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      Marcel Proust (1871-1922)
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             Les 
                36 cotes d'amour des trois groupes   | 
        

        Marcel 
        Proust par Jacques-Emile Blanche, 15 octobre 1891, Trouville, BNF
        On dirait qu'il attend 
        avec grande attention nos réactions..
Katell
(avis 
        transmis) 
        Je n'ai pas eu l'opportunité (ou le courage ?) de relire Du 
        côté de chez Swann. 
        J'ai entendu à la radio que les vrais lecteurs de Proust (podcast 
        Faut-il avoir lu Proust pour en parler ? sur France Culcul) évoquaient 
        avant tout leur rencontre avec Proust. Donc, c'est ce que je vais faire... 
        
        Ma première rencontre ce fut au Bac français de 1986, le 
        commentaire composé. Je pense un extrait de Du côté 
        de chez Swann. J'ai le souvenir d'un texte parlant d'une lumière 
        bleue derrière une vitre dépolie. Ce fut un échec 
        car j'ai eu 8/20. Heureusement compensé par un 14 à l'oral...
        Ensuite, j'ai rencontré Pierre, le père de mes filles, qui 
        m'a impressionnée notamment par sa connaissance/lecture de Proust. 
        D'ailleurs, il fut le graphiste de l'événement "Un 
        Printemps proustien" il y a quelques années (2018 ?). 
        
        Grande lectrice, j'étais piquée au vif, et je me suis fait 
        offrir pour mes 21 ans, l'intégrale de La Recherche chez 
        Bouquin. Et j'ai tout lu. Et j'ai adoré. Je me souviens d'une lecture 
        comme un ruban qu'on déroule... Où je ne comprenais pas 
        tout, mais ne cherchais pas à tout comprendre. Et je suis entrée 
        dans le club encore assez fermé des lecteurs de Proust. 
        Aujourd'hui, il y a tellement d'exégèse sur Proust que ça 
        alimente ma paresse de le relire. 
        Il n'empêche, à la question du questionnaire de Proust* : 
        "Quel livre emporteriez-vous sur une île déserte ?", 
        je réponds toujours : À la recherche du temps perdu 
        (suffisamment gros pour ne pas s'ennuyer sur une île déserte). 
        
        *
Ahaha 
        ! Ce n'est pas une question 
        du questionnaire de Proust (précise Katell)
(On se demande pourquoi 
        Katell a adoré Proust...)
        Brigitte
(à 
        l'écran)
        Je n'ai pas pu relire Du côté de chez Swann 
        en totalité : j'ai lu "Combray", j'ai commencé 
        "Un amour de Swann". Mais j'avais lu il y a très longtemps 
        La Recherche ; mes différentes lectures se sont mélangées 
        : les choses que j'avais lues et un peu oubliées, que j'ai retrouvées. 
        Il n'y a pas d'événement, tout est dans l'art de la description 
        de la nature, des sentiments
 J'ai retrouvé la tante Léonie 
        et aussi certains lieux. On ne s'ennuie pas. J'ai particulièrement 
        apprécié la 
        description du nénuphar, dont une branche fait sans cesse le 
        même aller et retour dans la Vivonne, allégorie de la répétition 
        du déroulement des événements. Il écrit trois 
        pages sur un événement qui pourrait tenir en trois mots, 
        mais c'est intéressant, toujours justifié et subtil.
        Ce qui m'a le plus intéressée, c'est que Proust, par son 
        aptitude à aller jusqu'au fond des choses, inaugure le roman du 
        XXe siècle. Par rapport à Flaubert et Zola, il approfondit 
        beaucoup plus et décortique tout ce qui se passe, tout ce qui arrive. 
        Il inaugure un nouveau type de roman, qui annonce le XXe siècle : 
        Sarraute, Beckett, dans l'analyse des mots, mais peut-être aussi 
        Picasso ! Il a initié un mouvement complètement nouveau. 
        Il s'agit d'innovation, même à un niveau international. J'ouvre 
        en grand évidemment.
        Renée
(à 
        l'écran depuis Narbonne)
        Après avoir tout lu à 20 ans, parce qu'il fallait le lire, 
        puis deux fois ensuite : avec mon groupe, nous avons lu La recherche 
        en entier en 
        2013 (un volume par mois).
        Cette année-là, j'ai lu le livre de Céleste et des 
        milliers de lignes de commentaires ; j'étais tellement plongée 
        dans Proust qu'au théâtre, je cherchais Oriane et j'attendais 
        que Mme Verdurin sonne à ma porte. J'ai lu avec jubilation, osant 
        enfin rire dans certains passages.
        En 2022, plus aucune exégèse, que le TEXTE : je me suis 
        plongée dedans avec délice, relisant plusieurs fois une 
        même page. Vague impression d'être acceptée dans la 
        famille, d'en faire partie. J'ai vécu les scènes autour 
        de la mère, (j'entendais sa voix) et déjà la peur 
        de l'abandon qui ne cessera jamais pour le narrateur. L'appel de la nature 
        m'a touchée : pages superbes sur "le désir" pour 
        les sapins 
        et les acacias du bois de Boulogne, mêlé il est vrai 
        au désir des belles femmes. Quant à l'analyse de l'amour, 
        Proust a TOUT dit : nos petites mesquineries, nos mensonges, notre envie 
        de contrôle sur l'autre
        Sur le snobisme des Verdurin, sur les soirées, il est féroce, 
        d'autant plus qu'il considérait que les mondanités l'éloignaient 
        de la création, de l'écriture de son uvre.
        Et puis le plaisir de SAVOIR ce que deviendront les personnages, de deviner 
        des allusions au futur : "La dame en rose" vue chez son oncle 
        est Odette de Crécy ; de la même façon, au tout début, 
        lorsqu'il est "à Tassonville, chez Mme de Saint-Loup" 
        il est chez Gilberte adulte, la même Gilberte qui sera adoptée 
        par Forcheville à la mort de Swann (d'où doute sur la paternité 
        de Swann ?).
        Plaisir absolu.
        J'ai beaucoup aimé un tas d'expressions dont "son amour 
        n'était plus opérable".
        J'ouvre en très grand à 360 degrés.
        Catherine![]()
        Ce que j'ai à dire n'est pas extrêmement élaboré.
        J'ai découvert Proust très jeune. J'ai vu mes parents le 
        lire, ce qui me donnait envie de le lire aussi (je faisais souvent ça, 
        de prendre des livres dans la bibliothèque...). Je l'ai donc lu 
        vers 14 ans. Je n'ai évidemment pas tout lu, "Combray" 
        seulement, et sans doute en sautant des passages. J'étais gamine 
        et je ne connaissais rien de Proust, mais j'ai été stupéfiée 
        par ce livre, par le début la scène du coucher, les émotions 
        ressenties : j'avais moi peur du noir ; j'avais l'impression d'être 
        projetée dans la vie intérieure de quelqu'un d'autre - même 
        si je ne me le disais pas comme ça. "Un amour de Swann", 
        j'avais trouvé ça nul : et Odette n'était même 
        pas belle ! 
        Je l'ai relu plus tard ; j'ai lu d'autres tomes et j'ai retrouvé 
        le charme, le fait de se retrouver dans l'univers de quelqu'un d'autre. 
        Dans cette famille, qui est tout son monde, il ne se passe rien, c'est 
        très lent, mais du fait de cette lenteur, on a l'impression de 
        vivre aux côtés du narrateur. J'ai beaucoup aimé les 
        descriptions du village de Combray, des toits. Il y a des passages et 
        des personnages très drôles, tante Léonie, le salon 
        des Verdurin, madame Verdurin qui se décroche la mâchoire 
        en riant, Cottard, bien qu'il soit un peu caricatural. C'est souvent assez 
        cruel en même temps. J'ai trouvé le personnage de la grand-mère 
        très attachant. 
        "Un amour de Swann" est une partie très à part 
        ; c'est une description assez extraordinaire de la jalousie poussée 
        à l'extrême, plutôt que de l'amour. Swann n'aime Odette 
        que lorsqu'il ressent de façon inattendue son absence et qu'il 
        commence à douter d'elle. C'est parfois un peu long. 
        J'ai été aussi subjuguée par ce que raconte le narrateur 
        de la mémoire, du processus de remémoration déclenché 
        par une odeur, un morceau de musique et ce, bien avant qu'elle ne soit 
        décrite scientifiquement, c'est une véritable description 
        clinique ; ça, c'est génial. 
        C'est une lecture qui ne ressemble à aucune autre pour moi. Et 
        je suis d'accord, pour une île déserte c'est bien. J'ouvre 
        en très grand.
        Fanny![]()
        Je suis fascinée par l'écriture, par le phénomène 
        de la mémoire avec le regard d'adulte.
        Il ne se passe rien et on ne s'ennuie pas.
        J'ai lu La Recherche en entier quand j'étais plus jeune, 
        mais les phrases longues ne se prêtent pas au rythme saccadé 
        de ma vie actuelle et je n'ai pas tout à fait fini "Combray", 
        ce que je ferai quand j'aurai le temps.
        J'ouvre en grand évidemment.
        Françoise D![]()
        Moi non plus, je suis allée pas plus loin que "Combray", 
        non pas par lassitude, mais j'ai trop de choses à lire (avec échéance). 
        J'ai adoré retrouver ma lecture de jeunesse. Oui, j'ai retrouvé 
        le même plaisir. Moi qui aime les trucs qui dépotent, ben 
        là pas du tout ! On se délecte des descriptions de tout 
        : paysages, personnages, etc. Et il y a une dimension qui m'avait échappé 
        je crois : c'est drôle. 
        
        Muriel
        Je trouve pas ça drôle.
Le chur
        Oh si !
        
        Muriel
        Vous n'êtes pas difficiles !
        
        Françoise
        Par 
        exemple, dans la description de la chambre de la tante Léonie, 
        il y avait "une table 
        qui tenait à la fois de l'officine et du maître-autel, où, 
        au-dessous d'une statuette de la Vierge et d'une bouteille de Vichy-Célestins, 
        on trouvait des livres de messe et des ordonnances de médicaments, 
        tout ce qu'il fallait pour suivre de son lit les offices et son régime, 
        pour ne manquer l'heure ni de la pepsine ni des vêpres". 
        J'adore ! 
        J'ai aimé retrouver la Tante Léonie qu'au passage, je signale, 
        on appelle par le nom de son mari, Mme Octave, comme toutes les autres 
        dames âgées. 
        Ou encore à propos de la lecture : "C'est 
        ainsi que pendant deux étés, dans la chaleur du jardin de 
        Combray, j'ai eu, à cause du livre que je lisais alors, la nostalgie 
        d'un pays montueux et fluviatile, où je verrais beaucoup de scieries 
        et où, au fond de l'eau claire, des morceaux de bois pourrissaient 
        sous des touffes de cresson."
        "Montueux" et "fluviatile", j'ai cru que c'étaient 
        des adjectifs inventés par l'auteur. J'ai été déçue 
        de les trouver dans le dictionnaire.
        J'ouvre en grand, comment faire autrement. Et si on n'a rien à 
        lire, c'est toujours un plaisir d'y revenir. 
        Annick 
        L![]()
        Comment ajouter un commentaire de plus à l'avalanche d'hommages 
        qui paraissent en ce moment ? L'exercice est difficile ! Mais je peux 
        au moins parler de mon rapport personnel à cette uvre.
        J'ai lu l'ensemble de La Recherche quand j'étais une jeune 
        étudiante, dans une période de ma vie où j'ai été 
        malade et me suis retrouvée avec un espace de temps disponible 
        pour cette découverte. J'ai pris un grand plaisir à me laisser 
        porter par le flux si particulier de cette prose, avec ses incises, ses 
        retours sur des faits déjà évoqués, ses commentaires 
        extrêmement approfondis sur tel ou tel personnage, sur tel événement, 
        sur l'art, etc. J'étais particulièrement sensible à 
        son analyse extrêmement fine des fluctuations du sentiment amoureux, 
        y compris dans les relations homosexuelles, ou du mécanisme subtil 
        des réminiscences. J'ai adoré l'humour, l'ironie, parfois 
        féroce, de sa mise en scène de certains milieux sociaux, 
        chez les aristocrates, les bourgeois parvenus, les artistes
 personne 
        n'en réchappe, pas même le narrateur qui fait preuve d'une 
        grande capacité d'autodérision. 
        J'ai relu plus tard certains passages qui m'avaient particulièrement 
        marquée, et puis le dernier volume dont je n'avais gardé 
        aucun souvenir et qui est, en soi, magistral.
        Mon admiration pour cette grande fresque, très ancrée dans 
        la société de l'époque, reste intacte. Et je suis 
        toujours fascinée par cette capacité à faire revivre 
        des souvenirs, heureux ou malheureux, avec une acuité incroyable.
        Mais aujourd'hui la lecture de ce volume de La Recherche ne m'a 
        pas procuré le plaisir attendu. Pas d'effet petite madeleine ! 
        Je me suis parfois ennuyée, par exemple au fil de ces pages sur 
        "les clochers de Martinville", sur l'architecture des églises 
        ou sur la nature à l'occasion des promenades familiales sur les 
        bords de la Vivonne. Au point de sauter des pages
        Mon intérêt s'est réveillé brutalement au moment 
        où l'on entre dans le salon des Verdurin : quelle plume pour croquer 
        les personnages, leurs tics de langage, leur pédantisme, leur sottise 
        ! Une comédie humaine irrésistible
        Et j'ai été personnellement très touchée par 
        le passage sur la fameuse sonate de Vinteuil, sur l'effet produit par 
        cette révélation musicale sur celui qui l'écoute, 
        Swann, et l'association qu'il fera avec son amour naissant pour Odette. 
        Des pages d'une grande sensibilité artistique, d'une grande finesse 
        psychologique. C'est très beau.
        Mais ensuite je me suis lassée du récit des amours compliquées 
        entre Swann et Odette, puis entre le narrateur et Gilberte, de l'extériorité 
        avec laquelle ces sentiments contradictoires, fluctuants sont décortiqués, 
        jour après jour, semaine après semaine.
        Il m'en reste donc des impressions contradictoires difficiles à 
        synthétiser. À 20 ans je l'aurais ouvert en très 
        grand, aujourd'hui je ne saurais pas dire.
        Muriel![]()
        J'avais pour amoureux Marc Tadié, le frère du déjà 
        grand spécialiste de Proust Jean-Yves Tadié qu'il m'avait 
        fait rencontrer pour le choix de mon sujet de maîtrise que je voulais 
        faire sur Proust : sur Proust ! Mais tout a été dit ! (On 
        était en 1967 - qu'est-ce que ça doit être maintenant 
        !) Restait Jean Santeuil où il m'a proposé d'étudier 
        la préfiguration des principaux thèmes romanesques proustiens : 
        faut dire que Jean Santeuil, découvert longtemps après 
        la mort de Proust par Bernard de Fallois dans un carton à chapeau, 
        est NUL. Jean-Yves Tadié m'a trouvé comme directeur de mémoire 
        le professeur Castex - oui, Castex 
        et Surer...
        (Claire ouvre le parchemin de la maîtrise 
        en question, relié comme ça ne se fait plus, et lit Muriel 
        Stibbe dans le texte, disant à propos de métaphores ou comparaisons 
        trouvées dans Jean Santeuil pas trop mauvaises : "Mais 
        toutes ne sont pas aussi réussies, aussi originales, aussi spirituelles 
        ; certaines sont franchement malheureuses, telle celle-ci : Et 
        il se réveille, ne pouvant la resaisir avec la fureur d'un impuissant 
        qui aurait fait une fausse couche"...)
        Bref... non, non, rien ne s'est passé avec les Tadié... 
        Je trouve très intéressante la peinture sociale, avec ces 
        gens pleins de fric qui n'avaient rien à foutre qu'aller dans des 
        dîners : il s'agit d'un véritable documentaire. J'aime 
        aussi l'analyse des sentiments, de Swann pour Odette, même si cette 
        relation malsaine est pour lui particulièrement maso. D'ailleurs 
        parmi les 
        avis du groupe en 2011 que j'ai lus, je ne sais plus qui disait que 
        la correspondance de Proust montrait à quel point la relation avec 
        sa mère était sado-maso. 
        Oui, c'est un très beau style, et si les phrases sont longues, 
        elles sont très claires. (Voyant des mines dubitatives) 
        Non, c'est pas un roman-photo ! 
        Je me souviendrai toujours de la scène de la 
        mort de la grand-mère, absolument poignante ! J'ouvre en grand 
        évidemment.
        Etienne
 
