Quatrième
de couverture : Syrie. Un vieil
homme rame à bord dune barque, seul au milieu dune
immense étendue deau. En dessous de lui, sa maison denfance,
engloutie par le lac el-Assad, né de la construction du barrage
de Tabqa, en 1973.
Prix
Livre Inter |
Antoine Wauters (né à Liège en
1981)
|
AUTOUR
DU LIVRE
|
Publications d'Antoine
Wauters Quelques repères biographiques Presse : - interviews vidéo - interviews presse écrite - interviews radio - articles Et sur la Syrie... |
Nos
18 cotes d'amour |
"Vieillir, cest devenir lenfant que plus personne ne voit." (p. 46)
C'est un livre lumineux mais dépressif. Mahmoud n'a pas seulement perdu sa fille mais aussi ses deux fils et sa femme. Il plonge, il s'enlise dans sa fuite. Pour citer Wauters, la guerre est un engloutissement. Le lac a tout englouti. La mémoire des choses est dans le lac. C'est un beau livre sur l'introspection et sur l'aptitude à faire face aux drames et à l'horreur.
C'est aussi politique :
"Quelle valeur a la parole d'un vieillard dans un monde comme le nôtre ? Y a-t-il un sens à durer ?
Le monde est obsédé par ça.
Occuper le plus d'espace.
Durer.
Faire triompher son camp.
Sa lignée.
Son Dieu." (p. 116)
J'ai hâte de lire vos avis et de connaître votre ressenti
par rapport au choix de l'auteur d'écrire en vers libres.
Monique L(en
direct comme les suivants)
Un vrai petit bijou que ce texte que j'ai lu d'une traite. La mélancolie
et la délicatesse qui s'y expriment m'ont vraiment émue.
C'est un texte incroyable d'une grande beauté. J'ai été
très surprise lorsque je me suis rendu compte que l'auteur n'était
pas syrien.
La remontée par bribes des souvenirs de Mahmoud est fascinante
et contribue au magnétisme de ce récit. Je trouve la construction
de ce texte très efficace et intelligente. Nous plongeons avec
lui dans ses souvenirs, et la lumière sur sa vie se fait petit
à petit. Nous naviguons avec Mahmoud entre la violence du monde
aérien et la douceur du monde sous l'eau. Le dialogue avec son
amour Sarah m'a intriguée, avant que je comprenne qu'il faisait
partie de ce qui surgissait de ses souvenirs.
En parallèle de cette beauté lyrique du texte, on revisite
sans s'appesantir l'histoire de la Syrie de ces dernières années
et celle de la famille El-Assad et principalement de Bachar (l'ophtalmo).
J'ai bien apprécié.
J'ai été moins sensible à la poésie syrienne
contemporaine, mais sans doute par manque de repères.
Ce qui m'a vraiment intéressée, c'est le rendu des surgissements
de la mémoire. C'est fait de façon poétique et très
proche de mon ressenti sur le fonctionnement de ma mémoire. C'est
un sujet qui m'intéresse depuis longtemps : comment retrouve-t-on
des souvenirs enfouis. En vieillissant c'est encore plus énigmatique
lorsque l'on recherche un nom, une idée qui sur le moment n'affleure
pas et qui surgit alors que l'on n'y pense plus.
La poésie aide-t-elle à
ne pas oublier ?
J'ouvre en grand.
Rozenn(à
l'écran)
J'ai été complètement embarquée, j'étais
stupéfaite. Le fait que ce n'est pas un poète syrien, si
c'est critiqué, c'est comme si lecteur on ne pouvait lire que ce
qui concerne ce qu'on est. Je me souviens d'un livre qui mettait en scène
une femme qui vivait avec sa fille et qui faisait une thèse
: que c'était chiant. La littérature, ça permet d'accéder
au différent, lecteur ou auteur.
C'est un livre absolument magique. Après Les
Vilaines, le lire c'était stupéfiant. Les deux sont
extraordinaires, et tellement différents. Oui, j'ai trouvé
ce livre vraiment magique.
Pourquoi ? C'est la façon de mêler l'intime et le politique,
la façon dont il emmène le lecteur, la phrase. Qu'est-ce
qui m'a plu ? Tout.
J'ai regardé après ce qu'il était. J'ai lu deux ou
trois nouvelle complètement différentes, j'ai aimé
vraiment aussi. Il y a quelque chose de presque violent et on retrouve
des thèmes de ce livre. J'ouvre en très très grand.
Katell
Je me suis posé la question : "pourquoi avoir choisi cette
forme ? Qu'apporte-t-elle de plus que si c'était écrit en
prose ?"
À mon avis, mise à part l'envie de montrer que c'est bien
de la poésie qu'il écrit, je ne vois pas ce que ces vers
libres apportent.
J'ai trouvé
qu'il y avait beaucoup de formules et de clichés (pour la liste
des clichés voir l'avis de Maëva*) et on a là un récit
assez bateau, du déjà vu (relations aux femmes, aux enfants,
métaphores...). L'auteur peine à incarner ce vieil homme
et les événements qu'il raconte (déjà lus
chez Riad Sattouf et L'Arabe
du futur). Ne se met pas dans la peau d'un vieux Syrien des années
soixante-dix qui veut. Je n'ai pas ressenti d'émotion, mais lu
un chapelet de formes et de formules toutes faites qui sont censées
faire émotion. Je trouve que l'ensemble sonne faux, donne une impression
de "bidonnage" comme on dit chez les journalistes, rédigé
bien au chaud. Alors je lance le débat : appropriation culturelle
? Littérature faite avec le malheur des autres ?
Je ferme.
*précision qui suivra le tour de table
Jacquelinequi
avait apporté un plat syrien, appelé tisieayeh...
Ce livre se mérite !
Au début j'ai été agacée par la forme qui
me rappelait À
la ligne de Ponthus où elle était justifiée
par le jeu de mots sur la "ligne" de production et le morcellement
de la pensée qu'impliquait ce travail. Ici, je comprenais d'autant
moins que les groupes de souffle n'était pas toujours respectés
et que ça me ralentissait... Au début aussi, le thème
me rappelait Le
convoi de l'eau d'Akira Yoshima, un livre magnifique lu au groupe,
sur la disparition (et la persistance réelle ou rêvée
?) d'une très ancienne civilisation...
Ce faisant, j'ai appris des choses sur la dynastie des Al Assad... Mais
je n'avais guère envie en ce moment de lire une histoire de vieillesse
désespérée et solitaire, ni de plonger dans cet ailleurs
sans repères !
Je n'ai compris que très tard que les interventions de Sarah, qui
m'étonnaient un peu, n'étaient que ce qu'en recompose le
narrateur (vivre à travers la perception ou le souvenir des autres ?)
Finalement j'ai été sensible au haché des souvenirs
: des morceaux de bonheurs brisés, tout est en éclat sans
rémission possible ni échappatoire. Les destins sont barrés.
On ignore le sort de ses enfants dans la guerre, avec tout ce qu'on peut
en imaginer et qui fait cauchemarder le narrateur. Cela m'a rappelé
un autre livre que nous avions lu, Une
femme fuyant l'annonce" de David Grossmann, autre guerre
mais mêmes douleurs.
Certaines images m'ont frappée par leur originalité : les
bourgeons violacés des arbres sous l'eau comme des "orteils
d'enfants", beaucoup plus tard à propos sans doute de
pâquerettes "les tartelettes blanches" de ces fleurs...
Au moment où le narrateur rapporte les paroles du soldat qui l'encourage
à manger quelque chose, je l'ai vu par le regard extérieur
de cet ami avec tout son dénuement et sa détresse, poignant,
peut-être parce que cela m'a renvoyée à des situations
vécues de vieillards qui se laissent mourir... J'avais noté
à un autre moment :
"Voilà ce qu'est vieillir.
N'avoir plus d'endroit où cacher sa douleur.
Pourrir dans une eau noire qui monte et inonde tout."
Même si la forme peut paraître celle de la poésie, je n'avais pas pensé que cela pouvait en être, ni établi de rapport avec le narrateur poète, fils d'un père qui récitait des poèmes et mari d'une férue de poésie russe (Maïakovski et Akhmatova, drôle de rapprochement !) J'ai été très contente et surprise de découvrir en fin de lecture que les poèmes attribués au narrateur étaient d'authentiques poèmes syriens. Ils ne m'avaient guère touchée (il est bien difficile d'apprécier un poème traduit !) mais j'y ai vu un hommage aux poètes réels syriens et à leur situation. J'avais noté ce que dit le narrateur :
"Quant aux poèmes que je sais, ils planeront dans l'air.
Et cela n'aura plus aucune importance.
Plus personne ne sera là pour les entendre."
En même temps, la
poésie, quintessence du langage, me semblait propre à la
survie de l'humain. Je pensais à L'écriture
ou la vie de Semprun ou à Proust
contre la déchéance de Czapski que nous avions lu
au groupe...
Finalement ce livre auquel je résistais au début m'a permis
une belle plongée dans des souvenirs littéraires et je me
suis attachée à son narrateur. J'ouvre aux ¾.
