La Pléiade, tome I, éd.sous la direction de Jean-Yves Tadié
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Marcel Proust (1871-1922)
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Les
36 cotes d'amour des trois groupes |
Marcel
Proust par Jacques-Emile Blanche, 15 octobre 1891, Trouville, BNF
On dirait qu'il attend
avec grande attention nos réactions..
Katell(avis
transmis)
Je n'ai pas eu l'opportunité (ou le courage ?) de relire Du
côté de chez Swann.
J'ai entendu à la radio que les vrais lecteurs de Proust (podcast
Faut-il avoir lu Proust pour en parler ? sur France Culcul) évoquaient
avant tout leur rencontre avec Proust. Donc, c'est ce que je vais faire...
Ma première rencontre ce fut au Bac français de 1986, le
commentaire composé. Je pense un extrait de Du côté
de chez Swann. J'ai le souvenir d'un texte parlant d'une lumière
bleue derrière une vitre dépolie. Ce fut un échec
car j'ai eu 8/20. Heureusement compensé par un 14 à l'oral...
Ensuite, j'ai rencontré Pierre, le père de mes filles, qui
m'a impressionnée notamment par sa connaissance/lecture de Proust.
D'ailleurs, il fut le graphiste de l'événement "Un
Printemps proustien" il y a quelques années (2018 ?).
Grande lectrice, j'étais piquée au vif, et je me suis fait
offrir pour mes 21 ans, l'intégrale de La Recherche chez
Bouquin. Et j'ai tout lu. Et j'ai adoré. Je me souviens d'une lecture
comme un ruban qu'on déroule... Où je ne comprenais pas
tout, mais ne cherchais pas à tout comprendre. Et je suis entrée
dans le club encore assez fermé des lecteurs de Proust.
Aujourd'hui, il y a tellement d'exégèse sur Proust que ça
alimente ma paresse de le relire.
Il n'empêche, à la question du questionnaire de Proust* :
"Quel livre emporteriez-vous sur une île déserte ?",
je réponds toujours : À la recherche du temps perdu
(suffisamment gros pour ne pas s'ennuyer sur une île déserte).
*Ahaha
! Ce n'est pas une question
du questionnaire de Proust (précise Katell)
(On se demande pourquoi
Katell a adoré Proust...)
Brigitte(à
l'écran)
Je n'ai pas pu relire Du côté de chez Swann
en totalité : j'ai lu "Combray", j'ai commencé
"Un amour de Swann". Mais j'avais lu il y a très longtemps
La Recherche ; mes différentes lectures se sont mélangées
: les choses que j'avais lues et un peu oubliées, que j'ai retrouvées.
Il n'y a pas d'événement, tout est dans l'art de la description
de la nature, des sentiments
J'ai retrouvé la tante Léonie
et aussi certains lieux. On ne s'ennuie pas. J'ai particulièrement
apprécié la
description du nénuphar, dont une branche fait sans cesse le
même aller et retour dans la Vivonne, allégorie de la répétition
du déroulement des événements. Il écrit trois
pages sur un événement qui pourrait tenir en trois mots,
mais c'est intéressant, toujours justifié et subtil.
Ce qui m'a le plus intéressée, c'est que Proust, par son
aptitude à aller jusqu'au fond des choses, inaugure le roman du
XXe siècle. Par rapport à Flaubert et Zola, il approfondit
beaucoup plus et décortique tout ce qui se passe, tout ce qui arrive.
Il inaugure un nouveau type de roman, qui annonce le XXe siècle :
Sarraute, Beckett, dans l'analyse des mots, mais peut-être aussi
Picasso ! Il a initié un mouvement complètement nouveau.
Il s'agit d'innovation, même à un niveau international. J'ouvre
en grand évidemment.
Renée(à
l'écran depuis Narbonne)
Après avoir tout lu à 20 ans, parce qu'il fallait le lire,
puis deux fois ensuite : avec mon groupe, nous avons lu La recherche
en entier en
2013 (un volume par mois).
Cette année-là, j'ai lu le livre de Céleste et des
milliers de lignes de commentaires ; j'étais tellement plongée
dans Proust qu'au théâtre, je cherchais Oriane et j'attendais
que Mme Verdurin sonne à ma porte. J'ai lu avec jubilation, osant
enfin rire dans certains passages.
En 2022, plus aucune exégèse, que le TEXTE : je me suis
plongée dedans avec délice, relisant plusieurs fois une
même page. Vague impression d'être acceptée dans la
famille, d'en faire partie. J'ai vécu les scènes autour
de la mère, (j'entendais sa voix) et déjà la peur
de l'abandon qui ne cessera jamais pour le narrateur. L'appel de la nature
m'a touchée : pages superbes sur "le désir" pour
les sapins
et les acacias du bois de Boulogne, mêlé il est vrai
au désir des belles femmes. Quant à l'analyse de l'amour,
Proust a TOUT dit : nos petites mesquineries, nos mensonges, notre envie
de contrôle sur l'autre
Sur le snobisme des Verdurin, sur les soirées, il est féroce,
d'autant plus qu'il considérait que les mondanités l'éloignaient
de la création, de l'écriture de son uvre.
Et puis le plaisir de SAVOIR ce que deviendront les personnages, de deviner
des allusions au futur : "La dame en rose" vue chez son oncle
est Odette de Crécy ; de la même façon, au tout début,
lorsqu'il est "à Tassonville, chez Mme de Saint-Loup"
il est chez Gilberte adulte, la même Gilberte qui sera adoptée
par Forcheville à la mort de Swann (d'où doute sur la paternité
de Swann ?).
Plaisir absolu.
J'ai beaucoup aimé un tas d'expressions dont "son amour
n'était plus opérable".
J'ouvre en très grand à 360 degrés.
Catherine
Ce que j'ai à dire n'est pas extrêmement élaboré.
J'ai découvert Proust très jeune. J'ai vu mes parents le
lire, ce qui me donnait envie de le lire aussi (je faisais souvent ça,
de prendre des livres dans la bibliothèque...). Je l'ai donc lu
vers 14 ans. Je n'ai évidemment pas tout lu, "Combray"
seulement, et sans doute en sautant des passages. J'étais gamine
et je ne connaissais rien de Proust, mais j'ai été stupéfiée
par ce livre, par le début la scène du coucher, les émotions
ressenties : j'avais moi peur du noir ; j'avais l'impression d'être
projetée dans la vie intérieure de quelqu'un d'autre - même
si je ne me le disais pas comme ça. "Un amour de Swann",
j'avais trouvé ça nul : et Odette n'était même
pas belle !
Je l'ai relu plus tard ; j'ai lu d'autres tomes et j'ai retrouvé
le charme, le fait de se retrouver dans l'univers de quelqu'un d'autre.
Dans cette famille, qui est tout son monde, il ne se passe rien, c'est
très lent, mais du fait de cette lenteur, on a l'impression de
vivre aux côtés du narrateur. J'ai beaucoup aimé les
descriptions du village de Combray, des toits. Il y a des passages et
des personnages très drôles, tante Léonie, le salon
des Verdurin, madame Verdurin qui se décroche la mâchoire
en riant, Cottard, bien qu'il soit un peu caricatural. C'est souvent assez
cruel en même temps. J'ai trouvé le personnage de la grand-mère
très attachant.
"Un amour de Swann" est une partie très à part
; c'est une description assez extraordinaire de la jalousie poussée
à l'extrême, plutôt que de l'amour. Swann n'aime Odette
que lorsqu'il ressent de façon inattendue son absence et qu'il
commence à douter d'elle. C'est parfois un peu long.
J'ai été aussi subjuguée par ce que raconte le narrateur
de la mémoire, du processus de remémoration déclenché
par une odeur, un morceau de musique et ce, bien avant qu'elle ne soit
décrite scientifiquement, c'est une véritable description
clinique ; ça, c'est génial.
C'est une lecture qui ne ressemble à aucune autre pour moi. Et
je suis d'accord, pour une île déserte c'est bien. J'ouvre
en très grand.
Fanny
Je suis fascinée par l'écriture, par le phénomène
de la mémoire avec le regard d'adulte.
Il ne se passe rien et on ne s'ennuie pas.
J'ai lu La Recherche en entier quand j'étais plus jeune,
mais les phrases longues ne se prêtent pas au rythme saccadé
de ma vie actuelle et je n'ai pas tout à fait fini "Combray",
ce que je ferai quand j'aurai le temps.
J'ouvre en grand évidemment.
Françoise D
Moi non plus, je suis allée pas plus loin que "Combray",
non pas par lassitude, mais j'ai trop de choses à lire (avec échéance).
J'ai adoré retrouver ma lecture de jeunesse. Oui, j'ai retrouvé
le même plaisir. Moi qui aime les trucs qui dépotent, ben
là pas du tout ! On se délecte des descriptions de tout
: paysages, personnages, etc. Et il y a une dimension qui m'avait échappé
je crois : c'est drôle.
Muriel
Je trouve pas ça drôle.
Le chur
Oh si !
Muriel
Vous n'êtes pas difficiles !
Françoise
Par
exemple, dans la description de la chambre de la tante Léonie,
il y avait "une table
qui tenait à la fois de l'officine et du maître-autel, où,
au-dessous d'une statuette de la Vierge et d'une bouteille de Vichy-Célestins,
on trouvait des livres de messe et des ordonnances de médicaments,
tout ce qu'il fallait pour suivre de son lit les offices et son régime,
pour ne manquer l'heure ni de la pepsine ni des vêpres".
J'adore !
J'ai aimé retrouver la Tante Léonie qu'au passage, je signale,
on appelle par le nom de son mari, Mme Octave, comme toutes les autres
dames âgées.
Ou encore à propos de la lecture : "C'est
ainsi que pendant deux étés, dans la chaleur du jardin de
Combray, j'ai eu, à cause du livre que je lisais alors, la nostalgie
d'un pays montueux et fluviatile, où je verrais beaucoup de scieries
et où, au fond de l'eau claire, des morceaux de bois pourrissaient
sous des touffes de cresson."
"Montueux" et "fluviatile", j'ai cru que c'étaient
des adjectifs inventés par l'auteur. J'ai été déçue
de les trouver dans le dictionnaire.
J'ouvre en grand, comment faire autrement. Et si on n'a rien à
lire, c'est toujours un plaisir d'y revenir.
Annick
L
Comment ajouter un commentaire de plus à l'avalanche d'hommages
qui paraissent en ce moment ? L'exercice est difficile ! Mais je peux
au moins parler de mon rapport personnel à cette uvre.
J'ai lu l'ensemble de La Recherche quand j'étais une jeune
étudiante, dans une période de ma vie où j'ai été
malade et me suis retrouvée avec un espace de temps disponible
pour cette découverte. J'ai pris un grand plaisir à me laisser
porter par le flux si particulier de cette prose, avec ses incises, ses
retours sur des faits déjà évoqués, ses commentaires
extrêmement approfondis sur tel ou tel personnage, sur tel événement,
sur l'art, etc. J'étais particulièrement sensible à
son analyse extrêmement fine des fluctuations du sentiment amoureux,
y compris dans les relations homosexuelles, ou du mécanisme subtil
des réminiscences. J'ai adoré l'humour, l'ironie, parfois
féroce, de sa mise en scène de certains milieux sociaux,
chez les aristocrates, les bourgeois parvenus, les artistes
personne
n'en réchappe, pas même le narrateur qui fait preuve d'une
grande capacité d'autodérision.
J'ai relu plus tard certains passages qui m'avaient particulièrement
marquée, et puis le dernier volume dont je n'avais gardé
aucun souvenir et qui est, en soi, magistral.
Mon admiration pour cette grande fresque, très ancrée dans
la société de l'époque, reste intacte. Et je suis
toujours fascinée par cette capacité à faire revivre
des souvenirs, heureux ou malheureux, avec une acuité incroyable.
Mais aujourd'hui la lecture de ce volume de La Recherche ne m'a
pas procuré le plaisir attendu. Pas d'effet petite madeleine !
