Mahmoud ou la montée des eaux, Verdier, 2021, 144 p.

Quatrième de couverture : Syrie. Un vieil homme rame à bord d’une barque, seul au milieu d’une immense étendue d’eau. En dessous de lui, sa maison d’enfance, engloutie par le lac el-Assad, né de la construction du barrage de Tabqa, en 1973.
Fermant les yeux sur la guerre qui gronde, muni d’un masque et d’un tuba, il plonge – et c’est sa vie entière qu’il revoit, ses enfants au temps où ils n’étaient pas encore partis se battre, Sarah, sa femme folle amoureuse de poésie, la prison, son premier amour, sa soif de liberté.


Prix Livre Inter
Prix Wepler-Fondation La Poste
Prix Marguerite Duras

Antoine Wauters (né à Liège en 1981)
Mahmoud ou la montée des eaux (2021)

Nous avons lu ce livre pour le 21 octobre 2022.
Le groupe breton l'a lu pour le 16 mars 2023.

Les 25 cotes d'amour des deux groupes
Annick L Chantal Manuel Monique L Renée RozennSoazBrigitte T Catherine Édith EtienneJacquelineJean Laura Marie-OdileSuzanneSylvie
EntreetBrigitte L Muriel
Fanny LisaMaëva Yolaine
Claire Françoise Monique SKatell

 

AUTOUR DU LIVRE
Publications d'Antoine Wauters
Quelques repères biographiques
Presse :
- interviews vidéo

- interviews presse écrite
- interviews radio
- articles

Et sur la Syrie...

Nos 18 cotes d'amour
Katell
Claire Françoise
Monique S
Fanny LisaMaëva
Entreet
Brigitte Muriel
CatherineEtienneJacqueline Laura
Annick LManuel Monique L Renée Rozenn

Etienne(avis transmis)
Par quel angle attaquer ce livre ? Celui de la poésie en vers libres ? Ou alors celui historiographique de la Syrie ? Le témoignage poignant d'un homme qui a tout perdu ?
Je dirais que c'est avant tout la prose qui m'a plu ; une polyphonie intérieure d'un homme qui devient fou de douleurs. C'est ciselé, incisif, mais le désordre apparent des différentes voix et temporalités qui se bousculent, s'agencent assez rapidement. On pense aussi à une tragédie Grecque (on n'est tout de même pas très loin de la Méditerranée…) avec ce récit dont on a l'impression que le protagoniste ne cesse de couler malgré ses palmes et son tuba. Aucun espoir, Mahmoud est définitivement voué à perdre tout ce qu'il a aimé ; c'est le cri d'un homme que la douleur a rendu apathique et anesthésié mais dont la mémoire s'efforce de le maintenir à flot. Pour rester dans le champ lexical aquatique, je dirais que la lecture est fluide, limpide.
Si j'ai appris beaucoup de choses, je pourrais toutefois émettre une petite réserve sur l'aspect "exhaustif" du texte, un petit côté "construit" en énumérant chaque tragédie subie par les Syriens et qui vient à chaque fois toucher personnellement Mahmoud : Hafez puis Bachar puis Daech. On passe d'une tragédie à une autre peut-être un peu trop rapidement (ou alors il aurait fallu écrire un livre plus long, ici j'ai trouvé que la forme courte du texte ne s'y prêtait pas ou peu ; un peu comme si l'auteur avait peur de mal faire en "oubliant" une des multiples atrocités du peuple Syrien).
Ouvert aux ¾ : merci pour la découverte !

Laura
(avis transmis)
Ayant refusé de me renseigner sur l'ouvrage avant de l'acheter, ce n'est que lorsque je l'ai ouvert que j'ai découvert que c'était de la poésie. Ce fut une belle surprise. Les premiers vers m'ont tout de suite touchée, ils recelaient une universalité profonde, qui laisse parfois interdit. Tous les vers ne m'ont pas fait cet effet-là malheureusement. Au cours de certains passages, je me suis même demandé si l'usage des vers n'était pas de pure nécessité formelle : les phrases auraient tout aussi bien rendu en prose. Autrement dit, la recherche formelle aurait pu être plus poussée. Mais bon, je me dis que je ne connais pas vraiment le style de l'auteur, et que je suis aussi une grande ignorante concernant la poésie contemporaine.
Quant au fond, je me suis rapidement attachée à Mahmoud, dont l'intériorité révélait une sensibilité exacerbée : ce qui permettait peut-être l'universalité, à l'opposé de la thématique de la guerre. J'ai aimé que le discours passe de Mahmoud à Sarah, à ses enfants, sans que parfois je ne m'en rende compte directement. J'ai aimé l'interruption du discours par les petits poèmes. Il y avait une fluidité du discours qui m'a emmenée un peu comme les vagues que le lac ne possédait pas. La diversité du discours comme la diversité qui compose la ville engloutie, alors. J'ai été touchée, j'ai eu mal en suivant Mahmoud, j'ai été amoureuse en suivant Mahmoud. Je ne sais si l'histoire est vraie ou inventée. Si elle est inventée, je me permettrais de faire la remarque suivante : le viol et la mort de Sarah comme dernier retournement de situation étaient de trop, à mes yeux. Je n'avais pas besoin de cela pour être déjà bouleversée, je n'avais pas besoin de cela pour avoir envie de continuer à lire. L'auteur qui n'est pas le destin s'est peut-être un peu trop acharné.
Je ne lirai sûrement aucun autre livre de Wauters à moins qu'il ne soit réélu au club, ce qui n'empêche que Mahmoud m'a beaucoup plu. J'ouvre aux ¾.