Catherine
J'ai marché aussi. Je me suis laissé embarquer, séduire.
Je me suis parfois demandé si ce n'était pas un peu cliché,
mais ça ne m'a pas arrêtée dans ma lecture. J'ai aimé
l'image de ce vieil homme seul dans sa barque, qui a tout perdu et qui
plonge vers son village englouti et ses souvenirs. Je l'ai trouvée
poignante même si c'est peut-être un peu too much.
J'ai trouvé que la forme s'accordait avec le fond, avec les souvenirs
qui remontent par bribes, dans le désordre. L'histoire et le personnage
m'ont touchée. On découvre le passé de Mahmoud par
petites touches, ça peut paraître un peu décousu au
début, mais ensuite les morceaux s'assemblent.
J'ai aimé qu'on ne s'appesantisse pas sur les horreurs : c'est
seulement esquissé, Mahmoud parle de têtes bleues dans un
sac qu'il a repêchées, ça passe très vite,
on se demande si on a bien lu. Seule, la scène de la fin est évoquée
de façon plus précise. On n'est pas certain au début
que sa femme était morte, on s'en doute seulement ; ses enfants
sont partis se battre mais on ne sait pas s'ils sont morts.
On voit défiler en toile de fond, parallèlement à
l'histoire de Mahmoud, l'histoire terrible de la Syrie, les Hassad, père
et fils ; les massacres, les tortures. Ça ajoute à
l'intérêt du livre.
On pouvait prévoir qu'il y aurait un débat sur le fait que
c'est écrit "de loin", par quelqu'un qui ne l'a pas vécu
mais ça ne me pose pas de problème que l'auteur ne soit
pas syrien.
Globalement j'ai aimé ce livre malgré quelques clichés
et des impressions fugitives d'un côté un peu fabriqué
; je suis contente de l'avoir lu. Je l'ouvre aux ¾.
Maëva
Je ressors de cette lecture avec un sentiment mitigé. J'ai d'abord
été surprise par la rédaction en vers libres, me
demandant bien l'intérêt que la forme apportait au récit.
Peu à peu, j'ai tout de même réussi à me laisser
emporter par la poésie nostalgique qui se dégage de ces
souvenirs éclatés.
Il y a deux passages qui m'ont marquée. Le premier est celui où
Mahmoud se trouve en prison et n'a d'autre support que sa salive et un
morceau de faïence pour écrire. Puisque cela ne fonctionne
pas, il mémorise ses poèmes. Je trouve que ce moment matérialise
bien l'épreuve du temps qui est aussi à l'uvre dans
le lac, ainsi que l'errance qui en résulte. Tout finit par disparaitre.
Le second est celui des fouilles archéologiques. Il y a un effet
de résonance que j'ai trouvé intéressant, puisqu'il
y a cette idée d'explorer les profondeurs en dessous de nous pour
découvrir le passé : la surface du lac qui enfouit les vestiges
du village et, encore plus bas encore, les traces d'autres temps anciens.
La mention de l'appropriation culturelle est intéressante, même
si elle est seulement effleurée.
De manière générale, j'ai apprécié
le sentiment d'illusion qui berce l'histoire, entre le présent,
le passé, la réalité et l'imaginaire. Les frontières
sont floues, comme dans l'esprit de Mahmoud.
Même si j'ai lu le livre avec facilité et fluidité,
je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages. Je suis
restée extérieure au récit, en partie parce que le
paysage décrit reste souvent trop abstrait. On sent bien sûr
toutes les recherches qui ont été menées pour apporter
du réalisme et un aspect tangible, pourtant la Syrie reste impalpable
et les paysages sans reliefs. Certes, nous avons devant nous de nombreuses
spécialités culinaires locales, mais est-ce suffisant pour
s'immerger ?
De la même manière, je ne parviens pas à être
totalement emportée par la folie de Mahmoud en tant qu'écrivain.
Il y a aussi beaucoup d'images convenues comme "les pétales
de fleurs" pour parler des lèvres, "le buisson
de lumières" pour évoquer le cur ou des "poèmes
de lune, d'eau et de vent", des métaphores qui sont d'ailleurs
plusieurs fois répétées tout au long du texte. J'ai
un peu le même ressenti pour la description de la guerre, ça
reste convenu.
J'ouvre à moitié.
Claire
Tout d'abord j'aimerais dire mon accord total avec ce qu'a dit Rozenn.
Ceux qui accusent d'appropriation culturelle les auteurs dont le narrateur
est quelqu'un d'autre qu'eux me semblent relever d'un nouvel obscurantisme.
En revanche qu'on critique Wauters autant qu'on veut sur le fait que littérairement
il n'a pas rendu sensibles la souffrance du narrateur ou l'évocation
de la nature, c'est autre chose : il s'agit de littérature
et non de dogme extra-littéraire. Si on suit Katell,
on censure les Misérables de Hugo - "littérature
faite avec le malheur des autres" - je veux par là montrer
l'absurdité ou pire le danger du point de vue.
J'ai commencé à lire ce livre non vierge : a priori positif
par rapport à un Verdier jaune, avis unanime du club de lecture
narbonnais de Renée qui nous l'a signalé, confirmé
par la lecture d'Annick L ; mais aussi a priori négatif de par
la réaction de Françoise, ne l'ayant pas lu, mais étant
hyper rétive. Le livre a eu le prix
du livre inter dont j'ai lu certains avec le groupe : Agnès
Desarthe, Un
secret sans importance ; Ahmadou Kourouma, En
attendant le vote des bêtes sauvages ; Henry Bauchau, Le
boulevard périphérique ; Olivia Rosenthal,
Que
font les rennes après noël ? : des livres parfaitement
pour-le-groupe-lecture. J'étais donc semi vierge mais prête
à tout.
Le
choix formel m'a comme Jacqueline fait penser à À
la ligne que nous avions lu : récit en vers ou poème
narratif, on n'est donc pas complètement étonné grâce
à Voix au chapitre...
J'ai commencé par jouer aux devinettes avec intérêt
: qui écrit en ouvrant des parenthèses à la troisième
personne dans un discours à la première, est-ce réel,
qui est qui puisque le je change.
À la fin de chaque chapitre, je suis revenue au titre qui était
peu compréhensible et j'ai fini par trouver les titres un peu affectés.
Pourquoi des vers ? Mahmoud est poète et donc il écrit en
vers ? Soit !
Je me suis un peu lassée de jouer aux devinettes. J'ai donc commencé
à sauter, d'autant que le sujet principal me semble-t-il - la Syrie
- est horrible. Double raison.
Je l'ai donc fini cahin-caha et ai découvert après la dernière
page que tout ce qui était en italiques que je pensais de Mahmoud
fictif était de vrais poètes, bon. Á ce stade, j'ouvrais
¼, avec une impression d'ennui, de fadeur.
Je ne savais rien de cet auteur français, sur ce qui l'a conduit
à écrire un livre sur la Syrie. Je l'ai ensuite découvert
et ça n'a rien ajouté à mes impressions de lecture.
J'ai écouté ou lu de nombreux interviews : tout ce qu'il
dit sur son livre m'a ennuyée. J'ouvre un quart.
J'ai feuilleté plusieurs de ses livres à la bibliothèque
que j'ai trouvés aussi mortels, sauf un très court texte
autobiographique sur son enfance dont j'ai beaucoup aimé l'écriture
(en ligne ici)
J'admets que lorsqu'on rejette un livre, et c'est grosso modo mon cas,
on est un peu bête, peu subtile. Je lirai tout à l'heure
un extrait de la seule critique réservée que j'ai trouvée.
Brigitte entre
et (à
l'écran)
Pour moi, ce fut une lecture compliquée.
Jamais je ne réussissais à me sentir concernée par
cette lecture. Était-ce le genre littéraire choisi ? J'avais
l'impression de faire du sur place en permanence. Rien n'évoluait
dans la narration. Je me répétais que pour aborder un sujet
aussi horrible que la guerre en Syrie, la solution choisie était
la bonne, sinon il aurait fallu imposer au lecteur une expérience
trop pénible, insupportable.
Je retenais essentiellement des aphorismes :
"Je suis vieux [ ] parce que j'ai sept ans tous les jours depuis sept décennies, mais personne ne le voit." (p. 46)
"Voilà ce qu'est vieillir. N'avoir plus d'endroit où cacher sa douleur." (p. 53)
"Qui a dit que vieillir c'est oublier ?" (p. 68)
"Ainsi sont faites les mères : taillées dans le bois du souci." (p. 102)
"Ce temps d'avance que l'écriture a sur la vie" (p. 106)
Jusqu'au texte n°15, "Alep" (p. 107),
c'est à partir de ce moment que je me suis sentie concernée
et même très concernée par cette lecture bouleversante,
surtout par le texte n° 17, "Des sorbets au goût de liberté"
(p. 122), où l'auteur fait parler Sarah et révèle
toute la cruauté, quasiment indicible, des évènements.