Je me suis parfois ennuyée, par exemple au fil de ces pages sur
"les clochers de Martinville", sur l'architecture des églises
ou sur la nature à l'occasion des promenades familiales sur les
bords de la Vivonne. Au point de sauter des pages
Mon intérêt s'est réveillé brutalement au moment
où l'on entre dans le salon des Verdurin : quelle plume pour croquer
les personnages, leurs tics de langage, leur pédantisme, leur sottise
! Une comédie humaine irrésistible
Et j'ai été personnellement très touchée par
le passage sur la fameuse sonate de Vinteuil, sur l'effet produit par
cette révélation musicale sur celui qui l'écoute,
Swann, et l'association qu'il fera avec son amour naissant pour Odette.
Des pages d'une grande sensibilité artistique, d'une grande finesse
psychologique. C'est très beau.
Mais ensuite je me suis lassée du récit des amours compliquées
entre Swann et Odette, puis entre le narrateur et Gilberte, de l'extériorité
avec laquelle ces sentiments contradictoires, fluctuants sont décortiqués,
jour après jour, semaine après semaine.
Il m'en reste donc des impressions contradictoires difficiles à
synthétiser. À 20 ans je l'aurais ouvert en très
grand, aujourd'hui je ne saurais pas dire.
Muriel
J'avais pour amoureux Marc Tadié, le frère du déjà
grand spécialiste de Proust Jean-Yves Tadié qu'il m'avait
fait rencontrer pour le choix de mon sujet de maîtrise que je voulais
faire sur Proust : sur Proust ! Mais tout a été dit ! (On
était en 1967 - qu'est-ce que ça doit être maintenant
!) Restait Jean Santeuil où il m'a proposé d'étudier
la préfiguration des principaux thèmes romanesques proustiens :
faut dire que Jean Santeuil, découvert longtemps après
la mort de Proust par Bernard de Fallois dans un carton à chapeau,
est NUL. Jean-Yves Tadié m'a trouvé comme directeur de mémoire
le professeur Castex - oui, Castex
et Surer...
(Claire ouvre le parchemin de la maîtrise
en question, relié comme ça ne se fait plus, et lit Muriel
Stibbe dans le texte, disant à propos de métaphores ou comparaisons
trouvées dans Jean Santeuil pas trop mauvaises : "Mais
toutes ne sont pas aussi réussies, aussi originales, aussi spirituelles
; certaines sont franchement malheureuses, telle celle-ci : Et
il se réveille, ne pouvant la resaisir avec la fureur d'un impuissant
qui aurait fait une fausse couche"...)
Bref... non, non, rien ne s'est passé avec les Tadié...
Je trouve très intéressante la peinture sociale, avec ces
gens pleins de fric qui n'avaient rien à foutre qu'aller dans des
dîners : il s'agit d'un véritable documentaire. J'aime
aussi l'analyse des sentiments, de Swann pour Odette, même si cette
relation malsaine est pour lui particulièrement maso. D'ailleurs
parmi les
avis du groupe en 2011 que j'ai lus, je ne sais plus qui disait que
la correspondance de Proust montrait à quel point la relation avec
sa mère était sado-maso.
Oui, c'est un très beau style, et si les phrases sont longues,
elles sont très claires. (Voyant des mines dubitatives)
Non, c'est pas un roman-photo !
Je me souviendrai toujours de la scène de la
mort de la grand-mère, absolument poignante ! J'ouvre en grand
évidemment.
Etienne
(à l'écran
depuis Rennes)
Difficile de trouver les mots après l'avalanche de superlatifs
dont on a été baignés cette année ; je vais
essayer de donner mon avis simplement et, comme on me l'avait conseillé
il y a 5 ans quand j'ai ouvert La Recherche pour la première
fois, tenter de m'affranchir de tout ce qui a été dit ou
ce qui entoure le roman.
Je vous ai fait une infidélité car j'ai choisi de lire "La
prisonnière" qui était tout simplement l'endroit où
je m'étais arrêté il y a un an (j'ai pour projet d'en
lire un par an) et je vous avoue que je me voyais mal "revenir en
arrière".
La lecture de Proust, cela a probablement déjà été
dit, s'apparente à la pratique d'un sport : il faut trouver
son rythme, comprendre la structure de sa pensée et ensuite ça
devient comme une foulée. Une fois qu'on a compris, un peu, la
manière dont son esprit déroule sa pensée, cela devient
logique même si une attention aiguë est indispensable.
"La prisonnière" traite principalement de deux
thèmes majeurs : la jalousie évidemment et l'homosexualité.
Pour qui a une fois ressenti de la jalousie une fois seulement dans sa
vie, ce livre est essentiel, il s'agit d'une analyse qu'aucun manuel de
psychologie ne pourra autant éclairer. Proust descend tellement
profond, examinant le moindre des rouages de ce sentiment honteux (qui
est évidemment néfaste autant pour l'objet que celui qui
la déploie) que c'en est parfois effrayant. Rarement on sent un
écrivain qui se met tant à nu. La thématique de l'homosexualité
m'a moins frappé, mais c'est probablement parce qu'il s'agit d'un
prolongement de "Sodome et Gomorrhe" (ou elle était déjà
été bien exposée). Toutefois, quelques brillantes
lignes où l'on voit passer Charlus du symbole de la virilité
des premiers tomes à ses manières de vieille femme. Quelle
étude du genre humain que le complot des Verdurin et la chute de
Charlus ! Non, décidément, l'homosexualité chez Proust
n'est pas heureuse
On comprend aussi, en ayant vu les différentes
expositions à quel point le découpage des derniers tomes
est discutable et devait revêtir probablement une autre forme puisque
"La prisonnière" devait être une partie intégrale
de "Sodome et Gomorrhe".
Si l'écriture de Proust me plaît et me parle tant, c'est
que je ne crois pas à la simplicité. Il est vrai que les
phrases sont à rallonge, longues, laborieuses, en "poupée
russe". Il aime tourner autour d'un concept, d'une idée, alors
il lance une phrase, puis une seconde, une troisième, etc., en
espérant qu'à force d'accumulation on puisse s'en approcher
au plus près, même si le centre reste parfois inatteignable,
inintelligible, un peu comme un trou noir (il me semble que les parallèles
entre Proust et l'astrophysique sont nombreux) ; c'est cela : Proust allie
comme personne la rigueur scientifique et un état de grâce
poétique.
Et l'exposition de la BNF met bien en valeur tout cela, où rarement
un processus de création a été à ce point
mis en lumière. Que dire des derniers tomes ? Peut-on véritablement
les juger comme les autres ? Il est presque certains qu'ils auraient été
largement remaniés au vu des incessantes épreuves imposées
à Gallimard pour les premiers publiés, certains passages
sont un peu décousus dans celui que j'ai lu (je pense à
quelques saillies, notamment sur l'art sortant au milieu de nulle part
; quand on sait que Proust écrivait de façon fragmentaire,
cela n'a rien d'étonnant). Peut-être est-ce ce qui a fait
que j'ai eu un peu plus de mal à lire "La prisonnière"
que "Du côté de chez Swann". Qu'importe, le frisson
a été renouvelé, j'attaque l'année prochaine
"Albertine disparue". Ouvert en grand.
Monique Lqui
a préparé une tarte aux asperges
proustiennes
Que dire d'intelligent qui n'a pas déjà
été dit sur cette uvre ? A priori rien.
Je ne peux qu'acquiescer aux louanges sur le style, la richesse et la
précision de la langue, la reconstruction imaginative de la mémoire
de l'auteur déclenchée aussi bien par l'odorat, le goût,
l'audition ou le toucher, mais le texte est trop long, trop étiré
pour me maintenir intéressée voire éveillée.
La manifestation actuelle de l'idolâtrie, voire du fétichisme,
ne m'aide guère.
Je n'avais encore jamais réussi à lire en entier un des
volumes de La Recherche. Je me suis donc lancée dans cette
lecture avec la volonté de lire ce recueil in extenso.
J'en ai été incapable. Cela m'ennuie au bout d'un moment.
Je n'en ai même pas lu le quart. Je crois que c'est plus que les
fois précédentes. Les descriptions de l'église ou
plutôt des églises m'ont stoppée dans mon élan.
J'ai picoré des passages par-ci, par-là, comme les autres
fois. Pour moi il y a des longueurs, des tournures et images qui me fatiguent.
Les descriptions par touches successives peuvent être parfois intéressantes
si elles étaient moins systématiques. Je n'arrive à
lire que quelques pages à chaque fois, avant que mon attention
s'envole.
Il y a déjà plus de 30 ans, j'avais offusqué mon
beau-frère, professeur de lettres classiques, par mon incapacité
à apprécier cette uvre. Il m'avait conseillé
de lire quelques pages chaque jour, ce qu'il faisait sans doute lui-même
puisque ses livres de chevet étaient des Proust. J'ai essayé
pendant quelque temps et j'ai laissé tomber.
Je pensais qu'une fois à la retraite j'aurais plus de temps
Je suis incurable. En tout cas mon beau-frère a mieux réussi
avec ses enfants puisqu'un de ses petits-fils s'appelle Swann...
Difficile d'évaluer ma lecture dans laquelle je n'arrive pas vraiment
à persévérer et donc à faire de critiques
claires d'autant plus que certains passages m'ont vraiment plu.
Rozennqui
fête ses trente ans dans le groupe en apportant deux bouteilles
de champagne !
Passe-moi ton papier Monique, je vais le lire et dire exactement la même
chose
(On rigole, c'est du Rozenn
tout craché)
Je retrouve dans ce qu'a dit Monique des termes que j'avais en tête
: sommeil, picorer, et une distance critique.
Ce qui suit est écrit après coup. Il faut lire Proust quand
on est malade, dit-on : chouette ! J'étais à l'hôpital.
Et je venais de lire plusieurs livres de René Girard qui, entre
autres, se réfère à Proust et Shakespeare.
J'avais toujours refusé de m'y mettre par esprit de contradiction
: trop de pression. Même si j'avais lu À
l'ombre des jeunes filles en fleurs quand j'étais très
jeune (15, 16 ans), sans aucun souvenir réel. Mais pour le
groupe lecture, allons-y !
D'une façon générale, je lis trop vite ; j'essaie
de ralentir. Et avec Proust ce n'est pas possible, pas possible non plus
sur une liseuse. Et pas possible quand on est shootée.
Je me suis donc mise à écouter en audio, y compris Sodome
et Gomorrhe : et là, c'est fantastique. En fait, j'ai parcouru
dans le désordre. Parce que je m'endormais et que je ne savais
pas où j'avais décroché. Donc je reprenais un peu
au hasard. J'ai entendu des passages savoureux, certains plusieurs fois
avec le même ravissement : sur l'évocation de la musique,
sur le tilleul
La partie "Un amour de Swann" me paraît
placée de façon incongrue. Je ne voudrais pas qu'on réduise
l'amour à la jalousie. Simplifions : si on n'est pas heureux, on
s'en va. Mais alors "Les noms de pays"
j'ai fait une grande
impasse. Ah oui, je me suis complétement projetée dans la
Tante Léonie que j'adore.
Alors
avec ce type d'approche quel avis est-ce que je peux avoir
pour le groupe lecture.
J'ai regardé deux DVD, bof ! J'ai tenté de comprendre à
partir de commentaires sur internet (commentaires parce qu'il n'y a pas
de critiques) comment l'ensemble de La Recherche était construit.
Si j'avais été éditeur, je l'aurais fait reconstruire.
Je ne l'aurais pas refusé pour des formulations comme les
"vertèbres
sur le front", même si cela m'avait arrêtée
; pas non plus parce que les phrases seraient trop longues, puisque lues
par quelqu'un qui embrasse l'ensemble, la longueur est au contraire un
plaisir.
J'ai ouvert
une page sur 10. Je continuerai certainement
un
jour. Si je l'emportais dans une île déserte, ce serait pour
la reprendre à ma façon
Oups
quelle prétention
Peut-être que La Recherche est écrite, et pas terminée
pour que nous puissions nous en saisir.
Laura
Comme certains,
j'avais déjà lu en partie en l'ouvrage, mais comme ce n'était
qu'en partie, je considérais que je ne l'avais pas lu du tout.
J'ai donc découvert "Combray" à l'occasion d'un
cours de philo de Terminale. Je ne sais même plus pourquoi il fallait
lire ce passage. Dans tous les cas je l'avais lu, mais n'en gardais que
peu de souvenirs (quelques passages dans la chambre au tout début,
l'infusion de tilleul, les clochers vus de loin dans la calèche).
