Quatrième de couverture : Fille daristocrates berlinois, Effi
Briest est mariée à lâge de dix-sept ans au
baron Geert von Innstetten, un politicien de quarante ans. Deux mondes
différents se rencontrent alors, une jeune femme enthousiaste et
insouciante face à un baron froid et distant. Dernier roman de lécrivain allemand Theodor Fontane, Effi Briest est lun des chefs-duvre de lécole réaliste allemande. Effi
Briest, Imaginaire Gallimard, 2007 : réédité
en tirage limité à loccasion des trente ans de la
collection LImaginaire, le roman de Theodor Fontane est accompagné
ici dun DVD du film Effi Briest de R. W. Fassbinder. Adaptation
fidèle du roman, Effi Briest appartient désormais aux grands
films classiques consacrés aux destins de femmes.
Une des éditions allemandes (Surhkampf) :
|
Theodor Fontane (1819-1898)
|
Nos 17 cotes
d'amour + celle de Thomas Mann... |
Danièle(avis
transmis)
Voilà une histoire triste et émouvante, remplie de non-dits.
En fait, Effi est un personnage de caractère heureux, qui a cependant
mené une vie triste : jeune personne joyeuse et volontaire,
elle épouse quelqu'un qu'on lui impose. Elle s'adapte du mieux
qu'elle peut, mais s'ennuie. Une liaison clandestine la rend heureuse
quelque temps (du moins on le suppose, car le texte est tout en allusions,
ce qui fait son charme), mais son sens du devoir et les normes strictes
de l'époque la dissuadent de continuer cette idylle. Elle s'adapte
de nouveau et, pas de chance, cette aventure est découverte par
son mari des années après, ce qui lui impose, pense-t-il
de défendre son honneur par un duel. Mort de l'amant. Effi est
exclue de tous les cercles dont elle faisait partie, y compris et surtout
par ses parents (d'où la nostalgie d'une vie heureuse ou qui aurait
pu être heureuse). Sentiment de culpabilité exacerbée.
Mort lente.
Le lecteur d'aujourd'hui enrage de sentir le poids des convenances, de
la religion, de la hiérarchie et de la place des femmes dans cette
société. L'histoire pourrait être taxée de
naturalisme, pourquoi pas du Zola.
Mais d'où vient aussi qu'il se prend à s'identifier à
Effi ou du moins à comprendre et ressentir tous les sentiments
par lesquels elle passe ? Et là, nous sommes chez Madame
Bovary.
Mais c'est autre chose encore. D'où vient cette légèreté,
cette fragilité, que l'on ressent tout le long ? L'histoire
est finement racontée et enrobée de mystère ou plutôt
de non-dit. On comprend à demi-mot la liaison entre le commandant
Campras et Effi. La scène du cabriolet est exquise. L'évanouissement
laisse la place à l'imagination, le subconscient refoule ce que
la morale interdit, d'où l'évanouissement. Elle n'a pas
à régler le problème. Tout est en allusions et le
terme de "faute", qui revient de plus en plus souvent dans le
récit, est la clé du problème d'Effi.
Mais Theodore Fontane prend ses distances par rapport à ce monde
et la société de son époque. La fin est ouverte :
à qui revient finalement cette fameuse faute ? À Effi ?
Aux parents ? À Innstetten ? À la société
alors ?
Je me suis laissé porter par l'exotisme de cette ambiance provinciale,
soumise à des règles intangibles mais dont on s'échappe
malgré tout, avec tous les risques, y compris psychologiques, que
cela comporte.
Je n'ai rien à reprocher de rédhibitoire à la traduction.
Les phrases à rallonge en allemand sont traduites avec naturel.
Au début j'ai trouvé les descriptions de paysages un peu
longues et ennuyeuses, puis peu à peu j'ai trouvé qu'elles
participaient à l'atmosphère ouatée de campagne provinciale
qui imprègne le roman (très bien rendues dans le film),
et dont Effi a besoin pour respirer.
C'est d'ailleurs le
film de Fassbinder (1974, noir et blanc) qui a contribué à
faire connaître Effi Briest en France, déjà
au moins aux germanistes de cette époque. J'avais été
très impressionnée par ce film aux tonalités nostalgiques
tout en nuances de gris, et par sa capacité à rendre l'état
d'esprit d'Effi Briest, incarnée par la belle Hanna Schygulla.
J'ai beaucoup aimé le roman, mais j'avais préféré
le film, d'où mes ¾.
Renée (qui
n'a pu relire le livre et être avec nous)
Je me souviens que Effi Briest avait suscité mon enthousiasme
il y a pas mal d'années (20 ou 30)
Sabine(avis
transmis)
J'ai découvert Theodor Fontane en préparant l'agrégation.
Au programme de littérature générale et comparée
de 2010 : "Destinées féminines dans le contexte
du naturalisme européen" avec d'Emile Zola, Nana (1879),
de Thomas Hardy, Tess dUrberville (1891) et de Theodor Fontane,
Effi Briest (1895).
Je
sais que j'ai beaucoup aimé. Je n'ai pas retrouvé le livre
chez moi. Fontane est l'équivalent de Flaubert chez nous.
Jacqueline(avis
transmis)
Avec une certaine tendresse, l'auteur porte sur son héroïne
un regard un peu amusé et distant
Cela apparaît souvent
à travers les conversations qu'elle a avec ses compagnes, ou dans
les propos de ses parents qui font un point intéressant au fur
et à mesure du déroulement du récit
En général
j'ai bien aimé cet art du dialogue.
Mais à part ça, peut-être à cause de ce sentiment
de distance, je n'ai pas ressenti une grande empathie avec l'héroïne.
À aucun moment, je n'ai eu l'impression que l'auteur aurait pu
reprendre les mots de Flaubert et dire : "Effi Briest c'est
moi".
Le côté feutré m'a un peu ennuyée, bien qu'il
soit en harmonie avec une société bien-pensante où
tout se joue par rapport à un code d'honneur et à une image
de soi
Grâce à une nièce en prépa scientifique, cet
été, j'avais découvert Edith Wharton qui est à
son programme avec Le
Temps de l'innocence : c'est un livre à peu près
contemporain d'Effi Briest, mais autrement plus incisif sur la
haute société bien-pensante de New York !!
En lisant la discussion extraordinaire entre Innstetten et Wüllersdorf
p. 273 à 275 : "L'homme
n'est pas un isolé ; il appartient à un ensemble, et il
faut constamment prende en considération cet ensemble, nous dépendons
absolument de lui."), je pensais beaucoup au thème
du programme de ma nièce "Individu et société"...
Et après tout, toute la vie d'Effi donne à réfléchir
sur ce thème
Je n'ouvre qu'à moitié à cause de mon plaisir mitigé
Claire
Contemporains ? Le Temps de l'innocence est publié
en 1920 et Effi Briest en 1896.
Jacqueline
Peut-être que Une vie de Maupassant est plus contemporain
(1883) : là, c'est le mari qui n'est pas fidèle ! Mais la
comparaison entre ces deux jeunes femmes pourrait être intéressante.
Clarisse(avis
transmis)
C'est une sorte de Madame Bovary à l'allemande, sauf que
la trahison se résume à un baiser et des scènes non
décrites. Je m'attendais à bien plus et pendant longtemps
pensais qu'un second événement allait se produire, que Crampas
allait rejoindre Effi à Berlin ou quelque chose du genre. Je cherchais
la scène de calèche d'Emma Bovary. Au final, le couple se
sépare et ne se reverront jamais. Jusqu'aux dernières pages,
je pensais que son mari allait se rendre compte de son amour pour elle
et lui pardonnerait ! Cela aurait été la fin parfaite. La
mort en revanche est une piètre fin.
Que voulait dire l'auteur ? Je refuse une lecture simpliste qui condamnerait
l'adultère, je penche pour une critique de la société
conservatrice, comme les parents qui pendant longtemps ne veulent plus
fréquenter leur propre fille. La seule amie d'Effi est Roswitha
qui l'accompagne jusqu'à la fin, malgré le rejet qu'elle
subit. Le seul personnage touchant de mon point de vue.
Même si les dialogues pompeux de l'aristocratie allemande ont pu
me lasser, j'ai aimé la description de l'ascension sociale et la
chute brutale d'Effi Briest. Là où Emma est nommée
par son nom d'épouse, Effi gardera son nom de jeune fille.
Françoise(avis
transmis)
J'ai tout aimé dans ce livre, le récit, l'écriture
(malgré quelques maladresses de traduction, peut-être, mais
pas sûr), la description de cette société et cependant
l'absence de stéréotypes.
Les parents, le mari d'Effi ne sont pas caricaturaux, au contraire, on
pourrait les dire "libéraux" dans le contexte de cette
époque.
Je ne suis pas d'accord sur la comparaison avec Emma Bovary. Ok c'est
une histoire d'adultère comme beaucoup d'autres dans la littérature,
mais pour moi l'analogie s'arrête là (et même s'il
y a un pharmacien dans l'histoire lol). Effi n'est pas Emma, Innstetten
n'est pas Charles, etc. J'y verrai un seul point commun : elles ne sont
pas très maternelles.
J'ai plutôt pensé à Middlemarch
et Les
Buddenbrook pour le côté hanséatique.
En fait, la liaison Effi-Campras est à peine suggérée,
seules les inquiétudes de la jeune femme transparaissent sous la
forme de sa peur des fantômes et de Mme Kruze et sa poule noire.
