Notes de chevet
,
trad. André Beaujard, coll. Connaissance de l'Orient, 1985, 378 p.

Quatrième de couverture : Dans une traduction extrêmement élégante d'André Beaujard, nous présentons au lecteur français un des plus beaux livres de la littérature japonaise, les Notes de chevet de Sei Shônagon. Composées dans les premières années du XIe siècle, au moment de la plus haute splendeur de la civilisation de Heian, au moment où Kyôto s'appelait Heiankyô, c'est-à-dire "Capitale de la Paix", par une dame d'honneur, Sei Shônagon, attachée à la princesse Sadako, laquelle mourut en l'an 1000, les Notes de chevet appartiennent au genre sôshi, c'est-à-dire "écrits intimes". Avec Les heures oisives de Urabe Kenkô et les Notes de ma cabane de moine de Kamo no Chômei, les Notes de chevet de Sei Shônagon proposent, sous forme de tableaux, de portraits, d'historiettes, de récits, une illustration du Japon sous les Fujiwara.
Avec l'auteur du Roman de Genji, Noble Dame Murasaki, Sei Shônagon est une des plus illustres parmi les grands écrivains féminins du Japon. Si l'auteur du Roman de Genji est constamment comparé, dans son pays, à la fleur du prunier, immaculée, blanche, un peu froide, Sei Shônagon est égalée à la fleur rose, plus émouvante, du cerisier. Ceux qui liront, nombreux nous l'espérons pour eux, les Notes de chevet sont assurés de découvrir un des plus beaux livres jamais écrits en langue japonaise, et qu'une introduction et des notes leur permettront de goûter dans le plus intime détail, y compris tous les jeux subtils sur les mots.


Morceaux choisis des Notes de chevet, trad. André Beaujard :
Choses qui rendent heureux et autres notes de chevet
de Sei SHÔNAGON,
préface, choix et notes Corinne Atlan,
Folio Sagesses, 112 p.

Quatrième de couverture : Haruha akebono : "Au printemps, l'aurore." Tous les Japonais connaissent par cœur l'ouverture du Makura no sôshi (les Notes de chevet), fleuron de la littérature ancienne dû à une dame de cour de l'an mille. Ses premières phrases évoquent un paysage en mouvement : cycle des saisons, parcours du soleil, traînées de nuages, vol de lucioles ou d'oies sauvages. La toile de fond de montagnes à la lumière changeante place d'emblée les fastes du palais de Heian-kyô (l'actuelle Kyôto), que le lecteur s'apprête à découvrir, sous le signe de la fugacité des phénomènes et de sa conséquence immédiate, le mono no aware, "la poignante mélancolie des choses". Corinne Atlan

"Choses qui rendent heureux", "Choses qui égayent le cœur", "Choses qui ont une grâce raffinée", "Choses impatientantes", "Choses qui ne font que passer"... Par listes délicates et perçantes, Sei Shônagon saisit, attentive à leur impermanence, l'essence poétique des êtres et des choses.


Le site de Corinne Atlan : ›www.corinne-atlan.fr/


Première parution Gallimard en 1966, Gallimard / Unesco :
en ligne ici, avec différentes éditions :


Citadelles & Mazenot, 2000, coffret, avec illustrations de Hokusaï (dix pages visibles ›ici) :

Cf. l'émission, à l'occasion d'une grande exposition Hokusaï au Grand Palais en 2014 :
"Notes de chevet, de Sei Shonagon : une énumération infinie du monde", Colette Fellous, Carnet nomade, France Culture, 13 décembre 2014, 59 min.


La première édition, en 1934, était la thèse complémentaire du traducteur André Beaujard, diplômé de l’École des Langues Orientales, présentée à la Faculté des Lettres de l’Université de Paris, publiée par la Librairie Orientale et Américaine
G.-P. MAISONNEUVE :

Les NOTES DE CHEVET
de Séi SHÔNAGON'
Dame d’Honneur au Palais de Kyoto, en ligne sur Gallica :

avec une préface de son excellence M. Adatci, membre de l'académie impériale du Japon, ancien ambassadeur du Japon à Paris :

André Beaujard a également publié Sei Shônagon, son temps et son œuvre (Une femme de lettres de l'ancien Japon), préface de Michel Revon, ancien professeur à la Faculté de Droit de Tokyo, professeur à la Faculté des Lettres de Paris,
G.-P. Maisonneuve, 1934 :


Encore plus ancien : Les Notes de l'oreiller, première traduction intégrale du japonais, par Kuni-Matsuo et Steinilber-Oberlin, Stock, Delamain et Boutelleau, 1928. Notre traducteur André Beaujard précisera que la traduction laisse de côté un tiers du livre.

Stock, 1990 :

Sei SHÔNAGON (vers 966, après 1025)
Notes de chevet (entre 1001 et 1010)

Nous avons lu ce livre en octobre 2025 :
-
en version complète Notes de chevet (en ligne ›ici)
- ou/et en version réduite comportant les passages représentatifs des 162 rubriques : Choses qui rendent heureux et autres notes de chevet ; l
a préface de Corinne Atlan est particulièrement éclairante : ›ici.

Les 31 cotes d'amour des trois groupes
réunis les 16 ou 17 octobre
Annie AudreyChristine Jean-Paul
Chantal ClaireDanièle DavidÉdith
François
Khadija Marie-OdileNathalieSabine

Entre etCatherine
Brigitte LJacqueline KatherineLahcen
Margot
Marie-ThéMonique M
Entre
et
Thomas

Brigitte T ChristelleFannyFrançoise D
Manuel
Monique L
Philippe
Entre etJérémy

La première fois que Les notes de chevet ont été évoquées dans le groupe, c'était par René de Ceccatty lorsqu'il est venu nous rencontrer pour sa traduction de Vagabonde de Fumiko Hayashi. Il nous a dit alors que si "le genre en est déconcertant pour un Français, il ne l'est pas pour un Japonais. Initié au XIe siècle par les femmes aristocrates de la cour impériale, il s'y mêle poésie et chronique au jour le jour au présent et récit parfois au passé, dans une tonalité parfois romanesque et parfois prosaïque. Ce sont Notes de chevet de Sei Shônagon qui sont la référence maîtresse de la littérature japonaise, de l'époque de Heian, au XIe siècle."

Les 13 cotes d'amour de l'ancien groupe réuni le 17 octobre
Entre etJérémy
ChristelleFannyFrançoiseManuel Monique L
Entre
et
Thomas
BrigitteJacqueline
Entre
etCatherine
Claire
DanièleSabine

Sabine(avis transmis)
Le petit format du livre de ce vendredi me permet d'être enfin au RDV ! Voici mes réflexions de chevet.
En essayant de ne pas reprendre toutes les "choses intelligentes" données dans la préface par Corinne Atlan, ces notes, si éloignées de nous dans l'espace et le temps, sont limpides, lumineuses, étonnantes par ce qu'elles disent de la permanence des êtres et des choses.
La traduction semble avoir éliminé toutes les barrières qui auraient pu entraver la lecture et la compréhension du texte (je pense ici aux textes médiévaux en vieux français qu'il m'a fallu traduire pour les concours).
Passé cet étonnement, j'ai été frappée par la modernité/l'actualité des préoccupations de la narratrice (les relations hommes-femmes, la présence des enfants, les gens qui peuplent la maison...).
Ce qui m'a charmée, ce sont toutes les descriptions poétiques, essentiellement visuelles (picturales) et sonores concernant l'environnement, qu'il soit naturel (faune et flore) ou artificiel (tissus, matériaux).
Enfin, ce petit livre plein de vibrations m'a fait penser à certains ateliers d'écriture (clin d'œil à notre hôtesse).
J'ouvre aux ¾.
Fanny(avis transmis)
Hâte de lire vos avis.
J'ai entamé ce livre avec curiosité, sans rien en savoir et j'ai commencé par chercher une histoire... erreur... je me suis rapidement trouvée décontenancée.
J'ai lu la préface de Corinne Atlan et écouté Christine Angot, ce qui m'a permis de mieux saisir la nature de l'œuvre.
Pour autant, je me suis vite lassée. J'ai voulu persévérer, pensé grappiller quelques listes au jour le jour. Mais au chapitre sur les fleurs et les arbres, j'ai abdiqué. Cet écrit est trop éloigné de mes codes et de ma sensibilité, je n'ai pas réussi à ce qu'il me touche.
Je suis contente de l'avoir découvert et j'ai trouvé intéressante la préface qui montre comme ces listes lient intime et peinture sociale. Effectivement le côté un peu disparate peut s'expliquer par le fait qu'il y a plusieurs auteurs. J'aime l'idée d'un jeu littéraire qui consisterait à faire des listes, et je m'y prêterais bien volontiers. Mais la poésie du recueil m'a tout de même laissée assez insensible.
Je termine par la conclusion de la préface : "Les désirs, les ambitions ou les drames d'hommes et de femmes d'il y a mille ans, évoluant dans un univers dont les codes souvent nous échappent, trouvent un écho immédiat dans nos cœurs - pour peu qu'en nous aussi le goût pour la beauté et les agréments de ce monde s'allie à la conscience du déclin promis à tout ce qui a un jour existé". Je ne pense pas être insensible à la beauté, mais effectivement ces codes m'échappent et malheureusement je n'ai pas été touchée par cette dimension intemporelle. J'ouvre ¼.
Françoise D(avis transmis)
Globalement, le livre m'est tombé des mains. J'ai aimé de temps en temps des phrases très courtes qui ressemblent à des haïkus. J'ouvre un tout petit peu. (En ce moment je lis Kolkhoze...).
Brigitte L(avis transmis)
Choses qui rendent heureux : pour moi, ce livre est une découverte.
Un livre écrit il y a mille ans, et parvenu jusqu'à nous, c'est une merveille en soi.
Je l'ai lu avec beaucoup d'intérêt. La description de ce petit milieu, à la fois privilégié et empêché d'exercer aucune activité réelle, est passionnante.
J'ai beaucoup aimé les descriptions du mode de vie, des vêtements, de la nature, des relations à la fois brutales et sophistiquées entre les personnages.
L'importance du choix du papier par celui (ou celle) qui veut écrire m'a rappelé La papeterie Tsubaki que nous avons lu.
La préface de Corinne Atlan permet de comprendre le contexte historique et culturel où vit cette dame de compagnie de l'impératrice. La traduction d'André Beaujard me semble excellente et les notes sont très abouties.
Cependant, j'ai parfois eu du mal à ne pas m'endormir en lisant ces "notes de chevet". En effet, il y a très peu de suspense.
Donc, j'ouvre à moitié.
Thomas entreet
J'ai (hélas ?) lu la version longue. Si je maîtrisais l'art du poème japonais, probablement aurais-je formulé ma critique avec quelque chose de cet ordre-là :

On s'étonne que les Chinois adorent les œufs de cent ans
C'est qu'avec la patine du temps,
Certaines choses acquièrent du charme
N'en faisons toutefois pas
Une règle générale

Étant malheureusement resté totalement hermétique à cette discipline, qui ne résiste peut-être pas à la traduction, je me contenterai de deux petites listes, bien plus dans mes cordes :

Choses qui énervent le lecteur contemporain occidental
Quand on se moque d'un vieillard aveugle qui a perdu ses biens dans un incendie, c'est détestable. Et quand, en outre, on s'en vante, c'est vraiment très détestable.
Les calembours intraduisibles.
Les notes de bas de page, qui ne sont pas en bas de page, et qui ne sont pas très utiles lorsqu'elles expliquent qu'il s'agit vraisemblablement d'une référence à une poésie perdue...
Les innombrables émerveillements devant les tenues et l'apparat de l'Empereur et de l'Impératrice. On aurait presque l'impression qu'ils ne font rien d'autre de leurs journées que de s'habiller et de faire atteler leurs cortèges respectifs...
L'obsession vestimentaire : si Instagram avait existé, l'auteure y aurait publié sa tenue de chaque jour... Moi qui m'attendais à des paroles emplies d'une grande sagesse, je n'y ai pas trouvé beaucoup de réflexions marquantes.
Les listes des arbres, temples, mares, fêtes, lacs et autres nids de poules où je n'ai pas senti la poésie, faute, sans doute, de connaissances poussées dans ces domaines.

