La Maison de la poési
e, 2017

Traduit de l’espagnol
par Myriam CHIROUSSE

Points, 2016

Quatrième de couverture 
(de l'édition format poche)

Quand Rosa découvre le journal de Marie Curie, commencé à la mort de Pierre son époux, les mots font écho à son propre deuil. Au-delà des époques, les deux femmes vivent la même douleur inextricable face à la perte inconcevable. Leurs voix se mêlent pour raconter la reconstruction. Car la vie est si puissante que dès les premiers moments de la peine elle vous permet de savourer des instants de joie.

Rosa Montero est née à Madrid où elle vit. Elle est l’auteur de plusieurs romans traduits dans de nombreuses langues, notamment Le Roi transparent, La Fille du Cannibale et Le Territoire des barbares, disponibles en Points.

"Un livre hautement radioactif qui brûle d'une passion solaire et d'une admiration éperdue." (Le Nouvel Observateur)


Métailié, 2015
Quatrième de couverture
 
(de l'édition grand format)

Chargée d’écrire une préface pour l’extraordinaire journal que Marie Curie a tenu après la mort de Pierre Curie, Rosa Montero s’est vue prise dans un tourbillon de mots. Au fil de son récit du parcours extraordinaire et largement méconnu de cette femme hors normes, elle construit un livre à mi-chemin entre les souvenirs personnels et la mémoire collective, entre l’analyse de notre époque et l’évocation intime. Elle nous parle du dépassement de la douleur, de la perte de l’homme aimé qu’elle vient elle-même de vivre, du deuil, de la reconstruction de soi, des relations entre les hommes et les femmes, de la splendeur du sexe, de la bonne mort et de la belle vie, de la science et de l’ignorance, de la force salvatrice de la littérature et de la sagesse de ceux qui apprennent à jouir de l’existence avec plénitude et légèreté.

Vivant, libre, original, ce texte étonnant, plein de souvenirs, d’anecdotes et d’amitiés nous plonge dans le plaisir primaire qu’apporte une bonne histoire. Un récit sincère, émouvant, captivant dès ses premières pages. Le lecteur sent, comme toujours avec la vraie littérature, qu’il a été écrit pour lui.

"Rosa Montero aime le risque (…) et elle risque tout pour que nous nous remettions à croire dans les relations entre le langage et la réalité, dans le pouvoir des mots." (Enrique Vila-Matas)

Rosa Montero
L'idée ridicule de ne plus jamais te revoir (2013)
Nous avons lu ce livre en novembre 2017.
Voir en bas de page des éléments sur l'auteure, son œuvre et la traduction, avec le point de vue de la traductrice "en exclusivité" pour Voix au chapitre...
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :

à la folie, beaucoup, moyennement, un peu, pas du tout

Annick L (avis transmis)
Le sujet est sensible et m'a évidemment touchée : la romancière a écrit ce livre pour exorciser le drame qu'elle traversait en retrouvant quelque chose d'une expérience humaine plus large : "Je raconte et je partage une nuit déchirante et, en le faisant, j'arrache des étincelles de lumière à l'obscurité". Le bref journal que Marie Curie a écrit après le décès accidentel de Pierre lui semble en miroir avec sa propre expérience, et elle entreprend, sous la forme d'un dialogue très direct avec le lecteur, une sorte de méditation "à bâtons rompus". Mais c'est l'évocation de Marie Curie, dont elle revisite la biographie, qui structure le récit, nous permettant de découvrir une autre facette de cette icône de la recherche scientifique française, beaucoup plus humaine. Une évocation émouvante, comme vue du dedans.
Pourtant je me suis sentie, à plusieurs reprises, un peu déroutée par le côté inachevé, un peu "brut" de ce texte. J'aurais aimé qu'elle nous en dise plus sur elle-même, au lieu de se réfugier dans l'ombre de Marie Curie. Mais sans doute lui était-ce impossible…
Je retiendrai en fait surtout quelques pages inoubliables, que je relirai volontiers : sur la nécessité de faire une place à la mort et à nos morts pour continuer à vivre, la difficulté pour une femme – à l'époque de Marie Curie mais aussi aujourd'hui – de se libérer des assignations imposées par la famille et par la société ("Faire ce qu'il faut"), mais aussi de ses propres rigidités, de lâcher du lest pour profiter du moment présent… ce que l'on peut attendre de mieux d'une rencontre avec un auteur ! Ouvert aux ¾.
Manon (avis transmis)
Je ne suis pas sûre d'avoir un avis. Je m'explique : pour avoir un avis, selon moi, il faut avoir lu une grosse partie du livre. Or je n'en ai lu que 21%. Alors oui bien sûr si je n'en ai lu que 21% et que je me suis arrêtée là, c'est bien que j'émets de très gros doutes... mais puis-je pour autant les exprimer ? Peut-être que si j'avais persisté, j'aurais été très enthousiaste... mais je n'en ai pas eu le courage. Et pas seulement à cause du livre lui-même, mais aussi à cause de tous ceux qui me tentent et que j ai fait le choix de lire à la place.
Je dirai quand même que je ne suis pas rentrée dans ce livre parce que la première partie – où Montero nous explique comment elle a fini par s'intéresser au sujet – a procuré un ennui mortel... je n'ai pas accroché, je voulais découvrir la vie de Marie Curie et pas celle de Montero – c'est sûrement une erreur.
Et puis comme à chaque fois me concernant lorsque les gens sont dithyrambiques dès le début, ben je m'attends à l'être aussi et finalement je deviens hermétique très très rapidement...
Nathalie (avis transmis)
J'ai beaucoup aimé ce livre. On me l'avait offert il y a presque trois ans déjà, quand ma mère est morte, et je n'avais pas réussi à l'ouvrir, je n'avais pas envie de partager mon deuil avec celui d'une autre. Je l'ai donc découvert ces jours-ci à quelques jours du troisième anniversaire de sa mort. Comme la narratrice, je me sens presque apaisée et j'en ai profité d'ailleurs pour ouvrir la boîte aux photos que ma mère m'a léguée après sa mort. Je ne l'avais pas ouvert depuis et de fait, j'ai également fait un parcours en photo en essayant de les lire comme je lisais celles glissées dans l'œuvre. Étrange plongée profonde et fascinante. C'est donc pour moi un livre délicat, léger et plutôt apaisant. J'aime bien les chemins que la narratrice tisse entre son deuil et celui de Marie Curie. En ce qui concerne le personnage, je trouve que l'on n'apprend pas vraiment grand chose de plus que ce que l'on pourrait découvrir ailleurs et je n'ai pu m'empêcher de faire le lien avec le livre que nous avions lu sur la peintre Paula M. Becker que j'ai trouvé mille fois plus intéressant. Pourtant cela n'a pas été un problème de le lire avec un autre angle de lecture. Ce qui me reste, c'est l'impression d'avoir lu une rêverie qui a fait souvent écho à la mienne, par exemple dans cette projection sur la mort programmée de son mari qu'elle compare à la réalité une fois la mort survenue. Moi, c'est ce que je fais tout le temps et c'est invivable pour moi :)
J'ouvre à demi. Ce n'est pas un chef-d'œuvre mais ça se lit avec douceur.
Manuel (avis transmis)
Je suis embarrassé pour vous donner un avis sur ce livre. #Culpabilité ? Après les galères Karinthy et Miano, comment a-t-on pu décider de choisir le livre de Montero ? Il y a des "perles" dans le livre de Montero, des banalités, un féminisme qui parfois m'agace #FaiblessDesHommes. Le livre est bien construit et très malin. Mais pourquoi l'avoir appelé roman ? Pedro n'existe finalement pas ? Est-ce bien sérieux de citer Arthur ? Rosa Montero, malgré mes réserves, m'a emporté dans son récit de la vie de Pierre et Marie Curie qui lui sert de thérapie. Je n'ai pas boudé mon plaisir à lire un livre simple, sans prétention. Elle y dit des choses que j'ai trouvées belles sur la littérature (p. 115 entre autres), sur le rapport à l'autre, sur la mort. Mais il y a aussi des lieux communs… Je doute que cela soit un roman et je ne serai malheureusement pas là pour vous écouter. C'est bien dommage ! J'ouvre aux ¾.

