Une langue venue d'ailleurs, préface de Daniel Pennac, Gallimard, coll. L'un et l'autre, 2011,
280 p. ; Folio, 2013, 272 p.

Quatrième de couverture :

 "Le jour où je me suis emparé de la langue française, j’ai perdu le japonais pour toujours dans sa pureté originelle. Ma langue d’origine a perdu son statut de langue d’origine. J’ai appris à parler comme un étranger dans ma propre langue. Mon errance entre les deux langues a commencé… Je ne suis donc ni japonais ni français. Je ne cesse finalement de me rendre étranger à moi-même dans les deux langues, en allant et en revenant de l’une à l’autre, pour me sentir toujours décalé, hors de place. Mais, justement, c’est de ce lieu écarté que j’accède à la parole ; c’est de ce lieu ou plutôt de ce non-lieu que j’exprime tout mon amour du français, tout mon attachement au japonais.
Je suis étranger ici et là et je le demeure
."
Akira Mizubayashi


Âme brisée
, Gallimard, coll. Blanche, 2019, 256 p.

Quatrième de couverture :

Tokyo, 1938. Quatre musiciens amateurs passionnés de musique classique occidentale se réunissent régulièrement au Centre culturel pour répéter. Autour du Japonais Yu, professeur d’anglais, trois étudiants chinois, Yanfen, Cheng et Kang, restés au Japon, malgré la guerre dans laquelle la politique expansionniste de l’Empire est en train de plonger l’Asie.
Un jour, la répétition est brutalement interrompue par
l’irruption de soldats. Le violon de Yu est brisé par un militaire, le quatuor sino-japonais est embarqué, soupçonné de comploter contre le pays. Dissimulé dans une armoire, Rei, le fils de Yu, onze ans, a assisté à la scène. Il ne reverra jamais plus son père... L’enfant échappe à la violence des militaires grâce au lieutenant Kurokami qui, loin de le dénoncer lorsqu’il le découvre dans sa cachette, lui confie le violon détruit. Cet événement constitue pour Rei la blessure première qui marquera toute sa vie...
Dans ce roman au charme délicat, Akira Mizubayashi explore la question du souvenir, du déracinement et du deuil impossible. On y retrouve les thèmes chers à l’auteur d’Une langue venue d’ailleurs : la littérature et la musique, deux formes de l’art qui, s’approfondissant au fil du temps jusqu’à devenir la matière même de la vie, défient la mort.


Âme brisée
,
Folio, 2021, 272 p.

Quatrième de couverture :

"Rei éprouva comme une brûlure d’estomac, une chaleur acide, à la fois intense et diffuse, qui vous monte à la gorge. Un énorme bloc d’émotions glacées se mettait à fondre peu à peu sous l’effet de cette chaleur intérieure dormante. Le temps se défossilisait, recommençait à trembler."

Tokyo, 1938. En pleine guerre entre le Japon et la Chine, quatre violonistes amateurs se réunissent régulièrement pour répéter. Un jour, ils sont interrompus par des soldats, soupçonnés de comploter contre le pays. Caché dans une armoire, Rei assiste à l’arrestation de son père. Cet événement constitue pour lui la blessure première qui déterminera son destin... Mais le passé peut-il être réparé ?

Akira Mizubayashi (né en 1951 au Japon)
Une langue venue d'ailleurs (2011)
et, si possible : Âme brisée (2019)

Nous lisons ce(s) livre(s) pour le 3 juin 2022.
Le groupe de Tenerife a lu le premier en mars, puis l'autre en avril, nous donnant l'idée de découvrir cet auteur.

UN PETIT PEU DE DOC
Pennac préfacier, Pontalis éditeur : comment est né ce livre ?
Pourquoi ce titre "Une langue venue d'ailleurs" ?
Publications d'Akira Mizubayashi

Presse : critiques, interviews

Nos cotes d'amour

Une langue venue d'ailleurs
José LuisNieves
Annick LClaire

Entre etCatherine
FannyJacquelineMaevaMonique LRenée
FrançoiseSéverine
EtienneLauraMuriel