Choses qui gagnent quand même à y être sauvées
La plongée un millénaire en arrière.
La réalisation que la nature humaine n'a pas tant changé dans l'intervalle.
La possibilité que cela offre de frimer en société. Ce n'est pas tous les jours qu'on peut exhiber de la littérature japonaise du XIe siècle ! (Peut-être enfin un point où Sei Shônagon et moi nous rejoignons...)

Au début, j'étais content de le lire, et à la fin d'en terminer... Probablement y a-t-il une part de jalousie dans ma critique, car je sais bien que, contrairement à Sei, dans mille ans, aucun groupe de lecture ne parlera de moi ! Mais puisque j'ai le droit à ma part de subjectivité, et qu'on ne me demande que de donner mon avis, j'ouvre au ¼ seulement et à ½ à la limite, si vraiment on me force la main !
Danièle

J'ai lu en numérique Choses qui rendent heureux et autres notes de chevet.
J'ai tout d'abord eu impression de notes jetées à la pelle pour ensuite en écrire un livre. Mais en fait, elle le dit dans le paragraphe Choses qui ne sont bonnes à rien, ce n'est pas son intention : "À la vérité, tout cela ne devrait être ni écrit ni montré ; mais je ne pensais pas que personne dût voir ces notes, et je les ai rédigées en me proposant d'y mettre absolument tout ce qui me viendrait à l'esprit, même les choses étranges, même les choses déplaisantes." Cette explication de l'auteure à ses lecteurs coupe court à toute autre interprétation.

Mon avis façon Sei Shônagon :
- La chose qui m'a le plus étonnée : cette mode d'avoir les dents noires : "On s'impatiente aussi, quand on a mis du noir sur ses dents, pendant qu'il sèche."
- La chose qui m'a le plus émue : le charme des descriptions
- La chose qui m'a le plus agacée : de répéter c'est joli, c'est charmant, c'est délicieux….
- La chose qui m'a stupéfaite : la variété des situations ou observations décrites, à l'écoute de toutes les sensations : le souffle du vent, la beauté de la nature, les rapports humains, le rapport à la propreté, l'effet des vêtements sur l'apparence ou leur odeur, les bruits quotidiens.
- La chose qui m'a fait sourire : le nombre d'observations qui correspondaient à du vécu pour moi.
- La chose qui m'a touchée : la justesse et le raffinement des observations concernant particulièrement la nature.
- La chose qui m'a épatée : l'alliance de la poésie et de l'érudition botanique.
- La chose que j'ai trouvé charmante : son intérêt pour les enfants.
- La chose qui m'a dérangée puis séduite : mettre sur le même plan les humains et les choses, par exemple parmi les Choses rares :
"Une bru aimée par sa belle-mère.
Une pince à épiler, d'argent, qui arrache bien.
"
- La chose qui m'a interrogée : l'emploi du pronom personnel "on" pour généraliser des impressions somme toute très personnelles. Elle transforme une anecdote en généralité. Finalement, elle veut montrer qu'on peut tous avoir vécu une semblable expérience, par exemple : "À un moment où l'on s'ennuie, arrive un visiteur qui n'est ni trop intime ni trop étranger".
- La chose qui m'a envoûtée : sa manière simple de recréer une ambiance, par exemple : "Très tard dans la nuit, après que tout le monde s'est endormi, quelques courtisans continuent cependant à causer dehors, et l'on entend, dans la pièce du fond, le bruit répété des pions que les joueurs de dames remettent dans leur boîte. C'est délicieux."
- La chose que je n'aurais jamais crue d'une femme de cette époque : rien.
- Ah ! Si ! la chose qui m'a surprise dans un premier temps, puis j'ai pris en considération l'époque : "Choses qui doivent être courtes : ce que dit une jeune fille".
- La chose qui m'a amusée : son côté matérialiste, teinté de déconsidérations esthétiques, par exemple sur la propreté de la table à écrire.
- La chose qui m'a intéressée : la présentation de la vie à la cour autour de l'impératrice : culture et hiérarchie, érudition des femmes ; les phrases se font plus longues ; cela devient presque de la narration.
- La chose qui m'a rendue fière, comme si j'étais moi-même Sei Shônagon : c'est l'attention que lui porte l'impératrice pour ses qualités de femme de lettres.
- La chose que j'ai trouvée poignante : le sort des pêcheuses à la fin, et le peu de considération des hommes pour leur travail et leur courage, comme si c'était dans l'ordre des choses. Et les questions que de se pose Sei Shônagon.

Ce qui ressort de cette accumulation de notes, c'est une atmosphère qui nous ouvre à toutes les sensations et nous incite à accueillir avec la même sensibilité l'univers qui nous entoure, en acceptant toutes les sensations y compris les désagréables.
L'intérêt pour nous aussi c'est le contexte historique et social d'une époque très reculée. Xe siècle, quand même ! Presque l'époque de Charlemagne !
C'est aussi de montrer la beauté du monde Mais à qui ? Puisqu'elle prétend avoir voulu garder secrètes ses notes !
J'ouvre aux ¾.
Monique L
J'ai beaucoup de mal à apprécier ce livre.
Même son côté historique, qui est ce qui m'a le plus intéressée, a été déprécié par mon manque abyssal de connaissances sur le contexte.
Les listes m'ont lassée car d'intérêt très inégal. Les vêtements, leurs couleurs, tout est codé et je ne connais pas les codes. Je n'ai rien compris à certains poèmes et surtout aux règles pour leur répondre. Je ne sais pas si c'est dû à la traduction, mais l'autrice s'extasie régulièrement sur des choses que je trouve banales. Régulièrement des jugements et des réflexions m'ont paru très superficiels.
Je sais que cet écrit a été encensé par de nombreuses personnalités et considéré comme un chef-d'œuvre mondial. Je ne comprends pas.
Certains passages ont toutefois attiré mon attention : ceux qui décrivent la vie raffinée, les intrigues de la cour, les mœurs, les traditions et l'importance de la hiérarchie.
Il y a de très belles descriptions.
Ce qui est remarquable, c'est la date à laquelle cela a été écrit, il ne faut pas l'oublier.
Mais je ne conseillerai ce livre à personne.
J'ouvre au ¼.
Catherine entreet
J'ai commencé la version longue et, arrivée au quart, j'ai réalisé que je n'aurais pas le temps de finir et suis donc passée à la version courte que j'ai terminée ; je suis revenue à la version longue dont j'ai lu les trois quarts au final. La version longue vaut le coup car elle apporte des choses supplémentaires intéressantes, elle décrit de façon assez précise le déroulement de la vie à la cour, le rapport à la religion.
J'ai été assez fascinée par ce livre qui nous vient de la fin du Xe siècle et de la cour impériale du Japon ; si on se réfère à la même époque en Europe, c'est le haut Moyen-Âge, les textes sont en latin et quasi exclusivement religieux.
Ici, on partage la vie quotidienne d'une jeune femme japonaise, dame d'honneur de l'Impératrice, ses réflexions, ses observations au jour le jour. Elle utilise la langue japonaise et non la langue chinoise, davantage utilisée par les hommes.
J'ai aimé les descriptions des tissus, des couleurs, des végétaux, même si je ne connaissais pas la plupart d'entre eux. J'ai beaucoup aimé les listes et surtout leurs noms, Choses désolantes, choses qui font battre le cœur, choses qui égayent le cœur... Il y a dans ces listes des juxtapositions de choses très improbables et disparates. J'ai aimé ce côté décousu. Elle suit le fil de sa pensée, de son pinceau donc, et au milieu de la liste, on tombe sur une anecdote de la vie quotidienne, sans rapport avec le thème, ça brise la monotonie.
J'ai malgré tout parfois lu en diagonale, car c'est quand même un peu répétitif. Elle démarre une liste, puis va vers autre chose.
C'est à la fois daté et moderne. Cela a en tout cas fasciné plein d'auteurs modernes. Je n'ai pas pensé à Delerm et à sa bière qui ne m'a laissé aucun souvenir, mais plutôt à Perec.
J'ai été surprise par le contraste entre le fait que les femmes sont cantonnées derrière des écrans, cachées, mais elles ont plein d'amants. Ils doivent néanmoins quitter leur chambre avant l'aube. Il y a des scènes assez drôles.
On peut avoir l'impression que l'auteure reste à la surface des choses, mais en fait elle est sensible à la beauté, à la poésie de ce qu'elle voit, les oiseaux qui chassent la gelée blanche des ailes de leur compagnon, les arbres, la nature ; l'apparence, le raffinement ont beaucoup d'importance, ça m'a fait penser aux estampes japonaises.
J'ouvre entre ½ et ¾, plus près de ¾.

