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Quatrième de couverture : "Une grande saga familiale dans une
contrée qui ressemble à sy méprendre au Chili.
L'édition de 1982 :
![]() L'édition du 40e anniversaire : La casa de los espíritus, Plaza & Janés, 2022 : ![]()
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Isabel Allende (née en 1942)
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Pense-bête pour se rappeler qui est qui... Severo et Nívea ont deux filles : Rosa et
Clara. |
16
réactions de l'ancien groupe réuni le 16 mai 2025 |
Renée
(avis transmis de Narbonne)
Les esprits sont aussi bien ceux que fait apparaître la grand-mère,
Clara, que les esprits furtifs des persécutés politiques
"qu'accueille" la petite fille Alba. Ce roman relève
exactement du réalisme magique fin 20e des Sud-Américains
: la description de la vie des Chiliens, aussi bien de la paysannerie
que de l'aristocratie est réelle, mais le tout est teinté
de croyances surnaturelles.
Le livre montre la vie de trois générations de Chiliens :
splendeur et déchéance d'une famille, montée de la
contestation du peuple, à partir du milieu 20e, puis pendant la
dictature de Pinochet de 1973.
Il me semble que les événements politiques et sociaux ne
sont pas assez présents pendant la République, dans la première
partie. Je suppose que dans les familles bourgeoises, à cette époque-là,
on regardait de loin la politique, comme si on n'était pas concerné.
Pourtant, sous la présidence d'Allende (3 ans), la crise économique
et sociale provoque un début de révolution populaire basée
sur la lutte des classes. Les amours des jeunes suggèrent que les
différences de classe existent, mais on ne sent pas une contestation
proche de la guerre civile. Bien entendu, dans le dernier tiers du livre,
c'est la répression qui domine.
Amour et violence dans la société et dans la famille : les
portraits de femmes montrent de fortes personnalités, MAIS elles
demeurent victimes de leur milieu social. Aucune n'y échappe.
J'ai beaucoup aimé la nounou qui ne vit qu'à travers les
enfants de ses patrons qu'elle soigne et entoure d'amour, trouvant cela
tout à fait naturel, jusqu'à sa mort.
J'ouvre à moitié. J'ai lu un tiers du livre en espagnol
et je trouvais la langue belle. Comme je lisais trop lentement car il
y a beaucoup d'expressions typiquement chiliennes, j'ai continué
en français, et j'ai été déçue. Je
me suis un peu ennuyée : les personnages sont trop esquissés
pour que l'on s'attache vraiment à eux...
Conclusion : léger mécontentement sur les héros,
sur le contexte historique, sur les actions parfois répétitives.
Annick L(avis
transmis de Londres)
Dans les années 80-90 j'ai eu une longue phase de lectures consacrées
à la littérature sud-américaine, qui était
enfin plus largement traduite en France, l'occasion de découvrir
quelques auteurs remarquables et quelques uvres qui m'ont enchantée,
dont La Maison des esprits. Quand j'ai rouvert ce roman je me suis demandé
si le charme allait encore opérer (j'ai vécu quelques expériences
malheureuses !). Mais j'ai replongé avec un grand bonheur
dans cette saga familiale truculente, ancrée dans un pays latino-américain
fictif mais qui ressemble étrangement au Chili et nous fait traverser
une bonne partie du 20ème siècle, à travers quatre
générations de protagonistes, très incarnés,
autour de la figure d'un patriarche tout à fait détestable.
Ce qui me séduit tout particulièrement c'est le mélange
des genres, complètement baroque : on passe d'évocations
très réalistes - qui campent des personnages, des paysages,
des milieux sociaux, des crises politiques de sinistre mémoire,
etc.- à des scènes complètement irréelles
où les vivants dialoguent avec les esprits et avec les morts, font
voler les meubles, révèlent le futur
ce fameux réalisme
magique que j'adore ! On rit, on pleure, on est effrayé par la
violence des événements, on est touché par la force
d'amour et de résilience que se transmettent les femmes dans cette
famille : Clara la rayonnante, bien sûr, qui échappe
à toute emprise par la puissance de son esprit, sa fille Blanca
qui mène, en toute discrétion, une double vie amoureuse
et sociale (en détournant au profit des plus pauvres les richesses
et les victuailles de la maison paternelle), Alba, la petite-fille adorée
du patriarche, qui sera la première à oser lui tenir tête,
tout en ménageant leur relation, jusqu'à la mort, apaisée,
de celui-ci.
D'autres personnages masculins incarnent la force obscure de cette société
conservatrice : le petit-fils fils bâtard de la paysanne, plein
de rancur et de haine à l'égard de cette famille,
futur tortionnaire de la dictature militaire, mais aussi le comte français
que Blanca, enceinte, va devoir épouser, un pervers inquiétant.
Émergent tout de même quelques belles figures, comme celle
de Jaime, l'un des fils de Clara et Esteban, qui se va se consacrer à
la médecine pour les pauvres et fera preuve d'une grande humanité
en toute circonstance, ou Pedro III, le chanteur égérie
de la révolte populaire
Le réel rattrape cependant la fiction à la fin du roman,
nous ramenant à des faits historiques avérés (pas
seulement au Chili) et vécus de très près par Isabel
Allende, nièce du Président assassiné : le coup d'état
militaire du général Pinochet (en 1973) qui plongera ce
pays dans une dictature sanglante, au pouvoir pendant une vingtaine d'années.
Autant de pages très sombres, très réalistes (l'attaque
du palais présidentiel, les rafles de nuit, les scènes de
tuerie, de torture sadique, la mise au pas brutale de la population, privée
de tous ses droits et libertés
). Avec quelques figures fortes
de résistants : l'amoureux d'Alba qui a pris les armes, les femmes
dans le camp d'internement
J'ai apprécié aussi l'épilogue qui clôt en
beauté cette histoire sur le thème du pouvoir de la transmission
par l'écriture, à deux voix, celle des deux survivants,
à la 3e et à la première personne.
Un roman à plusieurs facettes, vraiment inspiré ! Ouvert
en très grand, donc
Monique L(avis
transmis de Dordogne)
J'ai aimé ce récit enchanté et original remarquable
par sa verve et son écriture fascinante, une saga familiale romanesque,
riche, touffue et pleine de vie.
J'ai été envoutée par ce voyage entre réalisme
et imaginaire où le paranormal y apparaît comme naturel.
J'ai été portée par le souffle de ce récit
du début à la fin avec ses événements tragiques,
ses situations loufoques, ses conflits familiaux, sociaux ou politiques
et ses histoires d'amour. L'auteure a un indéniable talent de conteur.
J'ai été happée par la narration, sans jamais m'ennuyer.
J'ai été surprise lorsque le récit passe brutalement
de la troisième personne du singulier à la première
quand Esteban livre son histoire et son ressenti.
Les personnages sont atypiques et attachants.
J'ai été portée par cette longue lignée féminine
très unie, composée de femmes courageuses et généreuses.
