1948, par Gisèle Freund


1978, par François Lochon


Folio 2008
, 480 p., extrait ICI


Quatrième de couverture : « Je rêvais d'être ma propre cause et ma propre fin ; je pensais à présent que la littérature me permettrait de réaliser ce vœu. Elle m'assurerait une immortalité qui compenserait l'éternité perdue ; il n'y avait plus de Dieu pour m'aimer, mais je brûlerais dans des millions de cœurs. En écrivant une œuvre nourrie de mon histoire, je me créerais moi-même à neuf et je justifierais mon existence. En même temps, je servirais l'humanité : quel plus beau cadeau lui faire que des livres ? Je m'intéressais à la fois à moi et aux autres ; j'acceptais mon "incarnation" mais je ne voulais pas renoncer à l'universel : ce projet conciliait tout ; il flattait toutes les aspirations qui s'étaient développées en moi au cours de ces quinze années. »

Foliothèque 2000, 272 p.

Quatrième de couverture : « Nous voudrions montrer que les Mémoires d'une jeune fille rangée sont un récit autobiographique réussi, fortement structuré, plus complexe et plus travaillé qu'il n'y paraît au premier abord, même s'il ne s'aventure pas dans des expérimentations formelles novatrices. Le "ton juste", que plusieurs critiques avaient salué dès sa parution, réponde à l'ambition que s'est toujours donnée Simone de Beauvoir d'établir avec le lecteur une communication égalitaire et généreuse, qui à la fois lui transmette le goût de sa propre vie et l'amène à mieux se connaître lui-même. » (Éliane Lecarme-Tabone)


Mémoires d'une jeune fille rangée, Gallimard, 1958, 368 p.

Mémoires d'une jeune fille dérangée, Bianca Lamblin, Balland 1993 (en partie sur Gallica)


Simone de Beauvoir (1908-1986)
Mémoires d'une jeune fille rangée (1958)

Nous avons lu ce livre en juin 2019.
Le groupe de lecture de La Laguna (à Tenerife), qui lit des livres en français, et avec qui nous inaugurons des échanges avec ce livre de Simone de Beauvoir, l'a lu pour septembre 2019. Les avis de ces nouveaux lecteurs sont en ligne ICI (Ana, Nieves, José Luis, Nathalie).

Pour se mettre dans le bain, voici quelques citations et, en bas de page, un aperçu sur le parcours de Simone de Beauvoir, ses publications et des articles sur le livre que nous lisons.

La littérature prit dans mon existence
la place qu'y avait occupée la religion :
elle l'envahit toute entière, et la transfigura.
Simone de Beauvoir

La passion de la lecture, dont beaucoup s'honorent comme d'une précieuse qualité intellectuelle, est à la vérité une tare ; elle ne diffère en rien des autres passions qui accaparent l'âme, y entretiennent le trouble, y lancent et y entrecroisent des courants confus et en épuisent les forces.
Père Sertillanges
La Vie intellectuelle
, 1920 (l'une des lectures de jeunesse de SdB)

Ces dames et ces messieurs causaient ; c'était les vacances, ils lisaient et ils parlaient de leurs lectures. On disait : "C'est bien écrit, mais il y a des longueurs." Ou bien : "Il y a des longueurs, mais c'est bien écrit."
Parfois, l'œil rêveur, la voix subtile, on nuançait :
"
C'est curieux" ou d'un ton un peu plus sévère : "C'est spécial."

Simone de Beauvoir

Nos cotes d'amour

Nathalie R (avis transmis)
Qu’aurait-il fallu pour que je maintienne mon attention ? Le livre m’est tombé des mains après quinze jours de lecture et je ne l’ai pas terminé. Suis-je trop jeune ! Trop vieille ? Y a-t-il un âge pour lire Beauvoir ? Suis-je d’un milieu social trop simple pour m’y tailler une place ? L’ai-je pris pour ce qu’il n’était pas ? En ai-je attendu une révélation qui n’est pas venue ? L’avais-je placé au pinacle des œuvres incontournables ? (J’adore Duras, je peux lire et relire Un barrage contre le Pacifique plus de dix fois avec autant de plaisir). Et pourtant, Le Barrage n’est pas à proprement parler une biographie.
J'ai anticipé et commencé il y a plus d'un mois et demi ma lecture. Je savais le livre long et copieux. J'ai donc commencé avec courage le pavé et très vite, je me suis dit que je n'avais aucun problème pour le lire. Ravie, je m'engageai plus en avant, étonnée de cette facilité. Somme toute, c'était très narratif. Mais petit à petit, je tournai les pages tout en luttant contre l'impression que cette écriture était artificielle et très loin de la sincérité que j'attendais. Claire eut beau dire "patience, ça va devenir croustillant", ça n'a pas suffi pour me donner le courage de poursuivre.

Claire (à distance)
Ah, j'ai dit ça ?
Nathalie
Quel ennui ! Quel ennui ! Aucune possibilité de m'identifier, même la relation amicale qu'elle entretient avec Élisabeth Mabille m'a semblé fausse, trop nourrie de détails, trop éloignée d'une introspection sincère.
J'ai commencé à prendre des notes, par exemple sur "la promiscuité du mariage" qui m'a fait sourire (Folio p. 100) et sur ce besoin de vivre "enfin quelques instants sans témoin" parce que je m'y reconnais totalement. Mais qui pense cela ?
Les mémoires me semblent surchargés d'informations. Entre temps, j'avais eu entre les mains Juste après la vague de Sandrine Collette que je découvris et lus d'une traite en quelques jours puis dont j'allai chercher immédiatement une autre œuvre à la médiathèque pour confirmer ou infirmer l'idée que j'en avais trouvé une qui elle m'enchantait !! Et par la forme, et par le fond ! Je réussis même à donner envie à la bibliothécaire de partir pour le week-end avec sa vague sous le bras ! (si ! si !)
Donc, Beauvoir et sa vie de jeune fille rangée m'a ennuyée à mourir. Je n'y ai pas cru un instant. Je ne cessais de voir son visage accolé à celui de Sartre, j'attendais la femme, je voyais une enfant précieuse et une écrivaine de 50 ans qui ne réussissait pas à retranscrire la fraîcheur de son adolescence. Plus j'avançais, plus je me sentais rejetée en lisière de cet univers capitonné et à des milliers de kilomètres de ce monde dans lequel, une fois le frère mort "à peine démobilisé de la grippe espagnole", tout le monde sèche ses larmes et où le bonheur "ressuscit[a]" p. 91.
Bref, j'ai abandonné à la page 150 sur 400. Et en 2019, je ne l'ouvre pas et je pense que j'ai dû rater quelque chose mais tant pis. J'attendrai d'être encore plus vieille pour peut-être reprendre ma lecture et je vous souhaite une bonne soirée je l'espère très dynamique !