Âme brisée
José LuisNieves

Renée
Entre etCatherineMuriel
Annick LBrigitteClaireFrançoiseMonique L
Nathalie


Avis TRANSMIS, lus en début de séance

Laura (Une langue venue d'ailleurs)
Pour le dire très honnêtement, je n'ai sincèrement pas aimé le livre, mais alors, vraiment pas. Je l'ai quand même terminé, donc il ne peut pas prétendre à une place sur le podium de ces livres qui me rapprochent malencontreusement de la mort. Mais, si je l'ai terminé, c'est que j'avais au cours d'un dernier voyage 12h de bus à subir, et que je n'avais rien d'autre à lire : autant dire que je l'ai lu à mon insu. Je suis actuellement de nouveau en voyage et n'ai pas le livre sur moi, donc si je parle de certains passages, je ne pourrai pas en mentionner la page.
Plus j'y réfléchis, plus je me rends compte que je n'ai RIEN aimé, du protagoniste/auteur aux citations de Rousseau. Déjà, d'où sort cette manie de vouloir dévoiler sa vie aux yeux de tous ? Bon, Annie Ernaux fait bien de même, mais il y a une certaine fureur de vivre chez elle que Mizubayashi n'a pas. Lui, il est ennuyeux. Et orgueilleux. Et narcissique. Blabla que mon papa m'a offert ceci après un an d'économie, comme je suis chanceux. Blabla que je suis tellement doué que j'ai une bourse pour Montpellier. Blabla l'ENS. Blabla Althusser qui a étranglé sa femme, mais il est tout de même un homme extraordinaire, la mort de sa femme n'est qu'un fait divers commenté par des imbéciles. Pour dire tout cela plus sérieusement, je n'ai pas trouvé l'intérêt de l'ouvrage : bien qu'il partage une expérience peu commune aux lecteurs et lectrices, j'ai surtout eu la sensation que l'auteur prenait un malin plaisir à s'encenser tout en se diminuant à la fois. Je pense par exemple au début de l'ouvrage, qui est une accumulation des hontes qu'Akira à pu ressentir une fois arrivé en France (par exemple : "merci beaucoup, monsieur" au lieu de "madame"). Ce qui est étonnant, c'est que je n'ai pas trouvé cela spécialement drôle, j'ai plutôt eu l'impression que tout dans cet ouvrage sonnait faux, bien que tout puisse être vrai, je ne le nie pas. Mais plus encore, lui qui proclame que le personnage principal de son livre est la langue française, je garde cette croyance que c'est bien sa vie exposée au grand jour qui l'est. Il proclame son amour pour le français, pour Rousseau, pour Mozart, pour les femmes suzannesques. Mais il semble surtout amoureux d'un idéal (des femmes, de l'écriture, de la musique), et de sa propre gloire à travers le français.
Autre point qui m'a énervée et qu'il me paraît nécessaire de mentionner : appeler Rousseau et Mozart par leurs prénoms, et croire qu'en tant que littéraire, il a tout compris à Rousseau. Dans son Discours sur les sciences et les arts, Rousseau parle de l'être et du paraître, bien, mais il ne considère pas en premier lieu que les arts peuvent sauver l'humanité. Bien au contraire, Rousseau propose une argumentation circulaire pour expliquer la cause des vices des hommes et donner une solution. Ce sont les arts, qui mènent au luxe et qui détournent du travail (aux champs, dans les batailles) qui créent en premier lieu les vices des hommes. Plus il y a d'arts, plus il y a de vices. Mais, pour Rousseau, le seul remède à ces vices, ce sont les arts eux-mêmes, des arts policés (à la manière des poètes de la cité idéale de Platon, voir La République, ou encore de Proudhon, voir Du principe de l'art et de sa destination sociale), autant dire qu'il s'agit presque de soigner le mal par le mal. Bref, ce n'est pas ce qu'Akira semble avoir compris de Rousseau. Un second point sur Rousseau : Mizubayashi pense que la langue française est une langue chantante, musicale (c'est en partie pour cela qu'il l'aime), et que Rousseau soutient cette thèse. Or, ce n'est pas le cas. C'est au chapitre XX de son Essai sur l'origine des langues que Rousseau parle des langues chantantes. Pour lui, toutes les langues étaient chantantes à l'origine, c'est ce qui permettait de faire naître l'amour entre les citoyens, c'est ce qui était la condition de la liberté du peuple et de la démocratie. Or, pour Rousseau, peu de langues sont restées chantantes à son époque, et certaines comme le français, seraient devenues simplement utilitaires. Bref, même si l'auteur a rédigé son mémoire sur Rousseau, on ne me la fait pas.
Je n'ai pas grand-chose d'autre à dire, mis à part que je me demande : pourquoi une sorte d'autobiographie pour le club ? Je ferme complètement.
Séverine (Une langue venue d’ailleurs)
Mon avis va être succinct. Parce que j’ai lu ce livre de façon si décousue que mon esprit en est confus et surtout parce que sans avoir détesté, je ne peux pas dire que ça m’ait vraiment séduite. J’ai été de prime abord intéressée car tout ce qui touche au Japon m’a toujours interpellée, même si je ne connaissais pas cet auteur. Je tiens à saluer sa prouesse d’écriture du seul fait que le français n’est pas sa langue maternelle. Je dirai ensuite que ça n’est pas tant l’aspect littéraire du livre qui a retenu (un peu) mon attention que l’aspect sociologique. Alors oui, il parle très bien de la difficulté à s’approprier une langue mais ce que je retiens c’est ce temps formidable (?) de l’avant-digital où ce passionné demande à un professeur de français de lui enregistrer la lecture d’un texte pour pouvoir le réécouter, où il écrit à la main les textes pour se les approprier… Je trouve fascinant ce culte de l’effort qui commence à faire défaut dans nos sociétés modernes. Il témoigne bien de la patience qu’il faut pour apprendre une langue (de façon imparfaite même s’il semble vraiment bien se débrouiller !!!), à l’image de la musique. Bref, je ne peux pas dire que ce livre m’ait coulé dessus, même si toutes les références littéraires m’ont parfois fatiguée… même (bis) si certaines m’ont rappelé ma jeunesse universitaire. Donc, j’ouvre un quart.
Jacqueline(Une langue venue d'ailleurs)
Je regrette beaucoup de ne pas pouvoir venir ce soir, je suis curieuse de vos avis. J'avais lu le livre il y a trois semaines et je regrette aussi qu'un emploi du temps très chargé m'ait empêchée de le relire plus attentivement pour étayer ce que je peux dire. Ce livre m'a laissé le souvenir d'une lecture facile dans un bon français classique, dans un style standard avec quelque chose d'un peu naïf... Certains m'ont parfois amusée, ou intriguée, comme le fait de trouver stéréotypée la langue de la contestation de 68 pour se réfugier dans le long travail d'apprentissage du français ou comme la découverte de son parcours universitaire... C'est un récit de vie, distancé et lisse, qui m'a paru un peu convenu sans que je puisse dire si cela tient à la pudeur du narrateur ou au style... Une première lecture qui me laisse dubitative. J'ai trouvé beaucoup de fraîcheur à ce qu'il dit de son rapport à la langue. Cependant est-ce vraiment original ? Je suis dubitative. J'ouvre à moitié.
Renée(Une langue venue d'ailleurs)
Ce roman autobiographique d'un rêveur qui ne se reconnaît pas dans la langue japonaise et qui, attiré par la France du siècle des Lumières, décide d'apprendre le français, est un bel hommage à la langue française qu'il compare à de la musique. D'après Haruki Murakami (Des hommes sans femmes), "la langue que nous parlons nous constitue en tant que personnes". Pour lui, les Japonais, ayant encore récemment des dialectes pratiqués journellement, ont l'impression de changer de personnalité en changeant de langue.
En dépit de quelques belles pages de méditation, d'envie d'ailleurs, je me suis profondément ennuyée à cette lecture.
On retrouve l'abnégation des parents japonais qui se sacrifient pour l'éducation de leur progéniture : achat d'un piano, d'un magnétophone et de nombreux livres. J'ouvre ½.
Renée(Âme brisée)
Cette très belle histoire d'un enfant japonais qui perd son père violoniste, le voit emmené par la police et ne garde de lui qu'un violon dont l'âme est brisée, comporte quelques superbes pages sur la musique d'Alban Berg et Bach.
Je reste insensible aux retrouvailles d'Yanfen et Jacques/Rei, ainsi qu'à la rencontre avec la descendante du lieutenant Kurokami, qui me semble un peu tardive et artificielle.
J'ai pris plaisir à lire ce livre, mais je ne l'ouvre qu'aux ¾ (hésitation avec ½ !) car je m'ennuie toujours un peu avec cet auteur.
Etienne(Une langue venue d'ailleurs)
Je ne vous parlerai que d'Une langue venue d'ailleurs car, aillant hésité au départ à lire Âme brisée dans un premier temps après les chaudes recommandations du groupe, je me suis finalement ravisé.
Ma lecture a bien débuté, ponctuée par ce sentiment d'admiration envers quelqu'un qui maîtrise aussi bien notre langue surtout venant d'une culture aussi éloignée ; j'étais tout de même abasourdi qu'on puisse arriver à intégrer à ce point une langue pour la faire sienne. Le déroulé est plaisant et a tout du récit initiatique sympathique. Mais... Peu à peu mon sentiment s'est transformé en une lassitude puis une gêne et sur la fin par un franc ras-le-bol. Cette déférence maladive à outrance envers les lettres et l'"art de vivre" français m'ont mis mal à l'aise. Ce côté premier de la classe, un peu tête à claque... Et puis ces longs passages enamourés et brouillons sur la langue française, j'y ai ressenti une forme de stérilité créative : du remplissage. Un gloubi-boulga indigeste autosatisfait.
Il aurait pu parler de l'immission de la structure grammaticale de la langue française sur sa pensée lors de son retour au Japon et comment cela cohabite, de la façon dont il communique avec sa femme ou sa fille (quelques lignes...) ; mais non, il passe sous silence le plus intéressant et préfère nous parler de ses analyses de textes de Rousseau (ça demande moins d'effort).
Non, Akira Mizubayachi ne m'a pas convaincu et j'ai l'impression que ce livre a été publié par complaisance. Je ne lirai donc pas son roman et ferme ce livre.
À bientôt pour une rencontre réjouissante autour d'Ibsen !