La transmission familiale par la lignée féminine d'une famille
m'a toujours paru très importante, voire évidente.
Clara en est le personnage central. C'est l'âme de cette famille
Trueba tenue d'une main de maître par son chef de clan Esteban Trueba,
riche propriétaire parti de rien, tyran familial et sénateur
musclé, tandis que Clara, sa femme est hypersensible et dialogue
volontiers avec les esprits. Sa clairvoyance lui permet de déchiffrer
ce qui l'entoure. C'est un personnage que j'ai adoré. Je l'ai trouvé
réaliste car elle me rappelle une tante aimée par tous qui
était un peu fantasque qui croyait aux sourciers, aux guérisseurs
et qui était une fine connaisseuse des plantes et de leur vertu.
Je me sentais bien auprès de cette tante et je me suis sentie bien
auprès de Clara.
J'ai
apprécié la présence d'Esteban dans ce récit
qui bien que colérique parvient à nous toucher par l'amour
exclusif porté à sa femme et par son ambition démesurée
de réussir là où son père a fait faillite.
Sans lui, le récit aurait manqué de consistance. Ce n'est
pas manichéen, chacun a ses défauts et ses qualités,
y compris Esteban Trueba, travailleur acharné et attachant dans
son amour pour Rosa et Clara, ainsi que sur la fin.
Tout au long du récit, on suit l'évolution du pays, dans
sa grande histoire jusqu'au putsch militaire de 1973 et les violences
qui en découlent. L'extrême pauvreté et l'injustice
sociale sont relatées de manière extrêmement réaliste.
Les idées des différents courants politiques apparaissent
clairement.
Une lecture très dense mais fluide. Un vocabulaire riche et coloré.
J'ouvre en entier.
Marie-Odile(avis
transmis de Bretagne)
Depuis 37 ans et demi, ce roman attendait sagement dans ma bibliothèque.
Grâce à Voix au chapitre, je viens de le lire avec
un immense plaisir.
Certes, cela parle de vie d'amour et de mort.
Certes, cela fonctionne sur de multiples oppositions (le visible/l'invisible,
le réalisme/la fantaisie, le masculin/le féminin, l'enfance/la
vieillesse, le légitime/l'illégitime, les maîtres/les
domestiques, le propriétaire terrien/les paysans sans terre, le
conservatisme/le socialisme, la violence/la tendresse, la parole/le silence
etc., etc.). Dit comme cela, ça pourrait paraître simple,
voire banal.
Mais tout cela s'articule, s'enchevêtre, interfère, en une
série de liens inattendus.
Mais tout cela est porté par des personnages extraordinaires, parfois
extravagants, des événements surprenants (même lorsque
prédits), et par une écriture riche, généreuse,
un souffle qui m'a emportée.
J'ai aimé la fantaisie, la joie, l'émotion, l'humour qui
habitent ce texte extrêmement vivant, extrêmement humain.
J'ai aimé les anticipations qui donnent envie, qui relient ce qu'on
lit à ce qu'on lira, ce qui arrive à ce qui arrivera.
J'ai adoré Pedro Garcia Senior, sa façon de résoudre
le problème des fourmis et de réparer Esteban fracassé.
J'ai aimé quand les barrières sociales se cassent (amour
Blanca-Pedro Garcia III).
J'ai aimé le besoin de consolation des uns et des autres (le père
en deuil consolé par la nounou, le grand-père par la petite
fille...).
J'ai adoré des passages tels que celui-ci : "Je
passai la nuit assis près du tombeau de Rosa, devisant avec elle,
l'accompagnant dans la première partie de son voyage dans l'au-delà,
quand on a le plus de mal à se détacher de la terre et qu'on
a besoin de l'amour de ceux qui sont restés en vie pour s'en aller
avec au moins la consolation d'avoir semé quelque chose dans le
cur d'autrui".
J'ai eu le sentiment que l'auteure aimait ses personnages et je les ai
aimés aussi.
J'ai aimé que l'histoire familiale croise l'Histoire du pays.
Cependant, j'aurais aimé que la dernière partie, tragique,
évoquant l'histoire récente du Chili, fût plus sobre,
parce que plus proche de nous, parce que conforme aux événements
connus. Je me suis sentie dans un autre récit, même si les
personnages sont les mêmes, même si la conclusion montre que
tout cela fait partie "d'une
chaîne d'événements qui devaient s'accomplir"
par-delà les générations.
J'ouvre en grand, remerciant la personne qui m'avait offert ce livre en
novembre 1987 et Voix au chapitre qui me l'a ouvert aujourd'hui.
Jacqueline(en
direct)
C'est un roman foisonnant, quatre générations de femmes,
une quantité d'anecdotes familiales pittoresques, de scènes
savoureuses et de personnages singuliers, sans compter l'histoire du Chili
Je l'ai lu d'une traite sans toujours très bien identifier les
personnages. Cependant, au cours de ma lecture, je n'ai pas été
vraiment séduite par l'écriture
J'ai bien aimé ce que l'auteure dit avec sobriété
du suicide du président, d'autant qu'elle est de sa famille
Pour ce qui est du réalisme magique, je ne suis pas sûre
que cela en relève vraiment. Dans d'autres romans sud-américains,
le merveilleux se réfère à une culture et des croyances
populaires et contraste avec un réel difficile auquel il donne
une échappée. Là, je ne lui ai pas vraiment trouvé
de sens. Pourtant j'aurais aimé que le film puisse me montrer les
yeux jaunes de Rosa et ses cheveux verts transmis à Blanca !
J'ai trouvé très intéressant de suivre personnages
et situations au fil des générations. J'ai bien aimé
découvrir à travers beaucoup de personnages la variété
et l'évolution des engagements dans le mouvement d'unité
populaire.
Il me restera certainement la vision de beaucoup de scènes ;
notamment, au début, l'église avec ce personnage de Severo,
franc-maçon, athée, avec ses ambitions politiques. Cela
m'évoquait notre Troisième République
Je suis sensible à l'ambition de ce premier roman et à la
dédicace de l'auteur aux femmes de sa famille qui me fait penser
qu'elle y a mis beaucoup d'elle-même
Je n'ouvre qu'à moitié parce qu'il m'a quand même
manqué un plaisir réel de langue et d'écriture
Les passages à la première personne, sauf une surprise pour
le premier à la première lecture, ne m'avaient pas gênée.
En reprenant le livre pour ne pas me tromper sur les noms et autres, j'ai
eu l'impression qu'en donnant la parole à Esteban cela donnait
une dimension autre au livre dont il est quand même le héros
(guère positif !)...
J'espère que Asturias sera un meilleur
exemple de réalisme magique...
(Jacqueline avait concocté une sorte de
sangria aux fraises avec du vin chilien et un gâteau dit de Pâques,
chilien également)
Etienne(à
l'écran, depuis Rennes)
Ça m'a bien plu, j'ai réussi à le finir et j'en étais
content
J'étais mi-figue mi-raisin sur les 50/100 premières pages.