Claire (avis transmis)
L'avis de Nathalie me donne des sueurs froides... et je crains le pire... Je suis une groupie totale de Simone de Beauvoir sans avoir lu grand-chose intégralement. J'attendais à la lecture de ce livre de savoir pourquoi il avait compté pour Didier Eribon que j'avais lu comme autre transfuge de classe quand nous avons lu cette année Annie Ernaux.
J'ai d'abord ressenti de l'étonnement : alors que Simone de Beauvoir est pour moi une contemporaine, ce qui m'a sauté aux yeux, c'est que sa vie commence en un autre siècle, c'est un roman "en costume" (au sens propre, d'ailleurs, car Nizan à Normal sup porte des pantalons de golf...) : la place de la religion est stupéfiante, le pouvoir des parents nous ramène chez Molière, l'aspect rigide des mœurs est incroyable : c'est si guindé que Zaza et elles, camarades de classe, se vouvoient et que leurs lettres sont lues par leurs mères. On sent aussi une idéologie réactionnaire et la haine des intellectuels.
J'ai souvent ressenti de l'admiration : pour la façon dont elle s'extrait de ce conformisme, en pensant, en sentant, en analysant. Curieusement il reste la pruderie, l'éloignement du corps, l'absence de toute affection physique, contrebalancés par une passion pour la nature qu'elle rend très bien.
J'ai découvert en quoi, comme Ernaux et Eribon, elle est transfuge de classe : en faisant des études, observe-t-elle, "j'allais trahir ma classe et déjà je reniais mon sexe ; cela non plus, mon père ne s'y résignait pas : il avait le culte de la jeune fille, la vraie. Ma cousine Jeanne incarnait cet idéal : elle croyait encore que les enfants naissaient dans les choux." J'adore.
Alors que SdB est peu reconnue par son écriture, j'ai aimé son style, fait de netteté, de fermeté, et qui donne lieu à des formules qui m'ont beaucoup plu (voir citations dans mon avis - trop - développé).
Elle narre certes les années qui passent, mais le récit est fait de pensée, elle analyse sans arrêt, avec recul. Et si elle se montre parfois arrogante, elle est impitoyable avec elle-même de façon que je trouve jubilatoire, surtout quand elle se sait, respectivement, aveugle.
Comme un roman, le récit vaut aussi par ses personnages, et il y a de quoi faire ! Le père extraordinaire, assez féministe paradoxalement, passionné de théâtre, avec une place immense pour les lectures (j'imagine cette scène de la famille qui lit à l'unisson tous les quatre ensemble), Zaza bien sûr, Jacques (on a envie de lui donner des claques, ainsi d'ailleurs qu'à Simone).
J'ai beaucoup aimé son enthousiasme pour Garric qui illumine ses jours et dont elle boit les paroles, et qui contribue aussi à la sortir de sa classe. Si elle entend une voix intérieure : "Il faut que ma vie serve !" qui trace sa voie : "m'exprimer dans une œuvre qui aiderait les autres à vivre", on peut dire que le projet est abouti, chapeau Simone !
J'ai beaucoup aimé aussi le ballet des normaliens : les travaux d'approche, les jeux et la place de l'écriture ; tous prévoient de faire œuvre, c'est vraiment sidérant.
La narratrice, personnage principal, est formidable : ce que j'ai trouvé palpitant est que le récit nous fait assister à sa prime formation intellectuelle, sa passion de la culture (philosophie, littérature, cinéma, théâtre, peinture...), ses goûts d'avant-garde qui tranchent avec son milieu. Elle aussi fera œuvre et ce qu'elle rêve d'écrire, c'est un "roman de la vie intérieure". Bien joué !
Ce qui m'a frappée aussi, c'est la tragi-comédie, avec de vraies "scènes" ou elle pleure, crie qu'elle ne veut pas mourir ou quand elle imagine que si sa sœur "disparaissait, elle n'aurait même pas besoin de me tuer pour mourir."
A ce sujet, j'aime sa sorte d'humour : "je me récitais ironiquement le mot de Heine : "Quelles que soient les larmes qu'on pleure, on finit toujours pas se moucher" ou quand elle va voir un abbé spécialisé "dans le renflouage des intellectuels en perdition".
Un seul bémol : alors que le suspense devient insoutenable vis-à-vis de Sartre, il y a une accélération en fin de livre, mais pas à propos de Sartre, on ne sait même pas si elle réussit l'agrég, s'ils couchent ensemble (remboursez !) et la mort de Zaza est trop longue : frustration de fin de volume donc.
Mais c'est un détail et j'ouvre en grand ce livre qui m'a passionnée tout du long...