On n'est véritablement éclairés qu'au moment de la
découverte des lettres par Innstetten (mais pourquoi les a-t-elle
gardées bon sang ?). J'ai trouvé tous les personnages très
présents, sauf Crampas, qui semble falot, surtout vu par les yeux
du mari parti pris de Fontane sans doute. Le père d'Effi
est un caractère très intéressant, il y a la façade
sociale, et l'homme très sensible et clairvoyant. Le mari se résout
au duel - où là on voit le poids social - mais dans la souffrance.
Et presque tous les personnages sont positifs, avec juste un contre-exemple
: cette vieille fille qui critique tout et tous (Sidonie) et qui fait
plutôt sourire.
J'ai été très émue par la fin d'Effi, sans
doute mon côté midinette.
J'en ai retiré un grand plaisir de lecture. C'est pourquoi j'ouvre
en grand.
Thomas(avis
transmis)
Pour ce qui est d'Effi Briest, je ne serai malheureusement
pas des vôtres ce vendredi, pour cause d'escapade toulousaine (dont
la gastronomie me paraît supérieure à celle
de nos cousins outre-Rhin !), mais cette fois, j'ai lu - et aimé
! - l'ouvrage au programme, et voici donc mon avis.
Pendant longtemps je me suis demandé où l'auteur voulait
en venir. Je me suis senti coincé entre une version raccourcie
et édulcorée de Madame Bovary (oui, je sais, aucune
originalité ici !), et une tentative de roman gothique qui n'arrive
pas tout à fait à faire peur, un peu comme le Rebecca
de Daphné du Maurier, mais en moins bien.
Au bout de quelques centaines de pages, les fantômes et autres ectoplasmes
disparaissent pour de bon, me laissant l'étrange impression d'une
piste pas explorée jusqu'au bout. Il ne nous restait alors plus
que la pauvre Effi Briest, dont je peinais à saisir les réelles
motivations et envies - même si on comprend qu'elle s'ennuie assez
ferme - et cette aventure esquissée de très loin avec Crampas.
La lecture n'était pas désagréable, mais j'étais
content d'en voir le bout, quand les dernières pages m'ont fait
changer d'avis et - dois-je l'avouer en si bonne compagnie ? sans doute
Geert désapprouverait-il... - m'ont même arraché quelques
larmes ! L'humanité des parents d'Effi qui finissent par préférer
l'amour de leur fille aux conventions, et les réflexions finales
de Geert sur l'inutilité des honneurs sauvent, pour moi, un roman
qui me paraissait un peu terne jusqu'alors. (Même si la ficelle
de la mort par mélancolie m'a paru un peu grosse... mais peut-être
que je paye mon inculture médicale ?) Cela m'a un peu rappelé
l'excellent A
room with a view (oui, je sais, je poursuis mon lobbying !) pour
sa dénonciation des murs rigoristes de l'époque, notamment
en ce qui concernait les femmes. J'ouvre aux ¾ !
(Commentaires sur le fait que l'avis de Thomas est plutôt négatif,
mais il ouvre aux ¾
- contraste qui n'est pas si rare...)
Monique
L(en
direct comme pour les avis suivants)
L'intrigue de ce roman est assez banale, mais son rythme lent a eu sur
moi un effet hypnotique.
Le sujet du roman, la dénonciation de l'hypocrisie de la noblesse
prussienne de l'époque est traitée avec pudeur.
Tous les personnages agissent selon les règles de la société
et la place qu'ils estiment avoir à y tenir. Aucun personnage n'agit
véritablement par passion (pas même Effi lorsqu'elle trompe
son mari).
Ce qui m'a marquée, ce sont les non-dits et la légèreté
malgré la gravité du thème. L'auteur décrit
de façon indirecte les événements plus qu'il ne les
raconte. Tout est suggéré. Aucune scène intime n'est
relatée, on comprend qu'Effi va rejoindre son amant car elle s'absente
chaque après-midi.
C'est cet ensemble de caractéristiques qui font pour moi le charme
et l'intérêt de ce roman.
Les personnages sont complexes et profonds, et construits par petites
touches successives. Effi est décrite avec beaucoup de tendresse.
J'ai apprécié l'apparition de la cantatrice qui vit des
amours interdites et mène une carrière de chanteuse lyrique.
Les positions des uns et des autres sont bien décrites sans les
simplifier, comme par exemple les réflexions et les doutes de Innstetten
sur son devoir de venger un affront vieux de 6 ans. Un passage est déchirant
lorsque Effi s'aperçoit qu'Annie, à 10 ans, est aussi froide
que son père et qu'elle a subi une sorte de dressage. C'est très
mélancolique et le personnage d'Effi, qui se distingue au début
du roman par sa jeunesse et sa vitalité, y sombre sous nos yeux.
Un autre charme pour moi a été le contraste entre le discours
lisse et mondain des protagonistes et les tensions sous-jacentes.
Et c'est très bien écrit.
Le récit met, à mon sens, beaucoup trop de temps à
se mettre en place. C'est à plus des trois quarts du livre que
cela devient vraiment intéressant avec le questionnement des personnages.
J'ouvrais
d'abord à ½, puis, après la séance, j'ai trouvé
que le livre mérite bien les Après réflexions le
livre mérite bien les ¾
quand je le compare à d'autres auxquels j'ai attribué cette
cote d'amour.
Fanny
Je rebondis sur ce qu'a dit Monique, dans le sens où si je n'ai
trouvé rien d'original, pour moi ça a marché, ça
a fonctionné, et ce fut un vrai plaisir de lecture.
Au début, j'ai eu un peu d'ennui dans les mondanités où
je ne voyais pas bien qui était qui - un ennui à l'image
de celui d'Effi.
Il n'y a pas de passion ? Ça ne m'a pas frappée. J'ai trouvé
ça authentique, réaliste, crédible.
On sait très vite qu'elle va mourir (mines protestataires).
Bon, j'avais lu la 4e de couverture, mais il y a des indices. Par
exemple le passage à la fin de sa grossesse dans lequel elle imagine
être enterrée par le même pasteur qui l'a baptisée
et mariée.
J'aimerais que Posy
Simmonds l'adapte (mines approbatrices réjouies d'avance).
J'ai beaucoup aimé l'écriture, belle et parfois sobre. Dans
la scène du duel, par exemple, où l'action en elle-même
tient en une seule phrase, le procédé ajoute, je trouve,
de l'intensité au récit.
J'ouvre aux ¾ : c'est une belle découverte, même si
elle n'est pas surprenante.
Annick
A
Dans ce livre, c'est un regard sévère que porte Fontane
sur la société de l'époque. On y voit la domination
des hommes, pour qui les femmes sont là pour être aimées,
séduites et pour se soumettre. Effi à l'âge de 17
ans est livrée par ses parents à un homme de 23 ans de plus
qu'elle, qui n'est pas un amant. C'est dit textuellement : "Innstetten
était aimable et bon, mais ce n'était pas un amant"
(p. 127). C'est un homme
de principe, plein d'orgueil, et pour qui son honneur passe avant le bonheur
de sa femme et le sien.
Dans ces conditions, Effi qui aime la vie ne peut s'en contenter et aura
un amant, Campras, que son mari tuera en duel. Il chassera sa femme et
montera sa fille Annie contre elle.
C'est toute la Prusse étriquée de l'époque qui se
dévoile dans ce livre, dans ses principes d'honneur, à travers
le destin tragique d'Effi. Même ses parents dans un premier temps
la rejettent. "Pardonne-moi,
ma petite Effi, de te dire cela, mais c'est toi qui étais la cause
du malheur." Effi fit signe que oui, mais rajoute plus
loin : "je me suis très
sérieusement habituée à l'idée que c'était
lui le coupable, parce qu'il avait toujours été si sec,
si pondéré et finalement si cruel. Et des malédictions
ne sont venus aux lèvres. " (p.
337)
J'aime dans ce livre les ellipses où l'adultère est juste
évoqué, le contraste entre la légèreté
de l'écriture et le contenu dramatique, et de beaux passages sur
la nature.
Je l'ouvre aux ¾.
Rozenn(à
l'écran)
Un livre moins léger qu'il n'en a l'air. Tout y est effleuré,
esquissé. Elliptique. Pas de vague
Pas de bruit
Même
le duel est relativement light.
Mais en même temps tout est terrible. Certes de façon feutrée,
étouffée, étouffante. Rien n'est explicite, mais
on sait. On sait que l'héroïne n'est pas amoureuse. On sait
qu'elle n'est pas, qu'elle ne sera pas, heureuse. La mère le sait.
Ses parents le savent aussi. Mais entre eux ils ne parlent qu'à
demi-mots.
Ce
qui se passe entre les époux est à peine formulé.
Le voyage de noces - il est vrai, tel que raconté par courrier
aux parents - ressemble plutôt à des leçons d'histoire
de l'art. Le mari prévoit d'ailleurs des révisions, en groupe.
Il est dit qu'il n'est pas un amant. Un enfant arrive quand même,
dans les délais convenables, un seul. Tout est subtil. Nous ne
sommes même pas encouragés à deviner. Pas de pistes
pour imaginer. Seulement des indications sur la solitudes d'Effi, sur
ses terreurs entretenues finement par un poisson empaillé, des
pièces bruyantes, vides et venteuses, une tombe que le mari semble
se plaire à rappeler, comme une menace liés à une
histoire de "faute". Pédagogue, dit le futur amant, plutôt
manipulateur !
Elle a quitté la demeure de ses parents - et ses jeux d'enfants
avec la balançoire et avec ses amies - pour vivre dans une maison
qu'elle ne peut pas investir. Elle ne peut même pas y jouer le rôle
de maîtresse de maison. Même dans sa chambre, elle peine à
rester seule. L'entourage est à peine esquissé - pour moi
les paysages restent très irréels, dunes, mer, forêts.
