Sebastian Barry avec Days Without End, L'Express 2018


Traduction de l'anglais (Irlande) Laetitia Devaux
Folio 2019, 304 p.

Quatrième de couverture :

Dans les années 1850, chassé d’Irlande par la Grande Famine, le jeune Thomas McNulty vient tenter sa chance en Amérique. Il rencontre John Cole, qui devient l’ami et l’amour de sa vie. Tour à tour, Thomas et John vont combattre les Indiens des grandes plaines de l’Ouest, se travestir en femmes pour monter des spectacles, et s’engager du côté de l’Union dans la guerre de Sécession. Jusqu’à ce que la violence de la guerre les rattrape…

Sebastian Barry dessine le portrait d’une famille touchante et inhabituelle, composée de ce couple inséparable, de Winona, leur fille adoptive sioux, et du vieux poète noir McSweny, et pose un regard neuf sur une des périodes les plus brutales de l’histoire américaine.


éd. Joëlle Losfeld
2018, 272 p.

Quatrième de couverture :

Chassé de son pays d’origine par la Grande Famine, Thomas McNulty, un jeune émigré irlandais, vient tenter sa chance en Amérique. Sa destinée se liera à celle de John Cole, l’ami et amour de sa vie.
Dans le récit de Thomas, la violence de l’Histoire se fait profondément ressentir dans le corps humain, livré à la faim, au froid et parfois à une peur abjecte. Tour à tour Thomas et John combattent les Indiens des grandes plaines de l’Ouest, se travestissent en femmes pour des spectacles, et s’engagent du côté de l’Union dans la guerre de Sécession.
Malgré la violence de ces fresques se dessine cependant le portrait d’une famille aussi étrange que touchante, composée de ce couple inséparable, de Winona leur fille adoptive sioux bien-aimée et du vieux poète noir McSweny comme grand-père. Sebastian Barry offre dans ce roman une réflexion sur ce qui vaut la peine d’être vécu dans une existence souvent âpre et quelquefois entrecoupée d’un bonheur qui donne l’impression que le jour sera sans fin.


Annie Dunne, trad. Florence Lévy-Paoloni, éd. Joëlle Losfeld, 2005


Du côté de Canaan, trad. Florence Lévy-Paoloni, éd. Joëlle Losfeld, 2012, Folio 2013. Feuilleter ICI



Un long long chemin, trad. Florence Lévy-Paoloni, éd. Joëlle Losfeld, 2006


Le Testament caché, trad. Florence Lévy-Paoloni, éd. Joëlle Losfeld, 2009, Folio 2011




L'Homme provisoire, trad. Florence Lévy-Paoloni, éd. Joëlle Losfeld, 2014


Les Tribulations d'Eneas McNulty, trad. de Robert Davreu, éd. Plon, 1999, 10/18 2004

Sebastian Barry (né en 1955)
Des jours sans fin (A Long Long Way, 2005)

Nous avons lu ce livre en juin 2019.

"Mon roman préféré de l'année reste le magnifique Des jours sans fin"
Kazuo Ishiguro, prix Nobel de littérature 2017

Séance en présence de Sylvie Mikowski, spécialiste de la littérature irlandaise, professeure à l'Université de Reims Champagne-Ardenne.

Voir en bas de page des informations sur les publications de Sebastian Barry traduites en France, une petite revue de presse sur Des jours sans fin et des précisions sur Sylvie Mikowski, notre invitée.

Nos cotes d'amour pour Sebastian Barry (20 lecteurs)

Brigitte (avis transmis)
Je regrette de ne pas pouvoir être parmi vous. J'ai beaucoup aimé ce livre. C'est vraiment de la littérature comme je l'aime. La seule chose qui me déplaît, c'est le titre, qui est banal et ne donne pas du tout envie de le lire.
J'ai d'abord été frappée par le style (je sais qu'il s'agit d'une traduction) ; c'est une écriture proche du langage parlé, les marques de négation sont très souvent omises, le on est utilisé à la place du nous… donc une écriture sans prétention aucune. Mais, à chaque instant, les comparaisons ou le choix des mots (bien que toujours simples) nous projettent dans un univers poétique inattendu, émouvant et parfois magique, autant pour décrire la nature que pour ouvrir vers une réflexion très profonde sur la vie, la mort, la guerre, la violence, le racisme, la vengeance, la douleur physique, ou morale, la sexualité (notamment les travestis).
Vers la p. 150, je commençais à m'ennuyer, malgré la qualité de l'écriture, me disant qu'un récit ne doit pas sombrer dans la monotonie, quand j'ai été brutalement confrontée à la bataille contre les Confédérés, la reddition, le placement dans une sorte de camp de concentration…
Même si ce roman ne fait pas 300 pages, il comporte autant de rebondissements qu'un très long récit. Tout est organisé, les pierres d'attente sont là dès le début, sans qu'on les remarque particulièrement.
Pour moi, c'est une découverte. J'ouvre aux ¾.

Françoise (avis transmis)
Au départ j'ai été rebutée par les descriptions des batailles contre les Indiens et je me suis dit que si c'était comme ça tout le livre, je n'étais pas sûre de continuer. Et puis finalement, je me suis attachée au narrateur, aux autres personnages et à l'écriture.
J'ai beaucoup aimé le style narratif proche du parlé qui rend le récit très vivant (je l'ai lu en VO et je me demande ce que ça donne en français) ; j'ai été touchée par la façon dont il évoque son homosexualité et dont il parle de son compagnon John Cole et j'ai été émue par de très beaux passages descriptifs de paysages, et par des métaphores amusantes qui nous donnent le portrait d'un homme poète et sensible.
Par exemple, la longue description du paysage au début du chapitre 8, quand ils partent vers Yellowstone poursuivant les Crows et découvrent "un pays dont la beauté conquiert jusqu'à notre âme" :

A land begin to be suggested as if a man was out there wite a painting it with a huge brush. He is choosing a blue as bright as falling water for the hills and there is a green for the forests so green you think it might be used for to make ten million gems. Rivers burn through it with a enamelled blue...

