrer plus.
De plus, le rôle du paysan "innocent" aurait pu être creusé, au lieu de le laisser benêt. Rosamonde est intéressante dans la première partie, et ce fils de la voisine qui a six sœurs et qui revient à la maison en demandant chaque soir si elles sont mariées..., il y a de quoi faire.
Le personnage de Mike Fink, terreur du Mississipi, complètement disparu depuis la scène de l'auberge, réapparaît à la fin, vraisemblablement pour donner une cohérence à l'ensemble, mais cela ne fonctionne pas. Il y aurait donc beaucoup à reprendre pour faire du Brigand bien-aimé un conte réussi.
J'ouvre à moitié, l'écriture est bien adaptée, mais il y a trop de cadavres, il faut élaguer, ça gêne.
Etienne(à l'écran depuis Rennes)
Je suis finalement content d'avoir proposé ce livre que j'ai trouvé par hasard lors de ma quête sur les écrivains sudistes (parmi la liste à vous proposer : Flannery O'Connor, Willa Cather...). Je ne m'attendais pas à trouver cet OVNI et c'est pourquoi je me suis dit : il faut que je le propose !
C'est un livre protéiforme et la diversité des réactions, des interprétations, le montre. Pour moi, il est féministe, anticolonial, anticapitaliste : subversif, quoi !
J'ai été charmé par la langue.
J'ai beaucoup ri, c'est parfois à la limite de l'absurde : murs en canne à sucre, personnage sans queue ni tête, on est déstabilisé.
Le bandit est infect, du début à la fin. Il n'y a aucune morale. Le bandit devient commerçant, avec à peine un changement.
Oui, c'est un anti-conte qui ne finit pas par un mariage heureux, c'est noir, très noir. Je n'ai pas pu ne pas penser à Angela Carter.
Je suis d'accord avec la critique de Brigitte, c'aurait pu être un peu ramassé ; c'est pourquoi j'ouvre aux ¾.


AUTOUR DU LIVRE
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DES REPÈRES BIOGRAPHIQUES

Enfance
- 1909 : née à Jackson, Mississippi ; elle est aînée de deux frères ; sa mère est institutrice : Welty développe un amour de la lecture renforcé par sa mère pour qui "toute pièce de notre maison, à tout moment de la journée, était à la disposition de quiconque voulait y lire ou s'y faire faire la lecture" ; le père directeur d'une compagnie d'assurances, est passionné par les instruments qui instruisent et élève ses enfants, armé de la foi dans
le progrès, écrit sa fille, qui est devenue une photographe passionnée, comme son père.
Après ses études secondaires, sa famille déménage dans une maison qu'elle fait construire, style néo-Tudor, restée l'adresse permanente de Welty jusqu'à sa mort (voir Eudora Welty House and Garden).

Études
- 1925-1927 : études en littérature au Mississippi State College for Women, à Columbus, le plus vieil établissement de ce genre en Amérique, pauvre et surpeuplé (1200 filles), mais où elle est heureuse et bien formée
- 1929 : 3e année à l'University of Wisconsin, Washington ; diplôme B.A.
- 1930-1931 : (pour se préparer à un emploi) Columbia University School of Business à New York.

Premiers boulots
- 1931 : Retour à Jackson. Mort de son père, à qui sa mère survivra 35 ans.
- 1931-1933 : Petits boulots (presse et radio locales).

- 1933-1936 : premier emploi à plein temps elle entre comme attachée de publicité à la
Works Progress Administration, créée par le président Roosevelt au moment de la Grande Dépression pour résorber le chômage via une politique de grands travaux, elle sillonne le Mississippi, écrivant des articles et prenant des premières photographies ; elle mène des interviews, recueille des histoires et des photos de la vie quotidienne dans le Mississippi ; elle acquiert ainsi une vision plus large de la vie du Sud et des relations humaines dont elle s'inspire pour ses nouvelles.

Sa carrière littéraire
Trois ans plus tard, elle quitte son emploi pour se consacrer à la création.
- 1936 : première exposition à New York aux Photographic Galleries of Lugene Opticians. Publication de sa première nouvelle, Death of a Traveling Salesman, dans la revue Manuscript.
- 1940 : Diarmuid Russell lui propose ses services d'agent littéraire (voir "D’où viennent les écrivains ?" Marie-Andrée Lamontagne, Liberté, 1993)
- 1941 (premier recueil publié) : A Curtain of Green (L'Homme pétrifié, 1986)

- 1942 (premier roman) : The Robber Bridegroom (Le Brigand bien-aimé, 1989)
- 1943 (nouvelles) : The Wide Net and Other Stories (Le Chapeau violet, 1987)
-1946
(roman) : Delta Wedding (Mariage au Delta, 1957)
- 1949 (nouvelles) : The Golden Apples (Les Pommes d'or, 1995)
- 1949 : Bourse Guggenheim, pour un voyage en Europe (France, Italie, Angleterre, Irlande).

