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N'ont vraiment pas aimé
: Ingrid, Laetitia,
Muriel, Nelly
- Le premier chapitre en a gavé plus d'une, bien trop intellectuel,
alourdi par les citations.
- L'épisode du début où elle pleure sur l'escalator
est inexplicable et pompeux.
- On voit une volonté de construction avec les 4 chapitres, mais
on se perd à l'intérieur. Une impression de fouillis domine,
avec des références, des impressions personnelles, qui rendent
le texte difficile d'accès. On ne voit pas où elle veut
en venir, elle brouille les pistes.
- Est-ce un essai ? Une autobiographie ? Si c'est un essai, c'est tiré
par les cheveux.
- Aller sur les pas de Sand et Chopin paraît artificiel.
- L'humour que certaines mentionnent ? Je ne l'ai pas vu.
- L'écriture ? J'ai beaucoup de mal. Beaucoup de citations laissant
entendre qu'elle cherche une caution. Elle évoque l'ego de Duras
; mais le plus gros ego c'est le sien. Elle se regarde écrire.
- Quant à la narratrice, elle n'est pas attachante.
Ont apprécié, voire beaucoup apprécié
: Agnès,
Brigitte, Claire, Joëlle,
Patricia, Sandra,
Sophie
Comme
pour Les Bâtardes
qui avaient dissimulé leur genre (des nouvelles), certaines ont
pensé qu'il s'agissait d'un roman (avant de subodorer l'aspect
autobiographique, entre l'essai et l'autobiographie).
- J'ai adoré ce "je", les émotions, la poésie
(le bonhomme de neige, c'est très beau).
- L'humour, qui a été beaucoup apprécié par
celles qui ont aimé le livre (éclats de rire pour certaines),
alterne avec l'émotion (pleurs pour certaines).
Un livre qui apporte une brise dans le cerveau !
- Il y a des scènes mémorables et un humour british : par
exemple Farid le baby-sitter qui se fout des gosses et ne pense qu'à
sa thèse.
-
La structure du livre, très bien construit, est chargée
de sens : on suit les 4 parties du texte d'Orwell Pourquoi
j'écris, mais à l'envers. Le fouillis qu'ont ressenti
certaines ? C'est un fouillis dans sa tête. Elle explore, notamment
en se rappelant l'Afrique, puis une fois en Angleterre, on retrouve une
écriture étayée, avec de la distance. Tout au contraire,
les flash-back sont très maîtrisés, c'est clair et
non fouillis.
- La narratrice suscite une réelle empathie pour certaines.
Ainsi des pleurs
sur l'escalator : une scène identique qu'a connue Patricia à
répétition. L'amour du père colle bien avec Émilie
Carles. Quel dommage que les parents divorcent...
- Le point de vue de l'enfant en Afrique est intéressant. Elle
aide à comprendre l'ANC. Et des détails permettent de comprendre
le quotidien : ainsi du prénom qu'on enlève aux Noirs...
(comme les bonnes chez nous qu'on appelait toutes Marie).
- L'Afrique du Sud a semblé également très cinématographique.
Agnès a pensé à Harper
Lee.
- Les références qui ont plombé certaines ? Un artiste
s'appuie sur la culture. Quant à Orwell, La
ferme des animaux d'Orwell est un livre-culte pour Sophie : c'est
Nicole Croisille, qui dans "Les
uns et les autres", chante "si tous les hommes sont égaux,
certains sont plus égaux que d'autres, écrivait George Orwell"
(à ne pas confondre avec "Les
uns contre les autres" de Fabienne Thibeault...)
- La fin laisse en attente d'une suite. Claire a lu dans la foulée
Le
coût de la vie, extrêmement différent dans
son mode de narration, mais avec le même humour.
- À noter : parmi celles qui auront lu les 4 livres, c'est celui
qui sera en tête du palmarès de Joëlle et de Patricia.
Avis rédigés par les lointaines
Ingrid
J'ai détesté ce livre...
Franchement, je n'ai pas pu dépasser le premier chapitre.
Muriel
Mon avis est mitigé sur Deborah Levy.
Le début m'a beaucoup barbée, car je ne comprenais pas grand-chose...