Le paysage qu'on découvre, on dirait qu'un homme est en train de le peindre avec un immense pinceau. Il a choisi pour les collines un bleu aussi lumineux que celui des cascades, pour les forêts un vert tellement vert qu'il pourrait servir à fabriquer dix millions de pierres précieuses. La rivière est d'un bleu laqué.

A stagger of black cliffs just nearby rise sheer and strange from the molten greens. Then a wide band of red striked across the sky and the red is the red of them trousers Zouave soldiers wear. Then a colossal band of the blue of the bird eggs.

Des falaises noires et vertigineuses s'élèvent non loin de cet étrange paysage en fusion. Une large bande rouge traverse le ciel, du rouge du pantalon des zouaves. Puis une immense bande bleue comme l'œuf de certains oiseaux.

Il y en a tant d'autres. Il y avait longtemps que je n'avais pas eu autant de plaisir à lire en anglais (Russell Banks, Coetzee, Roth, Jim Harrison) ; en fait j'ai plus eu l'impression de lire un Américain qu'un Irlandais. Je ne m'en lasse pas.
La fin est moins convaincante, ça fait "rajouté", il aurait pu terminer sans les rebondissements. De plus, il ne me paraît pas logique que le major prenne sa défense pour avoir sauvé une squaw alors qu'il avait ordonné de les exterminer tous sans exception
Je n'ai pas rattaché ce récit à une idéologie ou à l'histoire de l'Irlande (que je ne connais pas suffisamment de toute façon), mais oui, j'y vois une volonté de faire bouger les lignes et les idées reçues. Je l'ouvre aux ¾.
J'aurais voulu demander à Sylvie Mikowski ce qu'elle pensait de la traduction en français.

Sylvie Mikowski
Hélas, je ne l'ai lu qu'en anglais. Je suis sûre que traduire ce livre a été très difficile.
Geneviève (avis transmis)
J'ai beaucoup aimé ce livre. Dans la hâte, je n'avais pas vu que c'était une traduction sinon je l'aurais lu en anglais : je m'en suis rendu compte en raison du langage parlé qui n'a pas l'air tout à fait naturel, notamment dans les interpellations, puis cela ne m'a pas gênée.
Les westerns, les bagarres, la violence, ça ne m'intéresse pas. Et en fait j'ai été captée par l'histoire, par les personnages. Je n'en reviens pas… comment on croit complètement à cette histoire de couple, à cet homme habillé en femme.
Ça passe par l'écriture, avec la scène d'embauche. C'est aussi en raison du rythme, un rythme rapide, comme une chevauchée, avec des rebondissements, des renversements de situation.
Il y a aussi le regard sur les Indiens, la question de la justice.
Et enfin il y a ces personnages, dont plusieurs sont complexes, comme le major, à la fois bons et mauvais.
Tout cela maintient l'intérêt. J'ai énormément aimé, je n'avais jamais entendu parler de cette auteur, c'est une découverte. J'ouvre en grand.
Étienne (avis transmis)
Tout d'abord, je dois avouer que je n'étais pas mécontent de me désembourber des mes péripéties beauvoiriennes et que je lorgnais sur notre choix du jour régulièrement pendant ma dernière lecture.
Je trouve ce livre admirable. Sebastian Barry nous offre un livre réussi sur plusieurs plans.
D'abord ce qui m'a frappé, c'est cette sorte de souffle épique qui parcourt le roman tout du long, c'est particulièrement réussi ; il se passe énormément de choses (parfois presque un peu trop ?) et il est difficile de s'ennuyer. Revirements de situations, moments burlesques, batailles contre les Confédérés, embuscade d'Indiens, chasse au bison, chevauchées au coucher du soleil, tout concourt à concrétiser notre vision fantasmée de la conquête de l'Ouest.
Mais, et c'est le plus important, cela est fait sans fard, et Barry ne pose aucun voile sur l'ultra violence et la cruauté de tout cela. Les massacres d'Indiens sont particulièrement insoutenables et souvent les hommes semblent pris d'une folie meurtrière inexpliquée où ils entrent un peu comme dans une transe, puis en sortent aussi rapidement. En contrepoint de cela, et c'est ce qui fait la luminosité du roman, il y a systématiquement une lueur d'espoir, de réconfort dans l'être aimé, la famille, la nature ou un ancien major qui vous sauve de la peine capitale. J'ai trouvé que c'était une vision assez juste de l'humanité.
Enfin, avoir réussi à écrire une histoire d'amour homosexuelle simple, apaisée, et que l'on y croie est la dernière force de ce roman. Certes, d'aucuns pourront trouver peu crédible l'accumulation des situations atypiques (couple homosexuel, travestissement, adoption d'une Indienne), factices, mais il a fonctionné sans peine chez moi et toutes les situations vécues par nos compères se sont réellement produites dans ce pays ou tout semblait alors permis et possible pour le meilleur comme pour le pire.
Je barris de plaisir et ouvre ce livre aux ¾.
Claudine (internaute)
En guise de participation au groupe de lecture Voix au chapitre, j'ai le plaisir de vous faire part de mes impressions suite à la découverte de l'auteur irlandais Sebastian Barry à travers son roman historique Des jours sans fin.
Bien que le contexte géographique me soit étranger – le Midwest des États-Unis –, j'ai été interpellée par une forme de similitude contextuelle, émouvante, car je viens d'une région minière, l'Est de la France, désormais nommée région Grand Est et plus particulièrement la Lorraine limitrophe et autrefois annexée à l'Allemagne. J'ai grandi dans une petite ville sidérurgique et ouvrière située dans la Fensch Vallée "Le Colorado en plus petit".
Dès lors, j'ai été touchée par Thomas, le narrateur alors presque jeune homme, traversé par l'appel d'un ailleurs, ayant quitté l'Irlande pour rejoindre l'Amérique. Sa traversée est aussi celle du passage de l'adolescence à ce que l'on nomme "l'âge adulte". Sa singularité s'affirme par le travestissement puis le refus d'une assignation de genre binaire homme/femme. Thomasina dit "Je suis une femme". Et ce disant, se sauve, du conditionnement, de la dualité, de la guerre ; trouve son équilibre et sa condition d'Être, son humanité.
Parallèlement, l'auteur, Sebastian Barry, nous présente l'horreur crue, la perversité jouissive et guerrière d'une dissémination, celle d'une espèce humaine, les Amérindiens. L'inhumain en œuvre.
J'ai traversé ce livre avec un sentiment de contre-balancement entre le tragique et le comique, comme dans une commedia dell'arte, une représentation du masque qui rit, puis du masque qui pleure. Tragico-comique, comme au théâtre, mais une dramaturgie réaliste cependant, la légèreté de la vie de saltimbanques versus la morbidité de la guerre.
Heureusement, la vie persiste, la vie de Thomasina est sauvée par miracle invoqué (Dieu convoqué par le personnage, par l'auteur ?), pour qui y croit. Par justice humaine à mon sens. Ouf, il s'en est fallu de peu !
Jacqueline (avis transmis)
Lire ce livre m'a passablement ennuyée et n'était le groupe j'aurais sûrement abandonné. J'étais très agacée au début par les négations incomplètes qui sonnaient faux dans le contexte puis je n'y ai plus fait attention. Par contre j'étais sensible aux phrases courtes et aux images inattendues. J'aurais aimé avoir une idée du texte original en anglais d'Irlande.
Les péripéties ne manquent pas et l'ensemble traduit bien le sort et la condition du soldat, la confusion de la guerre. Je me suis d'ailleurs souvent demandé de quel camp il était question (fédérés, pantalon jaunes...) ; cependant j'ai eu du mal à m'y intéresser. Il est vrai que je venais de lire Le vagabond des étoiles de Jack London autrement palpitant et au moins aussi vivant. Il ne faudrait pas comparer !
J'ai trouvé dommage que les personnages et les situations inhabituelles ne donnent lieu qu'à des sentiments extrêmement convenus, en tout cas dans leur expression.
Je suis curieuse de mettre le nez dans un autre livre de Barry pour comprendre son succès. J'ai emprunté "le testament caché" mais n'ai pas encore eu le temps de le lire.
Fanny (avis transmis)
Des jours sans fin... et ce livre me paraît sans fin. Je m'accroche mais je dois dire assez péniblement. C'est pour moi une lecture laborieuse et avec peu de plaisir.
J'essaie de comprendre pourquoi au fur et à mesure de mon avancée.
Je reconnais à ce roman la force des descriptions qui m'amène presque avec les protagonistes. Certaines phrases imagées notamment pour décrire les scènes de guerre sont frappantes.
Mais malgré tout, j'ai d'emblée été gênée par le style qui renvoie souvent au langage parlé. Je suppose que c'est pour exprimer la manière de parler des personnages, mais cela me heurte à la lecture, en particulier l'absence de tournures négatives (du type "j'ai pas entendu" au lieu de je n'ai pas entendu p. 46 Folio).
J'ai eu davantage de plaisir à la lecture de ces moments de parenthèse lorsque John Cole et le narrateur dansent habillés en femmes pour le plaisir des hommes esseulés et lorsqu'ils partagent leur quotidien avec Winona.
Mais à nouveau le retour à ces scènes de guerre, ces massacres, ces cadavres... Je n'ai vraiment pas envie de lire cela.
Pour le moment j'ouvre ¼ et je pense que vos avis m'aideront à me motiver pour les 120 pages qu'il me reste à lire, ou au contraire me feront abandonner.