Voir la suite, c'est-à-dire LA LISTE nombreuse des livres d'Eudora Welty publiés aux USA.

Eudora Welty connaît honneurs et distinctions, y compris en France
-
1952 : élue au National Institute of Arts and Letters 1969 : membre de l' Académie américaine des arts et des sciences
- 1973 : Prix Pulitzer pour
The Optimist's Daughter (La Fille de l’optimiste, Calmann-Lévy, 1974)
- 1983 : invitée par l'Université de Harvard à donner des conférences qui seront publiées : One Writer's Beginnings (
Les débuts d'un écrivain, Flammarion, 1989)
- 1987 : la France la fait Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres.
- 1993 : Docteur Honoris Causa de l’Université de Bourgogne
- 1996 : la France la fait Chevalier de la Légion d’Honneur. Le consul français, Gérard Blanchot, se déplace à Jackson pour la lui remettre : "C'est un honneur. Je suis si excitée." dit-elle la veille. Elle se rendra à la cérémonie en robe noire et blanche, au bras du romancier Richard Ford, un voisin, né à Jackson lui aussi, et qui l'entoure d'une affection amusée (nous avions lu de Richard Ford Un week-end dans le Michigan). Il en fait un article dans Le New Yorker : "Bonhomie for a Southern Belletrist: Why the French love Eudora Welty", 19 février 1996.

Des adaptations sur scène ou à l'écran
- 1956 : le roman publié en 1954 The Ponder Heart (Oncle Daniel le Généreux, Flammarion, 1997) sera monté à Broadway en 1956.
- 1975 :
The Robber Bridegroom (Le Brigand bien-aimé, Flammarion, 1989) estadapté sous forme d'une comédie musicale du même nom à Broadway par Alfred Uhry (livret) et Robert Waldman (musique).
- 1983 puis 1987 : ses interventions à l'University d'Harvard sont publiées sous forme de mémoires intitulées Les débuts d'un écrivain : c'était le premier livre publié par Harvard University Press à être un best-seller du New York Times (au moins 32 semaines sur la liste) et finaliste pour le 1984 National Book Award for Nonfiction... Il devint en 1987 pour la BBC un film documentaire de Patchy Wheatley où Eudora Welty, scénariste, joue son propre rôle.

Des potins ?
Douée en amitié, elle fut plutôt fouareuse en amour..
L'histoire d'amour de sa jeunesse, avec l'apprenti écrivain John Robinson, avait pris fin lorsqu'il était apparu qu'il vivait avec un autre homme ; Welty est resté amie avec lui par la suite.
Elle a beaucoup voyagé, travaillé intensément et entretenu une coterie d'amis dévoués ; après la mort de son frère, elle s'est également occupée de ses nièces.
L'autre grande histoire d'Eudora était pour Kenneth Millar, mieux connu sous le nom d'auteur de policiers Ross Macdonald avec qui elle correspondait et qu'elle a finalement rencontré, par accident, alors qu'ils séjournaient tous les deux dans le même hôtel. Millar était marié à l'écrivaine Margaret Millar, qui était jalouse de Welty et ravie de réprimander publiquement son mari. La relation entre Welty et Millar a été en grande partie épistolaire, ponctuée de rencontres intenses.
L'ont-ils fait ou non, le mystère demeure entier... 300 lettres que Welty et Macdonald ont échangées entre 1970 et 1982 ont été éditées.

Eudora Welty dans son bureau dans sa maison de Jackson, Mississippi, où elle écrivit presque tous ses livres.

"C’est un peu un cliché sur Welty que de la présenter comme une espèce de Miss Marple qui n’est jamais sortie de son trou, alors qu’elle a fait une partie de ses études en dehors du Sud, fait de longs séjours à New York, plusieurs mois à San Francisco. Celle qui est devenue une vieille dame qui a toujours vécu dans le Mississipi a donc une connaissance du reste des États-Unis." (Jean-Marc Victor, "Le Sud et ses fictions : à propos des nouvelles de Eudora Welty", entretien, EchoGéo, 2015).
Sans parler du fait qu'elle a voyagé en Europe...

Au fait, et la religion ?
Un de ses grands-pères avait été prédicateur baptiste. À Jackson, des évangélistes se produisaient de façon spectaculaire. "J'en arrivai tout naturellement à comprendre que la vénération que m'inspire le sacré de la vie, il est peu vraisemblable que je ne la trouve jamais encouragée par la religion organisée. C'est plus tard, quand je fus en mesure de voyager plus loin, et dans la mesure où je pouvais le percevoir, que la présence du sacré et du mystère me parut descendre dans les vitraux de Chartres, dans les silhouettes de paysans des chapiteaux d'Autun"…
Comme quoi le Mississipi n'est pas sa seule référence...

