La Maison de la poésie, 2017
Traduit de lespagnol
par Myriam
CHIROUSSE
Points, 2016
Quatrième de couverture
(de l'édition format poche)
Quand Rosa découvre le journal de Marie Curie,
commencé à la mort de Pierre son époux, les mots
font écho à son propre deuil. Au-delà des époques,
les deux femmes vivent la même douleur inextricable face à
la perte inconcevable. Leurs voix se mêlent pour raconter la reconstruction.
Car la vie est si puissante que dès les premiers moments de la
peine elle vous permet de savourer des instants de joie.
Rosa Montero est née à Madrid où
elle vit. Elle est lauteur de plusieurs romans traduits dans de
nombreuses langues, notamment Le Roi transparent, La Fille du Cannibale
et Le Territoire des barbares, disponibles en Points.
"Un livre hautement radioactif qui brûle d'une
passion solaire et d'une admiration éperdue." (Le
Nouvel Observateur)
Métailié,
2015
Quatrième de couverture
(de l'édition grand format)
Chargée décrire une préface
pour lextraordinaire journal que Marie Curie a tenu après
la mort de Pierre Curie, Rosa Montero sest vue prise dans un tourbillon
de mots. Au fil de son récit du parcours extraordinaire et largement
méconnu de cette femme hors normes, elle construit un livre à
mi-chemin entre les souvenirs personnels et la mémoire collective,
entre lanalyse de notre époque et lévocation
intime. Elle nous parle du dépassement de la douleur, de la perte
de lhomme aimé quelle vient elle-même de vivre,
du deuil, de la reconstruction de soi, des relations entre les hommes
et les femmes, de la splendeur du sexe, de la bonne mort et de la belle
vie, de la science et de lignorance, de la force salvatrice de la
littérature et de la sagesse de ceux qui apprennent à jouir
de lexistence avec plénitude et légèreté.
Vivant, libre, original, ce texte étonnant, plein
de souvenirs, danecdotes et damitiés nous plonge dans
le plaisir primaire quapporte une bonne histoire. Un récit
sincère, émouvant, captivant dès ses premières
pages. Le lecteur sent, comme toujours avec la vraie littérature,
quil a été écrit pour lui.
"Rosa Montero aime le risque (
) et elle
risque tout pour que nous nous remettions à croire dans les relations
entre le langage et la réalité, dans le pouvoir des mots."
(Enrique Vila-Matas)
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Rosa Montero
L'idée ridicule de ne plus jamais te revoir (2013)
Nous avons lu ce livre en novembre 2017.
Voir en bas de page
des éléments sur l'auteure, son uvre et la traduction,
avec le point de vue de la traductrice "en exclusivité"
pour Voix au chapitre...
Nos
cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
à la folie, beaucoup,
moyennement, un peu, pas du tout
Annick
L (avis
transmis)
Le sujet est sensible et m'a évidemment touchée : la
romancière a écrit ce livre pour exorciser le drame qu'elle
traversait en retrouvant quelque chose d'une expérience humaine
plus large : "Je raconte et je partage une nuit déchirante
et, en le faisant, j'arrache des étincelles de lumière à
l'obscurité". Le bref journal que Marie Curie a écrit
après le décès accidentel de Pierre lui semble en
miroir avec sa propre expérience, et elle entreprend, sous la forme
d'un dialogue très direct avec le lecteur, une sorte de méditation
"à bâtons rompus". Mais c'est l'évocation
de Marie Curie, dont elle revisite la biographie, qui structure le récit,
nous permettant de découvrir une autre facette de cette icône
de la recherche scientifique française, beaucoup plus humaine.
Une évocation émouvante, comme vue du dedans.
Pourtant je me suis sentie, à plusieurs reprises, un peu déroutée
par le côté inachevé, un peu "brut" de ce
texte. J'aurais aimé qu'elle nous en dise plus sur elle-même,
au lieu de se réfugier dans l'ombre de Marie Curie. Mais sans doute
lui était-ce impossible
Je retiendrai en fait surtout quelques pages inoubliables, que je relirai
volontiers : sur la nécessité de faire une place à
la mort et à nos morts pour continuer à vivre, la difficulté
pour une femme à l'époque de Marie Curie mais
aussi aujourd'hui de se libérer des assignations imposées
par la famille et par la société ("Faire ce qu'il faut"),
mais aussi de ses propres rigidités, de lâcher du lest pour
profiter du moment présent
ce que l'on peut attendre de mieux
d'une rencontre avec un auteur ! Ouvert aux ¾.
Manon
(avis transmis)
Je ne suis pas sûre d'avoir un avis. Je m'explique : pour avoir
un avis, selon moi, il faut avoir lu une grosse partie du livre. Or je
n'en ai lu que 21%. Alors oui bien sûr si je n'en ai lu que 21%
et que je me suis arrêtée là, c'est bien que j'émets
de très gros doutes... mais puis-je pour autant les exprimer ?
Peut-être que si j'avais persisté, j'aurais été
très enthousiaste... mais je n'en ai pas eu le courage. Et pas
seulement à cause du livre lui-même, mais aussi à
cause de tous ceux qui me tentent et que j ai fait le choix de lire à
la place.
Je dirai quand même que je ne suis pas rentrée dans ce livre
parce que la première partie où Montero nous
explique comment elle a fini par s'intéresser au sujet
a procuré un ennui mortel... je n'ai pas accroché, je voulais
découvrir la vie de Marie Curie et pas celle de Montero c'est
sûrement une erreur.
Et puis comme à chaque fois me concernant lorsque les gens sont
dithyrambiques dès le début, ben je m'attends à l'être
aussi et finalement je deviens hermétique très très
rapidement...
Nathalie
(avis transmis)
J'ai beaucoup aimé ce livre. On me l'avait offert il y a presque
trois ans déjà, quand ma mère est morte, et je n'avais
pas réussi à l'ouvrir, je n'avais pas envie de partager
mon deuil avec celui d'une autre. Je l'ai donc découvert ces jours-ci
à quelques jours du troisième anniversaire de sa mort. Comme
la narratrice, je me sens presque apaisée et j'en ai profité
d'ailleurs pour ouvrir la boîte aux photos que ma mère m'a
léguée après sa mort. Je ne l'avais pas ouvert depuis
et de fait, j'ai également fait un parcours en photo en essayant
de les lire comme je lisais celles glissées dans l'uvre.
Étrange plongée profonde et fascinante. C'est donc pour
moi un livre délicat, léger et plutôt apaisant. J'aime
bien les chemins que la narratrice tisse entre son deuil et celui de Marie
Curie. En ce qui concerne le personnage, je trouve que l'on n'apprend
pas vraiment grand chose de plus que ce que l'on pourrait découvrir
ailleurs et je n'ai pu m'empêcher de faire le lien avec le livre
que nous avions lu sur la peintre Paula
M. Becker que j'ai trouvé mille fois plus intéressant.
Pourtant cela n'a pas été un problème de le lire
avec un autre angle de lecture. Ce qui me reste, c'est l'impression d'avoir
lu une rêverie qui a fait souvent écho à la mienne,
par exemple dans cette projection sur la mort programmée de son
mari qu'elle compare à la réalité une fois la mort
survenue. Moi, c'est ce que je fais tout le temps et c'est invivable pour
moi :)
J'ouvre à demi. Ce n'est pas un chef-d'uvre mais ça
se lit avec douceur.
