Quatrième
de couverture :
« La photo en noir et blanc d'une petite fille
en maillot de bain foncé, sur une plage de galets. En fond, des
falaises. Elle est assise sur un rocher plat, ses jambes robustes étendues
bien droites devant elle, les bras en appui sur le rocher, les yeux fermés,
la tête légèrement penchée, souriant. Une épaisse
natte brune ramenée par-devant, l'autre laissée dans le
dos. Tout révèle le désir de poser comme les stars
dans Cinémonde ou la publicité d'Ambre Solaire, d'échapper
à son corps humiliant et sans importance de petite fille. Les cuisses,
plus claires, ainsi que le haut des bras, dessinent la forme d'une robe
et indiquent le caractère exceptionnel, pour cette enfant, d'un
séjour ou d'une sortie à la mer. La plage est déserte.
Au dos : août 1949, Sotteville-sur-Mer. »
Au travers de photos et de souvenirs laissés par
les événements, les mots et les choses, Annie Ernaux donne
à ressentir le passage des années, de l'après-guerre
à aujourd'hui. En même temps, elle inscrit l'existence dans
une forme nouvelle d'autobiographie, impersonnelle et collective.
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Annie Ernaux
Les Années (2008)
Nous avons lu ce livre pendant notre
semaine lecture de juillet 2008. Nous
avions lu Passion
simple en 1992 et lirons La
place et Une femme
en janvier 2019. Le
groupe de Tenerife lira Mémoire
de fille en 2020.
Jean-Pierre
Les Années d'Annie Ernaux sont-elles vraiment les siennes ?
Ou du moins seulement les siennes ? Sont-elles pour autant celles
de tout le monde ? Je suis tenté de réponde non à
ces trois questions, mais ce doit être en raison de mon (grand ?)
âge. Tout ce qu'elle décrit, ce qu'elle évoque, ce
qu'elle suggère, je l'ai vécu, sauf évidemment les
éléments purement personnels de son propre parcours. Et
c'est pourquoi je redoute que les plus jeunes (au sens "moins vieux"
et non pas "plus tout jeunes") ne se sentent pas aussi concernés
que moi. Peut-être que bien des événements, des citations,
des noms leur seront inconnus, et sans doute même s'ils les connaissent,
que cette connaissance ne sera que livresque.
Il en va tout autrement pour un sexagénaire. Ce voyage dans le
temps et dans l'espace éveille en moi tout un fatras de souvenirs
et de sensations que je croyais enfouis sous la poussière des jours.
Annie Ernaux a le chic pour trouver la formulation qui fait mouche, pour
exhumer l'anecdote qui fait vibrer la corde atone de la mémoire
endormie, pour ressusciter l'Histoire, pour agiter les marionnettes médiatico-politiques
auxquels nous avons cru, pour faire crachoter les microsillons sur lesquels
sont gravées les chansons qui nous ont bercés jour après
jour, dans les joies et les peines quotidiennes, Brel, Brassens, Ferrat...,
tout cela dans une langue claire, précise, légère,
où l'emploi alterné de l'imparfait des souvenirs et du présent
des photographies, et l'omniprésence du "elle" structurent
un texte d'une grande rigueur.
L'Histoire ne repasse pas les plats, et ceux que nous avons dédaignés
ont pour toujours ranci. Tant pis pour nous. C'est ça la nostalgie :
les choses que nous aurions pu vivre, plus que celles que nous avons (mal)
vécues. Et l'auteur, comme moi, recouvre ces décennies d'un
voile de doux fatalisme, de ce sentiment triple, mélange d'impuissance,
de futilité et d'inanité. Mais on a fait ce qu'on a pu,
pas vrai ? Sans vraiment maîtriser, conduire, petites vagues
sur l'océan. Même la vie personnelle nous échappe,
nous a échappé, même les communions, les mariages,
les divorces, les enfants, même notre sexualité, le plus
intime de notre être auquel nous nous raccrochons comme à
une bouée, dans sa réalité comme dans sa décroissance,
tout cela prend l'aspect des photos en noir et blanc, un goût et
un parfum de vie des autres, de ceux qui ont disparu comme nous disparaîtrons
un jour, sans doute pas si lointain. Alors, bienvenue aux les générations
suivantes, à leur décontraction, leur désinvolture,
leur dérision, leur individualisme. Nous leur laisserons bientôt
la place.
C'est rien, baby, tout ça c'est pas grave...
Jackie
J'ai beaucoup aimé, notamment en tant que femme. Il me reste 10
pages.