Manuel(avis transmis)
Mon avis sera bref. J'ai ADORÉ ce livre que j'ouvre en très grand ! J'admire l'acuité et la lucidité de Wauters pour son jeune âge :

"Vieillir, c’est devenir l’enfant que plus personne ne voit." (p. 46)

C'est un livre lumineux mais dépressif. Mahmoud n'a pas seulement perdu sa fille mais aussi ses deux fils et sa femme. Il plonge, il s'enlise dans sa fuite. Pour citer Wauters, la guerre est un engloutissement. Le lac a tout englouti. La mémoire des choses est dans le lac. C'est un beau livre sur l'introspection et sur l'aptitude à faire face aux drames et à l'horreur.

C'est aussi politique :

"Quelle valeur a la parole d'un vieillard dans un monde comme le nôtre ? Y a-t-il un sens à durer ?
Le monde est obsédé par ça.
Occuper le plus d'espace.
Durer.
Faire triompher son camp.
Sa lignée.
Son Dieu."
(p. 116)

J'ai hâte de lire vos avis et de connaître votre ressenti par rapport au choix de l'auteur d'écrire en vers libres.
Monique L(en direct comme les suivants)
Un vrai petit bijou que ce texte que j'ai lu d'une traite. La mélancolie et la délicatesse qui s'y expriment m'ont vraiment émue. C'est un texte incroyable d'une grande beauté. J'ai été très surprise lorsque je me suis rendu compte que l'auteur n'était pas syrien.
La remontée par bribes des souvenirs de Mahmoud est fascinante et contribue au magnétisme de ce récit. Je trouve la construction de ce texte très efficace et intelligente. Nous plongeons avec lui dans ses souvenirs, et la lumière sur sa vie se fait petit à petit. Nous naviguons avec Mahmoud entre la violence du monde aérien et la douceur du monde sous l'eau. Le dialogue avec son amour Sarah m'a intriguée, avant que je comprenne qu'il faisait partie de ce qui surgissait de ses souvenirs.
En parallèle de cette beauté lyrique du texte, on revisite sans s'appesantir l'histoire de la Syrie de ces dernières années et celle de la famille El-Assad et principalement de Bachar (l'ophtalmo). J'ai bien apprécié.
J'ai été moins sensible à la poésie syrienne contemporaine, mais sans doute par manque de repères.
Ce qui m'a vraiment intéressée, c'est le rendu des surgissements de la mémoire. C'est fait de façon poétique et très proche de mon ressenti sur le fonctionnement de ma mémoire. C'est un sujet qui m'intéresse depuis longtemps : comment retrouve-t-on des souvenirs enfouis. En vieillissant c'est encore plus énigmatique lorsque l'on recherche un nom, une idée qui sur le moment n'affleure pas et qui surgit alors que l'on n'y pense plus.
La poésie aide-t-elle à ne pas oublier ?
J'ouvre en grand.
Rozenn(à l'écran)
J'ai été complètement embarquée, j'étais stupéfaite. Le fait que ce n'est pas un poète syrien, si c'est critiqué, c'est comme si lecteur on ne pouvait lire que ce qui concerne ce qu'on est. Je me souviens d'un livre qui mettait en scène une femme qui vivait avec sa fille et qui faisait une thèse… : que c'était chiant. La littérature, ça permet d'accéder au différent, lecteur ou auteur.
C'est un livre absolument magique. Après Les Vilaines, le lire c'était stupéfiant. Les deux sont extraordinaires, et tellement différents. Oui, j'ai trouvé ce livre vraiment magique.
Pourquoi ? C'est la façon de mêler l'intime et le politique, la façon dont il emmène le lecteur, la phrase. Qu'est-ce qui m'a plu ? Tout.
J'ai regardé après ce qu'il était. J'ai lu deux ou trois nouvelle complètement différentes, j'ai aimé vraiment aussi. Il y a quelque chose de presque violent et on retrouve des thèmes de ce livre. J'ouvre en très très grand.

Katell
Je me suis posé la question : "pourquoi avoir choisi cette forme ? Qu'apporte-t-elle de plus que si c'était écrit en prose ?"
À mon avis, mise à part l'envie de montrer que c'est bien de la poésie qu'il écrit, je ne vois pas ce que ces vers libres apportent.
J'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de formules et de clichés (pour la liste des clichés voir l'avis de Maëva*) et on a là un récit assez bateau, du déjà vu (relations aux femmes, aux enfants, métaphores...). L'auteur peine à incarner ce vieil homme et les événements qu'il raconte (déjà lus chez Riad Sattouf et L'Arabe du futur). Ne se met pas dans la peau d'un vieux Syrien des années soixante-dix qui veut. Je n'ai pas ressenti d'émotion, mais lu un chapelet de formes et de formules toutes faites qui sont censées faire émotion. Je trouve que l'ensemble sonne faux, donne une impression de "bidonnage" comme on dit chez les journalistes, rédigé bien au chaud. Alors je lance le débat : appropriation culturelle ? Littérature faite avec le malheur des autres ?
Je ferme.
*précision qui suivra le tour de table
Jacquelinequi avait apporté un plat syrien, appelé tisieayeh...
Ce livre se mérite !
Au début j'ai été agacée par la forme qui me rappelait À la ligne de Ponthus où elle était justifiée par le jeu de mots sur la "ligne" de production et le morcellement de la pensée qu'impliquait ce travail. Ici, je comprenais d'autant moins que les groupes de souffle n'était pas toujours respectés et que ça me ralentissait... Au début aussi, le thème me rappelait Le convoi de l'eau d'Akira Yoshima, un livre magnifique lu au groupe, sur la disparition (et la persistance réelle ou rêvée ?) d'une très ancienne civilisation...
Ce faisant, j'ai appris des choses sur la dynastie des Al Assad... Mais je n'avais guère envie en ce moment de lire une histoire de vieillesse désespérée et solitaire, ni de plonger dans cet ailleurs sans repères !
Je n'ai compris que très tard que les interventions de Sarah, qui m'étonnaient un peu, n'étaient que ce qu'en recompose le narrateur (vivre à travers la perception ou le souvenir des autres ?)
Finalement j'ai été sensible au haché des souvenirs : des morceaux de bonheurs brisés, tout est en éclat sans rémission possible ni échappatoire. Les destins sont barrés. On ignore le sort de ses enfants dans la guerre, avec tout ce qu'on peut en imaginer et qui fait cauchemarder le narrateur. Cela m'a rappelé un autre livre que nous avions lu, Une femme fuyant l'annonce" de David Grossmann, autre guerre mais mêmes douleurs.
Certaines images m'ont frappée par leur originalité : les bourgeons violacés des arbres sous l'eau comme des "orteils d'enfants", beaucoup plus tard à propos sans doute de pâquerettes "les tartelettes blanches" de ces fleurs...
Au moment où le narrateur rapporte les paroles du soldat qui l'encourage à manger quelque chose, je l'ai vu par le regard extérieur de cet ami avec tout son dénuement et sa détresse, poignant, peut-être parce que cela m'a renvoyée à des situations vécues de vieillards qui se laissent mourir... J'avais noté à un autre moment :