La ville autour est comme absente, soit vide, des façades, soit
agitée d'étrangers. Seule vraie rencontre, le pharmacien
et de façon éphémère la cantatrice, guère
fréquentable.
Toute l'horreur formulée, c'est la nounou qui la porte. Horreur
des conséquences du jugement d'autrui sur sa "faute".
De plaisir, il n'est pas question - même avec son amant - nous ne
pouvons partager que son trouble. Malgré son désir de vie,
de distractions. Seule lui est permise la réussite sociale, enfin
celle du mari ambitieux, à laquelle elle adhère dès
sa rencontre, il semble que ce soit lié à son éducation
et à son désir de vie sociale, son souhait - encore non
formulé d'échapper à ce qui semble être son
destin. Prophétie autoréalisatrice d'un mari qui a voulu
épouser une petite jeune fille et la maintenir dans cet état
tout en devinant qu'elle y échapperait.
Aucune vie n'est heureuse. Toutes sont tragiquement gâchées,
soumises. L'enfant est écrasée par son père. Et le
mari lui-même est soumis aux convenances sociales. Seuls les parents
à la fin consentent quand même à reprendre leur fille
auprès d'eux.
Ce livre est très fort et terrible par son apparence même
lisse et convenue. Tout tient dans son écriture et je serais curieuse
d'en lire un autre du même auteur. Je l'ai lu avec plaisir
et révolte.
(Après la séance) Je l'ouvre finalement non pas aux
¾, mais en grand.
Jérémy
(qui
a proposé le livre)
Avant
la lecture : J'étais
tombé dessus à la Librairie Delamain, avec
une notule qui a attiré mon attention. Danièle et Sabine
ont encouragé la proposition, Etienne l'avait sur sa pile à
lire.
Le livre est publié dans la collection
Imaginaire Gallimard qui rend a priori intelligent et que je trouve
si chic et élégante. De plus, je suis client de ce genre
de livres, tant en raison de l'époque que du type d'histoire. Je
l'ai donc abordé avec impatience.
Après
la lecture : Il
y a un côté page-turner, j'ai été tenu en haleine.
C'est subtil et fait de petits pas grand-chose, mais l'auteur parvient
à nous embarquer et l'on avance par sauts de puce en ayant toujours
envie de savoir ce qui va bien pouvoir se passer ensuite. Lorsque j'étais
arrivé au déménagement à Berlin, il me restait
encore 80 pages à lire. Je savais, pour avoir lu la 4e de couverture
que tout cela ne pouvait pas finir aussi bien, pourtant j'avais cru Effi
sauvée, enfin éloignée de Crampas. Je me suis réellement
demandé si elle n'allait pas rencontrer un autre homme, s'il n'allait
pas se passer quelque chose avec le cousin Briest par exemple. Pour autant
que cela intervienne alors qu'il ne restait que 80 pages me paraissait
peu probable (trop long à développer). Quoi qu'il en soit,
contrairement à Fanny, je n'ai pas pensé dès le départ,
ni même rapidement, qu'Effi allait mourir, et ce alors que j'avais
souligné un passage prémonitoire : "Hertha,
voilà ton péché englouti, dit Effi. Cela me fait
penser qu'autrefois de pauvres malheureuses ont été jetées
ainsi d'une barque, pour cause d'infidélité naturellement"
(p. 32).
Pendant assez longtemps je me suis même interrogé sur l'identité
du personnage avec lequel elle allait "fauter". Crampas arrive
relativement tard dans le récit, donc pendant un bon moment, j'ai
bien cru que cela allait se produire avec le cousin Briest. Toutefois
à l'arrivée de Crampas les choses sont relativement "claires"
: c'est un homme à femmes, on se doute bien qu'il va la subvertir.
J'ai beaucoup aimé la description psychologique très fine
des personnages, notamment celui d'Effi bien sûr. C'est un personnage
complexe, nuancé, mouvant, voire paradoxal, difficile à
saisir je trouve. Je pense que cela a trait à son âge :
elle n'a que 16-17 ans. À cet âge, la personnalité
n'est pas encore complètement formée et l'on se "cherche".
La description qui en est faite ne la rend pas aimable au premier abord,
j'ai appris à l'apprécier au fil du livre. C'est une jeune
fille sportive, énergique, tout feu tout flammes, encore une enfant
: jouant à cache-cache, faisant de la balançoire, etc. Mais
elle aussi égocentrique et vaniteuse : "elle
ne connaissait rien de plus beau par exemple que de recevoir beaucoup
de lettres d'anniversaire. Il fallait que tout le monde lui écrivît
ce jour-là. Si dans ces lettres elle rencontrait des tournures
comme : "Gertrude et Clara se joignent à moi pour t'envoyer
nos souhaits les plus cordiaux.", elle les réprouvait avec
mépris ; pour rester ses amies, Gertrude et Clara devaient faire
en sorte d'affranchir leurs lettres avec des timbres spéciaux et,
comme son anniversaire tombait pendant les vacances, avec un timbre étranger,
de Suisse ou de Carlsbad" (p.
39). Elle tient des propos un peu mesquins et peu amènes
sur ses amies : "Je
voudrais qu'elles se prennent un peu moins au sérieux et qu'elles
songent un peu plus à moi. À la fin du compte elles resteront
vieilles filles et c'est moi qui regretterai de les avoir pour amies"
(p. 46). Elle est
également matérialiste, superficielle et capricieuse :
"
eh bien ce serait
un paravent japonais noir avec des oiseaux d'or ayant tous un long bec
de grue
Et peut-être aussi une lampe pour notre chambre à
coucher avec un abat-jour rouge"
(p. 48). En ce sens elle m'a un peu fait penser au personnage de
Rosamond Vincy dans Middlemarch,
cette petite pimbêche si imbue d'elle-même. D'ailleurs à
un moment Effi dit à sa mère que l'une de ses tantes l'a
traitée de pimbêche. Pour autant, si Effi peut sembler un
peu écervelée, elle est aussi une jeune femme ambitieuse,
qui veut progresser dans la société dans laquelle elle occupe
déjà une place enviée ; elle affirme ainsi à
sa mère : "D'abord
il y a l'amour mais, tout de suite après, la gloire et les honneurs,
ensuite les distractions - toujours quelque chose de nouveau, qui me fasse
rire ou pleurer. Ce que je ne puis supporter, c'est l'ennui"
(p. 51). Effi
a besoin de VIVRE, c'est un personnage exalté, fougueux, à
la recherche du frisson de la vie : "J'aime
mieux grimper aux arbres et me balancer, j'aime encore plus avoir peur
que ça craque ou que ça casse et risquer de tomber par terre"
(p. 53). C'est pour cela
que son mariage avec Geert est d'emblée voué à l'échec.
Effi sort à peine de l'adolescence. Ce dont elle aurait besoin
c'est d'un grand amour, d'une passion dévorante qui lui permettrait
de canaliser toute l'énergie dont elle regorge. Au lieu de cela,
son mari est un homme sensiblement plus âgé qu'elle, un homme
mature, sage, pondéré. Un homme bon et tendre, un bon époux
mais pas un amant. Ainsi : "Innstetten
était aimable et bon, mais ce n'était pas un amant."
Il me fait un peu penser à Casabon par son aspect un peu solennel
et surtout, pontifiant, "pédagogue" comme dit Crampas.
Par exemple lors du voyage de noces. Ou lorsqu'en hiver il propose d'organiser
des soirées à "réviser" ce qu'ils ont appris
lors de leurs visites, de manière à ce qu'ils puissent en
retenir quelque chose, au grand désespoir d'Effi qui souhaiterait
un divertissement plus léger pour égayer ses longues soirées
d'hiver (p. 127).
Le personnage d'Innstetten est intéressant et attachant également.
Je vous ai trouvé très sévères avec lui. Je
pense sincèrement que c'est globalement un bon mari : il est tendre,
à l'écoute, il discute avec sa femme, essaie de l'élever
culturellement, écoute son point de vue, est prévenant à
son égard, lui demande ce qu'elle souhaite et essaie de lui faire
plaisir. Même si cela n'est pas dit explicitement, il n'y a aucune
trace de grivoiserie de sa part envers d'autres femmes, et il peut encore
moins être soupçonné d'être porté sur
la boisson. Bref, pour l'époque, je pense qu'il fait vraiment partie
de la "crème de la crème". Bien sûr, il
trouve sa femme enfant et la gronde un peu pour l'histoire du fantôme,
mais cela ne va pas très loin, et on ne peut pas dire qu'il soit
réellement "dur" avec elle. Il fait même preuve
de bonté, voire d'aveuglement lorsqu'il a des soupçons mais
choisit de faire confiance à sa femme. Ainsi : "Mais
il avait assez vécu pour savoir que tous les signes sont trompeurs
et que notre jalousie aux cent yeux nous induit plus souvent en erreur
que la cécité de notre confiance"
(p. 217). Je trouve ce personnage très touchant. Il est
parfaitement conscient que son destin, que son choix ne lui appartiennent
pas mais qu'en tant qu'appartenant à la société,
il doit se plier à ses règles, à ses principes, à
ses valeurs d'honneur sans quoi "la
société nous mépriserait, et nous nous mépriserions
nous-mêmes" (p. 275).
La mère d'Effi ne fait pas un autre constat lorsqu'elle dit :
"Mais on n'est pas au
monde pour être faible et tendre, ni pour traiter avec indulgence
ce qui ne respecte pas la loi morale, ce qui tombe sous le jugement des
hommes, un jugement qui, provisoirement du moins, a pour lui la justice."