Catherine (avis transmis)
C’est une relecture car je l’avais lu vers 16 ou 17 ans, mais peut-être pas jusqu’au bout car je n’en n’avais pas gardé un souvenir très précis. J’avais ensuite commencé Le deuxième sexe que j’avais abandonné en cours de route.
Je l’ai donc relu il y a quelque semaines. J’ai un avis mitigé. J’ai surtout aimé le début, la partie sur son enfance et la fin, ses études supérieures, la rencontre avec Sartre. Son adolescence lui a semblé longue, mais à moi aussi... ; il y a beaucoup de longueurs, de redites ; elle tourne en rond, ressasse sans fin les mêmes questions et problèmes et le livre m'est un peu tombé des mains à ce moment-là.
C’est un témoignage très intéressant sur la vie et l’éducation d’une jeune fille dans un milieu bourgeois parisien à cette époque. Les choses ont quand même heureusement évolué depuis. Je reste très admirative de son parcours : se dégager comme elle l’a fait de son milieu et de son mode de pensée n’était pas évident. J’ai aimé les passages sur la lecture et la littérature qui tiennent une grande place dans le livre et dans sa vie, moins tout ce qui concerne la religion.
Je ne regrette pas de l’avoir lu, j’ai beaucoup aimé l’écriture. Je ne suis pas sûre malgré tout que je lirai le reste de ses mémoires. J’hésite entre ½ et ¾.
Etienne(avis transmis)
J’attendais de lire ce livre avec impatience et je dois admettre que ma déception est grande. La grossophobie ne faisant aucunement partie de mes critères de selection de lecture, je partais donc joyeusement la fleur au fusil. Simone de Beauvoir, sorte de terra incognita pour moi, il est probable qu’inconsciemment j’attendais quelque chose qui pouvait s’affilier d’une manière ou d’une autre à Annie Ernaux (qui fut une de mes grande découvertes avec le groupe). Mais le comparatif c’est arrêté dès les premières pages. Hélas ! Que c’est lent, terne et poussif ! Une valeur sociologique du récit proche du néant... Plus de 450 pages d’informations indigestes ou superflues... Les atermoiements amoureux avec Jacques ont progressivement fini par devenir l’épine irritative insupportable (je l’aime ; en fait non ; en fait si ; oh et puis non...). Pourquoi nous infliger ça ? Son émancipation intellectuelle, religieuse, tout cela est extrêmement évidemment très intéressant mais un peu de concision que diable ! Aussi, cette écriture très "première de la classe", sans relief, appliquée au style journal intime m’a interloquée. Est-ce la Simone de Beauvoir adulte ou l’adolescente qui parle ? Mystère... Mais dans les deux cas ça ne marche pas pour moi. Que n’ai-je failli m’étouffer quand nous apprenons "la gaucherie" des essais de Sartre ! Voilà un autre point : par certains moment beaucoup trop humble et par d’autres frôlant le mépris dans ses interactions sociales, j’ai eu du mal à ressentir de l’empathie pour elle.
La fin du récit trouve tout de même grâce à mes yeux pour sa valeur historique avec ses rencontres de Sartre, Nizan, etc.
Encore une fois, entendons-nous bien, j’essaie de juger la romancière : Beauvoir est une figure majeure du féminisme et tout simplement du paysage intellectuel français du 20e siècle mais, en tout cas à la lecture de ce livre, une écrivaine mineure selon moi.
J’ouvre donc au ¼, mais mon entêtement me poussera certainement à ouvrir Le deuxième sexe dont je pressens qu’il m’eût mieux convenu.

Claire, atteinte de grossophobie chronique
Deux tomes pour cet essai, soit 1000 pages...
Geneviève (avis transmis)
Je suis en train de lire les "Mémoires" de Simone de Beauvoir dans le train qui m'emmène en Bretagne, je ne pourrai donc pas vous écouter, malheureusement.
J'ai presque fini, je l'ai lu avec un très grand intérêt. Je suis surprise du peu dont je me souviens alors que je l'avais lu dans les années 70 et que j'avais beaucoup aimé. Il m'en restait le souvenir d'une réflexion sur le statut des femmes et ce n'est pas ce qui me frappe aujourd'hui. Je suis fascinée par la description d'un monde qui a disparu et dans lequel j'ai pourtant vécu mes premières années de lycée. Les angoisses autour de la foi et de la morale paraissent parfois incompréhensibles et pourtant le personnage de Simone, souvent agaçant, entre arrogance et désespoir, reste attachant. Le contraste entre une naïveté confondante et une immense culture philosophique est sidérant. On mesure le chemin parcouru en moins d'un siècle et il est énorme, malgré toutes les menaces de régression. Au final, il m'en reste à la fois une nostalgie d'un monde disparu et un immense soulagement que nous en soyons sortis. Un vrai talent de conteuse aussi qui parvient à faire revivre ce Quartier Latin bien différent qui vous accueille ce soir. J'ouvre le livre complètement, une vraie re-découverte !
Monique L (avis transmis)
Je ne suis pas arrivée à la fin du livre. J'en ai lu les trois quarts.
Le premier mot qui me vient à l'esprit pour qualifier cette lecture, c'est "ennui". Je partage en cela l'impression de Riesmann à qui Simone de Beauvoir avait lu quelques pages de son premier roman. Que c'est long !
J'avais lu la première partie avant notre dernière rencontre. J'avais fait part à Claire de ma difficulté à apprécier ce texte. Ses réflexions m'ont poussée à persévérer. Je ne nie pas que j'aie trouvé dans la suite quelques réflexions et analyses intéressantes.
La première partie ne m'a pas parue crédible. C'est de la mémoire reconstituée et je m'en méfie beaucoup. Vous souvenez-vous de vos impressions avant 6 ans ? On peut voir cet écrit comme une reconstitution travaillée du parcours de la jeunesse de l'auteur qui veut nous faire partager son émancipation.
Il pourrait y avoir un intérêt en relation avec tous les intellectuels croisés, mais cela reste très superficiel. Ce texte me paraît vieilli, même dans l'écriture parfois, surtout dans les descriptions de paysages. Je n'ai rien contre les pleurs, mais Simone et sa sœur me semblent atteindre un summum !!
J'avais lu ce livre il y a très longtemps et j'en avais gardé un bon souvenir. Je n'ai pas retrouvé mes notes à ce sujet (c'était dans des cahiers ou des fiches à l'époque). Je pense que j'avais été plus séduite par le rejet des valeurs bourgeoises et du conformisme. Je suis un peu gênée de mal "noter" un tel monument, mais j'ouvrirai au ¼.