J'ai préféré mettre mon incompréhension sur
le compte des calmants que je prends à longueur de journée,
mais quand même.
Et à partir des "dodololomimiyoupi" p. 26, j'ai
trouvé ça plus intéressant, la vie en Afrique du
Sud, puis l'exil en Angleterre...
Il y a beaucoup d'humour dans son récit...
Bon voilà, je ne vois pas trop quoi dire d'autre...
Toujours mitigée...
Sandra
Voici mon premier ouvrage lu de cet auteure, et d'emblée au vu
de la phrase "réponse à Orwell," je me suis dit
"j'espère ne pas être déçue".
Si au départ, j'ai eu une petit crainte avec son historie de pleurs,
d'escalators, de fuite à Majorque, j'ai apprécié
de suite les références à d'autres auteurs et les
citations. Elles accompagnent son propos, qui débute au départ
par une réflexion sur la maternité, l'annihilation du désir
des femmes et sur l'indispensable "ego" que doit avoir toute
femme et donc tout femme écrivaine pour "survivre".
Ses réflexions portant au départ davantage sur la condition
féminine, je me suis posé la question : où était
son propos sur l'écriture ? Mais peu à peu celui-ci est
arrivé. À travers le récit de son enfance et adolescence,
elle sème les pistes pour nous faire comprendre comment lui est
arrivé cette envie et cette nécessité d'écrire,
mais en même temps sa complexité.
Son histoire personnelle (l'apartheid, le père prisonnier politique,
les différences de classes sociales, l'exil subit, l'envie de fuite,
de l'ailleurs) nous fait également traverser des moments historiques
et sociaux importants, sans lourdeur, sans apitoiement.
Nous sommes face à une auteure qui souffre, qui a besoin de cette
introspection personnelle afin d'avancer. Car le "pourquoi écrire"
en réalité n'est pas clair chez elle, et à travers
ce livre, elle le perçoit et semble enfin le comprendre. Au-delà
de cette nécessité personnelle d'écrire, en tant
que femme, elle le doit. Ainsi, j'ai aimé cette phrase, cette image
de "parler fort". Non pas comme un hurlement intempestif, gênant
pour les autres, mais comme un devoir, un besoin pour faire vivre son
"moi", sa personnalité, exprimer sans honte ses idées
et ses désirs. Ce qui est même étonnant, c'est que
ce sont les autres qui lui font cette remarque (la fille de sa marraine
Melissa, la nonne, et le Chinois également) et qu'elle met du temps
à le comprendre.
Au final, cette petite autobiographie, qui est un témoignage d'une
auteure sur son rapport à l'écriture (comme d'autres l'ont
également fait, elle n'est pas pionnière ne la matière),
fut plaisant à lire. L'écriture, la description de son histoire
personnelle, est fluide, non pesante, j'ai apprécié le style.
Je ne connais pas l'histoire littéraire et personnelle de cette
auteure, mais au vu de la fin, il est à espérer que les
réponses trouvées lui permettront d'arrêter de pleurer
dans les escalators, et qu'à présent pour reprendre le passage
de Virginia Woolf, elle pourra "écrire dans le calme"
pour mieux vivre avec son passé et son présent.
Brigitte
D'emblée on sent le bouquin qu'on ne va pas lâcher et qui
vous ferait rater deux ou trois stations de métro si on prenait
encore le métro.
On nous dit : c'est une réponse au fameux essai de 1946 de George
Orwell "Why
I write". Et sur la couverture de l'édition originale
anglaise on avait la citation dont est partie Deborah Levy :
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CHOSES QUE JE NE VEUX PAS SAVOIR
"Pour devenir un
ÉCRIVAIN,
j'ai dû apprendre à
INTERROMPRE,
à me faire entendre, à parler un peu plus fort,
et encore
PLUS FORT,
puis parler comme je parle normalement, c'est-à-dire PAS
FORT DU TOUT."