Marie-Thé
J'ai tout lu d'elle. Je m'y retrouve. Peut-être, est-ce un peu répétitif
néanmoins.
Françoise D
J'ai un peu oublié depuis que je l'ai lu, mais l'impression très
forte demeure, la résonnance. D'après moi, ce livre remarquable
peut intéresser tout le monde, c'est sa force.
Jacqueline
Je l'ai lu deux fois : une fois il y a trois mois où j'ai
été un peu déçue, car bien que j'aie à
quelques mois près le même âge qu'Annie Ernaux, je
ne reconnaissais pas grand-chose, ce qui m'a agacée. La relecture
m'a permis de voir tout ce qui m'avait échappé, qui est
de l'ordre de la réflexion. Je ressens de l'estime. C'est un livre
très important et fort.
Lona
"Je" et "elle" qui tricotent l'histoire m'ont interrogée.
C'est mon histoire et je m'y retrouve.
Nicole
A priori, Annie Ernaux m'énerve, à cause de son impudeur.
Le début m'a beaucoup plu. M'a intéressée ce que
je ne m'avais pas vécu. Elle ne m'apprend rien pourtant. J'aimerais
avoir le point de vue de ceux qui ont vécu les choses différemment
d'elle.
Yolaine
Je suis partagée, agacée. C'est un peu intello, artificiel
(les photos par exemple). L'écriture est plate, ce n'est pas charnel,
je ne vibre pas. Le côté militant me gonfle, car elle part
du principe qu'on partage son point de vue. J'ai aimé ce qui concerne
le langage, le vieillissement. J'aimerais relire une seconde fois.
Chantal
J'ai beaucoup aimé ce livre où je me retrouve, où
j'ai cheminé. J'ai retrouvé son investissement dans l'école.
J'ai apprécié la quête, à la fois la distance
et l'intériorité.
Monique
Refroidie par l'aspect "froid" de ses livres, j'avais un a priori
négatif. Je suis emballée. C'est pour moi un chef d'uvre,
avec un énorme travail de reconstruction. J'aime l'état
dans lequel elle nous met, grâce aux chansons, aux objets. Il y
a des coupures qui font passer à autre chose. Notre vie défile.
C'est magnifique. Elle parvient à donner un sentiment historique,
y compris des années récentes, en une autobiographie collective.
Toute la société apparaît.
Muriel
J'ai eu plaisir à me retrouver et plaisir à ne pas me retrouver.
Quel travail de documentation ! Cela plairait-il à des jeunes ?
C'est triste, elle n'est jamais comblée. C'est certainement son
meilleur livre. On l'a rencontrée avec Claire dans le RER :
on a fait le voyage ensemble et elle est très sympathique.
Lil
J'ai eu beaucoup de mal à entrer : quel intérêt
pour le lecteur, l'auteur ?! J'ai mordu à partir des années
60. J'ai sauté quelques énumérations. Elle ne laisse
pas de place pour d'autre avis politiques. Il y a un talent d'écriture
différent des autres livres : j'ai aimé l'imparfait
et le " elle ". Est-ce un livre sur ou contre le vieillissement ?
C'est le point final de son uvre.
Marie-Laure
J'avais 9 ans en 68. Pour moi, c'est seulement un témoignage, un
documentaire. Au début, cela m'a ennuyée. Elle met en avant
une mémoire d'elle-même. Elle ne veut pas mourir. Et ces
repas de famille, elle les reproduit avec ses enfants.
Fanfan
Les autobiographies comme les livres historiques m'ennuient, pas celui-ci.
Je me suis retrouvée, j'ai aimé l'écriture. Il y
a de l'amertume, de la tristesse, j'ai parfois ressenti de l'agacement,
mais aussi un charme. C'est une écriture juste, pointue.
Claire
Nous avions lu dans le groupe parisien Passion simple que j'avais
beaucoup aimé et nous étions peu nombreux dans ce cas. Les
Années est pour moi un chef-d'uvre. J'adore ce repérage
des expressions "datées", cette attention aux objets,
l'histoire scandée par les déjeuners et les photos, l'humour
cynique. L'histoire de son écriture est absente et la musique aussi.
La fin est très émouvante.
Michèle
Même si je me suis reconnue, j'ai été déçue.
Il y a des redites et elle enfonce des portes ouvertes. Son recul est
froid, trop froid. Elle ne s'implique pas émotionnellement. Elle
est dépressive.
Programme de la
semaine lecture
du 26 juillet au 1er août 2008
Nos cotes
d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
à la folie - beaucoup-
moyennement - un peu - pas du tout
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