Sa détresse et sa tristesse sont profondes et sont d'autant plus
touchantes qu'il est parfaitement lucide sur sa situation, il sait que
sa vie est finie et gâchée, tout autant que celle d'Effi
en définitive : "Quand
il eut fini de la lire, il se passa la main sur le front et ressentit douloureusement
qu'il existe un bonheur, qu'il l'avait possédé, mais qu'il
ne l'avait plus et ne l'aurait plus jamais" (p.
328).
Le livre est également très bien écrit, certains
passages sont très beaux et émouvants. Comme lorsqu'Effi
est sur le point de mourir et qu'elle use du parallèle avec ce
personnage de roman ayant quitté une tablée et auquel l'on
répond, lorsqu'il demande le lendemain ce qui s'est passé
après son départ : "Bien
des choses, mais vous n'avez rien perdu" (p.
336).
Finalement, Effi et Geert sont tous les deux les victimes de la société,
de leur époque, de ses valeurs, de ses principes, d'un mariage
arrangé parfaitement accordé sur le papier, mais stérile
d'amour. Ce roman signe selon moi le triomphe de la société
sur les individus qui n'existent peut-être pas encore.
Je l'ouvre en grand.
Brigitte(à
l'écran)
Depuis longtemps, j'avais entendu parler de Fontane, comme un romancier
allemand majeur (à l'occasion d'un voyage en Allemagne). J'avais
l'intention de lire une de ses uvres, mais l'occasion ne s'était
jamais présentée, jusqu'à maintenant.
C'est l'histoire d'un adultère entre Effi Briest et le commandant
Crampas. Entre eux, il n'y a pas d'amour. Effi est contente que les circonstances
lui permettent de mettre facilement fin à cette aventure, qui n'entraîne
aucune conséquence négative pour elle dans la société
conservatrice à laquelle elle appartient.
Toute la qualité du livre est dans l'art du romancier. Comme Geert
le mari, le lecteur devine, sans jamais en être sûr, le déroulement
de l'intrigue.
Quand, par hasard, longtemps après, l'affaire éclate au
grand jour, nous découvrons comment cette société,
si figée, commence tout doucement à évoluer vers
un comportement moins dur et plus moderne, comme en témoignent
: la conversation sur l'honneur entre Innstetten et Wüllersdorff
(son témoin), ou l'évolution des parents d'Effi, qui finalement
décident de l'accueillir à Hohen-Cremmen, ou encore les
réflexions d'Effi sur la possibilité, ou plutôt l'impossibilité,
pour elle de travailler auprès de jeunes enfants.
Si Effi, frappée par l'exclusion sociale, se laisse mourir peu
à peu, Roswitha, frappée par le même type d'exclusion,
trouve l'énergie de rebondir et de vivre.
J'admire la finesse de l'attention portée aux personnages secondaires,
en particulier aux vieux médecins de famille, particulièrement
mystérieux, qui se prononcent comme des oracles. Je regrette cependant
que l'auteur n'ait pas fouillé un peu plus le personnage d'Annie.
Serait-elle appelée à devenir une nouvelle Sidonie ?
J'ouvre aux ¾.
Catherine, presque
J'ai
beaucoup aimé. Je ne connaissais pas Théodor Fontane, même
pas de nom. Je l'ai lu cet été et relu en partie ces derniers
jours, et j'avais gardé un souvenir assez clair du livre, au moins
de l'histoire.
C'est le portrait d'une très jeune femme à la fin du 19e siècle,
prisonnière de la société prussienne de l'époque,
que l'on marie à 17 ans avec un homme de plus du double de son
âge, et qui, poussée par l'ennui et la solitude, commet un
adultère. C'est un thème très classique de la littérature,
mais à partir d'un thème classique, Fontane a écrit
un roman original.
J'ai beaucoup apprécié le début : la description
de la maison, dans la campagne, la nature, Effi et ses amies qui jouent
à chat comme des gamines qu'elles sont. Et puis, en trois pages,
le roman bascule, Effi est fiancée.
C'est une victime consentante, à aucun moment elle ne se révolte,
elle est même plutôt satisfaite de cette demande faite par
un baron, un Landrat, car elle va s'élever dans la société.
Il s'avère que c'est un ancien amour de sa mère, ce qui
semble plutôt malsain ; cela ne paraît gêner personne.
Effi est ambitieuse, elle le répète à plusieurs reprises
au cours du livre, et son ambition passe obligatoirement par la carrière
et le prestige de son mari. Ça n'est pas une histoire dramatique,
tout au moins au début, Innstetten est plutôt gentil, attentionné,
mais il l'assomme de visites de musées pendant leur voyage de noces,
elle ne l'aime pas, il lui fait même un peu peur. Dès le
début de leur relation, elle insiste sur le fait que c'est un homme
de principes contrairement à elle. La nuit de noces est passée
sous silence, il y a néanmoins des moments de tendresse. Avec l'irruption
des fantômes, assez inattendue, l'atmosphère se tend. On
finit par comprendre qu'Innstetten utilise cette peur des fantômes
pour contrôler sa femme, ce qui rend son personnage plus sombre,
cela est suggéré, jamais clairement explicité. L'ensemble
du roman est d'ailleurs fait de non-dits ; il y a une atmosphère,
des personnages, des situations et le lecteur en déduit ce qu'il
veut, il peut laisser libre cours à son imagination. C'est une
des qualités du roman pour moi. De même, on comprend qu'Effi
a une liaison avec le major Campras, mais il y a aucune scène d'amour
explicite. Elle ne semble même pas l'aimer
vraiment non plus ; d'ailleurs, il n'y a pas de passion entre eux.
En revanche, elle est tourmentée par sa conscience et la "faute"
qu'elle a commise. Le départ pour Berlin est donc un soulagement,
cette histoire s'éloigne et elle mène une vie presque heureuse.
Et de nouveau, le roman bascule. Il y a une vraie tension dramatique tout
au long de l'histoire. Innstetten découvre que sa femme l'a trompée
par hasard. Et on assiste à une scène marquante du roman :
la discussion entre Innstetten et Wüllersdorff
sur ce qu'il convient de faire
face à cet adultère. J'ai trouvé cette scène
incroyable. Innstetten prend la décision, alors que son ami tente
de l'en dissuader, de bannir sa femme, de la séparer définitivement
de sa fille et de se battre en duel avec son amant, alors qu'il aime sa
femme, que l'adultère date de 6 ans et que personne n'est au courant.
Cette décision est prise uniquement en raison des conventions de
la société. Fontane nous fait prendre conscience de la violence
de cette société prussienne et de sa rigidité. Les
parents d'Effi renient également leur fille pour garder leur place
dans le monde.
Effi, de même qu'elle a accepté son mariage, accepte sa situation.
La société considère qu'elle seule est coupable,
personne ne le remet en cause. Effi ne se révoltera que lorsqu'elle
s'apercevra que son mari, qui a semblé être plus humain puisqu'il
l'a autorisée à voir sa fille, l'a dressée contre
elle. J'ai trouvé l'analyse psychologique des personnages très
subtile.
Il y a aussi toute une galerie de personnages secondaires formidables
: le pharmacien, la nounou, Johanna, plutôt sympa dans le livre,
glaçante dans le film. C'est aussi un personnage complexe. Il y
a une rivalité entre elle et Roswita ; une fois Effi bannie et
Roswita partie, elle pense avoir une relation privilégiée
avec Innstetten. Le médecin est aussi un beau personnage, empathique,
bienveillant, qui comprend la situation dans laquelle se trouve Effi tout
au long de son suivi.
J'ai été très contrariée de voir qu'à
la fin du roman, Effi, alors qu'elle va mourir, se sent à nouveau
coupable et dédouane son mari.
Mais l'ensemble est très réussi, j'ai beaucoup apprécié
l'écriture. J'ouvre presque en grand. C'est un excellent livre...
c'est un grand livre.
Claire
J'ai cet été lu Avec
vue sur l'Arno de Forster qu'avait chaudement recommandé
Thomas et dont il reparle dans son avis - et c'est vrai qu'on peut faire
le rapprochement -, conquise avant d'ouvrir le livre du fait que
Forster faisait partie du groupe de Bloomsbury : hélas j'ai vraiment
été déçue, et déçue de ne pas
aimer.
Richard
Ah moi, j'ai bien aimé.
Catherine
Peut-être un livre pour le groupe lecture alors...
Claire
Dans Effi Briest, j'ai aimé
l'humour ; pendant le mariage, la mère d'Effi réprimande
son mari : "Vas-tu te
tenir, Briest ? lui souffla sa femme sur un ton assez sérieux.
Tu n'es pas ici pour raconter des histoires à double entente, mais
pour faire les honneurs de la maison. Nous sommes à un mariage
et non à une partie de chasse." À quoi Briest répondit
qu'il y n'y voyait pas grande différence."
Rien que ce dialogue montre les fortes personnalités, non
banales. Tous les personnages ont du relief.
J'ai été épatée par le contraste entre l'art
de l'ellipse (en particulier rien n'est dit sur la liaison) et la profusion
des discours argumentés. Par exemple, à propos de sa peur
dans la maison, à son mari : "J'ai
beaucoup souffert, vraiment beaucoup, et quand je t'ai vu, j'ai pensé
que j'allais être délivrée de ma terreur. Mais tu
m'as dit seulement que tu n'avais pas envie d'être ridicule aux
yeux du prince et de toute la ville. C'est une maigre consolation. Je
la trouve d'autant plus maigre que finalement tu te contredis non seulement
en paraissant personnellement croire à ces possibilités,
mais encore en exigeant de moi que je sois fière d'un 'fantôme
à nobles'. Eh bien, je n'ai pas cette fierté-là."