Jacqueline
J'ai lu la version longue jusqu'au bout et j'ouvre à moitié.
Je ne peux pas dire que je me sois ennuyée. Il y a de belles descriptions. Les listes sont une forme littéraire très prisée par ma génération.
Par contre il y avait des noms de plantes, que je ne connais pas comme acore… et rien ne me permettait de me les représenter.
Les longues listes sèches de lieux ne me disaient rien non plus. J'imaginais un étranger sans mes références lisant une liste des lieux que j'aime en France…
Les couleurs, si importantes dans l'évocation de l'harmonie des vêtements ? Je n'arrive pas à me représenter la couleur cerisier : le rose des fleurs ? Vif comme le cerisier du Japon ou à peine rose tendre comme je crois le connaître ? Ou bien un rouge brun chamarré comme le tronc ? Pour la couleur prunier c'est pire ! Je n'ai aucun repère. Quant aux pantalons à lacets, j'ai essayé d'imaginer. Je pensais à un lacet qui resserre le bas jusqu'à ce que je retrouve dans le film un lien à la taille effectivement connu et très asiatique…
Les chars à bœufs blancs des aristocrates m'ont étonnée puis j'ai pensé à nos rois fainéants…
Il y a une espèce d'étrangeté. Je n'ai rien ressenti.
J'ai lu la préface de la version courte, indiquant que ce n'est peut-être pas forcément un texte personnel mais collectif, j'ai trouvé ça intéressant. J'ai pensé aux Précieuses et à leur salon…
Mais sur la cour, j'aurais préféré lire Saint-Simon. J'attendais beaucoup de cette dame lointaine mais il y a pour moi trop d'inconnu dans son apparent naturel…

Manuel
Je me suis lancé dans la lecture de la version complète et que je n'ai malheureusement pas fini de lire pour la séance de ce soir. Les "chapitres" sont titrés avec dans une première partie, souvent, une liste de choses. Cette première partie est suivie d'anecdotes ou de descriptions de rituels qui sont parfois racontées sur plusieurs pages. Pour ma part c'est une lecture assez fastidieuse.
J'ai essayé de me souvenir des noms des titres des sujets (le capitaine de la garde du corps, sous-chef des chambellans, ou la Dame du cinquième rang, nourrice de l'Impératrice) et de les lier à un prénom. J'ai essayé de comprendre les hiérarchies entre "rangs", dame de compagnie, les différents princes et princesses. Je me suis aperçu que des personnages revenaient dans différents chapitres… Un passage intéressant est le rôle de chambellan, sa visite à une princesse et ses tâches auprès de l'Empereur (p. 123-124).
Je n'ai pas réussi à me figurer l'agencement des pièces, des extérieurs des palais, avec les descriptions qu'en fait Sei Shônagon. J'aurais aimé avoir plus d'explications dans les notes (peut-être des dessins si cela existe). Il y beaucoup de listes de lieux, de lacs, d'étangs… Je me suis perdu dans les descriptions des vêtements constitués de couches, de sous-couches ou le type de vêtements (robe ? pantalon ?) : il y en a trop !
Passé ces quelques "difficultés", j'ai été fasciné par les codes sociaux de l'aristocratie japonaise de cette époque (il y a 1000 ans !). Par exemple l'envoi de lettres (avec du papier dont la couleur qui pouvait être interprétée… attention à la gaffe !) ou de poésies accompagnées d'une petite branche. L'importance du bon mot ou de la capacité à compléter des poésies.
C'est une société que j'ai trouvée assez cruelle.
Il y a beaucoup d'humour, j'ai parfois ri ("En général, tout ce qui chante la nuit est charmant. Il n'y a guère que les bébés pour lesquels il n'en soit pourtant pas ainsi." p. 79). Les rapports capricieux de Sei Shônagon avec l'Impératrice m'ont amusé ("Que peut valoir d'être aimée si l'on n'est pas la première de toutes ?" p. 146)
Il y a tellement de petites histoires (la montagne de neige) qu'il y a de forte chance de tout oublier. Il n'y a pas de récit conducteur.
J'ouvre un quart car je trouve que c'est une lecture laborieuse. Peut-être qu'il faut y passer plus de temps.
Claire
Vu ce livre si ancie
n, si étrange a priori, et puis parce qu'il s'agit d'extraits du livre intégral et que je voulais comprendre les choix effectués, j'ai lu la préface avant, que j'ai trouvée remarquable.
Je connaissais l'existence des deux grands classiques japonais de la même époque, Le Dit du Genji, fréquenté si je puis dire, mais sans en avoir lu une ligne, par une exposition au Musée Guimet et le livre illustré magnifique que Monique S, passionnée du Japon, nous avait montré lors de notre speed booking. Celui qu'on a lu, j'en avais aussi "entendu causer" et j'avais même le livre original qu'on m'avait donné, je le connaissais donc "de vue"... J'ai aussi un livre qui s'intitule L'art des listes et j'ai vu qu'un signet se trouvait à la page concernant les Notes de chevet. J'en avais aussi "entendu causer" dans le livre de Georges Perec, Penser/Classer. Bref, accéder à ce livre est pour moi de l'ordre de découvrir pour de vrai un monument faisant partie des merveilles du monde (genre Taj Mahal ou le Pont des soupirs), ce qui n'assure en rien que la lecture est un plaisir.
Ce livre se situe pour moi entre le roman et la poésie, genre vis-à-vis duquel je me sens mal à l'aise. Les titres m'ont semblé aussi importants que les listes qui les suivaient : j'ai été moins friande lorsque le titre est un nom ("Tissus", "Le vent") et ai préféré les titres commençant par "LES CHOSES". Je me suis demandé : entre les choses charmantes, ravissantes, magnifiques, enviables, qui rendent heureux : quelles différences ? Entre les choses qui emplissent l'âme de tristesse et celles qui paraissent affligeantes ? Entre les choses qui paraissent pitoyables et celles qui font honte ? Entre les choses excessivement effrayantes et les choses qui remplissent d'angoisse... Mais bon, j'ai accepté l'idée de variations et me revenait l'hypothèse évoquée dans la préface d'exercices, tels un atelier d'écriture. Certains titres m'ont semblé très réussis, dans leur succession : Choses qui perdent à être peintes, puis Choses qui gagnent être peintes, Choses qui sont éloignées, bien que proches, puis Choses qui sont proches, bien qu'éloignées. Tout cela pour dire que les titres sont une partie du texte particulièrement accrocheur pour moi.
Il ne semble pas y avoir une construction d'ensemble. Comme dit Georges Perec, "Sei Shônogon ne classe pas ; elle énumère et recommence. Un thème provoque une liste, de simples énoncés ou d’anecdotes. Plus loin, un thème presque identique produira une autre liste, et ainsi de suite". Aussi est-ce préférable, me suis-je dit, de se laisser aller, en me rappelant le classement fou et adorable de Borges : "les animaux se divisent en a) appartenant à l'Empereur, b) embaumés, c) apprivoisés, d) cochons de lait, e) sirènes, f) fabuleux, g) chiens en liberté, h) inclus dans la présente classification, i) qui s'agitent comme des fous, j) innombrables, k) dessinés avec un très fin pinceau de poils de chameau, l) et cætera, m) qui viennent de casser la cruche, n) qui de loin semblent des mouches." Bon je sors du livre...
J'ai aimé de rares scènes narratives ou simplement évocatrices d'un fil narratif : "On se sent encore défaillir quand une autre femme, devant vous, montre une lettre qu’elle a reçue de celui qu’on aime" - on pourrait tirer un roman... Et en me reportant au texte intégral, je me suis dit qu'il gagne à être lu si l'on souhaite avoir davantage de récits. Il y a aussi des généralités : "on peut dire que tout ce qui est petit est délicieux".
Je suis moi aussi étonnée du nombre de scènes galantes, donnant l'impression d'une liberté de mœurs alors que ces femmes sont des prisonnières de la cour.
Il y a un certain sens de l'extase, notamment liée à la nature, mais aussi des préoccupations qui peuvent paraître dérisoires. De la subtilité, de la finesse, de la délicatesse, mais aussi de la futilité. Et en tout cas, une grande préoccupation du paraître ; elle envie les dames "dont on parle d'abord, en toutes occasions" ; j'imagine des influenceuses avant l'heure... Sei Shônagon, bien qu'âgée de 1000 ans, pourrait être ma copine - ô magique traversée des ans...
Pensant qu'on lit et à ce qui lie notre groupe, j'ai noté parmi les CHOSES QUI RENDENT HEUREUX : "On trouve un grand nombre de contes qu’on n’a pas encore vus. Ou encore, on a lu le premier volume d’un roman passionnant, et l’on découvre le second. Il peut se faire, du reste, qu’on soit déçu".
J'ai lu le livre court, mais me suis promenée dans le long. Parfois je me suis dit : quel dommage que ce passage manque ; mais plus souvent : comme c'est préférable de lire la version réduite ! Je me suis prise à rêver que tous les livres que nous lisons aient ainsi leur version courte, comportant le meilleur : c'est celle que je lirais...
Quittant le livre, j'ai apprécié le chapitre consacré à Sei Shônagon dans la BD récente Libres de penser : dix femmes, dix vies philosophiques.
Pour ce qui est de Delerm, auquel peut faire penser le livre en raison d'instants saisis, je suis Philippe, j'avais de loin préféré le pastiche qui le ridiculisait : La première gorgée de sperme...
J'ai aimé parcourir Ces choses qui font battre le cœur au Japon et ailleurs d'Elena Janvier (nom d'un trio de trois Françaises ayant vécu au Japon qui a fait deux autres livres déjà), qui s'inspire de Sei Shônagon, mais actuel, moderne…
Enfin, j'ai découvert autour du livre qu'en 2009 Umberto Eco, auteur du Nom de la rose, invité par le Louvre pour une carte blanche, a choisi pour thème "le vertige de la liste" et à cette occasion a publié un livre, Vertige de la liste, que j'ai feuilleté en bibliothèque et qui m'a enthousiasmée, par l'analogie entre les tableaux reproduits et les listes sans fin.
J'ai énormément aimé le film The Pillow Book que nous avons regardé hier.
Et tout compris..., j'ouvre aux ¾.
Christelle
J'ai lu la version abrégée en commençant par la
préface de Corinne Atlan, qui m'a beaucoup intéressée et alléchée (peut-être trop).

Les choses qui m'ont plu :
- le contexte de ce livre ; si ancien, si lointain, écrit dans ce milieu très particulier de la cour impériale et écrit par une femme !
- la précision des sous-titres et le travail de traduction qu'on imagine
- l'universalité des réflexions de l'auteure, à la fois dans le temps et l'espace, la proximité confondante avec ce que l'on pourrait penser aujourd'hui
- l'humour de l'auteure lié à l'apposition dans les listes de "choses" très éloignées les unes des autres
- l'idée évoquée par Corinne Atlan que les listes pourraient être le résultat d'un jeu des dames de la cour
- les listes botaniques qui m'ont évoqué les jardins japonais, culturellement si essentiels et que je trouve magnifiques.

Les choses qui m'ont déplu :
- la banalité du contenu
- l'atmosphère de vacuité et de futilité.

Les choses que je regrette et me font dire que je suis peut-être "passée à côté" :
- j'ai lu très rapidement le livre au milieu d'une semaine chargée, peut-être aurais-je été plus sensible à la poésie en le lisant par bribes, pendant une période plus oisive
- la version longue est probablement plus riche grâce à sa description de la vie à la cour impériale.