De cette dernière partie, je retiens encore certains passages :
"Je suis mort d'être resté en vie" (p. 120)
"La nuit tu écrivais dans ton petit cabanon des épreuves, où tu cherchais ce qui grouille dans l'antichambre du rêve, ce qui se produit quand on frotte la mémoire et l'oubli, ce qui naît quand on laisse parler ce que la mémoire perd, mais garde pourtant." (p. 123)
"Comme si tu ne pouvais écrire que le manque. Ce fruit qui, une fois avalé, se rétracte." (p. 126)
J'ouvre entre ½ et ¾. En effet, s'il n'y avait pas eu le
groupe lecture, j'aurais abandonné avant la fin.
Lisa
J'ai été perturbée au début par les vers libres.
Pourquoi ? Je ne comprends pas les vers libres. Pourquoi ne pas écrire
de la prose ? Je dois être trop rigide mais la poésie pour
moi c'est en vers, sinon je n'en vois pas l'intérêt. Les
césures sont parfois faites à des endroits étranges
dans la phrase. Ça a compliqué ma lecture.
J'ai été gênée par le fait que l'auteur ne
soit pas syrien et j'ai essayé de comprendre pourquoi. Il ne faut
pas confondre l'auteur et le narrateur je le sais. On avait eu le débat
pour De pierre et d'os. Mais là ce qui me gêne c'est qu'il
me semble que le point de vue est très occidentalisé : pas
sure que tous les Syriens aient été aussi critiques du régime
d'Assad père par exemple. C'est, il me semble, une vision occidentale
: "ce sont des monstres et voilà".
Au contraire de certains, je trouve que l'enchaînement des drames,
le mélange, la confusion, c'est percutant et fort. C'est quand
même émouvant parfois (la mort de sa femme
)
J'ouvre à moitié !
J'ai envie de découvrir l'autobiographie
de l'auteur recommandée par Claire.
Françoise D
J'avais en effet un a priori après avoir lu les deux premières
pages et écouté des dithyrambes dégoulinants. J'avais
donc une méfiance.
Je rejoins Katell, Maëva, avec l'impression d'une forme d'écriture
fabriquée qui ne rend pas réceptif. Et pourquoi des vers
? Je ne vois pas de raison. Il est vrai que je suis rarement sensible
à la poésie, et là cette forme me paraît artificielle,
bling-bling
Je n'ai pas vu une belle écriture.
La seule chose que je reconnaisse, c'est l'idée qu'il a eue de
s'attacher à ce personnage pour nous faire passer par des épisodes
de la Syrie, avec entre autres l'histoire du barrage et du village englouti.
Ça ne me gêne pas qu'il soit belge. Je n'ai pas accroché,
j'ai peu ressenti d'empathie, j'ai eu du mal à visualiser les personnages,
et encore moins le décor.
Si nous ne l'avions pas choisi, je ne serais pas allée jusqu'au
bout. J'ouvre un quart. C'est dommage si les autres livres sont bien.
Il a le mérite d'empoigner ce personnage et à travers lui
la Syrie. Il tire sur la corde de la sensiblerie. Même si réellement
c'est atroce. C'est vrai que c'est un témoignage qui peut ouvrir
les yeux.
Muriel entre
et
Ça m'a bien plu et j'ouvrirai entre ½ et ¾. J'ai
aimé cette forme de vers libre j'ai aimé même à
regarder, je ne me suis pas dit on a niqué la moitié de
la page...
Il y a énormément de poésie et c'est touchant. J'ai
aimé l'évocation des guerres de cet ignoble Hafez qui mentait.
Mais je l'ai lu en plusieurs morceaux
et je me perdais qui est donc
Sarah. Je devrais lire une deuxième fois les livres qu'on lit dans
le groupe.
Mais indéniablement j'ai trouvé que de la poésie
se dégage de ce livre.
Fanny
Je suis contente de parler à la fin car en arrivant je ne savais
pas ce que j'allais dire. Vos contradictions correspondent à mon
hésitation
J'ai été happée par la forme. Par moments, j'ai lu
la forme sans m'attacher au fond comme si la forme faisait écran.
Et je ne faisais pas l'effort de me détacher de la forme pour aller
vers le fond.
Manuel dit que c'est dépressif et c'est peut-être pour cela
que je n'ai pas fait d'efforts.
Il y a une semaine où je suis restée sans le lire, ça
signifie qu'il y a un truc qui grippe
Je l'ai repris mais sans plaisir
pour le fond juste pour le plaisir de la forme.
C'est un beau témoignage mais qui semble un peu surfait. Donc j'ouvre
à moitié mais j'aurais aussi bien pu ouvrir au ¼
ou à ¾.
Annick L
J'ai été tout d'abord surprise par la forme de ce
texte, une sorte de prose poétique, fragmentée, désordonnée,
qui va et vient entre le présent bien réel du récit,
des bribes de souvenirs d'époques différentes et des rêveries
flottantes. Et je me suis interrogée sur le personnage aux contours
mal définis de ce narrateur. Qui est ce vieil homme contemplatif,
à bord de sa petite barque sur le grand lac El Assad, en Syrie ?
Qu'est-ce qui l'a conduit à cet état d'extrême dénuement
? La suite nous permettra de rassembler les bribes de cette existence
en ruines.
Ensuite, je me suis simplement laissé porter par cette voix à
la fois puissante et douce (Mahmoud a été un grand poète !).
J'ai été émue par la complainte de ce vieil homme
solitaire qui cherche ce qui pourrait encore lui permettre de s'accrocher
à la vie. La dictature et cette guerre civile interminable ont
tout réduit à néant : les deux femmes qu'il
a aimées, ses enfants partis faire la guerre, ses amis, son statut
social d'intellectuel, en tant que professeur et écrivain reconnu,
et même sa demeure pleine de souvenirs heureux. Certes il est rongé
par la maladie et le temps lui est compté, mais c'est assez pour
remonter le fil de ses souvenirs (heureux et malheureux) et jouir de quelques
sensations agréables, sous le signe de l'eau bienfaisante : le
livre commence avec l'évocation magnifique de la plongée
du vieil homme dans le grand lac El Assad et la vision du village englouti
où Mahmoud a vécu pendant son enfance. Et ses plongées
continueront à tisser le récit : flotter, plonger, se laisser
couler ? Cette métaphore est une belle trouvaille.
J'ai beaucoup aimé aussi le dialogue qu'il entretient avec son
épouse défunte, Sarah, assassinée de façon
atroce (on l'apprendra vers la fin), jusqu'à imaginer, à
la fin, entendre la voix de celle-ci, brièvement.
Et surtout j'ai trouvé très intéressant que cette
remontée dans les souvenirs personnels du narrateur soit ancrée
(même si le décor est un peu artificiel) dans le drame politique
de la Syrie, sous le joug d'une dynastie (père et fils) de dictateurs
sanguinaires qui n'hésitent pas à faire la guerre à
leur peuple, de la façon la plus barbare, et depuis des décennies.
La dénonciation n'est pas théorique, elle est à hauteur
d'homme, très concrète et d'autant plus terrible. Elle a,
de ce point de vue une portée tristement universelle.
Un grand roman.
Rozenn
Je suis tellement d'accord avec toi sur la douceur.
Renée(à
l'écran)
C'est mon deuxième coup de cur de ma saison 2021-22 avec
L'ancêtre.
Une participante de mon club de lecture à Narbonne a proposé
l'an dernier de lire Mahmoud ou la montée des eaux bien
avant qu'il ait un prix littéraire. Le choc : magnifique livre
écrit comme un poème dans le genre du Cantique des cantiques.
Le sujet est terrible : un Syrien plonge tous les jours dans le lac El
Assad au barrage de Tadqa qui a englouti son village. En plongeant, dans
le lac il descend dans son passé, évoque ses deux épouses
aimées, mortes violemment, ses enfants partis au combat, dont il
n'a aucune nouvelle... Il raconte également les horreurs perpétrées
par la sanguinaire famille El Assad (j'ai apprécié l'évolution
de l'étudiant ophtalmologue studieux en tyran).
Mais jamais de pathos, le texte est ciselé, l'écriture est
poétique, sensorielle, une performance pour nous faire accepter
la brutalité de l'histoire. C'est un poème
épique, une tragédie classique.
La beauté du texte m'a fait oublier l'horreur de ce qui est raconté
: je me suis laissé emporter par l'écriture.
Minuscules reproches : quelques rares clichés et Wauters critique
l'Unesco qui creuse puis emporte en souvenir (et paiement) quelques vestiges.
Oui, MAIS les autochtones islamistes détruisent beaucoup (Petra
a été bombardé) Actuellement l'Occident sauve plus
qu'il ne vole.
Antoine, je vous pardonne ces petits défauts, je ne me suis pas
ennuyée une seconde : votre livre est trop beau.
Claire lit un extrait d'En attendant Nadeau :
Puisque Mahmoud est écrivain, amoureux de la langue, on sinterroge sur son absence de réflexion sur la langue [...] Cest ici le français qui simpose dans la bouche dun homme syrien : ce choix décriture, loin dêtre incohérent pour une fiction et dans un pays où le français est lune des langues apprises par lélite, nest pourtant pas non plus anodin. Derrière lusage univoque du français comme langue de Mahmoud, et face à labsence de réflexion sur ce choix, la figure de lauteur francophone, loin du trouble et de leffacement auxquels il vise, se surimpose avec une forme de violence. La Syrie avec ses paysages et son histoire tragique tend alors à apparaître avant tout comme un décor impalpable.