Avis EN DIRECT, en présence ou à l'écran

Nathalie(Âme brisée)
J'ai lu ce livre à la façon d'un conte, très doux, plutôt lent.
Peu de surprises, de nombreux passages explicatifs un peu pénibles par le biais des passages dialogués, très souvent plus que plats. "Bon appétit, Hélène"/"Merci, bon appétit à toi aussi"... L'écriture soignée cherche parfois tout à coup à faire "français" comme par exemple "sous le parasol du bistrot". Le style reste conventionnel, assez ennuyeux. Pourtant, p. 181, une seule phrase pour un chapitre, m'a fait penser à une banderole d'idéogrammes. Ça aurait été joli de le faire apparaître sous cette forme, puisque des portées de notes ont été également insérées. La musique est très présente : cela ne m'a pas intéressée, excepté la réflexion sur la valeur des musiques militaires.
J'ai relevé deux réflexions qui m'ont plu : "La mélancolie est un mode de résistance" (p. 39) et "Mon individualité est tout de même autre chose que ce si est défini par le hasard de la naissance" (p. 43), mais elles me semblent jetées dans le récit sans être illustrées.
J'ai beaucoup aimé la scène d'ouverture, très intense. Le lecteur peut s'identifier facilement à cet enfant - témoin silencieux - envahi peu à peu par la peur et l'incompréhension des événements qui se jouent à ses oreilles d'enfant.
Certains artifices narratifs n'ont pas fonctionné avec moi, par exemple l'épisode du chien qui le suit et ce choix non explicité que tous les chiens de sa vie porteront le même nom. Cela m'a fait penser à un livre d'Elizabeth von Arnim qui s'appelle Tous les chiens de ma vie, considéré par certains comme un petit bijou et que j'ai lu avec plaisir.
Le roman fonctionne par scènes, cela devient vite un peu gênant. Je n'aime pas quand la trame narrative est trop perceptible.
Quant au personnage de Jacques et à sa vie affective, cela m'a laissée circonspecte. Je trouve le récit de la rencontre de Jacques et Hélène complètement décalé avec l'époque. Cette rencontre amoureuse n'en finit pas de s'étaler dans le temps de façon démesurée et si faiblement passionnelle, c'est peu de le dire ! "Des jours passèrent, puis des semaines et des semaines", "le souvenir même de leur rencontre éphémère fut bientôt enfoui" (p. 105), "deux années passèrent encore" (p. 110) et enfin ils s'embrassent (p. 116) ! Le summum selon moi étant qu'après tous ces longs mois à la fréquenter le narrateur énonce : "Le jeune homme fut surpris par la beauté discrète d'Hélène" (p. 112). C'est Jacques qui choisit la brasserie et l'écrivain son nom "Au buisson ardent" ! Tu parles ! Le personnage de Jacques en amour aurait tendance à me donner des boutons. Il passe son temps à se tromper en présentant Hélène, la présentant plusieurs fois comme sa femme, puis aussitôt rectifiant et la présentant comme sa compagne. Ça en devient un peu grotesque. Et le lecteur peut s'étonner qu'ils ne se marient pas.
À cette vision très décalée, on peut ajouter qu'Hélène sent le besoin d'être casée : "Elle prenait conscience que les années passaient et qu'elle atteignait elle aussi un âge où le mariage se profile à la conscience des jeunes filles" (p. 111) . C'est un personnage effacé, au service de son compagnon. Les femmes n'ont pas beaucoup la parole dans le récit, c'est le moins que l'on puisse dire. Même Midori, à laquelle Jacques offre le violon restauré, se trouve "privée de parole" (p. 175). De même, pour l'épouse qui se plaint de son taiseux de mari mais qui l'accepte : "Ma mère se plaignait du caractère taciturne et renfermé de mon père" mais elle disait "il faut le comprendre" (p. 150).
C'est une belle histoire, mais l'écriture en est décevante. Ça ne fonctionne pas pour moi.
Pour conclure, ce n'est pas le livre de l'année, mais j'aurai plaisir à l'offrir à d'aucunes qui aiment les histoires douces et sirupeuses. Je l'ouvre ¼.
Brigitte à l'écran(Âme brisée)
Les premiers avis exprimés ne m'ont pas donné envie de lire Une langue venue d'ailleurs... Les prochains seront peut-être plus convaincants !
Dans Âme brisée, tout m'a semblé trop parfait. Il y a un seul méchant, très méchant : le sous-officier de la scène initiale. Les autres personnages n'ont aucun défaut, ils sont honnêtes, patients, travailleurs, généreux…, musiciens bien sûr. On ne construit pas un roman avec ça. Selon moi, nous sommes en présence d'un récit mythique, issu de la culture japonaise. C'est l'histoire du bien confronté au mal absolu.
La langue, elle aussi, est un peu trop parfaite.
Toute cette perfection me tient à distance des personnages et m'empêche de m'identifier à aucun d'entre eux.
Heureusement, l'omniprésence de la musique m'a permis de cheminer jusqu'au bout avec Mizubayashi.
Ce texte tellement travaillé m'apparaissait comme l'exercice abouti d'un excellent élève ; mais la lecture des avis de José Luis et de Nieves a fait évoluer mon point de vue. Elle m'a obligée à décaler ma position de française "native" pour m'ouvrir à celle des lecteurs dont le français n'est pas la langue maternelle. Je trouve très émouvante leur "passion" pour notre langue. Nous, Français, réagissons peut-être un peu trop souvent comme des enfants gâtés, toujours insatisfaits, et peu aptes à nous regarder de l'extérieur.
Je terminerai quand-même en disant que, si je n'avais pas su que Mizubayashi écrit en français, j'aurais volontiers cru que Âme brisée était un récit très bien traduit du japonais.
Ce fut néanmoins une lecture très intéressante. J'ouvre à moitié.
Fanny(Une langue venue d'ailleurs)
Je suis assez mitigée.
J'ai bien aimé le parallèle entre l'apprentissage de la langue et de la musique.
J'ai trouvé le récit authentique, je l'ai lu facilement. Mais je rejoins Laura quand il se met en avant en s'autoflagellant.
C'est surtout son style… je suis certes admirative qu'il écrive en français. Il lui manque les mots d'émotion et de la langue parlée, explique-t-il, c'est intéressant. Mais c'est ampoulé sur la théorie. Oui, comme dit Brigitte, c'est un devoir, travaillé. Il y a une alternance entre sa vie et la théorie avec des citations qui me perdaient - références et façons de s'exprimer, qui m'ont ennuyée.
La fin avec la naissance de sa fille, c'est intéressant, mais pourtant j'ai été rapidement perdue, ne voyant pas où ils vivent, et ça tourne en longueur, je pense à ma mère… à la mort… je n'y comprenais plus rien, c'est indigeste et ça apporte peu.
Bref, j'ouvre ½ pour cette lecture contrastée, intéressante sur la manière de s'approprier une langue.
Françoise(Une langue venue d'ailleurs)
Je l'ai commencé, j'ai cru l'avoir déjà lu et j'ai été extrêmement déçue. J'attendais autre chose de cet auteur qui s'est si bien approprié la langue. Finalement, j'attendais plutôt un essai sur son approche de la langue française, sa comparaison avec le japonais, etc., qu'une autobiographie qui m'a lassée au bout d'un moment, car je n'ai ressenti aucune empathie. Alors je l'ai laissé tomber. J'ouvre ¼.
Françoise(Âme brisée)
Je l'ai lu en entier et c'est vraiment un roman. Le commencement accroche, alors que la suite traîne. Mais j'ai trouvé qu'il y avait des passages émouvants, notamment sur la musique et cela sauve le livre.
Le retour vers le passé se découvre petit à petit, c'est un peu en dents de scie. S'il avait davantage ramassé son récit avec moitié moins de pages, cela aurait été plus percutant. C'est un peu la berceuse. Je rejoins Brigitte sur les auteurs qui n'écrivant pas dans leur langue maternelle et qui dégagent une écriture avec plus d'ampleur, Makine par exemple. J'admire cet acquis, mais pour moi ce n'est pas un bon auteur. J'ouvre ½.
J'avais lu Mélodie mais ne le lisez pas ça vous agacera si vous n'avez pas (eu) de chien ; moi, cela m'a touchée et je l'ouvre aux ¾. J'avais également bien aimé un livre très court, Petit éloge de l'errance.
Catherine entre et(Une langue venue d'ailleurs)
J'ai été intéressée par l'apprentissage de la langue, notamment lorsqu'il dit qu’il se sentait enfermé dans la langue japonaise, trop rigide. J'ai aimé tout ce qui concerne la musique et j'ai tout écouté en même temps. J'ai aimé aussi lorsqu’il détaille les différences entre les deux langues, par exemple la langue française qui utilise les expressions appellatives.
C'est par contre noyé dans des références littéraires que je n'ai pas.
J'ai été scotchée qu'il soit tombé amoureux de la langue française en lisant Rousseau dont je ne suis jamais arrivée à finir un livre... Mais ensuite c'est trop bien écrit, c'est scolaire, ça manque de relief, de souffle.
Et c'est incroyable de l'entendre parler français sans accent - c'est une performance.
Catherine entre et(Âme brisée)
Pour moi, ça a marché, c'est une très jolie histoire, un peu trop jolie même. J'ai beaucoup aimé le début avec l'enfant dans le placard, ce qu’il raconte de son père, de l’apprentissage du violon de son frère, les voyages en train pour ses leçons, l’achat du magnétophone. Et aussi le passé de son père. L'histoire d'amour ensuite est surréaliste, il s'est trompé au moins d'un siècle et demi.... La fin est un peu too much.
J'ouvre les deux livres entre ½ et ¾ car j'ai eu un plaisir de lecture indéniable.