Je n'exclus pas de m'y remettre un jour, mais pour le moment j'ouvre ¼ !
Jérémy entre
et
Avant la lecture : Je n'avais jamais entendu parler de ce livre. Quand j'ai vu qu'il était pu
blié dans la collection "Folio sagesses", j'ai pris peur et me suis dit "Olala, un livre de développement personnel, qu'est-ce que c'est que ça ?!". Le titre ne m'inspirait pas particulièrement non plus. Je me suis donc dirigé vers la version abrégée...
Après la lecture : Pour moi ce livre vaut surtout en tant que document historique par ce qu'il nous apprend de la vie au Xe siècle au Japon à la cour impériale de Kyoto, sa culture, ses mœurs... Il est intéressant également au titre de l'histoire littéraire quant à la manière dont il nous est parvenu : le fait qu'il ait été copié, recopié, soit passé entre plusieurs mains et ait donc certainement subi des modifications, des réécritures, recompositions... On pourrait parler aussi du relatif mystère qui entoure sa rédaction à proprement parler : Sei Shônagon en est-elle l'unique autrice ou n'a-t-elle fait qu'œuvre de scribe en notant les listes données par elle et d'autres dames de cour lors de jeux communs ?
Mais pour ce qui est du texte à proprement parler, il m'a laissé à peu près indifférent. Je crois que tout cela est trop loin de moi, de mes préoccupations. Je n'ai pas réussi à m'intéresser au fait qu'elle aime la fleur de prunier, le tarin et que la rose trémière la ravisse. Je m'en fous complètement ! On se croirait dans "Silence, ça pousse !". Je trouve tout cela globalement assez superficiel, redondant et niais. Sans compter les incongruités. Parmi les choses élégantes, elle compte notamment un "bébé qui mange des fraises". Ah, bon... Parmi les choses qui distraient quand on s'ennuie : les fruits. Parmi les choses qui émeuvent, s'éveiller à l'aube, s'éveiller quand il fait nuit. Parmi les choses peu rassurantes, manger des fraises dans l'obscurité. Elle était bien fragile cette petite dame !
Je n'ai pas non plus aimé le ton et les multiples "C'est délicieux, c'est ravissant, c'est détestable". Quelle plaie ! Je trouve que cela lui donne un air de pimbêche et elle ne m'est pas très aimable. Sans compter cet épisode à la cour où elle semble très contente d'elle-même lorsque les personnes agglutinées autour de l'impératrice font place pour la laisser passer lorsqu'elle arrive. Ou celui lorsque l'impératrice lui demande comment est la neige sur le mont Kôro qui est l'occasion pour Sei Shônagon de sortir la brosse à reluire en faisant valoir son érudition et son esprit d'à-propos. Bref, petites vanités d'une petite dame de cour imbue d'elle-même et qui me paraît bien insignifiante. Ce que vous dites concernant l'épisode du vieil homme aveugle ne fait que me conforter dans mon impression.
L'appareil de notes m'a pas mal agacé également. Il y en a presque une par page, c'est lourd.
Ce que j'ai trouvé le plus intéressant dans ce livre, c'est sa
préface. Ce qui ne m'a pas empêché de m'endormir en la lisant de la même manière que je me suis endormi plusieurs fois à la lecture de ces bien nommées notes de chevet.
Bref, un livre à oublier mais
je lui sais quand même gré de m'avoir permis de découvrir que le paulownia est un arbre et pas seulement un restaurant dans le 20e que j'aimerais découvrir. Je l'ouvre donc entre fermé et ¼.

Les 7 cotes d'amour du groupe breton réuni le 16 octobre 2025 autour de Choses qui rendent heureux et autres notes de chevet
Brigitte Philippe
Marie-Thé

ChantalÉdithMarie-Odile
Annie

Philippe
À la lecture des "choses" de Sei Shônagon, j'ai eu la confirmation je ne suis pas japonais, je ne vis pas à Kyoto, et encore moins au Xe siècle. Un livre de bien-être avec des injonctions au bonheur, mais pas n'importe où, pas avec n'importe qui à la cour Impériale.
Ce livre court m'a paru très long, monotone, sans grand intérêt. Je fais le parallèle avec la société hyper-corsetée du Japon d'aujourd'hui.
Certaines phrases courtes sont des haïkus déstructurés. "Des chiens qui hurlent longtemps, longtemps à l'unissons sur un ton montant. C'est sinistre et détestable."
Comme chacun de nous peut recevoir avec autodérision un message personnel comme : "Un homme qui fut autrefois le héros élégant de nombreuses aventures amoureuses, maintenant vieux et décrépit."
J'ai toutefois apprécié les descriptions naturalistes, douces et poétiques : "Fleurs des arbres", "Oiseaux" et "Insectes".
Parfois une note d'humour que moi je prends au second degré : "En général, tout ce qui chante la nuit est charmant. Il n'y a guère que les bébés pour lesquels il n'en soit pourtant pas ainsi."
Toutes les sentences énoncées ne sont pas acceptables ni aujourd'hui, ni hier, selon moi, parmi Les choses qui doivent être courtes : "Ce que dit une jeune fille."
J'ai pensé aux plus contemporaines Gorgées de bière de Philippe Delerm, que je n'avais pas prisées non plus.
Pour être provocateur, si je ne connaissais pas le contexte historique de l'ouvrage, je penserais à un florilège de production de l'Intelligence Artificielle.
Je remercie d'avoir choisi la version courte, je ne serais pas allé au bout de la version longue !
Brigitte T
Lorsque j'ai feuilleté pour la première fois ce livre, j'ai été impressionnée à la pensée que l'auteure était dame de compagnie d'une impératrice de la fin du premier millénaire après J.-C. très loin de moi… au Japon. Son regard est humain et sans légèreté. Ce qui est écrit n'a étrangement pas souffert du temps passé. Normal ou pas ? Très vite, je m'interroge sur l'influence de la traduction. Je n'apprends pas beaucoup sur le Japon et je suis un peu déçue.
Je peux dire que je n'aime pas faire de listes ; cependant ce moment de lecture a été une étonnante découverte…, même si l'énumération (parfois un mot) a pu me paraître assez souvent fastidieuse. La première note "Au printemps" m'accroche particulièrement. Mais je peux aussi m'approprier d'autres passages. De ce moment de lecture, je retiens une douceur enveloppante… mais il me manque quelque chose… peut-être une histoire pour être séduite.
Dire que ce livre peut se lire sans trop réfléchir ne serait pas exact. Je dirais plutôt qu'il offre la possibilité de lire certaines notes en ressentant de l'émotion. Il offre à la lectrice que je suis un moment privilégié pour prendre le temps de me demander ce qui me rend heureuse. C'est ainsi que je parlerais de ce moment de lecture. J'ouvre ce livre (version courte) qui me laisse peu de souvenirs ¼ et j'ai du mal à le recommander, sinon pour découvrir un genre.
Chantal
J'ai d'abord essayé de le lire comme habituellement, page après page. Mais non, ça ne marchait pas, ce livre n'est pas fait pour ça. Donc je l'ai laissé à portée de main, le prenant par moments, lisant un ou deux passages, picorant un peu au hasard. Et là, ça fonctionnait bien.
J'ai apprécié ce texte, j'ai souri, j'ai ri, parfois je me suis étonnée de ne pas comprendre (Choses sans valeur : "un vieillard qui découvre sa chevelure" : ?...)
J'ai ri du terme qu'elle emploie, pas très courant aujourd'hui, Les choses impatientantes ! Drôle… Les choses qui font honte : "Ce qu'il y a dans le cœur d'un homme", certes... Et plein d'autres exemples…
Elle décrit des lieux, des personnages avec leurs tenues très loin de nous, son propre vécu à la cour, on apprend par exemple que, summum d'élégance, les femmes doivent se noircir les dents ! Jeune femme qu'elle est, on la voit s'extasier sur les couleurs, les textures des vêtements…
Mais beaucoup de ses réflexions, ses commentaires, ses ressentis, d'il y a 10 siècles, sont universels. Un exemple de Choses détestables : "Un homme sans talent qui parle beaucoup, à tort et à travers, comme s'il savait toutes choses". Françoise Héritier s'est rappelée à moi, Le Sel de la vie ("ne pas s'en laisser conter par la brute de service ou par le monsieur je-sais-tout"...)
Le passage des enfants qui saccagent tout chez vous sans que la mère intervienne autrement que par un ... "Vilain !"... : passage banal certes, mais... : "Elle aussi est détestable" !
Les descriptions poétiques, légères, de la nature autour d'elle - oiseaux, arbres, insectes, fleurs, arbres - m'ont plu, en cette période... si moche ! Bref, ce livre va rester quelque temps sur ma table, pour continuer de picorer au hasard, humour, poésie, légèreté, et même certitudes de cette jeune personne (exemple : "les yeux des hommes doivent être grands" !)
Choses qui ME font du bien en ce moment !
MAIS : en cartésienne de 2025, j'ai ressenti quelque chose de "pas juste", difficile à expliquer : ce texte, éloigné de nous, dans l'espace (Japon), dans le temps (1000 ans), nous est traduit, pouf, style 2025 ! Nous en avons discuté longuement au groupe, nous ne comprenons pas le traducteur. La Chanson de Roland, pourtant plus proche de nous, n'est jamais traduite de cette façon ! Et d'autres textes anciens idem...
Je l'ouvre ¾. Plaisir de la découverte !