Le souffle lyrique qui anime la voix de Mahmoud peine à donner vie aux récits de guerre quil tente de déployer par bribes. Si le héros affirme qu"écrire demande folie et foi", la foi et la folie se font peu ressentir, tant sa voix se trouve prisonnière dun carcan de phrases convenues. Ainsi le cur est-il un "buisson de lumières", la bouche de Leïla, lamoureuse tant aimée, "des pétales de fleurs" ; "poèmes damour, et de lune et de vent", peau "aux éclats damande douce" dAsma, la future femme de Bachar el-Assad. Le langage fleuri retient la folie de Mahmoud et lempêche déclater au seuil de la mort. À travers ce langage, cest sa vision du monde qui se trouve aussi contrainte dans des clichés regrettables. Selon une certaine tradition poétique androcentrée, les femmes se retrouvent associées au sucre et aux fleurs.
Maëva avait bien pointé certains de ces écueils.
À propos de l'appropriation culturelle, voir
sur le site Voix au chapitre à la fin des avis sur Le
Jour de la chouette de Leonardo Sciascia, en
2020, un échange sur le sujet : Jacqueline compare
deux auteurs lus dans le groupe, Sciascia (Sicilien écrivant au
sujet de Siciliens) et Powers (Blanc écrivant au sujet de Noirs)
: on lui rétorque qu'on peut être sicilien et piètre
écrivain... Jacqueline répond authenticité...
Lisa demande s'il faut regretter que Nabokov n'ait pas été
pédophile pour Lolita ! Des romans plongeant dans l'horreur
sont évoqués où les auteurs n'étaient pas
nazis...
À nouveau, ce qui est le propre de la littérature et du
talent d'un écrivain - inventer un univers - est mis en cause.
Manuel rappelle que c'est la troisième fois en quelques mois :
- pour Powers où Nathalie
avait remarqué que Blanc il gagnait de l'argent en faisant un roman
sur les Noirs...
- pour Bérangère Cournut où Etienne
avait fortement contesté sa légitimité pour parler
des Inuits sans être allée au Groënland ; il n'était
pas le seul et du coup Claire en avait eu
une crise de nerfs littéraire... partagée par Lisa
- et de nouveau pour Sciascia qui lui serait légitime pour faire
un livre sur la Sicile parce qu'il est sicilien...
Manuel ajoute alors que depuis plus de 30 ans que le groupe existe, jamais
ces questions ne sont apparues dans le groupe.
Claire constate que l'air du temps doit en être la cause, avec les
ravages du politiquement correct...
Polémique à suivre, qui nous change de "est-ce un livre
pour le groupe lecture ?"...
C'était il y a deux ans...
Etienne, lisant ces lignes
Petite précision parce ma position était quand même
plus nuancée que ce qui apparaît et que je suis régulièrement
cité dans cette discussion sur l'appropriation culturelle, ce qui
me chagrine fort : ce que je reprochais à Bérangère
Cournut était l'ajout de photographies inuits à la fin du
livre et qui induisait tout de même une confusion sur sa position
je trouve ; pour moi elles étaient de trop. Je n'ai évidemment
aucun problème à ce qu'on écrive un roman sur les
inuits en ne bougeant pas de Paris...
Claire
Merci Etienne pour ces nuances nécessaires, car on aime bien caricaturer...
Monique S
J'avais lu le livre d'Antoine Wauters ; je n'avais pas voulu donner mon
avis avant la séance et j'ai pris grand plaisir à lire les
commentaires.
C'est vrai, le personnage est attachant.
Côté poésie, je m'interroge. D'ailleurs à la
fin de ma lecture, j'avais l'impression d'avoir lu un texte en prose ;
je ne sais si le retour à la ligne apporte quelque chose. Il y
a des passages poétiques certes ; certains ont trouvé des
images faciles. Peut-être a-t-il voulu utiliser les sujets classiques
de la poésie persane.
Ce qui m'a un peu déçue, c'est qu'on apprend rien sur la
Syrie, on retrouve en effet les grands sujets traités dans les
infos, documentaires.
Certains se sont posé la question de la légitimité
de Wauters à endosser la vie d'un Syrien. Cela ne me choque pas.
Je pense que l'écrivain aborde ce sujet de la Syrie (de l'Ukraine
un jour peut-être) car il tourne autour d'une douleur d'être
au monde, dont il ne peut ou ne veut parler. Peut-être un jour sera-t-il
à même de creuser directement ce qui le touche lui, sans
passer par un porte-drapeau.
J'ai trouvé cette lecture agréable ; et je comprends les
gens qui l'ont aimé. Mais en même temps je sais que c'est
un livre que j'oublierai...
Alors, que je n'oublierai jamais, par exemple, des uvres comme :
Syngué sabour : pierre de patience de Atiq Rahimi ou
Une trop bruyante solitude de Bohumil Hrabal.
Les
9 cotes d'amour du groupe breton
réuni le 16 mars 2023 Chantal Soaz Brigitte T Édith Jean Marie-Odile Suzanne Sylvie Yolaine |
Synthèse
rédigée
par Yolaine
|
Écrasante unanimité de fans enthousiastes moins une voix,
à tel point qu'on pourrait se demander si c'est vraiment un livre
pour notre club de lecture (breton, je veux dire) tant le consensus tue
dans l'uf la contestation, et même la conversation.
Le choix du sujet, très simple, dans un décor dépouillé
de tragédie grecque, est en effet très fort. Dans le contexte
de la guerre en Syrie, un vieil homme rame à bord d'une barque
sur le lac el-Assad, et effectue une plongée hypnotique dans ses
souvenirs et dans la souffrance de sa vie dévastée.
Désastre individuel et engloutissement collectif : nous sommes
sur les eaux de l'Euphrate, aux sources de notre civilisation. Au fond
du lac, des sites antiques et des villages modernes, témoins du
cycle de la vie et de la mort. Mahmoud navigue entre deux espaces limités
par la ligne d'eau, à la recherche du bonheur perdu, mais ce sont
des scènes terribles de viols et de meurtres qui remontent à
la surface. Multiples références culturelles, on pense au
Styx et à Orphée. La menace de la rupture du barrage qui
pèse sur les habitants évoque inconsciemment le Déluge
biblique. Le poids de l'histoire brise impitoyablement les rêves
nostalgiques de l'enfance et de la jeunesse, il renvoie Mahmoud à
sa solitude, sa vieillesse et son désespoir, à son impossibilité
d'oublier qui rend la résilience impossible.
La beauté du texte, d'une grande simplicité, en vers libres
et découpé en chapitres très courts, est conçu
comme un long poème de douleur, au-delà des mots, et a aussi
rassemblé presque tous les suffrages, suscitant une forte émotion
et même de vraies larmes. La poésie est
d'ailleurs traitée comme un personnage à part entière
qui occupe une place essentielle, quasiment thérapeutique, dans
la vie de Mahmoud et de Sarah.
Au-delà du conflit syrien, qu'il a le mérite de rappeler
à notre mémoire, ce drame résonne de façon
particulière avec la renaissance de la guerre au cur de l'Europe,
et peut apparaître comme une métaphore des malheurs d'aujourd'hui.
Il prend à ce titre une dimension universelle.
Lors de notre échange, personne n'a vraiment soulevé le
problème de l'identité et du point de vue de l'auteur, qui
n'est pas syrien mais belge, tout le monde ayant constaté avoir
eu l'illusion qu'il était vraiment syrien. C'est peut-être
pourtant la raison pour laquelle on peut ressentir un malaise à
la lecture de cet ouvrage très misérabiliste et qui ne laisse
aucun ressort, aucune lueur d'espoir à son personnage principal,
victime dépressive, démolie, condamnée à la
torture éternelle et à la noyade. Refuser de céder
à l'émotion provoquée par une narration qui est filtrée
par un regard extérieur, est-ce la manifestation d'un manque d'empathie
pathologique, ou le sursaut du lecteur qui lutte pour ne pas sombrer dans
le masochisme sous l'effet d'une possible manipulation ? Avec cette méfiance-là,
la musique de la poésie perd de son envoûtement, les mots
deviennent creux, les idées se transforment en clichés,
le doute et l'ennui s'insinuent et rendent le texte artificiel et peu
crédible. Mais c'est là le point de vue d'une minorité.
Jean
Le roman est celui d'un homme Mahmoud Elmachi, un vieux poète syrien,
dont les souvenirs gisent sous l'eau du lac El Hasad, tandis que,
la solitude et la guerre sont à la surface.
Il est tantôt sur sa barque, tantôt en plongée au milieu
de son village submergé par les eaux d'un barrage. Et quand il
est ailleurs c'est dans la guerre. L'écriture se veut chaotique
comme les mouvements de la barque, mouvements absurdes du balancier de
ses souvenirs avec la "surface".
Portée par une écriture en vers libre, cette prose poétique
est faite d'images liées à la nature, où le cur
de sa femme est un buisson de lumière et les algues se gonflent
comme la chevelure des morts.