Pour ce qui est du réalisme magique, ma référence
était Cent ans de solitude et j'ai trouvé que là
c'était trop timoré sur ce sujet, et je suis resté
sur ma faim. L'auteure oublie ce côté.
Ce qui m'a principalement plu, c'est l'écriture : très fluide,
très facile à suivre, exubérante ; ça ne m'ennuie
pas du tout, sur trois pages, il se passe plein de choses.
Les personnages sont intéressants. La relation grand-père/
petite-fille est tendre, alors qu'Esteban est une ordure. Il sauve Pedro,
à la fin il gagne des points.
Le côté historique m'a également beaucoup intéressé.
Je connaissais Pinochet, Allende, mais ça m'a poussé à
davantage m'y intéresser. Il y a aussi le côté sociologique,
avec cette société très compartimentée.
J'ouvre aux ¾.
Claire
Je partage l'enthousiasme de Marie-Odile et ai quelques réserves
qui font que je n'ouvrirai pas en grand.
Ce que j'ai trouvé le plus extraordinaire, c'est que ce livre est
une machine à histoires, aux rebonds infinis, c'est cet art de
narrer qui m'a convaincue. J'ai trouvé le début particulièrement
formidable.
Les femmes sont remarquables, les destins sont passionnants, se déployant
de génération en génération.
Pour moi, il n'y pas de réalisme magique : on est dans le réalisme
tout le temps ; et il y a des personnes qui ont des "talents"
particuliers, sans parler des adeptes de Gurdjieff. Par ailleurs, je trouve
rigolo, quand Alba fait remarquer qu'il n'y a pas de fou ou d'idiot dans
la famille, que Clara réponde : "Ici
le grain de folie est réparti entre tous et il n'y en a plus de
reste pour que nous ayons notre idiot de famille"...
J'ai été sensible à ce paradoxe : Trueba améliore
les conditions de vie des paysans, mais viole et méprise ("ça
ne sait même pas se laver le cul et ça voudrait le droit
de vote ?"). J'ai regretté que les domestiques
n'existent guère dans le livre, ne soient pas des personnages.
Catherine
Il y a la nounou.
Claire
Oui. Le contexte historique est habilement indiqué : les luttes
féministes sont présentes avec Nivea qui sort la nuit apposer
des affiches de suffragettes revendiquant le droit de vote. Les deux guerres
en Europe sont évoquées ; les modes marquent l'époque
: jazz, golf, cocaïne, le couple "Sartre et la Beauvoir"...
Le développement du communisme est lui-même romanesque, avec
des rebondissements et au passage le Jésuite communiste relégué
dans la brousse. Et le prêtre qui dit à Pedro III "d'un
air énigmatique entre deux gorgées de vin de messe"
: "Notre Sainte Mère
l'Église est de droite, mon fils, mais Jésus-Christ a toujours
été de gauche".
L'humour m'a plu : Esteban pourtant déjà bien vieux terrorise
la nature : "Sur son
passage, les animaux domestiques fuyaient, les plantes se recroquevillaient" :
on courait mettre le gommier ailleurs, car "à
peine le vieillard était-il entré dans la pièce,
l'arbuste laissait pendouiller ses feuilles et se mettait à exsuder
par sa tige un pleur blanchâtre comme des larmes de lait."
J'ai adoré la nuit de noces avec le comte Jean de Satigny ; il
y a des scènes formidables, je pense à l'enterrement de
Clara par exemple, avec tous les fermiers qui font le voyage jusqu'à
la ville.
J'ai trouvé rigolo la litanie des prénoms en
a : Nivea, Rosa,
Clara, Blanca,
Alba, Ferula,
Amanda...
Les subjonctifs des traducteurs m'ont semblé agréables,
accompagnant la narration, jamais ridicules : "Depuis
toute jeunette, Alba avait eu la responsabilité de changer les
fleurs des vases. Elle ouvrait les fenêtres afin que l'air et la
lumière entrassent à flots" ; "La
norme était que les deux époux s'ignorassent"...
Les flashforwards relationnels ou politiques m'ont paru efficaces (Amanda
à Miguel : "Je
donnerais ma vie pour toi, Miguelito. Elle ne savait qu'un jour, c'est
ce qu'il lui faudrait faire.").
Ma gêne - forte - vient des je d'Esteban qui m'ont semblé
ne pas tenir. Par exemple p. 74 : "Je
commençai très vite à me sentir dans mon élément
à la campagne." et non loin p. 75 : "Les
premiers mois, Esteban Trueba fut si occupé à canaliser
l'eau, creuser des puits"... Et puis ça se reproduit
avec d'autres personnages.
Rozenn
En fait on comprend pas pourquoi, ce que ça apporte.
Claire
Tout à fait !
Et enfin, pour ma part, j'ai moins aimé la partie politique, j'ai
même sauté quelques parties atroces.
Et la reconstitution de l'histoire de la famille
à la fin qui expliquant les "je" ne m'a pas transportée.
Bref, j'ouvre aux ¾.
Catherine
J'ai adoré : le côté saga - j'aime les sagas ; l'humour
tout du long - l'oncle Marcos avec son oiseau volant, la scène
de la messe, la tête de Nívea qui finit dans un carton à
chapeaux sous le lit ; le talent de description, la langue ; la galerie
de personnages incroyables, attachants - même Esteban qui est un
vrai salaud, mais a aussi une complexité et même parfois
un côté attachant, il s'améliore à la fin de
sa vie, c'est rare ; sa relation avec sa petite fille est touchante. À
travers cette famille, on traverse l'histoire d'un pays, fictif mais qui
évoque bien sûr le Chili.
La politique est assez peu présente au début, les rapports
de classe semblent immuables. La condition des paysans est évoquée,
par petites touches, leur rapport avec Esteban, le maître du domaine
qui améliore malgré tout leur condition, mais exerce quasiment
un droit de vie et de mort sur eux, sans compter les viols.
Les personnages de femmes sont incroyables : le personnage de Clara bien
sûr, mais aussi Nívea la féministe, Blanca et sa double
vie et Alba qui adhère à la révolution pour finir.
Toutes des femmes fortes qui se rebellent à leur façon contre
leur milieu et la domination masculine. J'ai aimé la magie, les
verres qui se déplacent, le dialogue avec les esprits, les cheveux
verts de Rosa.
L'ambiance change dans le dernier tiers du livre, avec la prise de pouvoir
par la gauche, le sabotage orchestré par les conservateurs et les
Américains et pour finir la révolution avec toutes ses horreurs.
C'est intéressant, ça nous replonge dans cette histoire.
Ce fut un grand plaisir de lecture, merci à Jérémy.
Pour un premier roman, c'est un sacré talent ! J'ouvre en grand.