"Voilà ce qu'est vieillir.
N'avoir plus d'endroit où cacher sa douleur.
Pourrir dans une eau noire qui monte et inonde tout.
"

Même si la forme peut paraître celle de la poésie, je n'avais pas pensé que cela pouvait en être, ni établi de rapport avec le narrateur poète, fils d'un père qui récitait des poèmes et mari d'une férue de poésie russe (Maïakovski et Akhmatova, drôle de rapprochement !) J'ai été très contente et surprise de découvrir en fin de lecture que les poèmes attribués au narrateur étaient d'authentiques poèmes syriens. Ils ne m'avaient guère touchée (il est bien difficile d'apprécier un poème traduit !) mais j'y ai vu un hommage aux poètes réels syriens et à leur situation. J'avais noté ce que dit le narrateur :

"Quant aux poèmes que je sais, ils planeront dans l'air.
Et cela n'aura plus aucune importance.
Plus personne ne sera là pour les entendre.
"

En même temps, la poésie, quintessence du langage, me semblait propre à la survie de l'humain. Je pensais à L'écriture ou la vie de Semprun ou à Proust contre la déchéance de Czapski que nous avions lu au groupe...
Finalement ce livre auquel je résistais au début m'a permis une belle plongée dans des souvenirs littéraires et je me suis attachée à son narrateur. J'ouvre aux ¾.
Catherine
J'ai marché aussi. Je me suis laissé embarquer, séduire. Je me suis parfois demandé si ce n'était pas un peu cliché, mais ça ne m'a pas arrêtée dans ma lecture. J'ai aimé l'image de ce vieil homme seul dans sa barque, qui a tout perdu et qui plonge vers son village englouti et ses souvenirs. Je l'ai trouvée poignante même si c'est peut-être un peu too much.
J'ai trouvé que la forme s'accordait avec le fond, avec les souvenirs qui remontent par bribes, dans le désordre. L'histoire et le personnage m'ont touchée. On découvre le passé de Mahmoud par petites touches, ça peut paraître un peu décousu au début, mais ensuite les morceaux s'assemblent.
J'ai aimé qu'on ne s'appesantisse pas sur les horreurs : c'est seulement esquissé, Mahmoud parle de têtes bleues dans un sac qu'il a repêchées, ça passe très vite, on se demande si on a bien lu. Seule, la scène de la fin est évoquée de façon plus précise. On n'est pas certain au début que sa femme était morte, on s'en doute seulement ; ses enfants sont partis se battre mais on ne sait pas s'ils sont morts.
On voit défiler en toile de fond, parallèlement à l'histoire de Mahmoud, l'histoire terrible de la Syrie, les Hassad, père et fils ; les massacres, les tortures. Ça ajoute à l'intérêt du livre.
On pouvait prévoir qu'il y aurait un débat sur le fait que c'est écrit "de loin", par quelqu'un qui ne l'a pas vécu mais ça ne me pose pas de problème que l'auteur ne soit pas syrien.
Globalement j'ai aimé ce livre malgré quelques clichés et des impressions fugitives d'un côté un peu fabriqué ; je suis contente de l'avoir lu. Je l'ouvre aux ¾.
Maëva
Je ressors de cette lecture avec un sentiment mitigé. J'ai d'abord été surprise par la rédaction en vers libres, me demandant bien l'intérêt que la forme apportait au récit. Peu à peu, j'ai tout de même réussi à me laisser emporter par la poésie nostalgique qui se dégage de ces souvenirs éclatés.
Il y a deux passages qui m'ont marquée. Le premier est celui où Mahmoud se trouve en prison et n'a d'autre support que sa salive et un morceau de faïence pour écrire. Puisque cela ne fonctionne pas, il mémorise ses poèmes. Je trouve que ce moment matérialise bien l'épreuve du temps qui est aussi à l'œuvre dans le lac, ainsi que l'errance qui en résulte. Tout finit par disparaitre. Le second est celui des fouilles archéologiques. Il y a un effet de résonance que j'ai trouvé intéressant, puisqu'il y a cette idée d'explorer les profondeurs en dessous de nous pour découvrir le passé : la surface du lac qui enfouit les vestiges du village et, encore plus bas encore, les traces d'autres temps anciens. La mention de l'appropriation culturelle est intéressante, même si elle est seulement effleurée.
De manière générale, j'ai apprécié le sentiment d'illusion qui berce l'histoire, entre le présent, le passé, la réalité et l'imaginaire. Les frontières sont floues, comme dans l'esprit de Mahmoud.
Même si j'ai lu le livre avec facilité et fluidité, je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages. Je suis restée extérieure au récit, en partie parce que le paysage décrit reste souvent trop abstrait. On sent bien sûr toutes les recherches qui ont été menées pour apporter du réalisme et un aspect tangible, pourtant la Syrie reste impalpable et les paysages sans reliefs. Certes, nous avons devant nous de nombreuses spécialités culinaires locales, mais est-ce suffisant pour s'immerger ?
De la même manière, je ne parviens pas à être totalement emportée par la folie de Mahmoud en tant qu'écrivain. Il y a aussi beaucoup d'images convenues comme "les pétales de fleurs" pour parler des lèvres, "le buisson de lumières" pour évoquer le cœur ou des "poèmes de lune, d'eau et de vent", des métaphores qui sont d'ailleurs plusieurs fois répétées tout au long du texte. J'ai un peu le même ressenti pour la description de la guerre, ça reste convenu.
J'ouvre à moitié.