J'ai admiré l'alternance de récit, de lettres, de dialogues
très nombreux et l'art de susciter une tension due aux non-dits,
aux mystères (fantôme), aux événements (duel).
J'ai remarqué un monologue intérieur du baron
(p. 283-284) - moderne, non ? - l'interpellation du personnage
par le narrateur ("Pauvre
Effi, trop longtemps tu as contemplé"...)
Fanny
Et parfois du lecteur, quand un vous apparaît.
Claire
L'esprit règne dans ce livre.
Catherine
À quel sens l'esprit ?...
Claire
Une langue spirituelle. On demande à l'aubergiste de raconter quelque
chose, il est "tout
désigné pour cela ; à deux kilomètres
à la ronde un uf ne pouvait se pondre sans qu'il le sût"
ou bien à propos du forestier qui reçoit, vaniteux, contrarié
par la timidité de sa femme "Heureusement
sa mauvaise humeur ne le poussa à aucun éclat, car ses filles
fort jolies (...) tenaient de lui et possédaient ce qui manquaient
à sa mère." J'adore ces tournures. Je me
suis régalée.
J'ai trouvé les mentions psychologiques fines, donnant à
sentir ; par exemple Effi "parlait
et riait beaucoup, mais ni ses paroles ni son rire ne venaient du fond
de son âme. Elle se sentait oppressée et ne savait pas exactement
qui, d'Innstetten ou d'elle-même, elle devait en rendre responsable".
Les paradoxes
sont nombreux : "Ses
hommages la remplissaient d'une certaine crainte, et son indifférence
la contrariait". Ces phrases pensantes créent un
plaisir de l'esprit.
J'ai eu un peu de mal à comprendre que l'histoire des fantômes
alimentait la domination subreptice du mari qui culmine avec le dressage
de la petite fille, atroce.
J'ai été étonnée qu'une si jeune fille devienne
une patronne sans problème - sans doute l'éducation le permet
alors.
L'entente tendre des deux jeunes mariés semble réel, relevant
plutôt d'une amicale complicité : j'ai trouvé
absolument incongru qu'une enfant naisse ; pas l'ombre d'un désir,
chacun sa chambre en donnant l'impression d'y rester (ça va avec
l'ellipse...)
J'ai trouvé Fontane féministe, montrant l'aliénation
de l'héroïne, progressivement privée de tout ce qui
nourrissait son énergie et sa joie de vivre. Par
exemple, quand la station s'anime, Effi peut
regarder la rue, mais ne peut comme les Kessinois se livrer à la
Promenade qui est leur occupation journalière : "Effi,
qu'Innstetten ne pouvait accompagner, était forcée de s'en
abstenir" : on a l'impression d'être chez les Talibans...
L'Histoire m'a échappé concernant
Bismarck qui est en arrière-plan, concernant ce discours : "Oui,
mes amis, grâce à la Poméranie et au Brandebourg,
nous dompterons et écraserons l'hydre venimeuse de la Révolution".
Mais aussi la géographie : la "vie
à moitié hanséatique, à moitié suédoise",
j'ai du mal à la visualiser...
J'ai noté quelques remarques que d'aucuns
ont heureusement oublié de censurer : "elles
sont de pure race allemande" (p.
256), "c'étaient
de purs Germains dont nous descendons tous" (p.
322), "partir
et aller chez les Nègres qui ignorent la civilisation et l'honneur.
Heureux Nègres !"
(p. 330)
J'ai remarqué que quelques pages avant de mourir après ce
récit tragique, il y a un hymne à la nature : "Effi,
pour qui l'air libre avait plus de valeur encore que la beauté
du paysage (...) Tout lui était bonheur,
elle respirait avec joie (...) Rollo, assis auprès d'elle, partageait"...
Finalement c'est un livre de plein air et d'animaux..., avec chien et
poule poule qu'on découvre dans le film.
Le film en noir et blanc de Fassbinder m'a stupéfiée : alors
qu'il est long (2h20) je l'ai trouvé admirable, hiératique,
inquiétant, esthétique, jouant comme le livre des modalités
de narration. Fascinant.
Richard
Quand ce film est-il sorti ?
Claire
En 1974.
Richard
Je travaillais en Allemagne à ce moment-là dans la pub et
je suppose que le film se situait dans des courants de pensée des
années 70. Les Allemands de ces années-là étaient
extrêmement sensibles aux principes de l'organisation sociale et
ses classes, et aux conséquences négatives de leur non-
respect.
La Prusse avait des strates de société encore plus fortes
qu'en France, très hiérarchisées. Beaucoup d'aspects
de ce livre s'expliquent ainsi.
Je n'avais pas lu ce livre, mais Fontane figurait parmi les auteurs à
la fac en Angleterre, et notamment quatre de ses petits romans.
J'ai lu le livre presque deux fois, car je l'ai commencé en allemand,
avec des descriptions assez difficiles à lire, puis ai acheté
la version française.
Pour moi, c'est une tragédie. Dès le début, tout
est là pour la créer, avec l'organisation hiérarchique
de la société, le petit bled allemand. On avance, il y a
de la tension, ça évolue.
Je n'avais pas lu la 4e de couverture. Il faut attendre une quarantaine
de pages pour savoir qu'elle a 17 ans, et c'est peu à peu que se
dévoilent les faits. Effi reste une petite fille, même à
la fin où elle se raccroche à son lieu de naissance.
Pour ce qui est du fantôme, j'ai cru qu'on versait dans le roman
gothique, mais non. On ne sait pas grand-chose là-dessus.
Le mari détestable parle à Effi comme une enfant, par exemple
au sujet d'un pays d'Afrique, comme pour la rabaisser.
J'ai beaucoup aimé ce livre, j'ouvre aux ¾.
Thomas Mann(ne
s'est pas limité à Effi Briest et n'a pu se
déplacer ce soir)
Qu'il me soit permis d'avouer qu'aucun écrivain du passé
ou du présent n'éveille en moi ce ravissement immédiat
et instinctif, cet amusement spontané, cet intérêt
chaleureux, cette satisfaction que j'éprouve à chaque vers,
à chaque ligne de ses lettres, à chaque bribe de ses dialogues.
Cette prose si légère et si limpide, dotée pourtant
d'une agréable ampleur, avec sa secrète tendance au ton
de la "ballade", ses ellipses à la fois attrayantes et
poétiques, a une nuance de nonchalance "soutenue" ; malgré
son laisser-aller apparent, elle possède une tenue, une consistance,
une forme intimes, telles qu'on ne peut guère les imaginer qu'après
un long commerce avec la poésie ; elle est, en fait, beaucoup plus
proche de la poésie que son absence de solennité et de prétention
ne voudrait le reconnaître, elle a une conscience poétique,
des exigences poétiques, elle est écrite en fonction de
la poésie et - tout comme les vers de sa vieillesse, si concentrés
et si parfaits qu'on les retient aussitôt par cur, se rapprochent
de plus en plus de sa prose par le style - le phénomène
singulier, c'est que sa prose se sublimise dans la mesure même où
elle (pardonnez-moi le mot) baguenaude. On a souvent dit qu'il était
un causeur* et lui-même s'est ainsi désigné
; cependant la vérité, c'est que même lorsqu'il semblait
bavarder il fut un barde, et son bavardage, qui après Effi Briest
prit le dessus, sous une forme poétiquement sans doute assez
douteuse, consiste en une volatilisation du sujet matériel, au
point qu'il ne reste, finalement, presque plus rien qu'un jeu artistique
nuancé et spirituel.
*En français dans le
texte
Etienne
(un mois plus tard, sans avoir vu nos avis)
Ce livre n'a, tout compte fait, pas tant de chose à voir avec Madame
Bovary je pense que ce point a dû être soulevé
pendant la séance. Étonnement, c'est être plongé
dans cette ambiance désuète de hobereaux et notables du
Nord de l'Allemagne qui m'a le plus plu, j'y ai trouvé un exotisme
très plaisant. À côté de l'ambiance solaire
et édénique d'Hohen-Cremmen, Fontane oppose presque de façon
caricaturale un Kessin froid, mystérieux, où la nature et
les protagonistes semblent hostiles, où l'existence d'un fantôme
chinois ne prête pas à rire. On pourrait presque penser que
c'est Kessin qui pervertit Effi, là où elle n'était
qu'insouciance au pays natal.
Autre différence par rapport à l'uvre de Flaubert,
nous n'apprenons l'infidélité d'Effi qu'à la fin
et surtout il ne semble s'agir que d'une passade sans grande importance
ni passion ("je ne l'aimais pas"). En décalant
de plusieurs années la découverte de l'affaire de sa survenue,
Fontane ridiculise la réaction d'Innstetten et ses - surtout -
conséquences. Ce dernier, en survivant à son duel et en
répudiant sa femme, semble complètement prisonnier de la
rigidité de sa morale où la miséricorde n'a aucune
place. Fontane soulève donc une question intéressante :
le temps atténue-t-il ou excuse-t-il une faute ? Et si oui,
à partir de quel seuil ? C'est retors... Il semble d'ailleurs répondre
par l'affirmatif tant il enveloppe Effi de bienveillance ; même
Roswitha donne l'impression de prendre l'ascendant moral sur Johanna.