Nous avons commencé par les deux plus jeunes (mais n'avons pas poursuivi de la sorte), d'où l'indication de nos âges, partant de l'hypothèse qu'il y aurait peut-être une sensibilité différente selon les générations. Sans trop d'étonnement finalement, cela s'est bien sûr avéré plus complexe. Brigitte a noté que certain.e.s se sont identifié.e.s à Simone de Beauvoir, d'autres non.
Fanny (45 ans)
Je connaissais bien sûr son parcours, mais je n'avais rien lu de Simone de Beauvoir. J'ai manqué de temps et il me reste un tiers du livre à finir.
Je suis partagée entre les avis de Claire et de Nathalie. Dans les premières pages, j'ai accroché, mais j'ai rapidement éprouvé une certaine lassitude.
J'y ai vu un grand intérêt dans la valeur de témoignage d'une autre époque, c'est pour moi une analyse sociologique vue de l'intérieur. J'aime sa description de Paris, notamment des cafés, cela me fait regretter de ne pas les avoir connus à cette époque. La place de la famille à cette époque et dans ce milieu est également très bien rendue, on voit la place du père et de la mère et également celle de l'homme et de la femme.
Par contre, je trouve ce récit long et quelque peu nombriliste, même si sur ce point c'est sûrement inhérent à la dimension des mémoires. Pour le dire de façon assez directe, j'aurais aimé lire une version courte.
Au niveau de sa petite enfance, les souvenirs sont nécessairement reconstruits, j'ai trouvé cette reconstruction très intellectualisée, cela a créé pour moi une certaine distance qui a fait barrage à l'émotion que j'aurais pu ressentir.
Bien sûr mes réticences concernent le livre, aucunement la femme pour qui j'ai le plus grand respect. J'ouvre ½.
Séverine (45 ans, deux jours de plus que Fanny)
J'ai adoré ce livre, c'est un "page turner", cela doit être mon côté midinette. Je suis en train de lire La force de l'âge. Ce livre n'est pas artificiel, c'est d'une grande honnêteté, elle se livre, elle a conscience d'être une petite bourgeoise. On comprend comment son milieu l'a conduite à ses positions féministes. Ce livre se lit bien, il est très travaillé. Il y a de nombreuses références littéraires dont Le grand Meaulnes où on retrouve peut-être la notion de liberté. On vit son évolution dans le temps, son regard sur son époque. Comment peut-on trouver cela ennuyeux ?
J'ouvre en grand.
Denis
Je n'ai pas tout lu car j'ai eu le livre tardivement. J'ai commencé par le début, mais j'ai trouvé que cela se traînait beaucoup et je suis allé plus loin en sautant bien des pages. Peu à peu, j'ai été conquis par l'écriture, que j'ai trouvée remarquable de précision, au-delà des longueurs. Je me suis senti assez libre d'aller et venir dans le volume, puisque le récit est simplement chronologique et que je ne risquais pas de m'y perdre.
La relation avec Zaza m'a intrigué – surtout en découvrant, dans les lettres de la fin, qu'elles se vouvoient. Je suis donc remonté jusqu'à trouver la première apparition de Zaza. Je ne connais rien aux histoires de petites filles et n'ai pas lu grand-chose, mais cela m'a rappelé L'amie prodigieuse, par l'intensité de la relation, l'admiration de Simone pour Zaza. Rapprochement que je ne défendrais pas avec énergie... La relation avec Jacques, en revanche, ne semble guère intéressante pour Simone.
Ce qui m'a le plus intéressé, dans ma lecture superficielle, est la description des mœurs de ce milieu bourgeois très catholique. Je vois pas mal d'ironie dans ce que Simone nous en rapporte – 30 ans après, il faut bien le dire. C'est un tableau sociologique très riche et fouillé. Par exemple, l'analyse de ce que l'on qualifie de "inconvenant" dans ce milieu. J'ai connu des personnes dans ce style.
Les vidéos indiquées par Claire (celle avec Josée Dayan) montrent Simone sous un autre angle : elle souhaite être mieux connue d'un public plus large, et le cinéma constitue un tel moyen. Sans détour, simplicité, honnêteté, lucidité.
J'ouvre aux ¾, c'est un document extrêmement intéressant.

Annick A
Je l'ai lu à 20 ans et ce livre m'a beaucoup marquée, il a eu une influence sur ma vie. Je l'ai relu et je l'ai encore apprécié. C'est très bien écrit donc on ne tombe pas dans le côté midinette. Je ne situais pas Simone de Beauvoir dans la génération de ma mère, mais dans la mienne. C'est notre génération qu'elle a marquée, ce qu'elle décrit c'est ce que nous avons vécu avant mai 68. Il s'agissait d'un monde très catho et bourgeois, c'est le milieu que j'ai connu. Ce livre a un intérêt sociologique dans la description de toute une époque.

Séverine
C'est une femme bourgeoise qui a aidé à l'émancipation de plein de femmes.
Annick A
Elle parle avec légèreté de la guerre de 14. Son rapport à la foi et à la sexualité est très marqué par son milieu. Prendre un métier pour une femme, c'était déchoir.
Elle a une grande capacité d'analyse et d'introspection mais il y a quelques longueurs (notamment sur Jacques) et quelques répétitions.
Les intellectuels sont prisonniers de leur milieu.
J'attendais davantage du passage sur la perte de la foi, c'est décrit rapidement et de manière un peu pauvre. Elle donne l'image d'une petite enfance très heureuse, mais avec angoisse, mélancolie et solitude plus tard. C'est très bien analysé. La mère de Zaza, c'est une horreur !
Simone de Beauvoir passe par des moments de désenchantement, elle ne devient pas jalouse, elle se croit laide mais elle s'en fiche.
Il y a quelques longueurs. Mais j'ouvre en grand.
Brigitte
Le livre est paru en 58 et j'ai dû le lire dans les années 60. J'ai lu L'invitée, La force de l'âge, Les MandarinsUne mort si douce… et sans doute encore d'autres de ses œuvres. A l'époque cette lecture n'a pas transformé ma vie.
J'ai hésité et finalement je l'ai relu pour la réunion de ce soir. J'ai trouvé intéressant de le lire différemment 50 ans plus tard.
Dans les deux cas, j'ai trouvé le début un peu fastidieux, j'ai été plus intéressée à partir du moment où elle commence l'université. Elle a une vitalité et un dynamisme extraordinaires : elle mène de front trois disciplines, français, philo et mathématiques ; elle lit un nombre incalculable de livres ; elle donne l'impression de traverser Paris en un quart d'heure ,; vu par elle, Paris est beaucoup plus petit qu'en réalité. Simone est extrêmement intelligente, brillante et bosseuse mais elle en parle à peine, comme si cela allait de soi.
L'amie Zaza va en Allemagne, elle est accueillie comme Française sans hostilité malgré les guerres de 14 et 70, cela m'a frappée. Par ailleurs, j'ai été étonnée par le fait que tous ces étudiants de haute volée ne voyageaient pas, leurs parents non plus. Ce n'est pas forcément lié au milieu, mais à la culture intellectuelle. Maintenant, les jeunes de cette génération voyagent beaucoup.
J'ai été interpellée par le critique du Figaro (au moment de la sortie du livre) qui s'interroge sur la difficulté pour un enfant intelligent, telle Simone de Beauvoir, qui doit grandir dans une famille où les parents ne le sont pas.
J'ai également été frappée par le fait que les divers protagonistes rapportent très souvent qu'ils ont passé la nuit à pleurer ; j'ai l'impression qu'aujourd'hui, on parle beaucoup d'avoir la pression, d'être stressé, ou encore traumatisé.
Le lecteur ne réussit jamais à m'identifier avec elle, elle conserve toujours une distance, ou une sorte de sécheresse, c'est pourquoi, j'ouvre seulement à moitié.

Annick A
Elle a une haute idée d'elle-même.