Claire

Tout d'abord j'aimerais dire mon accord total avec ce qu'a dit Rozenn. Ceux qui accusent d'appropriation culturelle les auteurs dont le narrateur est quelqu'un d'autre qu'eux me semblent relever d'un nouvel obscurantisme. En revanche qu'on critique Wauters autant qu'on veut sur le fait que littérairement il n'a pas rendu sensibles la souffrance du narrateur ou l'évocation de la nature, c'est autre chose : il s'agit de littérature et non de dogme extra-littéraire. Si on suit Katell, on censure les Misérables de Hugo - "littérature faite avec le malheur des autres" - je veux par là montrer l'absurdité ou pire le danger du point de vue.
J'ai commencé à lire ce livre non vierge : a priori positif par rapport à un Verdier jaune, avis unanime du club de lecture narbonnais de Renée qui nous l'a signalé, confirmé par la lecture d'Annick L ; mais aussi a priori négatif de par la réaction de Françoise, ne l'ayant pas lu, mais étant hyper rétive. Le livre a eu le prix du livre inter dont j'ai lu certains avec le groupe :
Agnès Desarthe, Un secret sans importance ; Ahmadou Kourouma, En attendant le vote des bêtes sauvages ; Henry Bauchau, Le boulevard périphérique ; Olivia Rosenthal, Que font les rennes après noël ? : des livres parfaitement pour-le-groupe-lecture. J'étais donc semi vierge mais prête à tout.
Le choix formel m'a comme Jacqueline fait penser à À la ligne que nous avions lu : récit en vers ou poème narratif, on n'est donc pas complètement étonné grâce à Voix au chapitre...
J'ai commencé par jouer aux devinettes avec intérêt : qui écrit en ouvrant des parenthèses à la troisième personne dans un discours à la première, est-ce réel, qui est qui puisque le je change.
À la fin de chaque chapitre, je suis revenue au titre qui était peu compréhensible et j'ai fini par trouver les titres un peu affectés.
Pourquoi des vers ? Mahmoud est poète et donc il écrit en vers ? Soit !
Je me suis un peu lassée de jouer aux devinettes. J'ai donc commencé à sauter, d'autant que le sujet principal me semble-t-il - la Syrie - est horrible. Double raison.
Je l'ai donc fini cahin-caha et ai découvert après la dernière page que tout ce qui était en italiques que je pensais de Mahmoud fictif était de vrais poètes, bon. Á ce stade, j'ouvrais ¼, avec une impression d'ennui, de fadeur.
Je ne savais rien de cet auteur français, sur ce qui l'a conduit à écrire un livre sur la Syrie. Je l'ai ensuite découvert et ça n'a rien ajouté à mes impressions de lecture. J'ai écouté ou lu de nombreux interviews : tout ce qu'il dit sur son livre m'a ennuyée. J'ouvre un quart.
J'ai feuilleté plusieurs de ses livres à la bibliothèque que j'ai trouvés aussi mortels, sauf un très court texte autobiographique sur son enfance dont j'ai beaucoup aimé l'écriture (en ligne ici)
J'admets que lorsqu'on rejette un livre, et c'est grosso modo mon cas, on est un peu bête, peu subtile. Je lirai tout à l'heure un extrait de la seule critique réservée que j'ai trouvée.
Brigitte entre et
(à l'écran)
Pour moi, ce fut une lecture compliquée.
Jamais je ne réussissais à me sentir concernée par cette lecture. Était-ce le genre littéraire choisi ? J'avais l'impression de faire du sur place en permanence. Rien n'évoluait dans la narration. Je me répétais que pour aborder un sujet aussi horrible que la guerre en Syrie, la solution choisie était la bonne, sinon il aurait fallu imposer au lecteur une expérience trop pénible, insupportable.
Je retenais essentiellement des aphorismes :

"Je suis vieux […] parce que j'ai sept ans tous les jours depuis sept décennies, mais personne ne le voit." (p. 46)

"Voilà ce qu'est vieillir. N'avoir plus d'endroit où cacher sa douleur." (p. 53)

"Qui a dit que vieillir c'est oublier ?" (p. 68)

"Ainsi sont faites les mères : taillées dans le bois du souci." (p. 102)

"Ce temps d'avance que l'écriture a sur la vie" (p. 106)

Jusqu'au texte n°15, "Alep" (p. 107), c'est à partir de ce moment que je me suis sentie concernée… et même très concernée par cette lecture bouleversante, surtout par le texte n° 17, "Des sorbets au goût de liberté" (p. 122), où l'auteur fait parler Sarah et révèle toute la cruauté, quasiment indicible, des évènements. De cette dernière partie, je retiens encore certains passages :