J'ai donc tout relu, du début, et cette deuxième lecture
s'est en vérité affirmée comme une première.
J'ai pu plonger avec plus de concentration dans les descriptions des paysages,
et parfois j'avais la sincère impression d'être moi-même
à Combray, je plongeais dans le tableau (le passage au sujet des
aubépines notamment). Proust me semble vraiment extrêmement
doué pour la description, et par moments j'avais l'impression d'admirer
un tableau impressionniste.
Mais le roman a pris une tout autre tournure dès la deuxième
partie. Certains disent que tout ce passage sur l'amour n'est plus intéressant
quand on a plus de 20 ans ; eh bien moi j'en ai 21 et je trouve cette
illustration de l'amour absolument fabuleuse. Attention, je précise
qu'il s'agit ici du passage où Swann tombe au fur et à mesure
follement amoureux d'Odette (la jalousie m'exalte moins). J'aime l'idée
que Swann tombe amoureux d'une
image, comme par triangulation. C'est parce qu'il voit dans
le visage d'Odette les modèles des grands peintres italiens qu'il
l'aime. Il l'aime comme une uvre d'art, par distinction, par bon
goût. J'ai donc pensé aussi à Mensonge
romantique et vérité romanesque de René
Girard, comme l'a cité Rozenn. D'ailleurs, dans toute cette description
de tableaux, et de musiques parfois, j'ai repensé à À
rebours de Huysmans. Je ne sais pas si le lien est justifié
J'ai aimé aussi l'arrivée imprévu de l'affirmation
de quelque vérité qui se veut universelle ou générale.
Par exemple : "Les êtres
nous sont d'habitude si indifférents que, quand nous avons mis
dans l'un d'eux de telles possibilités de souffrance et de joie
pour nous, il nous semble appartenir à un autre univers, il s'entoure
de poésie, il fait de notre vie comme une étendue émouvante
où il sera plus ou moins rapproché de nous.
Toutefois, j'ai une petite déception toute personnelle quant au
personnage de Swann
Moi qui l'idéalisais dans "Combray"
et qui le considérais comme l'homme parfait, j'apprends dans la
deuxième partie qu'il est au fond une sorte de "mufle",
et que par surcroît il est roux aux yeux verts alors que je l'imaginais
brun aux yeux bleus
Au-delà de ma marotte esthétique,
je pense que les Cottard dans ce passage sont un peu exagérés,
le docteur notamment. Alors s'il apporte ce côté comique
à la pièce qui se joue sans cesse chez les Verdurin, c'est
parfois trop lourd, pas assez fin. Je sens le ridicule de la scène,
mais quelque chose me gêne.
Ce qui n'empêche que j'ouvre en grand évidemment, et que
je compte lire la suite !
Sabine
Comme
certain.es d'entre nous, j'ai lu Proust à 20 ans, sur les bancs
de la faculté, en licence. Proust était au programme de
l'agrégation et le prof de stylistique a proposé des études
de passages qui me sont revenus, telles des petites madeleines. Cela a
été un vrai plaisir de les redécouvrir 40 ans plus
tard.
J'apprécie la lecture de La Recherche, qui est exigeante,
demande du temps, de la disponibilité. Cela m'a pris trois mois
pour relire un seul tome !
J'ai beaucoup apprécié l'exposition sur la judaïté
de Proust ("Du
côté de la mère") et les commentaires sur
les brouillons, qui semblent "mimer" la lecture du Talmud.
L'expo à la
BNF m'a moins intéressée (étant bigleuse, je
n'ai pas vu grand-chose).
Sur une île, je l'emporte, bien sûr !
Jacqueline
J'adore mais
mais il m'est impossible de dire comment j'ouvre. J'ai
une édition des années 20 (livre en main) qui appartenait
à mon père et une édition de la Pléiade de
1957 qu'il avait offerte à l'aîné de mes frères
(sans réussir à ce qu'il apprécie et sa fille a égaré
les trois premiers tomes de l'édition de 1925 !) Mon père
était fan de Proust, il est mort en lisant Saint-Simon, qui n'est
pas sans rapport avec Proust (voir ici)
et dont il est beaucoup question dans La Recherche. Je l'ai donc
lu très tôt et pas dans un cadre scolaire ou universitaire.
Beaucoup, beaucoup plus tard, en linguistique, j'ai entendu une intervention
ponctuelle éblouissante, sans doute autour de l'attention de Proust
au langage parlé : ce prof nous avait aussi lu la
rencontre de Charlus avec Jupien et la comparaison botanique ; il
nous en parlait comme d'une magnifique histoire d'amour, ce qui me surprenait
(sans doute mon côté coinc !)...
Et puis il y a eu toutes les relectures, les découvertes avec notre
groupe, les expositions...
Pour cette fois, j'ai retrouvé avec délice "Du côté
de Combray" : avec le plaisir du familier, mais aussi celui
de découvrir du nouveau... (un regard amusé sur Bloch et
l'envie de reconnaître Bergotte en lisant Anatole France qui en
aurait été un modèle). Surtout le plaisir de voir
les jalons plantés pour la suite, ce qui m'avait échappé
jusque-là et qui ne peut apparaître à la première
lecture : la construction. J'ai par contre eu un peu de regret à
voir se superposer au texte seul et à son Combray, les images d'Illiers
vues lors de notre visite, les aubépines pas en fleur, tout ce
côté un peu factice d'Illiers rendant hommage à son
écrivain ; et je ne suis pas arrivée à faire coïncider
la maison du livre avec celle que j'avais vue. Ça m'a donc entraînée
sur les rapports entre roman et réalité... Vive le roman
et son grand romancier !
Je pourrais ouvrir en grand. Oui, j'ai eu un plaisir fou à certains
moments, et une grande envie à vouloir avancer.
"Un amour de Swann", je ne l'avais pas vraiment compris autrefois,
quand je l'avais lu, je n'avais guère vu d'intérêt
à ce roman dans le roman. Il a d'ailleurs, dans l'ensemble de l'uvre,
un statut particulier puisque le narrateur en est absent. Je ne suis pas
sûre de bien comprendre cette histoire d'amour (pas plus, d'ailleurs
que Swann !). Je n'ai pas retrouvé dans
le film que nous avons regardé ce qui pouvait me
l'expliquer : ce qui est raconté d'un homme à femme, utilisant
ses amis pour rencontrer celles qui lui plaisent et fréquentant
des ouvrières, y compris alors qu'il est amoureux d'Odette... Dans
cette partie, j'ai été très sensible par contre à
l'analyse que fait Swann de ce qui lui apparaît contradictoire dans
ses sentiments (description d'une névrose ?), pour une fois j'ai
trouvé les paroles rapportées (celles de Swann !) invraisemblables
et je trouve que le film ne rend pas justice à Odette, belle et
pulpeuse certes, mais réduite à cette image. La dimension
sociale de l'époque m'y semble bornée aux apparences (costumes,
environnement) alors que le texte de Proust, permet me semble-t-il, une
vision plus ample et une réflexion sur la société
de cette époque comme en particulier la situation qu'elle fait
aux femmes... Je suis très contente de l'avoir lu, mais ma tendance
naturelle serait de sauter les descriptions de la nature (aubépines,
automne à Boulogne...) qui me semblent des morceaux de bravoure
dont je ne vois pas trop l'intérêt. Ayant des souvenirs éblouis
des automnes à Versailles, j'ai lu avec application l'automne
au bois de Boulogne et j'ai dû chercher ampelopsis dans
le dictionnaire pour retrouver le flamboiement de la vigne vierge !
Quant à la partie "Noms de pays", j'avais le souvenir
de quelque chose d'extraordinaire, que, là, je n'ai pas retrouvé.
Je vais le relire pour comprendre pourquoi...
Manuel
Mon avis sera très court. Je suis d'accord avec Sabine sur l'exigence,
car une certaine disponibilité est nécessaire : j'ai lu
la moitié. J'avais lu il y a longtemps Du côté
de chez Swann etça revient tout de suite.
Il y a des pages admirables et remarquables. Le moment où on est
sur le coup : admirable. C'est un monument bluffant et Proust a la place
qu'il mérite.
Quelle acuité ! Par exemple le passage sur le tilleul, c'est ttrès
beau. Je compare à la peinture.
Il nous fait vivre une expérience de lecture.
J'ouvre en grand évidemment.
Clairefrimant
avec son pin's proustien
Le plaisir du livre
de poche avec coffret, drôlement pratique,
le livret d'illustrations, tout ça pour 9,40 €, c'est
un luxe, vraiment un cadeau pour le lecteur. Même raffinement avec
des notes d'une précision infinie et le résumé page
par page presque : un appareil critique de la Pléiade qui nous
est accordée à nous, populace
Et comment ne pas songer
au plaisir annoncé du Texte Sacré, enrobé de tout
le fétichisme de ce Grand Texte National... Voilà pour les
trompettes précédant ma lecture.
D'abord vient l'impression de tourisme, comme quand on découvre
pour de bon le Taj Mahal qu'on a vu plein de fois en photo : c'est donc
d'abord reconnaissance de ce qui a été perçu à
plusieurs reprises, en voyant réellement ce qu'on a vu représenté,
et en l'occurence ici, cité, recité, et peut-être
même lu ; car même si j'avais lu le tome "Du côté
de chez Swann" - retrouvant après coup des notes datant de
notre visite à Illiers en 1991 - comme j'oublie, tout est nouveau,
ou comme dans ce cas, ah oui tiens, reconnaissance.
Ensuite, et non sans rapport avec mon impression, les éclairs concernant
la subtilité du narrateur : par exemple quand il dit de sa grand-mère
qui souhaite qu'il ait dans sa chambre l'image des monuments ou des paysages
les plus beaux, qu'elle ajoute un degré d'art en choisissant non
pas une photographie mais un peintre, introduisant ainsi plusieurs épaisseurs
d'art : "au lieu de
photographies de la Cathédrale de Chartres, des Grandes Eaux de
Saint-Cloud, du Vésuve, elle se renseignait auprès de Swann
si quelque grand peintre ne les avait pas représentés, et
préférait me donner des photographies de la Cathédrale
de Chartres par Corot, des Grandes Eaux de Saint-Cloud par Hubert Robert,
du Vésuve par Turner, ce qui faisait un degré dart
de plus."
Les fameuses comparaisons apportent aussi de la pensée, comme pour
l''idée un peu hindoue"
de la société "composée
de castes fermées". Ou de la jouissance pour des
descriptions, comme celle du tilleul destiné à l'infusion
de la tante : "Les
feuilles, ayant perdu ou changé leur aspect, avaient l'air des
choses les plus disparates, d'une aile transparente de mouche, de l'envers
blanc d'une étiquette, d'un pétale de rose, mais qui eussent
été empilées, concassées ou tressées
comme dans la confection d'un nid" (j'ai pensé
alors à la géniale exposition en ce moment au Louvre sur
"Les
choses").
En lisant, non seulement je visite en touriste un monument, mais je suis
aussi au spectacle où viennent des applaudissements pour les comparaisons
: un peu comme quand au cirque on entend le roulement de tambour pour
les performances au trapèze, le moment attendu qui fait vibrer.
Par exemple, "y a du monde devant la porte" devient : "Les
domestiques ou même les maîtres, assis et regardant, festonnaient
le seuil d'un liséré capricieux et sombre comme celui des
algues et des coquilles dont une forte marée laisse le crêpe
et la borderie au rivage, après qu'elle s'est éloignée".
Et il y a l'humour dont plusieurs ont parlé ; ainsi, après
le morceau de bravoure sur la musique de Vinteuil, la comtesse s'exclame
: "Je n'ai rien vu d'aussi
fort
rien d'aussi fort
depuis les tables tournantes !"
Moi je rigole intérieurement.
Il y a aussi "le genre" (Brigitte a
souligné le rôle d'innovateur de Proust) : pas tellement
un récit, mais des dissertations sur la réalité sensible,
des analyses sur ce qu'est l'art, des exercices de style (le trapéziste...)