Deborah Levy
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C'est déjà formidable d'arriver à résumer
en quelques lignes la manière dont un écrivain arrive à
trouver et faire entendre la voix qui est la sienne, sans la forcer. Levy
s'approprie le thème et l'illustre à sa manière,
en reprenant comme têtes de chapitres ce qu'Orwell avançait
comme raisons pour écrire, dans un ordre différent qui colle
avec son propos :
"political purpose" / "historical impulse" /"sheer
egoism" / "aesthetic enthusiasm"
"visée politique" / "inspiration historienne"
/ "pur égoïsme" / "enthousiasme esthétique".
Son essai est formidablement bien construit, les larmes versées
sur l'escalier roulant, au début, nous amenant avec quelques détours
à un retour aux sources, cette Afrique du Sud de son enfance qui
la faisait pleurer, justement, sur les escaliers roulants à Londres.
Elle nous fait partir d'une étrange auberge à Majorque qui
pourrait aussi bien sortir d'un conte fantastique, mais où, finit-on
par comprendre, elle s'est réfugiée pour réfléchir
et écrire. Et de là, elle revisite son enfance et nous la
fait revisiter avec elle, dans une Afrique du Sud fantomatique marquée
par l'absence du père, emprisonné pour avoir manifesté
son soutien à l'ANC. Autant pour la politique et l'histoire, vues
à travers les réminiscences de l'enfance.
Ce qui entraîne, et bouleverse parfois, c'est le rythme du récit,
le génie d'évoquer sans développer, et l'humour,
constamment, entre les lignes, pour noter le dérisoire des situations
et dépeindre des personnages qui vous sautent au visage tellement
ils sont vivants, avec leurs caractères, leurs tics et jusqu'à
leur façon de parler. On souffre avec l'enfant solitaire qui se
raccroche à la cousine qui lui apprend à "parler plus
fort", à la bonne sur dans le pensionnat où elle
a fini par échouer, avant le grand départ pour l'Angleterre,
quand l'Afrique du Sud sera devenue invivable.
Et là nouveau chapitre, de l'essai comme de la vie. C'est là
qu'il est question d'égoïsme pur, car il faut se battre pour
exister, ou plutôt "sortir de ma vie", en exil comme a
dit la mère, cet Exil à la fois abstrait et terriblement
concret, dans le quartier paumé de Finchley. On rencontre Sylvia
Plath au détour de quelques pages formidables sur du miel tombé
dans la machine à laver qu'il s'agit de nettoyer en passant la
tête à l'intérieur de la machine, ce qui rappelle
aussitôt "les écrivaines" se suicidant en fourrant
la tête dans le four à gaz. Et quand elle cite la grève
des mineurs de 1974, rare date dans ce texte tout en allusions, je revois
cet hiver lugubre où la nuit tombait à 16 heures dans la
plus parfaite obscurité faute d'électricité, ce qui
suggère l'atmosphère sans mots superflus.
Lire Levy, c'est le plaisir de savourer une histoire contée de
main de maître, par quelqu'un qui a appris à ne pas parler
plus fort qu'il ne convient, quelqu'un qui a le génie du conteur.
Je craque quand elle se décrit, ado à Londres, écrivant
tout l'incompréhensible de l'Exil au stylo à bille sur des
serviettes en papier, sur un coin de table d'un café pouilleux,
en essayant surtout de ne plus penser à l'Afrique du Sud, parce
qu'il fallait apprendre à saisir la moindre occasion d'être
heureuse en Angleterre, malgré les questions inéluctables
et récurrentes "Where are you from ?" qui aussitôt
la ramenait à son statut d'étrangère.
Elle a ce génie de dire l'indicible en donnant des détails,
ceux qui frappent et qui restent, au lecteur d'imaginer le reste, en tentant
de partager l'"enthousiasme esthétique" qui parcourt
son essai, mais dont elle a fait plus particulièrement son dernier
chapitre, avec un retour à Majorque pour boucler un cycle à
la chinoise. J'aime bien qu'elle cite en conclusion, ou presque, ç'aurait
été trop banal, la phrase de Virginia Woolf disant qu'une
écrivaine doit éviter de revenir trop sur sa vie autrement
elle écrirait dans la rage. Et c'est ce qui fait la qualité
de cet essai de Deborah Levy : cette distanciation du passé et
de soi-même qui lui donne le calme voulu, mais au prix d'une tension
constante qui vous fend les tripes.
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