"Je suis mort d'être resté en vie" (p. 120)

"La nuit tu écrivais dans ton petit cabanon des épreuves, où tu cherchais ce qui grouille dans l'antichambre du rêve, ce qui se produit quand on frotte la mémoire et l'oubli, ce qui naît quand on laisse parler ce que la mémoire perd, mais garde pourtant." (p. 123)

"Comme si tu ne pouvais écrire que le manque. Ce fruit qui, une fois avalé, se rétracte." (p. 126)

J'ouvre entre ½ et ¾. En effet, s'il n'y avait pas eu le groupe lecture, j'aurais abandonné avant la fin.
Lisa
J'ai été perturbée au début par les vers libres. Pourquoi ? Je ne comprends pas les vers libres. Pourquoi ne pas écrire de la prose ? Je dois être trop rigide mais la poésie pour moi c'est en vers, sinon je n'en vois pas l'intérêt. Les césures sont parfois faites à des endroits étranges dans la phrase. Ça a compliqué ma lecture.
J'ai été gênée par le fait que l'auteur ne soit pas syrien et j'ai essayé de comprendre pourquoi. Il ne faut pas confondre l'auteur et le narrateur je le sais. On avait eu le débat pour De pierre et d'os. Mais là ce qui me gêne c'est qu'il me semble que le point de vue est très occidentalisé : pas sure que tous les Syriens aient été aussi critiques du régime d'Assad père par exemple. C'est, il me semble, une vision occidentale : "ce sont des monstres et voilà".
Au contraire de certains, je trouve que l'enchaînement des drames, le mélange, la confusion, c'est percutant et fort. C'est quand même émouvant parfois (la mort de sa femme…)
J'ouvre à moitié !
J'ai envie de découvrir l'autobiographie de l'auteur recommandée par Claire.

Françoise D
J'avais en effet un a priori après avoir lu les deux premières pages et écouté des dithyrambes dégoulinants. J'avais donc une méfiance.
Je rejoins Katell, Maëva, avec l'impression d'une forme d'écriture fabriquée qui ne rend pas réceptif. Et pourquoi des vers ? Je ne vois pas de raison. Il est vrai que je suis rarement sensible à la poésie, et là cette forme me paraît artificielle, bling-bling… Je n'ai pas vu une belle écriture.
La seule chose que je reconnaisse, c'est l'idée qu'il a eue de s'attacher à ce personnage pour nous faire passer par des épisodes de la Syrie, avec entre autres l'histoire du barrage et du village englouti.
Ça ne me gêne pas qu'il soit belge. Je n'ai pas accroché, j'ai peu ressenti d'empathie, j'ai eu du mal à visualiser les personnages, et encore moins le décor.
Si nous ne l'avions pas choisi, je ne serais pas allée jusqu'au bout. J'ouvre un quart. C'est dommage si les autres livres sont bien. Il a le mérite d'empoigner ce personnage et à travers lui la Syrie. Il tire sur la corde de la sensiblerie. Même si réellement c'est atroce. C'est vrai que c'est un témoignage qui peut ouvrir les yeux.

Muriel entre et

Ça m'a bien plu et j'ouvrirai entre ½ et ¾. J'ai aimé cette forme de vers libre j'ai aimé même à regarder, je ne me suis pas dit on a niqué la moitié de la page...
Il y a énormément de poésie et c'est touchant. J'ai aimé l'évocation des guerres de cet ignoble Hafez qui mentait.
Mais je l'ai lu en plusieurs morceaux… et je me perdais qui est donc Sarah. Je devrais lire une deuxième fois les livres qu'on lit dans le groupe.
Mais indéniablement j'ai trouvé que de la poésie se dégage de ce livre.
Fanny
Je suis contente de parler à la fin car en arrivant je ne savais pas ce que j'allais dire. Vos contradictions correspondent à mon hésitation…
J'ai été happée par la forme. Par moments, j'ai lu la forme sans m'attacher au fond comme si la forme faisait écran. Et je ne faisais pas l'effort de me détacher de la forme pour aller vers le fond.
Manuel dit que c'est dépressif et c'est peut-être pour cela que je n'ai pas fait d'efforts.
Il y a une semaine où je suis restée sans le lire, ça signifie qu'il y a un truc qui grippe… Je l'ai repris mais sans plaisir pour le fond juste pour le plaisir de la forme.
C'est un beau témoignage mais qui semble un peu surfait. Donc j'ouvre à moitié mais j'aurais aussi bien pu ouvrir au ¼ ou à ¾.