LES ŒUVRES PUBLIÉES



Voici les livres traduits en français

Peu de livres restent disponibles en France : un recueil de nouvelles, deux romans.
Son premier livre traduit en français en 1986 est L'Homme pétrifié qui avait été publié aux Etats-Unis 45 ans plus tôt. Voir l'article dans Le Monde de Nicole Zand dont le titre s'exclame : "Découvrir enfin Eudora Welty"
.

- Quatre recueils de nouvelles : Le Chapeau violet, L'Homme pétrifié (épuisé), Les Pommes d'or (épuisé), La Mariée de l'Innisfallen (épuisé)
- Quatre romans : Le Brigand bien-aimé, La Fille de l’optimiste, Mariage au Delta (épuisé), Oncle Daniel le Généreux (épuisé)
- Un volume
Fictions, réunissant les nouvelles et deux romans : les romans Le Brigand bien-aimé et Oncle Daniel le généreux, la nouvelle Acrobates dans un parc, les recueils de nouvelles L'Homme pétrifié, Le Chapeau violet, Les Pommes d'or et La Mariée de l'Innisfallen (épuisé)
- Un essai : Les débuts d'un écrivain (épuisé), avec trois parties "Ecouter", "Apprendre à voir", "Trouver une voix".

L'épuisement des livres est signalé pour montrer qu'Eudora Welty n'est guère lue en ce moment... (Pour rappel
: LA LISTE des livres d'Eudora Welty publiés aux USA).

Eudora Welty était aussi photographe (voir quelques photos sur Aware) : elle travaille dans les années 1930 pour la Works Progress Administration, pour laquelle elle parcourt le Mississippi marqué par la Dépression, en photographiant des gens de toutes les origines et de tous les milieux sociaux.

Exposées à New York, ses photos sont publiées dans deux recueils : One Time, One Place (1971) et Photographs (1989). Voir la présentation de l'ouvrage de Géraldine Chouard : Eudora Welty et la photographie : naissance d'une vision, Michel Houdiard éditeur, 2012.

On peut visionner des photos ici : "The Photography of Eudora Welty", par Smithsonian Magazine, 3 min 59.

AUTOUR DU BRIGAND BIEN-AIMÉ : Faulkner, Grimm, Margaret Atwood, Mike Fink, piste de Natchez, une comédie musicale


Le livre paraît en 1942. Faulkner en personne écrit à son auteure : Vous vous débrouillez bien. Puis-je vous aider ? Qui êtes-vous ? Quel âge avez-vous ?
Ayant perdu la lettre, Eudora Welty l'a retrouvée à l'Université de Virginie qui l'avait achetée une fortune : "Quelqu'un avait retrouvé la lettre et, plutôt que de me la rendre, l'avait vendue" a-t-elle raconté. Voici le texte de la
lettre en question :

27 April [1943]
Dear Welty:
You are doing fine. You are doing all right. I read THE GILDED SIX BITS, a friend loaned me THE ROBBER BRIDE-GROOM, I have just bought the collection named GREEN something, haven't read it yet, expect nothing from it because I expect from you. You are doing very fine. Is there any way I can help you? How old are you?
When I read THE ROBBER BRIDEGROOM I thought of course of Djuna Barnes, the same as you thought of Djuna Barnes. I expect you to pass that, though.
Do you mind telling me about your background? My address is below, until July.
Faulkner

William Faulkner écrit à Eudora Welty de Californie, où il travaille sur des scénarios pour Warner Brothers Studios. Pourquoi écrit-il spontanément à cette jeune écrivaine du Sud qu'il ne connaît pas ?
Eudora Welty a encadré et accroché la lettre dans une pièce à l'étage de la maison où elle vit depuis 1924, dans la pièce où se trouve le bureau où elle écrit.
..

L'histoire du Brigand bien-aimé (The Robber Bridegroom) est inspirée d'un conte de Grimm Der Räuberbräutigam (voir les textes ici en allemand et anglais, traduit en français Le fiancé voleur (texte ici en français).

Margaret Atwood a aussi écrit un Fiancé voleur en 1993 : The Robber Bride, en poche ici.

Dès l'ouverture de la nouvelle, apparaît Mike Fink qui exista, véritable figure légendaire.

L'histoire suit Clement Musgrove chez lui sur la piste de Natchez : c'est une piste historique de 708 km de long entre Natchez dans le Mississippi et Nashville dans le Tennessee reliant les rivières Cumberland, Tennessee et le fleuve Mississippi. Elle a été intensément utilisée par les Indiens d'Amérique et les explorateurs européens blancs comme route de transit à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe. De nos jours, la piste est commémorée avec la Natchez Trace Parkway longue de 277 km qui suit approximativement son tracé. Certaines portions de la piste sont encore accessibles.

Le roman a été adapté sous forme d'une comédie musicale du même nom à Broadway par Alfred Uhry (livret) et Robert Waldman (musique).