; tout juste si je ne dis pas comme le narrateur à propos de Bergotte
: "j'étais déçu
quand il reprenait le fil de son récit." Moi aussi
! Ou encore : "j'aurais
voulu posséder une opinion de lui, une métaphore de lui,
sur toute chose". C'est en cela que Proust se prête
vraiment aux morceaux choisis du Lagarde et Michard, que voici :
Pas la peine de lire toute La Recherche, le Lagarde et Michard
suffit ! Et le moment où le narrateur pond son texte sur les deux
clochers de Martinville, c'est formidable, avec l'approche du rôle
de l'écriture. Et le moment où... Et le moment où...
Mais, mais, il y a pour moi "des longueurs", non pas que la
phrase est longue, mais parce que c'est ennuyeux, avec des morceaux de
bravoure pénibles, par exemple la
description du couronnement d'Esther sur une tapisserie dans l'église
(même si c'est à cette occasion qu'est évoqué
l'espace à quatre dimensions - la quatrième étant
celle du Temps). Ou bien sur Odette quand elle prend de la distance ça
n'en finit pas... Et puis, des exercices de style virent parfois au kitch
: "C'est ainsi qu'au
pied de l'allée qui dominait l'étang artificiel, s'était
composée sur deux rangs, tressés de fleurs de myosotis et
de pervenches, la couronne naturelle, délicate et bleue qui ceint
le front clair-obscur des eaux, et que le glaïeul, laissant fléchir
ses glaives avec un abandon royal, étendait sur l'eupatoire et
la grenouillette au pied mouillé les fleurs de lis en lambeaux,
violettes et jaunes, de son sceptre lacustre."
Ouh ouh (contraire des applaudissements...) ; comme dirait Proust à
propos d'une musique assez merdique, c'est vraiment stercoraire...
Et comme Rozenn (qui ne l'a pas dit comme ça),
je trouve qu'"Un amour de Swann" arrive comme un cheveu sur
la soupe question contruction (mais j'ai aimé lire ce contraire
de roman Harlequin). Par conséquent, vu ces réserves d'admiratrice,
j'ouvre aux ¾.
Je suis frappée par le nombre de "j'ouvre en grand évidemment",
comme s'il convenait d'adorer Proust ; j'aime beaucoup le témoignage
de Monique L qui nous montre à quel point elle était
limite anormale de ne pas aimer Proust, avec son beau-frère
prof de lettres classiques qui lui administrait un médicament :
un cachet de Proust par jour. Heureusement qu'elle était là
parmi nous pour apporter une note discordante à ce concert
de pâmoisons obligées...
Et pour enfin (!) finir, les produits dérivés de Proust
m'amusent bien, j'en ai réuni une petite
collection ci-dessous...
Renée, après la séance,
en pensant à ce qu'a dit Laura
Swann tombe amoureux d'Odette lorsqu'il
est frappé par sa ressemblance avec Zéphora, la fille
de Jéthro sur une fresque de Botticelli (Les
épreuves de Moïse) à la chapelle Sixtine. Ce supplément
d'art la lui rend plus précieuse. Un livre qui me suit lorsque
je lis Proust : Le
musée imaginaire de Marcel Proust d'Éric Karpeles
où figurent tous les tableaux évoqués dans La
Recherche.
Claire, faisant semblant d'avoir ouvert des livres épais de
sa bibliothèque...
Pas mal... j'ai celui-ci, Proust
et les peintres, ne se limitant pas à
La Recherche, un livre aussi excessif qu'elle, car il pèse
4 kilos... Je vois aussi qu'avec l'année Proust, vient
de sortir Proust
et les arts, c'est sans fin...
Margot
(avis transmis)
Voici ma participation à la lecture du roman de Proust. Je ne pouvais
pas moins que de faire court. Tout se tient dans le titre.
Le roman est l'histoire d'un petit personnage qui ne peut se séparer
de sa mère, petit cocon douillet dont les bras sont sans arrêt
réclamés, tout en haut d'une chambre perchée au terme
d'un escalier, qui semble à la Piranèse, l'éloigner
du monde et l'immerger dans l'univers du nocturne, du coucher, du rêve
et du réveil incertain dans la nuit qui, elle, ouvrirait sur un
songe d'une tout autre étoffe
En relisant "Du côté de chez Swann" avec beaucoup
d'attention, il m'est apparu que tout démarrait à l'heure
du coucher, à l'heure du songe, teintant de la sorte tout le roman
de cette incertitude du rêve (rêve d'enfance, paradis perdu
qui jamais n'exista) et que chaque épisode déployé
renaissait alors dans une coquille de noix, selon cette petite madeleine
matricielle, creuset d'écriture de tout le roman me semble-t-il
Tout est ainsi forme d'une coque de noix qui se déploie : la maison,
le coucher, la mère, Combray, et ce mystérieux Monsieur
Swann. Toujours du côté de
Magie du titre où
se tout love déjà dans une coquille de noix.
À ouvrir en grand, mais pas dans toutes les mains. Pas entre toutes
les mains, surtout celles des trop jeunes que l'on ennuie avec des lectures
si denses, ni les pressés en quête d'aventure et de mouvements
marqués. Ce serait peine perdue pour ces lecteurs et pour le roman
je crois.
Romain(avis
transmis)
Je l'ouvre à fond et plus qu'à l'époque de ma première
lecture, car quand je l'ai lu sans en connaître la fin, je comprenais
mal pourquoi un narrateur qui est le personnage principal passe autant
de temps sur des aventures si peu palpitantes que d'aller se coucher sans
un baiser de maman, et de ducs et de duchesses. Et surtout ce style dans
lequel je me noyais.
Mais en le relisant grâce au club, j'ai pris vraiment beaucoup de
plaisir maintenant que je sais ce qu'il finit par trouver au bout de sa
recherche et que je me suis familiarisé à son style, en
n'hésitant plus à découper ses phrases pour le lire
à mon rythme. J'aime bien que son style soit un style de l'analyse
qui dure tant que se déploie la phrase car il décortique
et il est ainsi capable d'arrêter le temps sur une sensation qu'il
a eue, sur une réminiscence qui ressurgit, un peu comme du slow
motion. J'aime bien que l'uvre soit très personnelle et qu'il
y ait Proust dans tous les personnages, et évidemment le narrateur
; la grand-mère et la mère hypersensibles, bienveillantes,
aimantes ; Swann le collectionneur dandy roturier comme modèle,
mais aussi l'amoureux malheureux comme il le sera d'Albertine, quoique
l'étant déjà de Gilberte ; la Tante Léonie
maniaque comme Proust, mais si attachante : "elle
ne parlait jamais qu'assez bas, parce qu'elle croyait avoir dans la tête
quelque chose de cassé et de flottant qu'elle eût déplacé
en parlant trop fort".
Ses images aussi sont personnelles et pourtant universelles, elles nous
parlent quoiqu'elles viennent de l'expérience, du vécu de
Proust lui-même. J'aime bien que le narrateur soit aussi le personnage
principal qui sait tout sur tous les autres personnages, quoiqu'il s'efface
dans la deuxième partie pour faire place à Swann. Il prend
le temps de nous les présenter vieillissant et évoluant
et dès "Un amour de Swann", celui-ci, avant même
les prochains tomes, qu'on voit déjà devenir différents,
évoluer, changer, vieillir sous l'influence d'Odette. J'aime que
le thème de l'amour soit traité sous différentes
formes et points de vue et j'ai bien mieux compris le sens de la partie
sur "Les noms" qui d'ailleurs m'amène une dernière
remarque : je me sens plus intelligent en lisant Proust.
Audrey
Avant de vous accueillir, n'ayant pas relu le premier tome (j'avais déjà
lu "Un amour de Swann"), j'ai quand même voulu lire quelques
pages de Proust et cette fois-ci j'ai commencé "Le côté
de Guermantes", quelques dizaines de pages seulement. Mais j'ai retrouvé
instantanément cette sensation absolument incroyable et difficilement
descriptible que je n'ai jamais ressenti qu'avec Proust : cette descente
dans le tréfonds des mécanismes de la pensée.
Proust, au fond, nous décrit, nous montre, nous explique, décortique,
analyse, comprend, comment nous, hommes et femmes, pensons, vivons et
ressentons... inconsciemment. Inconsciemment !
Alors là, en vous parlant, je me souviens tout à coup de
quelque chose d'important que je dois dire très brièvement :
j'ai moi-même arrêtée ma psychanalyse avec Proust !
Proust m'éclairait certainement (c'était plutôt un
éblouissement)... sur ce qu'il me restait à éclairer
avant de terminer une analyse. Je comprenais des choses qu'il me dévoilait...
J'ai fini, à la demande de ma psychanalyste, par apporter des photocopies
des passages du livre... Fin de la parenthèse sur ma vie...
Mais je fais soudain ce lien, là, sur le moment, en vous parlant...
J'ai l'impression qu'il y a quand même quelque chose de l'ordre
de la remontée de l'inconscient à la conscience ; quelque
chose de l'ordre d'une sorte d'inconscient collectif qui remonte à
la conscience individuelle. Pour moi, il y a une profonde dimension analytique
chez Proust. Elle explose par exemple dès la deuxième page
dans "Le côté de Guermantes" par l'analyse qu'il
fait, très très longuement, de notre attachement à
des noms, à la façon dont nous pouvons les associer à
des lieux, des personnes, et ne plus nous défaire de ces images
créées par nous, puis y rêver, finalement s'en éloigner,
y revenir... Quelle acuité du regard !
Je me demande comment il pouvait vivre normalement... Mais en fait j'ai
la réponse à ma question car il ne vivait pas "normalement"
! Et sans doute que quand il sortait dans les salons et dans le monde,
il devait être sans arrêt en position d'observateur, de scrutateur,
"décortiqueur". D'écrivain entièrement
dédié à son uvre ! Proust suit les méandres
de notre fonctionnement mental. De nos associations. Je dis-nous... Quand
je lis Proust, je me lis moi-même. Je ne me lis pas moi-même
en tant qu'auteure, malheureusement, mais moi-même en tant qu'être
humain qui traverse la vie.
J'ouvre en très grand.
Monique M
J'ai écouté un
neurologue dans La Grande Librairie sur Proust, qui disait
exactement ce que tu viens de dire, que le processus utilisé dans
l'analyse, le fait de faire remonter de l'inconscient des choses enfouies,
c'est exactement ce que fait Proust dans La Recherche.
Valérie
Je suis ravie de le lire à 60 ans ; je l'avais lu très jeune
et avais eu l'envie d'écrire quelque chose sur Proust ; j'ai compris
qu'il y avait des clés qui allaient m'être livrées
; j'ai relu plusieurs fois les premiers volumes ; c'était magique
de le relire aujourd'hui ; je vais lire toute La Recherche.
Ce que j'ai beaucoup apprécié dans "Du côté
de chez Swann" (j'ai fait tous les lieux proustiens, à Illiers
la maison de tante Léonie, au Pré Catelan, l'église
de Combray, Cabourg, la rue Hamelin où il est décédé,
donc tout un pèlerinage ; il existe une avenue Proust très
petite dans le 16e arrondissement) et adoré relire le passage de
la madeleine ; au début, il croit que c'est le thé, il se
rend compte que c'est l'odeur et se souvient de la tante Léonie.
Nathalie lit le passage sur la madeleine.
Valérie
Et toute cette merveilleuse citation : "Et
tout à coup le souvenir m'apparut (
) l'édifice immense
du souvenir". Pour moi, Marcel Proust est inégalé
; les odeurs restent ancrées dans le souvenir ; ce qui me fascine
c'est comment il arrive à tirer des fils de son passé, l'odeur
étant un sens déterminant.
Ce que j'ai beaucoup aimé aussi, ce sont les après-midis
de lecture à Combray et puis, les tourments de l'amour.
C'est le livre de ma vie. J'ouvre en grand. Je vous recommande Maman
de Michel Schneider où il écrit sur Proust.
Nathalie B
J'ai découvert Proust en 1ère, grâce à ma professeure
de français. Je suis tombée amoureuse de son écriture.
Puis j'ai commencé À la recherche du temps perdu
(quel titre magique) et m'y suis plongée tout un été.
Et j'ai profondément adoré. C'était mon univers ;
j'ai encore les sensations de lecture de À
l'ombre des jeunes filles en fleurs, en plein été,
sous un chêne. Les descriptions que Proust fait des sensations,
des odeurs, des couleurs, pour les arracher au temps qui passe, m'ont
habitée et ont fait partie de ma construction mentale. Jusqu'au
temps retrouvé. Je suis admirative de son sens de l'observation,
son analyse, sa connaissance et compréhension de l'humain. De cela
je n'avais rien oublié.