Thomas
Ma lecture a commencé sur les chapeaux de roue : début des
vacances, dans un train calme, en direction du soleil italien, et surtout
avec ce premier chapitre que j'ai trouvé extraordinaire. Ça
part dans tous les sens, c'est superbement drôle et original, notamment
avec cet excentrique oncle Marcos... Bref, j'étais emballé
(mes voisins de train qui me regardaient bizarrement chaque fois que je
m'esclaffais de rire, peut-être un peu moins, mais c'est une autre
histoire...). Je me disais qu'après m'être heurté
pendant des années au réalisme magique de Gabriel Garcia
Marquez et Vargas Llosa, sans jamais comprendre à ce que tout le
monde y trouvait, j'allais enfin avoir la révélation !
Puis, en même temps que le temps italien se gâtait, ma lecture
suivait la même trajectoire. Ça restait agréable,
facile à lire et plutôt drôle, mais la magie avait
un peu disparu, dans tous les sens du terme d'ailleurs ! Les pouvoirs
de Clara étaient relégués en arrière-plan,
et mon enthousiasme du début aussi.
J'ai eu un regain d'intérêt à la fin du roman, lorsque
cela devient plus réaliste, paradoxalement. Ne connaissant presque
rien de cette période de l'histoire du Chili, j'ai apprécié
cette plongée dans le passé, qui m'a donné envie
de me renseigner davantage sur la question... Sans pour autant réussir
à effacer tout à fait la légère déception
ressentie aux chapitres précédents.
J'ai néanmoins apprécié la complexité du personnage
d'Esteban, capable du pire (souvent) comme du meilleur (parfois), qui
n'est pas manichéen, tour à tour sauveur et oppresseur tyrannique
des paysans des Trois Marias. La scène de la réconciliation
avec Pedro III, bien que prévisible, m'a bien plu.
Ce fut un bon moment, mais décevant par rapport à la promesse
du premier chapitre. C'est pourquoi j'ouvre à ½.
Rozenn
Je ne sais pas du tout que dire : car en vous écoutant, j'aurais
dû adorer. Pour moi, ça n'a absolument pas marché,
alors que je dis oui à tout ce que vous avez dit.
Ah que c'est long, me suis-je dit, et ça va recommencer.
Ça n'a absolument pas marché, mais ça vient de moi
: en ce moment, les romans ça ne marche pas du tout.
Mais en même temps, ça m'intéressait, et c'est bien
écrit.
LA MAYONNAISE N'A PAS PRIS.
Peut-être les personnages ne sont pas bien construits.
Mais il y a tous les ingrédients pour que j'aime. Et j'ai lu jusqu'au
bout.
J'ouvre au ¼
Fanny
De premier abord, je l'ai lu comme un simple roman et même si j'ai
apprécié la lecture, j'ai trouvé qu'il y avait des
longueurs. J'ai également trouvé insupportable le procédé
qui consiste de manière récurrente à dévoiler
la suite de l'histoire, cela a freiné mon engouement puisque j'avais
le sentiment de savoir ce qui allait se passer.
Pour ce qui est de passer sans transition d'un narrateur à l'autre,
sur la quasi-totalité de ma lecture j'ai trouvé que cela
générait de la confusion, sans rien apporter ni au niveau
du style, ni au niveau de l'intensité du récit.
Pour autant, j'ai accroché avec les personnages, notamment Clara.
J'ai aimé le fait qu'ils ne soient pas manichéens (Trueba,
mais aussi Nicolas). La maison fait également figure de personnage,
qui se porte plus ou moins bien selon les périodes.
J'ai également aimé l'apport historique qui permet de revisiter
un pan de l'histoire du Chili avec une vision centrée sur les hommes,
même si j'ai été un peu perdue par le manque de repères
chronologiques précis.
Mais au fur et à mesure de mon avancée, j'ai été
troublée par ma lecture. J'y ai vu un roman, mais pas seulement.
J'ai été très touchée par les récits
du coup d'État et par ce que je suppose que l'auteure a mis d'intime
dans son récit.
Je lis autrement le fait que les protagonistes ne soient pas nommés
(Allende, Neruda), même si on les reconnaît, de même
que pour l'absence de repères chronologiques clairement situés,
même si la lecture ne prête pas à l'équivoque.
Au-delà du roman, j'y vois une valeur universelle pour dénoncer
la dictature et également un hommage à son pays et à
sa famille.
À la toute fin, cette double identité du narrateur prend
son sens, et je n'avais pas deviné qu'Alba, à travers les
cahiers de Clara, était le 2e.
Je lis autrement aussi le fait d'assumer de dévoiler la suite du
roman : outre que cela est raccord avec la présence permanente
des esprits, j'y vois aussi le fait de dénoncer les atrocités,
peut-être inéluctables, comme déjà annoncées.
Je ressens aussi beaucoup de nostalgie dans cette part de récit
qui va au-delà du roman, et peut-être un hommage ou un moyen
de faire la paix avec sa propre histoire.
Après hésitations, j'ouvre en grand.
Brigitte(à
l'écran)
J'ai découvert Isabel Allende à travers ce livre.
Je considère qu'il se compose de deux parties : la première
comprend les dix premiers chapitres, la seconde les quatre derniers.
La première partie est une saga familiale tout à fait intéressante.
On y découvre le Chili du XXe siècle. L'écriture
est foisonnante, comme le récit et comme cette maison aux esprits
à laquelle on ajoute diverses excroissances suivant les fantaisies
des propriétaires, surtout celles de Clara, la grande virtuose
des mondes parallèles. Contrairement à l'usage, l'auteur
met en évidence les pierres d'attente qu'elle dispose sans son
récit (assassinat de Jaime, influence de Transito) ; elle pratique
aussi avec évidence le procédé d'écriture
qui consiste, dans une énumération, à terminer par
un élément qui contraste avec l'ensemble de ses prédécesseurs,
par exemple à la p. 58 : "Il
se tenait assis très droit, de la même façon qu'il
marchait, guindé, la tête légèrement en arrière
et un tantinet déjetée, regardant en coulisse avec un mélange
d'arrogance, de défiance et de myopie." Cela donne
un texte très baroque où le lecteur se retrouve avec plaisir.
La seconde partie est beaucoup plus violente : elle relate les très
graves événements qui secouèrent le Chili au début
des années 1970. Ils sont décrits de façon tout à
fait bouleversante : aussi bien la mort de Jaime que la captivité
d'Alba. Celui que l'auteure désigne comme Le Poète est sans
doute Pablo Neruda, et le Président, c'est Salvador Allende.
C'est à cause de cette seconde partie que j'ouvre aux ¾.
Françoise
J'avais déjà lu des livres d'Isabel Allende et j'étais
surprise que celui-ci soit son premier. Ceux que j'ai lus étaient
agréables, mais bon. Est-ce bien un-livre-pour-le-groupe-lecture ?,
me suis-je demandé quand il a été programmé.
Et c'est une très agréable surprise. J'ai plongé,
pas gênée par les trois voix. J'en suis à 92% en VO.
Renée n'a pas trop apprécié la langue espagnole,
moi j'adore ; il y a beaucoup de vocabulaire, y compris d'Amérique
latine, nouveau pour moi.