Ce qu'en disent :

- Le Monde, lorque le roman est traduit en français, 47 ans après qu'il est sorti aux USA... :

Dédié à la préfacière de l'Homme pétrifié, Katherine Ann Porter, l'auteur célèbre de la Nef des fous, qui, avec Robert Penn Warren, avait été l'une des premières à croire en son talent, le Brigand bien-aimé (The Robber Bridegroom, 1942) est la première incursion d'Eudora Welty dans le domaine du roman. Un court roman - ce qu'en anglais on appelle novella, et qui n'a pas de nom en français - qui semble être le prolongement des contes de fées qui ont marqué son enfance et que cette conteuse de race retranscrit à sa façon en les ancrant entre le Mississippi et la Vieille Piste de Natchez, "cet ancien tracé de bisons, où les voyageurs de passage étaient attaqués par les bandits et les indiens, ou éventrés par les animaux sauvages", dans le deep South d'une époque reculée, dans la Louisiane du dix-huitième siècle.
Qu'avait-elle en tête, l'Eudora Welty de trente ans, lorsqu'elle nous contait cette histoire de bandits ? On pourrait penser qu'elle a rêvé être Rosamonde, "une fille aux cheveux d'or que sa marâtre (Salomé) enfermait dans sa chambre pour la punir de chanter, et qui chantait pourtant", victime de son affreuse belle-mère jalouse de l'adoration que voue à sa fille son mari, Clement Musgrove, "planteur innocent" venu des terres vierges des forêts qui longent le Mississippi. Rosamonde, hardie, têtue, mythomane presque ("Elle pensait que les Indiens l'enlèveraient peut-être, et qu'ils l'adopteraient dans leur tribu, et lui donneraient un autre nom, ou qu'un léopard l'emporterait dans sa gueule avant qu'elle ait pu proférer un mot.")
Est-elle menteuse prosaïque ou romancière inventive cette Rosamonde, enlevée par un brigand qui, justement, avait sauvé un jour son père de la mort. Rosamonde, la belle, qui, pour échapper aux mauvais sorts de la méchante jalouse belle-mère, part sur les chemins à la recherche de son brigand Jamie Lockhart. La première fois qu'il la vit, il la fit mettre nue, effeuillant un à un tous ses jupons au milieu de la forêt ! Grande lectrice de Grimm, d'Andersen, de Perrault, de Swift et des Mille et Une Nuits, l'auteur accumule, dans cette narration, comme dans un jeu à la fois personnel et "à la manière de", une série de quiproquos et de fantasmes, qui sont la loi du genre... Ils se marièrent, eurent de beaux jumeaux et tout se termina le plus heureusement du monde, puisque Jamie, tout naturellement, cessa d'être bandit pour se muer en marchand fortuné de La Nouvelle-Orléans, "transformation si facile qu'on pouvait à peine parler de changement".

- Plus récemment Léon-Marc Levy, dans le magazine en ligne La Cause litttéraire, 23 juin 2020 :

Le thème du brigand bien-aimé est récurrent dans l'imaginaire américain et dominé par la figure de personnages souvent peu recommandables. Jesse James en est devenu le représentant le plus connu - probablement grâce au film d'Henry King en 1939 - et pourtant James était un voleur de grand chemin, un tueur redoutable. On peut y ajouter Billy Le Kid, encore plus violent et sanguinaire. Eudora Welty bâtit son conte autour de Jamie Lockhart, personnage imaginé par elle et qui est probablement la combinaison de plusieurs personnages réels de bandits plus ou moins populaires dans le Sud, autour de Natchez, Mississippi.
Jamie n'est pas recommandable non plus quant à son casier judiciaire, lui aussi voleur et tueur. Mais, sous la plume d'Eudora Welty, il revêtira peu à peu les habits du Prince Charmant.
Car c'est un conte, dans la lignée prestigieuse des contes populaires. Ce qu'il faut de merveilleux, ce qu'il faut de cruauté, avec une ligne forte qui passe entre méchants et gentils. Tout y est, le brave paysan planteur naïf, voire un peu "innocent", sa fille blonde et belle comme une princesse, sa femme - marâtre de la fille - méchante et laide comme une sorcière, des figures sorties de l'Enfer et bien sûr, Jamie Lockhart, le brigand bien-aimé - version weltyenne du Prince Charmant - diable séduisant que l'amour conduira à la rédemption.
Pas de "Once upon a time/il était une fois" mais on l'entend comme s'il y était !