Françoise
C'est ce qui a permis son émancipation.

Brigitte
Je pense que ce n'est pas pour s'émanciper qu'elle a autant travaillé. Le travail pour elle c'est normal, elle ne connaît pas la procrastination.

Annick A
C'est peut-être une reconstruction.

Séverine
C'est une cérébrale, davantage intellectuelle que romancière.
Françoise
Je l'avais lu dans ma jeunesse, vers 15-16 ans je pense, et j'avais tout oublié. Je l'ai relu complètement bien sûr. Je suis surprise de ne pas me souvenir au moins d'avoir été choquée par la description de ce milieu bourgeois, réactionnaire, obtus, car c'était à cent lieues du mien, il n'y avait pas de mariage arrangé, les mères ne lisaient pas la correspondance de leur fille – du moins pas ouvertement  – la religion n'avait pas la même importance.. Mais il est vrai qu'en lisant Simone, on la considérait comme étant de notre génération alors qu'elle était de celle de nos mères ! Je mesure maintenant tout le chemin parcouru, sa pugnacité, son travail acharné, ses luttes, et comment la pauvre Zaza en a été la victime. On est content que Simone s'en soit si bien sortie. Nous lui devions et devons beaucoup. Je suis très admirative.
Malgré des longueurs et des redites, c'est un livre pas exceptionnel mais important que j'ouvre en grand, sans doute par sentimentalisme, mais j'assume.
Jacqueline
N'étaient la curiosité de relire ce texte de Beauvoir lu dans ma jeunesse et le groupe lecture, je doute que j'aurais persévéré ! Il y a quelque chose d'un peu laborieux dans ce texte, pourtant soucieux de vérité et d'authenticité. Alors que dans Les mots, Sartre arrive avec ironie à nous faire sentir ses perceptions d'enfants avec les mots de l'écrivain qu'il est devenu, j'aurais aimé un plus grand recul de l'écrivain Beauvoir sur son vécu. Cette distance, elle apparaît au début de l'âge mur, mais plus comme une froide analyse et peut-être une justification que comme le travail de l'écrivain qu'elle veut être. Le recours parfois au journal qu'elle tenait m'apparaît plus comme un souci d'objectivité que comme une tentative de retrouver et transmettre un ressenti. Les emportements furieux, classiques, des jeunes enfants, sont vus de manière externe comme si elle ne les connaissait que par les récits qu'on lui en a faits. Peut-être cette critique me vient par comparaison avec des textes bien postérieurs d'autres femmes écrivains : Duras dans L'amant (après Un barrage contre le Pacifique dont il est d'une certaine manière une reprise avant d'être encore repris...) ou Annie Ernaux dans Mémoire de fille. D'une certaine manière, à une autre époque, celle de ma mère, le projet de Beauvoir me paraît très proche de celui d'Annie Ernaux : rendre compte d'une époque au travers de textes autobiographiques. Et ce qui me plaît chez Annie Ernaux n'est peut-être que la poursuite de ce qu'entreprenait Beauvoir... J'ouvre à moitié.
Lisa (avis transmis après la soirée)
J'ai été un peu ambitieuse, et je ne l'avais commencé qu'une semaine avant la réunion du groupe. Autant vous dire que je ne l'ai pas fini à temps (toujours pas fini encore).
Comme tout le monde, je connaissais Simone de Beauvoir, quelques aspects de sa vie et de son combat, mais rien de plus.
J'avais hâte de commencer ses mémoires. Et je n'ai pas été déçue.
Pour commencer, j'adore le style : un peu suranné mais facile à lire, en lisant je suis immédiatement transportée à ces années-là.
Je trouve l'aspect mémoires enfantines assez peu réussi : je doute que ce soit ses réactions et réflexions d'enfant, elle n'arrive pas vraiment à se glisser dans la peau de l'enfant et adolescente qu'elle était. Mais peu importe finalement : j'aime sa vision adulte des choses, je trouve intéressant de se replonger à cette époque, découvrir le poids de la famille, de la religion, etc.
Je ne l'ai pas encore fini mais je vais me délecter de ce livre jusqu'au bout.
J'ouvre en grand !

 

AVIS DU GROUPE DE TENERIFE réuni le 3 septembre 2019

Ana
La lecture de ce livre ne m'a pas enthousiasmée car il ne m'a pas émue ni passionnée. En outre je l'ai trouvé long, chargé de répétitions souvent exagérées. De fait, j'arrêtais la lecture souvent et je la reprenais quelques jours plus tard.
J'ai pourtant apprécié l'écriture, malgré la longueur des réflexions et des hésitations.
Ce que je considère très intéressant, c'est la personnalité de l'écrivaine : sa passion pour les études et pour la lecture ; sa brillante intelligence, son goût pour la liberté, sa forte volonté et même l'arrogance qu'elle manifeste : "Je suis sûre de monter plus haut qu'eux tous. Orgueil ? Si je n'ai pas de génie, oui ; mais si j'en ai comme je le crois, comme j'en suis sûre parfois, ce n'est que de la lucidité".
Elle aura dû connaître Sartre pour découvrir qu'elle n'était ni l'unique, ni la première. À découvrir la modestie, à être une femme un peu plus humble : "C'était la première fois de ma vie que je me sentais intellectuellement dominée par quelqu'un".

Nieves
Ce livre m'a intéressée.
D'abord parce que Simone de Beauvoir analyse avec subtilité et profondeur une période de grandes transformations des valeurs traditionnelles (famille, religion, société…) et elle le fait, non seulement en procédant à une introspection exhaustive sur elle-même, mais aussi à travers les personnages qui l'ont entourée et leurs différentes manières d'affronter leurs vies (Jacques, Pradelle, Zaza, les Normaliens).
Deuxièmement, j'ai beaucoup aimé l'écriture : ces descriptions de la nature, des relations avec de différents personnages… Il est vrai que je la trouve des fois un peu trop rude et excessivement érudite, comme les passages sur l'exploration de ses angoisses vis-à-vis de la religion, ou toutes ses oscillations sur le rôle qu'elle doit avoir dans la vie... Cependant, tous ces va-et-vient donnent un sentiment d'authenticité. On se croirait des fois à l'intérieur même de ses réflexions.
Puis, intéressant aussi pour la lucidité avec laquelle elle décrit le rôle de la femme dans son époque et la confiance dans son écriture comme moyen d'éveiller les consciences. Elle croit fermement en la littérature comme une arme de futur. Au fait, n'oublions pas qu'elle a commencé à écrire cette autobiographie près de 50 ans après la publication du Deuxième sexe. Croirait-elle que son témoignage personnel, le fait de parler de sa propre vie, pourrait arriver plus facilement aux lecteurs ?
Finalement, je trouve intéressante la clairvoyance avec laquelle elle décrit le contexte socio-politique où les bourgeois se montrent déroutés ou désespérément accrochés à leur mode de vie (sa mère, la famille de Zaza...), et où les jeunes, en particulier, n'ont pas le courage de changer l'ordre établi, sauf une minorité audacieuse dont Simone de Beauvoir et Sartre font partie.
Pour tous ceux qui, comme moi-même, avons vécu, ne serait-ce que de très loin, mai 68, le mouvement existentialiste et l'engagement de beaucoup de ces personnalités envers de causes diverses, Simone de Beauvoir ne peut nous être indifférente.
La question qu'on se pose vis-à-vis de ce livre, c'est comment à l'âge où elle l'a écrit, a-t-elle été capable de rendre avec autant de précision ses sentiments, émotions et pensées depuis son enfance jusqu'à sa première jeunesse ? Elle devait avoir une mémoire prodigieuse…