Nathalie
Ce livre est un véritable coup de foudre ! Je le place dans le top trois des lectures de l'année avec celle de La saga de Youza que je porte encore en moi de façon très vive. J'ai été littéralement transportée dans un autre univers : à la fois dans le temps et dans l'espace. J'ai adoré cette écriture hachée, faite de retranscriptions des faits, des pensées, et de poésie. Le roman est parsemé de remarques incroyables, d'images fulgurantes terriblement poétiques et inspirées ; qui, en quelques mots font naître des images fortes et pérennes. Par exemple p. 204, la silhouette d'un homme mort à terre "ça fait comme un coup de pinceau noir dans le givre" ou p. 216 "des flocons de neige comme des trous noirs et le vent s'abattent sur ma folie obscure".
J'ai adoré cette épopée qui m'a à la fois renvoyée aux westerns-spaghettis de mon enfance (un genre à part entière !) mais aussi à l'aventure du jeune Candide personnage éponyme du roman de Voltaire. Comme ce dernier, le personnage se déplace et observe, constate et se replie. Les lieux de paix sont des lieux retirés du fracas du monde dans lesquels chacun vit en harmonie avec l'autre sans considération de sexe, de couleur de peau ou de fonction sociale ou d'inclination amoureuse. L'altérité y apparaît sous les yeux de l'autre, ainsi la couleur de la peau de Winona, son teint, son origine indienne ne sont révélés que par le regard qui ostracise (ça me fait penser aussi à La tache de P. Roth puisque on ne réalise sa différence ethnique qu'après de nombreuses pages).
C'est un récit extrêmement romanesque et pourtant complètement décalé. La violence est inouïe mais elle a valeur de témoignage et de dénonciation. Personne n'est épargné. Comme cela est mentionné "le diable est partout". J'ai beaucoup réfléchi à l'amour entre les deux hommes et je ne ressens pas cela comme de l'homosexualité, mais bien comme un amour hétérosexuel entre un homme qui se sent femme, et un autre homme. J'ai apprécié le choix du narrateur d'alterner sa féminité assumée et sa force et son courage. L'autre, "silencieux", n'a pas besoin pour moi de prendre plus d'envergure. Il est sa force, son réconfort, son bien-être quand il peut afficher en toute confiance son identité qui est la sienne. Le fait qu'il s'agisse d'une traduction, l'absence de "négation" normée ne m'a pas gênée. J'entendais la voix, je me la figurais sans aucun problème. C'est aussi ça la réussite du roman, ce qu'il dit (avec une faible maîtrise du langage) et ce qu'il ressent avec ses sens, son cœur (d'un haut niveau de sensibilité et d'intelligence).
J'ai vraiment adoré !
Annick A
Je sors épuisée de ce livre, par la chevauchée effrénée de ce roman qui nous ballotte dans un suspense difficilement soutenable, de carnage en carnage d'une effroyable atrocité, dont on sort comme Thomas McNulty, vidé, pompé. La richesse et la virtuosité de ce roman résident dans la capacité de l'auteur à alterner les moments où l'homme fait preuve des plus grandes capacités de haine de vengeance et de sauvagerie avec des moments de grâce d'une tendresse infinie. Comme les protagonistes, nous aspirons à nous poser et à partager ces moments d'amour, d'amitié et d'entraide.
Mais non ! A peine commençons-nous à nous détendre dans cette ambiance d'une chaleureuse humanité qu'il nous faut repartir avec l'angoisse et la peur au ventre, dans une épopée sans fin, combattre les Indiens des grandes plaines de l'Ouest ou les fédérés de la Guerre de Sécession. J'avoue que j'ai crié grâce à la fin du roman.
J'ai apprécié le style d'écriture parlé, avec des expressions parfois cocasses : "la robe aussi raide qu'une planche de cercueil" ou "j'ai tellement faim que je pourrais dévorer la tête de St Jean-Baptiste" ou encore poétiques : "Elle a un rire comme un ruisseau qui coule dans une prairie d'été".
Les personnages de Thomas John sont très attachants par l'amour profond qu'ils se portent et la tendresse dont ils entourent Winona leur fille adoptive. "On est peut-être même pas des humains, puisqu’on rompt pas le pain céleste. Pourtant, si Dieu essayait de nous trouver une excuse, il pourrait invoquer cet étrange amour parmi nous. C’est comme quand on cherche dans l’obscurité, qu’on allume une lampe et que la lumière vient à notre rescousse. On découvre des objets ainsi que le visage d’un homme qui est pour vous comme un trésor déterré. John Cole. Une sorte de nourriture de pain terrestre.". Le désir de Thomas de se transformer en femme est décrit avec sensibilité et simplicité. En parallèle avec ces hommes violents et brutaux, les femmes ont un rôle constructif de socialisation. Nous découvrons aussi les conditions de vie extrêmes des tuniques bleues : la faim, le froid, la peur mais aussi la camaraderie et l'entraide.
J'ai trouvé ce roman bouleversant. Je l'ouvre en grand.
Annick L
J'ai beaucoup aimé ce roman. Au début j'ai été surprise car je pensais que ça concernait l'Irlande, voire que ça se passait dans ce pays. Et puis je me suis retrouvée en Amérique au 19e siècle, entraînée dans cette histoire passionnante.
