Truman CAPOTE, Musique
pour caméléons, trad. Henri Robillot, Folio, 320
p.
Quatrième de couverture :
Quil accompagne à New York sa femme de ménage dans
une tournée chez ses divers clients, quil évoque le
Sud profond de son enfance ou enquête sur une série de meurtres
mystérieux, quil rapporte un irrésistible dialogue
avec Marilyn Monroe et opte pour le registre comique ou pathétique,
Truman Capote fait toujours preuve dune parfaite maîtrise
du récit, dun art décrire incomparable.
Musique pour caméléons réunit une gamme étonnamment
variée de textes, depuis les plus courts - le récit de M.
Jones est dune fulgurante brièveté - jusquaux
plus longs - tel le terrible Cercueils sur mesure, véritable
roman ramassé sur quatre-vingts pages, aboutissement dune
technique littéraire longuement mûrie, encore affinée
depuis les célèbres Petit déjeuner chez Tiffany
et De sang-froid.
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Truman Capote (1924-1984)
Musique pour caméléons (1980)
Le nouveau groupe a lu ce livre en 2023.
Nous avions lu De Sang-froid
en 1999.
Nathalie B
Je ne suis pas particulièrement fan des nouvelles. J'ai eu du mal
à commencer et n'ai eu le temps de lire que deux nouvelles : "Monsieur
Jones" et "Quelqu'un d'autre y habite", mais elles ne m'ont
vraiment pas transcendée. Je suis donc curieuse de savoir ce que
les autres en pensent.
Audrey
La préface, avec son discours sur la littérature, m'a beaucoup
accrochée. Mais ensuite, l'aspect personnel des nouvelles m'a moins
parlé. J'ai lu la première nouvelle, mais je me suis sentie
passer à côté de quelque chose. "Au culot"
a retenu mon attention pour son caractère autobiographique et l'intégrité
journalistique du protagoniste. Malgré cela, les personnages m'ont
semblé trop excentriques, et j'ai fini par arrêter de lire.
Monique M
Ce que j'ai aimé, ce qui me fascine dans ce livre, c'est l'auteur
Truman Capote, tellement humain, capable de s'adapter à toutes
les situations, tous les milieux. Il a été journaliste,
reporter, scénariste, écrivain ; il a côtoyé
la jetset newyorkaise, rencontré Marilyn Monroe, Elisabeth Taylor,
Marlon Brando, John Fitzgerald Kennedy sénateur
fréquenté
les milieux les plus huppés, tout en s'intéressant aux plus
humbles de ses contemporains. Dans ce livre entre fiction et réalité,
il parle de tous : "Et tout est parti de là", révèle
l'habileté de Truman Capote à créer un climat de
confiance avec un détenu, faire apparaître l'engrenage infernal
de ses engagements, ses failles, la faiblesse de ses raisonnements. "Une
journée de travail" est une plongée dans la réalité
de la vie quotidienne d'une femme de ménage, l'auteur relate avec
brio l'histoire de cette femme, son regard plein de bon sens sur ses employeurs,
sa façon de parler, de fumer des joints "pas pour se défoncer
mais pour chasser les idées noires". Dans toutes ces nouvelles,
l'écriture est remarquable, vivante, imagée, allant de la
belle littérature au parler populaire des bas quartiers. Il a une
façon d'entrer à pas de loup dans un récit, d'en
susurrer l'ambiance avant de la faire exploser dans un délire ou
une situation inattendue. Ses nouvelles sont cocasses, loufoques, oniriques,
remplies d'humour et d'imaginaire délirant, d'amour et de poésie
mais aussi réalistes, crues, lucides ; il sait révéler
l'étrangeté d'un lieu, les rapports ambigus entre les personnages
; les textes sont calibrés juste ce qu'il faut pour camper une
situation, donner le frisson au lecteur avant de repartir dans une autre
direction tout aussi inquiétante qui peut s'apaiser avec l'apparition
d'une femme accueillante, pour rebondir encore et se terminer dans le
macabre ("Une lampe à la fenêtre") ou dans le suspens
d'une interrogation ("Cercueils sur mesure "). On sent dans
ce livre que Truman Capote aimait les artistes, les marginaux, il comprenait
et s'intéressait profondément à tout ce qui est humain.
Les deux nouvelles que j'ai préférées sont "Une
journée de travail" qui est l'une des plus loufoques et réjouissantes
de ce livre et que j'ai adorée ; on y voit bien les conditions
de vie de cette femme, sa générosité, sa fantaisie
et la capacité de l'auteur à s'engager auprès d'elle.
Et "Une enfant radieuse" qui décrit avec beaucoup de
subtilité et une tendresse folle, la personnalité fragile
de Marilyn Monroe. Je citerai deux passages particulièrement beaux
: "Appuyée contre une borne d'amarrage, elle présentait
son profil : Galatée contemplant les lointains inexplorés.
Des bouffées de brise ébouriffaient ses cheveux et sa tête
tourna vers moi avec une douceur éthérée, comme si
le vent l'avait fait pivoter" Et plus loin lorsqu'elle lui demande
ce qu'il dirait à propos d'elle, il répond : "Je
dirais
(La lumière baissait, Marilyn semblait s'estomper
avec elle, se fondre dans le ciel et les nuages, s'amenuiser au loin.