Claire
Quand tu dis "Après les galères Karinthy et Miano, comment a-t-on pu décider de choisir le livre de Montero ?", veux-tu dire que tu attendais une troisième galère ?...

Manuel
Pour tout dire, j’ai dévoré le livre de Montero… Quand j’ai lu Karinthy et Miano, je me suis dit mon pauvre garçon tu régresses, t’arrives plus à lire… Mais là non. Est-ce que le Montero est plus "facile" à lire ?... Il m’a peut-être plus passionné…
Catherine(avis transmis)
J'ai abordé ce livre avec un peu de crainte en raison d'un des thèmes principaux du livre, le deuil d'un conjoint. J'ai eu du mal à prendre du recul mais j'ai au final beaucoup aimé, à commencer par le titre qui résume la sensation que l'on peut ressentir face au décès d'un proche. J'ai trouvé ses mots très justes, sans trop de pathos, sur la mort, le deuil, la douleur, la perte de l'intimité partagée, le désir de ne pas oublier, le passage très touchant où elle décrit son mari, confus, agité, aphasique, lui faisant une déclaration d'amour mais en se trompant de mot : "ma petite chienne".
Le personnage central du livre, même s'il s'agit en partie d'un livre autobiographique, n'est pas Rosa Montero mais Marie Curie, le journal qu'elle a écrit sur son mari, après son décès, mais aussi sa vie et c'est ce qui fait tout son intérêt.
Je suis fascinée, comme beaucoup de Français, par cette femme, son parcours incroyable avec ses deux prix Nobels, et ce depuis que j'ai lu en CE2 un livre de la bibliothèque verte décrivant la purification du polonium et du radium dans son hangar mal chauffé. Je n'ai pas encore eu le temps d'aller voir l'exposition qui lui est consacrée, mais j'irai certainement.
Le livre de Rosa Montero décrit, sans voyeurisme, des aspects plus personnels de sa vie, qui la rendent plus complexe que l'image d'icone qu'on en a habituellement. J'ai bien aimé l'écriture du livre, hormis les hashtags permanents que j'ai trouvés plutôt agaçants et dont je ne vois pas l'intérêt.
J'écris cet avis comme d'habitude au dernier moment, donc je n'ai pas vraiment le temps de développer mais j'ai beaucoup aimé ce livre ; je ne regrette pas de l'avoir lu et je l'ouvre aux ¾.
Monique S
Je me suis ennuyée au début. La biographie qu'elle fait de Marie Curie m'a passionnée. Il y a beaucoup de sujets intéressants abordés. On sait peu de Pablo, mais cela ne m'a pas gênée. L'auteure écrit comme si elle avait enregistré son monologue, un bavardage fatiguant parfois.
Annick A
C'est un livre qui nous fait découvrir deux femmes : Marie Curie et Rosa Montero. Je suis partagée par rapport à ce livre.
Concernant Rosa Montero, j'ai aimé le ton du livre qui nous donne le sentiment d'être dans une conversation intime avec elle, qui nous entraîne dans ses propres analyses et associations comme si nous discutions avec elle. Par exemple p. 68 "tout ce dont NOUS sommes en train de parler". C'est un style parlé, alerte, puissant, qui vise à nous faire partager émotivement les ressentis de l'auteure, concernant sa souffrance liée au deuil à l'horreur de la séparation et du manque de l'autre. Le passage p. 23 sur la souffrance psychique est particulièrement percutant et terrifiant. Au gré de ses pérégrinations, elle nous fait réfléchir sur le culte du mort, les relations homme-femme, l'amour. Par son approche féministe, elle nous fait mesurer la grande difficulté rencontrée par les femmes, et notamment Marie Curie, qui sortent des sentiers battus définis par les hommes. Ce n'est pas nouveau, mais c'est une analyse pleine de tendresse pour les femmes qui m'a beaucoup touchée.
Mais j'étais parfois agacée par ses pérégrinations telles que la soi-disant faiblesse des hommes, les coïncidences, la longueur des doigts, les hashtags, ces "nous les femmes nous pensons que... nous savons que..." Et surtout, elle nous fait découvrir Marie Curie de façon que je trouve contestable. Elle le dit elle-même p. 163 : "j'ai toujours eu besoin d'utiliser le truchement du conte pour exprimer mes joies et mes peines". Là, c'est le truchement de Marie Curie qu'elle utilise. Je connaissais peu de choses sur la vie de Marie Curie et son histoire m'a passionnée. Mais j'ai été très gênée et énervée par la façon dont Rosa Montero se projette dans l'histoire de Marie et par les interprétations qu'elle en tire en s'identifiant à elle (ex. p. 57). J'ai préféré de beaucoup ce que je découvrais de Marie par des éléments objectifs de sa vie et son journal.
Richard
C'est un livre d'abord difficile. Il y a une biographie + une autobiographie et cela ne marche pas pour moi : soit l'une soit l'autre ; si on enlève la biographie, qu'est-ce qui reste pour justifer le livre ? Peut-on m'expliquer les # ? Ce sont des mots-clés ? Elle lâche des noms dans une sorte de "name dropping". Il y a des annonces de vérité qui sont exagérées, par exemple : "L'origine de la maturité est dans la souffrance" (son origine se trouve surtout dans l'expérience, sans forcémént inclure la souffrance) ?
Mais dès qu'elle parle de Marie Curie, cela m'a plu. Cela m'a appris beaucoup sur Marie Curie. J'ai admiré la scène à l'hôpital qui est très émovante. Le livre est parsemé de très belles d'images. J'ouvre à moitié.
Monique L