Annick L à l'écran(Une langue venue d'ailleurs)
Dans la foulée de Catherine, je vous trouve assez sévères pour ce livre-témoignage …
Je partage l'intérêt de l'auteur-narrateur pour les langues étrangères, ayant poussé mes études en anglais et en allemand jusqu'en fac, pour le plaisir de m'ouvrir à d'autres cultures et de pouvoir élargir mes possibilités de communication. Mais j'ai été surprise par le rapport que Mizubayashi instaure avec le français : un engagement total qui l'amène à quitter le Japon (et sa famille), à y consacrer sa vie. Cette rupture s'accompagne d'un rejet profond de sa langue maternelle de sa culture d'origine : une démarche singulière par ce désir de se construire une nouvelle identité dans cette langue choisie. Il nous donne quelques clefs pour comprendre les raisons de son malaise, entre autres à travers l'histoire de son père (auquel il rend un hommage émouvant) qui a subi les contraintes de la société japonaise nationaliste et impérialiste de son époque (le mythe de la France terre de liberté et des droits ?).
J'ai beaucoup aimé les parallèles entre la musicalité du français et la musique créée par certains compositeurs (Mozart par exemple). J'ai été intéressée également par la dimension sociologique de son analyse comparative des deux langues, par exemple dans l'usage de la fonction appellative, absente du japonais. Une caractéristique que j'ai découverte ! J'ai été touchée par ses maladresses en société, en France, comme au Japon, comme s'il restait un peu étranger dans l'un comme dans l'autre pays.
Mais je me suis beaucoup ennuyée tout au long de l'évocation de son parcours universitaire, bourré de références un peu pédantes. Et je ne partage pas sa passion pour Rousseau... J'ouvre aux ¾.
Annick L(Âme brisée)
Le livre commence très fort avec la scène inaugurale dans l'armoire, puis la plongée dans le monde de la musique, comme une forme de thérapie, de résilience. Mais, à partir de la rencontre de Jacques/Rei avec Hélène, qui aurait pu nous entraîner dans une belle romance, j'ai décroché, à cause de son style que je trouve vieillot et ampoulé. On n'écrit plus ainsi aujourd'hui :

"Une simple baguette en bois de pernambouc s'était transformée en un bel objet…d'une mystérieuse beauté qui faisait penser à…un navire céleste voguant sur les flots argentés des nuages"

"Ni Hélène, ni Jacques ne pensaient plus l'un à l'autre sans pour autant que l'empreinte du sourire échangé se fossilisât au fond du puits ténébreux de leur mémoire"

"Un énorme bloc d'émotions glacées se mettait à fondre peu à peu sous l'effet de cette chaleur intérieure, semblable à celle d'un ours noir d'Amérique en somnolence hivernale, s'éveillant lentement"