Je voulais élever la voix, couvrir les cris des mouettes, la rappeler :
Marilyn ! Marilyn ! Pourquoi faut-il que les choses tournent toujours
de cette façon ? Pourquoi faut-il que la vie soit tellement dégueulasse ?)
Je dirais
Je dirais que tu es une enfant radieuse". Ce
livre est magnifique. Merci à Margot de l'avoir proposé.
Margot
J'avais recommandé "Cercueil
sur mesure", car cette nouvelle, brève, est révélatrice
du style et de l'écriture de Truman Capote. Dire en premier lieu
que l'écriture de Capote fait un sort à toutes nos représentations,
elle est ancrée dans le réel certes mais un réel
qu'il prend à rebrousse-poil. La nouvelle condense une fracture
américaine irréconciliable et détricote tous les
lieux communs de l'une et de l'autre : l'Amérique rurale et
désertique des ranchs où le récit fait alors la peau
au genre policier. Un détective butté qui piétine
et s'acharne, un puissant fermier, truand et criminel notoire protégé
par son passé de Marines, intouchable. Une ville aux habitants
plongés dans la jouissance de la soumission. De l'autre : l'Amérique
urbaine, new-yorkaise, aisée, oisive, alcoolique et qui se vautre
dans les racines culturelles européennes. Une écriture donc
très politique qui ne se berce d'aucune illusion et rappe jusqu'à
l'os les représentations. Bien plus encore, sur le plan de l'écriture
: c'est un voyage aux franges du réel (série de meurtres
et enquête du détective), de l'imaginaire (l'élément
captivant et la double détente de l'annonce et de la mort avec
les petits cercueils envoyés de manière anonyme) et de la
mémoire floue et incertaine (le souvenir terrifiant qui surgit
comme un cauchemar chez un personnage annexe à l'affaire d'un baptême
forcé où le portrait du gourou se confond avec le présumé
coupable des meurtres). Une brève nouvelle mais un triple récit
pourtant qui force au voyage : d'abord sur place pour suivre l'enquête
qui piétine, puis avec un auteur qui s'invite dans le récit
(Truman Capote) et qui oisif part pour l'Europe et nous entraîne
dans ses valises et ses beuveries, enfin avec un retour sur les lieux,
dû à un ultime crime, et rencontre en tête à
tête avec le résumé coupable. À la fin : nous
voilà pauvres lecteurs seuls face au télescopage de la figure
du supposé coupable et du gourou convaincu de sa mission divine.
Coincés dans une éternelle suspension. En somme, une nouvelle
qui emprunte au genre policier pour écrire un contre-polar : depuis
le début nous savons presque avec certitude qui est le coupable
et pire, chaque étape de ce qui va se passer et qui se passe devant
tous, rendus impuissants. Effrayant ! Avec dans les trois moments du récit,
des ruptures de chronologie, d'univers et de styles. D'une incroyable
audace. Il fallait réussir ce tour de force. Il invente un nouveau
genre dont s'inspirent aujourd'hui toutes les séries policières,
une histoire qui n'est plus à démêlée mais
s'écrit sous nos yeux, nous devance, court plus vite que nous et
nous rattrape au tournant.
Ayant presque tout lu de Capote, cette fois grâce à Monique
j'ai relu la totalité des nouvelles du recueil et comme elle je
me suis régalée et en suis restée enchantée
et profondément troublée. L'écriture de Truman Capote
me fait l'effet des ondes du galet jeté avec dextérité
dans l'eau de la rivière. Et aussi comme le dit Monique, ces avancées
en nous, à pas de loup.
Pour moi, une expérience de lecture qui s'ouvre en grand.
François
Truman Capote a passé quatre ans à suivre le procès
qui a inspiré Sang Froid, développant une fascination
pour les accusés. J'ai été marqué par la manière
dont il s'est intégré comme un personnage dans l'histoire.
Son écriture, qui mélange réalité et fantasme,
est brillante. J'apprécie particulièrement sa capacité
à construire un récit à partir de conversations.
Pour moi, Capote est un "dandy de l'horreur", et je suis totalement
conquis par son style. J'ouvre grandement les portes à ses écrits.
Julien
Ma rencontre avec Truman Capote s'est faite à travers "Une
journée de travail", une nouvelle qui m'a frappé par
sa sincérité et sa capacité à capturer un
instant de vie avec une forte intensité. Ce que j'admire chez Capote,
c'est sa manière de flirter avec les frontières du réel.
Son style, empreint de journalisme, confère une authenticité
saisissante aux récits, ouvrant des portes vers des réalités
plus vastes et plus profondes qu'il n'y paraît à première
vue. "Cercueils sur mesure" m'a particulièrement transporté ;
l'enquête menée par l'écrivain et son acolyte Jake
déjoue toutes les attentes. Le rythme du récit, initialement
dense et confiné à une petite ville rurale, s'ouvre et s'évapore
au gré des voyages de l'auteur et des pensées obsessionnelles
de Jake. Même dans le format court de la nouvelle, Capote parvient
à insuffler à ses personnages une profondeur historique
et des secrets qui semblent guider leurs pas. Pour moi, ce livre s'ouvre
sur un univers riche et complexe.
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
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|
à
la folie
grand ouvert
|
beaucoup
¾ ouvert
|
moyennement
à moitié
|
un
peu
ouvert ¼
|
pas
du tout
fermé !
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