Ce qui m'a plu, ce sont les portraits de femmes extraordinaires qui ne
s'en laissent pas conter, n'hésitent pas à s'opposer aux
hommes.
Tout nous amène coup d'État.
Esteban est au plus haut point détestable. Quoi ? Une rédemption
! Il l'est jusqu'au bout, même dans son rôle de patriarche.
L'auteure a quand même un petit côté midinette, romance.
Il y a tellement de choses tragicomiques : par exemple la tête de
Nivea qui réapparaît.
Ce fut une lecture agréable, captivante.
Il y a certes les enlèvements, les tortures, mais elle nous ouvre
la focale sur ce qui se passe dans la société pour les gens.
Avec les livres d'histoire modifiée, les mots qu'on ne peut plus
prononcer, ça fait froid dans le dos parce qu'on en est encore
là, il suffit de regarder autour de soi...
J'ouvre aux ¾ car à certains moments il y a des longueurs,
elle délaye un peu parfois.
Il y a des passages magiques comme la chambre de Jaime, le jardin de Clara
et beaucoup d'autres, Nicolas disparaît... On s'attache à
tous les personnages, y compris au dernier des salauds. C'est grâce
au talent de l'écrivaine.
Odilede
Dijon, mais à Paris
Je l'avais lu quand il est sorti et j'avais gardé le souvenir d'un
livre médiocre.
Je l'ai repris avec perplexité, il m'est tombé des bras.
Voir le film m'a remis en tête la succession des événements.
Françoise vient de parler d'un aspect "midinette". Oui,
je trouve que c'est du genre facile à lire, rebondissements, "lecture
pour tous".
Je suis étonnée, Jérémy, que tu aies aimé
ce livre, car tu me sembles exigeant dans tes appréciations
Pour moi, les personnages ne tiennent pas la route : Clara a des pouvoirs
soi-disant extraordinaires, mais ça fait pschitt. Barrabas ouvre
le livre ("Barrabas
arriva dans la famille par voie maritime, nota la petite Clara de son
écriture délicate.") et j'ai eu l'impression
d'un chien extraordinaire, mais... rien.
Des ami.es des bêtes
et du livre
Il est géant !
Et Pedro et Bianca font l'amour sur sa peau de bête à la
cave.
Rozenn
C'est d'ailleurs dégoûtant...
Odile
Esteban est un salaud, et bon la rédemption bof. Aucun des personnages
n'a retenu mon intérêt et ils n'ont pas de consistance pour
moi.
Le plus intéressant pour moi est d'annoncer au passage des événements
à venir.
L'auteure est parente du président ? Je ne sais pas quoi faire
avec ça.
Pour moi ce n'est ni un livre politique, ni un livre poétique,
mais un livre ordinaire. J'ouvre un petit ¼.
Jérémy(qui
avait proposé ce livre : c'est en raison de ces circonstances atténuantes
que son avis très très très long n'est pas censuré...)
Avant la lecture : Cela faisait longtemps que j'avais envie de
lire ce livre. Entre mon tropisme pour les auteurs sud-américains,
le fait que ce soit une épopée familiale et que l'histoire
se passe aux XIXe et XXe siècle, le livre avait tout pour me plaire.
Pourtant, j'avais quand même une (petite) appréhension, car
le livre est édité au Livre de poche et sans trop savoir
pourquoi, cette édition évoque pour moi des livres de piètre
qualité.
Après la lecture : J'ai aimé dès la première
page. J'ai été embarqué du début à
la fin. Allende a de vrais talents de conteuse, elle ne nous lâche
pas une seule seconde. Il se passe sans arrêt des choses, c'est
foisonnant, tourbillonnant. Entre les rebondissements, les péripéties,
les changements de personnages puis de générations, elle
nous tient en haleine. Ce que j'ai aimé, c'est qu'en dépit
des événements parfois tragiques et violents qui nous sont
contés, le ton ne se dépare jamais d'une forme de légèreté
et d'évanescence, à l'image de Clara. J'ai par exemple "adoré"
la mort de Nivea et de Severo : cette histoire de tête qui valdingue
à des kilomètres et que Clara va rechercher en rampant sous
des bosquets, cela a quelque chose de grotesque, de burlesque, c'est rabelaisien
presque !
Avec le recul, c'est peut-être ce que je pourrais reprocher au livre
: c'est vrai que lorsque Esteban met un coup de poing à Clara et
lui casse plusieurs dents, ou lorsque Esteban viole impunément
les paysannes du coin, on n'est jamais vraiment mal à l'aise, tout
cela semble rester assez distant et un peu propret et romantisé.
C'est peut-être le côté "midinette" d'Allende
qu'a évoqué Odile qui veut ça.
Pour autant, j'ai adoré le livre, j'ai adoré voir le pays
évoluer sur plusieurs générations. Je trouve que
les évolutions sociales, politiques et sociétales, ainsi
que la description de l'état du pays sont bien dépeintes,
et de manière subtile, ce n'est jamais un tableau appuyé.
C'est bien l'histoire familiale qui reste au premier plan. Pour autant,
l'état du pays apparaît très clairement :
- la misère des classes ouvrières des bidonvilles que Ferula
va visiter dans les "cités d'urgence" et que Jaime soigne
tant bien que mal dans des conditions très difficiles et avec peu
de moyens
- l'émancipation progressive des femmes et la description de leur
condition : Nivea la suffragette aux innombrables enfants ; Clara qui
après avoir été battue par Esteban reste à
ses côtés, mais retire son alliance et ne lui adressera plus
jamais la parole, et qui n'aura que trois enfants ; Blanca qui s'échappe
de son mariage avec Jean de Satigny et vit en célibataire, refusant
de se marier avec Pedro III Garcia et n'a qu'une fille ; Alba qui tient
tête à son grand-père et lui dit non tout en l'aimant
profondément, elle fait des études de musique et de philosophie,
poussée par sa mère qui a souffert de ne pas avoir étudié,
ce qui l'a mise sous la dépendance économique de son père
honni ; le personnage d'Amanda qui avorte, et au travers duquel, comme
Nicolas, est aussi dépeint le problème de la drogue, des
addictions, etc.
- l'emprise des conservateurs et la lente mais inexorable montée
en puissance des socialistes, les élections truquées dans
les campagnes, la violence des propriétaires terriens (le candidat
socialiste retrouvé pendu...), leur mépris à l'égard
des paysans (Trueba dit que sans lui ils ne seraient rien, ce en quoi
il n'a de fait pas complètement tort) et la haine que leur vouent
en retour les paysans (p. 210 à propos de Pedro Garcia :
"L'estime qu'il lui
portait n'avait d'égale que la haine qu'il vouait à Esteban
Trueba") tout en leur étant soumis, la lutte des
classes qui ne dit pas son nom et qui éclatera finalement au moment
du coup d'État contre Allende, etc.