C'est un grand roman, remarquablement écrit et construit. On s'attache très vite à la voix du narrateur, celle d'un homme simple et un peu naïf qui porte, même dans les circonstances les plus difficiles, un beau regard sur ce qui l'entoure, les hommes, les paysages traversés. Certains passages sont même superbes, poétiques et imagés, avec des comparaisons, des associations d'idées souvent inattendues. Je déteste les récits de guerre, or dans ce livre il y en a beaucoup, puisque lui et son compagnon n'ont rien trouvé d'autre que l'armée pour gagner leur vie : les expéditions des colons contre les Indiens, puis la guerre de Sécession. Ses évocations sont saisissantes de violence, de cruauté, mais comme le jeune soldat se situe toujours à distance (y compris de ses propres actes), comme il interroge sans cesse le sens de tout cela, cela devient supportable, voire éclairant quand il met à jour certains des enjeux pour les différents partis en présence.
De toute façon le plus important ce n'est pas la dimension épique, mais le parcours d'un jeune homme mal-né (pauvre immigrant irlandais) et marginal de par son orientation sexuelle (un être sensible et très féminin dans un monde de brutes). Sa chance c'est d'avoir rencontré très jeune un homme qui l'aime et avec lequel il va construire un couple solide. Leur relation est lumineuse et elle éclaire les pages les plus sombres du livre. La façon dont elle est évoquée n'est pas banale (dans le contexte de l'époque), de même que leur "adoption" d'une fillette indienne, puis la communauté qu'ils vont former plus tard avec leur vieux camarade fermier et ses deux serviteurs noirs affranchis, le tout dans un état sudiste pas tout à fait pacifié ! Ce point de vue est vraiment original. J'ai donc été comblée par cette lecture et je l'ouvre en grand.
Monique L
J'ai beaucoup aimé ce texte original : un mélange de western et de drame intimiste.
C'est par moment extrêmement dur et parfois pur et lumineux. Le sublime y côtoie l'abjection. Rien ne nous est épargné. L'auteur décrit avec grâce les grands paysages américains, puis quelques lignes plus loin nous plonge dans l'horreur de la guerre. Cela ressemble à un récit oral. Il m'a emportée, j'étais avec Thomas le narrateur et jamais je ne l'ai quitté. Je reste moi-même étonnée de cette fascination car en général je n'aime pas beaucoup les descriptions de l'horreur. L'auteur a su maîtriser l'alternance entre l'horreur et les moments de répit.
La langue du narrateur fait beaucoup pour l'attractivité de ce récit : les mots sont simples et retranscrivent très bien la violence, l'espoir malgré tout et la force de l'amour.
Thomas est plein de bon sens et lucide. Il nous fait vivre les batailles contre les Indiens et la Guerre de Sécession avec l'absurde horreur de ses batailles. Il évoque avec force la violence inhumaine qui saisit les uns et les autres, et qui fait des victimes d'un soir les bourreaux du lendemain.
Il mène en parallèle une réflexion sur des destins contrariés des familles irlandaises, l'arrachement à un pays et la capacité d'un peuple migrant prêt à résister à tout. Il tente le parallèle entre deux peuples soumis à des envahisseurs en liant le sort des nations indiennes et irlandaises.
Il raconte aussi et avec beaucoup de pudeur, le lien qui l'unit à John Cole, l'amour qu'ils portent tous deux à Winona qu'ils élèvent comme leur fille, leur souhait d'une vie simple et douce.
Il évoque de nombreux autres sujets : l'homosexualité, le mariage gay, l'adoption et le droit à l'indifférence. C'est très moderne et pas du tout manichéen.
Un roman réaliste qui explore les confins de l'âme humaine et ce qui vaut la peine d'être vécu dans une existence âpre et passionnée. J'ouvre en grand.
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J'ai lu également L'Homme provisoire. J'ai moins aimé. C'est intimiste et donc beaucoup moins haletant.
Un vieil expatrié irlandais mélancolique décrit sa vie. C'est un personnage insignifian
t, qui fuit, est incapable de prendre ses responsabilités pour faire face aux difficultés et devoirs de chef de famille et se réfugie dans l'alcool. Il est responsable en grande partie du destin pourri de sa famille. Ce n'est pas un salaud, mais il n'a pas la volonté ni la lucidité de protéger celle qu'il aime. Il ruine son foyer tout en étant quasiment absent tout le temps.
C'est le destin tragique d'un couple mal assorti dès le départ par l'origine sociale et surtout leurs tempéraments dans le contexte historique des conflits du XXe siècle : colonisation, décolonisation et seconde guerre mondiale. J'ai appris un peu de l'histoire du Ghana que je ne connaissais pas.
L'écriture est toujours agréable. J'ouvre ½.
Richard
Cela m'a beaucoup plu. J'ai beaucoup de choses à dire. J'ai aimé l'histoire. Et le style avec des phrases très courtes dans les moments d'action. J'ai un problème, car je l'ai lu en anglais ; je lis vite les livres en anglais et là je ne pouvais pas lire vite. La syntaxe avec ses "erreurs" de grammaire (par exemple un sujet pluriel est suivi d'un verbe au singulier) m'a mené à lire à voix haute – donc plus lentement – pour comprendre. Surtout, j'aurais eu besoin d'un glossaire avec tous les mots que je ne comprenais pas. Mais c'est un récit superbe. Le personnage a un caractère ambivalent sexuellement. Et il y a des métaphores, des similitudes tirées de la nature admirables. J'ouvre aux ¾.