        (à l'écran 
        depuis Rennes)
        Difficile de trouver les mots après l'avalanche de superlatifs 
        dont on a été baignés cette année ; je vais 
        essayer de donner mon avis simplement et, comme on me l'avait conseillé 
        il y a 5 ans quand j'ai ouvert La Recherche pour la première 
        fois, tenter de m'affranchir de tout ce qui a été dit ou 
        ce qui entoure le roman. 
        Je vous ai fait une infidélité car j'ai choisi de lire "La 
        prisonnière" qui était tout simplement l'endroit où 
        je m'étais arrêté il y a un an (j'ai pour projet d'en 
        lire un par an) et je vous avoue que je me voyais mal "revenir en 
        arrière". 
        La lecture de Proust, cela a probablement déjà été 
        dit, s'apparente à la pratique d'un sport : il faut trouver 
        son rythme, comprendre la structure de sa pensée et ensuite ça 
        devient comme une foulée. Une fois qu'on a compris, un peu, la 
        manière dont son esprit déroule sa pensée, cela devient 
        logique même si une attention aiguë est indispensable.
        "La prisonnière" traite principalement de deux 
        thèmes majeurs : la jalousie évidemment et l'homosexualité. 
        Pour qui a une fois ressenti de la jalousie une fois seulement dans sa 
        vie, ce livre est essentiel, il s'agit d'une analyse qu'aucun manuel de 
        psychologie ne pourra autant éclairer. Proust descend tellement 
        profond, examinant le moindre des rouages de ce sentiment honteux (qui 
        est évidemment néfaste autant pour l'objet que celui qui 
        la déploie) que c'en est parfois effrayant. Rarement on sent un 
        écrivain qui se met tant à nu. La thématique de l'homosexualité 
        m'a moins frappé, mais c'est probablement parce qu'il s'agit d'un 
        prolongement de "Sodome et Gomorrhe" (ou elle était déjà 
        été bien exposée). Toutefois, quelques brillantes 
        lignes où l'on voit passer Charlus du symbole de la virilité 
        des premiers tomes à ses manières de vieille femme. Quelle 
        étude du genre humain que le complot des Verdurin et la chute de 
        Charlus ! Non, décidément, l'homosexualité chez Proust 
        n'est pas heureuse
 On comprend aussi, en ayant vu les différentes 
        expositions à quel point le découpage des derniers tomes 
        est discutable et devait revêtir probablement une autre forme puisque 
        "La prisonnière" devait être une partie intégrale 
        de "Sodome et Gomorrhe".
        Si l'écriture de Proust me plaît et me parle tant, c'est 
        que je ne crois pas à la simplicité. Il est vrai que les 
        phrases sont à rallonge, longues, laborieuses, en "poupée 
        russe". Il aime tourner autour d'un concept, d'une idée, alors 
        il lance une phrase, puis une seconde, une troisième, etc., en 
        espérant qu'à force d'accumulation on puisse s'en approcher 
        au plus près, même si le centre reste parfois inatteignable, 
        inintelligible, un peu comme un trou noir (il me semble que les parallèles 
        entre Proust et l'astrophysique sont nombreux) ; c'est cela : Proust allie 
        comme personne la rigueur scientifique et un état de grâce 
        poétique. 
        Et l'exposition de la BNF met bien en valeur tout cela, où rarement 
        un processus de création a été à ce point 
        mis en lumière. Que dire des derniers tomes ? Peut-on véritablement 
        les juger comme les autres ? Il est presque certains qu'ils auraient été 
        largement remaniés au vu des incessantes épreuves imposées 
        à Gallimard pour les premiers publiés, certains passages 
        sont un peu décousus dans celui que j'ai lu (je pense à 
        quelques saillies, notamment sur l'art sortant au milieu de nulle part 
        ; quand on sait que Proust écrivait de façon fragmentaire, 
        cela n'a rien d'étonnant). Peut-être est-ce ce qui a fait 
        que j'ai eu un peu plus de mal à lire "La prisonnière" 
        que "Du côté de chez Swann". Qu'importe, le frisson 
        a été renouvelé, j'attaque l'année prochaine 
        "Albertine disparue". Ouvert en grand.
        Monique L
qui 
        a préparé une tarte aux asperges 
        proustiennes
        Que dire d'intelligent qui n'a pas déjà 
        été dit sur cette uvre ? A priori rien.
        Je ne peux qu'acquiescer aux louanges sur le style, la richesse et la 
        précision de la langue, la reconstruction imaginative de la mémoire 
        de l'auteur déclenchée aussi bien par l'odorat, le goût, 
        l'audition ou le toucher, mais le texte est trop long, trop étiré 
        pour me maintenir intéressée voire éveillée. 
        La manifestation actuelle de l'idolâtrie, voire du fétichisme, 
        ne m'aide guère. 
        Je n'avais encore jamais réussi à lire en entier un des 
        volumes de La Recherche. Je me suis donc lancée dans cette 
        lecture avec la volonté de lire ce recueil in extenso.
        J'en ai été incapable. Cela m'ennuie au bout d'un moment. 
        Je n'en ai même pas lu le quart. Je crois que c'est plus que les 
        fois précédentes. Les descriptions de l'église ou 
        plutôt des églises m'ont stoppée dans mon élan. 
        J'ai picoré des passages par-ci, par-là, comme les autres 
        fois. Pour moi il y a des longueurs, des tournures et images qui me fatiguent. 
        Les descriptions par touches successives peuvent être parfois intéressantes 
        si elles étaient moins systématiques. Je n'arrive à 
        lire que quelques pages à chaque fois, avant que mon attention 
        s'envole.
        Il y a déjà plus de 30 ans, j'avais offusqué mon 
        beau-frère, professeur de lettres classiques, par mon incapacité 
        à apprécier cette uvre. Il m'avait conseillé 
        de lire quelques pages chaque jour, ce qu'il faisait sans doute lui-même 
        puisque ses livres de chevet étaient des Proust. J'ai essayé 
        pendant quelque temps et j'ai laissé tomber.
        Je pensais qu'une fois à la retraite j'aurais plus de temps
        Je suis incurable. En tout cas mon beau-frère a mieux réussi 
        avec ses enfants puisqu'un de ses petits-fils s'appelle Swann...
        Difficile d'évaluer ma lecture dans laquelle je n'arrive pas vraiment 
        à persévérer et donc à faire de critiques 
        claires d'autant plus que certains passages m'ont vraiment plu.
        Rozenn
qui 
        fête ses trente ans dans le groupe en apportant deux bouteilles 
        de champagne !
        Passe-moi ton papier Monique, je vais le lire et dire exactement la même 
        chose
 (On rigole, c'est du Rozenn 
        tout craché) 
        Je retrouve dans ce qu'a dit Monique des termes que j'avais en tête 
        : sommeil, picorer, et une distance critique. 
        Ce qui suit est écrit après coup. Il faut lire Proust quand 
        on est malade, dit-on : chouette ! J'étais à l'hôpital. 
        Et je venais de lire plusieurs livres de René Girard qui, entre 
        autres, se réfère à Proust et Shakespeare.
        J'avais toujours refusé de m'y mettre par esprit de contradiction 
        : trop de pression. Même si j'avais lu À 
        l'ombre des jeunes filles en fleurs quand j'étais très 
        jeune (15, 16 ans), sans aucun souvenir réel. Mais pour le 
        groupe lecture, allons-y !
        D'une façon générale, je lis trop vite ; j'essaie 
        de ralentir. Et avec Proust ce n'est pas possible, pas possible non plus 
        sur une liseuse. Et pas possible quand on est shootée.
        Je me suis donc mise à écouter en audio, y compris Sodome 
        et Gomorrhe : et là, c'est fantastique. En fait, j'ai parcouru 
        dans le désordre. Parce que je m'endormais et que je ne savais 
        pas où j'avais décroché. Donc je reprenais un peu 
        au hasard. J'ai entendu des passages savoureux, certains plusieurs fois 
        avec le même ravissement : sur l'évocation de la musique, 
        sur le tilleul
 La partie "Un amour de Swann" me paraît 
        placée de façon incongrue. Je ne voudrais pas qu'on réduise 
        l'amour à la jalousie. Simplifions : si on n'est pas heureux, on 
        s'en va. Mais alors "Les noms de pays"
 j'ai fait une grande 
        impasse. Ah oui, je me suis complétement projetée dans la 
        Tante Léonie que j'adore.
        Alors
 avec ce type d'approche quel avis est-ce que je peux avoir 
        pour le groupe lecture.
        J'ai regardé deux DVD, bof ! J'ai tenté de comprendre à 
        partir de commentaires sur internet (commentaires parce qu'il n'y a pas 
        de critiques) comment l'ensemble de La Recherche était construit. 
        Si j'avais été éditeur, je l'aurais fait reconstruire. 
        Je ne l'aurais pas refusé pour des formulations comme les 
        "vertèbres 
        sur le front", même si cela m'avait arrêtée 
        ; pas non plus parce que les phrases seraient trop longues, puisque lues 
        par quelqu'un qui embrasse l'ensemble, la longueur est au contraire un 
        plaisir.
        J'ai ouvert
 une page sur 10. Je continuerai certainement
 un 
        jour. Si je l'emportais dans une île déserte, ce serait pour 
        la reprendre à ma façon
 Oups
 quelle prétention
        Peut-être que La Recherche est écrite, et pas terminée 
        pour que nous puissions nous en saisir.
        Laura![]()
        Comme certains, 
        j'avais déjà lu en partie en l'ouvrage, mais comme ce n'était 
        qu'en partie, je considérais que je ne l'avais pas lu du tout. 
        J'ai donc découvert "Combray" à l'occasion d'un 
        cours de philo de Terminale. Je ne sais même plus pourquoi il fallait 
        lire ce passage. Dans tous les cas je l'avais lu, mais n'en gardais que 
        peu de souvenirs (quelques passages dans la chambre au tout début, 
        l'infusion de tilleul, les clochers vus de loin dans la calèche). 
        J'ai donc tout relu, du début, et cette deuxième lecture 
        s'est en vérité affirmée comme une première. 
        J'ai pu plonger avec plus de concentration dans les descriptions des paysages, 
        et parfois j'avais la sincère impression d'être moi-même 
        à Combray, je plongeais dans le tableau (le passage au sujet des 
        aubépines notamment). Proust me semble vraiment extrêmement 
        doué pour la description, et par moments j'avais l'impression d'admirer 
        un tableau impressionniste. 
        Mais le roman a pris une tout autre tournure dès la deuxième 
        partie. Certains disent que tout ce passage sur l'amour n'est plus intéressant 
        quand on a plus de 20 ans ; eh bien moi j'en ai 21 et je trouve cette 
        illustration de l'amour absolument fabuleuse. Attention, je précise 
        qu'il s'agit ici du passage où Swann tombe au fur et à mesure 
        follement amoureux d'Odette (la jalousie m'exalte moins). J'aime l'idée 
        que Swann tombe amoureux d'une 
        image, comme par triangulation. C'est parce qu'il voit dans 
        le visage d'Odette les modèles des grands peintres italiens qu'il 
        l'aime. Il l'aime comme une uvre d'art, par distinction, par bon 
        goût. J'ai donc pensé aussi à Mensonge 
        romantique et vérité romanesque de René 
        Girard, comme l'a cité Rozenn. D'ailleurs, dans toute cette description 
        de tableaux, et de musiques parfois, j'ai repensé à À 
        rebours de Huysmans. Je ne sais pas si le lien est justifié
 