J'ai trouvé ce livre curieux, original. Il m'a déroutée, parfois gênée. Mais sa propre expérience donne un intérêt au livre. J'ai apprécié le côté féministe. J'ai été gênée par le parallèle entre son deuil et celui de Marie Curie : pour moi un deuil c'est très personnel. Ce côté comparatif m'a choquée. Un passage m'a plu : "Notre mémoire est en réalité une invention, un conte que nous réécrivons un peu tous les jours (ce dont je me souviens aujourd'hui de mon enfance n'est pas ce dont je me souvenais il y a vingt ans). Ce qui veut dire que notre identité, elle aussi est fictionnelle, étant donnée qu'elle se fonde sur la mémoire". Suite au message de Manu, je suis allée voir l'expo au Panthéon et j'ai trouvé un personnage différent de celui du livre. J'ai eu une impression d'une femme plus riche, ouverte… J'ouvre à moitié.
Françoise D
Il s'agit de subjectivité concernant Marie Curie, ce n'est pas une biographie : ce n'est pas son projet de faire un portrait de Marie Curie. J'ai aimé les strates différentes qu'elle aborde. Il y a une homogénéité : je n'ai pas été gênée par l'écriture que vous dites orale. Je l'ai lu d'ailleurs en vo avec les photos il y a un moment déjà et j'avais été très séduite. Elle est très connue en Espagne. J'ai aimé le rythme. J'ai été émue, c'est un roman où elle a mis beaucoup d'elle-même. J'ouvre aux ¾. J'ai aimé le projet.
Christelle
Je ne suis pas fan des biographies, mais je crois que je vais me convertir... J'ai aimé l'approche originale. Dans sa façon de s'adresser à nous comme lecteur, j'ai eu l'impression d'une préface qui se prolonge. Au début j'ai trouvé les # un peu lourds et les comparaisons avec elle-même prétentieuses. Les hashtags apportent de la modernité, il y a un style journalistique concis et clair – c'est aussi une façon d'alléger le récit et de présenter sa façon de penser.
J'ai aimé cette manière de découvrir Marie Curie à travers son engagement. Il y a des moments douloureux mais aussi beaucoup de lumière dans la manière dont l'auteure parle de la mort.
Henri
Je l'ai lu facilement, j'ai trouvé le style alerte et délicat. L'histoire de Marie Curie m'a intéressé. Je me demandais quoi dire de ce livre. J'ai été agacé, car elle s'est fait un selfie avec Marie Curie et a alimenté son blog... (nous autres, pliés de rire selon la souplesse).
C'est bien construit mais c'est réducteur en ce qui concerne la pensée. Si l'ensemble était une fiction, j'aurais dit chapeau, mais là je trouve que le procédé très construit est lié à l'air du temps, c'est peu élaboré. Sur le cycle du deuil on pourrait trouver les mêmes informations avec des recherches sur Internet. Elle traverse le gué de choses profondes en prenant appui sur des rondins de bois sans s'y arrêter. Cela me rappelle Foenkinos qui m'agace. J'ouvre ½ pour l'histoire de Marie Curie.
Denis
Ce qui m'a plu, c'est l'histoire de Marie Curie et le ton de la conversation. J'ai trouvé le rapprochement autour du deuil incongru. J'ai aimé son portrait des femmes autour de la science, j'ai appris beaucoup de choses sur l'histoire de Marie Curie. Sa propre histoire, dans la projection de ses propres douleurs permet de présenter Marie Curie de façon touchante. Elle présente Marie Curie comme une amoureuse : le scandale provoqué est fabuleux ! La photo du congrès de 1911 est également fabuleuse avec, parmi tous les scientifiques (dont Einstein), Marie Curie dans un coin discutant avec Poincaré. J'ouvre aux ¾ ce livre que j'ai aussitôt offert à ma fille qui est dans ce domaine.
Rozenn
Le livre m'a tellement déplu que je l'ai laissé tomber puis je l'ai perdu. J'ai commencé Marie Curie prend un amant d'Irène Frain : c'est une femme très normale.
Ici le parti pris féministe est plaqué, laborieux, mécaniste.
Le plus intéressant dans sa liaison, c'est l'histoire que cela fait à l'époque : cette présentation est très loin de ce qu'on apprend à l'école…
Quand je vous entends parler de ce livre, presque tout pourrait s'appliquer à Marie Curie prend un amant, c'est un procédé. Les hashtags, c'est redoutable…
Lisa, entreet
Je l'ai lu il y a quelques mois, d'abord pas enthousiaste quant au thème du deuil.
J'ai trouvé ce livre passionnant. Par sa construction et son style, au-delà de Marie Curie. J'ai trouvé qu'il y avait des réflexions profondes. Peut-être en raison de mon âge, il y a des questions que je ne m'étais jamais posées.
Au début j'ai trouvé les # lourds, puis j'ai trouvé que cela permettait de revenir sur certains thèmes abordés précédemment ; il y a d'ailleurs un index. J'ai apprécié la manière dont le féminisme est abordé. Je ne sais pas si je le prêterai à d'autres gens. J'ouvre à 90%.
Fanny
Déjà j'avais envie de revenir sur le titre : je l'ai bien aimé. Très poétique. Et il m'a fait réfléchir. Rien que dans ce titre, je vois la juxtaposition des sentiments et des idées réfléchies. Le livre est construit, mais de manière baroque, c'est très créatif. Je ne connaissais pas vraiment Marie Curie et j'ai aimé la façon dont sa vie est utilisée dans le livre. Ça mêle l'histoire de Marie Curie, les sentiments personnels de Rosa Montero et le collectif. Différents thèmes sont abordés, le temps qui passe, la condition féminine, l'amour, etc. Il y a quelque chose d'universel dans ce livre, comme si le fait d'entremêler ces différents points de vue les rendait partageables comme quelque chose de l'ordre de l'appartenance à l'humanité. Les hashtags, ça ne m'a pas plu. Au début la lecture était compliquée puis ça allait mieux ; les # coupaient le côté liant du texte. Je l'ouvre aux ¾ à cause des hashtags.

Séverine
Je ne sais pas quoi dire maintenant. Je l'ai lu hélas de manière fragmentée. Il y a trois niveaux : Marie Curie, l'autobiographie et des considérations plus générales. Les hashtags m'ont dérangée. Concernant Marie Curie, on voit ses petites mesquineries, elle dit par exemple que sa fille est moche.