Poésie du début qui contraste avec la violence. Celle-ci
monte dans le texte et les spectres de sa famille disloquée par
la guerre, des odeurs, des couleurs, font surface. Écriture qui
rend palpable le lent désespoir du narrateur, teintés de
nostalgie pour des paysages, des gens et des époques rayés
de la carte, noyés sous les flots, tout autant que la tendresse
et la mélancolie qui illumine l'histoire.
C'est aussi une écriture qui tente de nous faire dépasser
une capacité d'imagination limitée aux actualités
sur la Syrie, une écriture qui raconte la réalité
pour faire sens.
Brigitte T
La Syrie
géographiquement pas très loin de nous. Mais
si loin cependant : Daech, la corruption, les droits de l'homme bafoués
en Syrie. Où en est la Syrie qui se voulait moderne, un pays pour
tous ? Qu'est devenu le patrimoine culturel ? La liberté d'écrire
et de penser ?
Hafez el-Assad fait construire le barrage sur l'Euphrate qui ensevelit
les villages mais pas les souvenirs. Projet utopique ? Aujourd'hui
la guerre et Daech - État terroriste - tuent, détruisent,
massacrent. Bachar el-Assad règne. Dans le roman toutes les problématiques
de ce pays se trouvent concentrées et "ensevelissent"
Mahmoud qui seul au bord du lac avec son masque et son tuba recherche
de la douceur dans ses souvenirs pour pouvoir survivre.
Livre ouvert aux ¾. J'ai aimé lire ce livre au vocabulaire
simple, les mots sonnent justes. La forme en vers libres est plaisante,
"aérée" et me permet de reprendre mon souffle
au milieu des horreurs. Phrases courtes. Pour moi, pas de place à
l'inutile. Je partage l'émotion de Mahmoud même si je ne
suis pas totalement en accord avec sa réflexion sur la nostalgie
Mais je n'ai rien vécu de tel. Pour ce vieil homme, la nostalgie
est une chose pure. Même si parfois il est prêt à basculer
: j'avais perdu le sens. La fameuse direction de la vie.
Cet homme est un être qui recherche la liberté et vit en
solitaire, brisé, séparé de sa propre vie.
Au moins sur ou sous l'eau les soldats de Bachar ne lui volent pas ses
rêves, il retrouve les êtres qu'il a tant aimé, il
peut enfin le leur dire. Il renoue avec ses souvenirs.
Je le trouve attachant ce vieillard au combien incapable de résilience,
sans doute malade d'un cancer de la peau dont il parle peu mais surtout
malade dans son âme et en péril car à la limite de
la folie dans ce pays où les rêves passent par les armes
et où avec Bachar el- Assad les monstres ravageurs naissent
de la nuit.
Attachant, poète et philosophe !
Lui qui ne trouve pas dans son cur ce buisson de lumière
qu'il aimait tant chez sa femme poète mais un futur ridicule.
La vie lui a enlevé un à un ses parents, son premier amour
Leïla qui meurt avec le bébé en couche, arraché
sa femme Sarah, perdus ses trois enfants ; tous ces êtres qui comptaient
pour lui à la folie dans ce beau pays caressé par le soleil.
Lui qui a connu pendant trois ans les affres de l'emprisonnement, de la
torture, de l'endoctrinement et de l'humiliation a cependant continué
à écrire des poèmes inscrits dans sa mémoire,
des poèmes qui ne laissent pas de trace, qui ne seraient pas
repris. Il dit : Mes poèmes ne sont pas des poèmes.
Ce sont des vers remplis de peur, de rage et de peine.
Lui qui malgré son peu de force trouve encore sa vie belle mais
vide.
Lui qui choisit le lac pour retrouver la douceur de la vie et pour oublier
la réalité de la guerre : l'eau qui me respire et me
console comme seule le peut une mère.
Lui qui dans le lac reprend une forme de liberté : la liberté
n'ayant rien de naturel chez nous.
Dès les premières pages, je suis captivée par ce
roman où Mahmoud est le fruit de l'imagination de l'auteur. Ce
dernier témoigne, je pense fidèlement, d'un conflit contemporain
que l'actualité ne nous permet pas d'oublier
bien longtemps.
Et oublier c'est peut-être se protéger. Ce livre m'interpelle
sur le poids de l'Histoire et sur le fait que l'Histoire envers et contre
tout bouleverse nos vies. Dans ce cas être résilient et poursuivre
son chemin est-ce possible ? Je dirais non avec Mahmoud. Je dirais oui
avec le roman que je lis actuellement L'autre
moitié du soleil de l'auteure nigériane Chimamanda
Ngozi Adichie. C'est un roman où je trouve un intense message d'espoir
alors que l'Histoire et la guerre entre Biafra et Nigéria bouleversent
le bonheur et la Vie.
Je fais également le lien avec deux histoires vraies que j'aime
: les bandes dessinées L'Arabe
du futur et le film Les
nageuses (2022), histoire de deux surs quittant la Syrie
ravagée par la guerre avec entre autres l'objectif de participer
aux JO de 2016 à Rio.
Marie-Odile
Texte lu il y longtemps et non relu.
J'ai le souvenir d'un récit poétique, tout en sensibilité,
sorte de complainte en mode mineur. Un texte un peu hors du temps avec
cet homme qui replonge dans son passé, retrouve ses disparus, et
en même temps un texte ancré dans la Syrie de Bachar el-Assad,
avec ses atrocités et ce barrage aberrant.
J'avais aimé découvrir ce texte. Je l'ouvre aux ¾.
Sylvie
Doucement, à coup de petites phrases courtes, de retours à
la ligne comme des coups de rame, Mahmoud nous embarque sur le lac. Au
rythme d'un clapotis, il nous fait plonger dans les eaux bleutées
de son passé. Le silence de la plongée, la lenteur des mouvements,
la pénombre, le corps porté, glissant fluide dans le liquide
apaisant, Mahmoud redécouvre ses souvenirs immergés. Comme
au cur d'un ventre maternel, il retrouve les joies englouties de
son passé... l'apnée... le bleu
le village... l'apnée,
le souffle... mais il faut remonter...
Éclat blanc du grand soleil lumineux, nous voilà avec lui,
à la surface... où est la barque, le repère ? Tout
paraît si calme.
À force de phrases courtes comme un essoufflement, le lecteur s'immerge
dans la vie de Mahmoud. Ses amours, ses enfants, son travail... La Syrie,
pays chaud et sucré comme un fruit mûr, berceau de la civilisation...
Mais on a rejoint la surface de l'eau, quitté le ventre liquide.
Derrière les buissons et les portes lourdes des prisons, la Syrie
vit dans l'horreur la suffocation d'un peuple soumis, l'air irrespirable
de la folie de mort. Peuple exsangue sous la cruauté, l'inhumanité,
la mégalomanie d'un président qui l'assassine. Torture,
dictature des djihads, viols, guerre. Et puis Mahmoud, ses femmes, ses
deux amours, ses enfants. Mahmoud amoureux des mots et de la vie nous
raconte sa vie, l'amour le plus pur et le pire visage de l'horreur, l'inhumanité
et la plus noble pensée, dans son langage si sensible de poète
cultivé et humaniste.
J'ai trouvé ce livre magnifique, qui nous fait glisser sur la surface
du lac, prémices de l'enfer engloutissant le bonheur vers la réalité
de sa vie. Ce livre est une tragique déclaration à l'amour,
au noble respect de la grandeur de l'homme et de la civilisation syrienne,
par l'opposition des valeurs qui sont incarnées. Ce livre, entre
beauté et enfer, a le mérite de nous parler du drame syrien
au plus profond du mental quotidien de ses habitants. Un drame plus que
jamais d'actualité car il ne fait malheureusement plus la une des
journaux et pourtant aujourd'hui rien a changé sinon en pire.
Je l'ouvre toutefois aux ¾. Mahmoud m'impose un profond respect,
mais je ne peux pas vraiment comprendre comment il peut raconter une telle
souffrance sans hurler de douleur, sans hurler de colère. Sans
doute la force de l'amour... Et du coup j'ai parfois eu du mal à
être entièrement avec Mahmoud, à le comprendre. Sans
doute qu'au bout, il n'y a plus de mots et que ces immenses souffrances
dépassent de loin mon imagination de française, confortablement
installée à lire. C'est assez horrible de pouvoir dire çà,
car la pudeur et l'élégance de Mahmoud en disent sûrement
plus long que tout autre chose. Alors merci respectueux M. Wauters de
m'amener à cette réflexion.
ÉdithJ'avais
lu Nos Mères
de l'auteur il y a quelques mois et avais été "rebutée"
d'acheter Mahmoud ou la montée des eaux. Je ne savais pas
alors que ce titre serait choisi pour le groupe. Ce récit en vers
"libres", pas trop pour moi ! Bien qu'ayant apprécié
À
la ligne, lu dans le groupe.