        J'ai aimé aussi l'arrivée imprévu de l'affirmation 
        de quelque vérité qui se veut universelle ou générale. 
        Par exemple : "Les êtres 
        nous sont d'habitude si indifférents que, quand nous avons mis 
        dans l'un d'eux de telles possibilités de souffrance et de joie 
        pour nous, il nous semble appartenir à un autre univers, il s'entoure 
        de poésie, il fait de notre vie comme une étendue émouvante 
        où il sera plus ou moins rapproché de nous. 
        Toutefois, j'ai une petite déception toute personnelle quant au 
        personnage de Swann
 Moi qui l'idéalisais dans "Combray" 
        et qui le considérais comme l'homme parfait, j'apprends dans la 
        deuxième partie qu'il est au fond une sorte de "mufle", 
        et que par surcroît il est roux aux yeux verts alors que je l'imaginais 
        brun aux yeux bleus
 Au-delà de ma marotte esthétique, 
        je pense que les Cottard dans ce passage sont un peu exagérés, 
        le docteur notamment. Alors s'il apporte ce côté comique 
        à la pièce qui se joue sans cesse chez les Verdurin, c'est 
        parfois trop lourd, pas assez fin. Je sens le ridicule de la scène, 
        mais quelque chose me gêne.
        Ce qui n'empêche que j'ouvre en grand évidemment, et que 
        je compte lire la suite !
        Sabine![]()
        Comme 
        certain.es d'entre nous, j'ai lu Proust à 20 ans, sur les bancs 
        de la faculté, en licence. Proust était au programme de 
        l'agrégation et le prof de stylistique a proposé des études 
        de passages qui me sont revenus, telles des petites madeleines. Cela a 
        été un vrai plaisir de les redécouvrir 40 ans plus 
        tard. 
        J'apprécie la lecture de La Recherche, qui est exigeante, 
        demande du temps, de la disponibilité. Cela m'a pris trois mois 
        pour relire un seul tome ! 
        J'ai beaucoup apprécié l'exposition sur la judaïté 
        de Proust ("Du 
        côté de la mère") et les commentaires sur 
        les brouillons, qui semblent "mimer" la lecture du Talmud. 
        
        

        L'expo à la 
        BNF m'a moins intéressée (étant bigleuse, je 
        n'ai pas vu grand-chose). 
        Sur une île, je l'emporte, bien sûr ! 
        Jacqueline![]()
        J'adore mais
 mais il m'est impossible de dire comment j'ouvre. J'ai 
        une édition des années 20 (livre en main) qui appartenait 
        à mon père et une édition de la Pléiade de 
        1957 qu'il avait offerte à l'aîné de mes frères 
        (sans réussir à ce qu'il apprécie et sa fille a égaré 
        les trois premiers tomes de l'édition de 1925 !) Mon père 
        était fan de Proust, il est mort en lisant Saint-Simon, qui n'est 
        pas sans rapport avec Proust (voir ici) 
        et dont il est beaucoup question dans La Recherche. Je l'ai donc 
        lu très tôt et pas dans un cadre scolaire ou universitaire.
        Beaucoup, beaucoup plus tard, en linguistique, j'ai entendu une intervention 
        ponctuelle éblouissante, sans doute autour de l'attention de Proust 
        au langage parlé : ce prof nous avait aussi lu la 
        rencontre de Charlus avec Jupien et la comparaison botanique ; il 
        nous en parlait comme d'une magnifique histoire d'amour, ce qui me surprenait 
        (sans doute mon côté coinc  !)...
        Et puis il y a eu toutes les relectures, les découvertes avec notre 
        groupe, les expositions... 
        Pour cette fois, j'ai retrouvé avec délice "Du côté 
        de Combray" : avec le plaisir du familier, mais aussi celui 
        de découvrir du nouveau... (un regard amusé sur Bloch et 
        l'envie de reconnaître Bergotte en lisant Anatole France qui en 
        aurait été un modèle). Surtout le plaisir de voir 
        les jalons plantés pour la suite, ce qui m'avait échappé 
        jusque-là et qui ne peut apparaître à la première 
        lecture : la construction. J'ai par contre eu un peu de regret à 
        voir se superposer au texte seul et à son Combray, les images d'Illiers 
        vues lors de notre visite, les aubépines pas en fleur, tout ce 
        côté un peu factice d'Illiers rendant hommage à son 
        écrivain ; et je ne suis pas arrivée à faire coïncider 
        la maison du livre avec celle que j'avais vue. Ça m'a donc entraînée 
        sur les rapports entre roman et réalité... Vive le roman 
        et son grand romancier !
        Je pourrais ouvrir en grand. Oui, j'ai eu un plaisir fou à certains 
        moments, et une grande envie à vouloir avancer.
        "Un amour de Swann", je ne l'avais pas vraiment compris autrefois, 
        quand je l'avais lu, je n'avais guère vu d'intérêt 
        à ce roman dans le roman. Il a d'ailleurs, dans l'ensemble de l'uvre, 
        un statut particulier puisque le narrateur en est absent. Je ne suis pas 
        sûre de bien comprendre cette histoire d'amour (pas plus, d'ailleurs 
        que Swann !). Je n'ai pas retrouvé dans  
        le film que nous avons regardé ce qui pouvait me 
        l'expliquer : ce qui est raconté d'un homme à femme, utilisant 
        ses amis pour rencontrer celles qui lui plaisent et fréquentant 
        des ouvrières, y compris alors qu'il est amoureux d'Odette... Dans 
        cette partie, j'ai été très sensible par contre à 
        l'analyse que fait Swann de ce qui lui apparaît contradictoire dans 
        ses sentiments (description d'une névrose ?), pour une fois j'ai 
        trouvé les paroles rapportées (celles de Swann !) invraisemblables 
        et je trouve que le film ne rend pas justice à Odette, belle et 
        pulpeuse certes, mais réduite à cette image. La dimension 
        sociale de l'époque m'y semble bornée aux apparences (costumes, 
        environnement) alors que le texte de Proust, permet me semble-t-il, une 
        vision plus ample et une réflexion sur la société 
        de cette époque comme en particulier la situation qu'elle fait 
        aux femmes... Je suis très contente de l'avoir lu, mais ma tendance 
        naturelle serait de sauter les descriptions de la nature (aubépines, 
        automne à Boulogne...) qui me semblent des morceaux de bravoure 
        dont je ne vois pas trop l'intérêt. Ayant des souvenirs éblouis 
        des automnes à Versailles, j'ai lu avec application l'automne 
        au bois de Boulogne et j'ai dû chercher ampelopsis dans 
        le dictionnaire pour retrouver le flamboiement de la vigne vierge !
        Quant à la partie "Noms de pays", j'avais le souvenir 
        de quelque chose d'extraordinaire, que, là, je n'ai pas retrouvé. 
        Je vais le relire pour comprendre pourquoi... 
        Manuel
 
        
        Mon avis sera très court. Je suis d'accord avec Sabine sur l'exigence, 
        car une certaine disponibilité est nécessaire : j'ai lu 
        la moitié. J'avais lu il y a longtemps Du côté 
        de chez Swann etça revient tout de suite. 
        Il y a des pages admirables et remarquables. Le moment où on est 
        sur le coup : admirable. C'est un monument bluffant et Proust a la place 
        qu'il mérite. 
        Quelle acuité ! Par exemple le passage sur le tilleul, c'est ttrès 
        beau. Je compare à la peinture. 
        Il nous fait vivre une expérience de lecture.
        J'ouvre en grand évidemment.
        Claire
frimant 
        avec son pin's proustien
        Le plaisir du livre 
        de poche avec coffret, drôlement pratique, 
        le livret d'illustrations, tout ça pour 9,40 €, c'est 
        un luxe, vraiment un cadeau pour le lecteur. Même raffinement avec 
        des notes d'une précision infinie et le résumé page 
        par page presque : un appareil critique de la Pléiade qui nous 
        est accordée à nous, populace
 Et comment ne pas songer 
        au plaisir annoncé du Texte Sacré, enrobé de tout 
        le fétichisme de ce Grand Texte National... Voilà pour les 
        trompettes précédant ma lecture.
        D'abord vient l'impression de tourisme, comme quand on découvre 
        pour de bon le Taj Mahal qu'on a vu plein de fois en photo : c'est donc 
        d'abord reconnaissance de ce qui a été perçu à 
        plusieurs reprises, en voyant réellement ce qu'on a vu représenté, 
        et en l'occurence ici, cité, recité, et peut-être 
        même lu ; car même si j'avais lu le tome "Du côté 
        de chez Swann" - retrouvant après coup des notes datant de 
        notre visite à Illiers en 1991 - comme j'oublie, tout est nouveau, 
        ou comme dans ce cas, ah oui tiens, reconnaissance.
        Ensuite, et non sans rapport avec mon impression, les éclairs concernant 
        la subtilité du narrateur : par exemple quand il dit de sa grand-mère 
        qui souhaite qu'il ait dans sa chambre l'image des monuments ou des paysages 
        les plus beaux, qu'elle ajoute un degré d'art en choisissant non 
        pas une photographie mais un peintre, introduisant ainsi plusieurs épaisseurs 
        d'art : "au lieu de 
        photographies de la Cathédrale de Chartres, des Grandes Eaux de 
        Saint-Cloud, du Vésuve, elle se renseignait auprès de Swann 
        si quelque grand peintre ne les avait pas représentés, et 
        préférait me donner des photographies de la Cathédrale 
        de Chartres par Corot, des Grandes Eaux de Saint-Cloud par Hubert Robert, 
        du Vésuve par Turner, ce qui faisait un degré dart 
        de plus."
        Les fameuses comparaisons apportent aussi de la pensée, comme pour 
        l''idée un peu hindoue" 
        de la société "composée 
        de castes fermées". Ou de la jouissance pour des 
        descriptions, comme celle du tilleul destiné à l'infusion 
        de la tante : "Les 
        feuilles, ayant perdu ou changé leur aspect, avaient l'air des 
        choses les plus disparates, d'une aile transparente de mouche, de l'envers 
        blanc d'une étiquette, d'un pétale de rose, mais qui eussent 
        été empilées, concassées ou tressées 
        comme dans la confection d'un nid" (j'ai pensé 
        alors à la géniale exposition en ce moment au Louvre sur 
        "Les 
        choses").
        En lisant, non seulement je visite en touriste un monument, mais je suis 
        aussi au spectacle où viennent des applaudissements pour les comparaisons 
        : un peu comme quand au cirque on entend le roulement de tambour pour 
        les performances au trapèze, le moment attendu qui fait vibrer. 
        Par exemple, "y a du monde devant la porte" devient : "Les 
        domestiques ou même les maîtres, assis et regardant, festonnaient 
        le seuil d'un liséré capricieux et sombre comme celui des 
        algues et des coquilles dont une forte marée laisse le crêpe 
        et la borderie au rivage, après qu'elle s'est éloignée". 
        