- les conditions de vie et de travail très dures des paysans
- les fortes inégalités (Esteban qui se fait construire
un palais aux Trois Maria alors que les paysans vivent dans des maisons
en brique) et le ressentiment que cela crée, notamment chez Esteban
Garcia, qui se venge sur Alba des humiliations qu'il a subies et de la
bâtardise que lui a imposée son grand-père ; pour
reprendre les mots d'Ernaux, on pourrait dire qu'il "venge sa race
- les mutations du capitalisme : d'un capitalisme terrien/agraire à
un capitalisme industriel et même financier après le coup
d'Etat contre Allende. J'ai bien aimé aussi le personnage de Transito
qui s'émancipe elle aussi et sort de sa condition en créant
une coopérative de prostituées, et qui est aidée
en cela par Esteban qui ne semble pas voir ce que peut avoir de subversif
et de "dangereux" pour un homme comme lui, que les opprimés
commencent à s'organiser pour vivre sans patron "Ce
qu'il faudrait faire, c'est une coopérative, et envoyer promener
la madame. [
] Tenez, faites gaffe : si vos propres fermiers se mettent
en coopérative à la campagne, vous allez être bien
couillonné. [
] Nous apporterons tout, le capital et le travail.
Pourquoi irions-nous chercher un patron ?" (p.
152)
- la modernité et la révolution industrielle avec l'arrivée
des automobiles, etc.
J'ai beaucoup aimé également la galerie de personnages,
je trouve qu'ils sont tous bien dessinés et bien caractérisés.
Je pense notamment aux frères Jaime et Nicolas, à Ferula,
à Amanda, ainsi qu'aux paysans. Catherine a dit que les paysans
n'apparaissaient pas suffisamment à son goût. C'est vrai
qu'ils restent en arrière-plan, mais ils n'en occupent pas moins
un rôle capital : Pedro III éloigne les fourmis dévastatrices
des Trois Maria et sauve Esteban Trueba de la mort, Pedro Garcia junior
permet à la propriété de prospérer et la sauve,
même avec l'aide de Clara après le tremblement de terre,
Esteban Garcia, à la fois humilié par Esteban Trueba qui
ne lui remet pas la récompense promise et émancipé
par lui (c'est grâce à sa lettre de recommandation qu'il
peut devenir carabinier), deviendra le tortionnaire de sa petite-fille,
etc.
C'est vrai que la dernière partie du roman est plus politique et
plus sombre. Cela m'a fait penser à La
fête au bouc de Vargas Llosa. En même temps cela me
semble logique : l'histoire s'accélère et elle devient
tragique, elle ne peut plus rester au second plan comme elle l'était
jusqu'alors. Renée disait qu'au point de vue politique il n'y avait
rien dans la première partie. Je ne suis pas d'accord : on parle
des élections truquées, de la propagande socialiste qui
commence à se faire jour dans les campagnes (le fils de Pedro Garcia
Junior, futur gendre de Trueba, est battu par lui pour avoir introduit
de la "littérature subversive" parmi les fermiers), des
hordes de chômeurs en ville qui portent en eux les germes de la
victoire future, etc.
Contrairement à certains, j'ai également beaucoup aimé
les nombreuses prolepses :
- "C'est dans cette
position qu'on les surprendrait bien des années plus tard, pour
leur malheur à tous deux, et ils n'auraient pas assez du reste
de leur existence pour le payer" (p. 135)
- "Je n'aurais
pas mentionné cet épisode si Transito, longtemps après,
n'avait joué un rôle si important dans ma vie [
] Mais
cette histoire même n'aurait pu être écrite si elle
n'était intervenue pour nous sauver et, par là, sauver nos
souvenirs"
(p. 153)
- "ce
singulier Esteban Garcia, promis à jouer un rôle terrible
dans les annales de la famille"
(p. 180)
- "elle
le repoussa sans soupçonner que ce gosse farouche [
] serait
l'instrument d'une tragédie qui frapperait sa propre famille"
(p. 240).
J'étais déjà tenu en haleine par le récit,
mais elles m'ont encore plus donné envie de poursuivre ma lecture
!
En définitive, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman,
très riche, très dense, à la fois drôle et
émouvant (l'amour immarcescible que voue Esteban Trueba à
sa femme Clara par exemple), donc merci d'avoir accepté de le programmer,
alors que je ne l'avais pas lu ! Je l'ouvre bien évidemment en
grand !
On échange quelques mots du film que Catherine, Claire, Françoise, Jacqueline, Odile ont vu : les choix de l'adaptation, les qualités du film, ses limites. Voir pour des détails une présentation de Ciné Dweller.
Nous évoquons aussi Pablo Neruda, que Fanny a repéré dans le livre sous l'appellation "le Poète", avec majuscule et nom jamais cité. Claire n'aime pas la poésie, mais craque dès qu'elle ouvre une page de Neruda. Thomas s'apprête justement à lire J'avoue que j'ai vécu : mémoires dont il nous donnera des nouvelles.
Les
8 cotes d'amour du nouveau groupe réuni le 28 mars |
Monique M
J'ai beaucoup aimé ce livre, pour sa richesse, son écriture,
et pour y retrouver de façon aussi juste, l'histoire du Chili des
années 20 à la prise de pouvoir de Pinochet : c'est une
chronique du Chili de cette époque, magnifiquement écrite,
avec un vocabulaire précis, étonnant par ses expressions
recherchées, savantes, imagées. L'auteure nous emporte dans
une saga extraordinaire avec cet homme, Esteban Trueba, machiste, violent,
hyper conservateur, mais qui a aussi sa part de lumière : intelligent
et courageux, il crée le domaine de toutes pièces ; paternaliste
avec ses employés, il les paie correctement, veille à leur
bien-être, tout en les exploitant ; on voit bien la vie de l'époque,
la pauvreté, les préjugés, la religion, le rôle
des femmes : les paysannes enlevées et violées par le maître
au gré de ses pulsions, celles de la maison, comme des elfes un
peu surréalistes qui parlent aux esprits tout en étant très
humaines, aimantes au quotidien.
Le récit traverse les époques, et c'est long, parfois lassant,
notamment après la naissance des jumeaux ; mais je me suis
accrochée, et puis le rythme a repris : l'histoire de ces femmes,
la mère, la fille, la petite fille qui lutte pour une société
plus juste est très intéressante. La personnalité
des deux fils de Clara, l'un hippy et farfelu, l'autre médecin,
totalement investi dans l'aide aux malades et aux pauvres, apportent de
la richesse au récit. Le livre décrit parfaitement le climat
politique, ses origines, la montée du socialisme, le rôle
des Américains et le putsch des militaires avec la répression
et la terreur.
Je me souviens de cette époque, de l'arrivée d'Allende ;
le livre m'a semblé être une chronique de la réalité.
L'auteure ne va pas dans la description extrême de l'horreur, c'est
terrible mais toujours soutenable. Outre cet aspect politique, court dans
le livre l'histoire de la famille avec les descriptions fabuleuses des
personnages ; Clara est lumineuse. L'arrivée de Ferula, la sur
d'Esteban, le jour de sa mort au milieu de la salle à manger et
des convives, tel un esprit, est, parmi nombre d'autres, tout à
fait extraordinaire.