Manuel
(avis transmis)
Je suis embarrassé pour vous donner un avis sur ce livre. #Culpabilité ?
Après les galères Karinthy
et Miano,
comment a-t-on pu décider de choisir le livre de Montero ?
Il y a des "perles" dans le livre de Montero, des banalités,
un féminisme qui parfois m'agace #FaiblessDesHommes. Le livre est
bien construit et très malin. Mais pourquoi l'avoir appelé
roman ? Pedro n'existe finalement pas ? Est-ce bien sérieux
de citer Arthur ? Rosa Montero, malgré mes réserves,
m'a emporté dans son récit de la vie de Pierre et Marie
Curie qui lui sert de thérapie. Je n'ai pas boudé mon plaisir
à lire un livre simple, sans prétention. Elle y dit des
choses que j'ai trouvées belles sur la littérature (p. 115
entre autres), sur le rapport à l'autre, sur la mort. Mais il y
a aussi des lieux communs
Je doute que cela soit un roman et je
ne serai malheureusement pas là pour vous écouter. C'est
bien dommage ! J'ouvre aux ¾.
Claire
Quand tu dis "Après les galères Karinthy et Miano,
comment a-t-on pu décider de choisir le livre de Montero ?",
veux-tu dire que tu attendais une troisième galère ?...
Manuel
Pour tout dire, jai dévoré le livre de Montero
Quand jai lu Karinthy et Miano, je me suis dit mon pauvre garçon
tu régresses, tarrives plus à lire
Mais là
non. Est-ce que le Montero est plus "facile" à lire ?...
Il ma peut-être plus passionné
Catherine(avis
transmis)
J'ai abordé ce livre avec un peu de crainte en raison d'un des
thèmes principaux du livre, le deuil d'un conjoint. J'ai eu du
mal à prendre du recul mais j'ai au final beaucoup aimé,
à commencer par le titre qui résume la sensation que l'on
peut ressentir face au décès d'un proche. J'ai trouvé
ses mots très justes, sans trop de pathos, sur la mort, le deuil,
la douleur, la perte de l'intimité partagée, le désir
de ne pas oublier, le passage très touchant où elle décrit
son mari, confus, agité, aphasique, lui faisant une déclaration
d'amour mais en se trompant de mot : "ma petite chienne".
Le personnage central du livre, même s'il s'agit en partie d'un
livre autobiographique, n'est pas Rosa Montero mais Marie Curie, le journal
qu'elle a écrit sur son mari, après son décès,
mais aussi sa vie et c'est ce qui fait tout son intérêt.
Je suis fascinée, comme beaucoup de Français, par cette
femme, son parcours incroyable avec ses deux prix Nobels, et ce depuis
que j'ai lu en CE2 un livre de la bibliothèque verte décrivant
la purification du polonium et du radium dans son hangar mal chauffé.
Je n'ai pas encore eu le temps d'aller voir l'exposition
qui lui est consacrée, mais j'irai certainement.
Le livre de Rosa Montero décrit, sans voyeurisme, des aspects plus
personnels de sa vie, qui la rendent plus complexe que l'image d'icone
qu'on en a habituellement. J'ai bien aimé l'écriture du
livre, hormis les hashtags permanents que j'ai trouvés plutôt
agaçants et dont je ne vois pas l'intérêt.
J'écris cet avis comme d'habitude au dernier moment, donc je n'ai
pas vraiment le temps de développer mais j'ai beaucoup aimé
ce livre ; je ne regrette pas de l'avoir lu et je l'ouvre aux ¾.
Monique S
Je me suis ennuyée au début. La biographie qu'elle fait
de Marie Curie m'a passionnée. Il y a beaucoup de sujets intéressants
abordés. On sait peu de Pablo, mais cela ne m'a pas gênée.
L'auteure écrit comme si elle avait enregistré son monologue,
un bavardage fatiguant parfois.
Annick A
C'est un livre qui nous fait découvrir deux femmes : Marie
Curie et Rosa Montero. Je suis partagée par rapport à ce
livre.
Concernant Rosa Montero, j'ai aimé le ton du livre qui nous donne
le sentiment d'être dans une conversation intime avec elle, qui
nous entraîne dans ses propres analyses et associations comme si
nous discutions avec elle. Par exemple p. 68
"tout ce dont NOUS
sommes en train de parler". C'est un style parlé,
alerte, puissant, qui vise à nous faire partager émotivement
les ressentis de l'auteure, concernant sa souffrance liée au deuil
à l'horreur de la séparation et du manque de l'autre. Le
passage p. 23 sur la souffrance psychique
est particulièrement percutant et terrifiant. Au gré de
ses pérégrinations, elle nous fait réfléchir
sur le culte du mort, les relations homme-femme, l'amour. Par son approche
féministe, elle nous fait mesurer la grande difficulté rencontrée
par les femmes, et notamment Marie Curie, qui sortent des sentiers battus
définis par les hommes. Ce n'est pas nouveau, mais c'est une analyse
pleine de tendresse pour les femmes qui m'a beaucoup touchée.
Mais j'étais parfois agacée par ses pérégrinations
telles que la soi-disant faiblesse des hommes, les coïncidences,
la longueur des doigts, les hashtags, ces "nous
les femmes nous pensons que... nous savons que..." Et
surtout, elle nous fait découvrir Marie Curie de façon que
je trouve contestable. Elle le dit elle-même p. 163 :
"j'ai toujours eu besoin
d'utiliser le truchement du conte pour exprimer mes joies et mes peines".
Là, c'est le truchement de Marie Curie qu'elle utilise. Je connaissais
peu de choses sur la vie de Marie Curie et son histoire m'a passionnée.
Mais j'ai été très gênée et énervée
par la façon dont Rosa Montero se projette dans l'histoire de Marie
et par les interprétations qu'elle en tire en s'identifiant à
elle (ex. p. 57). J'ai préféré de beaucoup ce
que je découvrais de Marie par des éléments objectifs
de sa vie et son journal.
Richard
C'est un livre d'abord difficile. Il y a une
biographie + une autobiographie et cela ne marche pas pour moi :
soit l'une soit l'autre ; si on enlève la biographie, qu'est-ce
qui reste pour justifer le livre ? Peut-on m'expliquer les # ?
Ce sont des mots-clés ? Elle lâche des noms dans une
sorte de "name dropping". Il y a des annonces de vérité
qui sont exagérées, par exemple : "L'origine
de la maturité est dans la souffrance" (son origine
se trouve surtout dans l'expérience, sans forcémént
inclure la souffrance) ?