José Luis
Il s'agit, sans doute, d'un témoignage exhaustif très utile pour comprendre le fonctionnement d'une partie de la société française du premier tiers du XXe siècle, ainsi que de certains individus faisant partie de cette société. Le pouvoir écrasant de la religion et de l'argent et le poids étouffant des apparences y est présenté de manière précise et minutieuse.
Cela dit, je n'ai pas été capable d'apprécier l'écriture qui véhicule cette pertinente critique sociale. J'ai trouvé cette écriture très froide, très rigide, fade, manquant de chaleur, de gaieté, sombre, même aux moments où l'auteure parle de sensualité, de bonheur ou de joie. Surtout, pour le dire d'une manière sans doute un peu radicale et qui demanderait d'être nuancée : malgré la grande richesse du vocabulaire et la maîtrise scripturale, l'écriture me semble très conventionnelle à tel point que je me risquerai à affirmer qu'elle manque de style, de "signature". Je sais que je vais soulever des réactions emportées voire colériques, mais je mentirais si je m'exprimais autrement que je viens de le faire.

Nathalie
Comme beaucoup de jeunes filles de ma génération, j'avais lu ce livre adolescente, à sa sortie. Sartre étant mon père spirituel, Simone de Beauvoir devint aussi une référence pour moi. Eux deux m'ont ouvert le chemin de l'engagement social, ils incarnaient l'intellectuel.le engagé.e. Á l'époque, j'aurais aimé leur écrire, mais j'étais pétrifiée par leur aura et leur capacité intellectuelle. Qu'aurais-je pu leur dire du haut de mes quinze sinon ma profonde admiration. Cependant je reconnais volontiers que c'était davantage le message existentiel délivré que l'écriture qui m'avait subjuguée. Á quatorze/quinze ans, j'étais subjuguée par l'écriture tourmentée de Dostoïevski.
J'ai relu les Mémoires avec un réel plaisir. J'ai admiré de nouveau son honnêteté intellectuelle, la recherche du mot précis, sa force existentielle, son art pour restituer chaque étape de sa vie, de la petite enfance, petite fille modèle pour être aimée, l'adolescence, années de détresse et désespoir et enfin ses premières années de jeune fille et ses pointes d'humour (même si nous n'en n'avons pas touché mot lors de notre rencontre mensuelle). Sa soif d'absolu, son besoin de transmission me touchent profondément. J'ai envié sa force pour se confronter à tout un conditionnement social, éducatif et religieux, que moi-même je n'ai pas réussi, loin s'en faut. Le pouvoir qu'elle octroie à la littérature (lectrice éperdue, la lecture lui a permis de survivre, comme c'était souvent le cas à cette époque), à l'écriture, à l'introspection, sont édifiants. Elle a pu renoncer à l'admiration de son père et déchoir Dieu tout-puissant et s'insurger face à l'injustice faite aux femmes de sa génération également. Il me semble que ses commentaires sur ce que veut dire la difficulté d'être une femme restent encore d'actualité. Son cheminement initiatique est exemplaire. Tout son effort titanesque de transparence et cohérence me frappe encore.
Á aucun moment, j'ai souffert de l'ennui en relisant ce livre. J'ai été happée par son style fluide (même le timbre de sa voix me revenait), la rigueur de ses analyses dont elle fait une description minutieuse presque clinique créant une proximité et une identification aisée. Là se trouve son désir de transmission et sa générosité envers le lecteur. Certains peuvent penser que ce livre manque de qualité littéraire, pourtant le choix précis des mots est un art littéraire en soi. Puis son texte est traversé d'envolées lyriques quand elle parle de sa communion avec la nature. Lignes poétiques qui moi me laissent plutôt insensibles.
Ce fut de belles retrouvailles avec cette grande femme du XXe siècle mue par un désir farouche de liberté. Cette relecture s'est révélée être un bain de jouvence. Quelle belle leçon de parcours initiatique pour atteindre une liberté et une autonomie chèrement payées puisque Simone de Beauvoir remettra TOUT en question, soit un lourd tribut de solitude et détresse. Sa meilleure amie Zaza, elle ne pourra pas se libérer du carcan social et religieux et paiera de sa vie cette impossibilité. Au bout du compte, c'est l'histoire d'une libération d'un ordre établi, d'une personne déterminée à devenir soi-même et il s'agit d'un livre intentionnel qui a frayé une voie royale à l'émancipation, même si moi-même je ne suis pas devenue une femme émancipée. Peut-être pour cette raison je n'ai pas donné ce livre à lire à ma fille qui est une jeune fille maintenant. Je doute qu'elle ait pu apprécier ce témoignage à sa juste valeur et vivant depuis longtemps à Tenerife, je ne sais pas si aujourd'hui, au lycée, Les Mémoires de Simone de Beauvoir font partie du programme en Terminale.