En revanche, lorsque j'ai relu le premier volume, j'ai découvert
un autre plaisir. Je ne me souviens pas, peut-être ne l'avais-je
pas perçu, de l'humour qu'il avait. J'ai eu des fous-rires en le
lisant cette fois. Parfois il peut être cruel mais il y a des choses
très drôles sur les expressions des personnages, ce qu'ils
ressentent, la façon dont ils sont
Par exemple, sa description
de la première rencontre entre Swann et le Dr Cottard. Proust a
un sens de la dérision des comportements humains qui est joyeux
et nous les rend proches. Je pense qu'il aurait pu être Swann s'il
n'avait pas eu l'écriture et son uvre à construire.
Bien sûr, il décrit un monde, son monde, où il y a
des domestiques et des maîtres... Parfois il est un peu condescendant
avec eux.
François
Il
avait un rapport fusionnel avec ses domestiques, très dur aussi.
Il avait le génie du pastiche et faisait beaucoup rire avec ça.
Il a une capacité d'empathie, il s'identifie complètement
et retrace le langage de Françoise, c'est très drôle,
mais aussi d'une méchanceté fabuleuse. Quand il décrit
la duchesse de Guermantes, son grand nez, cette complexité inouïe
avec le monde
Nathalie
Quoi qu'il en soit
Dans ma deuxième lecture, j'ai fait un
retour vers l'analyse de ce qu'on ressent avec une acuité incroyable.
Il y a des descriptions de sensations où chacun peut reconnaitre
les siennes, comme celle de la lecture au soleil, avec les heures qui
passent et que l'on entend de l'église. Proust a l'art de faire
rejaillir chez nous des émotions fortes que l'on a pu avoir dans
le passé. Ce qui est assez extraordinaire
C'est avec la description
de l'église que je me suis rendu compte à quel point Proust
uvrait pour que les objets, les lieux, les sensations continuent
d'exister malgré le temps qui efface tout. Il les arrache à
l'oubli. C'est cela que personnellement je trouve absolument sublime
J'ouvre en très grand.
Audrey
C'est la même idée avec une nouvelle forme, une nouvelle
lumière, il déploie l'idée.
Nathalie
À chaque
fois, il l'écrit avec un éclairage différent, à
la fois la même et une autre chose ; il creuse et approfondit ce
qu'il donne à voir.
Françoise
Je me sens très proche de Nathalie : première lecture il
y a 10 ans, aussi très frappée par les sensations.
Et là, me suis vraiment vraiment vraiment ennuyée.
J'adhère aux propos de Nathalie quand elle parle d'ennui et de
souffrance. Les comportements, les tics de l'attente, c'est très
cérébral. Je trouve ça spécieux : à
quoi ça sert ? C'est une machine à penser pour finalement
arriver à quoi ? Les sensations, les tics qu'il écrit des
personnages qu'il côtoie ça ne m'apporte rien.
Ce qui m'a intéressée, c'est un monde qu'il décrit
qui n'existe plus aujourd'hui : il y a un million de domestiques à
cette époque ! Pour moi c'est plutôt un ethnologue. Son rapport
à ces gens se situe entre supériorité et humilité.
Il sait où il est.
Mais il y a de très beaux passages sur Françoise, par exemple
le portrait d'elle sous la pluie : c'est un portrait magnifique, elle
est là, on la voit, on sent qu'il fait ce portrait avec son cur.
Je suis partagée donc, car je suis aussi éblouie par son
humanité et la dimension historique et anthropologique ; mais
je me suis arrêtée à la page 150. J'ouvre en grand
quand même bien sûr, car on apprend, et que c'est génial
par moment. Et aussi, en raison de cette temporalité avec ses limites
floues : j'adore quand il est dans la position de cet homme qui dit quelque
chose de passé dans sa jeunesse et qui confirme que oui, ça
s'est bien passé, sans que l'on sache exactement où est
Proust. C'est une leçon de vie : voyez, la vie m'a donné
raison ou a confirmé quelque chose de ressenti.
Nathalie
Oui c'est ça, dans un homme il rend ce mélange des temporalités
: être en même temps l'enfant, l'adulte, plus âgé.
François
Oui c'est ça, il y a un dévoilement philosophique. Il détestait
qu'on s'intéresse aux détails : il voulait appeler ça
"la recherche de la vérité". Le narrateur veut
toujours écrire, il se dit sans cesse "ça me rappelle
quelque chose", comme on dirait aujourd'hui.
J'admire ceux qui sont de plain-pied dans La Recherche ; j'ai
fait grâce à vous une nouvelle lecture. Parfois même
au bout de 10 fois, je reste sans comprendre une phrase.
Proust est capable de transfigurer tout ce qu'il voit. À la fin
il y a une réalité.
La jalousie de Swann, c'est extraordinaire, vraiment extraordinaire.
Son problème en fait, c'est de passer de l'impression à
l'expression, et de comprendre qu'on ne peut l'exprimer ; Proust savait
les hiatus entre la vie et la littérature, c'est ce qu'il écrit
pour à la fin dire que la vie et la littérature sont deux
choses différentes. Alors qu'il décrit sublimement la vie ;
quelle description de fleurs et des aubépines, et il découvre
le plaisir, et le lie à ce qu'il voit dehors. Ça reste impensable
pour moi sa qualité d'observation.
Jean-Paul
Moi je n'avais jamais lu Proust.
Pendant longtemps je me suis couché de bonne heure, 20 pages là-dessus
et je me suis dit que moi j'allais vite me coucher de bonne heure.
Ses stratagèmes pour faire venir sa mère, quel ennui ! Puis
je me suis quand même senti emporté et un peu perdu dans
les jardins, lors des balades. Il y a l'impression qu'il y a un bon côté
et un mauvais côté. Description des fleurs, des odeurs, des
jardins... je ne dirai pas que ça ne m'a pas plu, mais je ne lirai
pas la suite.
Il n'arrête pas d'analyser le passé, il fait appel aux réminiscences
tout en disant que l'on ne retrouve pas son passé. Est-ce que l'on
n'idéalise pas son passé ?
Nathalie
Retrouver son passé c'est de l'ordre du hasard, selon Proust.
Jean-Paul
Après "Combray", j'ai été désarçonné
car après c'est un autre livre "Un amour de Swann". J'ai
essayé de tout lire mais j'avais envie d'arrêter après
40 pages.
Parmi vous, tout le monde semble idolâtrer cette uvre. Mais
je vais quand même ne l'ouvrir qu'à demi et non pas en entier.
Françoise
Non pas idolâtrer, ce n'est pas de cet ordre-là.
Monique M
Vous avez déjà tout dit. Ce livre est un monde de sensations
exprimées avec érudition, un talent fou et une sensibilité
exaspérée ; c'est avec cette anxiété, cette
sensibilité extrême, quasiment maladive, qui le faisait attendre
dans l'angoisse le baiser de sa mère, que le narrateur porte dans
ce livre son regard sur le monde, la nature, les hommes et ce qui les
fait vivre. L'écriture, le style, les images surgies de ses développements,
ses arabesques littéraires, sont splendides. Ce sont des digressions,
des enroulements sans fin, parfois épuisants, souvent atteignant
des sommets de beauté. C'est aussi l'histoire d'une époque
et d'un milieu social aisé, cultivé, au regard amoureux
sur l'aristocratie dont le narrateur admire le raffinement, l'esprit,
la culture ; et d'une ironie mordante envers la petite bourgeoisie
qui les singe. C'est aussi la relation paternaliste de ce milieu envers
les domestiques, les commerçants, les gens du peuple que côtoie
la famille ; le livre souligne aussi l'importance des rituels, de
la religion, des réceptions entre gens de même milieu social,
les coteries de l'époque, le regard sur les cocottes, tout autant
méprisées que secrètement admirées, la troupe
de cuirassiers qui passe en les rues de Combray avant d'aller se faire
tuer au front (on est entre 1870 et 1914). Les promenades en fiacre au
bois de Boulogne, les jeux d'enfants aux Champs Élysées
toutes choses si éloignées de notre époque, qu'elles
sont passionnantes à lire.
Mais c'est avant tout un talent immense pour décrire des réminiscences,
des surgissements de la conscience qu'il fait surgir intacts du passé
aussi vivants, palpables, qu'au moment où ils ont été
vécus. C'est bien sûr, la madeleine de la tante Léonie,
mais aussi bien d'autres moments tout aussi saisissants. Il y a une similitude,
une sorte de continuité, entre l'attachement maladif du narrateur
à sa mère ou à Gilberte, et dans l'amour fou, irrationnel
de Swann pour Odette, une sorte de soumission, de dépendance totale
à l'autre, à celle dont dépend apparemment entièrement
son existence, son destin. Cette sensibilité débordante,
irrationnelle traverse tout le livre. J'ai beaucoup aimé ces passages
qui réveillent des sensations visuelles ou olfactives simples,
évidentes, vécues au quotidien, qu'il décrit si justement
et magnifiquement : c'est par exemple ces "chambres
d'été où l'on aime être uni à la nuit
tiède, où le clair de lune appuyé aux volets entr'ouverts
jette jusqu'au pied du lit son échelle enchantée"
ou bien "les impalpables
irisations, les surnaturelles apparitions" des personnages
de la lanterne magique dont on coiffait sa lampe de chevet pour le distraire,
qui s'animent sur les murs, prennent réalité dans le volume
des rideaux ; passage magique de l'univers clos de sa chambre à
un univers extensible sans cesse renouvelé, issu du vagabondage
de sa pensée. Ou encore, lors des visites de Swann à ses
parents : "nous
entendions au bout du jardin, non pas le grelot profus et criard qui arrosait,
qui étourdissait au passage de son bruit ferrugineux, intarissable
et glacé, toute personne de la maison qui le déclenchait
en entrant, mais le double tintement timide, ovale et doré de la
clochette pour les étrangers", ou encore le clocher
de Saint-Hilaire qui "lâchait,
laissait tomber à intervalles réguliers des volées
de corbeaux qui, pendant un moment tournoyaient en criant, comme si le
vieilles pierres qui les laissaient s'ébattre sans paraître
les voir, devenues tout d'un coup inhabitables, les avaient frappés
et repoussés. Puis, après avoir rayé en tous sens
le velours violet de l'air du soir, brusquement calmés ils revenaient
s'absorber dans la tour, de néfaste redevenue propice",
admirable de justesse. Mais ce sont aussi toutes les blessures affectives,
ces sanglots de l'enfance "qui
n'ont jamais cessé ; et c'est seulement parce que la vie se tait
maintenant davantage autour de moi que je les entends de nouveau, comme
ces cloches de couvent que couvrent si bien les bruits de la ville pendant
le jour qu'on les croirait arrêtées mais qui se remettent
à sonner dans le silence du soir".
Je pourrais citer encore bien des passages éblouissants d'ironie,
ou d'humour comme le dîner chez les Verdurin ; la description mordante
des valets de pied puis des invités lors de la soirée de
la marquise de Saint-Euverte ; les tourments jaloux de Swann à
Compiègne ; la tombée en extase du narrateur enfant, en
mal de Gilberte, devant les galons de la livrée du laquais à
la porte des Swann, sous l'il effaré de Françoise
C'est une uvre essentielle magnifique que j'ouvre en grand.
François
Impossible de ne pas s'arrêter un instant sur le début qui
nous montre le narrateur en train de se débattre entre la veille
et le sommeil, le rêve et la réalité dans des états
bien surprenants. Proust ajoutera que quand il est profond, le sommeil
nous entraîne dans les abysses de l'existence telle qu'elle "peut
frémir au fond dun animal (...). Quelquefois
comme Eve naquit, une femme naissait pendant mon sommeil".
Toute La Recherche n'est peut-être que l'histoire "d'un
homme qui s'éveille et qui parle." Réveil
paradoxal, car après voir évoqué (et avec quel génie
si l'on pense à l'écriture), dans des milliers de pages
les sortilèges du temps perdu, le narrateur découvre que
la "vraie vie est ailleurs".