Ces maladresses d'écriture m'ont empêchée d'apprécier le reste de l'histoire. J'ouvre au ¼.
Monique L (Une langue venue d'ailleurs)
Le fait d'adopter une autre langue que sa langue maternelle pour écrire m'a toujours fascinée. Je me suis donc lancée dans la lecture avec intérêt.
C'est un livre difficile à classer, entre le récit autobiographique et l'essai. Il s'agit d'un texte exigeant rédigé par un intellectuel cultivé qui manie la langue française à la perfection, dans un style classique très rousseauiste.
L'auteur se lance dans l'étude du français parce qu'insatisfait de sa propre langue. Ce passionné de musique et de Mozart est attiré par la musicalité de la langue française. Il est comme amoureux de cette langue et son discours dithyrambique en devient souvent lassant. Il y a des passages très intéressants mais noyés dans cet éloge de la langue et de ses maîtres ou intellectuels rencontrés auxquels il porte une véritable dévotion. Par exemple, lorsqu'il développe l'idée que parler une langue n'est pas seulement prononcer des mots, mais également adopter une manière de réfléchir et de penser. Le passage où il évoque sa difficulté à saluer les gens inconnus a été une découverte et j'aurais aimé plus de révélations de ce genre.
Il développe une réflexion intéressante sur le bilinguisme. Il cherche l'accord parfait de l'être et du paraître à travers la langue. Il cherche à parler au plus juste. Tout cela aurait pu me passionner mais cela n'a pas été le cas. Cet apprentissage forcené du français m'a gênée, voire agacée. J'ai même trouvé cela assez ennuyeux. Cette lecture m'a été fastidieuse, sans doute à cause du caractère obsessionnel de l'auteur dont les erreurs de français auraient pu être, par exemple, abordées par l'humour. J'ouvre à ½.
Monique L (Âme brisée)
Un roman que j'ai lu sans déplaisir mais sans beaucoup de passion non plus.
Le début du roman était prometteur, mais j'ai eu du mal par la suite. La description de la rencontre du luthier et de l'archetière m'a paru inutilement longue. Je n'ai pas été émue car j'ai trouvé cette histoire artificielle, malgré le tragique du thème initial. L'enchaînement est difficile à croire - le pull rose miraculeusement conservé entre autres.
Ce récit est une suite de bons sentiments, des coïncidences incroyables et de hasards qui font bien les choses. Cela m'a paru laborieux. Je suis restée à distance des personnages qui à mon avis manquent de profondeur et sont trop lisses. Les dialogues sont assez plats et creux.
Heureusement il y a la musique. J'ai réécouté les morceaux évoqués :
- Schubert : Rosamunde
- Bach : Partita pour violon seul nº 3 - Gavotte en Rondeau
- Beethoven : Symphonie n°7
- Alban Berg : Concerto à la mémoire d'un ange.
Les commentaires de l'auteur sont parfois poétiques, d'autres trop didactiques et c'est dommage.
Je me suis renseignée sur les livres et auteurs que je ne connaissais pas : Le bateau-usine de Kobayashi et Dites-moi comment vous allez vivre (Et vous comment vivrez-vous ?) de Yoshino. C'est dommage que l'auteur n'en ait rien dit alors que ces livres pour moi inconnus sont très importants pour les Japonais et surtout ne sont pas neutres.
Je pense que ce qui m'a gênée, c'est le côté japonisant d'une écriture toute en retenue, qui décrit sans entrer dans la psychologie des personnages. Le récit m'a paru tout plat, sans saveur, ne parvenant pas à faire surgir une quelconque émotion, alors que j'ai l'impression que c'est le contraire de ce que recherchait l'auteur. Il n'y a pas d'élan, juste des faits exposés les uns à la suite des autres. Certaines envolées lyriques m'ont agacée.
Pourtant la construction du roman est intéressante avec les reprises de la scène initiale relatée suivant des points de vue différents. J'ouvre à ½.
Muriel (Une langue venue d'ailleurs)
Ça m'a barbée, je l'ai rapidement fermé.
Muriel entre et(
Âme brisée)
Dès le début du livre, j'ai pensé à une histoire vraie : un enfant enfermé dans un placard avec sa mère, tandis que son père est emporté... non... ça ne vous dit rien ? Serge Klarsfeld !
Comme je joue du violoncelle, l'archetière et ce milieu de luthiers, ça m'a plu. Et l'histoire m'a intéressée, avec des ruptures temporelles : on saute dans le temps, 20 ans plus tard, et hop ça passe très bien. L'histoire de cet adopté m'a touchée. J'ouvre entre ½ et ¾ ce livre d'un Japonais qui écrit si bien le français.
Maëva, pour sa première séance dans le groupe(Une langue venue d'ailleurs)
Mon impression générale, en sortant de ce livre : ni enthousiaste ni exaltée, mais intéressée par les réflexions qui me rappelaient, en parallèle de ma lecture, mon expérience personnelle à l’étranger avec l’anglais en Australie et l’espagnol au Chili. À mes yeux, le rapport à la langue est profondément marqué par la communication et la création du lien social, à l’image de la relation qu’entretient la femme de l’auteur pour le japonais dans le livre. J’étais donc intriguée par l’obsession pour le français qu’Akira Mizubayashi pouvait entretenir, à mille lieues d’un intérêt pour le pays, sa culture ou son patrimoine, mais simplement pour la subtilité de sa linguistique.
L’auteur a véritablement un amour de la langue, mais cet engouement ne le conduit pas vers un désir de s’intégrer ou de s’immerger. L’objectif de son apprentissage est de se rapprocher des auteurs qu’il admire, de saisir les nuances de la littérature et de réfléchir par cet intermédiaire, en s’affranchissant des limites de sa propre langue. L’idée n’est pas d’échanger ou de comprendre un territoire et cette manière de procéder m’a questionnée. Comme disait Catherine, il y a quelque chose de l'ordre de la performance dans le récit, à la fois dans son engagement et dans son écriture.
Malgré ces questionnements intéressants, je suis restée extérieure à l’ouvrage, comme si j’observais cette passion charnelle derrière une vitre : simple spectatrice, mais sans une réelle implication. J’ai apprécié les anecdotes sur les différences qui marquent toujours une frontière et qui rappellent cette question de l’identité. Cependant, j’aurais aimé davantage de développement de ces parties puisqu’elles restent de l’ordre de l’anecdote au milieu des extraits littéraires sans fin.
Dans la construction des phrases, les parenthèses dont parlait Nathalie m'ont également frappée, tout comme le surgissement impromptu d’un terme familier au milieu d’une langue soutenue. En bref, malgré des réflexions intéressantes sur la langue, je ne peux pas nier m’être ennuyée…
Claire(Une langue venue d'ailleurs)
Lu avant le roman, ce livre m'a plu davantage car je l'ai trouvé plus original, même s'il m'a rappelé Nord perdu de Nancy Huston que je n'aime pas tellement - je remarque d'ailleurs que Mizubayashi cite l'auteure sans même citer le titre du livre et le fait qu'elle a eu un projet analogue au sien - et bien plus fort d'Etel Adnan Écrire dans une langue étrangère, subtil, étonnant, passionnant.
Tout en étant très légèrement irritée presque constamment, j'ai lu avec un intérêt constant ce gloubi-boulga autosatisfait de premier de la classe : j'ai trouvé extraordinaires le rôle du père par rapport à ses deux fils - la mère est absente... grrr - l'effort dingue sur le long terme genre travail de bénédictin, le rapport à la langue familière - cette langue qu'il aime est corsetée, celle du Bon usage, et le rôle du chien. Ce qui m'irritait relève d'un zeste d'affectation voire d'afféterie (du genre "évidence irréfragable", "il était hors de question que je ne me le procurasse pas") ou de cucuchonnerie ("mon amour du français avait des ailes d'ange") et de suffisance (j'ai "eu l'occasion, à l'Élysée, de donner des conseils à François Mitterrand") ou de propos qui ne peuvent qu'exclure ("la célèbre polémique qui avait opposé Roland Barthes à Raymond Picard"). Les rencontres ont été pour moi des temps romanesques dans le livre, comme l'enseignant qui lui offre le Grevisse. Ce qu'on perçoit du Japon ajoute à l'intérêt (l'enseignement bourrage de crâne, le fait que faire visiter son appartement ne se fait pas du tout car du domaine d'une trop grande intimité, son incapacité, dit-il, à placer des appellatifs : "ma bibiche", "mon cher cousin"...) - fonction du français que plusieurs ont déjà relevée.
Je trouvais utile de compléter cette sorte d'essai autobiographique par un roman, pour voir "de quoi il était capable" : je ne sais pas si je suis avancée. Le goût de la musique dans le premier livre comme dans le deuxième ne m'ont pas touchée - comme si c'était une approche peu sensible.
Claire(Âme brisée)
Je dois avouer qu'à partir de la rencontre à Tokyo entre la violoniste et le Rei/Jacques, j'ai été vraiment très émue. Mais le livre m'a rappelé les livres de Aki Shimazaki que nous avions lue l'an dernier : une Japonaise écrivant en français et ayant appris cette langue tard, des secrets de famille orientant la vie professionnelle et qui se dévoilent au fur et à mesure du roman, et un côté coïncidence. Mais chez Shimazaki, c'est plus sobre, épurée et plus envoûtant (à mon goût). Ici, j'ai trouvé trop d'artifice, d'application et j'ai lu le livre à grands traits. J'ouvre quand même à moitié en souvenir de Shimazaki...

J'attire votre attention sur les réactions - contrairement à nous dans l'ensemble - extrêmement positives de nos amis de Tenerife qui, comme Mizubayashi, vivent aussi dans une langue venue d'ailleurs. Leurs réactions sont donc bien moins légères que les nôtres, puisqu'ils se retrouvent en grande partie dans l'expérience de l'auteur. En les lisant, j'en viendrai presque à déplorer de traiter ses livres par-dessus la jambe... Les voici :


LE GROUPE DE TENERIFE a lu
Une langue venue d'ailleurs
pour le 8 mars
et Âme brisée pour le 5 avril
2022

(seuls Nieves et José Luis ont rédigé leurs réactions, mais qui semblent à l'unisson avec les autres lecteurs du groupe)