Effi meurt, mais pas de façon pathétique comme Emma ;
une forme de transcendance s'opère presque : elle retourne
au pays, enterrée dans le jardin familial, sous le regard aimant
de ses parents et des héliotropes. En creux, Theodor Fontane donne
donc l'impression de condamner la rigueur morale qui paradoxalement débouche
sur une grande pauvreté d'âme.
Après notre tour de table, nous apprécions des extraits du texte très intéressant (de Françoise Wuilmart directrice du Centre européen de traduction littéraire), qui, à l'occasion de la comparaison des trois traductions du roman Effi Briest, présente une réflexion sur la notion de vieillissement des textes. Or, il n'est pas rare que vienne cette remarque dans le groupe : "j'ai trouvé ce texte daté". Cet article nous permet peut-être d'aller un peu plus loin.
"Partons du constat généralement admis : le texte original ne vieillit pas, alors que les traductions vieillissent, avec comme corollaire : les traductions doivent sans cesse être remises sur le métier.
Première cause détonnement : pourquoi le texte original ne vieillit-il pas au contraire de ses traductions ?
Cette assertion galvaudée mérite dêtre nuancée : certains textes originaux vieillissent bel et bien, et dautres pas. Mais qu'est-ce qu'un texte "vieilli" ? Car le texte en soi ne vieillit pas au sens où il reste immuable. Cest dans le processus de réception qu'il vieillit, cest le lecteur qui lui colle des rides. Ne faudrait-il pas parler plutôt de texte qui "date", qui fait date, du fait qu'il est essentiellement référencé à son épistémé* ou à son idéologie contemporaines par exemple, ou parce qu'il a recours à des expédients stylistiques aujourdhui émoussés et sans effet. Ce serait donc un texte en quelque sorte tourné vers lui-même et son temps, et dont les préoccupations, les affects ou les événements décrits ninterpellent plus aujourdhui, bref un texte qui na plus voix au chapitre, ne suscite plus lintérêt ou ladmiration, auquel le lecteur ne s'identifie plus, dans lequel il ne se reconnaît plus, un texte dépassé et suranné et qui na plus valeur que de témoignage de son temps.
*Note de Voix au chapitre : l'épistémé renvoie aux connaissances, à une façon de penser, de se représenter le monde, qui simposent à une époque.
Par conséquent : un texte qui ne se survit pas à lui-même par manque duniversalité temporelle et spatiale, et qui ninterpellera pas les générations suivantes. Dans la grande dialectique transversale humaine, ce genre de texte est devenu lettre morte.
En revanche, quiconque oserait prétendre que les textes de Shakespeare, de Goethe ou de Dante ont "vieilli" se couvrirait de ridicule.
Si les grands textes dauteurs sont pour ainsi dire pérennes, cest qu'ils continuent de concerner tout lecteur en dépit du lieu ou de lépoque à partir desquels celui-ci les lit. Cest aussi qu'en dépit du ou des cas particuliers et très localisés qu'ils mettent en scène, la portée et lenvergure sont vastes et dépassent les frontières du temps et de lespace. Je pense ici à François Villon ou à Rabelais dont lhumanisme intemporel nest plus à démontrer, en dépit dune langue qui elle a évolué.Revenons au concept duniversalité qu'il faut, me semble-t-il, mettre en relation avec deux autres concepts fondateurs de tout grand texte dauteur : la polysémie, et lexcédent utopique.
Polysémique est le texte qui se prête à des interprétations diverses sans que cela ait été, au départ, dans lintention de lauteur. Rappelons qu'un auteur (et aucun écrivain ne m'a jamais contredite sur ce point) sait certes comment il écrit, il maîtrise sa plume, mais il nest pas nécessairement conscient de tout ce que véhicule son écriture. En effet, elle véhicule souvent à linsu de son géniteur, des contenus qui lui échappent, car il écrit aussi avec son inconscient, individuel et collectif. Cest sans doute par le phénomène dabduction* qu'il fait émerger de son ego les éléments qu'il mettra en scène dans sa fiction, mais justement : tout ce qu'il ne fait pas émerger expressément ne continue pas moins dagir sous le couvert, se manifestant malgré lui ici et là dans des connotations, des métaphores spontanées, des formules répétitives, des tournures de style, et j'en passe.
*Note risquée de VAC : par rapport à la déduction (de luniversel au particulier), l'induction (du particulier à luniversel), l'abduction introduit la prévision, l'hypothèse, l'analogie, l'intuition, la dimension inconsciente (pour disserter, voir =>ici).
Raison pour laquelle dailleurs il ne faut jamais questionner un auteur ou tout autre artiste dailleurs sur "ce qu'il a voulu dire", car il vous répondra que ce qu'il a voulu dire, il la dit là, de cette manière-là, et qu'il ne peut le dire autrement, et on pourrait conclure que si vous navez pas compris, cest qu'il a raté son coup. En tant que traductrice de textes de grands écrivains, il m'est souvent arrivé de mettre au jour des dimensions textuelles que lauteur ne savait pas avoir creusées. De la même manière certains textes de Shakespeare se sont largement prêtés à des interprétations psychanalytiques que Shakespeare bien sûr naurait pu conceptualiser à lépoque et qui sont pourtant bien présentes. De là qu'on la qualifié de visionnaire. (...)
Quant à lexcédent utopique, cest un concept blochien. Le philosophe allemand Ernst Bloch (1885-1977) met en évidence le concept de utopischer Ueberschuss : lexcédent utopique, ce résidu de luvre dart, dans luvre dart, qui ne meurt pas avec son époque ou son contexte mais est récupéré par les générations suivantes qui le font évoluer dans et par leur vision propre, et qui se transmet ainsi de siècle en siècle en gardant une certaine actualité. (...).
Cet excédent utopique qui dépasse le projet, le dessein originels et interpelle les générations suivantes est également à luvre dans le grand texte littéraire. Aussi enraciné soit-il dans son contexte médiéval, Faust ne sera jamais démodé tant que lhumain restera humain ; quant à Méphistophélès : ne nous guette-t-il pas aujourdhui encore, dans une foule davatars ? Voilà donc pour les textes qui ne vieillissent pas versus les textes qui datent."
Françoise
Wuilmart
directrice du Centre
européen de traduction littéraire
La préface de Joseph Rovan, dans l'édition Imaginaire Gallimard, propose une présentation étoffée de l'auteur et de son uvre.
Voici, moins touffue, une présentation vivante, très bien faite et facile à regarder, en 10 min, concoctée par la Planet Schule sur YouTube, c'est sous-titré en français : Theodor Fontaine : sa vie, son uvre.
Fontane s'est mis a écrire relativement tard (59 ans) des romans et en a alors écrit 17 !
Effi Briest fut publié
en six parties distinctes dans le périodique Deutsche Rundschau
d'octobre 1894 à mars 1895, avant d'être publié en
livre
en 1896.
Le texte original en allemand est en ligne =>ici.
Effi Briest apporta à Theodor Fontane succès et renommée.
Qui
lit Theodor Fontane, à part nous ?!
Claude David, professeur à la Sorbonne, où
il dirigera l'institut d'études germaniques de 1967 à 1981,
ouvre ainsi sa préface au livre
de la collection Bouquins comportant quatre romans de Fontane :
"Theodor Fontane... Combien de lecteurs en France, même de culture honorable, ont entendu ce nom ? S'il fut un temps où l'on dénonçait comme un danger l'invasion des lettres allemandes, ce temps est bien passé. Entre Goethe et Thomas Mann, entre les Affinités électives et Buddenbrooks s'ouvre un trou noir de quelque 90 ans, où certains parviennent, tant bien que mal, à situer Hoffmann ou Henri Heine. Il est certain que l'Allemagne n'a pas eu de Balzac ni de Tolstoï. La prose allemande de ce temps ne justifie pas cependant un tel oubli et une telle ignorance. Et c'est un signe des relations restées longtemps malheureuses entre la France et l'Allemagne qu'il faille aujourd'hui présenter Fontane comme un presque inconnu. Car aucun de ces romanciers et de ces conteurs, dont on nous épargnera d'énumérer les noms, ne mérite autant que lui d'être chez nous exhumé et instauré dans sa vraie valeur."
Marc Thuret narre l'histoire de la réception de Theodor Fontane en France, dont voici un petit extrait :
"Le succès dEffi Briest en Allemagne laisse les éditeurs français indifférents, et ce sera pour finir le fils de Fontane, Friedrich, directeur depuis 1888 dune maison dédition portant son nom, qui prendra linitiative de faire paraître à Berlin en 1902 une version française du best-seller de son père, traduit en français par Michel Delines, nom sous lequel paraissaient les écrits de Mikhail Achkinasi, traducteur et promoteur en France au tournant du siècle des classiques russes, auteur des livrets français des opéras de Tchaïkowsky, Moussorgsky et Glinka joués à Paris. Curieusement, aucune uvre allemande ne figure sur la liste de ses traductions conservées à la Bibliothèque nationale, qui ne possède pas non plus dexemplaire de cette Effi Briest française de 1902, très affadie par le style du traducteur et par les nombreuses coupures pratiquées dans le texte" (la suite, très développée, vaut la visite : "Fontane en France et en français", extrait du livre en ligne Theodor Fontane : un promeneur dans le siècle, Presses Sorbonne Nouvelle, 1999).
Trois traductions se succèdent
en français et le parcours de chaque traducteur vaut la peine d'être
découvert :
- En 1902 par Michel Delines,
Berlin, Fontane & Co ; Effi
Briest a été accessible en français dès
1900, dans le Supplément du Monde moderne, puis dans un
volume publié à Berlin en 1902 ; Michel Delines, qui traduit
aussi du russe, est un des pseudonymes de Michel Osipovic Ashkenazi, romancier,
publiciste, musicologue et traducteur, né à Odessa et mort
à Nice.