Qui est la dédicataire ?
Le style de vie de Katherine Anne Porter (née en 1890) - changeant souvent de lieu de vie, passant d'un amant à l'autre - ne ressemblait guère à celui d'Eudora Welty (née en 1
909), qui est retournée dans sa maison familiale au début de la vingtaine et y est restée célibataire jusqu'à son dernier jour.
Mais à la fin des années 1930, lorsque Katherine Anne Porter, écrivaine confirmée, auteure notamment de la Nef des fous,
qui a la quarantaine tombe sur les nouvelles de Welty dans la Southern Review, elle sent qu'elle a trouvé une âme sœur chez la jeune femme de 28 ans.
Welty n'oubliera jamais les coups de pouce qu'elle a reçus de l'écrivaine, repensant avec émerveillement à sa première lettre qui semblait tomber du ciel. Porter invitait la jeune femme à lui rendre visite dans l'appartement qu'elle partageait avec son troisième mari à Baton Rouge en Louisiane, à 150 miles au sud de Jackson où Welty vivait avec sa mère dans leur grande maison de style néo Tudor. Il a fallu six mois à Welty pour rassembler le courage d'accepter l'invitation : elle a fait deux fois la moitié du chemin avant de rebrousser chemin. Mais la rencontre, amicale, finit par avoir lieu.
Les deux femmes partageaient une profonde admiration pour le travail de Jane Austen, Virginia Woolf et Katherine Mansfield.
Katherine Anne Porter a fait son possible pour aider la jeune écrivaine, contribuant à sa nomination à des prix, la présentant à Ford Madox Ford, invitant Welty à l'accompagner à Yaddo - une prestigieuse colonie d'artistes dans le nord de l'État de New York. Porter a commencé à travailler sur une préface au premier recueil de nouvelles de Welty, A Curtain of Green - un acte qui, selon Porter elle-même, ajouterait 10 000 $ aux ventes du livre... Mais la chose ne s'est pas faite sans complications : Porter, qui avait toujours eu du mal avec les délais, n'a pas réussi à le faire à temps. Welty a préféré reporter la date de publication et le livre est finalement sorti avec l'avant-propos promis... (infos tirées d'un article rigolo : "Katherine Anne Porter et Eudora Welty", par Emma Claire Sweeney, site somethingrhymed.com, 7 juillet 2017).

DES ÉTUDES PEU NOMBREUSES EN FRANCE

En France, on peut dénombrer les universitaires spécialistes de notre auteure.
La première fut
Danièle Pitavay
, professeure de littérature nord-américaine à l'Université de Bourgogne, auteure de :
- une thèse en 1982 La technique dans l'œuvre d'Eudora Welty : la mort de Méduse, suivie 10 ans plus tard de :
-
La mort de la Méduse : l'art de la nouvelle chez Eudora Welty, Presses universitaires de Lyon, 1992 (épuisé)

- Eudora Welty : les sortilèges du conteur
, Danièle Pitavy-Souques, Belin, Voix américaines, 1999 (épuisé)
- "Eudora Welty in France: Delta V", Eudora Welty Review, University of Pennsylvania Press, 2009, p. 217-220
-
Eudora Welty and the Poetics of the Body (avec certaines contributions du colloque au même titre tenu à Rennes en 2002 sous les auspices de la Fondation Faulkner basée à Rennes ; tous les textes, sauf un, sont en anglais, dans la mesure où les auteurs spécialistes de Welty sont dans leur grande majorité américains), revue Etudes faulknériennes, Presses universitaires de Lyon, 2005, dir. avec Géraldine Chouard, autre spécialiste, auteure également de :
- "Eudora Welty de A à Z : L’Amérique à la lettre", Transatlantica, 2002, article très détaillé de 60 p.
- Eudora welty et la photographie naissance d'une vision, éd. Michel Houdiard, 2012.

Citons aussi Jean-Marc Victor qui a soutenu une thèse en 1999 "L'esthétique de la trace dans l'œuvre de Eudora Welty" et publié des articles : "Regarder ceux qui regardent : Eudora Welty photographe", Transatlantica, 2010 ; "Le Sud et ses fictions : à propos des nouvelles de Eudora Welty", entretien, EchoGéo, 2015.

En revanche aux États-Unis, il existe :
- The Eudora Welty Review (depuis 1977)
sans parler de :
- The Eudora Welty Society
- The Fondation Eudora Welty.

DES ARTICLES


Pour chaque article qui suit, figure un extrait.

- "Découvrir enfin Eudora Welty", Nicole Zand, Le Monde, 31 janvier 1986

Considérée comme un des meilleurs écrivains vivants des États-Unis, titulaire des plus prestigieuses récompenses littéraires de son pays (prix Pulitzer, American Book Award for Fiction, Médaille d'or du roman, etc.), Eudora Welty n'a pas eu de chance, jusqu'ici, avec la France. Deux romans traduits en français depuis trente ans (1) n'avaient pas réussi à faire connaître cette femme discrète, secrète, en dehors des modes, en dehors des engagements politiques, qui a influencé nombre d'écrivains américains blancs et noirs d'aujourd'hui. C'est son premier livre qui paraît aujourd'hui chez Flammarion, un recueil de nouvelles intitulé en français L'Homme pétrifié (2), qui, à cause des labyrinthes mystérieux de l'édition de littérature étrangère, nous arrive plus de quarante ans après sa parution aux États-Unis.
Il est étrange pour le lecteur de découvrir en 1986 des textes considérés comme des classiques dans les manuels universitaires.