Applaudissements (car depuis 2015, Richard n'aime jamais autant les livres choisis...)
Séverine
Presque comme pour Gatsby, c'est historique !
Je l'avais lu il y a un an quand nous sommes allés à Dublin. J'ai retenu la relation homosexuelle tellement naturelle, on se pose pas de question, ça ne fait pas factice. J'avais lu Tristesse du monde d'Éric Vuillard en découvrant que Buffalo Bill a inventé le houhou des Indiens. J'ai été marquée par les guerres. Je retiens la comparaison entre Anglais/Irlandais et Américains/Indiens. J'ouvre en grand.
Denis
Je rejoins les nombreux éloges déjà prononcés. Si j'ai eu du mal à avaler le début du livre, avec les massacres répugnants, le calme est revenu par la suite. Il faut du courage pour continuer... Étant amateur de John Ford, je connais bien les films de la Trilogie de la Cavalerie, dont j'aime le caractère bon enfant tant qu'il ne s'agit pas de massacrer les Peaux-rouges : sérénades irlandaises dans Rio Grande, bal des sous-officiers, etc. Mentionnons aussi Lucky Luke, dans Le XXe de cavalerie. Le livre de Barry démolit totalement cette vision idyllique de l'armée, en fait un cauchemar total – et c'est probablement beaucoup plus proche de la vérité. Barry nous met sous les yeux et nous fait presque ressentir les souffrances infinies des soldats de base.
J'aime le rythme du texte. Chaque chute de chapitre est une réussite de concision qui nous donne envie de sauter vite au chapitre suivant : par exemple au chap. 17, le "c'est ce qu'on a fait" conclut merveilleusement, sous une apparence de remarque banale, les indications pour arriver à la ferme de Lige ; et le sens de l'ellipse, un long voyage, géographique et sentimental rapporté en trois lignes au dernier paragraphe du chap. 21.