Henri
#mesquine !
Séverine
Après, c'est vrai que l'autobiographie est touchante. Surtout quand elle parle des derniers jours. Il y a peut-être des choses bateau sur la mort, mais ce qu'elle dit peut aider. Il y a beaucoup de passages que j'aimerais relire. J'ouvre à moitié. La forme est intéressante : ce récit, sa façon de s'approprier Marie Curie.
Claire
C'est moi qui ai proposé ce livre, mais pas seule (pas comme Chesterton où j'ai fait un bide total), j'ai trouvé deux alliées qui ont lu livre, Françoise et Lisa… Je l'ai découverte avec La folle du logis, sur l'imagination, un livre sur la littérature qui joue avec l'autobiographie – j'ai adoré. Ici il y a aussi ce je. Je rejoins complètement Fanny. Le thème du deuil n'est pas ce qui domine pour moi dans ma réaction au livre. Je ne suis pas d'accord avec toi Henri qui le présentes comme un zapping superficiel et à la mode... : pour moi, il y a un tressage continu entre les photos, le passé de la narratrice, la vie de Marie Curie, de brèves considérations profondes qui résonnent, où elle parle à l'oreille du lecteur comme dit la traductrice, car il y a une VOIX. Peu importe si la vie de la narratrice est vraie ou pas, et c'est en cela qu'on peut se permettre de le sous-titrer roman. Tressage aussi d'émotion, d'humour et d'images, de comparaisons fortes, crues, par exemple : "il ne s'agissait pas d'une pensée véritable et complètement assumée, mais d'une de ces idées à moitié formées qui ondulent au bord de la conscience, comme des poissons nerveux et glissants" p. 26 ou, pendant le deuil, "La vie se fraie un chemin avec la même e opiniâtreté qu'une plante minuscule capable de fendre un sol en béton pour sortir sa tête" p. 31. Pour moi, avec Rosa Montero, c'est une forme littéraire que je découvre. De surcroît je dirais, j'ai été absolument passionnée par la vie de Marie Curie dont j'ignorais presque tout. J'ai lu des trucs sur elle, assisté à des conférences à l'occasion des 150 ans, été toute émue en parcourant le chemin Pierre et Marie Curie sur un GR en Bretagne (les Curie y ont une maison). Quant aux #, moi aussi j'ai été agacée, mais j'ouvre en grand !

Henri
Droit de réponse à Claire... : je suis entièrement d'accord. J'ai eu beaucoup de plaisir à lire le livre. Mais c'est peut-être moi qui suis inadapté à ce type de forme. Je pensais que tu lirais la p. 188 sur la "connexion entre la réalité biographique et la fiction", "territoire ambigu et marécageux dans lequel bon nombre d'auteurs se sont enfoncés", sur le maniement de "la substance toujours radioactive de la réalité". Est-elle sincère ou manipulatrice ? Je pense sincère. Tout dépend comment on se positionne par rapport à ces sujets-là.

Annick A
Les sujets sont profonds, parfois j'ai été touchée et émue. Mais j'ai aussi ressenti un malaise.

Rozenn
Vous m'avez donné envie de retrouver le livre !

Claire
Monique, je ne suis pas d'accord avec toi, pourquoi n'aurait-elle pas le droit de prendre le deuil de Marie Curie et de se l'approprier pour traiter littérairement son propre deuil ? Au fait, allez voir le musée Curie... on voit par exemple comment elle est accueillie par le président des États-Unis – c'est une vraie star –, on voit bureau de Marie Curie en l'état, comme sacré... j'adore...

Fanny
Pour ma part, je ne la trouve pas touchante dans le livre.

Henri
À celles agacées par le féminisme, quelle est la valeur de ces considérations sous l'angle rétrospectif ? Le propos est faux quand on l'extrait de son temps. La manière de l'extraire n'est pas efficace.

Rozenn
C'est un parti pris systématique !

Monique L
C'est sa façon de voir.

Françoise
Bah oui c'est sa subjectivité !
CE N'EST PAS UN DOCUMENTAIRE !

Claire
Dans les remerciements à la fin du livre, elle dit : "il n'y a pas une seule invention dans les faits. Toutefois, je me suis permis de m'envoler dans les interprétations, car j'ai utilisé la grande Mme Curie comme un paradigme, un archétype de référence avec lequel réfléchir sur les thématiques qui, dernièrement, tournent dans ma tête avec insistance".

Annick
Il y a un passage très fort p. 23-24 sur la souffrance psychique, j'ai reçu comme un coup de poing. Sur la solitude de la souffrance.

Monique L
Ce qui m'a vraiment gênée, c'est le deuil, c'est indécent.

Claire
Et de littérature, elle parle beaucoup aussi dans le livre. Je trouve le rapprochement qu'a fait Nathalie sur le livre de Marie Darrieussecq Être ici est une splendeur : vie de Paula M. Becker très pertinent, car dans les deux cas, ce ne sont pas des biographies, mais une forme... innovante.

 

Synthèse des avis du groupe breton rédigée par Yolaine (suivie de 3 avis)
¾: Édith, Marie-Claire, Suzanne
½: Claude,Yolaine,Jean ¼:Marithé,Marie-Odile,Chantal