Annick L
J'ai été tout d'abord surprise par la forme de ce texte, une sorte de prose poétique, fragmentée, désordonnée, qui va et vient entre le présent bien réel du récit, des bribes de souvenirs d'époques différentes et des rêveries flottantes. Et je me suis interrogée sur le personnage aux contours mal définis de ce narrateur. Qui est ce vieil homme contemplatif, à bord de sa petite barque sur le grand lac El Assad, en Syrie ? Qu'est-ce qui l'a conduit à cet état d'extrême dénuement ? La suite nous permettra de rassembler les bribes de cette existence en ruines.
Ensuite, je me suis simplement laissé porter par cette voix à la fois puissante et douce (Mahmoud a été un grand poète !). J'ai été émue par la complainte de ce vieil homme solitaire qui cherche ce qui pourrait encore lui permettre de s'accrocher à la vie. La dictature et cette guerre civile interminable ont tout réduit à néant : les deux femmes qu'il a aimées, ses enfants partis faire la guerre, ses amis, son statut social d'intellectuel, en tant que professeur et écrivain reconnu, et même sa demeure pleine de souvenirs heureux. Certes il est rongé par la maladie et le temps lui est compté, mais c'est assez pour remonter le fil de ses souvenirs (heureux et malheureux) et jouir de quelques sensations agréables, sous le signe de l'eau bienfaisante : le livre commence avec l'évocation magnifique de la plongée du vieil homme dans le grand lac El Assad et la vision du village englouti où Mahmoud a vécu pendant son enfance. Et ses plongées continueront à tisser le récit : flotter, plonger, se laisser couler ? Cette métaphore est une belle trouvaille.
J'ai beaucoup aimé aussi le dialogue qu'il entretient avec son épouse défunte, Sarah, assassinée de façon atroce (on l'apprendra vers la fin), jusqu'à imaginer, à la fin, entendre la voix de celle-ci, brièvement.
Et surtout j'ai trouvé très intéressant que cette remontée dans les souvenirs personnels du narrateur soit ancrée (même si le décor est un peu artificiel) dans le drame politique de la Syrie, sous le joug d'une dynastie (père et fils) de dictateurs sanguinaires qui n'hésitent pas à faire la guerre à leur peuple, de la façon la plus barbare, et depuis des décennies. La dénonciation n'est pas théorique, elle est à hauteur d'homme, très concrète et d'autant plus terrible. Elle a, de ce point de vue une portée tristement universelle.
Un grand roman.

Rozenn
Je suis tellement d'accord avec toi sur la douceur.
Renée
(à l'écran)
C'est mon deuxième coup de cœur de ma saison 2021-22 avec L'ancêtre.
Une participante de mon club de lecture à Narbonne a proposé l'an dernier de lire Mahmoud ou la montée des eaux bien avant qu'il ait un prix littéraire. Le choc : magnifique livre écrit comme un poème dans le genre du Cantique des cantiques. Le sujet est terrible : un Syrien plonge tous les jours dans le lac El Assad au barrage de Tadqa qui a englouti son village. En plongeant, dans le lac il descend dans son passé, évoque ses deux épouses aimées, mortes violemment, ses enfants partis au combat, dont il n'a aucune nouvelle... Il raconte également les horreurs perpétrées par la sanguinaire famille El Assad (j'ai apprécié l'évolution de l'étudiant ophtalmologue studieux en tyran).
Mais jamais de pathos, le texte est ciselé, l'écriture est poétique, sensorielle, une performance pour nous faire accepter la brutalité de l'histoire. C'est un poème épique, une tragédie classique.
La beauté du texte m'a fait oublier l'horreur de ce qui est raconté : je me suis laissé emporter par l'écriture.
Minuscules reproches : quelques rares clichés et Wauters critique l'Unesco qui creuse puis emporte en souvenir (et paiement) quelques vestiges. Oui, MAIS les autochtones islamistes détruisent beaucoup (Petra a été bombardé) Actuellement l'Occident sauve plus qu'il ne vole.
Antoine, je vous pardonne ces petits défauts, je ne me suis pas ennuyée une seconde : votre livre est trop beau.

Claire lit un extrait d'En attendant Nadeau :

Puisque Mahmoud est écrivain, amoureux de la langue, on s’interroge sur son absence de réflexion sur la langue [...] C’est ici le français qui s’impose dans la bouche d’un homme syrien : ce choix d’écriture, loin d’être incohérent pour une fiction et dans un pays où le français est l’une des langues apprises par l’élite, n’est pourtant pas non plus anodin. Derrière l’usage univoque du français comme langue de Mahmoud, et face à l’absence de réflexion sur ce choix, la figure de l’auteur francophone, loin du trouble et de l’effacement auxquels il vise, se surimpose avec une forme de violence. La Syrie avec ses paysages et son histoire tragique tend alors à apparaître avant tout comme un décor impalpable.
Le souffle lyrique qui anime la voix de Mahmoud peine à donner vie aux récits de guerre qu’il tente de déployer par bribes. Si le héros affirme qu’"écrire demande folie et foi", la foi et la folie se font peu ressentir, tant sa voix se trouve prisonnière d’un carcan de phrases convenues. Ainsi le cœur est-il un "buisson de lumières", la bouche de Leïla, l’amoureuse tant aimée, "des pétales de fleurs" ; "poèmes d’amour, et de lune et de vent", peau "aux éclats d’amande douce" d’Asma, la future femme de Bachar el-Assad. Le langage fleuri retient la folie de Mahmoud et l’empêche d’éclater au seuil de la mort. À travers ce langage, c’est sa vision du monde qui se trouve aussi contrainte dans des clichés regrettables. Selon une certaine tradition poétique androcentrée, les femmes se retrouvent associées au sucre et aux fleurs.

Maëva avait bien pointé certains de ces écueils.


À propos de l'appropriation culturelle, voir sur le site Voix au chapitre à la fin des avis sur Le Jour de la chouette de Leonardo Sciascia, en 2020, un échange sur le sujet : Jacqueline compare deux auteurs lus dans le groupe, Sciascia (Sicilien écrivant au sujet de Siciliens) et Powers (Blanc écrivant au sujet de Noirs) : on lui rétorque qu'on peut être sicilien et piètre écrivain... Jacqueline répond authenticité...
Lisa demande s'il faut regretter que Nabokov n'ait pas été pédophile pour Lolita ! Des romans plongeant dans l'horreur sont évoqués où les auteurs n'étaient pas nazis...
À nouveau, ce qui est le propre de la littérature et du talent d'un écrivain - inventer un univers - est mis en cause. Manuel rappelle que c'est la troisième fois en quelques mois :
- pour Powers où Nathalie avait remarqué que Blanc il gagnait de l'argent en faisant un roman sur les Noirs...
- pour Bérangère Cournut où Etienne avait fortement contesté sa légitimité pour parler des Inuits sans être allée au Groënland ; il n'était pas le seul  et du coup Claire en avait eu une crise de nerfs littéraire... partagée par Lisa
- et de nouveau pour Sciascia qui lui serait légitime pour faire un livre sur la Sicile parce qu'il est sicilien...
Manuel ajoute alors que depuis plus de 30 ans que le groupe existe, jamais ces questions ne sont apparues dans le groupe.
Claire constate que l'air du temps doit en être la cause, avec les ravages du politiquement correct...
Polémique à suivre, qui nous change de "est-ce un livre pour le groupe lecture ?"...
C'était il y a deux ans...