        Et il y a l'humour dont plusieurs ont parlé ; ainsi, après 
        le morceau de bravoure sur la musique de Vinteuil, la comtesse s'exclame 
        : "Je n'ai rien vu d'aussi 
        fort
 rien d'aussi fort
 depuis les tables tournantes !" 
        Moi je rigole intérieurement.
        Il y a aussi "le genre" (Brigitte a 
        souligné le rôle d'innovateur de Proust) : pas tellement 
        un récit, mais des dissertations sur la réalité sensible, 
        des analyses sur ce qu'est l'art, des exercices de style (le trapéziste...) 
        ; tout juste si je ne dis pas comme le narrateur à propos de Bergotte 
        : "j'étais déçu 
        quand il reprenait le fil de son récit." Moi aussi 
        ! Ou encore : "j'aurais 
        voulu posséder une opinion de lui, une métaphore de lui, 
        sur toute chose". C'est en cela que Proust se prête 
        vraiment aux morceaux choisis du Lagarde et Michard, que voici : 
        
        Pas la peine de lire toute La Recherche, le Lagarde et Michard 
        suffit ! Et le moment où le narrateur pond son texte sur les deux 
        clochers de Martinville, c'est formidable, avec l'approche du rôle 
        de l'écriture. Et le moment où... Et le moment où...
        Mais, mais, il y a pour moi "des longueurs", non pas que la 
        phrase est longue, mais parce que c'est ennuyeux, avec des morceaux de 
        bravoure pénibles, par exemple la 
        description du couronnement d'Esther sur une tapisserie dans l'église 
        (même si c'est à cette occasion qu'est évoqué 
        l'espace à quatre dimensions - la quatrième étant 
        celle du Temps). Ou bien sur Odette quand elle prend de la distance ça 
        n'en finit pas... Et puis, des exercices de style virent parfois au kitch 
        : "C'est ainsi qu'au 
        pied de l'allée qui dominait l'étang artificiel, s'était 
        composée sur deux rangs, tressés de fleurs de myosotis et 
        de pervenches, la couronne naturelle, délicate et bleue qui ceint 
        le front clair-obscur des eaux, et que le glaïeul, laissant fléchir 
        ses glaives avec un abandon royal, étendait sur l'eupatoire et 
        la grenouillette au pied mouillé les fleurs de lis en lambeaux, 
        violettes et jaunes, de son sceptre lacustre." 
        Ouh ouh (contraire des applaudissements...) ; comme dirait Proust à 
        propos d'une musique assez merdique, c'est vraiment stercoraire... 
        Et comme Rozenn (qui ne l'a pas dit comme ça), 
        je trouve qu'"Un amour de Swann" arrive comme un cheveu sur 
        la soupe question contruction (mais j'ai aimé lire ce contraire 
        de roman Harlequin). Par conséquent, vu ces réserves d'admiratrice, 
        j'ouvre aux ¾.
        Je suis frappée par le nombre de "j'ouvre en grand évidemment", 
        comme s'il convenait d'adorer Proust ; j'aime beaucoup le témoignage 
        de Monique L qui nous montre à quel point elle était 
        limite anormale de ne pas aimer Proust, avec son beau-frère 
        prof de lettres classiques qui lui administrait un médicament : 
        un cachet de Proust par jour. Heureusement qu'elle était là 
        parmi nous pour apporter une note discordante à ce concert 
        de pâmoisons obligées... 
        Et pour enfin (!) finir, les produits dérivés de Proust 
        m'amusent bien, j'en ai réuni une petite 
        collection ci-dessous...
Renée, après la séance, 
        en pensant à ce qu'a dit Laura
        Swann tombe amoureux d'Odette lorsqu'il 
        est frappé par sa ressemblance avec Zéphora, la fille 
        de Jéthro sur une fresque de Botticelli (Les 
        épreuves de Moïse) à la chapelle Sixtine. Ce supplément 
        d'art la lui rend plus précieuse. Un livre qui me suit lorsque 
        je lis Proust : Le 
        musée imaginaire de Marcel Proust d'Éric Karpeles 
        où figurent tous les tableaux évoqués dans La 
        Recherche.
Claire, faisant semblant d'avoir ouvert des livres épais de 
        sa bibliothèque...
        Pas mal... j'ai celui-ci, Proust 
        et les peintres, ne se limitant pas à 
        La Recherche, un livre aussi excessif qu'elle, car il pèse 
        4 kilos... Je vois aussi qu'avec l'année Proust, vient 
        de sortir Proust 
        et les arts, c'est sans fin...
Margot
 
        (avis transmis) 
        Voici ma participation à la lecture du roman de Proust. Je ne pouvais 
        pas moins que de faire court. Tout se tient dans le titre. 
        Le roman est l'histoire d'un petit personnage qui ne peut se séparer 
        de sa mère, petit cocon douillet dont les bras sont sans arrêt 
        réclamés, tout en haut d'une chambre perchée au terme 
        d'un escalier, qui semble à la Piranèse, l'éloigner 
        du monde et l'immerger dans l'univers du nocturne, du coucher, du rêve 
        et du réveil incertain dans la nuit qui, elle, ouvrirait sur un 
        songe d'une tout autre étoffe
        En relisant "Du côté de chez Swann" avec beaucoup 
        d'attention, il m'est apparu que tout démarrait à l'heure 
        du coucher, à l'heure du songe, teintant de la sorte tout le roman 
        de cette incertitude du rêve (rêve d'enfance, paradis perdu 
        qui jamais n'exista) et que chaque épisode déployé 
        renaissait alors dans une coquille de noix, selon cette petite madeleine 
        matricielle, creuset d'écriture de tout le roman me semble-t-il
 
        Tout est ainsi forme d'une coque de noix qui se déploie : la maison, 
        le coucher, la mère, Combray, et ce mystérieux Monsieur 
        Swann. Toujours du côté de
 Magie du titre où 
        se tout love déjà dans une coquille de noix. 
        À ouvrir en grand, mais pas dans toutes les mains. Pas entre toutes 
        les mains, surtout celles des trop jeunes que l'on ennuie avec des lectures 
        si denses, ni les pressés en quête d'aventure et de mouvements 
        marqués. Ce serait peine perdue pour ces lecteurs et pour le roman 
        je crois.
        Romain
(avis 
        transmis) 
        Je l'ouvre à fond et plus qu'à l'époque de ma première 
        lecture, car quand je l'ai lu sans en connaître la fin, je comprenais 
        mal pourquoi un narrateur qui est le personnage principal passe autant 
        de temps sur des aventures si peu palpitantes que d'aller se coucher sans 
        un baiser de maman, et de ducs et de duchesses. Et surtout ce style dans 
        lequel je me noyais.
        Mais en le relisant grâce au club, j'ai pris vraiment beaucoup de 
        plaisir maintenant que je sais ce qu'il finit par trouver au bout de sa 
        recherche et que je me suis familiarisé à son style, en 
        n'hésitant plus à découper ses phrases pour le lire 
        à mon rythme. J'aime bien que son style soit un style de l'analyse 
        qui dure tant que se déploie la phrase car il décortique 
        et il est ainsi capable d'arrêter le temps sur une sensation qu'il 
        a eue, sur une réminiscence qui ressurgit, un peu comme du slow 
        motion. J'aime bien que l'uvre soit très personnelle et qu'il 
        y ait Proust dans tous les personnages, et évidemment le narrateur 
        ; la grand-mère et la mère hypersensibles, bienveillantes, 
        aimantes ; Swann le collectionneur dandy roturier comme modèle, 
        mais aussi l'amoureux malheureux comme il le sera d'Albertine, quoique 
        l'étant déjà de Gilberte ; la Tante Léonie 
        maniaque comme Proust, mais si attachante : "elle 
        ne parlait jamais qu'assez bas, parce qu'elle croyait avoir dans la tête 
        quelque chose de cassé et de flottant qu'elle eût déplacé 
        en parlant trop fort". 
        Ses images aussi sont personnelles et pourtant universelles, elles nous 
        parlent quoiqu'elles viennent de l'expérience, du vécu de 
        Proust lui-même. J'aime bien que le narrateur soit aussi le personnage 
        principal qui sait tout sur tous les autres personnages, quoiqu'il s'efface 
        dans la deuxième partie pour faire place à Swann. Il prend 
        le temps de nous les présenter vieillissant et évoluant 
        et dès "Un amour de Swann", celui-ci, avant même 
        les prochains tomes, qu'on voit déjà devenir différents, 
        évoluer, changer, vieillir sous l'influence d'Odette. J'aime que 
        le thème de l'amour soit traité sous différentes 
        formes et points de vue et j'ai bien mieux compris le sens de la partie 
        sur "Les noms" qui d'ailleurs m'amène une dernière 
        remarque : je me sens plus intelligent en lisant Proust.
        Audrey![]()
        Avant de vous accueillir, n'ayant pas relu le premier tome (j'avais déjà 
        lu "Un amour de Swann"), j'ai quand même voulu lire quelques 
        pages de Proust et cette fois-ci j'ai commencé "Le côté 
        de Guermantes", quelques dizaines de pages seulement. Mais j'ai retrouvé 
        instantanément cette sensation absolument incroyable et difficilement 
        descriptible que je n'ai jamais ressenti qu'avec Proust : cette descente 
        dans le tréfonds des mécanismes de la pensée. 
        Proust, au fond, nous décrit, nous montre, nous explique, décortique, 
        analyse, comprend, comment nous, hommes et femmes, pensons, vivons et 
        ressentons... inconsciemment. Inconsciemment !
        Alors là, en vous parlant, je me souviens tout à coup de 
        quelque chose d'important que je dois dire très brièvement : 
        j'ai moi-même arrêtée ma psychanalyse avec Proust ! 
        Proust m'éclairait certainement (c'était plutôt un 
        éblouissement)... sur ce qu'il me restait à éclairer 
        avant de terminer une analyse. Je comprenais des choses qu'il me dévoilait... 
        J'ai fini, à la demande de ma psychanalyste, par apporter des photocopies 
        des passages du livre... Fin de la parenthèse sur ma vie... 
        Mais je fais soudain ce lien, là, sur le moment, en vous parlant... 
        J'ai l'impression qu'il y a quand même quelque chose de l'ordre 
        de la remontée de l'inconscient à la conscience ; quelque 
        chose de l'ordre d'une sorte d'inconscient collectif qui remonte à 
        la conscience individuelle. Pour moi, il y a une profonde dimension analytique 
        chez Proust. Elle explose par exemple dès la deuxième page 
        dans "Le côté de Guermantes" par l'analyse qu'il 
        fait, très très longuement, de notre attachement à 
        des noms, à la façon dont nous pouvons les associer à 
        des lieux, des personnes, et ne plus nous défaire de ces images 
        créées par nous, puis y rêver, finalement s'en éloigner, 
        y revenir... Quelle acuité du regard !
        Je me demande comment il pouvait vivre normalement... Mais en fait j'ai 
        la réponse à ma question car il ne vivait pas "normalement" 
        ! Et sans doute que quand il sortait dans les salons et dans le monde, 
        il devait être sans arrêt en position d'observateur, de scrutateur, 
        "décortiqueur". D'écrivain entièrement 
        dédié à son uvre ! Proust suit les méandres 
        de notre fonctionnement mental. De nos associations. Je dis-nous... Quand 
        je lis Proust, je me lis moi-même. Je ne me lis pas moi-même 
        en tant qu'auteure, malheureusement, mais moi-même en tant qu'être 
        humain qui traverse la vie.
        J'ouvre en très grand.
        
        Monique M
        J'ai écouté un 
        neurologue dans La Grande Librairie sur Proust, qui disait 
        exactement ce que tu viens de dire, que le processus utilisé dans 
        l'analyse, le fait de faire remonter de l'inconscient des choses enfouies, 
        c'est exactement ce que fait Proust dans La Recherche.
        Valérie![]()
        Je suis ravie de le lire à 60 ans ; je l'avais lu très jeune 
        et avais eu l'envie d'écrire quelque chose sur Proust ; j'ai compris 
        qu'il y avait des clés qui allaient m'être livrées 
        ; j'ai relu plusieurs fois les premiers volumes ; c'était magique 
        de le relire aujourd'hui ; je vais lire toute La Recherche. 
        Ce que j'ai beaucoup apprécié dans "Du côté 
        de chez Swann" (j'ai fait tous les lieux proustiens, à Illiers 
        la maison de tante Léonie, au Pré Catelan, l'église 
        de Combray, Cabourg, la rue Hamelin où il est décédé, 
        donc tout un pèlerinage ; il existe une avenue Proust très 
        petite dans le 16e arrondissement) et adoré relire le passage de 
        la madeleine ; au début, il croit que c'est le thé, il se 
        rend compte que c'est l'odeur et se souvient de la tante Léonie. 
      
Nathalie lit le passage sur la madeleine.
        
Valérie
        Et toute cette merveilleuse citation : "Et 
        tout à coup le souvenir m'apparut (
) l'édifice immense 
        du souvenir". Pour moi, Marcel Proust est inégalé 
        ; les odeurs restent ancrées dans le souvenir ; ce qui me fascine 
        c'est comment il arrive à tirer des fils de son passé, l'odeur 
        étant un sens déterminant. 
        Ce que j'ai beaucoup aimé aussi, ce sont les après-midis 
        de lecture à Combray et puis, les tourments de l'amour. 
        C'est le livre de ma vie. J'ouvre en grand. Je vous recommande Maman 
        de Michel Schneider où il écrit sur Proust. 
        Nathalie B![]()
        J'ai découvert Proust en 1ère, grâce à ma professeure 
        de français. Je suis tombée amoureuse de son écriture. 
        Puis j'ai commencé À la recherche du temps perdu 
        (quel titre magique) et m'y suis plongée tout un été. 
        Et j'ai profondément adoré. C'était mon univers ; 
        j'ai encore les sensations de lecture de À 
        l'ombre des jeunes filles en fleurs, en plein été, 
        sous un chêne. Les descriptions que Proust fait des sensations, 
        des odeurs, des couleurs, pour les arracher au temps qui passe, m'ont 
        habitée et ont fait partie de ma construction mentale. Jusqu'au 
        temps retrouvé. Je suis admirative de son sens de l'observation, 
        son analyse, sa connaissance et compréhension de l'humain. De cela 
        je n'avais rien oublié. 
        En revanche, lorsque j'ai relu le premier volume, j'ai découvert 
        un autre plaisir. Je ne me souviens pas, peut-être ne l'avais-je 
        pas perçu, de l'humour qu'il avait. J'ai eu des fous-rires en le 
        lisant cette fois. Parfois il peut être cruel mais il y a des choses 
        très drôles sur les expressions des personnages, ce qu'ils 
        ressentent, la façon dont ils sont
 Par exemple, sa description 
        de la première rencontre entre Swann et le Dr Cottard. Proust a 
        un sens de la dérision des comportements humains qui est joyeux 
        et nous les rend proches. Je pense qu'il aurait pu être Swann s'il 
        n'avait pas eu l'écriture et son uvre à construire. 
        Bien sûr, il décrit un monde, son monde, où il y a 
        des domestiques et des maîtres... Parfois il est un peu condescendant 
        avec eux.
        