J'ai donc plongé moi aussi dans le récit stimulé
par le choix de Voix au chapitre, ainsi que par la très
bonne presse concernant ce texte en lien avec la Syrie contemporaine,
l'actualité récente quotidienne dans les médias et
largement documentée. J'ai appris beaucoup de ce barrage inauguré
en 1973 qui fut un enjeu dangereux pour la Syrie avec Daech. Je suis allée
voir les images de ce barrage grâce à internet. L'aspect
désertique des berges, les quelques murs éboulés
aperçus sur le site, renforçaient les images que mon imagination
formait au cours du récit, et réactualisait des souvenirs
un peu confus.
Le texte en lui-même incite à la pause et au retour sur certaines
idées percutantes : j'ai relu certaines phrases à haute
voix parfois. Et parfois l'évocation - trop absconse - me
laissait dans un vague ressenti du fait de l'alliance des mots choisis.
Mots choisis dont l'organisation faisait effet de poésie. Ce n'est
pas ce que j'ai préféré.
Je me suis sentie beaucoup plus à l'aise dans le récit quand
l'évocation amenait des faits : arrivée et transformation
de Bachar de timide étudiant en monstre, ses amours Leila et Sarah
et ses deux enfants. Son enfance et ses parents, ses amis. L'évocation
de sa tumeur, un cancer qui évolue, n'est pas qu'une métaphore
: la mort, sa mort se voit dans le progrès de la tâche "mortelle"
qui le fait souffrir et se protéger du soleil. Le corps de Mahmoud
est extrêmement présent tout au long du monologue et j'aime
beaucoup cette présence par les mots choisis concernant son cancer
évoqué dans sa progression, son corps malade et décharné
de vieux, un sparadrap pour le protéger du soleil. À quoi
bon avoir pris le temps de consulter, il a tout perdu. Son corps, par
la faim ressentie ou plutôt son désir de "tartines"
au concombre et au chèvre et qu'on relie à plusieurs reprises,
tartines présentes du souvenir de ses enfants que je pense partis
combattre. Désir de pain et de café, évocation des
olives de joie qu'on suçait après le travail, les doigts
couverts d'ail et de thym, les pâtisseries que l'on peut sucrer
à volonté ; évocation gourmande du plaisir sans retenue
(l'enfance et sa mère). Et encore le lait des chèvres-là,
le poisson pêché et grillé, et la nourriture encore
et toujours, manger pour ne pas mourir de son désespoir.
De l'humour aussi quand Mahmoud peint le souvenir de l'état amoureux
pour Leila : "Je chutais
dans le vide un vide nommé amour (
) Mais alors je n'étais
plus syrien, je n'étais plus un homme je n'avais pas de langage
et pas de parole, j'étais à sa merci, voilà, et je
me gorgeais d'elle, les semaines passant je finis peu à peu par
glisser toute ma tête dans le local. Quelle audace ! Mon costume,
ma cravate et ma timidité eux m'attendaient sagement dans le couloir."
Prof, Mahmoud Elmachi, utilise la métaphore de l'enseignement à
donner au fleuve Euphrate qui fut détourné pour écrire
une autre histoire "notre
président Hafez (
) donna (à l'Euphrate) de l'encre
verte un stylo et un cahier pour qu'il rédige sa nouvelle histoire."
Allégorie pertinente et digne d'un conte pour enfant. Écrire
pour dire l'impossible, ainsi p. 45 "j'ai
écrit des livres (
) et malgré cela je suis infoutu
de décrypter les paroles d'un lac". Écrire
aussi pour vivre encore tout en acceptant sa mort et celle des gens aimés
(ses femmes). Poète, Mahmoud - enfant des va-et-vient de son
enfance à sa vieillesse - dit p 46 "vieillir
c'est devenir l'enfant que plus personne ne voit d'enfant dont on dit
qu'il a les cheveux gris". Mahmoud - vieux et jeune à
la fois - toujours fils de sa mère et de son père, mais
déjà veuf et père de deux enfants, par la magie du
récit, n'a de cesse d'invoquer le passé et de dire le présent.
Imprimées, par la volonté des éditions Verdier, des
lignes noires sur blanc, et non pas traces de salive comme évoquées
(j'ai aimé ce passage) dans sa prison, lorsqu'il tentait de fixer
ses idées. Idées devenues, depuis ces jours terribles et
son voyage en France, des mots, traces fugitives et nécessaires
pour fixer le souvenir dans un retour passé et présent.
Traces écrites que je lis comme des sentences de sage p. 70
: "est-ce cela vieillir
? Mieux voir hier qu'aujourd'hui ? Mieux voir jadis que maintenant ? Chercher
à oublier mais voir tout revenir. ? Le passé est une bombe
il explose. Eux c'est cela qu'il nomme oublie, qu'il nomme vieillir".
Wauters poète, Mahmoud poète, l'un est l'autre ? : les voix,
les chants, les rires, le silence, les odeurs (anis, fiente de mouette),
le vent. Évoquées dans chaque chapitre, produisant effet
de bercement et m'autorisant à remarquer que finalement j'aime
cette poésie malgré l'effort demandé. Poésie
inventée dans la geôle ou croupit Mahmoud qui sert à
"emprisonner la prison" comme il l'écrit, évasion
par l'écriture. Nous avons déjà lu cela, ceux des
de témoignages de rescapés de camp dont la survie tenait
à se réciter encore et encore des textes littéraires.
Et j'attends un dénouement, car c'est aussi un roman, une histoire.
La boucle vat elle s'accomplir ? La mort au bout du récit ? Une
vie à écrire. Tout ça pour me rendre compte que les
mots ne disent rien, qu'il n'y a rien au fond d'eux, qu'un peu de silence.
Et de paix. La narration ne progresse que par retour passé et présent.
Va-t-il se laisser couler ? suicide tentateur ?
Je sursaute à la lecture et sors du doux balancement produit par
l'écriture car je lis p. 90 que Mahmoud TUE avec son poignard
(le yatagan de papa, le fier couteau des chèvres et des brebis,
déchiquette) le soldat violeur qu'il vient de découvrir.
Récit de cette femme sauvée dont la mari Elias a été
assassiné par le régime (je le suppose), mettant fin à
leur projet d'Europe et de liberté. Violeur qui entend pendant
"son action" sonner son portable et "déteste"
de ne pas le retrouver !!! Détail d'humour morbide donné
par la jeune femme. J'apprécie ! Et à suivre le récit
touchant : Elias est assassiné et il a entendu poursuit la jeune
femme une chanson de Farid el Atrach "pas la meilleure de ce chanteur"
a pensé Elias. Remarque émouvante d'Elias au moment de mourir
(certaines scènes du cinéma où le condamné
décale son attention sur un "rien") ; je vois et j'entends.
Ici à nouveau les mots font l'objet, faute de pain (Mahmoud) écrira
des poèmes au goût de pain car il faut fuir.
La dénouement "Viens
il est temps de rentrer à la maison" se dit et
me dit Mahmoud : dérisoire message à sa femme assassinée
et à ses enfants combattants (peut-être disparus), plus de
palme plus de tuba. Derniers mots : le ciel n'était pas bleu mon
ange, nos jours furent bleus.
La lecture de Proust m'avait appris que mon dispositif
consistant à "plonger" dans le texte récompensait
la lectrice !! Ce fut le cas.
Ouvert ¾ pour l'effort demandé parfois à suivre les
"temps" du récit. Merci à l'auteur pour les notes,
supports de lecture. J'ai apprécié les mots en langue iranienne.
Je me rends compte à la fin de mon texte difficilement écrit
que je me suis échappée du fond historique syrien, la guerre,
la dictature, pour n'évoquer que la forme du récit. Écriture
poétique, recherche d'une vérité à approcher,
j'aime cette littérature. J'ai lu (beaucoup) les notes fines du
livre. Malgré la découpe du récit en chapitres avec
un titre, je ne me suis pas retrouvée en les lisant.
J'ai offert ce livre !
Soaz
Ce texte d'une grande beauté se lit comme un poème, entre
rêve et réalité.
Ce récit dégage beaucoup d'émotions, tendresse, douceur,
nostalgie, et liberté, tout en nous confrontant à la réalité,
dure, violente, extrême, de notre quotidien et du chaos syrien.
Sont décrites sans agressivité, ni violence, des scènes
terribles (torture, prison, agression, viol, mort).
C'est la rétrospective d'une vie engloutie par le lac El Assad,
fil conducteur de cette Histoire.
Mahmoud, vieux poète, puise ses dernières forces sur l'eau
(bercé au rythme d'une barque) et dans l'eau (masque et tuba dans
le noir de ce village englouti), de ce lac assassin.
Les rituels - tartines, piles de pierres, cabanon, arbre - posent
ses journées et l'aident à délier, écrire
les souvenirs de sa vie tumultueuse : nostalgie de son enfance, de ses
amours, la perte de ses parents, de ses enfants, les merveilleuses et
tragiques épopées.
Ce livre m'a émue jusqu'aux larmes.
Quelques phrases :
Vieillir c'est devenir l'enfant
que plus personne ne voit.
Les mots comme des filets à papillons pour nos causes perdues.
L'écriture comme une barque entre mémoire et oubli.