Encore un livre perçu de façon très différente en fonction des sensibilités des uns et des autres, tant en raison de son sujet que de sa forme, qui a surpris, dérangé, scandalisé ou parfois au contraire charmé. Ce n'est pas un roman, ni une biographie, est-ce de la littérature ? Plutôt une lettre à un ami qui serait le lecteur ? Une conversation à bâtons rompus où les sujets évoqués sont divers et nombreux. Certaines ont détesté cette familiarité avec le lecteur, ont été agacées par ce côté "fouillis", tandis que les autres ont été séduits par ce langage simple, familier et intime, sur le ton de la confidence, qui nous rend les personnages, et en particulier Marie Curie, très humains et très proches. Il faut toutefois noter que tous ont aimé le choix du titre, même si celui-ci fut peut-être à l'origine d'espoirs déçus.
Les pages sur la mort, le deuil et le caractère indicible de la douleur ont également recueilli l'adhésion générale par leur justesse et leur sincérité. La mise en résonance de deux vies de femmes, celles de Marie Curie et de Rosa Montero confrontées à la disparition de l'être aimé à deux époques différentes, dans une démarche quasiment thérapeutique, s'est révélée un procédé assez accrocheur pour les lecteurs que nous sommes.
Les autres sujets abordés, l'enfance, la vieillesse, les attentes familiales, la valeur de l'art qui transforme la douleur en beauté, le pouvoir des mots et de l'écriture ou au contraire leur manque, l'amour de la vie et la sensualité, ont été diversement appréciés, ramassis de lieux communs pour les sévères, passages jubilatoires et pépites pour les bienveillants.
Le militantisme féministe du propos de Rosa Montero a également suscité des réactions divergentes, mais au risque de ne pas paraître objective, je conclus que nous sommes une majorité (tous genres confondus) à avoir apprécié la force de conviction de l'auteur dans sa dénonciation du sort réservé aux femmes scientifiques.
Cet ouvrage original a pleinement rempli son rôle, nous faire réfléchir et discuter abondamment.
Chantal (avis transmis)
Mon commentaire... très rapide !
Je n'ai trouvé aucun plaisir à cette lecture, ce qui est vraiment rare ; il ne m'en restera pas grand chose ; du temps perdu ! Alors qu'il y a tant de livres...
Ce n'est pas une autobiographie, on sait peu de choses sur elle, encore moins de son Pablo.
Ce n'est pas un essai, mais un ramassis de lieux communs sur la place ou plutôt la non place des femmes.
Ce n'est pas une biographie de Marie Curie, il y en a une plus intéressante je crois.
Ce n'est pas un roman ça se saurait !
Alors c'est quoi?
Et puis cette façon de considérer le lecteur comme un demeuré en mettant ces # partout pour bien nous dire : "c'est un thème important notez-le bien", que c'est agaçant !
C'est un fouillis imbuvable pour moi. Je l'ouvre ¼ : pour le travail ; pour les éléments que j'ai appris de la vie de Marie Curie ; pour le beau titre !
J'attends de lire vos commentaires et ceux de Paris avec impatience.
Marie-Odile
Je n'ai pas aimé la manière d'aborder le sujet. Aurais préféré carrément une biographie de Marie Curie, ou une autobiographie de Rosa Montero. Le rapprochement dessert pour moi et l'une et l'autre. Je n'ai éprouvé aucune sympathie ni pour l'une, ni pour l'autre, ne sachant pas si je devais admirer ou plaindre la scientifique, ou les deux, ou rien de tout ça...
Vous savez quoi ? Je n'ai pas aimé le ton, familier souvent, la manière d'utiliser le "nous", incluant exclusivement les femmes/lectrices wouah ! La façon dédaigneuse de donner des leçons à des plus jeunes "mes pauvres petites". Le point de vue, très réducteur, de la #Féministe. Les extraits retenus dans le journal de M. Curie. Les interprétations parfois subjectives de R. Montero. La comparaison reconnue stupide entre l'annulaire et l'index, etc. etc.
Par ailleurs, je n'ai pas bien compris d'où venait l'#IdéeRidicule d'insérer dans le texte un marqueur de métadonnées couramment utilisé sur internet où il permet de marquer un contenu avec un mot-clé plus ou moins partagé. J'ai trouvé que ça cassait le cours du récit, ai fini par m'y habituer, c'est à dire par les ignorer tout simplement.
J'ouvre un quart ce livre qui m'a pris peu de temps et donné peu de plaisir.
Marie-Thé (avis rédigé après la séance)
Si j'ouvre ce livre au ¼, c'est par charité.
Qu'est-ce que c'est ce livre ? La quatrième de couverture et le titre sont pourtant prometteurs... (même si le qualificatif "ridicule" me gêne).
Je n'ai pas aimé cette façon qu'a l'auteur de s'adresser au lecteur, ses interprétations, ses affirmations, ses réflexions, ses exclamations, etc. Écriture très décevante, évidemment. Je rejette pratiquement tout. Voici quelques exemples (ma liste est trop longue, j'abrège...) :
Je dirai que c'est un livre "contre". Par-dessus la tête des discours féministes rabâchés ici. Oui, la femme est l'égale de l'homme, point final. Comment peut-on écrire ceci à propos des hommes : "mais les crapauds sont des crapauds, mes pauvres petites" (p. 59) Ou encore, dans un autre genre : "Tant de fois, nous mentons aux hommes... nous faisons semblant d'en savoir moins... pour donner l'impression qu'ils en savent plus..." J'ai dû relire cette incroyable page 153, que R. Montero dise au moins "je" et non "nous". Même si un peu plus loin elle ajoute : "Je fais allusion à la majorité : à la manière dont la plupart d'entre nous, nous traitons les hommes que nous aimons." Et encore plus loin, d'attribuer à Marie Curie ce genre de comportement... Tant et tant de détails accusent les hommes, de tant de maux, Pierre Curie est bien sûr l'un d'entre eux. Cela ne m'empêche pas d'être d'accord quand l'auteur fait allusion au manque de reconnaissance du travail des femmes, etc.
Je n'ai pas aimé cette forme de vénération pour M. Curie : "La sainte dans ce livre est Marie Curie." "La blanche main de Marie..." Marie : "à la fois Saint Antoine et la Très Sainte Vierge..." "Marie a quelque chose d'une missionnaire, d'une bonne sœur laïque, d'une visionnaire brûlant dans la pureté de sa vision. Ce côté à la Jeanne d'Arc..." Sans commentaires. Ou encore "Marie Curie fondait son charme sur son intellect... était la plus laide de ses jolies sœurs." Et quel parallèle avec R. Montero ! "...moi...pour draguer, je devais parler..." (p. 79)
Autre chose, le côté moralisateur me gêne aussi. Et ces affirmations sur le deuil à partir du cas de l'auteur : "bien se comporter", ou encore ceci : "Il faut faire quelque chose avec les morts. Il faut leur déposer des fleurs..." Et ce refrain : "# Honorer Ses Parents". Et ces commentaires : "Que la vie lui réchauffe à nouveau le cœur, elle pouvait bien se le permettre." " Il n'y a... rien de pervers... à essayer de me les représenter dans l'acte amoureux." Evidemment, pas besoin de le dire.
Encore une affirmation, pouvoir parler de l'angoisse : "ça veut dire que ça n'est pas si important." Incroyable. Ou :"La douleur véritable est une baleine trop grande pour être harponnée." (!!!)
Je retiendrai tout de même ces passages intenses : ne plus jamais revoir l'être cher disparu... les "reliques" (le mouchoir tâché du sang de Pierre Curie, l'odeur sur le fauteuil) et ces reliques qu'on brûle. Les lieux qu'on quitte ou ne visite plus à la mort de l'être aimé.
Je ne peux m'empêcher de terminer par cette énumération, comment peut-on écrire ainsi ?
"Wouah !" "Vous savez quoi ?", "Pensez, pensez..." (cela répété), "sa folle de femme" (à P. Langevin) "traduction à moi brute de décoffrage" (p. 72) et ce qui suit : "Ils te niquent bien, ton père et ta mère." "Mais ils ont été niqués à leur tour." "Si seulement je pouvais perdre du poids comme elle et voler !" Liste non exhaustive. Je ne m'attarderai pas sur les réflexions des premières pages (Nobel d'Arafat, etc.) J'ai déjà passé trop de temps à parler d'un livre qui pour moi n'en vaut vraiment pas la peine. Pour moi, auteur à oublier (pas auteure, d'enlever un "e" n'enlève rien ni à Rosa Montero ni à moi).
Nous avions lu Blanche et Marie de Per Olov Enquist, grand livre celui-là, une autre Marie Curie. Pourtant diversement reçu aussi dans le groupe.