        François
        Il 
        avait un rapport fusionnel avec ses domestiques, très dur aussi. 
        Il avait le génie du pastiche et faisait beaucoup rire avec ça. 
        Il a une capacité d'empathie, il s'identifie complètement 
        et retrace le langage de Françoise, c'est très drôle, 
        mais aussi d'une méchanceté fabuleuse. Quand il décrit 
        la duchesse de Guermantes, son grand nez, cette complexité inouïe 
        avec le monde
 
         
        
        Nathalie
        Quoi qu'il en soit
 Dans ma deuxième lecture, j'ai fait un 
        retour vers l'analyse de ce qu'on ressent avec une acuité incroyable. 
        Il y a des descriptions de sensations où chacun peut reconnaitre 
        les siennes, comme celle de la lecture au soleil, avec les heures qui 
        passent et que l'on entend de l'église. Proust a l'art de faire 
        rejaillir chez nous des émotions fortes que l'on a pu avoir dans 
        le passé. Ce qui est assez extraordinaire
C'est avec la description 
        de l'église que je me suis rendu compte à quel point Proust 
        uvrait pour que les objets, les lieux, les sensations continuent 
        d'exister malgré le temps qui efface tout. Il les arrache à 
        l'oubli. C'est cela que personnellement je trouve absolument sublime
 
        J'ouvre en très grand. 
Audrey 
        C'est la même idée avec une nouvelle forme, une nouvelle 
        lumière, il déploie l'idée.
        
        Nathalie
        À chaque 
        fois, il l'écrit avec un éclairage différent, à 
        la fois la même et une autre chose ; il creuse et approfondit ce 
        qu'il donne à voir.
        Françoise![]()
        Je me sens très proche de Nathalie : première lecture il 
        y a 10 ans, aussi très frappée par les sensations.
        Et là, me suis vraiment vraiment vraiment ennuyée.
        J'adhère aux propos de Nathalie quand elle parle d'ennui et de 
        souffrance. Les comportements, les tics de l'attente, c'est très 
        cérébral. Je trouve ça spécieux : à 
        quoi ça sert ? C'est une machine à penser pour finalement 
        arriver à quoi ? Les sensations, les tics qu'il écrit des 
        personnages qu'il côtoie ça ne m'apporte rien.
        Ce qui m'a intéressée, c'est un monde qu'il décrit 
        qui n'existe plus aujourd'hui : il y a un million de domestiques à 
        cette époque ! Pour moi c'est plutôt un ethnologue. Son rapport 
        à ces gens se situe entre supériorité et humilité. 
        Il sait où il est.
        Mais il y a de très beaux passages sur Françoise, par exemple 
        le portrait d'elle sous la pluie : c'est un portrait magnifique, elle 
        est là, on la voit, on sent qu'il fait ce portrait avec son cur.
        Je suis partagée donc, car je suis aussi éblouie par son 
        humanité et la dimension historique et anthropologique ; mais 
        je me suis arrêtée à la page 150. J'ouvre en grand 
        quand même bien sûr, car on apprend, et que c'est génial 
        par moment. Et aussi, en raison de cette temporalité avec ses limites 
        floues : j'adore quand il est dans la position de cet homme qui dit quelque 
        chose de passé dans sa jeunesse et qui confirme que oui, ça 
        s'est bien passé, sans que l'on sache exactement où est 
        Proust. C'est une leçon de vie : voyez, la vie m'a donné 
        raison ou a confirmé quelque chose de ressenti.
Nathalie 
        Oui c'est ça, dans un homme il rend ce mélange des temporalités 
        : être en même temps l'enfant, l'adulte, plus âgé.
François 
        Oui c'est ça, il y a un dévoilement philosophique. Il détestait 
        qu'on s'intéresse aux détails : il voulait appeler ça 
        "la recherche de la vérité". Le narrateur veut 
        toujours écrire, il se dit sans cesse "ça me rappelle 
        quelque chose", comme on dirait aujourd'hui.
        J'admire ceux qui sont de plain-pied dans La Recherche ; j'ai 
        fait grâce à vous une nouvelle lecture. Parfois même 
        au bout de 10 fois, je reste sans comprendre une phrase.
        Proust est capable de transfigurer tout ce qu'il voit. À la fin 
        il y a une réalité. 
        La jalousie de Swann, c'est extraordinaire, vraiment extraordinaire. 
        Son problème en fait, c'est de passer de l'impression à 
        l'expression, et de comprendre qu'on ne peut l'exprimer ; Proust savait 
        les hiatus entre la vie et la littérature, c'est ce qu'il écrit 
        pour à la fin dire que la vie et la littérature sont deux 
        choses différentes. Alors qu'il décrit sublimement la vie ; 
        quelle description de fleurs et des aubépines, et il découvre 
        le plaisir, et le lie à ce qu'il voit dehors. Ça reste impensable 
        pour moi sa qualité d'observation. 
        Jean-Paul![]()
        Moi je n'avais jamais lu Proust.
        Pendant longtemps je me suis couché de bonne heure, 20 pages là-dessus 
        et je me suis dit que moi j'allais vite me coucher de bonne heure.
        Ses stratagèmes pour faire venir sa mère, quel ennui ! Puis 
        je me suis quand même senti emporté et un peu perdu dans 
        les jardins, lors des balades. Il y a l'impression qu'il y a un bon côté 
        et un mauvais côté. Description des fleurs, des odeurs, des 
        jardins... je ne dirai pas que ça ne m'a pas plu, mais je ne lirai 
        pas la suite.
        Il n'arrête pas d'analyser le passé, il fait appel aux réminiscences 
        tout en disant que l'on ne retrouve pas son passé. Est-ce que l'on 
        n'idéalise pas son passé ?
Nathalie 
        Retrouver son passé c'est de l'ordre du hasard, selon Proust. 
Jean-Paul 
        Après "Combray", j'ai été désarçonné 
        car après c'est un autre livre "Un amour de Swann". J'ai 
        essayé de tout lire mais j'avais envie d'arrêter après 
        40 pages.
        Parmi vous, tout le monde semble idolâtrer cette uvre. Mais 
        je vais quand même ne l'ouvrir qu'à demi et non pas en entier.
Françoise 
        Non pas idolâtrer, ce n'est pas de cet ordre-là.
        Monique M
 
        
        Vous avez déjà tout dit. Ce livre est un monde de sensations 
        exprimées avec érudition, un talent fou et une sensibilité 
        exaspérée ; c'est avec cette anxiété, cette 
        sensibilité extrême, quasiment maladive, qui le faisait attendre 
        dans l'angoisse le baiser de sa mère, que le narrateur porte dans 
        ce livre son regard sur le monde, la nature, les hommes et ce qui les 
        fait vivre. L'écriture, le style, les images surgies de ses développements, 
        ses arabesques littéraires, sont splendides. Ce sont des digressions, 
        des enroulements sans fin, parfois épuisants, souvent atteignant 
        des sommets de beauté. C'est aussi l'histoire d'une époque 
        et d'un milieu social aisé, cultivé, au regard amoureux 
        sur l'aristocratie dont le narrateur admire le raffinement, l'esprit, 
        la culture ; et d'une ironie mordante envers la petite bourgeoisie 
        qui les singe. C'est aussi la relation paternaliste de ce milieu envers 
        les domestiques, les commerçants, les gens du peuple que côtoie 
        la famille ; le livre souligne aussi l'importance des rituels, de 
        la religion, des réceptions entre gens de même milieu social, 
        les coteries de l'époque, le regard sur les cocottes, tout autant 
        méprisées que secrètement admirées, la troupe 
        de cuirassiers qui passe en les rues de Combray avant d'aller se faire 
        tuer au front (on est entre 1870 et 1914). Les promenades en fiacre au 
        bois de Boulogne, les jeux d'enfants aux Champs Élysées
 
        toutes choses si éloignées de notre époque, qu'elles 
        sont passionnantes à lire.
        Mais c'est avant tout un talent immense pour décrire des réminiscences, 
        des surgissements de la conscience qu'il fait surgir intacts du passé 
        aussi vivants, palpables, qu'au moment où ils ont été 
        vécus. C'est bien sûr, la madeleine de la tante Léonie, 
        mais aussi bien d'autres moments tout aussi saisissants. Il y a une similitude, 
        une sorte de continuité, entre l'attachement maladif du narrateur 
        à sa mère ou à Gilberte, et dans l'amour fou, irrationnel 
        de Swann pour Odette, une sorte de soumission, de dépendance totale 
        à l'autre, à celle dont dépend apparemment entièrement 
        son existence, son destin. Cette sensibilité débordante, 
        irrationnelle traverse tout le livre. J'ai beaucoup aimé ces passages 
        qui réveillent des sensations visuelles ou olfactives simples, 
        évidentes, vécues au quotidien, qu'il décrit si justement 
        et magnifiquement : c'est par exemple ces "chambres 
        d'été où l'on aime être uni à la nuit 
        tiède, où le clair de lune appuyé aux volets entr'ouverts 
        jette jusqu'au pied du lit son échelle enchantée" 
        ou bien "les impalpables 
        irisations, les surnaturelles apparitions" des personnages 
        de la lanterne magique dont on coiffait sa lampe de chevet pour le distraire, 
        qui s'animent sur les murs, prennent réalité dans le volume 
        des rideaux ; passage magique de l'univers clos de sa chambre à 
        un univers extensible sans cesse renouvelé, issu du vagabondage 
        de sa pensée. Ou encore, lors des visites de Swann à ses 
        parents : "nous 
        entendions au bout du jardin, non pas le grelot profus et criard qui arrosait, 
        qui étourdissait au passage de son bruit ferrugineux, intarissable 
        et glacé, toute personne de la maison qui le déclenchait 
        en entrant, mais le double tintement timide, ovale et doré de la 
        clochette pour les étrangers", ou encore le clocher 
        de Saint-Hilaire qui "lâchait, 
        laissait tomber à intervalles réguliers des volées 
        de corbeaux qui, pendant un moment tournoyaient en criant, comme si le 
        vieilles pierres qui les laissaient s'ébattre sans paraître 
        les voir, devenues tout d'un coup inhabitables, les avaient frappés 
        et repoussés. Puis, après avoir rayé en tous sens 
        le velours violet de l'air du soir, brusquement calmés ils revenaient 
        s'absorber dans la tour, de néfaste redevenue propice", 
        admirable de justesse. Mais ce sont aussi toutes les blessures affectives, 
        ces sanglots de l'enfance "qui 
        n'ont jamais cessé ; et c'est seulement parce que la vie se tait 
        maintenant davantage autour de moi que je les entends de nouveau, comme 
        ces cloches de couvent que couvrent si bien les bruits de la ville pendant 
        le jour qu'on les croirait arrêtées mais qui se remettent 
        à sonner dans le silence du soir". 
        Je pourrais citer encore bien des passages éblouissants d'ironie, 
        ou d'humour comme le dîner chez les Verdurin ; la description mordante 
        des valets de pied puis des invités lors de la soirée de 
        la marquise de Saint-Euverte ; les tourments jaloux de Swann à 
        Compiègne ; la tombée en extase du narrateur enfant, en 
        mal de Gilberte, devant les galons de la livrée du laquais à 
        la porte des Swann, sous l'il effaré de Françoise
 