Le langage imagé du soldat de base m'a beaucoup amusé. Cela m'a rappelé l'invention langagière dont faisaient preuve beaucoup d'appelés que j'ai connus quand je faisais mon service militaire comme sous-lieutenant.
Ce livre est pour moi une riche découverte et j'ouvre en grand.

Claire
Je l'ai lu sans rien savoir sur le contexte et su
r le livre lui-même. J'ai été d'emblée captée par le "langage parlé" d'un narrateur me racontant une histoire : le récit est tout de suite évocateur, dense d'éléments.
J'aurais eu besoin d'une carte pour situer tous les lieux. Je ne me suis même pas demandé si le Fort Laramie était vrai ou fictif et ai été étonnée après d'apprendre qu'il était réel. J'ai pensé que les personnages étaient inventés d'après des personnages réels. Ne connaissant pas bien l'Histoire, j'ai quand même compris que les personnages étaient pris dans la guerre de Sécession. En cours de route je me suis demandé sur quels documents l'auteur se fondait (l'aspect historique) : et j'ai été bien étonnée d'apprendre qu'il avait lu une centaine de livres, était allé au Tennessee, etc. J'étais à la limite de croire que tout était vraiment imaginaire.
Des éléments arrivent au fur et à mesure (le nom du narrateur au chap. 8, son prénom au chap. 10, et juste ce qu'il faut quelques dates et événements (1851, fin de son premier engagement ; 1847 : la Grande Famine en Irlande ; un nom : Lincoln en 1852, les deux camps de la guerre de Sécession).
La structure est agréable, avec un début suivi tout de suite par un flash back et à la fin du chap. 5 on se retrouve au début. En cours de route (chap. 7), on sait que le narrateur qui écrit a 50 ans... Le titre apparaît ("Je repense à ces jours sans fin de ma vie"), mais bof.
La traduction m'a semblé réussie et notamment avec toutes les expressions marquant l'oral.
Comme Nathalie, les références culturelles du narrateur ça et là m'ont surprise. Parfois c'est un peu trop, un peu trop BD : il fait moins 40° et ils ont faim, mais... ils ne meurent pas.
Les rebondissements sont palpitants, peut-être un tout petit peu lassants avec les combats, l'histoire de l'enfant indienne est extrêmement touchante : est-ce vraisemblable qu'elle accepte d'être monnaie d'échange ? C'est une véritable épopée, avec une place particulière pour les Irlandais. Il y a de grandes scènes : le cabaret, la guerre dépourvue de sens, le trio avec les Noirs. Et Mrs Neale, au fort : formidable ! L'amour avec John Cole, très fort, m'a paru surprenant, touchant, très légèrement invraisemblable, pas "senti" ; cependant le fait que des "soldats qui peuvent pas se payer même une squaw couchent avec d'autres soldats" fait passer la possibilité de leur couple ; quant à son glissement de genre, j'étais assez baba. Les comparaisons ou images fortes surtout dans la première moitié : "Parfois, on retrouvait des pauvres vaches gelées sur pied, à croire qu'elles avaient vu la Méduse." ou "La plaine est aussi calme qu'une bibliothèque".
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J'ai lu Du côté de Canaan, avec une narratrice très différente, et j'ai retrouvé :
- des destins individuels qu'on suit sur la durée avec des événements historiques qui jouent sur les destins
- l'art de narrer, appuyé sur une composition fignolée
- un narrateur à la première personne qui fait passer une sensibilité  ; et de l'amour, de la bonté, de la tendresse, un regard très humain
- la force des comparaisons.
J'étais aussi enthousiaste. J'ouvre en très grand les deux.
Rozenn
J'ouvre en très grand. Je l'ai lu d'une traite. Un moment, j'en avais marre de la guerre : ça suffit, ras-le-bol. Un autre passage horrible m'a fascinée, le plaisir du massacre, je n'avais jamais vu ça, je l'ai presque senti. N'était-ce pas accepté, ce plaisir ? Je suis emballée. Je lirai d'autres livres de cet auteur. J'ai été étonnée d'être accrochée aux scènes de guerre. Ce livre est à la fois monstrueux et délicat.
Danièle
J'ai aimé ce livre dès le début, et jusqu'à la fin. Quelle créativité ! Quelle sensibilité ! Cette écriture, qui passe par la voix du narrateur, veut donner l'image d'une langue simple, mais en fait l'auteur fait passer des réflexions poussées sur les rapports entre les êtres humains et l'absurdité des conventions partisanes. Pour ma part, j'ai toujours détesté les westerns et là, je me suis dit : voilà, c'est ça que j'attends de l'histoire des États-Unis. Et de l'histoire en général. Le western dresse des frontières, chacun dans son camp, et on s'identifie le plus souvent aux Blancs. Ici c'est l'humain qui traverse tout ça, contrairement à la parade qu'est le western.
Je suis d'accord avec tout ce qui a été si bien dit précédemment sur la magie de ce livre.
Beaucoup de pudeur dans le livre : pudeur non seulement dans l'évocation des rapports entre Thomas Mac Nulty et John Cole, mais aussi pudeur qui consiste à ne pas porter de jugement, même dans les scènes de violence où l'on se trouve soumis à d'étranges instincts.
Il y a une fluidité dans la composition, des trouvailles pleines de poésie tout le long du roman, à ne pas savoir quelle citation choisir ! J'ouvre en très grand.
J'ai retrouvé l'atmosphère un peu western de Paul Lynch dans Un ciel rouge, le matin. J'ai aussi pensé à Camus. Dans L'étranger : dans une situation de conflit, on devient étranger à soi-même. Et en dernier ressort, c'est à sa mère, ici, à Winona, que l'on pense et que l'on met au-dessus des idéologies.
Manuel

J'ai lu Du côté de Canaan et Des jours sans fin et j'ai préféré Canaan. Il y a beaucoup de coups de théâtre, de retournements de situation.
Je les ai lus l'an dernier : Du côté de Canaan en premier et pour Des jours sans fin, j'avais le filtre je savais pour le fils (dédicataire, suite à son coming out). La guerre, c'est pénible, tant de violence, parfois j'ai dû arrêter. Avec les métaphores, il y a un vrai plaisir de lecture. Ça marque, c'est génial, ça laisse des images. C'est une épopée, avec une galerie de personnages. Les westerns j'adore, mais c'est l'envers du western comme Danse avec les loups, l'envers des Cheyennes de John Ford.

Denis
Je tiens à prendre la défense de Ford : chez lui, l'Indien n'est pas toujours un méchant. Dans
Les Cheyennes notamment, il prend leur parti en montrant comment les mensonges des Blancs les mènent à la famine et à la mort. Dans la plupart de ses westerns, les Indiens ont des raisons valables de combattre les Blancs.