 

DOCUMENTATION

Quelques repères concernant l'auteure et son œuvre
- Rosa Montero, avant la publication
- Rosa Montero, journaliste
- Rosa Montero, écrivain
- Ce que Rosa Montero dit de l'écriture
La traduction
- Le point de vue de lecteurs bricoleurs
- Le point de vue de l'éditeur
- Le point de vue de la traductrice
Et sur Marie Curie...

QUELQUES REPÈRES concernant l'auteure et son œuvre

Rosa Montero, avant la publication
est née en 1951 à Madrid où elle vit. Fille d
u torero Pascual Montero ("El Señorito"), elle est atteinte de tuberculose et reste confinée chez elle entre 5 et 9 ans : pour remédier à la déscolarisation et tuer le temps, elle dévore les livres. Elle a également commencé à écrire très tôt ("J'écrivais des petites histoires sur un rat quand j'avais 5 ans").
Elle fait des études de journalisme et de psychologie ; dès 18 ans, elle travaille tout en étudiant. Elle s'implique aussi dans des groupes de théâtre indépendants tels que Canon ou Tábano, avec qui elle crée en 1970 Castañuela 70, un spectacle inclassable.

Rosa Montero, journaliste
Elle publie dans divers médias y compris latino-américains.
Depuis 1976, elle travaille pour le journal El País. En tant que journaliste, elle a réalisé plus de 2000 interviews : Ayatollah Khomeini, Yasser Arafat, Olof Palme, Indira Gandhi, Richard Nixon, Julio Cortázar... : sa technique d'interview est étudiée dans les universités de journalisme en Espagne et en Amérique latine.
Elle écrit ou co-écrit des scénarios, par exemple pour la série télévisée, Media Naranja.
Son compagnon était le journaliste Pablo Lizcano, décédé en 2009 à l'âge de 58 ans.

Rosa Montero, écrivain
Elle est l’auteure de nombreux romans (y compris pour la jeunesse) et essais traduits dans une vingtaine de langues. Dix de ses livres sont traduits en France aux éditions Métailié :
- 2002 en France : Le Territoire des Barbares (El Corazon Del Tartaro, 2001 en Espagne)
- 2004 : La Folle du logis (La loca de la casa, 2003)
- 2006 : La Fille du Cannibale (La hija del caníbal, 1997)
- 2008 : Le Roi transparent (Historia del Rey Transparente, 2005)
- 2010 : Instructions pour sauver le monde (Instrucciones para salvar el mundo, 2008)
- 2011 : Belle et sombre (Bella y oscura, 1993)
- 2013 : Des larmes sous la pluie (Lágrimas en la lluvia, 2011)
- 2015 : L'idée ridicule de ne plus jamais te revoir (La ridícula idea de no volver a verte, 2013)
- 2016 : Le poids du cœur (El peso del corazón, 2015)
- 2017 : La chair (La carne, 2016)
Le site de Rosa Montero : http://www.rosamontero.es

Ce que Rosa Montero dit de l'écriture
Voici deux interviews
sur L'idée ridicule de ne plus jamais te revoir :
- sur France Inter : L'humeur vagabonde, 5 février 2013 (54 min), rencontre à la Maison de la poésie avec Kerenn Elkaïm
- sur ActuaLitte.com : "Nous écrivons contre la mort", 11 février 2015, avec Cécile Pellerin.

LE POINT DE VUE DE LA TRADUCTRICE
La question des photos dans le livre nous a heureusement conduits jusqu'à la traductrice... Des photos disparues entre l'Espagne et la France, mais réapparues grâce à 5 minutes de travaux manuels...

Le point de vue de lecteurs bricoleurs
Le livre de Rosa Montero en espagnol (La ridícula idea de no volver a verte) inclut à la fin des extraits du journal de Marie Curie et, au long du texte, des photos choisies par l'auteure, qu'on ne trouve pas dans la traduction française.
Grâce à l’édition espagnole qui se trouve en ligne, voici les 42 photos qui font partie du livre ICI. 5 minutes de “travaux manuels” sont nécessaires pour découper ces photos et les glisser à la page indiquée dans l'édition de poche. Il vaut mieux ne pas trop regarder les photos avant de lire le livre, afin de garder la surprise du rapport texte/image...

Le point de vue de l'éditeur
Voici la réponse de l'éditeur à qui la question suivante a été posée par courriel :
- "Pourquoi le livre traduit a-t-il perdu les photos figurant dans l’édition d’origine ?"
- "Selon les pays, les éditions peuvent changer : l'édition espagnole contenait en effet des images, ce qui est beaucoup plus courant là-bas que chez nous. A voir la mauvaise qualité des images imprimées, nous avons préféré ne pas les reproduire et nous concentrer sur le texte : pour faire quelque chose de joli, de présentable, il aurait fallu modifier entièrement nos procédés de production, nous avons pensé que le texte se suffisait à lui-même."
Le point de vue de la traductrice
Myriam Chirousse, qui a traduit 6 livres de Rosa Montero, a un site, ce qui a permis de lui poser des questions auxquelles elle a volontiers répondu, et de façon très précise. Ses propos sont ci-dessous en italique.

Voix au chapitre : L'édition française de L'idée ridicule de ne plus jamais te revoir n'inclut pas les photographies choisies par l'auteure : votre traduction a-t-elle pu prendre en compte cette disparition (si vous saviez pendant que vous traduisiez que les photos seraient absentes) ?
Myriam Chirousse : Oui, je savais que les photos allaient disparaître dans l'édition française. Rosa avait pu travailler de près avec son éditrice espagnole pendant qu'elle écrivait le texte (comme elle le raconte elle-même, c'est d'ailleurs cette éditrice qui lui avait, habilement, suggéré de se pencher sur l'histoire de Marie Curie, d'écrire une simple préface... ou peut-être quelque chose de plus...), et le fait d'inclure des photos est apparu très tôt dans le projet éditorial original.
Les photos n'ont pas été reprises dans la version française tout simplement... pour des questions de coût de fabrication, d'amortissement et autres problématiques propres à la comptabilité d'un éditeur. La fabrication d'un livre avec photos coûte beaucoup plus cher que la fabrication d'un livre sans photos. L'éditeur espagnol a pu le faire parce que Rosa Montero vend énormément en Espagne et en Amérique Latine. Beaucoup moins en France... d'où cette suppression.
J'ai su dès le départ que les photos seraient absentes. Dans la traduction, il m'a fallu adapter certains passages. Faire en sorte que les photos absentes du livre deviennent des photos "mentales" pour le lecteur...