Mais dès qu'elle parle de Marie Curie, cela m'a plu. Cela m'a appris
beaucoup sur Marie Curie. J'ai admiré la scène à
l'hôpital qui est très émovante. Le livre est parsemé
de très belles d'images. J'ouvre à moitié.
Monique L
J'ai trouvé ce livre curieux, original. Il m'a déroutée,
parfois gênée. Mais sa propre expérience donne un
intérêt au livre. J'ai apprécié le côté
féministe. J'ai été gênée par le parallèle
entre son deuil et celui de Marie Curie : pour moi un deuil c'est
très personnel. Ce côté comparatif m'a choquée.
Un passage m'a plu : "Notre
mémoire est en réalité une invention, un conte que
nous réécrivons un peu tous les jours (ce dont je me souviens
aujourd'hui de mon enfance n'est pas ce dont je me souvenais il y a vingt
ans). Ce qui veut dire que notre identité, elle aussi est fictionnelle,
étant donnée qu'elle se fonde sur la mémoire".
Suite au message
de Manu, je suis allée voir l'expo
au Panthéon et j'ai trouvé un personnage différent
de celui du livre. J'ai eu une impression d'une femme plus riche, ouverte
J'ouvre à moitié.
Françoise D
Il s'agit de subjectivité concernant Marie Curie, ce n'est pas
une biographie : ce n'est pas son projet de faire un portrait de
Marie Curie. J'ai aimé les strates différentes qu'elle aborde.
Il y a une homogénéité : je n'ai pas été
gênée par l'écriture que vous dites orale. Je l'ai
lu d'ailleurs en vo avec les photos il y a un moment déjà
et j'avais été très séduite. Elle est très
connue en Espagne. J'ai aimé le rythme. J'ai été
émue, c'est un roman où elle a mis beaucoup d'elle-même.
J'ouvre aux ¾. J'ai aimé le projet.
Christelle
Je ne suis pas fan des biographies, mais je crois
que je vais me convertir... J'ai aimé l'approche originale. Dans
sa façon de s'adresser à nous comme lecteur, j'ai eu l'impression
d'une préface qui se prolonge. Au début j'ai trouvé
les # un peu lourds et les comparaisons avec elle-même prétentieuses.
Les hashtags apportent de la modernité, il y a un style journalistique
concis et clair c'est aussi une façon d'alléger
le récit et de présenter sa façon de penser.
J'ai aimé cette manière de découvrir Marie Curie
à travers son engagement. Il y a des moments douloureux mais aussi
beaucoup de lumière dans la manière dont l'auteure parle
de la mort.
Henri
Je l'ai lu facilement, j'ai trouvé le style alerte et délicat.
L'histoire de Marie Curie m'a intéressé. Je me demandais
quoi dire de ce livre. J'ai été agacé, car elle s'est
fait un selfie avec Marie Curie et a alimenté son blog... (nous
autres, pliés de rire selon la souplesse).
C'est bien construit mais c'est réducteur en ce qui concerne la
pensée. Si l'ensemble était une fiction, j'aurais dit chapeau,
mais là je trouve que le procédé très construit
est lié à l'air du temps, c'est peu élaboré.
Sur le cycle du deuil on pourrait trouver les mêmes informations
avec des recherches sur Internet. Elle traverse le gué de choses
profondes en prenant appui sur des rondins de bois sans s'y arrêter.
Cela me rappelle Foenkinos
qui m'agace. J'ouvre ½ pour l'histoire de Marie Curie.
Denis
Ce qui m'a plu, c'est l'histoire de Marie Curie et
le ton de la conversation. J'ai trouvé le rapprochement autour
du deuil incongru. J'ai aimé son portrait des femmes autour de
la science, j'ai appris beaucoup de choses sur l'histoire de Marie Curie.
Sa propre histoire, dans la projection de ses propres douleurs permet
de présenter Marie Curie de façon touchante. Elle présente
Marie Curie comme une amoureuse : le scandale provoqué est
fabuleux ! La
photo du congrès de 1911 est également fabuleuse avec,
parmi tous les scientifiques (dont Einstein), Marie Curie dans un coin
discutant avec Poincaré. J'ouvre aux ¾ ce livre que j'ai
aussitôt offert à ma fille qui est dans ce domaine.
Rozenn
Le livre m'a tellement déplu que je l'ai laissé tomber puis
je l'ai perdu. J'ai commencé Marie
Curie prend un amant d'Irène Frain : c'est une femme très
normale.
Ici le parti pris féministe est plaqué, laborieux, mécaniste.
Le plus intéressant dans sa liaison, c'est l'histoire que cela
fait à l'époque : cette présentation est très
loin de ce qu'on apprend à l'école
Quand je vous entends parler de ce livre, presque tout pourrait s'appliquer
à Marie Curie prend un amant, c'est un procédé.
Les hashtags, c'est redoutable
Lisa, entreet
Je l'ai lu il y a quelques mois, d'abord pas enthousiaste quant au thème
du deuil.
J'ai trouvé ce livre passionnant. Par sa construction et son style,
au-delà de Marie Curie. J'ai trouvé qu'il y avait des réflexions
profondes. Peut-être en raison de mon âge, il y a des questions
que je ne m'étais jamais posées.
Au début j'ai trouvé les # lourds, puis j'ai trouvé
que cela permettait de revenir sur certains thèmes abordés
précédemment ; il y a d'ailleurs un index. J'ai apprécié
la manière dont le féminisme est abordé. Je ne sais
pas si je le prêterai à d'autres gens. J'ouvre à 90%.
Fanny
Déjà j'avais envie de revenir sur le titre : je l'ai
bien aimé. Très poétique. Et il m'a fait réfléchir.
Rien que dans ce titre, je vois la juxtaposition des sentiments et des
idées réfléchies. Le livre est construit, mais de
manière baroque, c'est très créatif. Je ne connaissais
pas vraiment Marie Curie et j'ai aimé la façon dont sa vie
est utilisée dans le livre. Ça mêle l'histoire de
Marie Curie, les sentiments personnels de Rosa Montero et le collectif.
Différents thèmes sont abordés, le temps qui passe,
la condition féminine, l'amour, etc. Il y a quelque chose d'universel
dans ce livre, comme si le fait d'entremêler ces différents
points de vue les rendait partageables comme quelque chose de l'ordre
de l'appartenance à l'humanité. Les hashtags, ça
ne m'a pas plu. Au début la lecture était compliquée
puis ça allait mieux ; les # coupaient le côté
liant du texte. Je l'ouvre aux ¾ à cause des hashtags.
Séverine
Je ne sais pas quoi dire maintenant. Je l'ai lu hélas de manière
fragmentée. Il y a trois niveaux : Marie Curie, l'autobiographie
et des considérations plus générales. Les hashtags
m'ont dérangée. Concernant Marie Curie, on voit ses petites
mesquineries, elle dit par exemple que sa fille est moche.