- En 1942 par André Curoy,
Leipzig, éd. Bernhard Tauchnitz ; Club bibliophile de France, 1957
; Gallimard, coll. Les Presses d'aujourd'hui, 1981 puis dans différentes
éditions de poche de Gallimard :
c'est la seule traduction disponible, en Imaginaire Gallimard ; André
Curoy,
musicologue également, fut l'un des traducteurs des Souffrances
du jeune Werther... Quant au préfacier, Joseph
Rovan, c'est un historien français d'origine allemande qui
fut, entre autres, conseiller de Helmut Kohl et de Jacques Chirac, au
cur des relations entre l'Allemagne et la France après 1945
(ses travaux =>ici).
- En 1981 par Pierre Villain,
éd. Laffont, coll. Bouquins ; Pierre Villain, professeur à
la Sorbonne, joua un rôle important dans les échanges franco-allemands.
Y a-t-il une traduction meilleure
? OUI !
Questionnant la retraduction, Françoise Vuillermot dans "Traduction
et prise de sens... Effi Briest aux mains de trois générations"
montre qu'une seule n'est pas susceptible de "vieillir" (in
Autour
de la traduction, éd. Orizons, 2011) :
intéressant !
Répétons...
qui lit Theodor Fontane, à part nous ?!
Actuellement on peut trouver facilement seulement 4 livres de cet auteur :
- en Imaginaire Gallimard :
Effi Briest et Madame
Jenny Treibel
- chez Sillage : Dédales
- aux éd. des Belles Lettres : Cécile
alors qu'ont été traduits
en français les livres suivants (avec en tête la date de
publication en allemand) :
- 1871 : Journal de captivité : voyage dans la France de 1970,
trad. Alain Garric, Strasbourg, Bueb et Reumaux, 1986 ; traduit d'abord
en revue en 1891 et 1892 (Souvenirs d'un prisonnier de guerre allemand
en 1870, trad. Jean Thorel, voir sur Gallica)
- 1878 : Avant la tempête : scènes de l'hiver 1812-1813,
trad. Jacques Legrand, Aubier,
1992
- 1881 : Ellernklipp : d'après un registre paroissial du Harz,
trad. Denise Modigliani, Le Serpent à plume, 1996 ; puis Ellernklipp
: la roche maudite, éd. du Rocher, 2001
- 1882 : L'adultera, trad. Madith Vuaridel, Aubier,
1991
- 1883 : Le conte Petöfy, trad. Denise Modigliani, le Serpent
à plumes, 1997
- 1887 : Cécile, trad. Jacques Legrand,
Aubier, 1994,
1998
; Cecile,
Jean-Marie Paul, éd. Les Belles Lettres, 2016
- 1888 : Errements et tourments, trad. Georges Pauline,
Laffont,
1981 ; traduit sous un autre titre par Eugène Koessler, Dédales,
Sillages, 2020 après Aubier, 1931, 1980
- 1890 : Stine, trad. Marc
Erlyc, éd. Ombres, 2000
- 1890 : Quitte, trad. Bernard Kreiss, Jacqueline Chambon,
1998
- 1891 : Jours disparus, trad. Jacques
Peyraube, Laffont,
1981
- 1892 : Madame
Jenny Treibel, trad. Pierre Grappin, Gallimard, 1943, puis 2011
- 1895 : Effi Briest, trois traductions
: Michel Delines, André
Curoys, Pierre Villain
- 1893 : Frau Jenny Treibel, trad. Michel-François Demet,
Laffont,
1981
- 1893 : Mes années d'enfance : roman autobiographique,
trad. Jacques Legrand, Aubier, 1993
; trad. Éliane Kaufholz-Messmer, éd. Jacqueline Chambon,
1996 ; publié en revue en 1894
- 1898 : Le Stechlin, trad. Jacques Legrand, Le Livre de Poche,
1981 puis 1998.
Des romans inspirés de faits réels, ça
court les rues. Celui-ci n'y échappe pas. On n'a pas besoin de
le savoir ?...
- Des faits
Une histoire authentique a inspiré Theodor Fontane.
Elisabeth von Plotho, jeune femme issue de la vieille noblesse
de Magdebourg-Brandebourg, épouse Armand Léon baron von
Ardenne (1848-1919) en 1873 (notre roman est publié en 1896), malgré
ses réticences, par obéissance à ses parents. Quelques
années plus tard, il accepte que le magistrat royal et officier
de réserve Emil Hartwich de Düsseldorf peigne Elisabeth et
par conséquent la voie à diverses reprises à cette
occasion.
Suite à son affectation au ministère de la Guerre, le baron
von Ardenne déménage à Berlin avec sa famille en
1886 ; il observe que sa femme correspond avec Hartwich. Devenu méfiant,
il ouvre la nuit la cassette dans laquelle elle conserve les lettres qu'elle
a reçues : sans doute, Emil Hartwich et Elisabeth d'Ardenne ont
eu une liaison ! Le magistrat, contacté par télégramme
à Berlin, avoue et accepte la demande du baron d'un duel au pistolet.
Il a lieu deux jours plus tard. Touché par plusieurs coups de feu,
Emil Hartwich décède quatre jours plus tard. Le baron von
Ardenne est arrêté, mais libéré après
seulement dix-huit jours de prison. Son mariage se termine par un divorce
en 1887 et il reçoit la garde des deux enfants. Elisabeth d'Ardenne
travaillera comme infirmière pendant des années. Elle décèdera
en 1952 à l'âge de 98 ans.
- Des faits modifiés
Le lien entre le destin d'Effi Briest et la vie d'Elisabeth von Plotho
est évident. Fontane a cependant modifié de nombreux détails,
non seulement pour protéger la vie privée des personnes
impliquées, mais aussi pour renforcer considérablement l'effet
: Elisabeth von Plotho n'a pas épousé son mari à
17 ans, mais à 19 ans ; il n'avait que cinq ans et pas 21 ans de
plus qu'elle. De plus, elle a eu sa relation non pas après un,
mais après douze ans de mariage, et son mari a abattu son amant
peu de temps après alors que la relation était toujours
en cours. Après le divorce, sa femme ne s'est pas retirée
mais a trouvé un emploi.
Pour ce qui est du cadre, le château de la baronne d'Ardenne était
une gracieuse folie du XVIIIe siècle, on y menait une vie de bals
et de fêtes. Fontane le transporte de Düsseldorf dans la ville
imaginaire de Kessin, reconstruite à l'image de Swinemünde,
dans l'île d'Usedom,
près des bouches de l'Oder,
où s'était déroulée une partie de sa propre
enfance. L'austère et puritaine Poméranie
se substitue à la Rhénanie catholique et joyeuse.
La manière dont la personne réelle Elisabeth von Plotho
s'est transformée en personnage fictif, Effi Briest, a été
analysée
en détail par des spécialistes.
- Tourisme à l'horizon...
Des "Effi
tours" incluant des passages du roman Effi Briest sont
organisés par la commune d'Elbe-Parey, étant donné
que le château de Zerben où Elisabeth von Plotho a grandi
serait le modèle de Hohen-Cremmen...
On ne fait pas pire avec Proust et la maison de la Tante Léonie
(nous sur
les traces de Proust dans le genre Effi tour...)
Qui s'y colle pour répondre à
la question : "Emma
Bovary et Effi Briest : un air de famille entre les uvres de Flaubert
et de Fontane ?
C'est Beate Langenbruch, maître de conf au CNRS,
sur le site de référence de l'université de Rouen
consacré à Flaubert, qui développe longuement la
réponse ainsi résumée ne disant rien :
Si, en définitive, on ne peut établir la preuve d'une influence directe de Flaubert sur Fontane, il n'en reste pas moins que la confrontation des deux textes et des deux esthétiques se révèle féconde, bien qu'elle laisse encore de nombreuses interrogations en suspens. Enfin, il s'agit de prendre conscience de quelques obstacles qui ont pu rendre difficile l'accès d'Effi Briest aux lecteurs et aux érudits français, dans le but d'encourager de futures recherches consacrées à ce rapprochement de deux uvres prototypiques du réalisme européen.
- Michel André y va de sa comparaison plus franche, dans "Theodor Fontane, ce 'paquet de contradictions'" (Books n° 107, mai 2020) :
Effi Briest raconte une histoire d'adultère qui fait penser à Madame Bovary et à Anna Karénine, à cette différence près : Fontane ne jette pas sur son héroïne un regard cruellement détaché comme Flaubert et ne la condamne pas moralement comme Tolstoï. Le thème de l'adultère et de ses conséquences malheureuses apparait dans d'autres romans (L'Adultera, Jours disparus). Ses personnages féminins sont ceux qui ont la présence la plus forte. Sans être un militant de l'émancipation féminine, il était très sensible au sort des femmes de son époque, à la fois condamnées au mariage et en concurrence féroce sur le marché matrimonial. Ses héroïnes sont plus attachantes et plus fragiles que ses personnages masculins : "Je ne suis pas un viveur, expliquait-il, mais j'aime bien quand les autres vivent. [...] C'est à ce naturel que je suis attaché depuis longtemps. [...] Voilà pourquoi mes personnages féminins ont tous une fêlure. [...] Je tombe amoureux d'elles non point à cause de leurs vertus mais à cause de leurs traits humains."