L'édition française n'inclut d'ailleurs pas non plus les extraits du journal de Marie Curie.
C'est vrai... et c'est encore une histoire de "cuisine" d'éditeurs !
L'éditeur espagnol a acheté les droits de reproduction du journal de Marie Curie auprès de l'éditeur français de ce texte (Odile Jacob), puis il l'a fait traduire. C'est cette traduction espagnole de Marie Curie que Rosa a lue et à partir laquelle elle a travaillé. Mais les éditions Métailié ne détiennent pas les droits du texte français original de Marie Curie : il leur était donc impossible de reproduire la totalité du journal de Marie Curie après celui de Rosa Montero, comme c'est le cas dans l'édition espagnole. Cependant nous avons gardé les extraits inclus dans le texte de Rosa, sans oublier (bien sûr !) la référence aux éditions Odile Jacob.

Est-ce que les livres de Rosa Montero posent des problèmes particuliers de traduction ?
Les livres de Rosa Montero ne posent pas de problèmes de compréhension, car une caractéristique de son écriture et de son style consiste à rechercher toujours la clarté. C'est de sa part un choix esthétique mais également, si je puis dire, idéologique. Pour elle, les mots sont faits pour transmettre, pour créer du lien, pour permettre l'entendement et la clarté, non pas pour embrouiller les esprits ni prendre une posture supérieure (par l'emploi de mots savants ou de tournures alambiquées). Pour sa traductrice, le bénéfice est énorme : jamais je ne me demande "mais qu'est-ce qu'elle a voulu dire par là ?" Du coup, la difficulté qui peut apparaître dans ses textes est celle de restituer cette clarté, cette simplicité du style qui, en fait, est très travaillé chez elle. Une de ses citations favorites dit d'ailleurs que "pour faire simple, il faut réfléchir longtemps" (ou quelque chose comme ça... c'est de Steinbeck, mais je n'ai pas la référence originale). Cette simplicité longuement réfléchie apparaît clairement dans "L'idée ridicule de ne plus jamais te revoir" : l'impression d'une proximité, d'une voix qui vous parle directement à l'oreille, à vous et rien qu'à vous... mais sans tomber dans l'excès inverse. Pour restituer ça dans la traduction française, il a fallu doser.

Son écriture vous semble-t-elle "homogène" d'un livre à l'autre, ou y a-t-il des styles, des choix d'écriture différents qui nécessitent une adaptation différente lors de la traduction ?
Son écriture est assez homogène à travers son œuvre, globalement. Mais il y a évidemment des différences d'un livre à l'autre, en fonction du procédé narratif choisi (voix narrative, temps de la narration, etc.) Mais disons qu'elle n'est pas du genre à passer brusquement de courtes phrases dépouillées à la Carver à de longues phrases proustiennes.

Rosa Montero parle français : a-t-elle un intérêt particulier pour la traduction de ses livres en français ?
Elle s'y intéresse, mais elle n'est pas "dessus", elle ne demande pas à lire et vérifier elle-même la traduction (peu d'auteurs le font en vérité, j'ai pu constater en général un très grand respect des traducteurs de la part des auteurs)... Et il faut savoir aussi que lorsque la traduction est en chantier, Rosa se consacre déjà à d'autres projets. Elle est très occupée !

Êtes-vous en contact avec l'auteure, avant, pendant, après la traduction que vous effectuez ?
J'ai la chance de faire partir de ses premiers lecteurs, c'est-à-dire que je peux lire son prochain roman au stade du premier jet, lui faire des remarques, des commentaires. C'est un immense privilège. Du coup, je vois naître le texte bien avant d'en faire la traduction. En fait, je suis tout le temps en contact avec elle : c'est un vrai cadeau de la vie !
Ah ! Et pour information : Rosa Montero vient tout juste d'obtenir le Premio Nacional de las Letras Espagnolas, une récompense prestigieuse du ministère de la culture espagnole, pour l'ensemble de son œuvre.

Vous dites que vous avez su dès le départ que les photos seraient absentes de l'édition française de L'idée ridicule de ne plus jamais te revoir, et que, par conséquent, dans la traduction il vous a fallu adapter certains passages, faire en sorte que les photos absentes du livre deviennent des photos "mentales" pour le lecteur... : beau défi ! Auriez-vous un ou deux exemples afin que nous nous représentions cette ... opération chimique.
Pour cette adaptation à l'absence de photos, je n'ai pas l'impression d'avoir fait une opération chimique, plutôt quelques tours de prestidigitateur : escamoter certaines choses par ici, en rajouter deux ou trois autres par là... Quelques exemples me sont revenus.

(Les commentaires de Myriam Chirousse sont en italique dans le montage réalisé ci-dessous, en ajoutant des extraits de l'édition espagnole et de l'édition française.)

Premier exemple

Le point de vue de la traductrice
Page 60 de l'original, la photo de Jeffrey Dahmer : ici, Rosa Montero interpelle directement le lecteur espagnol et lui demande de regarder la photo : "mira este rostro" ("regarde ce visage"). Il a fallu bricoler une solution dans la traduction (p. 53), éliminer l'idée d'une photo et inviter le lecteur à regarder directement le visage de Jeffrey Dahmer (comme s'il était plus ou moins de notoriété publique, ou en tout cas en supposant que le lecteur pourrait facilement le trouver, sur internet par exemple). La photo étant supprimée, il semblait ensuite plus naturel de réunir les deux paragraphes en un seul.
Édition originale en espagnol p. 60

Édition française
p. 53 grand format, p. 57 poche

El caso es que la gente hermosa tiende a parecernos más inteligente, más sensible, más simpática, más honesta, más más y todo de todo. Mira este rostro, por ejemplo: ¿no crees que augura un temperamento dulce y delicado?

Lástima que sea la foto de Jeffrey Dahmer
, El carnicero de Milwaukee (1960-1994), que asesinó, torturó, mutiló y devoró a diecisiete hombres y muchachos.

Le fait est que les gens beaux ont tendance à nous sembler plus intelligents, plus sensibles, plus sympathiques, plus honnêtes, plus que plus et le top du top. Regardez le visage de Jeffrey Dahmer, par exemple : ne croyez-vous pas qu'il laisse présager un tempérament doux et délicat ? Dommage qu'il s'agisse du "Cannibale de Milwaukee" (1960-1994), qui a assassiné, torturé, mutilé et dévoré dix-sept hommes et adolescents.