S'ensuit une conversation d'amateurs de westerns entre Manuel et Denis...
Lisa(avis transmis après la soirée)
Je n'ai pas encore lu Des jours sans fin, mais j'avais lu Du côté de Canaan.
J'avais trouvé le livre facile à lire, avec quelques aspects historiques intéressants. Mais l'ensemble ne me laissait pas voir un grand auteur ; ça fait partie des livres que je lis et que j'oublie immédiatement. Rien n'est remarquable, ni l'histoire, ni le style. Mais rien n'est foncièrement mauvais non plus. C'est donc un livre neutre que j'ouvre ¼.

Claire (découvrant cette horreur)
Tu n'es plus du tout ma copine !
Renée (du club de lecture de Narbonne)
C'est un roman magnifique, d'une violence terrible.
Un peu gênée au début par le langage parlé, j'ai été touchée par une certaine poésie, par le balancement entre l'horreur et l'amour, la famille. Les vengeances s'enchaînent avec férocité ; même le major qui était juste et tolérant au début commet des atrocités lorsque les indiens tuent sa femme et sa fille. Le sujet est le mal qui anime chaque homme et le manque de culpabilité à partir du moment où sa vie est en jeu.
J'ai apprécié la pudeur dans la relation entre les deux hommes. Trop souvent, dans les livres décrivant des homosexuels, on ne parle que de sexe avec des détails triviaux. Ici, il s'agit d'amour, d'Amour.
En le lisant, je pensais beaucoup à un autre western littéraire Méridien de sang de Cormac McCarthy que j'avais trouvé extraordinaire, comme tout ce qu'il écrit : de nombreuses similitudes dans la violence, dans l'inhumanité. Cependant, McCarthy croit à la transcendance mais Dieu a abandonné l'homme, tandis que chez Barry, Dieu est invoqué, mais il n'existe pas, l'homme est seul face mal.

 

Sylvie Mikowski nous a apporté de très nombreuses informations : 

- sur la langue de l'auteur dans le livre, qui est parlée, mais très travaillée, mêlant à l'anglais des influences gaëliques, le langage des soldats, etc.

- sur les différents livres de Sebastian Barry, certains se déroulant en Irlande, d'autres non, avec des personnages qui reviennent d'un livre à l'autre : les familles Dunne et McNulty (inventées à partir de celles de membres de sa propre famille), grâce auxquelles il aborde les événements importants de l’histoire irlandaise

- sur la position de Sebastian Barry en Irlande :
d'une part il est très "reconnu", depuis sa première pièce qui a bien marché ; il existe en Irlande le statut honorifique de "fiction laureate" pour trois ans, choisi très officiellement par l'Arts Council of Ireland (avec cérémonie
en présence du président de l'Irlande) ; la précédente était Anne Enright qui eu le Booker Prize ; Sebastian Barry est fiction laureate de 2018 à 2021 ; il est réputé pour ses images inattendues, sa capacité à créer des voix réalistes, mais aussi à recourir à une forme de lyrisme, à mêler histoires familiales et Histoire, jouant sur l'affect du lecteur
d'autre part, il est parfois contesté car il se fait un plaisir de faire exploser les catégories : par exemple, il rompt avec le discours irlandais victimaire répandu, présentant des Irlandais qui sont "du mauvais côté" (participant
à l'armée anglaise en 1914, aux massacres des Indiens – ce qui a été ressenti comme une provocation) ; même chose avec le genre : Barry se positionne contre les orthodoxies, les systèmes binaires

- sur les liens entre les Irlandais dans le monde entier : la communauté aux USA est un véritable lobby, mais ils sont dans le monde entier

- sur les autres livres à lire après Des jours sans fin et Du côté de Canaan : le roman Un long long chemin

- sur l'histoire de l'Irlande, absolument marquante (Joyce : "l'histoire est un cauchemar dont j'essaie de me réveiller"), avec quelques grands événements :
la Grande Famine de 1845 avec un million et demi de morts (sur huit millions sur toute l'île), l'exil alors (un million) ; et l'exil plus récent après la crise des subprimes
avant cela, on peut considérer que l'Irlande fut le laboratoire de la colonisation anglaise (nextdoor) : dès le 13e siècle, les Irlandais sont présentés comme des sauvages (voir des singes !)
au 17e siècle, Cromwell met fin pour longtemps à l'indépendance de l'Irlande : les massacres sont à l'origine des tensions entre catholiques et protestants
entre 1800 et 1921, les Irlandais ont perdu leur autonomie qu'ils obtiennent à nouveau avant la première guerre mondiale avec un Parlement (Home Rule) : on leur promet pendant la Première Guerre mondiale et ils demandent alors une République
l’Insurrection de Pâques
de 1916 (500 morts au cours d’une rébellion à Dublin contre le pouvoir britannique) a été l'objet d'une célébration pendant trois ans (= la Bastille en France)
les liens avec la France sont historiques (pendant la période révolutionnaire, les dirigeants français étaient en contact avec les nationalistes irlandais contre l'occupant anglais, dont Wolf Tone qui les représentait à Paris, et une expédition d'assistance militaire fut lancée sous les ordres du général Hoche en 1796, puis le Directoire intervint à nouveau)

- sur les autres auteurs irlandais d'aujourd'hui, caractérisés, outre par la question de l'identité, par leur verve, leur inventivité, leur style, des procédés narratifs : par exemple Paul Lynch, Sara Baume, Nuala O'Faolain à ses débuts (dont l'éditrice Sabine Wespieser est l'exécutrice testamentaire !) et bien sûr aux USA Colum McCann ; n'oublions pas les plus anciens : Joyce bien sûr, Yeats prix Nobel, grand poète engagé pour valoriser la spécificité irlandaise, O'Casey au théâtre (et sa pièce Junot et le paon sur fond de conflit entre Irlande et Angleterre)

Et en réponse à la question "pourquoi/comment devient-on spécialiste du roman irlandais ?", Sylvie Mikowski évoque son coup de foudre à 15 ans pour l'Irlande et les Irlandais. Elle devient ensuite prof d'anglais, puis fait une thèse sur John McGahern. En tant que professeure des universités, elle enseigne la littérature, mais plus largement la culture irlandaise (musique populaire – très vivante – incluse) ainsi que l'histoire.