Quittant Madame Bovary, mais gardant le rapport entre Fontane et Flaubert, Michel André ajoute :
Considéré avec Effi Briest comme son chef-duvre, son dernier roman, Le Stechlin, est, à sa manière, un parfait échantillon du "roman sur rien" dont rêvait Flaubert. Avec une lègère ironie, son auteur en résumait lintrigue de la manière suivante : "À la fin, un vieil homme meurt et deux jeunes gens se marient."
Nous avions lu de ce prix Nobel mort en 1989 Molloy. Bon, et alors ?
Erika Tophoven, traductrice en allemand de Beckett (et aussi Nathalie Sarraute, etc.), mène une véritable enquête sur l'amour de Beckett pour Fontane. En voici les principaux éléments :
- Une première allusion à Effi Briest
se trouve dans la pièce radiophonique Tous
ceux qui tombent, écrite à Paris en 1956 pour la
BBC, traduite par Robert Pinget, révisée par l'auteur et
publiée aux éditions de Minuit.
L'ambiance est tout à fait beckettienne
: la vieille Mme Rooney est allée chercher son mari aveugle, on
entend La jeune fille et la mort de Schubert, ils sont surpris
par larrivée de sombres nuages :
MONSIEUR ROONEY : Maudit soleil qui se cache. À quoi ressemble le ciel ? (Vent).
MADAME ROONEY : À un ciel qui se voile. Fini le beau temps pour aujourdhui. (Un temps.) Ce sera bientôt la pluie, les premières grosses gouttes, plof ! plof ! dans la poussière.
MONSIEUR ROONEY : Et ce salopard de baromètre au beau fixe. (Un temps.) Rentrons vite nous installer devant le feu. Nous tirerons les rideaux. Tu me liras un chapitre. Je sens quEffie va coucher avec le major. (Pas traînants.)
Lallusion se limite au prénom Effi, orthographié
de surcroît de façon erronée.
- Deux ans plus tard, dans le monodrame La
dernière bande, Krapp, vieux grincheux,
a lhabitude à chacun de ses anniversaires, denregistrer
sur bande magnétique quelques-unes de ses pensées sur lannée
écoulée ; avant de se lancer dans un nouveau retour en arrière,
il aime écouter et commenter certains passages enregistrés
au cours des années précédentes. Il tombe sur les
phrases suivantes :
"Me suis traîné dehors une fois ou deux avant que l'été se glace. Resté assis à grelotter dans le parc, noyé dans les rêves et brûlant d'en finir. Personne. (Pause.) Dernières chimères. (Avec véhémence.) A refouler ! (Pause.) Me suis crevé les yeux à lire Effie encore, une page par jour, avec des larmes encore. Effie... (Pause.) Aurais pu être heureux avec elle là-haut sur la Baltique, et les pins, et les dunes. (Pause.) Non ? (Pause.) Et elle ? (Pause.) Pah ! (Pause.)"
On peut avancer avec certitude que Beckett connaissait luvre romanesque de Fontane, tout au moins Effi Briest.
- Voilà une confirmation : Michael Haerdter, son assistant de lépoque, lors de la mise en scène de Fin de partie à Berlin en 1967, confirme :
"Quels auteurs allemands aimez-vous ? Fontane !" Je mattendais à entendre Beckett confesser son admiration pour ce rationaliste prussien, mais pas à un tel enthousiasme.
Les fanas de Beckett peuvent découvrir d'autres détails de l'enquête de cette traductrice dans "Whats in a name... : Beckett lecteur de Fontane" de Erika Tophoven (in Theodor Fontane : un promeneur dans le siècle, dir. Marc Thuret, Presses Sorbonne Nouvelle, 1999).
Ajoutons le témoignage d'un de ses traducteurs, Antoni Libera, à Paris en 1986.
J'y étais allé pour un colloque littéraire organisé pour célébrer le quatre-vingtième anniversaire de Samuel Beckett, pour moi l'écrivain moderne le plus important, dont j'ai traduit, annoté et mis en scène l'uvre au théâtre pendant de nombreuses années et avec qui j'avais été en contact régulier depuis le milieu des années 1970.
Selon la tradition établie, nous nous sommes donné rendez-vous après le colloque. Comme à son habitude, Beckett lui propose le Café Français de l'hôtel PLM, situé en face de son domicile, boulevard Saint-Jacques. Je suis arrivé un peu en avance et je me suis assis à la table que nous occupions la dernière fois que nous nous étions rencontrés ici, quelques années auparavant.
Beckett arriva avec sa ponctualité habituelle, à midi pile, pas une seconde plus tard. À une réunion qui n'était liée à aucun projet ou projet créatif, il arrivait généralement "les mains vides", comme il aimait le dire. Cette fois, il tenait un petit livre qui s'est avéré être un vieil exemplaire beaucoup feuilleté d'Effi Briest de Teodor Fontane.
Les amis proches de Beckett et ceux qui connaissent son uvre sauront que c'était l'un de ses romans préférés, auquel il revenait souvent et auquel il faisait également référence dans ses écrits (...)
Moi aussi, j'étais conscient de toutes ces références, et ainsi, vers la fin de la conversation, lorsque le silence légendaire, que tous ceux qui ont rencontré l'écrivain ont pu rencontrer, s'est abattu sur la petite table du café, j'ai demandé timidement : "Est-ce que tu lis encore Effi ?"
Paraphrasant une phrase de Krapp, il répondit : "Oui... une page par jour, pour arracher les yeux."
"Encore des larmes ?" dis-je en reprenant le fil de la citation.
Il eut un sourire pâle. "Non, je n'irais pas jusqu'à dire ça."
J'ai eu le courage de poser la question vitale : "Pourquoi aimes-tu autant ce roman ?"
Il y a eu une longue pause avant que j'obtienne une réponse. "Je rêvais d'écrire quelque chose comme ça. Et il me reste encore un peu de ce rêve. Mais je ne l'ai jamais fait. Je ne l'ai jamais écrit..." Il s'interrompit.
"Tu ne l'as jamais écrit ?" J'ai effrontément essayé de lui arracher les mots.
Un autre sourire pâle, puis, dépliant les mains, il dit : "Car... je suis né trop tard. Personne n'écrit comme ça de nos jours. Aujourd'hui, on écrit bien pire."
Il m'a jeté un coup d'il et a ajouté en plaisantant : "Mais ne vous inquiétez pas. Le monde change. Peut-être y arriverez-vous."
C'était ma dernière rencontre avec Beckett. Après cela, nous n'avons parlé qu'au téléphone. Il est décédé en décembre 1989.
Pour donner un coup de projecteur au film de Fassbinder
(bande annonce en allemand=>ici,
film complet en allemand=>là
et des images fixes du film rendant l'ambiance du film=>ici),
voici un extrait de deux articles consultables en ligne.
- Eberhard Gruber étudie étudie les quatre adaptations du
roman Effi Briest et distingue des films de Gründgens (1938),
Jugert (1955) et Luderer (1970 : le film complet en allemand en ligne=>ici),
la "réécriture filmique" de Fassbinder (1974)
ainsi décrit :
Assumant le statut littéraire du récit, le cinéma met dès lors en uvre un ensemble de processus spécifiques : fondu au blanc, reprise iconique, jeu de miroirs "glaçant" les personnages, effet de dissociation obtenu par la lecture off du texte ou par son inscription à lécran. Le film, par suite, toujours déjà réécriture, entre uvre et reprise, élabore une polysémie architecturale que fonde tout un art de "rythmer les passages". ("Une reprise impossible ? Effi Briest et la question de ses réécritures filmiques", Cinémas, n° 1, 1993).
- Gilbert Guillard, spécialiste du cinéma allemand, approfondit le rapport entre Fassbinder et Fontane :
Dans une interview à propos dEffi Briest, Fassbinder déclarait : "Ce nest pas un film sur les femmes, mais un film sur Fontane, sur lattitude dun écrivain vis-à-vis de la société où il se trouve. Ce nest pas un film qui raconte une histoire, mais un film qui restitue une attitude. Cest lattitude de quelquun qui perce à jour les défauts et les faiblesses de la société où il vit, et les critique aussi, mais reconnaît pourtant que cette société est pour lui légitime".
Dans ce film, il ny a aucune adaptation du texte de Fontane ; cest loriginal qui est repris mot pour mot, à défaut de pouvoir lêtre dans son intégralité. Et il apparaît sous quatre formes différentes :
1. dans la bouche des acteurs,
2. à travers une lecture en voix off, faite par Fassbinder lui-même, manière de sidentifier sinon à lauteur, du moins à sa démarche,
3. à travers des intertitres ponctués par la musique et enfin
4. à travers lapparition à lécran dimages de lettres ou de télégrammes, et Fassbinder a bien senti là limportance des lettres dans les romans de Fontane. Tout ceci concourt à renforcer limpression que le but principal du film est danalyser lart de lécrivain à travers la transposition/ réécriture filmique et non de raconter le destin tragique de lhéroïne. Par ailleurs, les scènes sont entrecoupées de fondus au blanc, et non au noir, ce qui donne limpression dun découpage en chapitres, comme un livre comportant une page blanche entre chaque chapitre, les intertitres annonçant le thème-clé du prochain chapitre. Et nous ne verrons pas le tombeau dEffi, mais seulement un insert blanc orné dune bordure noire, tel un faire-part de deuil. ("Fontane, Effi Briest de R. W. Fassbinder : un vaste contrechamp", in Theodor Fontane : un promeneur dans le siècle, dir. Marc Thuret, Presses Sorbonne Nouvelle, 1999).
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
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beaucoup
¾ ouvert |
moyennement
à moitié |
un
peu
ouvert ¼ |
pas
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