Deuxième exemple

Le point de vue de la traductrice
Autre exemple, p. 68 de l'original, Rosa dit qu'après la mort de Pablo son cousin lui a donné "esta foto" ("cette photo :"), et la photo apparaît en-dessous. Là, l'adaptation était plutôt facile, car Rosa décrit la photo (en fait, elle le fait la plupart du temps, peut-être imaginait-elle déjà que certains de ses éditeurs ne reproduiraient pas les images ?). Il a suffi de changer "cette photo" par "une photo". Avec la description qui vient ensuite, on voit apparaître l'image mentale de la photographie décrite... En fait, cela m'a fait penser à ces photos décrites par Duras dans certains de ses romans, l'évocation d'une image passée, figée (la description des photos dans les romans du 20ème siècle pourrait être un sujet de thèse !).
Édition originale en espagnol p. 68

Édition française p. 66 poche

Hubo un tiempo en que chincheté en la pared de mi casa fotos de mis amigos de cuando eran niños. Luego, en alguna de mis mudanzas, las guardé en una caja. No sé por qué las quité del muro: eran maravillosas. Estaban tan desnudos, eran tan transparentes en esos retratos. Tras la muerte de Pablo, su primo Rafael Fernández del Amo me mandó esta foto:Por detrás pone: "En el pantano de El Burguillo. Valdelandes. Verano 1961." Pablo es el más pequeño, el que asoma al fondo con la cabeza ladeada. Tenía diez años recién cumplidos. Y el caso es que ya estaba todo él ahí, pero con la inocencia y la ignorancia de lo que después le llegaría en la vida. Es extraño: desde que murió no sólo echo de menos su presencia, seguir viviendo con él y verle envejecer, sino que también añoro su pasado. Las muchas vivencias que no conocí. Esta niñez, esta tarde de verano en un barquito. Querría poderme beber, como un vampiro, todos sus momentos de felicidad.

Il y eut un temps où je punaisais sur les murs de ma maison des potos de mes amis quand ils étaient enfants. Plus tard, dans l'un de mes déménagements, je les ai rangés dans une boîte. Je ne sais pas pourquoi je les ai retirées du mur : elles étaient merveilleuses. Ils étaient tellement à nu, ils étaient si transparents sur ces portraits. Après la mort de Pablo, son cousin Rafael Fernández del Amo m'a envoyé une photo. Il y a écrit au dos : "Au lac du Burguillo. Valdelandes. Été 1961." Pablo est le plus petit, il apparaît avec la tête penchée sur le côté. Il venait juste d'avoir dix ans. Et le fait est que c'est déjà tout lui, mais dans l'innocence et l'ignorance de ce qui lui arriverait après dans la vie. C'est étrange : depuis qu'il est mort, je ne ressens pas seulement le manque de sa présence, de vivre encore avec lui et de le voir vieillir, mas j'ai aussi la nostalgie de son passé. De tout ce vécu que je n'ai pas connu. Cette enfance, cet après-midi d'été sur une barque. Je voudrais pouvoir boire, comme un vampire, tous ses instants de bonheur.

Troisième exemple

Le point de vue de la traductrice
Enfin, un autre exemple d'adaptation, assez radical : supprimer tout simplement la phrase qui renvoie vers la photo. C'est le cas de la phrase "Aqui dejo una muestra" ("en voici un exemple") p. 77 de l'original, qui a tout bonnement disparu de la p. 68 de la traduction.
Édition originale en espagnol p. 77
Édition française p. 68, p. 73 poche

He tomado las notas finales para este libro en un cuaderno de Paula Rego, que es una de las pintoras contemporáneas que más me gustan, o quizá la que más. Nació en Portugal en 1935 y ahora vive en Londres. El cuaderno lo compré en el museo que hay en Cascais dedicado a la artista y es verdaderamente hermoso; de cuando en cuando, diseminados por las páginas en blanco, hay un puñado de dibujos de Rego, de manera que tú vas escribiendo entre sus bocetos.
Por una de esas curiosas #Coincidencias que tanto abundan en la vida, resulta que Paula Rego tiene una serie de dibujos tan brutal como conmovedora que se titula Madres e hijas y que refleja todo esto de lo que estamos hablando. Aquí dejo una muestra :

Pero aún hay más puntos en común (la
s #Coincidencias coinciden, como decía el biólogo austriaco Paul Kammerer, autor de una ley sobre las casualidades), porque el marido de Paula Rego, que era otro artista plástico, Victor Willing, murió prematuramente, en 1988, víctima de una esclerosis múltiple. Así que mi pintora preferida también pertenece al vasto club de las viudas.

J'ai pris les dernières notes pour ce livre sur un carnet de Paula Rego, qui est l'une des peintres contemporaines qui me plaisent le plus, ou peut-être celle qui me plaît le plus. Elle est née au Portugal en 1935 et elle vit maintenant à Londres. J'ai acheté ce carnet au musée consacré à l'artiste qui se trouve à Cascais et il est vraiment beau ; ça et là, éparpillés sur les pages blanches, il y a une poignée de dessins de Rego, de sorte qu'on écrit au milieu de ses esquisses.

Par une de ces étranges #Coïncidences qui abondent tellement dans la vie, il se trouve que Paula Rego a une série de dessins aussi brutale qu'émouvante qui s'intitule Mères et Filles et qui représente tout ce dont nous sommes en train de parler.

Mais il y a d'autres points communs (les #Coïncidences coïncident, comme disait le biologiste Paul Kammerer, auteur d'une loi des séries), car le mari de Paula Rego, qui était un autre artiste plasticien, Victor Willing, est mort prématurément en 1988, victime de la sclérose en plaques. Ma peintre préférée appartient donc elle aussi au vaste club des veuves.

 

ET SUR MARIE CURIE...
Le parcours de Marie Curie est celui d'une pionnière. Après avoir découvert, avec Pierre Curie, deux nouveaux éléments chimiques radioactifs (1898), elle est la première femme à obtenir un poste de professeur à la Faculté des Sciences de Paris (1908) et, deux fois lauréate du prix Nobel (1903 et 1911), elle siège aux Conseils de Physique Solvay (1911-1933). Elle est aussi la première femme à devenir membre de l'Académie de médecine (1922).

Pour découvrir ou mieux connaître sa vie et son œuvre en images, voici une exposition virtuelle sur la vie de Marie Curie (1867-1934) organisée par le musée Curie :
- De Varsovie à Paris (1867-1891)
- Une nouvelle vie parisienne (1891-1897)
- Premières découvertes (1898-1906)
- Épreuves et consécration (1906-1919)
- Une figure internationale (1919-1934)

 

 

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