Claire
Découvrant l'avis de Chantal, je tente de répondre à la question implicite : pourquoi un texte ancien japonais peut être traduit directement en la langue d'aujourd'hui ? Parce que le système d’écriture japonais a peu changé dans sa structure fondamentale depuis l’époque de Heian (VIIIe–XIIe siècle). Les textes anciens utilisent des kanji (caractères d’origine chinoise représentant des idées ou des mots entiers, et non des sons comme les alphabets phonétiques) qui sont les mêmes qu’aujourd’hui, même s'il y a des usages archaïques et des références que les connaissances spécialisées des traducteurs permettent de repérer.
Edith
Je n'aurais pas choisi ce livre sans Voix au chapitre, méfiante que je suis pour lire des comptines, des maximes ou autres livres qui ne soient un roman ou un essai.
J'étais heureuse et un peu "impressionnée" d'aborder Les notes de chevet, de découvrir cette œuvre transcrite depuis le Japon, du fond des âges.
Voilà, c'est fait, j'ai lu, avec plaisir. J'ai surtout aimé l'objet-livre. Je manipule ce livre dont le beau papier crème et presque "onctueux" au toucher m'incite à me "caler" dans mon fauteuil pour la "dégustation", car je veux être séduite… Et puis les idéogrammes devenant dessins vibrionnants marquent de la hâte à écrire de Sei Shônagon (j'imagine bien sûr), cette écriture déformée au pinceau car devenue "sienne" et qui me renvoie à l'image de ma propre écriture aussi déformée et devenue mienne, après l'apprentissage rigoureux au porte-plume ! Souvenirs…
Et puis le mot "chevet" que j'associe à repos-lit-malade-silence-accompagnement, etc., est un terme qui évoque la proximité avec une personne, un meuble ou une position : se tenir au chevet de quelqu'un, c'est lui donner du temps et de l'ouverture au monde, si celui-ci est indisposé ou en retrait du monde.
La préface me renseigne sur cette Sei Shônagon, me projetant au XIe siècle au Japon, dans un autre monde : celui de la cour de l'impératrice et de ses "dames" à son service. La préface nous dit que, débarrassé de la Chine, le Japon de cette époque a développé une "civilisation originale, d'un grand raffinement" - je le savais par la lecture, les films, les infos.
En voyant à la fin du livre les titres regroupant par thèmes des Notes de Chevet, ces titres me font hésiter entre piocher dans le désordre car, attirée plus par Choses élégantesque par Recueils de poésies, je choisis de lire les pages et les chapitres dans l'ordre de l'édition, comme pour un roman. Je sais que je lirai tout le livre, à mon rythme : c'est une forme de discipline que je choisis. Lecture tranquille et par petits bouts, je suis à l'aise et cela même si les très nombreux renvois sont un peu fastidieux, quoique éclairants. Exemple : les dents noircies chimiquement étaient signe de beauté chez une aristocrate à la cour !
Le charme opère différemment dès les premières notes. La curiosité donc l'intérêt aussi. Dans Choses sans valeur, je savoure l'humour de "on n'aime plus une personne, c'est toujours la même, et il vous semble cependant que c'est une autre". Je m'y retrouve. Et concernant "le temps qu'une femme dont la chevelure est courte met à se peigner après avoir ôté ses faux cheveux", j'imagine les coiffures très sophistiquées et rigides de ces dames. Et je reste hermétique de fait si la note devient incompréhensible, ainsi "un chambellan du sixième rang qui a la tête blanche" relevé dans Choses auxquelles on ne peut guère se fier.
Ce qui est en relation avec la nature, les saisons, la lumière, l'eau, les bruits et les insectes, me touche plus et renvoie aux souvenirs de lecture d'œuvres japonaises. Je suis touchée par les lignes concernant "la teigne à manteau" qui lui fait pitié. Trop laide de ressembler à son père (c'est le diable qui l'a engendrée), la mère teigne s'enfuit et l'abandonne… Sei Shônagon les liste, elle les humanise. J'aime cela.
L'évocation de l'enfant, du bébé à plusieurs reprises dont celui mort dans la salle d'accouchement, celui qui crie un secret qui devait le rester, classés dans le désagrément. Sei Shônagon n'a pas d'enfant ?
Pour conclure j'ouvre aux ¾ pour la découverte, j'ai déjà l'intention de l'offrir.
Sans réel plaisir de lecture à suivre page à page, engendrant monotonie ou indifférence, je crois que j'ai plus aimé le contenant choisi par l'éditeur que le contenu. Je ne voulais pas faire à mon tour la liste de mes émotions…, de mes choix. Je suis une de plus à faire état de cette découverte (cf. Jean-Claude Carrière et Christine Angot dans les notes de Claire, ces deux interviews m'ont ravie… serais-je un peu snob ? Il faut avoir lu… comme on dit !). À plus de mille ans d'écart, une voix venue d'une civilisation peu connue m'arrive. Est-ce que ce livre sera sur ma table de chevet ? Il est esthétique et intriguant, je pense que oui, il y sera, car une autre lecture, plus tard, au gré de…, et m'en dévoilera mieux la sève sinon le charme.
Marie-Odile
Choses qui m'ont plu
Le principe de la liste, de l'énumération qui me plaît toujours parce qu'on a l'impression d'avancer à chaque pas dans le même et dans le différent.
Retrouver un texte découvert il y a longtemps.
Savoir que ce texte est très ancien mais ne pas le sentir lors de ma lecture.
Voir que les questions sont éternelles qui touchent au relationnel, à l'usage que l'on fait de la parole, à la façon dont on ressent la nature etc.
Avoir l'impression d'entrer en familiarité avec quelqu'un, de découvrir sa sensibilité, son regard sur les hommes, ses distractions etc...
Me régaler des innombrables sensations visuelles (couleurs des vêtements par exemple) et auditives (flûtes) proches et lointaines qui donnent à deviner.

Choses qui m'ont intéressée
L'absence totale de classement et de hiérarchie entre les divers points évoqués.
La totale absence de chronologie du texte. On ne sait pas non plus dans quel ordre cela fut écrit.
Le paradoxe des choses proches qui paraissent lointaines et des choses lointaines qui paraissent proches.
La personnification de la teigne à manteau, sorte de petite fable.
Les mini-portraits (comme l'homme sans talents.

Choses qui surprennent
Les dents noircies, signe de beauté.
Les détails qui sembleraient d'aujourd'hui, comme le tableau où l'on note ce qu'on a peur d'oublier.

Choses qui émeuvent
La façon dont est évoquée la scène des pêcheuses p. 96, la compassion de l'auteure pour ce dur labeur des femmes.
Les allusions fréquentes aux petits enfants.
En résumé, ce qui émeut l'auteur.

Choses agaçantes
Les notes en fin de livre
La dimension subjective ajoutée à la traduction. Pourquoi ? Est-ce à dire que le "je" était absent ? Je remarque de fréquents "on" qui généralisent et normalisent, disent ce qu'il convient de faire ou pas, mais qui vont bien aussi.
Le fait de n'avoir réussi à lire ce texte qu'à petites gorgées. On ne peut pas se lancer dans une grande tranche de lecture ininterrompue, à cause de ces tout petits paragraphes.

Choses qui déçoivent
Lire la préface après avoir lu le texte (et rédigé cet avis !), et découvrir qu'il s'agit vraisemblablement d'un ouvrage de groupe, alors que je croyais avoir "rencontré" une seule personne, fût-elle témoin de son époque et de son milieu.

Choses qu'on n'oublie pas
La journée de soleil au Sourn et le bel accueil d'Isabelle et Philippe.
Annie
Qu'elles sont belles ces choses qui rendent heureux ! J'ai beaucoup aimé ce livre qui m'a autant intéressée qu'amusée. J'aime cet exercice qui consiste à noter les petits riens de la vie quotidienne pour en faire nos grandes joies (ou nos grandes peines). Cela aiguise notre sens de l'observation et notre mémoire. Ce sont des petits cailloux semés tout au long de notre vie et comme disait Françoise Héritier, "le sel de la vie". J'ai d'ailleurs pensé à son livre en lisant celui-ci ainsi que La première gorgée de bière de Delerm. Certes, ce n'est ni le même registre ni la même époque, mais le même souci de cet attachement aux détails.
J'ai été très intéressée par la préface que j'ai trouvée réellement éclairante.
Ces classements des choses m'ont souvent amusée (ou interpellée). Les hommes en prennent parfois pour leur grade ! On sent une éducation stricte et des avis bien arrêtés.
J'ai trouvé que beaucoup de ces choses millénaires étaient contemporaines et/ou universelles.
J'ai lu ce livre avec bonheur et je me surprends à repiocher dedans en passant.
J'ouvre en grand.
Marie-Thé
Indécise, je finis par ouvrir ce livre à moitié.
Je commence toujours par survoler la quatrième de couverture, puis je vais dans l'ordre, de la première à la dernière page. J'ai donc lu d'abord la préface et j'ai aimé tout ça.
Cependant, qu'elle ne fut pas ma surprise : dans ce livre je n'ai pas ressenti ce à quoi je m'attendais, cette impermanence des choses, "la fugacité des phénomènes". Je recherchais ceci : tout est en mouvement, rien n'est permanent. "On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve" : je pensais à Héraclite.
Dans la préface il est aussi question d'une tragédie (décadence ?) "dont l'imminence point parfois, en filigrane, derrière le tourbillon de fêtes et de plaisirs." Je n'en ai rencontré aucune trace dans ces notes de chevet, malgré une écriture délicate, un raffinement de lettrés (culture aristocratique...).
Je pensais à l'évocation de cette tragédie, au tableau de Nicolas Poussin, Les Bergers d'Arcadie, ou Je suis aussi en Arcadie. La tragédie, la mort au pays des plaisirs, etc.
Dans un autre genre, je vois aussi dans ces notes de chevet, dans cette "énumération des choses", "la réalité de la cour à la manière d'un tableau impressionniste." Comme si l'auteur procédait par touches délicates, la plume et le pinceau...
Côté "pipelette" pourtant de Madame de Sévigné, ce qui est formidable, en parcourant ces pages, j'ai l'impression de faire des allers-retours dans le temps et dans l'espace.
Déception quand est instillé le doute : ces notes émaneraient peut-être d'un "cénacle féminin réuni autour de l'impératrice" et Sei Shônagon en serait le scribe ?
Bref, ce livre a cheminé jusqu'à nous. J'ai été très sensible aux descriptions de la nature, à sa beauté, au rythme des saisons, au ressenti de l'auteure qui a souvent été le mien. J'ai beaucoup aimé la description de la superbe fleur du paulownia, qui abriterait le phénix. Métaphores très présentes dans l'évocation de la nature aussi. Anthropomorphisme parfois cependant avec les insectes. Par contre, jamais je n'ai entendu le coucou chanter la nuit.
J'ai parfois été amusée, par les choses détestables par exemple : "ne pas interrompre un supérieur". Le chien aboyant "quand un homme vient vous voir à la sourdine" a retenu mon attention, ces départs à l'aube aussi...
Je retiens encore le regard critique de l'auteure vis à vis de certains hommes, des prédicateurs redoutés, des classes inférieures, des étrangers, son ironie avec les amants fâchés pour un semblant de caprice de la femme.
À noter encore, alors qu'en Chine grand est synonyme de beau, au Japon, "tout ce qui est petit est délicieux." J'ai été interpellée par ces choses qui doivent être courtes : "Les cheveux d'une femme de basse condition. Ce que dit une jeune fille." Parmi les choses enviables, j'aime beaucoup "les gens qui rient." Des choses charmantes, j'aime les bruits de la maison le soir quand on est couché...
Ce qui est dit de l'éducation des enfants est très juste. Juste aussi la page sur l'impatience (p. 74). Impermanence quand même : l'homme amoureux vieilli. Je retiens encore l'évocation des rites, des contraires...
Face à l'absurdité de la vie ressentie par l'impératrice la découverte de petits riens, pinceau et papier, lui fera dire : "Je me sens disposée à rester encore un peu sur cette terre." Les attentions accordées par l'impératrice à la narratrice feront dire à cette dernière : "Je fus transportée d'allégresse."
Sei Shônagon regrette que ses notes aient vu le jour, il est vrai qu'elle se livre, avec délicatesse...
Enfin, j'ai beaucoup pensé à Françoise Héritier, à son livre Le Sel de la vie, tellement plus émouvante, tellement plus proche de moi que Sei Shônagon.