Chantal
J'ai lu et relu ce long poème de douleur, cette complainte, touchée
au plus profond. Peut-être parce que je l'ai lu maintenant, dans
ce moment de violence, partout dans le monde, et chez nous en France,
violences de toutes sortes, guerres, pauvreté, climats...
Ce livre m'a amenée à plusieurs reprises des larmes...
Je redoutais pourtant cette lecture en vers libres, ces 18 chapitres courts.
Mais, une fois entrée, plus aucune crainte !
Grand talent de Wauters : il a su tresser, tisser, le portrait d'un homme
et l'histoire d'un pays. Et, de cet enchevêtrement, créer
chez nous lecteurs une grande émotion.
Il nous évoque l'histoire de la Syrie, 1920 -1946 le mandat français
dont j'ignorais tout, jusqu'à notre époque, Hafez El Assad
et maintenant Bachar, avec toujours la violence, la répression
féroce, la terreur, puis le printemps arabe de 2011 avec l'espoir
fou et de nouveau la répression !
Entre cette "grande" histoire et celle - individuelle - de Mahmoud,
le grand barrage de Tadqa et les eaux du lac El Assad qui les relient,
l'homme et son pays...
Moi je suis entrée dans ce personnage, ses joies, ses douleurs,
son enfance, sa vie d'homme, ses amours, sa famille, la poésie...
Je suis entrée dans sa folie, trop de douleur, trop de violences
subies, sans fin, comment supporter ? La prison, le deuil, la mort des
enfants, le supplice de Sarah... comment continuer de vivre ?
Se réfugier en plongeant dans le fond du lac, dans les souvenirs
heureux : le village intact où il peut se promener dans un passé
heureux, mais sans cesse les souvenirs horribles surgissent, les eaux
paisibles du lac elles-mêmes menacées par Daech.
Tout au long du texte, on trouve des pépites de poésie !
Trop pour les citer toutes.
J'ai adoré le chapitre 6, Mahmoud enfant auprès de ses parents
: pure joie de lecture !
"Vieillir, c'est devenir l'enfant que plus personne ne voit..."
Enchevêtrement dans l'esprit de Mahmoud : on ne sait plus qui parle
: Sarah ? Les enfants ? Lui ? Tout est entrelacé, petite et grande
histoire, lumière, noirceur, amour-haine, douceur extrême-cruauté
sans nom, poésie et trivialité
Beaucoup de thèmes abordés : le vieillissement, la mémoire,
l'utilité ou non de la littérature, la nature elle aussi
malmenée, détruite par la haine ou l'orgueil des hommes...
"toute une galaxie de particules insaisissables composées
de millions et de millions de moments, lieux, odeurs, douleurs, visages,
mots et silences, qui ont rempli ma vie".
Un grand livre, vraiment. Ouvert en grand. Merci VAC !
AUTOUR DU LIVRE
|
Publications d'Antoine
Wauters Quelques repères biographiques Presse : - interviews vidéo - interviews presse écrite - interviews radio - articles Et sur la Syrie... |
La poésie d'Antoine Wauters est publiée
en Belgique et chez Cheyne éditeur, spécialisé dans
la poésie contemporaine. Les éditions Verdier publient ses
romans.
- La bouche en quatre,
Le Coudrier, Mont-Saint-Guibert (Brabant wallon), 2008
- Os, ill. Claudine
Evrard, éd. Tétras-Lyre, Bruxelles, 2008
- Debout
sur la langue, Maelström Éditions, Bruxelles, 2008
- Ali
si on veut, préface Ben Arès, ill. Thomas Dejeammes,
Cheyne, Devesset (Ardèche), 2010
- Césarine
de nuit, Cheyne, 2012
- Antioxydant,
avec Tom Nisse, Maelström Éditions, Bruxelles, 2013
- Sylvia,
Cheyne, 2014 (à la figure de ses deux grands-pères
disparus, il associe celle de Sylvia
Plath que nous avons lue d'an dernier)
- Nos mères,
Verdier, Lagrasse (Aude), 2014 ; Folio,
2022 (premier roman)
- Pense
aux pierres sous tes pas, Verdier, 2018 ;
Folio, 2021 (roman)
- Moi,
Marthe et les autres, Verdier, 2018 (roman)
- L'enfant
des ravines, Maelström Éditions, 2019 (en
ligne sur le site de la Villa Gillet, cité ci-dessous à
propos de son enfance)
- Mahmoud
ou la montée des eaux, Verdier, 2021 (roman)
- Le
musée des contradictions, éd. du Sous-Sol, 2022
(recueil de douze discours engagés), le premier éditeur
parisien à publier Wauters...
QUELQUES REPERES BIO
- Né à Liège en 1981, a un frère, Charles,
une sur, Lorraine, et a vécu à la campagne. Grands-parents
: l'un facteur, l'autre instituteur.
Jai vécu jusquà mes dix-huit ans dans un petit village dArdenne où mon imagination se trouve, encore aujourdhui.
Liège, on ne sy rendait que trois fois par an, et je ne pense pas avoir vu Bruxelles avant mes dix ans.Ma mère était une fan absolue dElvis Presley et des Beatles, elle enseignait langlais et le néerlandais, cétait une artiste, elle peignait, surtout des fleurs, et mon père, lui, était banquier, il avait fait les sciences économiques mais tout lintéressait, rien ne le laissait indifférent, y compris la sculpture, quil pratiquait à ses heures perdues.
Et, parce qu'on était chrétiens, les autres avaient toujours la primauté sur nous.
Avant la naissance de ma sur, nous allons à la messe chaque dimanche. Bien plus, mes parents embrassent la cause de mouvements néo-charismatiques.
- Asthmatique enfant, il fait pourtant des compétitions
en athlétisme (le 100 m), mais se blesse. Les livres prennent
alors une grande place, suite à une visite avec sa mère
à une bibliothèque fournissant le premier livre marquant
La patrie empaillée
de Jacques Izoard, poète de Liège : Wauters ny
comprend rien, mais sent au fil des pages que "quelque chose était
en train de se passer" ; s'ajoute le rôle de Monsieur D., professeur,
présent dans Nos
mères, qui l'encourage à écrire. Jacques
Izoard (publié chez Grasset, Seghers, Belfond, etc.) lincitera
à envoyer ses textes qui seront publiés chez de petits éditeurs
belges.
- Diplômé en philosophie à l'Université Libre
de Bruxelles. Nietzche est son philosophe favori.
- Il travaille quelques années comme professeur.
- Il travaille aussi dans l'édition : lance en 2011 la collection
iF à lArbre
à paroles (voir interview
du directeur), directeur de la Collection Grise chez Cheyne pendant deux
ans jusqu'en 2015. Avant cela, il avait créé une revue de
poésie avec le poète
Ben Arès et quelques autres amis.
- On voit dans le paratexte de différents livres qu'il a bénéficié
de résidences ou de soutiens littéraires classiques chez
les écrivains qui doivent gagner leur croûte et qui n'ont
pas (encore) de succès.
- Il publie plusieurs livres en Belgique, puis en France. Il obtient de
nombreux prix dans les deux pays.
- Il a écrit deux scénarios avec le réalisateur Antoine
Cuypers, un court métrage, A
New Old Story, et un long métrage, Préjudice,
en 2015, avec Nathalie Baye, Arno.
- Aucun potin à se mettre sous la dent :
il a deux enfants, Sélim et Delia qu'il voit les week-ends et les
vacances et qu'il remercie à la fin de son roman Pense aux pierres
sous tes pas... C'est sa compagne qui lui a dit qu'il serait peut-être
temps de ressortir son manuscrit (Mahmoud) qui était dans
un tiroir, précise-t-il à France
24. Ils habitent dans un petit village des Ardennes.
Puisque notre dernière lecture, Les
Vilaines, concerne des trans, lisons avec attention ce souvenir
d'enfance :
Mon passe-temps préféré, qui nétait dailleurs pas un passe-temps mais une authentique profession, cétait dinventer des histoires à mes poupées, dont lune delle avait un pénis, même si je lappelais Marie. Je ladorais. Jadorais laver son pénis écrasé comme une nouille ou un morceau danchois en haut de ses cuisses. Je le faisais mousser dans leau du bain. Marie nétait pas une poupée pour moi, pas plus quun être humain. Elle était une partie de moi. Il y avait une réversibilité totale entre nous. Ma peau nétait pas la fin de la sienne, mais le début dun tout où je me dissolvais. (L'enfant des ravines, Maelström Éditions, 2019, en ligne sur le site de la Villa Gillet)
- Il est joli garçon : on peut le
voir ici qui lit le début de son livre, 3 min.
Il a une page facebook : facebook.com/livresantoinewauters/
On le trouve sur Twitter : #antoinewauters
PRESSE concernant Mahmoud ou la montée des eaux
Interviews vidéo
- Librairie Mollat,
25 octobre 2021 : Antoine Wauters présente son livre
- TV5
MONDE Info, 4 septembre 2021, 6 min ("Pourquoi
le prénom Mahmoud ? C'est un hommage au poète palestinien
Mahmoud Darwich") ?