 

UN PEU DE DOCUMENTATION SUR SIMONE DE BEAUVOIR
- Quelques dates
- Ses
publications (par "genres") : récits autobiographiques, roman, recueils de nouvelles, essais, théâtre...
- Des
articles sur Mémoires d'une jeune fille rangée

QUELQUES DATES
- 1908 : Naissance 103 boulevard du Montparnasse, à l’étage "noble", au-dessus du café de la Rotonde et face au Dôme... Père avocat et mère fervente catholique.
- 1910 : Naissance de sa sœur, Henriette (Hélène).
- 1913 : Elle entre, à cinq ans, au cours Adeline-Désir, un institut catholique privé pour les filles de la bonne société, 41 rue Jacob. Elle y reste jusqu’au bac. À dix ans, elle y rencontre Élisabeth Lacoin, "Zaza", sa grande amie.
- 1919 : Des revers de fortune obligent sa famille à déménager au 6e étage du 71 rue de Rennes, sans ascenseur ni eau courante, jusqu’en 1929.
- 1925 : Après un double baccalauréat de philosophie et de mathématiques élémentaires, elle prépare une licence de lettres classiques à l'institut Sainte-Marie-de-Neuilly, un certificat de mathématiques générales à l’Institut catholique, et une licence de philosophie à la Sorbonne, qu'elle termine en 1928.
- 1928-1929 : Elle se présente à la fois un diplôme d'études supérieures (sujet : "le concept chez Leibniz"), et au concours d'agrégation de philosophie. Pour préparer l’agrégation, elle étudie à la Sorbonne et suit les cours de la rue d’Ulm. C’est là qu’elle fait la connaissance de René Maheu (qui la surnomme "Castor"), Paul Nizan et Jean-Paul Sartre. En 1929, elles sont 4 femmes à être reçues et 9 hommes, sur 76 candidats. Beauvoir est deuxième derrière Sartre. Elle est, à 21 ans, la plus jeune agrégée de philosophie de France. Mort de Zaza. Pour être indépendante et s’éloigner en particulier d’une mère omniprésente, elle vit dans un petit studio appartenant à sa grand-mère, 91 avenue Denfert-Rochereau, de 1929 à 1931.
- 1931-1932 : Elle est nommée professeure un an à Marseille (elle s'y découvre une passion pour la randonnée), puis à Rouen (jusqu'en 1936). Sartre enseigne au Havre. À Rouen elle a pour élève Olga Kosakiewicz et collègue Colette Audry.
- 1936 : Le couple se retrouve à Paris. Elle enseigne au lycée Molière de 1936 à 1939. Expérience du trio : elle, Sartre, Olga. Elle habite en 1936-1937 à l’hôtel Royal-Bretagne, 11 bis rue de la Gaîté puis en 1937, à l’hôtel des Bains, 33 rue Delambre.
- 1937-1939 : Elle loue une chambre (et Sartre une autre) 24 rue Cels, à l’hôtel Mistral, de l’automne. 1938 : Liaison amoureuse avec Jacques-Laurent Bost.
- 1939 : Elle habite à l’hôtel du Danemark, 21 rue Vavin. Elle en est renvoyée du lycée à la suite de sa liaison avec Bianca Bienenfeld, l'une de ses élèves. Déclaration de guerre : Sartre est mobilisé, puis fait prisonnier lors de l'offensive allemande de 1940. Bost est blessé. Intense activité épistolaire.
- 1942-1943 : Elle habite à l’hôtel d’Aubusson, rue Dauphine et partage sa chambre avec deux lycéens, Nathalie Sorokine et Bourla.
- 1943 : Elle est suspendue de l'Éducation nationale, non pour détournement de ces deux mineurs comme on le dit souvent (cette affaire se clôt en effet par un non-lieu), mais parce que le recteur d’académie dénonce le fait qu’elle vit en concubinage, qu’elle enseigne Proust et Gide à ses étudiants et qu’elle affiche un mépris supérieur de toute discipline morale et familiale. Publication du roman L'Invitée : succès immédiat.
-1943-1946 : L’hôtel La Louisiane, 60 rue de Seine, est l’adresse de Beauvoir et Sartre.
- 1944 : Parution de l'essai Pyrrhus et Cinéas.
- 1945 : Elle est réintégrée à la Libération par arrêté, mais n'enseignera plus jamais. Pièce de théâtre Les bouches inutiles. Roman Le Sang des autres. Premier numéro de la revue Les Temps Modernes, que Simone de Beauvoir fonde avec Sartre, Raymond Aron, Michel Leiris, Albert Ollivier et Maurice Merleau-Ponty.
- 1946 : Roman Tous les hommes sont mortels.
- 1947 : Essai Pour une morale de l'ambiguïté. Premier voyage aux États-Unis. À Chicago, elle se lie avec Nelson Algren, son "amour transatlantique" (titre de la correspondance éditée par Sylvie Le Bon de Beauvoir, publiée après sa mort en 1997) : une relation passionnée des deux côtés.
- 1948-1955 : Elle habite 11 rue de la Bûcherie où elle écrira Le Deuxième sexe et les Mandarins. Elle y accueille Nelson Algren en 1949 puis Claude Lanzmann. 1948 : Séjour aux USA. Voyage avec Algren au Mexique et au Guatemala. Publication de L'Amérique au jour le jour, L'Existentialisme et la sagesse des nations. 1949 : Long séjour de Nelson Algren en France. Publication de Le Deuxième Sexe (deux tomes : Tome I : Les faits et les mythes et Tome II : L'expérience vécue) qui se vend à plus de 20 000 exemplaires dès la première semaine. 1950 : Séjour à Chicago et sur le lac Michigan avec Algren. 1951 : Séjour chez Algren. Ils correspondent jusqu'en 1964.
- 1952 à 1958 : Elle habite avec Claude Lanzmann.
- 1954 : Prix Goncourt pour son roman Les Mandarins.
- 1955 : Recueil d'articles Privilèges (réédité sous le titre Faut-il brûler Sade ?). Elle loge à partir de 1955 avec Lanzmann au 11 bis de la rue Victor-Schœlcher, elle y restera jusqu'à sa mort.
- 1957 : La Longue marche : essai sur la Chine, écrit après un voyage de deux mois en Chine, en 1955, avec Sartre.
- 1958 : Mémoires d'une jeune fille rangée, que suivront trois autres volumes de mémoires : La force de l'âge (1960), La force des choses (1963), et Tout compte fait (1972).
- 1960 : Long séjour de Nelson Algren à Paris ; ils cohabitent et voyagent ensemble. Elle s'engage contre la guerre d'Algérie, dénonce la torture pratiquée en Algérie et en métropole, signe "Le manifeste des 121" qui appelle à l'insoumission ; elle prend la défense de Djamila Boupacha accusée de terrorisme.
- 1964 : Publication d'Une mort très douce, qui évoque la mort de sa mère. Dans ce deuil, Simone de Beauvoir est soutenue par Sylvie Le Bon, étudiante en philosophie qu'elle adoptera en 1981.
- 1967 : Elle s'engage contre la guerre au Vietnam, participe au Tribunal Russell qui enquête sur les crimes de guerre des États-Unis et conclut au génocide.
- 1966-1968 : Retour au roman avec Les belles images et à la nouvelle avec le recueil La femme rompue.
- 1970 : Essai La vieillesse. Le volume est presque unanimement applaudi.
- 1971 : Elle lance avec des féministes le "Manifeste des 343", publié par Le Nouvel Observateur et Le Monde : 343 femmes, pour protester contre l'illégalité de l'avortement, déclarent publiquement avoir avorté, afin de provoquer un débat. Elle cofonde en juin, avec Gisèle Halimi, le mouvement Choisir pour aider les femmes en difficulté, en particulier pour l'avortement.
- 1972 : Elle témoigne en octobre au Procès de Bobigny, où une mère est poursuivie pour avoir aidé sa fille de 16 ans à avorter après un viol.
- 1974 : Elle devient présidente de La Ligue du Droit des femmes. Elle publie un numéro spécial des Temps Modernes, "Les femmes s'entêtent".
- 1975 : Elle se rend à Lisbonne avec Sartre pour soutenir la "Révolution des œillets".
- 1979 : Parution de Quand prime le spirituel (réédité sous le titre Anne, ou quand prime le spirituel), son premier ouvrage, refusé en 1938 par les éditions Gallimard et Grasset.
- 1980 : Mort de Jean-Paul Sartre.
- 1981 : Publication de La Cérémonie des adieux suivi de Entretiens avec Jean-Paul Sartre : août-septembre 1974, qui retrace les dix dernières années de son compagnon, et clôt ses mémoires.
- 1983 : Elle publie les Lettres au Castor et à quelques autres (Tome I : 1926-1939, et Tome II : 1940-1963), qui comprend la presque totalité de la correspondance qu'elle a reçue de Sartre. D'autres lettres seront retrouvées après sa mort. Elle reçoit le Prix Sonning, dit "le Nobel danois".
- 1984 : Publication de Simone de Beauvoir aujourd'hui, six entretiens de 1972 à 1982 avec Alice Schwarzer. Elle participe au film Le Deuxième Sexe, réalisé pour la télévision par Josée Dayan (on la voit ICI parler de ce film).
- 1986 : Décès à Paris, à l'âge de 78 ans.
PUBLICATIONS (par "genres")
•Récits autobiographiques
- 1948 : L'Amérique au jour le jour
- 1958 : Mémoires d'une jeune fille rangée
- 1960 : La force de l'âge
- 1963 : La force des choses
- 1964 : Une mort très douce
- 1972 : Tout compte fait
- 1981 : La Cérémonie des adieux suivi de Entretiens avec Jean-Paul Sartre : août-septembre 1974
Romans
- 1943 : L'Invitée
- 1945 : Le Sang des autres
- 1946 : Tous les hommes sont mortels
- 1954 : Les Mandarins tome I et tome 2
- 1966 : Les belles images
Recueils de nouvelles
- 1967 : La femme rompue
- 1979 : Quand prime le spirituel ou Anne, ou quand prime le spirituel
Essais
- 1944 : Pyrrhus et Cinéas
- 1947 : Pour une morale de l'ambiguïté
- 1949 : Le deuxième sexe Tome I : Les faits et les mythes et Tome II : L'expérience vécue
- 1955 : Privilèges
- 1957 : La Longue marche : essai sur la Chine
- 1970 : La vieillesse (rééditée en deux tomes : Tome I et Tome II)
- 1972 : Faut-il brûler Sade ? (réédition de Privilèges)
Théâtre
- 1945 : Les bouches inutiles
, pièce en deux actes et huit tableaux
Lettres de Jean-Paul Sartre à Simone de Beauvoir
- 1983 : Lettres au Castor et à quelques autres Tome I : 1926-1939, et Tome II : 1940-1963 (édition de Simone de Beauvoir)
Entretiens
- 1984 : Simone de Beauvoir aujourd'hui, six entretiens de 1972 à 1982 avec Alice Schwarzer.