        C'est une uvre essentielle magnifique que j'ouvre en grand.
        François
 
        
        Impossible de ne pas s'arrêter un instant sur le début qui 
        nous montre le narrateur en train de se débattre entre la veille 
        et le sommeil, le rêve et la réalité dans des états 
        bien surprenants. Proust ajoutera que quand il est profond, le sommeil 
        nous entraîne dans les abysses de l'existence telle qu'elle "peut 
        frémir au fond dun animal (...). Quelquefois 
        comme Eve naquit, une femme naissait pendant mon sommeil". 
        Toute La Recherche n'est peut-être que l'histoire "d'un 
        homme qui s'éveille et qui parle." Réveil 
        paradoxal, car après voir évoqué (et avec quel génie 
        si l'on pense à l'écriture), dans des milliers de pages 
        les sortilèges du temps perdu, le narrateur découvre que 
        la "vraie vie est ailleurs". 
        C'est-à-dire en soi. Et dans la création. Et qu'il décide 
        alors d'écrire une uvre que nous ne lirons jamais. Tous les 
        signes mondains sont trompeurs, mais encore faut-il les vivre pour s'en 
        apercevoir. Nous avons tous besoin d'intercesseurs
 Et Proust est 
        un magnifique intercesseur, même s'il n'est pas toujours facile 
        de le suivre dans les méandres compliqués de sa phrase et 
        de sa pensée. Dans "Du côté de chez Swann", 
        il jette les bases où, comme il le dit quelque part, propose les 
        gisements d'où va émerger toute la suite. On sait à 
        quel point il tenait à ce qu'on ne perde pas de vue le plan de 
        son uvre, en ne s'attachant qu'à des détails ou des 
        épisodes particuliers. Qu'importe, j'ai redécouvert ces 
        épisodes avec plaisir. Qu'il s'agisse des émois du narrateur 
        à cause du baiser refusé par la mère, des manies 
        de la tante Léonie, de la vie cachée de Swann qui nous sera 
        racontée plus tard. Mais il y a aussi le dévouement de Françoise 
        et son incroyable faconde... qui l'ont fait passer à la postérité ! 
        Combray c'est tout un monde qui, de fil en aiguille, va remonter de la 
        célèbre tasse de thé. Mais aussi le caractère 
        d'un narrateur toujours sur le qui-vive et attentif au moindre signe qui 
        pourrait lui révéler ce qui se cache sous les apparences. 
        Génie de Proust quand il décrit la jalousie Swann comme 
        un besoin pathologique de découvrir la vérité. La 
        jalousie... grande fenêtre sur l'Autre et l'inconnu. (On peut comprendre 
        qu'Odette trouve Swann qu'elle épousera plus tard, insupportable). 
        Difficile d'en dire plus, La Recherche est une uvre complexe 
        et déroutante dont il n'est pas facile de parler. Dès qu'on 
        le fait, on s'aperçoit toujours qu'on a oublié tel détail, 
        telle pensée, ou tel passage qui nous semblait essentiel. Celui-ci 
        par exemple, quand le narrateur dit son désappointement devant 
        les choses : "Et voyant 
        sur leau et à la face du mur un pâle sourire répondre 
        au sourire du ciel, je mécriai dans mon enthousiasme en brandissant 
        mon parapluie refermé : 'Zut, zut, zut, zut.' Mais en même 
        temps je sentis que mon devoir eût été de ne pas men 
        tenir à ces mots opaques et de tâcher de voir plus clair 
        dans mon ravissement." J'ouvre en grand.
        Antoine![]()
        J'ai commencé La Recherche il y a à peu près 
        un an. J'en suis à "Sodome et Gomorrhe". Je vais partager 
        deux expériences personnelles. 
        D'abord une rencontre avec Jean-Yves Tadié, spécialiste 
        de Proust. Il se trouve que je me suis aperçu il y a peu (parce 
        que je lisais Proust) qu'il était voisin de notre maison de famille 
        à Dinard. J'ai fini par le croiser - le jour où je venais 
        d'acheter Proust 
        et la société - et ai reçu depuis ce monsieur 
        âgé à plusieurs reprises, sans lui parler particulièrement 
        de Proust d'ailleurs. Cet homme charmant, d'une personnalité assez 
        fascinante, est d'une érudition incroyable.
        L'autre expérience est celle d'une lecture initialement entreprise 
        avec l'idée d'une pensée magique. On peut passer à 
        côté d'un chef-d'uvre. Ainsi j'avais totalement oublié 
        avoir lu "Du côté de chez Swann" qui était 
        pourtant à mon programme de classe préparatoire ; je n'ai 
        vraiment aucun souvenir de cette lecture. Mais suite à une rupture 
        amoureuse, avec une cette pensée magique style "si je lis 
        tout Proust, on va se remettre ensemble", j'ai commencé À 
        la recherche du temps perdu. J'ai trouvé la première 
        partie très chiante, en fait. J'ai vraiment eu du mal à 
        entrer dedans. La partie "Combray" avec descriptions de fleurs, 
        de personnes, de costumes
 ne m'intéresse absolument pas. 
        Bon, évidement, l'épisode de la madeleine tellement connu 
        m'a un peu titillé. Mais arrivé à la partie, "Un 
        amour de Swann", cela fut vraiment une expérience très 
        forte, liée avec la relation que j'avais eue. Il a une vision déprimante 
        de l'amour qui en fait m'a beaucoup aidé. Pour moi, c'était 
        l'anti-romantisme absolu. Il tombe amoureux à cause de la sonate 
        de Vinteuil, mais surtout parce qu'il lui apparaît qu'elle ressemble 
        à une fresque de Botticelli, ce qui valide cette femme qui pourtant 
        ne lui plaisait pas la première fois qu'il l'avait vue. Certes 
        ce n'est pas ma façon d'aimer, mais en même temps il montre 
        qu'il y a un côté un peu artificiel à l'amour, quelque 
        chose qu'on crée. Il écrit "Nous 
        faussons la mémoire de l'amour par la suggestion" 
        : une définition par la négative assez déprimante 
        de prime abord, mais qui m'a paradoxalement remonté. Il ne voit 
        l'amour que par le prisme de la possession, la douleur et la jalousie, 
        qui personnellement m'éloignent de l'amour proustien. Je l'ouvre 
        en grand.
        Katherine![]()
        L'amour qu'on a pour une personne naîtrait de l'intérêt 
        qu'elle vous porte, si on en croit Proust, ce que je trouve triste comme 
        idée de l'amour. Je ne l'ai pas terminé, mais je l'ouvre 
        quand même en grand. Cette lecture me conforte dans l'idée 
        que j'aime les univers mélancoliques et nostalgiques. Proust réalise 
        un travail prodigieux, décrire chaque souvenir comme une photographie 
        philosophique de sa conscience. 
        Intéressante, l'expo 
        à la BNF. 
        Lire Proust est une expérience : il faut pouvoir et vouloir prendre 
        le temps de la (re)lecture, avec une tasse de thé fumante, pour 
        s'immerger avec plaisir dans des descriptions à rallonge. Je fais 
        un parallèle avec l'examen minutieux d'un tableau quand, souvent, 
        d'autres formes de lecture ne nous invitent pas à nous arrêter. 
        
        Beaucoup d'humour aussi. Sans être joyeux, ce livre fait du bien, 
        certaines vérités sont certes tristes mais universelles. 
        On sent que cet ouvrage est le fruit d'une intense réflexion écrit 
        "deux fois" jusqu'à la fin de sa vie.
        David![]()
        Je suis perplexe sur ma lecture. Proust pour moi c'est un roc auquel il 
        allait falloir m'attaquer. J'avais abandonné à chaque tentative. 
        Voix au chapitre, société proustienne, il y avait 
        un rang à tenir ! Du coup poussé par cette nécessité, 
        je m'y suis mis. Mais la marche était haute dans mon inconscient.
        Pourquoi on aime ? Plus que le fond ce qui m'intéresse, c'est la 
        forme, Proust entre dans la littérature avec la Madeleine entrée 
        dans l'inconscient collectif par le rapport au temps.
        Toutes et tous, on est ramenés à notre rapport au temps, 
        à notre passé, nos souvenirs, et il en est le spécialiste, 
        il y a quelque chose d'émouvant.
        C'est unique, on peut trouver ça aberrant, dans ces phrases interminables 
        - que j'ai découvertes moi par une dictée dans mon enfance 
        et me je me suis dit déjà à cette époque-là 
        que c'était un phénomène.
        Mais qui lit encore ça aujourd'hui avec passion dans la nouvelle 
        génération ?
        Pour moi, c'est un style daté, suranné, mais c'est pas grave 
        car ça me fait penser aux choses très datées de ma 
        vie.
        Il y a une expérience physique et sensuelle à lire ce truc.
        Pourquoi ça réveille quelque chose en moi ? Car oui on est 
        proustien.
        Moi je suis fan de Perec qui se trouve en permanence aussi dans ses souvenirs. 
        On pourrait peut-être les mettre en parallèle.
        Anne
 
        (avis transmis après la séance et à partir d'une 
        invitation à voyager de la part de Claire)
        
        Oui, rire ! Et me voilà moins embarrassée d'avoir un peu 
        de mal avec Swann, Verdurin et compagnie, qui ne m'ont pas mise sur une 
        autoroute pour la lecture...
        Je me trouve en effet très embarrassée d'avoir autant de 
        mal à lire un grand auteur comme Proust, je ne parviens pas à 
        dépasser le malaise que j'éprouve lorsqu'il me faut entrer 
        dans les salons parisiens fin 19e début 20e siècle. Néanmoins, 
        ceci n'est rien en regard de la problématique de l'attachement 
        de l'enfant envers sa mère. Je ne surmonte pas la souffrance et 
        l'ennui, donc la déprime, que cela exerce sur moi, en dépit 
        de l'humour qui parsème les textes. La beauté de l'écriture 
        me fascine pourtant, mais sur du court terme. Avec mon évitement 
        répété des lectures de Proust, je me rends compte 
        que je passe à côté d'un plaisir littéraire 
        de grande qualité, aussi ai-je trouvé une solution pour 
        pallier ce manque, je vais parfois écouter des acteurs lire des 
        fragments de texte, et, ô bonheur, j'éprouve alors un émerveillement 
        à les écouter ! Récemment Lambert 
        Wilson a superbement bien lu cet auteur à la salle Gaveau. 
        Je peux donc apprécier Proust à dose homéopathique 
        et à condition que cela me soit raconté comme un conte à 
        un enfant. Les textes sur la madeleine et sur la mort de Bergotte en train 
        de regarder le petit pan de mur jaune sont superbes.
        J'ouvre grands ces extraits, mais je m'en tiens là, ne pouvant 
        pas m'engager sur sept tomes
 Pour l'ouverture de ce livre gigantesque, 
        je vais aussi m'en tenir à une cote mal taillée en l'ouvrant 
        à moitié, qui représente mon ambivalence vis à 
        vis de ce grand auteur.
        
|  
             Les 
                7 cotes d'amour du groupe 
                breton En attente de la cote d'amour de Sylvie  | 
        
Édith![]()

        Heureuse d'avoir enfin lu ce "monument "que j'ai eu très 
        souvent entre les mains dans mon ancienne activité de bouquiniste
 
        et vendu a des lecteurs - que je pensais mieux qualifiés que moi 
        - pour le lire !
 ou le relire !!!
        Eh bien je suis ravie de l'aventure, à tel point que ce matin j'ai 
        acheté le volume deux À 
        l'ombre des jeunes filles en fleurs, espérant éprouver 
        autant de plaisir au bercement des phrases - celles que j'appréhendais 
        de lire "autrefois" - et à me laisser entraîner 
        de bonne grâce et en imagination (tous les détails y aident) 
        à la description du monde de Proust, ses codes, ses rosseries, 
        ses regrets, ses saveurs et odeurs, ses goûts, etc., ce que sa mémoire 
        lui retraduit si finement analysé, décrit
 je m'y croyais 
        parfois ! Pouvoir évocateur des détails précis et 
        du rythme, richesse du vocabulaire sans "écraser "la 
        lectrice que je suis. 
        Je découvre qu'un peu de disponibilité en moi et de silence 
        autour de moi donnent la clé pour pénétrer là 
        où sa mémoire m'entraîne, et, ainsi confortable et 
        pour plusieurs heures, je suis à Combray, dans le salon de Madame 
        Verdurin et sur les Champs-Élysées, inquiète du départ 
        de Gilberte. Les personnages au cours du récit me sont devenus 
        familiers, j'en préfère certains et j'ai beaucoup de mal 
        à dissocier Proust, l'auteur, de son personnage qui se souvient. 
        Monsieur Swann le mystérieux devient le personnage à suivre.
        Je n'ai pas voulu lire la préface de Mathieux Vernet au moment 
        où j'écris, je le ferai ensuite. Cependant la biographie 
        largement diffusée de Proust du fait des médias en lien 
        avec son centenaire, mais aussi par d'autres souvenirs scolaires, a, bien 
        à propos, enrichit ma lecture. 
        J'avais lu il y a bien des années le 
        livre de Céleste Albaret et je viens de revoir le documentaire 
        la plaçant- par des archives photos et une reconstitution (par 
        une voix off) - au centre de la maison Proust
        J'ai lu, crayon en main, le livre. Je m'attendais à des difficultés 
        de "mémoire", sachant que Proust ne faisait qu'évoquer 
        une époque, celle des débuts du XXe siècle, redonnant 
        vie à des personnages de la grande et petite bourgeoisie ainsi 
        que l'aristocratie, ce petit monde évoluant (en images couleurs 
        pour moi) dans les lieux et espaces de sa mémoire. Les repères 
        des chapitres habituels et constitutifs des textes littéraires 
        sont absents et pourtant ce n'est pas qu'une longue évocation. 
        Trois parties ("Combray", "Un amour de Swann", et 
        "Nom de Pays") à ce long roman mais pas de chronologie ? 
        