Les 11 cotes d'amour du nouveau groupe
réuni le 17 octobre 2025

AudreyChristine Jean-Paul
David FrançoisKhadijaNathalie B
KatherineLahcenMargotMonique M

Audrey
J'ai l'édition complète que je n'ai pas encore lue en entier. J'étais tombée sur une présentation par un auteur qui avait proposé ce bouquin pour un atelier d'écriture de François Bon comme support pour s'en inspirer. Cette idée me plaisait beaucoup. J'ai commencé à le lire et je pense le garder à mon chevet toute ma vie, pour le grapiller autant que souhaité.
Je suis fascinée par ce voyage dans le temps et dans une culture que je ne comprends pas.
Le premier dépaysement, savoureux, tient à la place de la nature et des saisons dans le quotidien (fêtes, décoration, rituels, rencontres, déplacements, etc.) Et à la minutie admirable de l'observation et de son rendu par l'autrice !
Précision et richesse du vocabulaire et sa diversité dans les descriptions des herbes, fleurs, plantes, arbres, montagnes, torrents etc. Même la ronce est admirée : "Quand on examine la ronce de près, on est offensé par ses rameaux : mais la fleur en est jolie. Lorsque le ciel s'est éclairci après la pluie, au bord de l'eau, près d'un pont fait d'arbres auxquels on a laissé leur sombre écorce, que les fleurs de la ronce, écloses en profusion, sont splendides, éclairées par le soleil couchant". Ou encore le bruit des prêles d'hiver...
Il y a de la poésie dans les noms même des choses. Par exemple pour les herbes, la nomenclature elle-même transporte des concepts : "l'herbe aventureuse", "la plante de jusqu'à quand", "l'herbe sans tracas", "l'herbe qui endure" (celle qui pousse sous les toits) ; leurs dénominations évocatrices sont à elles seules emplies de poésie d'images, de récits... Il y a un bonheur absolu à lire ces pages. Et "il me suffit de penser au nom du 'visage du soir' [une herbe] pour lui découvrir encore du charme".
Dans ce voyage au sein de la culture impériale, la vie du palais, l'aristocratie, une chose m'impressionne par-dessus tout : la place de l'écrit ! On écrit tout le temps ! Et surtout des poèmes, sortes de petits haikus, on les envoie, ou plutôt on les fait porter, on attend des réponses (et même parfois dans une foule rassemblée pour une cérémonie religieuse circulent les messagers de ces textes et on observe celui qui les reçoit). Il faut savoir répondre sans délai, improviser pour compléter début et fin de poèmes reçus et, pour ce faire, connaître par cœur des recueils entiers de poèmes. Cette place des rituels autour de l'écriture est absolument centrale dans cette œuvre. Elle est aussi évidemment un marqueur social, marque l'appartenance à l'aristocratie. Shônagon souligne aussi la pression que cela représentait. Et puis autour de l'écrit le choix du papier, du pinceau, de celui choisi pour remettre le message, l'attente de la réponse.
Un autre exemple de voyages dans une culture à déchiffrer : la place omniprésente des stores et autres "écrans" ou "clôtures de bambou", les "paravents" et rideaux, aux diverses fonctions vraisemblablement très codées. Stores levés, baissés ou dressés selon les saisons ou les types de rencontres qui cachent certains les visages ou en révèlent d'autres qui en dépassent, et puis on entre aussi par des stores... bref, il est difficile de saisir les nuances de ces usages qui ne semblent pas se limiter à jalonner des espaces intérieur/ extérieur. D'ailleurs p. 99 écrans et paravent sont même mentionnés pour essayer de contenir et cacher un démon !
Cette œuvre est à la fois fascinante, enveloppante et d'une grande douceur, mais témoigne aussi d'une arrogance violente dans le regard porté sur certains : c'est quand même le palais qui observe le petit peuple... Avec des regards très sévères et empreints d'un grand mépris. C'est un texte de l'aristocratie, avec un mépris de classe qui frise parfois le ridicule. La violence de classe est marquante. D'un côté, l'amour de la nature, le raffinement et l'importance de la beauté dans tous les détails de la vie (vêtements, mots, couleurs, gestuelle, matières, etc.), de l'autre les rapports de domination de puissants à dominés. La société est très hiérarchisée.
Je note aussi que c'est une femme qui écrit. Je vois un regard, une autrice. J'ouvre en grand. J'adore ce type de littérature.
Christine
Je l'ai lu dans une édition avec des estampes de Hokusai. Il me semblait que c'était un livre difficile à lire et pour lequel j'avais peu d'appétence. J'avais besoin d'être distraite.

Nathalie
Chez Citadelles et Mazenod. Magnifique édition. Le texte est légèrement raccourci par rapport au texte intégral.

Christine
C'est un livre extraordinaire, qui m'a captivée, m'a plongée dans un autre monde. Quel bonheur de lecture ce fut !
Les estampes illustrent parfaitement le texte au fil des pages. C'est un texte plein de poésie qui me captive lorsque je m'y plonge.
Me voici transportée dans un autre monde totalement étranger et inconnu. J'y découvre une société privilégiée très hiérarchisée éloignée du peuple "des gens du peuple les plus indignes d'être nommés."
J'ai été sensible aux descriptions sous forme d'énumération de la nature - "j'aime…" - et des sentiments qu'elle suscite, "Quand le faisan cuivré chante en regrettant sa compagne (…). Cela m'émeut, je songe avec compassion à la peine que doivent éprouver les deux oiseaux, par exemple lorsqu'un ravin les sépare !"
J'ai été sensible aux choses immuables :
"Choses rares
Un gendre loué par son beau-père.
Une bru aimée par sa belle-mère.
"
J'ai aimé toutes ces répétitions "c'était charmant", "c'était ravissant"…
J'ai aimé ce goût pour l'esthétique et le raffinement en toute chose : les visages, les allures, les étoffes, les habits, les animaux, les poèmes,…
J'ai aimé le temps qui s'écoule : le premier mois, le troisième mois, le jour du Cheval, l'heure du serpent, l'heure du mouton,…
Sei Shônagon nous fait partager sa vie, voire rentrer dans son intimité.
Un livre hors du temps, un livre intemporel dans lequel je me suis évadée. Je l'ouvre en grand.
Lahcen (qui a lu le texte intégral)
Lire Notes de chevet est une expérience fascinante : on a réellement l'impression d'ouvrir une fenêtre sur le Japon des Xe et XIe siècles. On s'y croit, plongé au cœur de la cour impériale, au milieu des étoffes chatoyantes et des rituels délicats.
Sei Shônagon observe tout avec une minutie incroyable, parfois presque photographique. Pourtant, malgré quelques fulgurances lyriques, la lecture finit par devenir monotone. Ces listes, ces notations et ces jugements, si raffinés soient-ils, finissent par étouffer l'émotion.
L'autrice captive par son sens du tissu, du vêtement et des couleurs, une véritable Madame Grey ou Anna Wintour du Moyen Âge japonais. Mais ce raffinement constant finit aussi par lasser. J'ai refermé le livre admiratif de sa précision, mais un peu fatigué de tant d'élégance sans véritable souffle narratif.
Jean-Paul (qui a lu la version réduite)
C'est un bouquin que je ne pensais pas aimer. Et au fur et à mesure de ma lecture, je me suis laissé envouter. J'ai comparé cette société japonaise du XIe siècle, dans laquelle on sent un tel raffinement, avec la nôtre au même moment et nous en étions encore très loin. J'ai aimé les arbres, les oiseaux, les fleurs, les herbes… C'est tout ce qu'écrit l'autrice sur la nature qui m'a vraiment plu.
Ce livre, je le pose, je le reprends, le relis. Cela me fascine toujours autant.
J'ai été séduit aussi sur ce qu'elle écrit sur le temps qui passe, la jeunesse, la vieillesse. Il y a des choses qu'on peut comparer, comme l'amant qu'on attend, ou celui qui nous nous ennuie…
Il y a une liberté de ton qui m'a fasciné.
Les chapitres des choses qui nous font battre le cœur, c'est simple, c'est émouvant. J'ai lu qu'il y avait une théorie selon laquelle elle aurait pris en note pour ses listes ce que disaient plusieurs personnes. Il y a des formules assez fulgurantes.
J'ouvre en grand ce livre qui restera à mon chevet et sur lequel je vais rechercher un phrase, un mot.
Margot
Une lecture commencée avec plaisir car recommandée par René de Ceccatty, rencontré avec l'ancien groupe, pour rendre compte à mon groupe de l'édition de La Vagabonde de Fumiko Hayashi, texte que j'avais adoré.
Japon, XIe siècle, les Notes de Sei Shônagon me semblent une écriture terriblement codifiée, d'une femme noble de la cour impériale qui dégage un ennui profond, et renvoie tout autant à l'enfermement dans lequel son auteure évolue. Son écriture pourrait presque prétendre être une sorte de machine à enregistrer le réel, qui peut séduire par la délicatesse et la beauté qui semble être celle de la nature. Oui c'est beau, terriblement parfois, mais est-ce suffisant pour un cheminement par ailleurs très désincarné ?
Il y manque du corps, des sens et tout paraît vu derrière de multiples rideaux, stores et tissus divers qui recouvrent aussi les corps des courtisanes plus que voilées. L'auteure en tant que telle est absente, d'autant plus qu'elle porte le nom de fonction d'un homme et qu'il semblerait que l'écriture soit collective (comme pour L'Odyssée de Homère). Il y manque la voix et la voie de celle qui écrit. Cet "éclaté" et ces juxtapositions de visions, de moments, ne compose aucun récit, aucune trajectoire et en reste à un squelette de fiction.
Un point intéressant aurait pu entamer la construction d'une légende, mais demeure lui aussi lettre morte : le manuscrit volé de la fin.

Christine
C'est peut-être parce que tu l'as lu dans la version réduite. Parce que l'autrice raconte des choses d'elle. Je n'ai vraiment pas le même ressenti. Et tu n'as pas été séduite par ce qu'elle dit de la nature ?

Margot
C'est du symbolisme. Presque de la peinture symbolique. Le rapport à la nature n'est jamais direct.

Audrey
Quand tu lis par exemple Saint-Simon, c'est pareil, cela fait appel à des codes que nous ne connaissons souvent pas. J'ai trouvé l'acte qu'elle décrit pour le vol de son manuscrit vraiment violent, mais dans le même temps, il permettra de faire connaître ce livre.

Nathalie
Je trouve intéressante la thèse selon laquelle l'autrice aurait pu en réalité être la scribe des suivantes de l'impératrice. Mais il y a aussi sa propre voix, au détour d'un des éléments d'une liste. Comment l'ouvres-tu ?