Publications grâce à Sylvie Le Bon de Beauvoir
Fille adoptive et héritière de l'œuvre de Beauvoir, elle a publié après sa mort de nombreux écrits, en particulier sa correspondance avec Sartre, Bost et Algren :
- 1990 : Lettres à Sartre Tome I : 1930-1939 et Tome II : 1940-1963
- 1990 : Journal de guerre (septembre 1939-janvier 1941)
- 1997 : Lettres à Nelson Algren : un amour transatlantique, trad. de l'anglais par Sylvie Le Bon
- 2004 : Correspondance croisée avec Jacques-Laurent Bost
- 2008 : Cahiers de jeunesse (1926-1930)
- 2013 : Malentendu à Moscou, nouvelle, L'Herne
•Deux albums sur Simone de Beauvoir
- 2008 : Simone de Beauvoir : écrire la liberté, Sylvie Le Bon de Beauvoir et Jacques Deguy, Découvertes Gallimard #990033
- 2018 : Album Simone de Beauvoir, Sylvie Le Bon de Beauvoir, La Pléiade
•Présentation par Michel Kail
- 2017 : Idéalisme moral et réalisme politique : quatre articles parus dans Les Temps modernes ("L'existentialisme et la sagesse des nations", "Idéalisme moral et réalisme politique", "Littérature et métaphysique", "Œil pour œil")
Sur Mémoires d'une jeune fille rangée

•Sur le livre : pour rendre compte de l'ambiance de l'époque, voici à titre d'exemple, un article lors de sa sortie, par Émile Henriot, "de l'Académie française", dans Le Monde du 7 janvier 1959.

(Émile Henriot (1889-1961), poète, écrivain, essayiste, critique littéraire, fit partie de l'équipe fondatrice du Monde et y tint "le feuilleton littéraire" jusqu'à sa mort.
Dans Le Monde du 22 mai 1957, il contribua à populariser le terme de "nouveau roman" à propos de La Jalousie d’Alain Robbe-Grillet et à Tropismes de Nathalie Sarraute (tous deux chez Minuit).)

• Sur l'écriture : l'écriture de Simone de Beauvoir "a toujours été minorée par la critique et même déclassée esthétiquement". Un article étayé de Sandrine Vaudrey-Luigi fait le point sur "Unité et valeur stylistique des Mémoires d'une jeune fille rangée" (Journée d'études Simone de Beauvoir, 6 octobre 2018)

 

Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :

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