        Des faits marquant pour le personnage, le narrateur (jalousie, regret, 
        effondrement, attente, chagrin, mauvaise foi et les personnages qui les 
        illustrent) éveillent la lectrice que je suis et m'apportent, par 
        une suite en trois chapitres distincts - mais qui se répondent 
        - le grand désir de poursuivre encore et encore la lecture. Les 
        quelques semaines qu'il m'a fallu pour terminer le tome furent des semaines 
        "habitées" par le projet : je suis en train et "entrain" 
        de lire et d'apprécier Proust et je n'en suis qu'au début 
        de son uvre et de la découverte !!!
        Pour paraphraser Proust "souvent", toujours, je me suis installée 
        confortablement pour rencontrer Proust et son monde
, devenant ainsi 
        par la grâce et le balancement de ses longues phrases mon propre 
        monde. La précision et le pouvoir évocateur, l'acuité 
        de ses analyses (trop humaines
, mesquines et gênantes parfois 
        dans leur vérité : voir sa relation avec Odette avec les 
        partenaires et Madame Verdurin), l'humour et le retour moqueur sur soi, 
        la description du SAMEDI référentiel pour la famille de 
        l'auteur, le pouvoir évocateur de la sonate de Vinteuil et son 
        usage que sa mémoire en fait, le tendre et parfois moqueur sinon 
        répulsif pour ses ancêtres (tante Léonie)
 TOUS 
        ses mots et leur agencement troublent par leur justesse, leur vérité 
        et leur acuité la lectrice que je fus
 Qu'en sera-t-il du 
        tome deux ? 
        Le volume Des jeunes filles en fleur, le deuxième, en trois 
        parties lui aussi et prix Goncourt, a moins soutenu mon enthousiasme. 
        La découverte et la naissance de son amour pour d'Albertine en 
        fin de récit projette je suppose le troisième tome ? 
        J'ouvre en grand le livre. J'ai eu du mal à me décider à 
        lire autre chose et notamment Mahmoud, bientôt 
        partagé.
        Par ailleurs, j'ai relu en même temps Les 
        Années de Annie Ernaux. Analogie dans le thème que 
        j'ai tenté de retrouver dans sa démarche d'écriture, 
        elle fait d'ailleurs référence à Proust très 
        rapidement quand elle raconte son projet d'écrire sur sa traversée 
        de vie (Folio, p. 214).
        Chantal
et![]()
        Tout d'abord, merci à Voix au chapitre ! J'ai presque terminé 
        le livre, et je vais le faire, exploit pour moi qui me suis toujours arrêtée 
        à la page 50 ! Vertus de la lecture
 "obligatoire"
        J'ai beaucoup aimé la première partie, "Combray". 
        La deuxième, "Un amour de Swann", beaucoup moins.
        Combray, je l'ai vu, à travers l'évocation du narrateur 
        (Proust) adulte qui "veut" se souvenir : " je passais 
        la plus grande partie de la nuit à me rappeler notre vie d'autrefois 
        (...) me rappeler les lieux, les personnes que j'y avais connues."
        Je me suis attachée à cet enfant asthmatique, même 
        si son père était un professeur de médecine reconnu 
        ; aucun traitement à cette époque et cette angoisse terrible 
        des malades asthmatiques, je l'ai côtoyée dans ma vie professionnelle. 
        Ce "supplice du coucher", ce "tombeau" dont il qualifie 
        sa chambre, réveillent en moi des souvenirs. Cette scène 
        du désespoir de l'enfant couché qui attend en vain le baiser 
        de sa mère ? Terrible.
        La solitude de cet enfant entouré uniquement d'adultes (père, 
        mère, grand-père, grand-mères, grand-tantes) coincés, 
        engoncés dans leurs principes... que lui en reste-t-il ? 
        - l'observation quotidienne, très affûtée, de ces 
        proches et de leur fonctionnement, "société de castes 
        fermées où chacun, dès sa naissance, se trouvait 
        placé dans le rang qu'occupaient ses parents et d'où rien 
        ne pouvait les tirer" 
        - la lecture : avec des passages remarquables sur l'écriture, la 
        lecture, le roman, les émotions ressenties par nous lecteurs qui 
        intégrons la "réalité" du personnage comme 
        LA réalité
        - et j'oubliais..., les promenades, la lenteur de cette vie, je me suis 
        laissé embarquer, enchantée, dans ces promenades, du côté 
        de Méséglise, du côté de Guermantes, dans ces 
        chemins, odeurs de fleurs, poésie absolue ; le regard clandestin 
        du garçon qui aperçoit la jeune fille Gilberte, puis la 
        fille Vinteuil à la vie dissolue de lesbienne au grand désespoir 
        de son père. 
        Embarquée dans l'église de Combray, son clocher, ses vitraux 
        qui emmènent littéralement l'enfant à vivre dans 
        le moyen-âge, avec la duchesse de Guermantes magnifiée par 
        son imagination. Jusqu'au moment où la vraie duchesse, réalité 
        triviale, entre... avec son bouton sur le nez !
        J'ai aimé son analyse du milieu social où il vit, les gens 
        qu'on doit fréquenter, ceux qu'il faut éviter. Les gens 
        supérieurs, les gens inférieurs... Le terrible passage de 
        la fille de cuisine, enceinte, obligée à des travaux pénibles 
        et... comparée à un tableau de Giotto La 
        charité...
        L'épisode de la madeleine bien sûr, chef-d'uvre d'analyse 
        neurobiologique, à cette époque étonnante. Intuition 
        de ces sciences très avancées aujourd'hui du fonctionnement 
        corps-cerveau - Jean a provoqué une discussion très intéressante 
        sur ce lien science d'aujourd'hui - 
        Cette partie "Combray", je l'ouvre en grand !
Dans "Un amour de Swann", je reconnais le talent d'écriture 
        de l'auteur, son talent pour décortiquer sa société, 
        avec humour, féroce souvent... et sa prouesse : plusieurs centaines 
        de pages pour fouiller tous les recoins de l'âme de Swann ! Mais 
        je me suis ennuyée, barbée, fini le plaisir de lecture de 
        "Combray". Donc je l'ouvre aux ¾.
        Marie-Odile
 
        qui, la veille de la rencontre, s'est trouvé chez un usurpateur 
        breton...
        
et 
        qui a deux avis proustiens : 
         Proust 1 
        Au cours de ma lecture, il m'est apparu, souvent, de manière inattendue, 
        bien que répétée, que le narrateur s'arrangeait pour 
        susciter en moi de passagères mais réelles satisfactions 
        engendrées par la compréhension soudaine d'un passage particulièrement 
        limpide et qui s'étalait souvent sur plusieurs pages (pages comportant 
        par exemple de magnificentes descriptions de l'aubépine, de l'église 
        ou des vallons, les portraits implacables de Léonie ou de Françoise, 
        ou encore des scènes pittoresques allant jusqu'à inclure 
        même des dialogues ou des remarque triviales), avant de me replonger 
        comme par jeu dans les méandres obscurs d'une réflexion 
        approfondie et étendue de nature souvent introspective, parfois 
        futile. J'avais alors l'étrange impression d'avoir affaire sinon 
        à deux narrateurs différemment accessibles, du moins à 
        deux "présences" différentes d'un même narrateur, 
        à moins que ces variations ne fussent plutôt le reflet chez 
        moi, lectrice, d'un état d'âme ou d'une capacité d'attention 
        variables en fonction du moment et/ou de la durée de ma lecture 
        qui, si je ne me la sentais pas imposée, m'apparaissait quand même 
        comme une sorte de défi non dénué de plaisir. Je 
        lisais ce texte avec en arrière-plan le souvenir de tous les autres 
        textes que j'avais déjà lus et qui, même si certains 
        m'avaient résisté, ne m'avaient jamais donné cette 
        impression que je n'aurais pas accès à tout ou plutôt 
        que malgré mon désir je ne pourrais pas tout embrasser à 
        première lecture, comme l'enfant dont la main trop petite ne peut 
        contenir tous les osselets que la règle du jeu lui impose cependant.
        J'alternais donc les moments de plaisir et de frustration, regrettant 
        de n'avoir pas assez de temps ou de vigilance pour que toutes les pages 
        s'éclairent de la même lueur. Me revenait le souvenir de 
        documents d'archives calligraphiés à l'ancienne dont l'esthétique 
        élaborée, travaillée, raffinée, m'avait attirée 
        parfois mais dont le sens m'était refusé pour la raison 
        même de cette attirance. Je me disais enfin que, probablement, Proust 
        infusait en moi, m'amenant inconsciemment à observer chaque détail 
        de mon quotidien, y compris dans mon activité de lectrice, comme 
        s'il était d'une importance capitale. Il était donc urgent 
        que je referme cette Recherche du temps perdu si je ne voulais 
        pas perdre le mien dans une introspection stérile, puisqu'il n'était 
        pas question, en raison de mon âge, et plus encore de mon manque 
        d'intérêt, que j'en fasse le point de départ de ma 
        propre Recherche.
        
         Proust 2
        De même que des uvres d'art sous-jacentes affleurent dans 
        les portraits de la fille de cuisine qui révèle La Charité 
        de Giotto ou d'Odette qui révèle un Botticelli, de même 
        que chaque être semble le reflet d'une image lui préexistant 
        comme si une représentation, artistique, ou pas, le précédait, 
        de la même façon l'idée que Marcel se fait de la Duchesse 
        de Guermantes préexiste à la rencontre lors de laquelle 
        il doit ajuster cette idée à la réalité qui 
        lui apparaît et, de la même façon, une lecture de Proust 
        n'est jamais vierge car elle contient en arrière-plan, mais en 
        elle-même, l'idée de Proust véhiculée par les 
        critiques innombrables et la lecture précédente que tout 
        un chacun en a déjà faite, comme s'il n'y avait pas de première 
        fois. 
        C'est ainsi que, relisant "Un amour de Swann", j'ai retrouvé 
        ce que je n'avais pas oublié de ma toute première lecture, 
        au lycée où Mme D de M mettait l'accent sur cette femme 
        "qui n'était pas son genre". Et alors que dans 
        mes souvenirs cette expression était l'aboutissement du roman, 
        la découverte ultime d'une grossière erreur, je réalise 
        aujourd'hui que ce constat est déjà présent et répété 
        dès les premières pages du roman... Je retrouve aussi en 
        leitmotiv la petite phrase de Vinteuil, l'expression "faire catleya" 
        qui me semble aussi ridicule aujourd'hui qu'à 17 ans, mais j'avais 
        oublié le sourire prudent de Cottard, son goût des expressions 
        toutes faites, la mâchoire de Mme Verdurin et, de manière 
        générale, tout ce qui donne à ce roman une dimension 
        satirique qui n'est pas, à mes yeux vieillissants, la moindre de 
        ses qualités. 
        Progressant dans cette deuxième partie, je finis par éprouver 
        de la sympathie, une sorte de compassion, pour ce pauvre Swann, prisonnier 
        de sa relation toxique mais "non opérable" avec 
        Odette, dans laquelle ce qu'il imagine et ce qu'il réfléchit 
        après coup l'emportent largement sur ce qu'il vit vraiment avec 
        elle et je me suis demandé comment le narrateur, présent 
        bien que discret dans ce volume, pouvait tout en s'exprimant à 
        la première personne se doter d'un regard omniscient bien que se 
        limitant toujours au point de vue de Swann, avoir accès à 
        tout ce qui se passe dans la tête et dans le cur de Swann, 
        à tous ses tourments, à toutes ses ruses, à toutes 
        ses maladresses, alors même que cette relation amoureuse est antérieure 
        au temps de Combray, au temps de Marcel enfant !
        En lisant, du moins "Combray", je faisais, le constat suivant 
        (qui ne résisterait sans doute pas à la lecture de toute 
        la Recherche ou même de tout le Côté de chez 
        Swann) que le roman me semble tout entier présent en chacune 
        de ses pages, uvre métonymique donc, dont chaque passage 
        contient le tout, sorte de fractale littéraire, inépuisable, 
        inusable. Ainsi, pour parler de l'ensemble, il suffit de parler d'une 
        partie car on y trouve presque tout ce qui à mes yeux pourrait 
        le définir : la sensualité impressionniste (les couleurs, 
        la lumière, les sons etc
), le long balancement rythmé 
        des phrases, les allusions à l'art, l'hypersensibilité du 
        narrateur, une touche d'humour ou même d'ironie, quelques futilités 
        hypertrophiées, enfin, le désir d'écrire, inscrit 
        en filigrane. 
        Mais, pour ma part, bien que sensible à l'esthétique du 
        texte, je n'ai senti d'émotion véritable que dans les dernières 
        pages de "Combray", dont la nostalgie et la sincérité 
        me touchent plus que les angoisses du petit Marcel attendant désespérément 
        le maternel et freudien baiser du soir.
        J'ai souvent pensé que le plaisir que j'avais à écrire 
        sur une uvre était proportionnel au plaisir que j'avais eu 
        à la lire et, bien que je ne sois pas tout à fait sûre 
        que ce soit le cas ici, je dois reconnaître que si Du côté 
        de chez Swann me laisse inassouvie du point de vue de la lecture pour 
        la raison que je ne peux tout appréhender, la possibilité 
        d'écrire sur cette uvre me semble néanmoins infinie...
        Mais il faut bien mettre un terme à tout cela et décider 
        de l'ouverture ou de la fermeture selon nos codes habituels. Je décide 
        donc d'un trois quarts totalement arbitraire.
        Brigitte T![]()
        Livre ouvert aux trois quarts. Parce que j'ai le sentiment depuis quelques 
        semaines que tout le monde aime Proust et il en résulte une sorte 
        d'injonction : il est de bon ton d'aimer Proust. Tout simplement, je suis 
        sensible à ce beau texte plein de douceur, de sensibilité, 
        d'attention à l'autre. Je ne m'ennuie pas. J'oublie le décalage 
        d'un siècle et je me plonge aisément dans la lecture. Aujourd'hui 
        ça me fait du bien, surtout dans la première partie. 
        Moment de lecture privilégié que je conseillerais bien volontiers 
        à qui veut partager avec le romancier dans la première partie 
        Combray ses émotions et son humour, partager ses souvenirs, ses 
        bonheurs comme ses malheurs qui accompagnent le petit "traintrain" 
        de la vie. Je me plais à rencontrer avec l'écrivain tante 
        Léonie, sa maman, sa grand-mère, Françoise la fidèle 
        employée de maison
 J'en retiens : prendre le temps de 
        se poser, d'observer, de chercher la force salvatrice de tous ces moments 
        de turbulence que nous vivons et garder son humour. À poser sur 
        la table de chevet et à lire et relire sans restriction
 si 
        vous avez le temps car Proust "décortique" les situations, 
        les décors, les émotions.
La deuxième partie "Un amour de Swann" ou je dirais 
        "le malheur d'aimer" est savoureuse bien que cynique. C'est 
        avant la naissance du narrateur que Swann a connu Odette, cependant je 
        pourrais croire qu'il a été présent à tous 
        les instants. Quel observateur et fin psychologue ! Proust joue avec les 
        mots, les contextes, la vie dans les salons et les dîners qu'il 
        connaît bien ; il joue avec les situations proches parfois du vaudeville. 
        