Henri
#mesquine !
Séverine
Après, c'est vrai que l'autobiographie est touchante. Surtout quand
elle parle des derniers jours. Il y a peut-être des choses bateau
sur la mort, mais ce qu'elle dit peut aider. Il y a beaucoup de passages
que j'aimerais relire. J'ouvre à moitié. La forme est intéressante :
ce récit, sa façon de s'approprier Marie Curie.
Claire
C'est moi qui ai proposé ce livre, mais pas seule (pas comme Chesterton
où j'ai fait un bide total), j'ai trouvé deux alliées
qui ont lu livre, Françoise et Lisa
Je l'ai découverte
avec La
folle du logis, sur l'imagination, un livre sur la littérature
qui joue avec l'autobiographie j'ai adoré. Ici il y
a aussi ce je. Je rejoins complètement Fanny. Le thème
du deuil n'est pas ce qui domine pour moi dans ma réaction au livre.
Je ne suis pas d'accord avec toi Henri qui le présentes comme un
zapping superficiel et à la mode... : pour moi, il y a un
tressage continu entre les photos, le passé de la narratrice, la
vie de Marie Curie, de brèves considérations profondes qui
résonnent, où elle parle à l'oreille du lecteur comme
dit la traductrice, car il y a une VOIX. Peu importe si la vie de la narratrice
est vraie ou pas, et c'est en cela qu'on peut se permettre de le sous-titrer
roman. Tressage aussi d'émotion, d'humour
et d'images, de comparaisons fortes, crues, par exemple : "il
ne s'agissait pas d'une pensée véritable et complètement
assumée, mais d'une de ces idées à moitié
formées qui ondulent au bord de la conscience, comme des poissons
nerveux et glissants" p. 26 ou,
pendant le deuil, "La
vie se fraie un chemin avec la même e opiniâtreté qu'une
plante minuscule capable de fendre un sol en béton pour sortir
sa tête" p. 31. Pour moi,
avec Rosa Montero, c'est une forme littéraire que je découvre.
De surcroît je dirais, j'ai été absolument passionnée
par la vie de Marie Curie dont j'ignorais presque tout. J'ai lu des trucs
sur elle, assisté à des conférences à l'occasion
des 150 ans, été toute émue en parcourant le chemin
Pierre et Marie Curie sur un GR en Bretagne (les Curie y ont une maison).
Quant aux #, moi aussi j'ai été agacée, mais j'ouvre
en grand !
Henri
Droit de réponse à Claire... : je suis entièrement
d'accord. J'ai eu beaucoup de plaisir à lire le livre. Mais c'est
peut-être moi qui suis inadapté à ce type de forme.
Je pensais que tu lirais la p. 188 sur la
"connexion entre la
réalité biographique et la fiction", "territoire
ambigu et marécageux dans lequel bon nombre d'auteurs se sont enfoncés",
sur le maniement de "la
substance toujours radioactive de la réalité".
Est-elle sincère ou manipulatrice ? Je pense sincère.
Tout dépend comment on se positionne par rapport à ces sujets-là.
Annick A
Les sujets sont profonds, parfois j'ai été touchée
et émue. Mais j'ai aussi ressenti un malaise.
Rozenn
Vous m'avez donné envie de retrouver le livre !
Claire
Monique, je ne suis pas d'accord avec toi, pourquoi n'aurait-elle pas
le droit de prendre le deuil de Marie Curie et de se l'approprier pour
traiter littérairement son propre deuil ? Au fait, allez voir
le musée Curie... on voit par exemple comment elle est accueillie
par le président
des États-Unis c'est une vraie star ,
on voit bureau de Marie Curie en l'état, comme sacré...
j'adore...
Fanny
Pour ma part, je ne la trouve pas touchante dans le livre.
Henri
À celles agacées par le féminisme, quelle est la
valeur de ces considérations sous l'angle rétrospectif ?
Le propos est faux quand on l'extrait de son temps. La manière
de l'extraire n'est pas efficace.
Rozenn
C'est un parti pris systématique !
Monique L
C'est sa façon de voir.
Françoise
Bah oui c'est sa subjectivité !
CE N'EST PAS UN DOCUMENTAIRE !
Claire
Dans les remerciements à la fin du livre, elle dit : "il
n'y a pas une seule invention dans les faits. Toutefois, je me suis permis
de m'envoler dans les interprétations, car j'ai utilisé
la grande Mme Curie comme un paradigme, un archétype de référence
avec lequel réfléchir sur les thématiques qui, dernièrement,
tournent dans ma tête avec insistance".
Annick
Il y a un passage très fort p. 23-24 sur la souffrance psychique,
j'ai reçu comme un coup de poing. Sur la solitude de la souffrance.
Monique L
Ce qui m'a vraiment gênée, c'est le deuil, c'est indécent.
Claire
Et de littérature, elle parle beaucoup aussi dans le livre. Je
trouve le rapprochement qu'a fait Nathalie sur le livre de Marie Darrieussecq
Être
ici est une splendeur : vie de Paula M. Becker très pertinent,
car dans les deux cas, ce ne sont pas des biographies, mais une forme...
innovante.
Synthèse des avis du groupe
breton rédigée par Yolaine (suivie de 3 avis)
¾:
Édith, Marie-Claire,
Suzanne
½: Claude,Yolaine,Jean
¼:Marithé,Marie-Odile,Chantal
Encore un livre perçu de façon très différente
en fonction des sensibilités des uns et des autres, tant en raison
de son sujet que de sa forme, qui a surpris, dérangé, scandalisé
ou parfois au contraire charmé. Ce n'est pas un roman, ni une biographie,
est-ce de la littérature ? Plutôt une lettre à
un ami qui serait le lecteur ? Une conversation à bâtons
rompus où les sujets évoqués sont divers et nombreux.
Certaines ont détesté cette familiarité avec le lecteur,
ont été agacées par ce côté "fouillis",
tandis que les autres ont été séduits par ce langage
simple, familier et intime, sur le ton de la confidence, qui nous rend
les personnages, et en particulier Marie Curie, très humains et
très proches. Il faut toutefois noter que tous ont aimé
le choix du titre, même si celui-ci fut peut-être à
l'origine d'espoirs déçus.
Les pages sur la mort, le deuil et le caractère indicible de la
douleur ont également recueilli l'adhésion générale
par leur justesse et leur sincérité. La mise en résonance
de deux vies de femmes, celles de Marie Curie et de Rosa Montero confrontées
à la disparition de l'être aimé à deux époques
différentes, dans une démarche quasiment thérapeutique,
s'est révélée un procédé assez accrocheur
pour les lecteurs que nous sommes.
Les autres sujets abordés, l'enfance, la vieillesse, les attentes
familiales, la valeur de l'art qui transforme la douleur en beauté,
le pouvoir des mots et de l'écriture ou au contraire leur manque,
l'amour de la vie et la sensualité, ont été diversement
appréciés, ramassis de lieux communs pour les sévères,
passages jubilatoires et pépites pour les bienveillants.