Nieves(Une langue venue d'ailleurs)
On était tous très émus car on se reconnaissait en partie dans l'expérience d'apprentissage de l'auteur, dans sa passion pour la langue française, dans l'impossible possession d'une langue dont il parle dans le bouquin, dans le fait de se sentir étrangers dans sa propre langue...
À mon avis, tous ceux d'entre nous qui avons eu à apprendre le français ou une autre langue différente de la langue maternelle, pouvons nous sentir très proches des propos de Mizubayashi, même si le vécu personnel a été différent de celui de l'auteur japonais. Je vais centrer mon commentaire sur les aspects liés à l'apprentissage et la pédagogie de la langue.
D'abord, j'ai beaucoup aimé cette façon de découvrir la langue au travers de sa sonorité. En effet, lorsqu'il suit un cours radiophonique à Tokyo où parlent deux Français, il est absolument captivé par la sonorité de leurs voix. Alors, il met tout de suite en rapport cette musicalité avec la musique qu'il a souvent écoutée à la maison, en particulier celle de Mozart, comme si, du coup, ces sons de la langue française remplissaient le vide intérieur qu'il ressentait à ce moment-là.
Il pense aussi que Mozart ne se reconnaît pas dans les catégories sociales de son époque, ce qui lui permet de composer en toute liberté en faisant unique sa musique. Il attribue cette même distanciation au comportement de Suzanne dans Les noces de Figaro. Cette manière d'être, de pas se sentir absorbé à cent pour cent par l'entourage, mais plutôt de garder un certain écart, permet d'agir sans contraintes, de se sentir plus libre — modèle qui convient très bien à l'auteur dans cette étape de sa vie.
Quelque chose comme ça nous est arrivé à tous quand on a choisi d'apprendre une langue étrangère que, comme il le dit bien, on n'arrive jamais à posséder. Mais dès qu'on a entrepris son apprentissage, on est devenu aussitôt étrangers, "en dehors de", dans notre propre langue : "Le jour où je me suis emparé de la langue française, j'ai en effet perdu le japonais pour toujours dans sa pureté originelle. Ma langue d'origine a perdu son statut de langue d'origine. J'ai appris à parler comme un étranger dans ma propre langue."
En ce qui me concerne, je peux affirmer que ma découverte du français m'a aussi aidée à devenir moi-même et à supprimer les liens qui me nouaient à un entourage plutôt étouffant. Donc, tout comme Mizubayashi, l'autre langue m'a située dans cet espace "entre deux", générant un sentiment de liberté, comme si j'avais finalement trouvé le chemin pour me découvrir moi-même.
Notre auteur, une fois qu'il a trouvé comment se situer dans le monde, entreprend une course folle pour l'appropriation de cette langue qui l'avait complètement séduit. On assiste à son premier stage en France, à Montpellier, et plus tard, à son retour en France, pour poursuivre ses études à Paris. Ses efforts pour intégrer lexique, tournures, lectures, activités où il dépense ses journées, sont admirables.
Il y a un autre aspect de cette lecture où je me suis sentie très concernée : les passages où il parle de la pédagogie française de la langue et de la littérature. En simplifiant beaucoup, il s'agit d'une méthode où on demande à l'élève de s'interroger pour arriver à construire ses propres points de vue, approche très différent de ce qui se faisait (fait ?) au Japon.
Pour lui, "enseigner, c'est offrir la possibilité de se cultiver et de s'élever ; et se cultiver, c'est sortir de sa culture propre" (Tokyo, ch. 7, p. 3), pour l'interroger, pour la questionner.
Quand je suis arrivée pour la première fois en France, j'ai découvert aussi cette façon d'aborder les textes ; en conséquence, j'ai découvert aussi la mauvaise formation que j'avais reçue chez moi. C'est très émouvant de voir comment il essaie de transmettre cette méthode à ses élèves japonais pour leur apprendre à construire leurs propres pensées, pour qu'ils puissent échapper à la pédagogie sclérosée traditionnelle de leur pays.
Je finirai cet avis en disant que j'ai trouvé cette lecture très attachante du fait exceptionnel qu'un écrivain consacré ouvre son cœur au lecteur apprenti éternel des langues, en lui montrant sa passion pour la langue et la littérature françaises dont il a fait son métier et son "violon d'Ingres" à vie. Moi et d'autres collègues, lui sommes très reconnaissants.
Nieves(Âme brisée)
Il me semble que ce roman, visant surtout le domaine des émotions, rend plus difficile la rédaction d'un avis sans fausser la pensée de l'auteur. En tout cas, j'oserai parler de quelques aspects qui me semblent constituer des points forts du roman.
D'abord, le type d'écriture. On se trouve devant une forme d'expression quasiment transparente et imbue de poésie :

"une mélodie langoureuse qui glissait tout doucement sur le clapotement régulier de notes graves"
"Ses yeux étaient comme des bijoux renversés reflétant tous azimuts le doux rayon du soleil matinal."
"Ses lèvres sans rouge bougeaient comme des feuilles vertes frémissant au gré du vent tiède de printemps.
"