(1) Mariage au Delta, traduit par Lola Tranec (Gallimard, 1957) et La Fille de l’optimiste, traduit par Louise Serviceli (Calmann-Lévy, 1974).
(2) Ce recueil de nouvelles avait paru en 1941 sous le titre d'une autre nouvelle du volume : A Curtain of Green (Un rideau de verdure). La plus ancienne, Mort d'un voyageur de commerce, avait été publiée dans une revue en 1936, d'autres dans The Southern Review, grâce à Robert Penn Warren.

- "Eudora Welty, l'ultime survivante de la génération des grands écrivains du Sud américain", Josyane Savigneau, Le Monde, 26 juillet 2001

Elle était "la dernière survivante", la dernière à pouvoir raconter ses balades en canoë avec William Faulkner, de douze ans son aîné : "C'était un géant, le plus grand de nous tous, ceux qu'on a abusivement désignés comme 'les écrivains du Sud', car nous ne formions ni un groupe ni une école."
Eudora Welty, cette éternelle jeune fille, délicate et déterminée à la fois, timide et obstinée, vient de mourir, lundi 23 juillet, à l'âge de quatre-vingt-douze ans, à Jackson (Mississippi). Elle y était née le 13 avril 1909 et n'en avait guère bougé.

- "Qui êtes-vous Eudora Welty ?", Marion van Renterghem, Le Monde, 22 décembre 1995

William Faulkner lui avait écrit : "Qui êtes-vous ? Quel âge avez-vous ? Où habitez-vous ? Puis-je vous aider ?" C'était en 1942, il venait de lire Le Brigand bien-aimé, premier roman féerique d'une drôle de dame qui avait déjà publié, un an auparavant, un recueil de nouvelles et qui, comme lui, avait la voix du Sud. Quand il l'a emmenée faire un tour en bateau, sur le Mississippi, ils ne se sont presque rien dit. Eudora Welty regardait l'eau.

- "Un air de Mississippi", Marion Van Renterghem, Le Monde, 21 juin 1996

Leurs maisons d'enfance sont très exactement l'une en face de l'autre. Eudora Welty, quatre-vingt-sept ans, Richard Ford, cinquante et un ans. Elle, pour l'ancien temps du Sud et lui pour le nouveau, industrialisé, déjà loin des clichés du Deep South, qu'Eudora Welty n'a pas quitté. "C'est un pays étrange, amphibie, et partout une même solitude l'habitait. C'était d'abord le Sud", écrit-elle. Dans l'école qu'ils ont fréquentée tous les deux, à une quarantaine d'années d'intervalle, c'est tout juste si on ne leur a pas édifié des totems. Au-dessus d'une bombonne à eau, une inscription invite en tout cas à croire au miracle : "Eudora Welty et Richard Ford, tous deux Prix Pulitzer, ont bu à ce robinet. Et si c'était dans l'eau ?"

"Splendeurs et misères du sud profond", Manuel Carcassonne, La Revue des deux mondes, avril 1999

L'école du Sud, c'est le sens de la conversation, la continuité des traditions, les repères fixes de la famille dans un pays où chacun bouge. "Je pense que l'un des avantages d'être un écrivain sudiste tient dans l'appartenance à une sous-culture, dans un sens, mais dans l'autre, au privilège de regarder les événements de l'extérieur." Mais ne fallait-il pas sinon s'exiler, du moins tempêter, lors de la flambée du racisme, dans les années soixante ? On le lui reprochera. A l'heure du "politiquement correct", miss Welty reste l'incorrecte observatrice, sans parti pris, d'une société où la mixité sociale, le métissage n'existaient pas encore. Eudora reçoit à l'aube des coups de téléphone anonymes, qui déchargent leur colère devant son désengagement politique. Mais jamais elle ne juge, jamais elle ne condamne. Ses livres vivent pour elle. Trop mystérieuse ? Trop discrète ? Que cache-t-elle ? Cela ne nous regarde pas. Sagace, à sa fenêtre, elle confie : "J'ai une vie tranquille, du moins en apparence." Et ailleurs, dans les Débuts d'un écrivain, son seul texte autobiographique dit en conférence à Harvard, coulée des sens (mémoire, vision, toucher), elle glisse : "Je ne suis pas passée à côté de l'amour." Quel sens de l'ellipse !

- "Bonnes nouvelles du vieux Sud", Josyane Savigneau, Le Monde, 1er décembre 2000

On a beau répéter qu'elle est la dernière survivante de la grande génération des écrivains du Sud - cadette de douze ans de Faulkner, qui l'appréciait - et qu'elle est probablement la plus talentueuse des nouvellistes américaines du siècle, rien n'y fait. Eudora Welty, née le 13 avril 1909 à Jackson, Mississippi, où elle habite encore, n'est pas reconnue en France à sa juste mesure. Publiée dans les années 50 chez Gallimard, elle dut attendre près de vingt ans pour voir paraître un autre titre, chez Calmann-Lévy, et encore quatorze ans pour que l'on s'intéresse vraiment à son œuvre et que l'on commence, chez Flammarion, à la traduire dans son intégralité.
Il reste à espérer que l'excellente initiative de Flammarion qui sort, dans sa collection "Mille & une pages", sept titres de Welty, va permettre aux Français de mieux connaître cette aînée de Flannery O'Connor et de Carson McCullers.