Le militantisme féministe du propos de Rosa Montero a également
suscité des réactions divergentes, mais au risque de ne
pas paraître objective, je conclus que nous sommes une majorité
(tous genres confondus) à avoir apprécié la force
de conviction de l'auteur dans sa dénonciation du sort réservé
aux femmes scientifiques.
Cet ouvrage original a pleinement rempli son rôle, nous faire réfléchir
et discuter abondamment.
Chantal (avis
transmis)
Mon commentaire... très rapide !
Je n'ai trouvé aucun plaisir à cette lecture, ce qui est
vraiment rare ; il ne m'en restera pas grand chose ; du temps
perdu ! Alors qu'il y a tant de livres...
Ce n'est pas une autobiographie, on sait peu de choses sur elle, encore
moins de son Pablo.
Ce n'est pas un essai, mais un ramassis de lieux communs sur la place
ou plutôt la non place des femmes.
Ce n'est pas une biographie de Marie Curie, il y en a une plus intéressante
je crois.
Ce n'est pas un roman ça se saurait !
Alors c'est quoi?
Et puis cette façon de considérer le lecteur comme un demeuré
en mettant ces # partout pour bien nous dire : "c'est un thème
important notez-le bien", que c'est agaçant !
C'est un fouillis imbuvable pour moi. Je l'ouvre ¼ : pour
le travail ; pour les éléments que j'ai appris de la
vie de Marie Curie ; pour le beau titre !
J'attends de lire vos commentaires et ceux de Paris avec impatience.
Marie-Odile
Je n'ai pas aimé la manière d'aborder le sujet. Aurais préféré
carrément une biographie de Marie Curie, ou une autobiographie
de Rosa Montero. Le rapprochement dessert pour moi et l'une et l'autre.
Je n'ai éprouvé aucune sympathie ni pour l'une, ni pour
l'autre, ne sachant pas si je devais admirer ou plaindre la scientifique,
ou les deux, ou rien de tout ça...
Vous savez quoi ? Je n'ai pas aimé le ton, familier
souvent, la manière d'utiliser le "nous", incluant
exclusivement les femmes/lectrices wouah ! La façon
dédaigneuse de donner des leçons à des plus jeunes
"mes pauvres petites". Le point de vue, très réducteur,
de la #Féministe. Les extraits retenus dans le journal de M. Curie.
Les interprétations parfois subjectives de R. Montero. La
comparaison reconnue stupide entre l'annulaire et l'index, etc. etc.
Par ailleurs, je n'ai pas bien compris d'où venait l'#IdéeRidicule
d'insérer dans le texte un marqueur de métadonnées
couramment utilisé sur internet où il permet de marquer
un contenu avec un mot-clé plus ou moins partagé. J'ai
trouvé que ça cassait le cours du récit, ai fini
par m'y habituer, c'est à dire par les ignorer tout simplement.
J'ouvre un quart ce livre qui m'a pris peu de temps et donné peu
de plaisir.
Marie-Thé
(avis rédigé après la séance)
Si j'ouvre ce livre au ¼, c'est par charité.
Qu'est-ce que c'est ce livre ? La quatrième de couverture
et le titre sont pourtant prometteurs... (même si le qualificatif
"ridicule" me gêne).
Je n'ai pas aimé cette façon qu'a l'auteur de s'adresser
au lecteur, ses interprétations, ses affirmations, ses réflexions,
ses exclamations, etc. Écriture très décevante, évidemment.
Je rejette pratiquement tout. Voici quelques exemples (ma liste est trop
longue, j'abrège...) :
Je dirai que c'est un livre "contre". Par-dessus la tête
des discours féministes rabâchés ici. Oui, la femme
est l'égale de l'homme, point final. Comment peut-on écrire
ceci à propos des hommes : "mais
les crapauds sont des crapauds, mes pauvres petites" (p. 59)
Ou encore, dans un autre genre : "Tant
de fois, nous mentons aux hommes... nous faisons semblant d'en savoir
moins... pour donner l'impression qu'ils en savent plus..."
J'ai dû relire cette incroyable page 153, que R. Montero
dise au moins "je" et non "nous". Même si un
peu plus loin elle ajoute : "Je
fais allusion
à la majorité : à la manière dont la plupart
d'entre nous, nous traitons les hommes que nous aimons."
Et encore plus loin, d'attribuer à Marie Curie ce genre de comportement...
Tant et tant de détails accusent les hommes, de tant de maux, Pierre
Curie est bien sûr l'un d'entre eux. Cela ne m'empêche pas
d'être d'accord quand l'auteur fait allusion au manque de reconnaissance
du travail des femmes, etc.
Je n'ai pas aimé cette forme de vénération pour M.
Curie : "La sainte
dans ce livre est Marie Curie." "La
blanche main de Marie..." Marie : "à
la fois Saint Antoine et la Très Sainte Vierge..."
"Marie a quelque chose
d'une missionnaire, d'une bonne sur laïque, d'une visionnaire
brûlant dans la pureté de sa vision. Ce côté
à la Jeanne d'Arc..." Sans commentaires. Ou encore
"Marie Curie fondait
son charme sur son intellect... était la plus laide de ses jolies
surs." Et quel parallèle avec R. Montero !
"...moi...pour draguer,
je devais parler..." (p. 79)
Autre chose, le côté moralisateur me gêne aussi. Et
ces affirmations sur le deuil à partir du cas de l'auteur :
"bien se comporter",
ou encore ceci : "Il
faut faire quelque chose avec les morts. Il faut leur déposer des
fleurs..." Et ce refrain : "#
Honorer Ses Parents". Et ces commentaires : "Que
la vie lui réchauffe à nouveau le cur, elle pouvait
bien se le permettre." " Il
n'y a... rien de pervers... à essayer de me les représenter
dans l'acte amoureux." Evidemment, pas besoin de le dire.
Encore une affirmation, pouvoir parler de l'angoisse : "ça
veut dire que ça n'est pas si important." Incroyable.
Ou :"La douleur
véritable est une baleine trop grande pour être harponnée."
(!!!)
Je retiendrai tout de même ces passages intenses : ne plus
jamais revoir l'être cher disparu... les "reliques" (le
mouchoir tâché du sang de Pierre Curie, l'odeur sur le fauteuil)
et ces reliques qu'on brûle. Les lieux qu'on quitte ou ne visite
plus à la mort de l'être aimé.
Je ne peux m'empêcher de terminer par cette énumération,
comment peut-on écrire ainsi ?
"Wouah !"
"Vous savez quoi ?",
"Pensez, pensez..."
(cela répété), "sa
folle de femme" (à P. Langevin) "traduction
à moi brute de décoffrage" (p.
72) et ce qui suit : "Ils
te niquent bien, ton père et ta mère." "Mais
ils ont été niqués à leur tour."
"Si seulement je pouvais
perdre du poids comme elle et voler !" Liste non exhaustive.