C'est comme si les mots représentaient un tableau qu'on regarde et immédiatement on attrape son image dans notre cœur… on est devant un récit qui nous emmène avec lui sans avoir envie de le lâcher et dans lequel on aperçoit aussi ce que pour les Occidentaux peut définir l'esprit japonais (délicatesse, discrétion, intériorisation…)
Deuxièmement, on revient à la passion pour la musique déjà présente dans Une langue venue d'ailleurs. Pourtant ce n'est pas un roman sur la musique, mais la musique est présente du début à la fin du récit. C'est la musique qui aide l'enfant Rei, dont le père, violoniste, a été enlevé par des soldats qui l'on arraché brutalement de sa vie, à ne pas oublier, ce que l'auteur nomme "mémoire fantôme", un traumatisme qu'on n'oublie jamais. Alors, à cause de cela, l'enfant consacre toute sa vie à un métier musical, la lutherie, s'entourant en même temps de musique et de musiciens, y compris sa femme qui est archetière.
Cependant, son grand projet musical, sous-jacent jusqu'à la fin, a été la reconstruction du violon de son père, détruit par un des soldats : "toute votre carrière de luthier s’est construite autour du violon de Yu" lui dit Yanfen. Or, le moment le plus beau arrive quand l'instrument finalement reconstruit retrouve sa sonorité joué par Midori, la jeune violoniste, petite fille du militaire qui lui a rendu le violon cassé. Et son art de luthier "entièrement dévoué au service des émotions humaines n'était rien d'autre que la tentative d'apaisement de la douleur traumatique issue de la destruction foudroyante de ce qui vous attache le plus intensément au monde et à la vie".
La raison pour laquelle cette histoire appelle tout le temps aux sentiments se trouve dans le fait que la musique constitue un langage qui, remuant les émotions, facilite la communication des êtres humains par-dessus les différences et ce roman suit le parcours d'une composition musicale dont les différents tempos introduisent les quatre parties du roman selon les états d'âme du narrateur.
Et à cause de la musique, on revient au pays, parce que derrière ce roman, magnifique concert littéraire, Mizubayashi ne cache pas la violence et l'oppression où est soumis son pays à ce moment là. Certes, il défend dans son texte les idées qui lui sont très chères comme le rejet du nationalisme, ou l'appel à la récupération de la raison et d'un monde passé "plus paisible et serein, plus harmonieux que celui d'aujourd'hui". Il est très lucide à cet égard : "ça a du sens (...) Schubert…, alors que le pays entier tombé dans ses obsessions bellicistes semble être dévoré par le cancer nationaliste divisant les individus entre un nous et un eux" (je me sens très proche de cette façon de penser vu la montée imparable et inquiétante des nationalismes à l'heure actuelle).
Puis, parallèlement au violon et à la musique, pour Rei il y a aussi ce livre "qui, constamment, lui a parlé depuis la place du père absent" et qu'il a réussi à traduire en français : Dites-moi comme vous allez vivre. À un moment donné, il se dit qu'avec cette lecture "Je crois que mon père voulait faire de moi un jeune homme capable de garder sa lucidité en toute situation, de ne pas succomber à la folie collective et de s'insurger contre les aberrations..." C'est peut-être le message le plus important qui nous laisse ce roman.
José Luis(Une langue venue d'ailleurs)
Après la lecture de Nord perdu, de Nancy Huston, dont l'œuvre m'a toujours intéressée, entrer dans le monde singulier de l'écrivain d'origine japonais Akira Mizubayashi, qui m'était entièrement inconnu, m'a semblé une heureuse prolongation naturelle pour continuer à établir le long dialogue intérieur que je mène depuis longtemps pour essayer de comprendre les rapports existants - en général, mais plus spécialement dans mon cas personnel - entre ma langue-culture maternelle et la langue-culture étrangère, le français, en l'occurrence. D'autres livres m'ont marqué par le passé dans cette trajectoire réflexive : La traversée des fleuves de Georges-Arthur Goldschmidt, et Le testament français d'Andreï Makine, parmi eux.
Avec Une langue venue d'ailleurs, Mizubayashi, fait son propre éloge de la langue française, non point, bien sûr, à la manière de Rivarol, mais la présentant, en quelque sorte, comme la réalité qui, pourrait-on dire, lui a donné ou sauvé la vie. Cette réalité il l'a découverte grâce à la rencontre avec le philosophe et essayiste Ariamasa Mori, auquel il rend hommage à plusieurs reprises, comme ici : "L'apparition devant moi du français, à travers ce médiateur exceptionnel qu'était Mori, constitua l'occasion et la possibilité qui m'étaient subitement offertes de recommencer ma vie à peine commencée, de refaire mon existence entamée, de retisser les liens avec les visages et les paysages, de remodeler et reconstruire l'ensemble de mes rapports à l'autre, bref de remettre à neuf mon être au monde".
Peut-on mieux que cela exprimer ce que pour beaucoup de nous (je parle de ma génération, en Espagne) a signifié la rencontre avec la langue-culture française ? En tout cas, moi - qui ai l'habitude de dire, en détournant les vers d'Aragon, qu'elle m'a tout appris de moi pour ce qui me concerne, au point que je ne sais pas ce que j'aurais été sans toi qui vins à ma rencontre - je ne peux qu'avouer mon entière coïncidence avec cette citation de Mizubayashi, et même si je ne peux pas dire comme lui que le français est une langue que j'ai choisie, puisque ma rencontre avec lui a été plutôt le fait du hasard, d'abord, et de la nécessité, après, et que, donc, je n'ai pas prise la décision de dédier entièrement ma vie à elle, mais que c'est elle qui m'a choisie, les bienfaits qu'elle m'a apportés le long de ma vie, aussi bien du point de vue personnel que professionnel sont du même ordre. Et le résultat affectif a aussi été le même : le français, qui m'a adopté, a été pour moi une véritable passion.
D'autres points communs existent encore, et tout d'abord cette affirmation qui peut sembler surprenante : comme pour l'auteur, "le français est ma langue paternelle", mais pas pour les mêmes raisons : pour lui le français, par des chemins un peu détournés, c'est un don de son père, tandis que pour moi c'est lui-même qui a accompli des fonctions proprement paternelles à mon égard et, en cela faisant, m'a constitué en tant que père par rapport à mes étudiants, auxquels j'ai toujours essayé de transmettre ma passion pour la langue-culture de Flaubert. Disons le avec ses - de Mizubayashi - propres paroles : "Ma passion pour le français, pour l'appropriation du français, se transmuait sans hiatus en une passion pédagogique".
Je me sens aussi près de l'auteur quand il établit des liens très étroits entre le français et la musique, bien que de manière bien moins élaborée et savante. Si, pour lui, il y a un dialogue constant entre la musique classique, notamment Mozart, et le français - merveilleusement formulé du point de vue technique et littéraire, à chaque fois qu'il revient sur le sujet -, pour moi c'est, d'un côté, la musique des grands chansonniers et, de l'autre, celle même du français, la sonorité de la langue, sa réalité phonique énoncée dans la pluralité des accents de l'hexagone, qui m'ont toujours attiré et causé un plaisir supplémentaire dans la tâche impossible de maîtrise de cette langue. C'est pourtant un aspect auquel il n'est point pourtant insensible, au contraire : "Le français était un instrument de musique - et il l'est toujours - que j'essayais que de faire chanter et résonner au gré de mes émotions quotidiennes".
De cette impossibilité de maîtrise de la langue que je viens de pointer ci-dessus, parle aussi Mizubayashi, dans le chapitre 12 de la deuxième partie où il apporte maints exemples pour démontrer ce qu'il affirme d'emblée : "Tout ne s'apprend pas, tout ne se maîtrise pas dans une langue, même dans notre langue maternelle. Une langue étrangère, à plus forte raison, vous restera extérieure, dans une mesure certes variable, mais fatalement irréductible. […] Bref, il y des choses qui résistent à l'apprentissage". De quoi se consoler de ses propres limitations bien plus larges et profondes que les siennes !
À propos de ces résistances, une observation pour finir : le français utilisé pas Akira Mizubayashi est sans doute d'une perfection absolue ; un universitaire ou un écrivain français n'auraient rien à y corriger, mais cet humble et oublieux apprenti que je suis a eu souvent l'impression que, sous la langue parfaitement polie de l'auteur - peut-être même trop polie -, le japonais, langue maternelle de celui-ci, n'arrivait pas à se dissimuler entièrement. L'impression - mon impression - était souvent qu'un Français d'origine n'aurait pas écrit les choses de la même manière, ni, évidemment - mais cela est une autre question - les mêmes choses. J'avais l'impression de lire une traduction en français d'une très haute qualité, mais où la langue d'origine se refusait d'être domptée, de disparaître. Une imperfection ? Non : une richesse, puisque en faisant cela, de manière consciente ou pas, Mizubayashi contribue à renouveler la langue française, notamment son écriture.
C'est donc un livre plein d'intérêt que celui-ci, sur lequel, j'aurais encore beaucoup de choses à dire. Mais il est bien temps d'arrêter ce commentaire.
José Luis(Âme brisée)
Il est bien rare que l'ensemble des participants dans nos réunions tombions d'accord pour aimer, admirer et applaudir le texte objet de commentaire dans chacune de nos séances mensuelles. Or, cela a été bien le cas lors de notre dernière rencontre autour d'Âme brisée, roman d'Akira Mizubayashi, dont nous avions lu le mois précédent son Une langue venue d'ailleurs.
Plusieurs sont, à mon avis, les causes qui expliquent cet accord entre nous. D'un côté, me semble-t-il, l'écriture : simple, limpide, éloignée de toute tentation de faire - c'est-à-dire de surfaire - de la littérature, mais teintée toujours d'une poésie particulière, laquelle est peut-être débitrice de la langue-culture originaire de l'auteur, que, tel que je l'avais déjà fait remarquer en commentant l'œuvre précédente, marque, dans son effort pour s'occulter, son français écrit d'une singularité unique. D'un autre côté, l'émotion, qui découle et de l'écriture et du récit, qui nous accompagne de la première à la dernière page du texte. En troisième lieu, les rebondissements que presque chaque chapitre apporte et qui tiennent en haleine le lecteur, lui dévoilant petit à petit le mystère et les suites du terrible événement racontée au début du livre, lequel événement ne semblait pas pouvoir être chargée de la richesse et complexité vitale que le lecteur découvrira dans le processus de lecture avec étonnement. Enfin, le dialogue constant entre écriture et musique que nos avions déjà rencontré dans Une langue venue d'ailleurs, lequel tient lieu - pour moi en tout cas, qui ai peu réfléchi sur la nature et le pouvoir de la musique classique, que j'aime pourtant beaucoup - de leçon que j'ai reçue avec gratitude. Cette référence à la musique savante ne doit pas occulter l'importance que l'auteur octroie à la musique des mots comme composante essentielle de l'œuvre littéraire, point de vue que je partage entièrement : "Dévoreur de livres, Jacques, avait passé deux ans à la Sorbonne, après le baccalauréat, pour entreprendre des études de lettres, mais il n'avait pas réussi à s'y épanouir. La manière savante d'aborder la littérature, à force de s'attacher à l'auteur, lui avait semblé manquer l'essentiel : le vaste champ des résonances des mots formant la réalité première et tangible de chaque œuvre" (c'est moi qui souligne).
Mais, de quoi s'agit-il dans ce roman ? Du récit d'une appropriation de l'enfance, seule manière d'arriver, dans ce cas, et à un âge déjà très avancé, 70 ans, à la maturité et à la paix. "Je descends lentement le sombre escalier du temps" écrit le héros du livre presque au début de son récit, mais il aurait aussi pu dire "je remonte lentement le sombre escalier du temps", parce que c'est cela qu'il fait en réalité en descendant vers la vieillesse : remonter le temps jusqu'à retrouver les clés de son enfance, ou plutôt, de l'événement tragique qui avait dynamité son enfance.
C'est pour accompagner, dans ce voyage à contre courant, à Rei/Jacques, qui lui a pris toute sa vie, qu'Akira Mizubayashi nous invite dans son livre, et l'aventure, je vous l'assure, est pleine de péripéties et des connaissances, comme le voyage à Ithaque chanté par Kavafis.


UN PETIT PEU DE DOC
Pennac préfacier, Pontalis éditeur : comment est né ce livre ?
Pourquoi ce titre "Une langue venue d'ailleurs" ?
Publications d'Akira Mizubayashi

Presse : critiques, interviews


PENNAC PRÉFACIER, PONTALIS ÉDITEUR : comment est né ce livre ?