- Arte
28 min, Elisabeth Quin, 15 juin 2022, 9 min
(admirez la casquette et l'anneau à l'oreille)
- France 24,
L'invité du jour, 23 juin 2022, 10 min (si
on ne regarde qu'une vidéo =>regardez celle-là !).
Interviews presse
écrite
- "Prix
Wepler-Fondation La Poste 2021 : Antoine Wauters, Mahmoud ou la montée
des eaux" (si on ne lit qu'un article
=>lisez celui-là !), propos recueillis par Johan
Faerber, Diacritik, 8 novembre 2021. Extrait :
Comment vous est venu le désir de raconter le parcours de Mahmoud Elmachi, poète qui a traversé plus de sept décennies de lhistoire récente de la Syrie ? Vous indiquez demblée que vos "pensées vont au réalisateur Omar Amiralay dont le cycle de documentaires autour du barrage de Taqba vous a fortement marqué" : en quoi son travail vous a-t-il inspiré ? Enfin, dans quelle mesure la poésie syrienne que vous évoquez au cours de votre récit, et notamment lanthologie Poésie syrienne contemporaine de Saleh Diab, a-t-elle été une des influences de votre travail ?
En 2017, je me suis mis à faire des recherches sur la Syrie. Je voulais comprendre ce qui s'y passait et pourquoi, 6 ans après ces vents de liberté qui avaient traversé le pays, les gens vivaient toujours en enfer. Mon intention n'était pas alors d'écrire un roman, mais de descendre dans cette réalité sans détourner le regard. De fil en aiguille, j'ai concentré mes recherches sur le barrage de Tabqa, peut-être le symbole le plus fort du régime, puisque Hafez El-Assad le met sur pied dès qu'il prend le pouvoir, en 1970. Tabqa, le nord syrien, dominé aujourd'hui par les Forces démocratiques et les Kurdes. À l'époque, c'est Daesh qui tenait la zone. Ils avaient pris le barrage, l'avaient bardé d'explosifs et personne ne pouvait assurer les travaux de maintenance. Dès lors, le niveau de l'eau montait. Mais le lac El-Assad, ce sont des milliards de mètres cube de retenue. Donc on mesure l'ironie de la situation : détruite par la guerre, la région se trouvait en plus sous la menace d'un immense déluge. C'est en me documentant sur l'histoire du barrage que j'ai découvert le cinéma d'Amiralay, qui a consacré trois films au "Projet de l'Euphrate", comme l'avait baptisé Hafez dans son désir de "moderniser" le pays. Le premier date de 1974, un an après l'inauguration, et bizarrement, c'est un film apologétique. On y voit comment le barrage va faire "grandir" le peuple et lui amener progrès et prospérité. Ensuite, Amiralay s'est dédit, il a critiqué la politique baasiste à laquelle il avait naïvement souscrit, et tout son travail va dénoncer la propagande du parti. Dans Déluge au pays du Baas, il y a cette scène où un vieil homme, sur une barque, raconte comment la création du lac a noyé sa vie. "Mahmoud" est né là. La voix du vieux restait en moi, elle s'accrochait, à tel point que je me suis dit que j'allais écrire pour prolonger ses mots, le faire parler de sa vie, de ses amours et de cette Syrie si chère et si douloureuse à son cur. Omar Amiralay est décédé en février 2011, au seuil du Printemps arabe. Ce qui veut dire qu'il n'a pas pu tourner le film qui montrerait ce que la Syrie vit maintenant. Quand j'ai pris connaissance de sa mort, je me suis dit que je devais finir Mahmoud ou la montée des eaux en sa mémoire. Quant à la poésie, je dois en effet beaucoup à Saleh Diab, poète et intellectuel syrien qui vit aujourd'hui en France et que j'ai eu la chance de rencontrer lors de sa résidence à la Maison de la poésie d'Amay. C'est l'anthologie qu'il a fait paraître au Castor Astral qui m'a amené à m'intéresser à la poésie syrienne contemporaine. La poésie de Nazih'Abu Afash, très liée à ce qui se passe depuis 2011. Et puis tous ces poètes que le régime a enfermés et torturés et qui, pour seul méfait, ont eu le malheur de coucher sur papier ce qu'ils avaient sur le cur. (Article repris à l'identique avec un titre différent le 23 août 2021 : "Pour écrire, il faut un déficit dêtre. Ne pas pouvoir ou ne pas aimer dire je" et le 6 juin 2022 "Mahmoud ou la montée des eaux dAntoine Wauters, Prix du livre Inter 2022").
Nota bene, les deux interviews
qui suivent sont publiées dans des périodiques du Moyen-Orient.
- "Antoine
Wauters, lauréat du Prix du livre Inter 2022", propos
recueillis par Ritta Baddoura, L'Orient littéraire, 7 juillet
2022
- "Lauréat Livre Inter : interview dAntoine Wauters sur la Syrie", Ici Beyrouth, 9 juin 2022 sur la Syrie. Extrait :
Que reflète limage de ce poète qui nous embarque pour un voyage dans son passé au bord du lac Assad ?
Cette image dun vieil homme sur ce lac Assad symbole de léchec des régimes baathistes est liée au documentaire Déluge au pays du Baas dOmar Amiralay, réalisateur syrien décédé en 2011. Quand jai fini de voir ce film, lidée mest venue de raconter la vie de ce vieil homme. En faisant plonger Mahmoud sous les eaux du lac, jai cherché à revisiter lhistoire dun pays, proposer un contre-discours à la propagande dÉtat. Cet homme exhume le passé en plongeant dans des souvenirs balayés. Mais je tenais à ce que le récit soit simple et apaisé, vu le sort réservé à lui et sa famille, ainsi quà tous les dissidents syriens, à savoir la prison et la mort. Cest un contre-discours à la brutalité, la haine et la colère. Mahmoud incarne une parole humaine et fraternelle, en opposition à la barbarie.
À travers ce roman et vos précédents ouvrages, vous abordez la situation au Proche-Orient. Quest-ce qui vous pousse à parler de cette région ?
Jai voyagé au Liban en 2010, invité pour le Salon du livre de Beyrouth. Un monde ma été ouvert et jai essayé de comprendre Jai passé une partie de mon enfance à entendre des éléments parcellaires, via les médias, sur le conflit israélo-palestinien qui représentait quelque chose de terrible. Jai donc décidé de replacer les choses dans un cadre, en le remplissant dempathie, afin de permettre aux gens en Occident davoir un regard moins effrayé. Jai choisi de raconter tout cela par des moyens inhabituels, des paroles partageables par tous au cur de la vie humaine.
Radios
Avant le prix du Livre Inter
- "Écrire
le chaos syrien", Manou Farine, Poésie et ainsi de
suite, France Culture, 9 octobre 2021, 28 min
- "Antoine
Wauters en profondeur", Boomerang, Augustin Trapenard,
France Inter, 3 décembre 2021
- Le podcast du
CNL qui vole dans les plumes... des auteurs, par Pauline Carayon CNL,
8 décembre 2021, 13 min.
Après le prix du Livre Inter
- Livre Inter : Antoine Wauters voulait "écrire
l'histoire de la Syrie avec une parole simple, poétique",
L'invité de 8h20 : le grand entretien, France Inter, 6 juin
2022, 26 min ou en
vidéo
- Antoine
Wauters, L'Heure bleue, Laure Adler, France Inter, 27 juin
2022, 52 min
- Antoine
Wauters, La salle des machines, Mathias Enard, France Culture,
10 juillet 2022, 58 min (à partir de la 34e min).
Choix d'articles
Ils sont innombrables, d'où ce choix :
- "Mahmoud ou la montée
des eaux » : Antoine Wauters face au chaos syrien", Jean
Birnbaum, Le Monde, 25 août 2021
- L'or
des livres, Emmanuelle Caminade, 30 août 2021
- "Comment
ne pas écrire lailleurs", Jeanne Bacharach, En
attendant Nadeau, 22 septembre 2021 (rare commentaire légèrement
critique)
- "La condition syrienne" puis "Le
prix du Livre Inter 2022 pour Antoine Wauters", Anne Crignon,
Nouvel Obs, 28 octobre 2021, puis 6 juin 2022
- =>LE CLOU dans un article publié
le 24 mars 2022 dans le quotidien belge Le Soir, titré "Chacun
chez soi !", Jean-Claude Vantroyen, responsable du supplément
Les Livres du Soir, signale que le comité de lecture des
éditions Penguin
Random House ne publiera pas le roman d'Antoine Wauters malgré
l'enthousiasme de l'éditrice :
"Un Européen blanc ne peut se mettre dans la tête d'un Syrien et parler pour lui"...
Ce qui rappelle la polémique autour de l'Américaine noire Amanda Gorman concernant sa traduction. Et de conclure : "le wokisme fait des ravages idiots"... On est bien d'accord !
ET
SUR LA SYRIE...
Deux livres sortis le mois dernier :
- À
quoi bon encore le monde ? : la Syrie
et nous, Catherine Coquio, Actes Sud, 2022
- Syrie,
le pays brûlé : le livre noir des Assad (1970-2021),
Catherine Coquio, Joël Hubrecht, Naïla Mansour et Farouk Mardam-Bey
(dir.), Seuil, 2022
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