Et quelle belle écriture, vivante, riche, imagée, pour illustrer
un témoignage majeur de l'histoire de cette période du Chili.
Je l'ouvre en grand.
Audrey entre
et
Je ne vais pas vraiment parler du livre car je n'en n'ai lu qu'une petite
moitié. Je sens néanmoins l'aisance conjuguée au
plaisir et à la précision dans le jeu d'écriture
de cette autrice, dans ce récit foisonnant.
Je sentais poindre l'élément politique depuis le début,
en particulier autour d'échanges entre le propriétaire naissant
et une descendante annoncée (Allende ouvre furtivement des brèches
sur le futur familial).
Effet de surprise face au déplacement de la narration que s'accapare
à la première personne le personnage d'Esteban : point de
vue du tout puissant propriétaire.
Moi qui suis plutôt hermétique au réalisme magique,
je me suis laissé porter par ces surgissements d'une sorte de "magie
quotidienne".
La situation des femmes est frappante, objets de désirs passagers
à la merci de ce propriétaire terrien violent. La littérature
décidément rappelle souvent la part tragique du féminin.
Je n'ai lu le livre que jusqu'à la naissance des jumeaux, mais
j'attends la partie plus politique qu'annonce Monique et qui devrait m'accrocher.
Je vais terminer (j'ouvre un peu plus de la moitié).
Christine
J'ai été déçue. Je n'en suis qu'à la
naissance des jumeaux, mais j'ai eu du mal à entrer dans le livre,
j'ai trouvé que c'était long. Il n'y a pas vraiment d'histoire,
j'attendais autre chose, car le livre a eu un succès énorme.
Je n'ai pas encore aperçu le côté politique à
ce stade de ma lecture.
J'ai eu aussi du mal à m'imaginer une beauté avec des cheveux
verts, je n'associe pas le vert à la beauté.
Pour l'instant j'ouvre à moitié car je vais continuer et
j'espère quelque chose.
Katherine
Je suis comme dans La
papeterie Tsubaki, j'ai adoré ce livre ! Pourtant
je déteste la magie.
Je n'ai pas voulu lire les critiques sur ce livre. Je me suis fait prendre,
j'ai commencé à lire et j'étais embarquée,
je ne voyais même plus la magie.
On voit tellement bien l'évolution des personnages, c'est si drôle,
c'est plein d'animation, alors qu'on va vers le tragique.
À la fin, ce n'est plus du tout drôle, on n'est pourtant
pas dans le larmoyant ni oppressant. Il y a vraiment une façon
de raconter, on progresse bien, c'est coloré et vivant. J'ouvre
en grand.
Julien
J'ai eu du mal à rentrer dedans, c'était un monde qui m'a
donné du mal, je suis rentré à contrepied dans le
livre. Cet oncle qui meurt et sort de nulle part
! je venais de
lire La Chartreuse de Parme de Stendhal, je n'étais pas
préparé à cette lecture, je suis allé jusqu'à
la page 100. Je ne sais comment l'ouvrir !!
Anne-Marie
J'ai tout de suite été embarquée aussi dans cette
lecture, ce style comme un torrent, ces personnages étranges, surtout
Rosa avec ses cheveux verts : j'étais comme dans un conte très
vivant et qui allait très vite, foisonnant, avec plein de personnages,
des descriptions riches, et un humour très présent (surtout
dans la première moitié du livre je trouve). Bref, c'était
un enchantement. Et puis au bout d'un moment, lassitude, on accumule tellement
de personnages et il leur arrive tant de choses, c'est un peu indigeste.
Il y a aussi des longueurs.
C'est une chronique un peu sociologique, intéressante, il n'y a
pas d'intrigue à proprement parler, on déroule le temps
et les évènements, on sait que ça va déboucher
sur des événements politiques avec une grande évolution
sociétale, car tout se passe sur une très longue période
; mais ce n'est pas l'aspect politique qui m'a intéressée.
Les caractères sont très riches, contrastés, on sent
la violence partout, on dirait qu'elle fait partie du destin de ce peuple
chilien. Je suis un peu déçue par le personnage de Clara
qui n'a pas donné le squelette que j'attendais au livre : elle
se laisse trop porter, elle observe mais laisse les autres s'enfoncer
dans leur malheur sans beaucoup intervenir, elle est fataliste, et elle
se désintéresse beaucoup de ses enfants.
Je n'ai pas lu les dernières cent pages, mais je me doute que c'est
là que le politique va s'installer, je finirai le livre. J'ouvre
aux trois quarts.
Nathalie entre et
C'est un livre qu'une amie m'avait conseillé il y a une quarantaine
d'années, car je lui avais dit à quel point j'avais aimé
Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marques. Elle m'avait donné
très envie de le lire mais
le temps passe vite et il y a
tant à lire. C'est dire à quel point j'en attendais beaucoup.
Je suis entrée tout de suite dedans. C'est un roman que j'ai lu
facilement. J'aime le côté magique, donc aucun problème
pour moi. J'aime bien le côté chronique familiale, puisque
c'est à travers l'histoire d'une famille bourgeoise sur plusieurs
générations que l'autrice raconte l'histoire du Chili durant
le XXe siècle, des années 20 jusqu'au coup d'État
de Pinochet. J'ai aimé cette traversée de l'Histoire. Le
récit de la grande pauvreté dans les campagnes et dans les
villes est extrêmement réaliste.
L'histoire de chaque personnage est très bien menée. La
psychologie des personnages sonne très juste, comme par exemple,
Esteban Trueba, le patriarche issu d'une famille bourgeoise appauvrie
qui s'est enrichi à force du travail acharné, qui ne peut
admettre les idées d'égalité et de droits pour chacun,
car pour lui les gens ne se valent pas. C'est un trait de caractère
que l'on retrouve souvent chez ceux qui avec peu, voire rien au départ,
ont réussi à s'élever dans la société.
La composition est intelligente : un récit à la troisième
personne qui semble être celui d'Alba, qui se fonde sur notamment
les cahiers de sa grand-mère et Esteban qui s'exprime à
la première personne et qui nous fait partager ses sentiments et
ressentiments.
J'ai bien aimé l'humour de l'autrice qui tire jusqu'à l'improbable
ce qui pouvait l'être. Comme cette plante qui pleure à chaque
fois que Esteban rentre dans une pièce en hurlant
Et pourtant la lecture de ce roman m'a déçue. Pourquoi suis-je
déçue ? Ce qui m'a manqué, ce sont les relations
interpersonnelles qui semblent extrêmement pauvres. Je ne me suis
pas ennuyée, mais ce manque m'a laissé un goût de
vide. J'ouvre aux trois quarts, et même un peu moins.