Pourquoi une préface de Daniel Pennac ? Pourquoi un livre écrit en français et non en japonais ? Pourquoi publié dans la collection "L'un et l'autre" dirigé par Jean-Bertrand Pontalis (1924-2013) ?
À l'origine de ce livre, il y a une rencontre très importante. C'est la rencontre avec Daniel Pennac. Il se trouve que je suis le traducteur de Chagrin d'école de Daniel Pennac. Et le travail de traduction m'a souvent conduit à le rencontrer chez lui à Paris. J'ai ainsi longuement discuté à maintes reprises au sujet de Chagrin d'école, au sujet de ma traduction de ce livre, et au sujet de bien d'autres choses. Nous avons aimé cette collaboration et nous sommes devenus très amis.
Ce qui est extraordinaire, c'est que cette amitié en a suscité une autre ! Un jour j'étais chez Daniel, je regardais sa bibliothèque et mon regard s'est posé sur un livre de J.B. Pontalis.
Je connaissais ce psychanalyste et essayiste surtout pour la brillante préface qu'il avait écrite pour Les Confessions de Rousseau dans la collection Folio. Là-dessus Daniel Pennac arrive et me dit : "tu connais cet auteur ?" Je lui raconte alors mes souvenirs de lecteur ainsi que d'auditeur, car lors d'une émission de France culture dédiée à Jean Starobinski dont je parle longuement dans mon livre ; le premier invité était J.B. Pontalis. Pennac me dit alors "Très bien, je vais l'inviter demain soir. On va organiser un dîner."
C'est ainsi que je me suis retrouvé le lendemain à dîner en compagnie de Daniel Pennac et de J.B. Pontalis. Et après une longue discussion sur toutes sortes de sujets, J.B. Pontalis me pose la même question que m'avait posée bien des années auparavant Maurice Pinguet : "Pourquoi parlez-vous le français de cette manière ?". Je lui ai donc parlé de mon amour de la langue française, de l'importance pour moi de Rousseau et du rôle fondamental qu'a joué Starobinski dans mon évolution personnelle. Alors J.B. - car maintenant je l'appelle ainsi - me dit : "Il y a là sans doute la matière d'un livre à écrire !" C'est ainsi que l'idée de ce livre est née. Un livre qui, selon lui, devait trouver place dans la collection "L'un et l'autre" qu'il dirige chez Gallimard.

POURQUOI CE TITRE "Une langue venue d'ailleurs" ?

Pourquoi ce titre et non pas, par exemple, "un homme d'ailleurs" ?
Pour être honnête, je dois vous avouer que je n'ai pas imaginé ce titre moi-même. Personnellement, j'avais d'abord pensé à "Maux de langue et mots d'amour", puisque, vous vous en serez peut-être rendu compte, le personnage principal de mon livre, en fait, c'est la langue française elle-même. Il y a la langue dans laquelle je me sentais mal, puis celle que j'ai aimée et que je continue d'aimer. Mais le directeur de la collection pour laquelle ce livre a été pensé, J.B. Pontalis, trouvait ce titre un peu trop journalistique. J'avais initialement imaginé une série de figures binaires à partir du titre de la collection "L'un et l'autre" : "le français et le japonais", "Rousseau et Mozart", "Jacques Proust et Jean Starobinski". Il y a même une phrase dans laquelle s'insère l'expression "l'un et l'autre". Enfin, J.B. Pontalis m'a proposé : "Une langue venue d'ailleurs" puisque le personnage le plus important, finalement, c'est cette langue venue d'ailleurs qu'est le français. Ce titre m'a immédiatement séduit. Nous l'avons dès lors choisi ensemble sans aucune hésitation. (Réponses extraites de "20 questions à Akira Mizubayashi")

La collection "L'un et l'autre" est ainsi définie sur le texte de rabat présent sur tous les livres de la collection :
Des vies, mais telles que la mémoire les invente, que notre imagination les recrée, qu'une passion les anime. Des récits subjectifs, à mille lieues de la biographie traditionnelle.
L'un et l'autre : l'auteur et son héros secret, le peintre et son modèle. Entre eux, un lien intime et fort. Entre le portrait d'un autre et l'autoportrait, où placer la frontière ?
Les uns et les autres : aussi bien ceux qui ont occupé avec éclat le devant de la scène que ceux qui ne sont présents que sur notre scène intérieure, personnes ou lieux, visages oubliés, noms effacés, profils perdus.
Pour une analyse poussée de la collection sur le site "Écritures contemporaines" voir ›ici
Nous avions lu de Pontalis Le songe de Monomotapa.

PUBLICATIONS d'Akira Mizubayashi (et prix)

Tous les livres sont édités par Gallimard, sauf le livre sur le bain chez Arléa.

• Romans
- Un amour de Mille-Ans, 2017 - Folio, 2018
- Âme brisée, 2019 - Folio, 2021
- Reine de cœur, 2022

• Non fiction
- Une langue venue d'ailleurs, préface de Daniel Pennac, 2011 - Folio, 2013 (Prix littéraire de l'Asie 2011, Prix de l’Académie française du Rayonnement de la langue et de la littérature françaises 2011, Prix littéraire Richelieu de la francophonie 2013)
- Mélodie : chronique d'une passion, préface de Roger Grenier, 2013 - Folio 2014 (Prix littéraire 30 Millions d'amis 2013, Prix littéraire de la Société Centrale Canine 2013)
- Petit éloge de l'errance, Folio 2 euros, 2014
- Dans les eaux profondes : le bain japonais, Arléa, 2018 - Poche, 2021

• Site personnel : www.mizubayashi.net

PRESSE

Presse sur Une langue venue d'ailleurs

• Critiques
- "Fan de Rousseau, fou des Lumières", Thierry Clermont, Le Figaro, 20 avril 2011
- "Les langues du Contrat social : lecture de Une langue venue d'ailleurs de Akira Mizubayashi", Christophe Premat (homme politique), Revue Internationale Sens public, novembre 2012
- Quand un Japonais écoute Mozart en français, Robert Solé, Le Monde, 6 janvier 2011
- "Entrer dans la langue", Tiphaine Samoyault, La Quinzaine littéraire, 1er mars 2011
- "Appropriation des langues et singularité énonciative : écrire dans la langue de l’autre pour Akira Mizubayashi", Rose-Marie Volle, Carnets, revue électronique d’Études françaises, juillet 2016

• Entretiens
Sur le livre :
- "20 questions à Akira Mizubayashi", Institut français de Tokyo, 11 février 2012
Plus généralement :
- "Au Japon, on fait partie d’une communauté de destins", propos recueillis par Anne Diatkine, Libération, 26 mars 2011
- "Akira Mizubayashi, étranger à sa langue", propos recueillis par Georgia Makhlouf, L'Orient littéraire, juin 2012

• Radio : "Akira Mizubayashi en amant transi du français", par Antoine Perraud, Tire ta langue, France Culture, 6 mai 2012

• Vidéo : Présentation par l'auteur de son livre, site de la Librairie Mollat, 28 mars 2011, 6 min 21

Presse sur Âme brisée

• Critiques
- "Akira Mizubayashi, Prix des libraires 2020", lu par Tahar Ben Jelloun, Le Point, 25 août 2019
- "Âme brisée d'Akira Mizubayashi, la musique comme garde-fou", Antoine Perraud, La Croix, 18 septembre 2019
- “Âme brisée d'Akira Mizubayashi : les partitions d'une vie", Stéphanie Loré, Profession spectacle, 19 septembre 2019
- "Requiem pour un violon" : la petite musique d’Akira Mizubayashi remporte le Prix des Libraires 2020 Jérôme Garcin, Nouvel Obs, 20 septembre 2019

• Entretiens
- Vidéo :
Interview d'Akira Mizubayashi, Babelio, 18 octobre 2019, 5 min 46
- Radio : "Akira Mizubayashi : la musique des mots", La Grande Table culture, Olivia Gesbert, 18 juin 2020, 28 min.


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