- "Eudora Welty, grande écrivaine du Sud", Mathieu Lindon, Libération, 25 juillet 2001

La nouvelliste et romancière américaine morte à 92 ans reste méconnue en France.
Contrairement à bon nombre de grands écrivains américains qui furent célébrés en France avant de conquérir une notoriété chez eux, Eudora Welty, morte lundi à 92 ans d'une pneumonie, n'a jamais conquis de ce côté-ci de l'Atlantique la réputation et le succès qu'elle obtint en définitive dans sa patrie. Sa position était particulière. Nouvelliste et romancière (et photographe), l'auteur des Débuts d'un écrivain, des Pommes d'or et de l'Homme pétrifié (la plus grande partie de son oeuvre traduite l'est chez Flammarion, en particulier dans le gros recueil Fictions en "Mille et Une pages" établi par Michel Gresset, traducteur d'Eudora Welty et de Faulkner) est née à Jackson, Mississippi, le 13 avril 1909, c'est-à-dire douze ans seulement après Faulkner qui a vite pris pour lui le titre de grand écrivain du Sud.
En 1942, après la parution du Brigand bien-aimé, il avait envoyé une lettre fameuse à cet écrivain venue de nulle part sinon du Mississippi : "Qui êtes-vous ? Quel âge avez-vous ? Puis-je vous aider ?" Ayant perdu la lettre, elle l'a retrouvée à l'université de Virginie qui l'avait achetée une fortune. "Quelqu'un avait retrouvé la lettre et, plutôt que de me la rendre, l'avait vendue", dit Eudora Welty à Libération venu lui rendre visite (dans notre numéro du 11 mai 1989).

- "L'ultime survivante de la génération des écrivains du Sud", Josyane Savigneau, Le Monde, 26 juillet 2001

Elle était "la dernière survivante", la dernière à pouvoir raconter ses balades en canoë avec William Faulkner, de douze ans son aîné : "C'était un géant, le plus grand de nous tous, ceux qu'on a abusivement désignés comme 'les écrivains du Sud', car nous ne formions ni un groupe ni une école." Eudora Welty, cette éternelle jeune fille, délicate et déterminée à la fois, timide et obstinée, vient de mourir, lundi 23 juillet, à l'âge de quatre-vingt-douze ans (…).
C'est plus sûrement parce que cet écrivain magnifique est une nouvelliste qu'elle a, ici, un public restreint. Et probablement aussi parce que, malgré le travail remarquable de ses traducteurs, son style, tout de délicatesse et de poésie, ne peut être vraiment restitué dans une autre langue. (…) "Eh oui, aux Etats-Unis aussi, les éditeurs poussent les auteurs à écrire des romans, constatait-elle avec une résignation amusée. J'ai été obligée de le faire. Si l'on lit bien Mariage au Delta ou La Fille de l'optimiste, on voit que ce ne sont pas de vrais romans. Plutôt des nouvelles 'étirées'. Le texte court me convient mieux. J'ai peu de goût pour les explications et les commentaires." Et elle profitait de cette remarque pour enchaîner sur les reproches qu'on lui avait faits, de ne pas avoir milité pour les droits civiques. Elle ne cachait rien de son enfance de petite fille blanche "ne se posant aucune question sur la condition des Noirs", puis de sa prise de conscience de "la situation dans le Sud". "Il n'était pas rare qu'à New York je m'entende demander : 'Combien de nègres a-t-on lynchés chez vous cette semaine ?' On me reprochait de ne pas avoir parlé des Noirs dans mes livres et de ne pas faire une œuvre qui milite pour le changement. La condition des Noirs, je l'ai abondamment décrite [elle a aussi réalisé un reportage photographique sur l'État du Mississippi, en 1933, pendant la Grande Dépression], mais j'ai toujours été résolument opposée à ce qu'on appelle la littérature engagée. Les positions que j'ai prises, dans la vie, au moment de la lutte pour les droits civiques, ne regardent que moi, comme personne privée, comme tout autre citoyen, et il était bien évident, pour qui m'avait lue, que je ne pouvais qu'être favorable à la fin de la ségrégation. Mais le propos d'une œuvre de fiction n'est pas de dire aux autres ce qu'ils doivent faire. La fiction, pour moi, explore, désigne, révèle, témoigne, elle ne juge pas, elle ne moralise pas."