Margot
Il m'est difficile de dire comment j'aime un livre que je ne comprends pas. Mais bon, je vais l'ouvrir à moitié.
Nathalie
Je ne pensais pas être intéressée par la lecture d'un récit qui se passe dans les années mille, dans une cour impériale du Japon. D'autant que j'avais lu qu'elle avait influencé Perec, dont je n'ai pas particulièrement apprécié ses récits fragmentés comme Je me souviens. J'ai lu Notes de chevet à la fois dans l'édition où elles sont illustrées par Hokusai (qui m'avait été offert et dont je n'avais regardé que l'œuvre du peintre) et celle de Folio que je lisais dans le métro. La lecture du texte m'a séduite dès le début. Et j'ai aimé la suite. Je rejoins ce qu'en ont dit Audrey, Christine et Jean-Paul. J'ai apprécié le charactère de Sei Shônagon : elle ne s'en laisse pas compter, a le sens de la répartie, sans parler de son érudition.
Elle ne se laisse pas marcher sur les pieds, quitte la cour quand elle estime y être trop critiquée et ne revient que parce qu'elle comprend à quel point elle manque à l'impératrice, à laquelle elle restera loyale même quand celle-ci ne sera plus en cour. Si on en croit ce que Sei Shônagon note, c'est lorsqu'elle était loin du Palais, retirée chez elle à la campagne, qu'elle s'ennuyait de la cour, qu'elle a écrit "ces mémoires".
Alors certes, elle a un regard très condescendant sur ceux qui n'appartiennent pas à la cour, a peu de tolérance pour les "pauvres gens" dont elle trouve les attitudes "vulgaires", ou ce qui lui apparaît laid.
Mais en dehors de cela, j'aime la façon dont elle sait s'enthousiasmer, voir la beauté des choses, s'en émouvoir, écouter ses émotions. Ce livre m'a rouvert les yeux. Avec tout ce qui se passe dans nos vies quotidiennes, au national, à l'international, je trouve que bien souvent, nous, en tout cas, je, ne me concentrais plus que sur ce qui n'allait pas. J'ai retrouvé le goût de regarder autour de moi, d'apprécier, de savoir savourer chaque chose agréable, belle ou émouvante. Ce n'est pas un livre qu'on peut lire d'une traite avec agrément. Car oui, cela peut devenir fastidieux. Mais c'est un livre qu'on garde près de soi pour lire un passage, grapiller, goûter les choses qui rendent heureux ou se surprendre avec les choses difficiles à dire et les confronter aux siennes, réfléchir à ce qui serait pour soi-même les oiseaux que l'on préfère ou les fleurs que l'on aime, en regrettant de n'en pas connaître autant. J'ai bien conscience que de nombreuses "choses" m'échappe car les codes du Japon en 1000 (comme ceux d'aujourd'hui d'ailleurs) me sont totalement étrangers. Mais cela a pour moi rajouté du charme au récit. Et malgré ces codes, ce corsetage dans lequel elle baignait, dans une société où l'écriture était à ce point honorée, et contrairement à Perec qui m'avait ennuyée avec son système de pensée par contraintes, elle m'a donné envie d'énumérer à mon tour en portant une meilleure attention aux signes du monde qui m'entoure.
Monique M
J'ai commencé ce livre avec beaucoup d'attente et de curiosité pour ce Japon du XIe siècle, sa vie de cour, ses rites, ses mœurs… Attente vite déçue par l'aspect répétitif du livre, l'aspect enfantin des réactions des dames de la cour, leurs rires et leurs jeux puérils, leur dévouement et extrême déférence envers "Leurs Majestés", l'extase permanente devant la beauté des vêtements des chambellans, leur splendide couleur violet foncé, rehaussée par la blancheur des vêtements de dessous ; les jeunes hommes aux merveilleux pantalons à lacets, dont le spectacle, lorsqu'ils se peignent face au miroir est pur ravissement ! J'avoue que ce dernier point m'a laissée dubitative !
Ce qui m'a intéressée, c'est tout de même l'évocation de la vie à la cour, les neuf enceintes, le rôle des chambellans, des dames d'honneur, les plaisirs et les jeux, les rituels, le grand respect de l'étiquette, l'importance absolue de l'harmonie en toute chose, l'échange permanent de poésies qui se doivent érudites, évocatrices et sensibles pour être considérées…
Bref, tout cela aurait pu être charmant si j'avais pris la version courte du livre, mais j'avais celle de plus de 300 pages et j'ai calé à la page 170, lassée par l'écriture, le manque d'intérêt pour les poésies dont la traduction en français masque sans doute la musicalité, et pour ces grandes petites filles qui s'ébattent comme des papillons à la cour impériale.
Ce qui m'a plu, c'est l'importance pour ces dames d'honneur de la nature, le bonheur de l'immersion dans cette nature, l'attente fébrile du retour des saisons, la délicatesse avec laquelle l'auteure décrit les atmosphères des nuits d'été peuplées par le vol des lucioles, l'envol soudain de corbeaux qui rend délicieusement triste, le cri des oies sauvages… Ou encore la blancheur de la neige des jours d'hiver.
Khadija
Ces dames de la cour regardaient le monde derrière un paravent ; elles n'étaient pas maîtresses de leurs actes. Cette écriture est née d'un certain ennui, pour échapper à la monotonie de la société japonaise.
Des coutumes, comme celles des dents noires, qui serait preuve de raffinement et de beauté pour les femmes, m'ont interpellée. Comme quoi ce qui est à la mode aujourd'hui pourra devenir ringard plus tard !
La lecture de ce livre m'a libérée dans mon écriture. Cela m'a décoincée. Sei Shônagon décrit des situations banales, ce n'est pas de la grande littérature. Et pourtant cela reste en mémoire. Comme si j'avais appris à regarder mieux. Sa lecture m'a apporté quelque chose. C'est un personnage. Et elle a un style.
François
J'ai à peine commencé la version intégrale. J'ai noté mes premières impressions. Le livre est a priori intéressant. La préface donne envie de le lire. Même si on se doute qu'on va passer à côté de choses essentielles, car il nous vient de très loin dans le temps et l'espace. C'est une lecture qui n'obéit à aucun registre. On ne peut le classer tout à fait.
Il y a des phrases très belles : "Au printemps, c'est l'aurore que je préfère." "Langage de bonze. Langage d'homme et langage de femme. Langage des gens vulgaires : leurs mots ne manquent pas d'avoir une syllabe de trop."
Sans doute, ce livre répond à des codes qui nous échappent. Il y a des classements qui retiennent l'attention. Tout peut faire l'objet d'une note. On imagine que chaque lecteur qui ne se lasse pas peut trouver son bonheur au détour d'une page. Cela m'a fait penser à Barthes.

Nathalie
Elle a inspiré Barthes.

François
La beauté est souvent décrite avec une sobriété assez stupéfiante. Ce livre qui peut paraître ennuyeux mérite l'attention au moindre détail. Je vais le garder sur ma table de nuit pour lire des passages. On n'est pas obligé de le lire d'une seule traite. C'est sans doute un très beau livre qui me reste à découvrir.
David (qui a lu la version intégrale)
À écouter la discussion entre nous, j'ai un kaléidoscope de pensées qui me viennent à l'esprit. Comme certains, j'ai souvent eu des lassitudes sur les litanies de descriptions des arcanes administratives, et puis au fur et à mesure j'ai observé cette écriture comme un objet littéraire - témoignage d'un monde comme replié sur lui-même, quasi carcéral d'après Margot, mais un enfermement consenti, et sans doute pas ressenti comme tel par la narratrice, ou alors aux extrémités de son raisonnement.
J'ai assisté un jour à une "conférence" d'un bouddhiste : il faisait observer que la vision de la table où marche la fourmi est totalement close sur cet univers à deux dimensions lorsque nous l'observons du dessus, et j'ai un peu cette perspective avec Sei Shônagun : sa langue décrit un monde cerné et restreint, mais qui est tout son univers.
Nathalie mentionnait le système de pensées par contraintes de Perec, et peut-être voyons-nous dans cet ouvrage un système d'écriture libre, mais contraint par le temps lui-même. Les démarches sont distinctes, mais force est de constater que la langue de Sein Shônagon peut parfois faire penser par sa répétition à un exercice de style, et il n'est pas fortuit que Perec ait lu ces notes avec intérêt (Poésie ininterrompue), celles qui décrivent ces menus faits du quotidien :
"Des moineaux qui nourrissent leurs petits."
"Une nuit où l'on atteint quelqu'un. Tout à coup on est surpris par le bruit de l'averse que le vent jette contre la maison."
"Choses qui font naître un doux souvenir du passé
Les roses trémiéres desséchées.(...)
Un jour de pluie où on s'ennuie, on retrouve les lettres d'un homme jadis aimé
."
J'ouvre aux trois quarts, les périodes d'ennui n'étant pas non plus négligeables à la lecture, mais c'est un ouvrage que je garderais volontiers, pour lire des extraits à ces moments où l'on cherche une lecture "plate" qui diffère tant des pensées "en profondeur" où la littérature européenne nous emmène souvent.
Katherine (qui a lu aussi la version intégrale)
Je ne me suis pas particulièrement ennuyée, mais je n'ai pas été transportée non plus.
Je suis d'accord avec Margot. Beau mais froid, léché, tiré à quatre épingles. La nature est léchée, les gens profondément faillibles. Il n'y a jamais de mépris pour la nature, mais envers les êtres humains, si.
Il y a trois types de trame : les récits, les énumérations, les péripéties qui n'en sont pas vraiment. Cela alourdit énormément le quelque chose de doux, contemplatif, qui peut m'émouvoir. Mais tout reste en surface. Cela reste beige.
Je n'ai pas trouvé cela complètement inintéressant. Il y a des choses qu'on ne comprend pas. Mais une vie comme cela, c'est très long.
Le temps pris pour le choix du papier, de l'encre, du pinceau, du rameau auquel on va accrocher le poème… ! Je suis d'accord avec toi, Monique, les 4, 5,6 pages sur les échanges de missives, je ne trouve pas cela intéressant. Mais elles ont quel âge ? C'est un univers un peu angoissant, enfermant, dans un espace très clos. Elles vivent un conditionnement énorme. On en crée des petites poupées parfaites. Comme en Chine où on bandait les pieds des femmes. Et j'ai du mal à m'en émouvoir.

Audrey
Nous aussi, on utilise des codes. Comme par exemple les émojis. À quel point notre écriture est devenue uniforme ? Oui, d'accord, son écriture est "lisse", mais elle a une capacité à regarder, observer, nommer.

Monique
Son conditionnement est lisse, son système relationnel est lisse.

Margot
On ne se rend pas compte du bain dans lequel on se trouve. En résumé, pour reprendre très exactement un des propos de Katherine : "une écriture tirée à quatre épingles", et j'ajoute : amidonnée.