Etienne, lisant ces lignes
Petite précision parce ma position était quand même plus nuancée que ce qui apparaît et que je suis régulièrement cité dans cette discussion sur l'appropriation culturelle, ce qui me chagrine fort : ce que je reprochais à Bérangère Cournut était l'ajout de photographies inuits à la fin du livre et qui induisait tout de même une confusion sur sa position je trouve ; pour moi elles étaient de trop. Je n'ai évidemment aucun problème à ce qu'on écrive un roman sur les inuits en ne bougeant pas de Paris...

Claire
Merci Etienne pour ces nuances nécessaires, car on aime bien caricaturer...
Monique S
J'avais lu le livre d'Antoine Wauters ; je n'avais pas voulu donner mon avis avant la séance et j'ai pris grand plaisir à lire les commentaires.
C'est vrai, le personnage est attachant.
Côté poésie, je m'interroge. D'ailleurs à la fin de ma lecture, j'avais l'impression d'avoir lu un texte en prose ; je ne sais si le retour à la ligne apporte quelque chose. Il y a des passages poétiques certes ; certains ont trouvé des images faciles. Peut-être a-t-il voulu utiliser les sujets classiques de la poésie persane.
Ce qui m'a un peu déçue, c'est qu'on apprend rien sur la Syrie, on retrouve en effet les grands sujets traités dans les infos, documentaires.
Certains se sont posé la question de la légitimité de Wauters à endosser la vie d'un Syrien. Cela ne me choque pas. Je pense que l'écrivain aborde ce sujet de la Syrie (de l'Ukraine un jour peut-être) car il tourne autour d'une douleur d'être au monde, dont il ne peut ou ne veut parler. Peut-être un jour sera-t-il à même de creuser directement ce qui le touche lui, sans passer par un porte-drapeau.
J'ai trouvé cette lecture agréable ; et je comprends les gens qui l'ont aimé. Mais en même temps je sais que c'est un livre que j'oublierai...
Alors, que je n'oublierai jamais, par exemple, des œuvres comme : Syngué sabour : pierre de patience de Atiq Rahimi ou Une trop bruyante solitude de Bohumil Hrabal.


Les 9 cotes d'amour du groupe breton
réuni le 16 mars 2023
ChantalSoaz
Brigitte T ÉdithJean
Marie-Odile
SuzanneSylvie

Yolaine
 

Synthèse rédigée par Yolaine
(suivie de 7 avis détaillés)