C'est-à-dire en soi. Et dans la création. Et qu'il décide
alors d'écrire une uvre que nous ne lirons jamais. Tous les
signes mondains sont trompeurs, mais encore faut-il les vivre pour s'en
apercevoir. Nous avons tous besoin d'intercesseurs
Et Proust est
un magnifique intercesseur, même s'il n'est pas toujours facile
de le suivre dans les méandres compliqués de sa phrase et
de sa pensée. Dans "Du côté de chez Swann",
il jette les bases où, comme il le dit quelque part, propose les
gisements d'où va émerger toute la suite. On sait à
quel point il tenait à ce qu'on ne perde pas de vue le plan de
son uvre, en ne s'attachant qu'à des détails ou des
épisodes particuliers. Qu'importe, j'ai redécouvert ces
épisodes avec plaisir. Qu'il s'agisse des émois du narrateur
à cause du baiser refusé par la mère, des manies
de la tante Léonie, de la vie cachée de Swann qui nous sera
racontée plus tard. Mais il y a aussi le dévouement de Françoise
et son incroyable faconde... qui l'ont fait passer à la postérité !
Combray c'est tout un monde qui, de fil en aiguille, va remonter de la
célèbre tasse de thé. Mais aussi le caractère
d'un narrateur toujours sur le qui-vive et attentif au moindre signe qui
pourrait lui révéler ce qui se cache sous les apparences.
Génie de Proust quand il décrit la jalousie Swann comme
un besoin pathologique de découvrir la vérité. La
jalousie... grande fenêtre sur l'Autre et l'inconnu. (On peut comprendre
qu'Odette trouve Swann qu'elle épousera plus tard, insupportable).
Difficile d'en dire plus, La Recherche est une uvre complexe
et déroutante dont il n'est pas facile de parler. Dès qu'on
le fait, on s'aperçoit toujours qu'on a oublié tel détail,
telle pensée, ou tel passage qui nous semblait essentiel. Celui-ci
par exemple, quand le narrateur dit son désappointement devant
les choses : "Et voyant
sur leau et à la face du mur un pâle sourire répondre
au sourire du ciel, je mécriai dans mon enthousiasme en brandissant
mon parapluie refermé : 'Zut, zut, zut, zut.' Mais en même
temps je sentis que mon devoir eût été de ne pas men
tenir à ces mots opaques et de tâcher de voir plus clair
dans mon ravissement." J'ouvre en grand.
Antoine
J'ai commencé La Recherche il y a à peu près
un an. J'en suis à "Sodome et Gomorrhe". Je vais partager
deux expériences personnelles.
D'abord une rencontre avec Jean-Yves Tadié, spécialiste
de Proust. Il se trouve que je me suis aperçu il y a peu (parce
que je lisais Proust) qu'il était voisin de notre maison de famille
à Dinard. J'ai fini par le croiser - le jour où je venais
d'acheter Proust
et la société - et ai reçu depuis ce monsieur
âgé à plusieurs reprises, sans lui parler particulièrement
de Proust d'ailleurs. Cet homme charmant, d'une personnalité assez
fascinante, est d'une érudition incroyable.
L'autre expérience est celle d'une lecture initialement entreprise
avec l'idée d'une pensée magique. On peut passer à
côté d'un chef-d'uvre. Ainsi j'avais totalement oublié
avoir lu "Du côté de chez Swann" qui était
pourtant à mon programme de classe préparatoire ; je n'ai
vraiment aucun souvenir de cette lecture. Mais suite à une rupture
amoureuse, avec une cette pensée magique style "si je lis
tout Proust, on va se remettre ensemble", j'ai commencé À
la recherche du temps perdu. J'ai trouvé la première
partie très chiante, en fait. J'ai vraiment eu du mal à
entrer dedans. La partie "Combray" avec descriptions de fleurs,
de personnes, de costumes
ne m'intéresse absolument pas.
Bon, évidement, l'épisode de la madeleine tellement connu
m'a un peu titillé. Mais arrivé à la partie, "Un
amour de Swann", cela fut vraiment une expérience très
forte, liée avec la relation que j'avais eue. Il a une vision déprimante
de l'amour qui en fait m'a beaucoup aidé. Pour moi, c'était
l'anti-romantisme absolu. Il tombe amoureux à cause de la sonate
de Vinteuil, mais surtout parce qu'il lui apparaît qu'elle ressemble
à une fresque de Botticelli, ce qui valide cette femme qui pourtant
ne lui plaisait pas la première fois qu'il l'avait vue. Certes
ce n'est pas ma façon d'aimer, mais en même temps il montre
qu'il y a un côté un peu artificiel à l'amour, quelque
chose qu'on crée. Il écrit "Nous
faussons la mémoire de l'amour par la suggestion"
: une définition par la négative assez déprimante
de prime abord, mais qui m'a paradoxalement remonté. Il ne voit
l'amour que par le prisme de la possession, la douleur et la jalousie,
qui personnellement m'éloignent de l'amour proustien. Je l'ouvre
en grand.
Katherine
L'amour qu'on a pour une personne naîtrait de l'intérêt
qu'elle vous porte, si on en croit Proust, ce que je trouve triste comme
idée de l'amour. Je ne l'ai pas terminé, mais je l'ouvre
quand même en grand. Cette lecture me conforte dans l'idée
que j'aime les univers mélancoliques et nostalgiques. Proust réalise
un travail prodigieux, décrire chaque souvenir comme une photographie
philosophique de sa conscience.
Intéressante, l'expo
à la BNF.
Lire Proust est une expérience : il faut pouvoir et vouloir prendre
le temps de la (re)lecture, avec une tasse de thé fumante, pour
s'immerger avec plaisir dans des descriptions à rallonge. Je fais
un parallèle avec l'examen minutieux d'un tableau quand, souvent,
d'autres formes de lecture ne nous invitent pas à nous arrêter.
Beaucoup d'humour aussi. Sans être joyeux, ce livre fait du bien,
certaines vérités sont certes tristes mais universelles.
On sent que cet ouvrage est le fruit d'une intense réflexion écrit
"deux fois" jusqu'à la fin de sa vie.
David
Je suis perplexe sur ma lecture. Proust pour moi c'est un roc auquel il
allait falloir m'attaquer. J'avais abandonné à chaque tentative.
Voix au chapitre, société proustienne, il y avait
un rang à tenir ! Du coup poussé par cette nécessité,
je m'y suis mis. Mais la marche était haute dans mon inconscient.
Pourquoi on aime ? Plus que le fond ce qui m'intéresse, c'est la
forme, Proust entre dans la littérature avec la Madeleine entrée
dans l'inconscient collectif par le rapport au temps.
Toutes et tous, on est ramenés à notre rapport au temps,
à notre passé, nos souvenirs, et il en est le spécialiste,
il y a quelque chose d'émouvant.
C'est unique, on peut trouver ça aberrant, dans ces phrases interminables
- que j'ai découvertes moi par une dictée dans mon enfance
et me je me suis dit déjà à cette époque-là
que c'était un phénomène.
Mais qui lit encore ça aujourd'hui avec passion dans la nouvelle
génération ?
Pour moi, c'est un style daté, suranné, mais c'est pas grave
car ça me fait penser aux choses très datées de ma
vie.
Il y a une expérience physique et sensuelle à lire ce truc.
Pourquoi ça réveille quelque chose en moi ? Car oui on est
proustien.
Moi je suis fan de Perec qui se trouve en permanence aussi dans ses souvenirs.
On pourrait peut-être les mettre en parallèle.
Anne
(avis transmis après la séance et à partir d'une
invitation à voyager de la part de Claire)
Oui, rire ! Et me voilà moins embarrassée d'avoir un peu
de mal avec Swann, Verdurin et compagnie, qui ne m'ont pas mise sur une
autoroute pour la lecture...
Je me trouve en effet très embarrassée d'avoir autant de
mal à lire un grand auteur comme Proust, je ne parviens pas à
dépasser le malaise que j'éprouve lorsqu'il me faut entrer
dans les salons parisiens fin 19e début 20e siècle. Néanmoins,
ceci n'est rien en regard de la problématique de l'attachement
de l'enfant envers sa mère. Je ne surmonte pas la souffrance et
l'ennui, donc la déprime, que cela exerce sur moi, en dépit
de l'humour qui parsème les textes. La beauté de l'écriture
me fascine pourtant, mais sur du court terme. Avec mon évitement
répété des lectures de Proust, je me rends compte
que je passe à côté d'un plaisir littéraire
de grande qualité, aussi ai-je trouvé une solution pour
pallier ce manque, je vais parfois écouter des acteurs lire des
fragments de texte, et, ô bonheur, j'éprouve alors un émerveillement
à les écouter ! Récemment Lambert
Wilson a superbement bien lu cet auteur à la salle Gaveau.
Je peux donc apprécier Proust à dose homéopathique
et à condition que cela me soit raconté comme un conte à
un enfant. Les textes sur la madeleine et sur la mort de Bergotte en train
de regarder le petit pan de mur jaune sont superbes.
J'ouvre grands ces extraits, mais je m'en tiens là, ne pouvant
pas m'engager sur sept tomes
Pour l'ouverture de ce livre gigantesque,
je vais aussi m'en tenir à une cote mal taillée en l'ouvrant
à moitié, qui représente mon ambivalence vis à
vis de ce grand auteur.
Les
7 cotes d'amour du groupe
breton En attente de la cote d'amour de Sylvie |
Édith
Heureuse d'avoir enfin lu ce "monument "que j'ai eu très
souvent entre les mains dans mon ancienne activité de bouquiniste
et vendu a des lecteurs - que je pensais mieux qualifiés que moi
- pour le lire !
ou le relire !!!
Eh bien je suis ravie de l'aventure, à tel point que ce matin j'ai
acheté le volume deux À
l'ombre des jeunes filles en fleurs, espérant éprouver
autant de plaisir au bercement des phrases - celles que j'appréhendais
de lire "autrefois" - et à me laisser entraîner
de bonne grâce et en imagination (tous les détails y aident)
à la description du monde de Proust, ses codes, ses rosseries,
ses regrets, ses saveurs et odeurs, ses goûts, etc., ce que sa mémoire
lui retraduit si finement analysé, décrit
je m'y croyais
parfois ! Pouvoir évocateur des détails précis et
du rythme, richesse du vocabulaire sans "écraser "la
lectrice que je suis.
Je découvre qu'un peu de disponibilité en moi et de silence
autour de moi donnent la clé pour pénétrer là
où sa mémoire m'entraîne, et, ainsi confortable et
pour plusieurs heures, je suis à Combray, dans le salon de Madame
Verdurin et sur les Champs-Élysées, inquiète du départ
de Gilberte. Les personnages au cours du récit me sont devenus
familiers, j'en préfère certains et j'ai beaucoup de mal
à dissocier Proust, l'auteur, de son personnage qui se souvient.
Monsieur Swann le mystérieux devient le personnage à suivre.
Je n'ai pas voulu lire la préface de Mathieux Vernet au moment
où j'écris, je le ferai ensuite. Cependant la biographie
largement diffusée de Proust du fait des médias en lien
avec son centenaire, mais aussi par d'autres souvenirs scolaires, a, bien
à propos, enrichit ma lecture.
J'avais lu il y a bien des années le
livre de Céleste Albaret et je viens de revoir le documentaire
la plaçant- par des archives photos et une reconstitution (par
une voix off) - au centre de la maison Proust
J'ai lu, crayon en main, le livre. Je m'attendais à des difficultés
de "mémoire", sachant que Proust ne faisait qu'évoquer
une époque, celle des débuts du XXe siècle, redonnant
vie à des personnages de la grande et petite bourgeoisie ainsi
que l'aristocratie, ce petit monde évoluant (en images couleurs
pour moi) dans les lieux et espaces de sa mémoire. Les repères
des chapitres habituels et constitutifs des textes littéraires
sont absents et pourtant ce n'est pas qu'une longue évocation.
Trois parties ("Combray", "Un amour de Swann", et
"Nom de Pays") à ce long roman mais pas de chronologie ?