Nathalie
Quand même, Katherine, je m'étonne. Tu avais beaucoup aimé La papeterie Tsubaki de Ogawa. On y retrouvait l'importance du choix du papier, du pinceau… Et là tu n'aimes pas ?

Katherine
J'ai aimé la fraîcheur dans le roman de Ogawa. Alors que là c'est le cérémonial qui l'emporte, c'est beaucoup moins sincère. Très orchestré, trop normé, hiérarchisé.

Audrey
Cela décrit une réalité.

Christine
Le texte a été copié et recopié. L'authenticité par rapport à l'original peut être mis en question.

Lahcen
Est-ce que vous avez trouvé cette société patriarcale ? Parce qu'il y a une liberté de mœurs étonnante.

Nathalie
Oui, cela m'a marquée également. À plusieurs reprises, ce qu'on lit montre clairement que les liaisons amoureuses, physiques - pas seulement épistolaires - font partie du quotidien de la cour. Mais régies par une codification rigoureuse qui nous échappe, dans un cadre où la séduction et le raffinement sont élevés au rang de vertus sociales.

Monique M
C'est passionnant d'écouter tous les avis, mais je reste sur mon impression car ce regard codé sur le monde bloque le souffle narratif, comme le dit si bien Lahcen.


AUTOUR DU LIVRE


CINQ POINTS DE VUE D'ÉCRIVAIN.ES
- "Les Notes de chevet de Sei Shônagon" par Christine Angot, L'édito culture, France Inter, 27 juin 2024, 3 min (vidéo).

- "Les Notes de chevet de Sei Shônagon", par Jean-Claude Carrière, On n'a pas fini d'en lire, Laura El Makki, France Inter,
7 juillet 2012, 35 min.
- Alberto Manguel (qui fut secrétaire de Borges) consacre aux Notes de chevet un mois de son Journal d'un lecteur, écrit en 2004 (Actes Sud) : voici ces pages consacrées aux Notes de chevet.

- En 1985, dans son livre Penser/classer, Georges Perec évoque à plusieurs reprises Notes de Chevet : voir ›ici les extraits.
- Et Jean Giono : "Notes de chevet de Seï Shônagon", Le Monde, 10 septembre 1966 ("Rien n'est plus voluptueux que cette lecture" : si l'on s'étonne, voir "Giono et la littérature extrême-orientale", Henri Godard, Giono et sa culture, Presses universitaires de la Méditerranée, 2003).

UN LONG ARTICLE assez récent d'Evelyne Lesigne (maître de conférences spécialiste de la littérature japonaise classique et de la littérature prolétarienne, en plus d’être traductrice) : "Des liasses de papier dont on fit un 'oreiller' : le registre de l'écriture de Sei Shônagon", revue Études littéraires, n° 1-2, 2019 : "Les Notes de chevet ont servi de source d’inspiration, au Japon comme ailleurs, pour permettre une écriture fragmentaire et discontinue, moyen d’expression spontané pour une écriture de l’intime. Pourtant, ce texte attribué à Sei Shônagon est avant tout le reflet d’une activité intellectuelle collective. Cet article présente et commente plusieurs extraits de l’œuvre pour étayer cette affirmation."

LE GENRE ZUIHITSU
Zuihitsu signifie littéralement "au fil du pinceau" : il s'agit d'une écriture fragmentaire, subjective, souvent composée de réflexions personnelles, d'anecdotes, de listes et d'observations quotidiennes; Ce genre apparaît à l'époque Heian (VIIIe-XIIe siècle) et se développe jusqu'à l'époque Edo (XVIIe-XIXe siècle).

Les trois œuvres célèbres de ce "genre" :
- Les Notes de chevet de Sei Shônagon, vers l'an 1000
- Notes de ma cabane de moine (ou Les Notes de l'ermitage) de Kamo no Chômei, 1212
- Les Heures oisives de Yoshida Kenkô, entre 1330 et 1332.

Ils sont traduits tous les trois dans la collection Connaissance de l'Orient chez Gallimard, et comme pour Notes de chevet, une version réduite est disponible en Folio :
- Les Heures oisives de Urabe Kenkô, trad. un groupe de japonologues, suivi de Notes de ma cabane de moine par Kamo no Chômei, trad. R. P. Sauveur Candau. Commentaires et notes des traducteurs. Première parution en 1968
- Cahiers de l'ermitage, trad. Sauveur Candau, Charles Grosbois et Tomiko Yoshida. Édition et préface de Zéno Bianu. Extraits de Les heures oisives de Urabe Kenkôet de Notes de ma cabane de moine de Kamo no Chômei, Folio, 2022.

Les éditions Le Bruit du temps ont publié également Kamo no Chômei : Notes de ma cabane de moine, traduction et annotations par le Révérend Père Sauveur Candau, postface de Jacqueline Pigeot, 2010, 80 p. et Notes dans titre ainsi que Récits de l’éveil du cœur.

DES FILMS
- Le livre a pour titre en anglais The Pillow Book ; la traduction d'Ivan Morris (Oxford University Press, 1967) est en ligne ›ici. Tel est le titre du film de Peter Greenaway que nous avons visionné avant d'échanger sur le livre. Un film adapté de façon très très très libre en référence aux Notes de Chevet : The Pillow Book (1996), avec Vivian Wu, Ewan McGregor, Yoshi Oida, est accessible ›en vod. En ligne, de moindre qualité : intégralement ›ici en VO. Et la bande-annonce ›là. Voir ›ici les liens entre livre et film.
- Choses qui me rattachent aux êtres, documentaire de Boris Lehman (2010), 15 min. Le titre du film
s'inspire des Notes de Chevet, indique le réalisateur (qui nous a donné le mot de passe pour accéder à son film) : "Je montre à la caméra quelques objets de mon quotidien (qui sont aussi des allégories) ayant appartenu à d'autres que j'ai aimés ou côtoyés et je dis : je suis la somme de tout ce que les autres m'ont donné. Quel lien mystérieux peut-il y avoir entre ces choses ? Entre ces choses et moi ?"

LES TRADUCTEURS ANDRÉ BEAUJARD ET CORINNE ATLAN

• André Beaujard
Du traducteur des Notes de chevet, on ne sait pas grand-chose.
Il était diplômé de l’École des Langues Orientales.
La traduction que nous avons lue constituait en 1934 sa thèse complémentaire, présentée à la Faculté des Lettres de l’Université de Paris, et fut publiée par la Librairie Orientale et Américaine G.-P. Maisonneuve sous le titre et sous-titre :
Les NOTES DE CHEVET de Séi SHÔNAGON' Dame d’Honneur au Palais de Kyoto (essai de traduction), avec une préface de son excellence M. Adatci, membre de l'académie impériale du Japon, ancien ambassadeur du Japon à Paris, juge et ancien président de la Cour permanente de Justice internationale (!) : en ligne sur Gallica.

André Beaujard a également publié Sei Shônagon, son temps et son œuvre (Une femme de lettres de l'ancien Japon), préface de Michel Revon, ancien professeur à la Faculté de Droit de Tokyo, professeur à la Faculté des Lettres de Paris, G.-P. Maisonneuve, 1934.
Les deux volumes semblent magnifiques :

Notons que le préfacier de Sei Shônagon, son temps et son œuvre, Michel Revon, écrit par ailleurs sur le zuihitsu japonais : « Ce sont des livres d’impressions qui ne relèvent que de la fantaisie personnelle, des mélanges qui tiennent à la fois de nos "Essais", de nos "Pensées", de nos "Caractères", de nos "Mémoires", et où triomphe, comme on pouvait s’y attendre, l’art délicat des Japonais. (...) En lisant telles maximes concises où Sei Shônagon, femme du monde hardie qui pousse la franchise jusqu’au cynisme, marque d’un trait mordant quelque vice hypocrite, on songe à La Rochefoucauld ; et quand on voit surtout tant de pages profondes où la terrible rieuse, si prompte à saisir tous les ridicules de la ville et de la cour, a mis en jouant une pensée que signerait le meilleur des moralistes ou un portrait qui dresse devant nous l’image d’un caractère éternel, on ne peut s’empêcher de penser que le vieux Japon a eu aussi son La Bruyère. » (Michel Revon, Anthologie de la Littérature Japonaise des Origines au XXe siècle, Delagrave, 1910)

André Beaujard a par ailleurs publié Le Théâtre comique des Japonais (introduction à l'étude des kyôghén'), Librairie Orientale et Américaine G.-P. Maisonneuve, 1937 : en ligne sur Gallica

• Corinne Atlan
Elle préface les morceaux choisis de Notes de chevet, mais est aussi traductrice. On peut lire :
-
Entre deux mondes : traduire la littérature japonaise en français, de Corinne Atlan, éd. Inventaire/Invention, 2005, 38 p., présenté dans une version intégrale corrigée et complétée par l'auteure
- p
our en savoir plus sur son parcours original, ses voyages, son installation au Népal où elle enseigne le français et épouse un médecin tibétain (!), comment elle devient tradutrice, etc., voir cet entretien au Journal du Japon : www.journaldujapon.com

LIVRES JAPONAIS lus dans le groupe
Nos lectures japonaises sont assez régulières...

Auteurs japonais traduits du japonais
- 1987 Yasunari Kawabata Les Belles endormies
- 1990 Abe Kobo La Femme des sables
- 1991 Yashushi Inoué Le fusil de chasse
- 1991 Junichi Tanizaki La confession impudique
- 1994 Saikaku Ihara Les cinq amoureuses
- 1998 Yukio Mishima L'École de la chair
- 2002 Banana Yoshimoto Kitchen
- 2004 Ryû Murakami Ecstasy
- 2004 Yasunari Kawabata Pays de neige
- 2004 Yôko Ogawa La Piscine - Les Abeilles - La Grossesse
- 2005 Haruki Murakami Au Sud de la frontière, à l'ouest du soleil
- 2009 Yukio Mishima Le Pavillon d'or
- 2012 Akira Yoshimura Le convoi de l'eau
- 2014 Kobayashi Issa Journal des derniers jours de mon père
-
2016 Kenzaburô Ôé Dites-nous comment survivre à notre folie
- 2019 Shûsaku Endô Silence
-
2023 Fumiko Hayashi Vagabonde (en présence du traducteur)
- 2023 Ito Ogawa La papeterie Tsubaki
- 2025 Osamu Dazaï Soleil couchant

Auteurs écrivant en anglais
- 2004 Kazuo Ishiguro Un artiste du monde flottant
- 2014 Julie Otsuka Certaines n'avaient jamais vu la mer
- 2018 Kazuo Ishiguro Les vestiges du jour

Auteurs écrivant en français
- 2016 Ryoko Sekiguchi La voix sombre
- 2021 Aki Shimazaki
- 2022 Akira Mizubayashi Une langue venue d'ailleurs et Âme brisée.


Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
à moitié
un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !


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