Sylvie Mikowski a à peine bu et n'a pas pris le temps de grapiller
tant elle avait à nous dire sur Sebastian Barry, les écrivains irlandais et l'Irlande, si attachante : UN GRAND MERCI !


QUELQUES INFOS sur :
- les publications de Sebastian Barry
traduites en France
- Des jours sans fin
- Sylvie Mikowski

SEBASTIAN BARRY A PUBLIÉ

• Des romans
(dans l'ordre chronologique des publications en anglais)
- 1998 : Les Tribulations d'Eneas McNulty, trad. de Robert Davreu, éd. Plon, 1999 ; 10/18 2004
- 2002 : Annie Dunne, trad. Florence Lévy-Paoloni, éd. Joëlle Losfeld, 2005
- 2005 : Un long long chemin, trad. Florence Lévy-Paoloni, éd. Joëlle Losfeld, 2006
- 2008 : Le Testament caché, trad. Florence Lévy-Paoloni, éd. Joëlle Losfeld, 200 ; Folio 2011
- 2011 : Du côté de Canaan, trad. Florence Lévy-Paoloni, éd. Joëlle Losfeld, 2012 ; Folio 2013
- 2014 : L'Homme provisoire, trad. Florence Lévy-Paoloni, éd. Joëlle Losfeld, 2014
- 2016 : Des jours sans fin, trad. Laetitia Devaux, éd. Joëlle Losfeld, 2018 ; Folio 2019

• Des pièces de théâtre
- 1988 : Les fistons, trad. Émile-Jean Dumay, L'Harmattan, 2006
- 1995 : Le régisseur de la chrétienté, trad. Jean-Pierre Richard, éd. théâtrales, 1996
- 2004 : En appelant Psyché, trad. Isabelle Famchon, éd. Voix Navigables, 2009
- 2008 : La fierté de Parnell street, trad. Isabelle Famchon, éd. Voix Navigables, 2010

SUR DES JOURS SANS FIN
- "Sebastian Barry à l'amour comme à la guerre", Christine Rousseau, Le Monde, 11 janvier 2018
- "Des jours sans fin, Sebastian Barry affranchit le gay", Thomas Stélandre, Libération, 12 janvier 2018
- “J’ai mis plus de cinquante ans à écrire Des jours sans fin", entretien avec Christine Ferniot, Télérama, 16 janvier 2018 (article intéressant sur la préparation du roman : "Quand on parvient à attraper la syntaxe et la manière de parler d'un personnage, c'est comme si l'on avait accès à son cœur et à son âme.")
- "Des jours sans fin de Sebastian Barry, entre exil, amour et guerre de Sécession",
Corinne Renou-Nativel, La Croix,
25 janvier 2018 : la photo figurant sur la couverture du livre de la première édition Joëlle Losfeld est celle de son arrière-grand-oncle dont il s'est inspiré du destin.
- "Sur les sentiers de la guerre et du bonheur", Claude Grimal, En attendant Nadeau, 10 février 2018
- "
Sebastian Barry, notre coup de coeur étranger de la rentrée littéraire", Marianne Payot, L'Express, 20 janvier 2018.

SYLVIE MIKOWSKI
Publications :
-
Le roman irlandais contemporain, Presses universitaires de Rennes, 2012.
- "Le long cheminement de la mémoire collective irlandaise : A Long Long Way de Sebastian Barry (2005)", Études irlandaises, 2011
- "A Long Long Way de Sebastian Barry et 14 de Jean Echenoz : la mise en crise du roman de la Première Guerre mondiale", Transversalités, janvier 2015
- Une récente communication sur Des jours sans fin : "Days Without End de Sebastian Barry (2016) et la lecture en contrepoint d’Edward Said", conférence au congrès de la SOFEIR (Société Française d’Études Irlandaises), 16 mars 2019 (Edward Saïd est l'auteur de
Culture et impérialisme)
Voir ses autres nombreuses publications sur le site de l'Université de Reims Champagne-Ardenne où elle est professeure.

La SOFEIR (Société française d'études irlandaises) fédère l’ensemble des chercheurs qui travaillent en France en littérature, sciences humaines et sociales sur l’Irlande, soit 128 chercheurs. Sylvie Mikowski en est vice-présidente chargée des domaines suivants : affaires scientifiques, communication, coordination de projet, formation par la recherche, veille sur les financements des formations et de la recherche.

Le CIRLEP (Centre interdisciplinaire de recherche sur les langues et la pensée) comprend une soixantaine d’enseignants-chercheurs en philosophie, en linguistique, en littératures et en civilisations étrangères (allemand, anglais, espagnol), en intercompréhension des langues voisines et en didactique du multilinguisme. Sylvie Mikowski y coordonne les relations internationales, est co-responsable du séminaire "Cultures populaires", ainsi que de l'axe "Représentations de la Société par les textes et les Images: Codes, Cultures, Images"

L'IRLANDE À PARIS
Ne manquez pas de découvrir à Paris le Centre culturel irlandais dont les origines remontent à 1578 : chapelle Saint-Patrick et surtout la merveilleuse bibliothèque patrimoniale. Nombreux événements culturels (littéraires, musicaux, etc.).

Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :

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"My favourite novel this year remains Sebastian Barry’s magnificent
Days Without End
– a lyrical, sometimes savage, often achingly tender western about two young gay Irishmen adrift in the American west before, during and following the civil war."
(Kazuo Ishiguro, The Guardian, 26 novembre 2016)