David
Une uvre qui aboutit subrepticement à son dépassement,
c'est la sensation de plaisir cérébral qui m'a saisi lorsque
la langue d'Isabel Allende crée une forme inattendue, une ellipse
ou un trait de vérité profonde qui surgit pour sortir du
cadre relativement linéaire et chronologique d'une saga familiale,
entrecroisant des personnages fantasques (Clara), cruels (Esteban), romantiques
(Blanca). J'attends de poursuivre le roman (159 pages lues) pour découvrir
d'autres de ces bijoux littéraires.
Citons quelques passages charnels qui m'ont enchanté.
Sur Esteban : "Il se
mit à passer de mauvaises nuits, le couvre-lit lui paraissait peser
un âne mort, les draps étaient trop doux. Son propre cheval
lui jouait des tours pendables et se métamorphosait brusquement
en une formidable femelle, montagne de chair ferme et sauvage qu'il enfourchait
et chevauchait à s'en rompre les os. Les tièdes et odorants
melons du jardin lui apparaissaient comme d'opulents seins de femme et
il se surprenait à enfouir son visage dans la couverture de sa
monture pour y traquer l'âcre relent de suint et sa semblance avec
l'arôme lointain et prohibé de ses premières putains".
Sur Barrabas, sorte de chien colosse, c'est Éros : "Barrabas
cessa de vouloir forniquer avec les pieds du piano (
) et son instinct
de reproduction ne se manifesta plus qu'à subodorer quelque chienne
en chaleur dans les parages. Il n'y avait alors ni chaîne ni porte
qui pussent le retenir. Il s'élançait dans la rue en déjouant
tous les obstacles sur son passage et on le perdait de vue pour deux ou
trois jours. Il s'en revenait immanquablement avec la malheureuse chienne
collée à lui par l'arrière-train et suspendue en
l'air par son énorme virilité".
Puis Thanatos pour sa malheureuse victime et bientôt
pour Barrabas lui-même (sans que j'aie compris qui était
à l'origine de son meurtre) : "un
cri d'horreur fit sursauter l'assemblée. Les gens s'écartèrent,
ouvrant un passage par où s'avança Barrabas, plus gigantesque
et noir que jamais, un couteau de boucher enfoncé jusqu'au manche
entre les côtes, saignant comme un buf, ses hautes pattes
de poulain parcourues de tremblements, un filet de sang lui dégoulinant
du museau, le regard ennuagé par l'agonie, pas après pas,
trainant une patte après l'autre, en un zigzaguant cheminement
de dinosaure blessé", tout cela sous le regard
sidéré de l'assemblée, en pleine cérémonie
nuptiale dont la blanche dentelle de la mariée s'imbibe de sang.
Une autre scène de nativité d'un poulain est émouvante
et s'exécute sous les yeux des âmes pures Blanca et Pedro III :
"C'était une
belle jument (
) en train de mettre bas. Les enfants immobiles, veillant
même à ce que leur respiration ne s'entendit pas, la virent
haleter et pousser jusqu'à ce que fussent apparus la tête
du poulain puis au bout d'un moment, le reste du corps. Le petit animal
chut par terre et sa mère se mit à le lécher, le
laissant net et brillant comme le bois encaustiqué, l'encourageant
du museau à se mettre sur ses pattes. Le poulain tenta de se redresser,
mais ses pattes frêles de nouveau-né flageolèrent
et il resta couché, regardant sa mère d'un il perdu,
tandis que celle-ci saluait en hennissant le soleil du petit matin. Blanca
sentit le bonheur sourdre de sa poitrine et sourdre de ses yeux en larme".
Le lecteur sensible aussi !
L'histoire se déroule, entrecoupée de ces moments de bravoure
(le tremblement de terre). Si la langue - et la très belle traduction
- est le vecteur de communication entre ce monde chilien que nous croyons
connaître et qui nous est effectivement proche par l'histoire récente
(nombre d'exilés de la dictature de Pinochet vinrent en France),
je crois que ce lyrisme éclaire aussi la différence entre
des univers que la littérature unit. L'Amérique du Sud reste
un continent traversé par la violence, la rudesse des existences,
la lutte des classes souvent féroce. Ce destin éclaire les
personnages un peu comme Hugo a su le faire, sans doute d'autres auteurs
européens parfois, mais c'est bien cette violence plus contemporaine
du continent américain dans son ensemble que je perçois
dans ce récit percutant, humain mais décrivant, comme un
Steinbeck, une humanité qui est souvent à la frontière
de son animalité intrinsèque. J'irais sans doute trop rapidement
à conclure que c'est une littérature de la vie quand la
nôtre, européenne, est trop souvent devenue celle du commentaire
(mais c'est bien excessif sans doute !).
J'ouvre en grand cet ouvrage, sorte de feuilleton saga d'un pays au travers
d'existences hautes en couleur qu'on a hâte comme lecteur à
retrouver et voir poursuivre leurs péripéties dans un monde
difficile où la cruauté des temps rencontre aussi l'humanité.
François
Je n'ai que vaguement commencé la lecture de ce livre, mais j'ai
eu du plaisir à vous écouter. On peut sauter des passages,
car il y a des longueurs. Je trouve qu'il manque une dimension, cela fait
par moments penser à une parodie
Je vais continuer la lecture
en pensant à vos observations.
Anne (qui n'a pas lu le livre et à qui on demande
si ces critiques lui ont donné envie de le lire)
Au début je me suis dit, si comme vous le dites, il n'y a pas de
lien entre les personnages, alors je n'ai pas envie de le lire.
Mais finalement, après avoir écouté tout le monde,
je vais peut-être le lire quand même...
(Deux mois après la séance, finalement sans avoir lu le
livre) En écoutant les avis sur le livre d'Allende, parfois contradictoires,
j'ai retenu qu'il n'y avait pas trop de relations intériorisées
entre les personnages, ce qui m'a laissé hésitante quant
à mon désir de lire le livre. Peut-être que l'auteur
a développé beaucoup d'autres choses : l'étrangeté
de la fillette, le côté social de l'époque, etc. et
un auteur ne peut sans doute pas tout dire. Il doit choisir son axe.
Par contre le film que j'ai vu par la suite m'a bien plu. Bons acteurs,
belles photos, mais
je l'ai un peu oublié
peut-être
manquait-il aussi de quelque chose d'un peu essentiel notamment sur le
plan des interrelations ?
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quand nous avons lu le livre.
- Autour d'Isabel Allende :
Isabel
Allende : l'écrivaine de l'exil, par Christoph Goldmann,
2024, 53 min
Le
Chili d'Isabel Allende, par Fabrice Michelin, Invitation au
voyage, 2021, 16 min (pour la séquence sur I. Allende).
- Sur l'histoire politique du Chili, quatre films de Patricio Guzman :
Chili :
La première année, 1971, 93 min
La bataille du Chili :
(1/3) L'insurrection
de la bourgeoisie, 1972, 97 min
(2/3) Le
coup d'État militaire, 1975, 89 min
(3/3) Le
pouvoir populaire, 1979, 79 min.
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
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