Je ne m'attarderai pas sur les réflexions des premières
pages (Nobel d'Arafat, etc.) J'ai déjà passé trop
de temps à parler d'un livre qui pour moi n'en vaut vraiment pas
la peine. Pour moi, auteur à oublier (pas auteure, d'enlever un
"e" n'enlève rien ni à Rosa Montero ni à
moi).
Nous avions lu Blanche
et Marie de Per Olov Enquist, grand livre celui-là, une
autre Marie Curie. Pourtant diversement reçu aussi dans le groupe.
DOCUMENTATION
Quelques repères concernant
l'auteure et son uvre
- Rosa Montero, avant la publication
- Rosa Montero, journaliste
- Rosa Montero, écrivain
- Ce que Rosa Montero dit de l'écriture
La traduction
- Le point de vue de lecteurs bricoleurs
- Le point de vue de l'éditeur
- Le point de vue de la traductrice
Et sur Marie Curie...
QUELQUES REPÈRES concernant l'auteure et
son uvre
Rosa Montero, avant la publication
est née en 1951 à Madrid où elle vit. Fille du
torero Pascual Montero ("El Señorito"), elle est atteinte
de tuberculose et reste confinée chez elle entre 5 et 9 ans : pour
remédier à la déscolarisation et tuer le temps, elle
dévore les livres. Elle a également commencé à
écrire très tôt ("J'écrivais des petites
histoires sur un rat quand j'avais 5 ans").
Elle fait des études de journalisme et de psychologie ; dès
18 ans, elle travaille tout en étudiant. Elle s'implique aussi
dans des groupes de théâtre indépendants tels que
Canon ou Tábano, avec qui elle crée en 1970 Castañuela
70, un spectacle inclassable.
Rosa Montero, journaliste
Elle publie dans divers médias y compris latino-américains.
Depuis 1976, elle travaille pour
le journal
El País. En tant que journaliste, elle a réalisé
plus de 2000 interviews : Ayatollah Khomeini, Yasser Arafat, Olof Palme,
Indira Gandhi, Richard Nixon, Julio Cortázar... :
sa technique d'interview est étudiée dans les universités
de journalisme en Espagne et en Amérique latine.
Elle écrit ou co-écrit des scénarios, par exemple
pour la série télévisée, Media Naranja.
Son compagnon était le journaliste Pablo Lizcano, décédé
en 2009 à l'âge de 58 ans.
Rosa Montero, écrivain
Elle est lauteure de nombreux
romans (y compris pour la jeunesse) et essais traduits dans une vingtaine
de langues. Dix de ses livres sont traduits en France aux éditions
Métailié :
- 2002 en France : Le
Territoire des Barbares (El Corazon Del Tartaro, 2001 en Espagne)
- 2004 : La
Folle du logis (La loca de la casa, 2003)
- 2006 : La
Fille du Cannibale (La hija del caníbal, 1997)
- 2008 : Le
Roi transparent (Historia del Rey Transparente, 2005)
- 2010 : Instructions
pour sauver le monde (Instrucciones para salvar el mundo, 2008)
- 2011 : Belle
et sombre (Bella y oscura, 1993)
- 2013 : Des
larmes sous la pluie (Lágrimas en la lluvia, 2011)
- 2015 : L'idée
ridicule de ne plus jamais te revoir (La ridícula idea
de no volver a verte, 2013)
- 2016 : Le
poids du cur (El peso del corazón, 2015)
- 2017 : La
chair (La carne, 2016)
Le site
de Rosa Montero : http://www.rosamontero.es
Ce que Rosa Montero dit de l'écriture
Voici deux interviews
sur L'idée ridicule de ne plus jamais te revoir :
- sur France Inter : L'humeur
vagabonde, 5 février 2013 (54 min), rencontre à
la Maison de la poésie avec Kerenn Elkaïm
- sur ActuaLitte.com : "Nous
écrivons contre la mort", 11 février 2015, avec
Cécile Pellerin.
LE POINT DE VUE DE LA TRADUCTRICE
La question des photos dans
le livre nous a heureusement conduits jusqu'à la traductrice...
Des photos disparues entre
l'Espagne et la France, mais réapparues grâce à 5
minutes
de travaux manuels...
Le point de vue de lecteurs bricoleurs
Le livre de Rosa Montero en espagnol (La ridícula
idea de no volver a verte) inclut à la fin des extraits du
journal de Marie Curie et, au long du texte, des photos choisies par l'auteure,
qu'on ne trouve pas dans la traduction française.
Grâce à lédition espagnole
qui se trouve en
ligne, voici les 42 photos qui font partie du livre ICI.
5 minutes de travaux manuels sont nécessaires pour
découper ces photos et les glisser à la page indiquée
dans l'édition de poche. Il vaut mieux ne pas trop regarder les
photos avant de lire le livre, afin de garder la surprise du rapport texte/image...
Le point de vue de l'éditeur
Voici la réponse de l'éditeur à
qui la question suivante a été posée par courriel :
- "Pourquoi le livre traduit a-t-il perdu les photos figurant dans
lédition dorigine ?"
- "Selon les pays, les éditions peuvent changer : l'édition
espagnole contenait en effet des images, ce qui est beaucoup plus courant
là-bas que chez nous. A voir la mauvaise qualité des images
imprimées, nous avons préféré ne pas les reproduire
et nous concentrer sur le texte : pour faire quelque chose de joli,
de présentable, il aurait fallu modifier entièrement nos
procédés de production, nous avons pensé que le texte
se suffisait à lui-même."
Le point de vue de la traductrice
Myriam
Chirousse, qui a traduit 6 livres de Rosa Montero, a un site, ce qui
a permis de lui poser des questions auxquelles elle a volontiers répondu,
et de façon très précise. Ses propos sont ci-dessous
en italique.
Voix au chapitre : L'édition
française de L'idée ridicule de ne plus jamais te revoir
n'inclut pas les photographies choisies par l'auteure : votre traduction
a-t-elle pu prendre en compte cette disparition (si vous saviez pendant
que vous traduisiez que les photos seraient absentes) ?
Myriam Chirousse : Oui, je savais que les photos
allaient disparaître dans l'édition française. Rosa
avait pu travailler de près avec son éditrice espagnole
pendant qu'elle écrivait le texte (comme elle le raconte elle-même,
c'est d'ailleurs cette éditrice qui lui avait, habilement, suggéré
de se pencher sur l'histoire de Marie Curie, d'écrire une simple
préface... ou peut-être quelque chose de plus...), et le
fait d'inclure des photos est apparu très tôt dans le projet
éditorial original.
Les photos n'ont pas été reprises dans la version française
tout simplement... pour des questions de coût de fabrication, d'amortissement
et autres problématiques propres à la comptabilité
d'un éditeur. La fabrication d'un livre avec photos coûte
beaucoup plus cher que la fabrication d'un livre sans photos. L'éditeur
espagnol a pu le faire parce que Rosa Montero vend énormément
en Espagne et en Amérique Latine. Beaucoup moins en France... d'où
cette suppression.