Des faits marquant pour le personnage, le narrateur (jalousie, regret,
effondrement, attente, chagrin, mauvaise foi et les personnages qui les
illustrent) éveillent la lectrice que je suis et m'apportent, par
une suite en trois chapitres distincts - mais qui se répondent
- le grand désir de poursuivre encore et encore la lecture. Les
quelques semaines qu'il m'a fallu pour terminer le tome furent des semaines
"habitées" par le projet : je suis en train et "entrain"
de lire et d'apprécier Proust et je n'en suis qu'au début
de son uvre et de la découverte !!!
Pour paraphraser Proust "souvent", toujours, je me suis installée
confortablement pour rencontrer Proust et son monde
, devenant ainsi
par la grâce et le balancement de ses longues phrases mon propre
monde. La précision et le pouvoir évocateur, l'acuité
de ses analyses (trop humaines
, mesquines et gênantes parfois
dans leur vérité : voir sa relation avec Odette avec les
partenaires et Madame Verdurin), l'humour et le retour moqueur sur soi,
la description du SAMEDI référentiel pour la famille de
l'auteur, le pouvoir évocateur de la sonate de Vinteuil et son
usage que sa mémoire en fait, le tendre et parfois moqueur sinon
répulsif pour ses ancêtres (tante Léonie)
TOUS
ses mots et leur agencement troublent par leur justesse, leur vérité
et leur acuité la lectrice que je fus
Qu'en sera-t-il du
tome deux ?
Le volume Des jeunes filles en fleur, le deuxième, en trois
parties lui aussi et prix Goncourt, a moins soutenu mon enthousiasme.
La découverte et la naissance de son amour pour d'Albertine en
fin de récit projette je suppose le troisième tome ?
J'ouvre en grand le livre. J'ai eu du mal à me décider à
lire autre chose et notamment Mahmoud, bientôt
partagé.
Par ailleurs, j'ai relu en même temps Les
Années de Annie Ernaux. Analogie dans le thème que
j'ai tenté de retrouver dans sa démarche d'écriture,
elle fait d'ailleurs référence à Proust très
rapidement quand elle raconte son projet d'écrire sur sa traversée
de vie (Folio, p. 214).
Chantalet
Tout d'abord, merci à Voix au chapitre ! J'ai presque terminé
le livre, et je vais le faire, exploit pour moi qui me suis toujours arrêtée
à la page 50 ! Vertus de la lecture
"obligatoire"
J'ai beaucoup aimé la première partie, "Combray".
La deuxième, "Un amour de Swann", beaucoup moins.
Combray, je l'ai vu, à travers l'évocation du narrateur
(Proust) adulte qui "veut" se souvenir : " je passais
la plus grande partie de la nuit à me rappeler notre vie d'autrefois
(...) me rappeler les lieux, les personnes que j'y avais connues."
Je me suis attachée à cet enfant asthmatique, même
si son père était un professeur de médecine reconnu
; aucun traitement à cette époque et cette angoisse terrible
des malades asthmatiques, je l'ai côtoyée dans ma vie professionnelle.
Ce "supplice du coucher", ce "tombeau" dont il qualifie
sa chambre, réveillent en moi des souvenirs. Cette scène
du désespoir de l'enfant couché qui attend en vain le baiser
de sa mère ? Terrible.
La solitude de cet enfant entouré uniquement d'adultes (père,
mère, grand-père, grand-mères, grand-tantes) coincés,
engoncés dans leurs principes... que lui en reste-t-il ?
- l'observation quotidienne, très affûtée, de ces
proches et de leur fonctionnement, "société de castes
fermées où chacun, dès sa naissance, se trouvait
placé dans le rang qu'occupaient ses parents et d'où rien
ne pouvait les tirer"
- la lecture : avec des passages remarquables sur l'écriture, la
lecture, le roman, les émotions ressenties par nous lecteurs qui
intégrons la "réalité" du personnage comme
LA réalité
- et j'oubliais..., les promenades, la lenteur de cette vie, je me suis
laissé embarquer, enchantée, dans ces promenades, du côté
de Méséglise, du côté de Guermantes, dans ces
chemins, odeurs de fleurs, poésie absolue ; le regard clandestin
du garçon qui aperçoit la jeune fille Gilberte, puis la
fille Vinteuil à la vie dissolue de lesbienne au grand désespoir
de son père.
Embarquée dans l'église de Combray, son clocher, ses vitraux
qui emmènent littéralement l'enfant à vivre dans
le moyen-âge, avec la duchesse de Guermantes magnifiée par
son imagination. Jusqu'au moment où la vraie duchesse, réalité
triviale, entre... avec son bouton sur le nez !
J'ai aimé son analyse du milieu social où il vit, les gens
qu'on doit fréquenter, ceux qu'il faut éviter. Les gens
supérieurs, les gens inférieurs... Le terrible passage de
la fille de cuisine, enceinte, obligée à des travaux pénibles
et... comparée à un tableau de Giotto La
charité...
L'épisode de la madeleine bien sûr, chef-d'uvre d'analyse
neurobiologique, à cette époque étonnante. Intuition
de ces sciences très avancées aujourd'hui du fonctionnement
corps-cerveau - Jean a provoqué une discussion très intéressante
sur ce lien science d'aujourd'hui -
Cette partie "Combray", je l'ouvre en grand !
Dans "Un amour de Swann", je reconnais le talent d'écriture
de l'auteur, son talent pour décortiquer sa société,
avec humour, féroce souvent... et sa prouesse : plusieurs centaines
de pages pour fouiller tous les recoins de l'âme de Swann ! Mais
je me suis ennuyée, barbée, fini le plaisir de lecture de
"Combray". Donc je l'ouvre aux ¾.
Marie-Odile
qui, la veille de la rencontre, s'est trouvé chez un usurpateur
breton...
et
qui a deux avis proustiens :
Proust 1
Au cours de ma lecture, il m'est apparu, souvent, de manière inattendue,
bien que répétée, que le narrateur s'arrangeait pour
susciter en moi de passagères mais réelles satisfactions
engendrées par la compréhension soudaine d'un passage particulièrement
limpide et qui s'étalait souvent sur plusieurs pages (pages comportant
par exemple de magnificentes descriptions de l'aubépine, de l'église
ou des vallons, les portraits implacables de Léonie ou de Françoise,
ou encore des scènes pittoresques allant jusqu'à inclure
même des dialogues ou des remarque triviales), avant de me replonger
comme par jeu dans les méandres obscurs d'une réflexion
approfondie et étendue de nature souvent introspective, parfois
futile. J'avais alors l'étrange impression d'avoir affaire sinon
à deux narrateurs différemment accessibles, du moins à
deux "présences" différentes d'un même narrateur,
à moins que ces variations ne fussent plutôt le reflet chez
moi, lectrice, d'un état d'âme ou d'une capacité d'attention
variables en fonction du moment et/ou de la durée de ma lecture
qui, si je ne me la sentais pas imposée, m'apparaissait quand même
comme une sorte de défi non dénué de plaisir. Je
lisais ce texte avec en arrière-plan le souvenir de tous les autres
textes que j'avais déjà lus et qui, même si certains
m'avaient résisté, ne m'avaient jamais donné cette
impression que je n'aurais pas accès à tout ou plutôt
que malgré mon désir je ne pourrais pas tout embrasser à
première lecture, comme l'enfant dont la main trop petite ne peut
contenir tous les osselets que la règle du jeu lui impose cependant.
J'alternais donc les moments de plaisir et de frustration, regrettant
de n'avoir pas assez de temps ou de vigilance pour que toutes les pages
s'éclairent de la même lueur. Me revenait le souvenir de
documents d'archives calligraphiés à l'ancienne dont l'esthétique
élaborée, travaillée, raffinée, m'avait attirée
parfois mais dont le sens m'était refusé pour la raison
même de cette attirance. Je me disais enfin que, probablement, Proust
infusait en moi, m'amenant inconsciemment à observer chaque détail
de mon quotidien, y compris dans mon activité de lectrice, comme
s'il était d'une importance capitale. Il était donc urgent
que je referme cette Recherche du temps perdu si je ne voulais
pas perdre le mien dans une introspection stérile, puisqu'il n'était
pas question, en raison de mon âge, et plus encore de mon manque
d'intérêt, que j'en fasse le point de départ de ma
propre Recherche.
Proust 2
De même que des uvres d'art sous-jacentes affleurent dans
les portraits de la fille de cuisine qui révèle La Charité
de Giotto ou d'Odette qui révèle un Botticelli, de même
que chaque être semble le reflet d'une image lui préexistant
comme si une représentation, artistique, ou pas, le précédait,
de la même façon l'idée que Marcel se fait de la Duchesse
de Guermantes préexiste à la rencontre lors de laquelle
il doit ajuster cette idée à la réalité qui
lui apparaît et, de la même façon, une lecture de Proust
n'est jamais vierge car elle contient en arrière-plan, mais en
elle-même, l'idée de Proust véhiculée par les
critiques innombrables et la lecture précédente que tout
un chacun en a déjà faite, comme s'il n'y avait pas de première
fois.
C'est ainsi que, relisant "Un amour de Swann", j'ai retrouvé
ce que je n'avais pas oublié de ma toute première lecture,
au lycée où Mme D de M mettait l'accent sur cette femme
"qui n'était pas son genre". Et alors que dans
mes souvenirs cette expression était l'aboutissement du roman,
la découverte ultime d'une grossière erreur, je réalise
aujourd'hui que ce constat est déjà présent et répété
dès les premières pages du roman... Je retrouve aussi en
leitmotiv la petite phrase de Vinteuil, l'expression "faire catleya"
qui me semble aussi ridicule aujourd'hui qu'à 17 ans, mais j'avais
oublié le sourire prudent de Cottard, son goût des expressions
toutes faites, la mâchoire de Mme Verdurin et, de manière
générale, tout ce qui donne à ce roman une dimension
satirique qui n'est pas, à mes yeux vieillissants, la moindre de
ses qualités.
Progressant dans cette deuxième partie, je finis par éprouver
de la sympathie, une sorte de compassion, pour ce pauvre Swann, prisonnier
de sa relation toxique mais "non opérable" avec
Odette, dans laquelle ce qu'il imagine et ce qu'il réfléchit
après coup l'emportent largement sur ce qu'il vit vraiment avec
elle et je me suis demandé comment le narrateur, présent
bien que discret dans ce volume, pouvait tout en s'exprimant à
la première personne se doter d'un regard omniscient bien que se
limitant toujours au point de vue de Swann, avoir accès à
tout ce qui se passe dans la tête et dans le cur de Swann,
à tous ses tourments, à toutes ses ruses, à toutes
ses maladresses, alors même que cette relation amoureuse est antérieure
au temps de Combray, au temps de Marcel enfant !
En lisant, du moins "Combray", je faisais, le constat suivant
(qui ne résisterait sans doute pas à la lecture de toute
la Recherche ou même de tout le Côté de chez
Swann) que le roman me semble tout entier présent en chacune
de ses pages, uvre métonymique donc, dont chaque passage
contient le tout, sorte de fractale littéraire, inépuisable,
inusable. Ainsi, pour parler de l'ensemble, il suffit de parler d'une
partie car on y trouve presque tout ce qui à mes yeux pourrait
le définir : la sensualité impressionniste (les couleurs,
la lumière, les sons etc
), le long balancement rythmé
des phrases, les allusions à l'art, l'hypersensibilité du
narrateur, une touche d'humour ou même d'ironie, quelques futilités
hypertrophiées, enfin, le désir d'écrire, inscrit
en filigrane.
Mais, pour ma part, bien que sensible à l'esthétique du
texte, je n'ai senti d'émotion véritable que dans les dernières
pages de "Combray", dont la nostalgie et la sincérité
me touchent plus que les angoisses du petit Marcel attendant désespérément
le maternel et freudien baiser du soir.
J'ai souvent pensé que le plaisir que j'avais à écrire
sur une uvre était proportionnel au plaisir que j'avais eu
à la lire et, bien que je ne sois pas tout à fait sûre
que ce soit le cas ici, je dois reconnaître que si Du côté
de chez Swann me laisse inassouvie du point de vue de la lecture pour
la raison que je ne peux tout appréhender, la possibilité
d'écrire sur cette uvre me semble néanmoins infinie...
Mais il faut bien mettre un terme à tout cela et décider
de l'ouverture ou de la fermeture selon nos codes habituels. Je décide
donc d'un trois quarts totalement arbitraire.