        Magnifique, la scène où Swann se meurt de jalousie et se 
        trompe de fenêtre en voulant surprendre Odette dont il doute de 
        la fidélité. Beaucoup d'humour à la fois décapant 
        et subtil. J'adore la futilité fort à propos de madame Verdurin, 
        son rire, ses confidences comme quand elle parle des fruits : "je 
        n'ai pas besoin de les mettre dans la bouche je jouis par les yeux", 
        ses remarques sur le décor, la sonate au piano qu'elle trouve voluptueuse 
        et qui provoque ses larmes ! Charmante et charmeuse, madame Verdurin joue 
        à conseiller Odette qu'elle trouve également charmante mais 
        peut-être pas vertueuse. Madame Verdurin devient quasiment une entremetteuse 
        et y prend du plaisir. L'histoire lui donne raison et le portefeuille 
        de Swann s'en souvient. Mais ce dernier, aveuglé par la passion, 
        perd tout discernement. Pour finir, je trouve que madame Verdurin est 
        une peste de salon, une manipulatrice qui se réjouit de provoquer 
        des situations équivoques qui rendent malheureux Swann, que je 
        trouve tour à tour agaçant puis touchant.
        Odette est une femme envoûtante avec qui Charles Swann surfe sur 
        les vagues du désir et qu'il décrit, soit tel un collectionneur 
        avec orgueil, sensualité et égoïsme, soit comme un 
        peintre florentin : il y voit un chef-d'uvre d'une beauté 
        précieuse et voluptueuse. Swann est dérangé par le 
        manque de culture d'Odette, trop peu pour les gens du monde qu'il côtoie 
        - lui est un mondain, il aime les arts et les titres de noblesse bien 
        qu'il n'en possède pas ! Mme Verdurin, qui utilise à merveille 
        les métaphores, dit de lui, après un dîner aux échanges 
        acerbes : il n'est pas franc, c'est un monsieur cauteleux, toujours entre 
        le zist et le zest. Je rejoins Mme Verdurin. Malade d'amour, il devient 
        dérangeant en société. Quel sens donner quand il 
        affirme que Odette n'est pas intelligente, trop peu "profonde" 
        selon sa définition ? Il dit, parlant de Wagner : elle s'en soucie 
        comme un poisson d'une pomme. 
        Aveuglé, manipulé par Odette comme elle le ferait avec une 
        marionnette luxueuse, il entrevoit difficilement la dérive de sa 
        passion amoureuse pour cette femme entretenue et vénale, mais si 
        belle et désirable. Au prix d'une grand souffrance, il discerne 
        une femme objet qu'il est enfin capable de voir perfide et surtout qui 
        sait se rendre si désirable aux yeux des autres hommes. Le réveil 
        est pour Swann très douloureux : "je suis trop bête, 
        se disait-il, je paie avec mon argent le plaisir des autres"
 
        Ensorcelé par sa passion pour Odette, il consomme sa vie. Comme 
        on dit en chirurgie, son amour n'était pas opérable. Il 
        se meurt de jalousie. La jalousie attise son amour. Proust pose une question 
        : peut-on aimer sans souffrir ?
        Mais Odette "gagne"
 on ne sait comment, et elle est l'épouse 
        de Swann puisque le narrateur, jeune adolescent maladif s'éprend 
        de Gilberte, fille de Swann et d'Odette dans la courte troisième 
        partie que je trouve moins savoureuse. Je ne vois pas vraiment le lien 
        entre ces trois parties, mais ce n'est que le premier tome de A la 
        recherche du temps perdu... tout un programme de vie !
        Marie-Thé![]()
        J'ouvre ce livre aux ¾. Si je le ferme ¼, c'est uniquement 
        à cause de la lecture de ces interminables pages sur les lectures 
        du narrateur (sauf quand il s'agit de Bergotte), cela m'a complètement 
        assommée. Pages pourtant intéressantes parfois, mais de 
        quoi m'ôter l'envie de lire, un comble... Un autre passage m'a perdue, 
        la description de l'église aimée de Combray dans tous ses 
        détails, jusqu'au clocher : "le doigt de Dieu". 
        Intéressante cependant la dimension de temps : "sa tour 
        qui avait contemplé Saint Louis et semblait le voir encore ; et 
        s'enfonçant avec sa crypte dans une nuit mérovingienne..." 
        Je pense à Pierre 
        Bergounioux. Passage à ne pas confondre avec celui où 
        Monsieur le curé évoque cette même église, 
        avec ce même clocher, où peut être ressenti "le 
        froid de la mort". Ainsi la tante Léonie est indignée 
        que le curé l'ait crue capable de monter au clocher. C'est pittoresque, 
        savoureux, et drôle ! 
        J'ai adoré la description des lieux, intérieurs, extérieurs. 
        Il y a beaucoup de clochers du côté de Combray, les églises 
        sont des repères, des points de départ et de retour... Les 
        messes et autres offices religieux rythment la vie de chacun. J'ai beaucoup 
        aimé à la lecture de ces pages, me souvenir de mon enfance, 
        mêmes repères, les messes, le "mois de Marie", 
        les rogations... J'ai aimé retrouver les aubépines du mois 
        de mai, les églantines, nous vivions aussi au rythme des saisons. 
        Les boutons d'or, les têtards que nous capturions dans des bocaux 
        ressemblaient à ceux de la Vivonne. Je reconnais aussi la torpeur 
        des étés, l'ombre recherchée, la lecture... (dommage 
        qu'il n'y ait pas d'hivers passés à Combray).
        J'ai été très intéressée par la description 
        des repas (j'adore le samedi où on déjeune une heure plus 
        tôt) : ici règnent souvent l'opulence, le faste, les 
        relations choisies, une certaine mondanité, une "conception 
        des castes ". Chez nous les repas étaient tout simplement 
        nécessaires. 
        Je note encore dans ces pages l'importance du souvenir des odeurs, des 
        saveurs, de l'atmosphère, douillette, changeante bien sûr 
        en fonction des lieux et des situations, si bien décrite, que j'ai 
        l'impression d'être là, même chez la tante Léonie, 
        allant "du lit au fauteuil, et puis du lit au lit..." 
        
        J'ai aimé les portraits, les paysages, la description des plats, 
        asperges, etc. Impression d'être devant l'uvre d'un peintre. 
        Les personnages m'ont fascinée, avec leurs qualités ou leurs 
        défauts, en particulier Françoise, la mère, la grand-mère, 
        Swann, monsieur Vinteuil, etc. Ils sont si nombreux. La Duchesse de Guermantes 
        à l'apparence quelconque sera "transformée" par 
        le narrateur, à cause de ses origines...
        La lanterne magique m'a bien sûr fait penser à Bergman, 
        mais ici elle perturbe l'enfant, elle est une intrusion qui dérange.
        Sous la plume de Proust, ce qui pouvait paraître banal a revêtu 
        une importance considérable, je suis très sensible à 
        cela. Ce que la nature a d'éphémère où "un 
        bruit de pas sans écho sur le gravier d'une allée", 
        "mon exaltation les a portés et a réussi à 
        leur faire traverser tant d'années successives, tandis qu'alentour 
        les chemins se sont effacés et que sont morts ceux qui les foulèrent 
        et le souvenir de ceux qui les foulèrent."
        Le chemin menant à la naissance, à "l'éclosion" 
        de l'écriture, à "l'illusion d'une sorte de fécondité" 
        a été long et semé d'obstacles, mais le narrateur 
        est devenu l'écrivain qu'on "connaît". Du temps 
        perdu au temps retrouvé, où "il comprend que la 
        vraie vie, le seul salut, est dans l'art." Parmi tant d'autres, 
        deux phrases m'interpellent : 
        "On croit qu'on crée ce qu'on nomme." 
        "Les faits ne pénètrent pas dans le monde où 
        vivent nos croyances." (Vinteuil face à sa fille)
        Ce livre où le temps a tant de place, (l'oisiveté en a aussi), 
        m'a fascinée ; que lire à présent ? Je répète 
        tout de même que la lecture m'a parfois été pénible. 
        Par ailleurs, j'avais il y a longtemps lu avec plus de facilité 
        des passages de Sodome et Gomorrhe et de A l'ombre des jeunes 
        filles en fleur, des passages... Peut-être devrais-je lire Proust 
        "souvent, mais peu à la fois." (Allusion aux pensées 
        de Swann père pour sa défunte femme). 
| 1. "Marcel Proust, un roman parisien" au musée Carnavalet, 16 décembre 2021-10 avril 2022 | 2. "Marcel Proust, du côté de la mère" au musée dart et dhistoire du Judaïsme, 14 avril-28 août 2022 | 
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          ![]()  | 
        
3. Et principalement  l'exposition 
        Marcel 
        Proust : la fabrique de luvre à 
        la BNF du 11 
        octobre au 22 janvier 2023
        
        L'exposition constitue le 
        point d'orgue d'une année de célébrations proustiennes 
        à Paris. 
        
        
        Elle propose une traversée de l'uvre À la recherche 
        du temps perdu, organisée tome par tome, pour donner à 
        voir la fabrique du texte : elle met en valeur l'exceptionnel fonds Proust 
        de la BnF, mais aussi des objets et uvres picturales qui rendent 
        compte de l'univers proustien.
        
        Le parcours présente des pièces capitales inédites, 
        récemment entrées dans les fonds de la BnF ou issues de 
        collections extérieures, qui sont ici rassemblées pour la 
        première fois.
        
        La présentation met aussi en avant les apports du numérique 
        dans l'histoire de la réception et de l'interprétation des 
        manuscrits.
        
        Issues des fonds de la BnF et de collections extérieures, 350 pièces 
        invitent donc à plonger au cur de l'uvre proustienne 
        : manuscrits, objets (meubles, costumes, appareils de projection), extraits 
        audiovisuels (musique, entretiens), peintures.Voir :
        - la présentation 
        en détail
        - un entretien 
        avec les commissaires.

        Paperole 
        du fonds Proust de la BNF 
Juste un mot sur l'histoire de la publication du tome que nous lisons : devant un refus sec de Fasquelle, la Nouvelle Revue française et Ollendorff, Proust se tourne vers léditeur Bernard Grasset pour faire publier son livre à compte dauteur : Du côté de chez Swann paraît en novembre 1913. La NRF se rend rapidement compte de son erreur, et publie quelques mois plus tard dans sa revue des extraits de la suite dÀ la recherche du temps perdu, avant de donner, en 1919, une nouvelle édition de Swann.
Des repères biographiques de Proust en une page ? Ici, par la BNF.
Un podcast exceptionnel sur Proust, une odyssée radiophonique à la mesure de l'uvre : des dizaines d'émissions concoctées par France Culture en 2022 : Marcel-Proust-le-podcast
Il y a 100 ans 
        exactement : Le Figaro, 19 novembre 1922 :
        
Un siècle 
        plus tard,
        les produits dérivés s'en donnent à cur joie...
      
De la tête aux pieds :
        
 
        
        
 
        
        
 
        
        
 
        La broche 
        Au lit / Série Marcel Proust : 
        
 
        
        Le magnet sur le réfrigérateur :
        
 
        
        Quand je bois, je pense à Marcel : 
        Quand je mange aussi :
        
        Inévitables, les madeleines ! Apparentes : 
        
 
        
        ou dans une boîte bien plus chouette : 
        
 
        
        Le sac pour mettre mes emplettes : 
        
 
        
        Et dans l'attente impatiente de Noël... :
        
 
      
|  
               Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme 
                au rejet : 
             | 
          ||||
|         | 
          ||||
|  
               à 
                la folie 
            grand ouvert  | 
             
               beaucoup 
            ¾ ouvert  | 
             
               moyennement 
                 
            à moitié  | 
             
               un 
                peu 
            ouvert ¼  | 
             
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