- "L'œil d'Eudora Welty", Florence Noiville, Le Monde, 25 octobre 2002

Initiées par la Fondation Faulkner, les journées consacrées à la romancière et nouvelliste ont permis d'éclairer toutes les facettes de son œuvre, dont celle, très méconnue, de son travail photographique. (...)
Le Sud est là, exactement comme dans les livres, avec le même "œil", la même minutie, la même précision dans la description des lieux et des atmosphères. Avant tout, il s'agit de restituer des "états d'âmes", note Géraldine Chouard, commissaire de l'exposition.

EUDORA WELTY EN VIDÉO

Interviews en anglais de Eudora Welty :

- 1971 : MPB Books Mississippi Public Broadcasting, sur YouTube, 3 min.

- 1979 : par Dick Cavett dans son Show, 19 et 20 mai 1979, sur YouTube et 20 mai, sur YouTube, deux épisodes de 30 min.

- 1988 : Conversation Between Eudora Welty and Cleanth Brooks, sur YouTube, 8 min 19.

- Comment a été réalisé le portrait d'Eudora Welty par Mildred Nungester Wolfe en 1988, à la National Portrait Gallery, par Warren Perr, sur YouTube, 2 min 51.

EUDORA WELTY ET QUELQUES ÉCRIVAINS

Elle est membre fondateur en 1987 de la Fellowship of Southern Writers qui rassemble des "écrivains du Sud".

Elle a fait paraître de nombreuses critiques littéraires, principalement dans The New York Times Book Review, un supplément hebdomadaire littéraire du New York Times, et ce, entre 1942 et 1984. Elles sont réunies dans A Writer's Eye: Collected Book Reviews : on trouve les noms de Virginia Woolf, William Faulkner, V. S. Pritchett, Colette, Isak Dinesen, E. B. White, E. M. Forster, J. D. Salinger, Ross Macdonald, Patrick White, S. J. Perelman, Annie Dillard, Elizabeth Bowen (Irlandaise avec qui elle noua une amitié), Katherine Anne Porter à qui est dédiée Le Brigand bien-aimé car elle préfaça

Voici quelques extraits d'une interview par Linda Kuehl, The Paris Review, automne 1972 (revue littéraire trimestrielle anglophone fondée en 1953 à Paris et installée à New York depuis 1973) :

Vous avez écrit quelque part que nous devrions encore tolérer le genre de roman familial de Jane Austen. Austen est-elle une âme sœur ?

Eudora Welty - Tolérer ? C'est bien le moins qu'on puisse dire ! J'aime et j'admire tout ce qu'elle fait, et profondément, mais je ne la lis pas, ni personne d'autre, parce qu'elle est proche de moi. La pièce à laquelle vous faites référence a été écrite sur commande pour Brief Lives, une anthologie que Louis Kronenberger éditait. Il m'a proposé soit Jane Austen, soit Tchekhov, et Tchekhov, j'ose croire, est plus "familier". Je me sens plus proche de lui par l'esprit, mais je n'étais pas capable de lire le russe, ce qui me semblait nécessaire si l'on voulait écrire sur lui. Tchekhov est l'un d'entre nous - si proche du monde d'aujourd'hui, à mon avis, et très proche du Sud - ce que Stark Young a souligné il y a longtemps.

Pourquoi Tchekhov est-il proche du Sud d'aujourd'hui ?

Il aimait la singularité des gens, l'individualité. Il tenait pour acquis le sens de la famille. Il avait le sens du destin dépassant un mode de vie, et son humour russe me semble proche de l'humour d'un sudiste. C'est le genre d'humour qui tient essentiellement au caractère. Vous savez, dans Oncle Vania et La Cerisaie, les gens sont toujours réunis et ne cessent de parler, sans que personne n'écoute vraiment. Pourtant, il y a un grand amour et une grande compréhension qui prévalent à travers tout cela, une connaissance et une acceptation des idiosyncrasies de l'autre, une tolérance à leur égard, et aussi un plaisir aigu du dramatique. Comme dans Les Trois Sœurs, tant que le feu continue de brûler, ils parlent tout au long de leur épuisement, et Vershinin dit : "Je sens une étrange excitation dans l'air", et rit, chante et parle de l'avenir. Ce genre de réactivité au monde, à tout ce qui arrive, du plus profond de leur personnalité me semble très sudiste. Quoi qu'il en soit, j'ai pris un plaisir fantasque à Tchekhov, et peu à peu la connexion s'est imposée à moi.

Revenez-vous parfois à Virginia Woolf ?

Oui. C'est elle qui a ouvert la porte. Quand j'ai lu La promenade au phare, j'ai ressenti, Ciel, qu'est-ce que c'est ? J'étais tellement excitée par l'expérience que je ne pouvais ni dormir ni manger. Je l'ai relu plusieurs fois depuis lors, bien que ces jours-ci je revienne plus souvent à son journal. Chaque jour où vous l'ouvrirez sera tragique, et pourtant toutes les choses merveilleuses qu'elle dit sur son travail, sur le travail, vous laissent empli d'une joie plus forte que la profonde tristesse que l'on ressent pour elle.


Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
à moitié
un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !

 

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