J'ai su dès le départ que les photos seraient absentes.
Dans la traduction, il m'a fallu adapter certains passages. Faire en sorte
que les photos absentes du livre deviennent des photos "mentales"
pour le lecteur...
L'édition française n'inclut
d'ailleurs pas non plus les extraits du journal de Marie Curie.
C'est vrai... et c'est encore une histoire de
"cuisine" d'éditeurs !
L'éditeur espagnol a acheté les droits de reproduction du
journal de Marie Curie auprès de l'éditeur français
de ce texte (Odile Jacob), puis il l'a fait traduire. C'est cette traduction
espagnole de Marie Curie que Rosa a lue et à partir laquelle elle
a travaillé. Mais les éditions Métailié ne
détiennent pas les droits du texte français original de
Marie Curie : il leur était donc impossible de reproduire
la totalité du journal de Marie Curie après celui de Rosa
Montero, comme c'est le cas dans l'édition espagnole. Cependant
nous avons gardé les extraits inclus dans le texte de Rosa, sans
oublier (bien sûr !) la référence aux éditions
Odile Jacob.
Est-ce que les livres de Rosa Montero
posent des problèmes particuliers de traduction ?
Les livres de Rosa Montero ne posent pas de
problèmes de compréhension, car une caractéristique
de son écriture et de son style consiste à rechercher toujours
la clarté. C'est de sa part un choix esthétique mais également,
si je puis dire, idéologique. Pour elle, les mots sont faits pour
transmettre, pour créer du lien, pour permettre l'entendement et
la clarté, non pas pour embrouiller les esprits ni prendre une
posture supérieure (par l'emploi de mots savants ou de tournures
alambiquées). Pour sa traductrice, le bénéfice est
énorme : jamais je ne me demande "mais qu'est-ce qu'elle a
voulu dire par là ?" Du coup, la difficulté qui peut
apparaître dans ses textes est celle de restituer cette clarté,
cette simplicité du style qui, en fait, est très travaillé
chez elle. Une de ses citations favorites dit d'ailleurs que "pour
faire simple, il faut réfléchir longtemps" (ou quelque
chose comme ça... c'est de Steinbeck, mais je n'ai pas la référence
originale). Cette simplicité longuement réfléchie
apparaît clairement dans "L'idée ridicule de ne plus
jamais te revoir" : l'impression d'une proximité, d'une
voix qui vous parle directement à l'oreille, à vous et rien
qu'à vous... mais sans tomber dans l'excès inverse. Pour
restituer ça dans la traduction française, il a fallu doser.
Son écriture vous semble-t-elle
"homogène" d'un livre à l'autre, ou y a-t-il des
styles, des choix d'écriture différents qui nécessitent
une adaptation différente lors de la traduction ?
Son écriture est assez homogène
à travers son uvre, globalement. Mais il y a évidemment
des différences d'un livre à l'autre, en fonction du procédé
narratif choisi (voix narrative, temps de la narration, etc.) Mais disons
qu'elle n'est pas du genre à passer brusquement de courtes phrases
dépouillées à la Carver à de longues phrases
proustiennes.
Rosa Montero parle français : a-t-elle un
intérêt particulier pour la traduction de ses livres en français
?
Elle s'y intéresse, mais elle n'est pas
"dessus", elle ne demande pas à lire et vérifier
elle-même la traduction (peu d'auteurs le font en vérité,
j'ai pu constater en général un très grand respect
des traducteurs de la part des auteurs)... Et il faut savoir aussi que
lorsque la traduction est en chantier, Rosa se consacre déjà
à d'autres projets. Elle est très occupée !
Êtes-vous en contact avec l'auteure,
avant, pendant, après la traduction que vous effectuez ?
J'ai la chance de faire partir de ses premiers
lecteurs, c'est-à-dire que je peux lire son prochain roman au stade
du premier jet, lui faire des remarques, des commentaires. C'est un immense
privilège. Du coup, je vois naître le texte bien avant d'en
faire la traduction. En fait, je suis tout le temps en contact avec elle :
c'est un vrai cadeau de la vie !
Ah ! Et pour information : Rosa Montero vient tout juste d'obtenir le
Premio Nacional de las Letras Espagnolas, une récompense prestigieuse
du ministère de la culture espagnole, pour l'ensemble de son uvre.
Vous dites que vous avez su dès
le départ que les photos seraient absentes de l'édition
française de L'idée ridicule de ne plus jamais te revoir,
et que, par conséquent, dans la traduction il vous a fallu adapter
certains passages, faire en sorte que les photos absentes du livre deviennent
des photos "mentales" pour le lecteur... : beau défi !
Auriez-vous un ou deux exemples afin que nous nous représentions
cette ... opération chimique.
Pour cette adaptation à l'absence de photos, je n'ai pas l'impression
d'avoir fait une opération chimique, plutôt quelques tours
de prestidigitateur : escamoter certaines choses par ici, en rajouter
deux ou trois autres par là... Quelques exemples me sont revenus.
(Les commentaires
de Myriam Chirousse sont en italique dans le montage réalisé
ci-dessous, en ajoutant des extraits de l'édition espagnole et
de l'édition française.)
Premier exemple
Le point de vue de la traductrice
|
Page 60 de l'original,
la photo de Jeffrey Dahmer : ici, Rosa Montero interpelle directement
le lecteur espagnol et lui demande de regarder la photo : "mira
este rostro" ("regarde ce visage"). Il a fallu bricoler
une solution dans la traduction (p. 53), éliminer l'idée
d'une photo et inviter le lecteur à regarder directement le
visage de Jeffrey Dahmer (comme s'il était plus ou moins de
notoriété publique, ou en tout cas en supposant que
le lecteur pourrait facilement le trouver, sur internet par exemple).
La photo étant supprimée, il semblait ensuite plus naturel
de réunir les deux paragraphes en un seul. |
Édition
originale en espagnol p. 60
|
Édition
française
p. 53 grand format, p. 57 poche
|
El caso es que la gente hermosa tiende
a parecernos más inteligente, más sensible, más
simpática, más honesta, más más y todo
de todo. Mira este rostro, por
ejemplo: ¿no crees que augura un temperamento dulce y delicado?
Lástima que sea la foto de Jeffrey Dahmer, El
carnicero de Milwaukee (1960-1994), que asesinó, torturó,
mutiló y devoró a diecisiete hombres y muchachos.
|
Le fait est que les gens beaux ont
tendance à nous sembler plus intelligents, plus sensibles,
plus sympathiques, plus honnêtes, plus que plus et le top
du top. Regardez le visage de Jeffrey Dahmer,
par exemple : ne croyez-vous pas qu'il laisse présager
un tempérament doux et délicat ?