Brigitte T
Livre ouvert aux trois quarts. Parce que j'ai le sentiment depuis quelques
semaines que tout le monde aime Proust et il en résulte une sorte
d'injonction : il est de bon ton d'aimer Proust. Tout simplement, je suis
sensible à ce beau texte plein de douceur, de sensibilité,
d'attention à l'autre. Je ne m'ennuie pas. J'oublie le décalage
d'un siècle et je me plonge aisément dans la lecture. Aujourd'hui
ça me fait du bien, surtout dans la première partie.
Moment de lecture privilégié que je conseillerais bien volontiers
à qui veut partager avec le romancier dans la première partie
Combray ses émotions et son humour, partager ses souvenirs, ses
bonheurs comme ses malheurs qui accompagnent le petit "traintrain"
de la vie. Je me plais à rencontrer avec l'écrivain tante
Léonie, sa maman, sa grand-mère, Françoise la fidèle
employée de maison
J'en retiens : prendre le temps de
se poser, d'observer, de chercher la force salvatrice de tous ces moments
de turbulence que nous vivons et garder son humour. À poser sur
la table de chevet et à lire et relire sans restriction
si
vous avez le temps car Proust "décortique" les situations,
les décors, les émotions.
La deuxième partie "Un amour de Swann" ou je dirais
"le malheur d'aimer" est savoureuse bien que cynique. C'est
avant la naissance du narrateur que Swann a connu Odette, cependant je
pourrais croire qu'il a été présent à tous
les instants. Quel observateur et fin psychologue ! Proust joue avec les
mots, les contextes, la vie dans les salons et les dîners qu'il
connaît bien ; il joue avec les situations proches parfois du vaudeville.
Magnifique, la scène où Swann se meurt de jalousie et se
trompe de fenêtre en voulant surprendre Odette dont il doute de
la fidélité. Beaucoup d'humour à la fois décapant
et subtil. J'adore la futilité fort à propos de madame Verdurin,
son rire, ses confidences comme quand elle parle des fruits : "je
n'ai pas besoin de les mettre dans la bouche je jouis par les yeux",
ses remarques sur le décor, la sonate au piano qu'elle trouve voluptueuse
et qui provoque ses larmes ! Charmante et charmeuse, madame Verdurin joue
à conseiller Odette qu'elle trouve également charmante mais
peut-être pas vertueuse. Madame Verdurin devient quasiment une entremetteuse
et y prend du plaisir. L'histoire lui donne raison et le portefeuille
de Swann s'en souvient. Mais ce dernier, aveuglé par la passion,
perd tout discernement. Pour finir, je trouve que madame Verdurin est
une peste de salon, une manipulatrice qui se réjouit de provoquer
des situations équivoques qui rendent malheureux Swann, que je
trouve tour à tour agaçant puis touchant.
Odette est une femme envoûtante avec qui Charles Swann surfe sur
les vagues du désir et qu'il décrit, soit tel un collectionneur
avec orgueil, sensualité et égoïsme, soit comme un
peintre florentin : il y voit un chef-d'uvre d'une beauté
précieuse et voluptueuse. Swann est dérangé par le
manque de culture d'Odette, trop peu pour les gens du monde qu'il côtoie
- lui est un mondain, il aime les arts et les titres de noblesse bien
qu'il n'en possède pas ! Mme Verdurin, qui utilise à merveille
les métaphores, dit de lui, après un dîner aux échanges
acerbes : il n'est pas franc, c'est un monsieur cauteleux, toujours entre
le zist et le zest. Je rejoins Mme Verdurin. Malade d'amour, il devient
dérangeant en société. Quel sens donner quand il
affirme que Odette n'est pas intelligente, trop peu "profonde"
selon sa définition ? Il dit, parlant de Wagner : elle s'en soucie
comme un poisson d'une pomme.
Aveuglé, manipulé par Odette comme elle le ferait avec une
marionnette luxueuse, il entrevoit difficilement la dérive de sa
passion amoureuse pour cette femme entretenue et vénale, mais si
belle et désirable. Au prix d'une grand souffrance, il discerne
une femme objet qu'il est enfin capable de voir perfide et surtout qui
sait se rendre si désirable aux yeux des autres hommes. Le réveil
est pour Swann très douloureux : "je suis trop bête,
se disait-il, je paie avec mon argent le plaisir des autres"
Ensorcelé par sa passion pour Odette, il consomme sa vie. Comme
on dit en chirurgie, son amour n'était pas opérable. Il
se meurt de jalousie. La jalousie attise son amour. Proust pose une question
: peut-on aimer sans souffrir ?
Mais Odette "gagne"
on ne sait comment, et elle est l'épouse
de Swann puisque le narrateur, jeune adolescent maladif s'éprend
de Gilberte, fille de Swann et d'Odette dans la courte troisième
partie que je trouve moins savoureuse. Je ne vois pas vraiment le lien
entre ces trois parties, mais ce n'est que le premier tome de A la
recherche du temps perdu... tout un programme de vie !
Marie-Thé
J'ouvre ce livre aux ¾. Si je le ferme ¼, c'est uniquement
à cause de la lecture de ces interminables pages sur les lectures
du narrateur (sauf quand il s'agit de Bergotte), cela m'a complètement
assommée. Pages pourtant intéressantes parfois, mais de
quoi m'ôter l'envie de lire, un comble... Un autre passage m'a perdue,
la description de l'église aimée de Combray dans tous ses
détails, jusqu'au clocher : "le doigt de Dieu".
Intéressante cependant la dimension de temps : "sa tour
qui avait contemplé Saint Louis et semblait le voir encore ; et
s'enfonçant avec sa crypte dans une nuit mérovingienne..."
Je pense à Pierre
Bergounioux. Passage à ne pas confondre avec celui où
Monsieur le curé évoque cette même église,
avec ce même clocher, où peut être ressenti "le
froid de la mort". Ainsi la tante Léonie est indignée
que le curé l'ait crue capable de monter au clocher. C'est pittoresque,
savoureux, et drôle !
J'ai adoré la description des lieux, intérieurs, extérieurs.
Il y a beaucoup de clochers du côté de Combray, les églises
sont des repères, des points de départ et de retour... Les
messes et autres offices religieux rythment la vie de chacun. J'ai beaucoup
aimé à la lecture de ces pages, me souvenir de mon enfance,
mêmes repères, les messes, le "mois de Marie",
les rogations... J'ai aimé retrouver les aubépines du mois
de mai, les églantines, nous vivions aussi au rythme des saisons.
Les boutons d'or, les têtards que nous capturions dans des bocaux
ressemblaient à ceux de la Vivonne. Je reconnais aussi la torpeur
des étés, l'ombre recherchée, la lecture... (dommage
qu'il n'y ait pas d'hivers passés à Combray).
J'ai été très intéressée par la description
des repas (j'adore le samedi où on déjeune une heure plus
tôt) : ici règnent souvent l'opulence, le faste, les
relations choisies, une certaine mondanité, une "conception
des castes ". Chez nous les repas étaient tout simplement
nécessaires.
Je note encore dans ces pages l'importance du souvenir des odeurs, des
saveurs, de l'atmosphère, douillette, changeante bien sûr
en fonction des lieux et des situations, si bien décrite, que j'ai
l'impression d'être là, même chez la tante Léonie,
allant "du lit au fauteuil, et puis du lit au lit..."
J'ai aimé les portraits, les paysages, la description des plats,
asperges, etc. Impression d'être devant l'uvre d'un peintre.
Les personnages m'ont fascinée, avec leurs qualités ou leurs
défauts, en particulier Françoise, la mère, la grand-mère,
Swann, monsieur Vinteuil, etc. Ils sont si nombreux. La Duchesse de Guermantes
à l'apparence quelconque sera "transformée" par
le narrateur, à cause de ses origines...
La lanterne magique m'a bien sûr fait penser à Bergman,
mais ici elle perturbe l'enfant, elle est une intrusion qui dérange.
Sous la plume de Proust, ce qui pouvait paraître banal a revêtu
une importance considérable, je suis très sensible à
cela. Ce que la nature a d'éphémère où "un
bruit de pas sans écho sur le gravier d'une allée",
"mon exaltation les a portés et a réussi à
leur faire traverser tant d'années successives, tandis qu'alentour
les chemins se sont effacés et que sont morts ceux qui les foulèrent
et le souvenir de ceux qui les foulèrent."
Le chemin menant à la naissance, à "l'éclosion"
de l'écriture, à "l'illusion d'une sorte de fécondité"
a été long et semé d'obstacles, mais le narrateur
est devenu l'écrivain qu'on "connaît". Du temps
perdu au temps retrouvé, où "il comprend que la
vraie vie, le seul salut, est dans l'art." Parmi tant d'autres,
deux phrases m'interpellent :
"On croit qu'on crée ce qu'on nomme."
"Les faits ne pénètrent pas dans le monde où
vivent nos croyances." (Vinteuil face à sa fille)
Ce livre où le temps a tant de place, (l'oisiveté en a aussi),
m'a fascinée ; que lire à présent ? Je répète
tout de même que la lecture m'a parfois été pénible.
Par ailleurs, j'avais il y a longtemps lu avec plus de facilité
des passages de Sodome et Gomorrhe et de A l'ombre des jeunes
filles en fleur, des passages... Peut-être devrais-je lire Proust
"souvent, mais peu à la fois." (Allusion aux pensées
de Swann père pour sa défunte femme).
1. "Marcel Proust, un roman parisien" au musée Carnavalet, 16 décembre 2021-10 avril 2022 | 2. "Marcel Proust, du côté de la mère" au musée dart et dhistoire du Judaïsme, 14 avril-28 août 2022 |
3. Et principalement l'exposition
Marcel
Proust : la fabrique de luvre à
la BNF du 11
octobre au 22 janvier 2023
L'exposition constitue le
point d'orgue d'une année de célébrations proustiennes
à Paris.
Elle propose une traversée de l'uvre À la recherche
du temps perdu, organisée tome par tome, pour donner à
voir la fabrique du texte : elle met en valeur l'exceptionnel fonds Proust
de la BnF, mais aussi des objets et uvres picturales qui rendent
compte de l'univers proustien.
Le parcours présente des pièces capitales inédites,
récemment entrées dans les fonds de la BnF ou issues de
collections extérieures, qui sont ici rassemblées pour la
première fois.
La présentation met aussi en avant les apports du numérique
dans l'histoire de la réception et de l'interprétation des
manuscrits.
Issues des fonds de la BnF et de collections extérieures, 350 pièces
invitent donc à plonger au cur de l'uvre proustienne
: manuscrits, objets (meubles, costumes, appareils de projection), extraits
audiovisuels (musique, entretiens), peintures.Voir :
- la présentation
en détail
- un entretien
avec les commissaires.
Paperole
du fonds Proust de la BNF
Juste un mot sur l'histoire de la publication du tome que nous lisons : devant un refus sec de Fasquelle, la Nouvelle Revue française et Ollendorff, Proust se tourne vers léditeur Bernard Grasset pour faire publier son livre à compte dauteur : Du côté de chez Swann paraît en novembre 1913. La NRF se rend rapidement compte de son erreur, et publie quelques mois plus tard dans sa revue des extraits de la suite dÀ la recherche du temps perdu, avant de donner, en 1919, une nouvelle édition de Swann.
Des repères biographiques de Proust en une page ? Ici, par la BNF.
Un podcast exceptionnel sur Proust, une odyssée radiophonique à la mesure de l'uvre : des dizaines d'émissions concoctées par France Culture en 2022 : Marcel-Proust-le-podcast
Il y a 100 ans
exactement : Le Figaro, 19 novembre 1922 :
Un siècle
plus tard,
les produits dérivés s'en donnent à cur joie...
De la tête aux pieds :
La broche
Au lit / Série Marcel Proust :
Le magnet sur le réfrigérateur :
Quand je bois, je pense à Marcel :
Quand je mange aussi :
Inévitables, les madeleines ! Apparentes :
ou dans une boîte bien plus chouette :
Le sac pour mettre mes emplettes :
Et dans l'attente impatiente de Noël... :
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
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à
la folie
grand ouvert |
beaucoup
¾ ouvert |
moyennement
à moitié |
un
peu
ouvert ¼ |
pas
du tout
fermé ! |
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