Dommage qu'il s'agisse du "Cannibale de Milwaukee"
(1960-1994), qui a assassiné, torturé, mutilé
et dévoré dix-sept hommes et adolescents.
|
Deuxième exemple
Le point de vue de la traductrice
|
Autre exemple, p. 68
de l'original, Rosa dit qu'après la mort de Pablo son cousin
lui a donné "esta foto" ("cette photo :"),
et la photo apparaît en-dessous. Là, l'adaptation était
plutôt facile, car Rosa décrit la photo (en fait, elle
le fait la plupart du temps, peut-être imaginait-elle déjà
que certains de ses éditeurs ne reproduiraient pas les images ?).
Il a suffi de changer "cette photo" par "une photo".
Avec la description qui vient ensuite, on voit apparaître l'image
mentale de la photographie décrite... En fait, cela m'a fait
penser à ces photos décrites par Duras dans certains
de ses romans, l'évocation d'une image passée, figée
(la description des photos dans les romans du 20ème siècle
pourrait être un sujet de thèse !). |
Édition
originale en espagnol p. 68
|
Édition
française p. 66 poche
|
Hubo un tiempo en que chincheté
en la pared de mi casa fotos de mis amigos de cuando eran niños.
Luego, en alguna de mis mudanzas, las guardé en una caja.
No sé por qué las quité del muro: eran maravillosas.
Estaban tan desnudos, eran tan transparentes en esos retratos.
Tras la muerte de Pablo, su primo Rafael Fernández del Amo
me mandó esta foto:Por
detrás pone: "En el pantano de El Burguillo. Valdelandes.
Verano 1961." Pablo es el más pequeño, el que
asoma al fondo con la cabeza ladeada. Tenía diez años
recién cumplidos. Y el caso es que ya estaba todo él
ahí, pero con la inocencia y la ignorancia de lo que después
le llegaría en la vida. Es extraño: desde que murió
no sólo echo de menos su presencia, seguir viviendo con él
y verle envejecer, sino que también añoro su pasado.
Las muchas vivencias que no conocí. Esta niñez, esta
tarde de verano en un barquito. Querría
poderme beber, como un vampiro, todos sus momentos de felicidad.
|
Il y eut un temps où je punaisais
sur les murs de ma maison des potos de mes amis quand ils étaient
enfants. Plus tard, dans l'un de mes déménagements,
je les ai rangés dans une boîte. Je ne sais pas pourquoi
je les ai retirées du mur : elles étaient merveilleuses.
Ils étaient tellement à nu, ils étaient si
transparents sur ces portraits. Après
la mort de Pablo, son cousin Rafael Fernández del Amo m'a
envoyé une photo. Il y a écrit au dos :
"Au lac du Burguillo. Valdelandes. Été 1961."
Pablo est le plus petit, il apparaît avec la tête penchée
sur le côté. Il venait juste d'avoir dix ans. Et le
fait est que c'est déjà tout lui, mais dans l'innocence
et l'ignorance de ce qui lui arriverait après dans la vie.
C'est étrange : depuis qu'il est mort, je ne ressens
pas seulement le manque de sa présence, de vivre encore avec
lui et de le voir vieillir, mas j'ai aussi la nostalgie de son passé.
De tout ce vécu que je n'ai pas connu. Cette enfance, cet
après-midi d'été sur une barque. Je
voudrais pouvoir boire, comme un vampire, tous ses instants de bonheur.
|
Troisième exemple
Le point de vue de la traductrice
|
Enfin, un autre exemple d'adaptation,
assez radical : supprimer tout simplement la phrase qui renvoie
vers la photo. C'est le cas de la phrase "Aqui dejo una muestra"
("en voici un exemple") p. 77 de l'original, qui a
tout bonnement disparu de la p. 68 de la traduction. |
Édition
originale en espagnol p. 77
|
Édition
française p. 68, p. 73 poche
|
He tomado las notas finales para este
libro en un cuaderno de Paula Rego, que es una de las pintoras contemporáneas
que más me gustan, o quizá la que más. Nació
en Portugal en 1935 y ahora vive en Londres. El cuaderno lo compré
en el museo que hay en Cascais dedicado a la artista y es verdaderamente
hermoso; de cuando en cuando, diseminados por las páginas
en blanco, hay un puñado de dibujos de Rego, de manera que
tú vas escribiendo entre sus bocetos.
Por una de esas curiosas #Coincidencias que tanto abundan en la
vida, resulta que Paula Rego tiene una serie de dibujos tan brutal
como conmovedora que se titula Madres e hijas y
que refleja todo esto de lo que estamos hablando. Aquí
dejo una muestra :
Pero aún hay más puntos en común (las
#Coincidencias coinciden, como decía el biólogo austriaco
Paul Kammerer, autor de una ley sobre las casualidades), porque
el marido de Paula Rego, que era otro artista plástico, Victor
Willing, murió prematuramente, en 1988, víctima de
una esclerosis múltiple. Así que mi pintora preferida
también pertenece al vasto club de las viudas.
|
J'ai pris les dernières notes
pour ce livre sur un carnet de Paula Rego, qui est l'une des peintres
contemporaines qui me plaisent le plus, ou peut-être celle
qui me plaît le plus. Elle est née au Portugal en 1935
et elle vit maintenant à Londres. J'ai acheté ce carnet
au musée consacré à l'artiste qui se trouve
à Cascais et il est vraiment beau ; ça et là,
éparpillés sur les pages blanches, il y a une poignée
de dessins de Rego, de sorte qu'on écrit au milieu de ses
esquisses.
Par une de ces étranges #Coïncidences qui abondent tellement
dans la vie, il se trouve que Paula Rego a une série de dessins
aussi brutale qu'émouvante qui s'intitule Mères
et Filles et qui représente tout
ce dont nous sommes en train de parler.
Mais il y a
d'autres points communs (les #Coïncidences coïncident,
comme disait le biologiste Paul Kammerer, auteur d'une loi des séries),
car le mari de Paula Rego, qui était un autre artiste plasticien,
Victor Willing, est mort prématurément en 1988, victime
de la sclérose en plaques. Ma peintre préférée
appartient donc elle aussi au vaste club des veuves.
|
ET SUR MARIE CURIE...
Le parcours de Marie Curie est celui d'une pionnière. Après
avoir découvert, avec Pierre Curie, deux nouveaux éléments
chimiques radioactifs (1898), elle est la première femme à
obtenir un poste de professeur à la Faculté des Sciences
de Paris (1908) et, deux fois lauréate du prix Nobel (1903 et 1911),
elle siège aux Conseils de Physique Solvay (1911-1933). Elle est
aussi la première femme à devenir membre de l'Académie
de médecine (1922).
Pour découvrir ou mieux connaître sa vie
et son uvre en images, voici une exposition virtuelle sur la vie
de Marie Curie (1867-1934) organisée par le musée Curie
:
- De
Varsovie à Paris (1867-1891)
- Une
nouvelle vie parisienne (1891-1897)
- Premières
découvertes (1898-1906)
-
Épreuves et consécration (1906-1919)
- Une
figure internationale (1919-1934)
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