Écrasante unanimité de fans enthousiastes moins une voix, à tel point qu'on pourrait se demander si c'est vraiment un livre pour notre club de lecture (breton, je veux dire) tant le consensus tue dans l'œuf la contestation, et même la conversation.
Le choix du sujet, très simple, dans un décor dépouillé de tragédie grecque, est en effet très fort. Dans le contexte de la guerre en Syrie, un vieil homme rame à bord d'une barque sur le lac el-Assad, et effectue une plongée hypnotique dans ses souvenirs et dans la souffrance de sa vie dévastée.
Désastre individuel et engloutissement collectif : nous sommes sur les eaux de l'Euphrate, aux sources de notre civilisation. Au fond du lac, des sites antiques et des villages modernes, témoins du cycle de la vie et de la mort. Mahmoud navigue entre deux espaces limités par la ligne d'eau, à la recherche du bonheur perdu, mais ce sont des scènes terribles de viols et de meurtres qui remontent à la surface. Multiples références culturelles, on pense au Styx et à Orphée. La menace de la rupture du barrage qui pèse sur les habitants évoque inconsciemment le Déluge biblique. Le poids de l'histoire brise impitoyablement les rêves nostalgiques de l'enfance et de la jeunesse, il renvoie Mahmoud à sa solitude, sa vieillesse et son désespoir, à son impossibilité d'oublier qui rend la résilience impossible.
La beauté du texte, d'une grande simplicité, en vers libres et découpé en chapitres très courts, est conçu comme un long poème de douleur, au-delà des mots, et a aussi rassemblé presque tous les suffrages, suscitant une forte émotion et même de vraies larmes. La poésie est
d'ailleurs traitée comme un personnage à part entière qui occupe une place essentielle, quasiment thérapeutique, dans la vie de Mahmoud et de Sarah.
Au-delà du conflit syrien, qu'il a le mérite de rappeler à notre mémoire, ce drame résonne de façon particulière avec la renaissance de la guerre au cœur de l'Europe, et peut apparaître comme une métaphore des malheurs d'aujourd'hui. Il prend à ce titre une dimension universelle.
Lors de notre échange, personne n'a vraiment soulevé le problème de l'identité et du point de vue de l'auteur, qui n'est pas syrien mais belge, tout le monde ayant constaté avoir eu l'illusion qu'il était vraiment syrien. C'est peut-être pourtant la raison pour laquelle on peut ressentir un malaise à la lecture de cet ouvrage très misérabiliste et qui ne laisse aucun ressort, aucune lueur d'espoir à son personnage principal, victime dépressive, démolie, condamnée à la torture éternelle et à la noyade. Refuser de céder à l'émotion provoquée par une narration qui est filtrée par un regard extérieur, est-ce la manifestation d'un manque d'empathie pathologique, ou le sursaut du lecteur qui lutte pour ne pas sombrer dans le masochisme sous l'effet d'une possible manipulation ? Avec cette méfiance-là, la musique de la poésie perd de son envoûtement, les mots deviennent creux, les idées se transforment en clichés, le doute et l'ennui s'insinuent et rendent le texte artificiel et peu crédible. Mais c'est là le point de vue d'une minorité.
Jean
Le roman est celui d'un homme Mahmoud Elmachi, un vieux poète syrien, dont les souvenirs gisent sous l'eau du lac El Hasad, tandis que, la solitude et la guerre sont à la surface.
Il est tantôt sur sa barque, tantôt en plongée au milieu de son village submergé par les eaux d'un barrage. Et quand il est ailleurs c'est dans la guerre. L'écriture se veut chaotique comme les mouvements de la barque, mouvements absurdes du balancier de ses souvenirs avec la "surface".
Portée par une écriture en vers libre, cette prose poétique est faite d'images liées à la nature, où le cœur de sa femme est un buisson de lumière et les algues se gonflent comme la chevelure des morts.
Poésie du début qui contraste avec la violence. Celle-ci monte dans le texte et les spectres de sa famille disloquée par la guerre, des odeurs, des couleurs, font surface. Écriture qui rend palpable le lent désespoir du narrateur, teintés de nostalgie pour des paysages, des gens et des époques rayés de la carte, noyés sous les flots, tout autant que la tendresse et la mélancolie qui illumine l'histoire.
C'est aussi une écriture qui tente de nous faire dépasser une capacité d'imagination limitée aux actualités sur la Syrie, une écriture qui raconte la réalité pour faire sens.
Brigitte T
La Syrie… géographiquement pas très loin de nous. Mais si loin cependant : Daech, la corruption, les droits de l'homme bafoués en Syrie. Où en est la Syrie qui se voulait moderne, un pays pour tous ? Qu'est devenu le patrimoine culturel ? La liberté d'écrire et de penser ?
Hafez el-Assad fait construire le barrage sur l'Euphrate qui ensevelit les villages mais pas les souvenirs. Projet utopique ? Aujourd'hui la guerre et Daech - État terroriste - tuent, détruisent, massacrent. Bachar el-Assad règne. Dans le roman toutes les problématiques de ce pays se trouvent concentrées et "ensevelissent" Mahmoud qui seul au bord du lac avec son masque et son tuba recherche de la douceur dans ses souvenirs pour pouvoir survivre.
Livre ouvert aux ¾. J'ai aimé lire ce livre au vocabulaire simple, les mots sonnent justes. La forme en vers libres est plaisante, "aérée" et me permet de reprendre mon souffle au milieu des horreurs. Phrases courtes. Pour moi, pas de place à l'inutile. Je partage l'émotion de Mahmoud même si je ne suis pas totalement en accord avec sa réflexion sur la nostalgie… Mais je n'ai rien vécu de tel. Pour ce vieil homme, la nostalgie est une chose pure. Même si parfois il est prêt à basculer : j'avais perdu le sens. La fameuse direction de la vie.
Cet homme est un être qui recherche la liberté et vit en solitaire, brisé, séparé de sa propre vie. Au moins sur ou sous l'eau les soldats de Bachar ne lui volent pas ses rêves, il retrouve les êtres qu'il a tant aimé, il peut enfin le leur dire. Il renoue avec ses souvenirs.
Je le trouve attachant ce vieillard au combien incapable de résilience, sans doute malade d'un cancer de la peau dont il parle peu mais surtout malade dans son âme et en péril car à la limite de la folie dans ce pays où les rêves passent par les armes et où avec Bachar el- Assad les monstres ravageurs naissent de la nuit.
Attachant, poète et philosophe !
Lui qui ne trouve pas dans son cœur ce buisson de lumière qu'il aimait tant chez sa femme poète mais un futur ridicule. La vie lui a enlevé un à un ses parents, son premier amour Leïla qui meurt avec le bébé en couche, arraché sa femme Sarah, perdus ses trois enfants ; tous ces êtres qui comptaient pour lui à la folie dans ce beau pays caressé par le soleil.
Lui qui a connu pendant trois ans les affres de l'emprisonnement, de la torture, de l'endoctrinement et de l'humiliation a cependant continué à écrire des poèmes inscrits dans sa mémoire, des poèmes qui ne laissent pas de trace, qui ne seraient pas repris. Il dit : Mes poèmes ne sont pas des poèmes. Ce sont des vers remplis de peur, de rage et de peine.
Lui qui malgré son peu de force trouve encore sa vie belle mais vide.
Lui qui choisit le lac pour retrouver la douceur de la vie et pour oublier la réalité de la guerre : l'eau qui me respire et me console comme seule le peut une mère.
Lui qui dans le lac reprend une forme de liberté : la liberté n'ayant rien de naturel chez nous.
Dès les premières pages, je suis captivée par ce roman où Mahmoud est le fruit de l'imagination de l'auteur. Ce dernier témoigne, je pense fidèlement, d'un conflit contemporain que l'actualité ne nous permet pas d'oublier… bien longtemps. Et oublier c'est peut-être se protéger. Ce livre m'interpelle sur le poids de l'Histoire et sur le fait que l'Histoire envers et contre tout bouleverse nos vies. Dans ce cas être résilient et poursuivre son chemin est-ce possible ? Je dirais non avec Mahmoud. Je dirais oui avec le roman que je lis actuellement L'autre moitié du soleil de l'auteure nigériane Chimamanda Ngozi Adichie. C'est un roman où je trouve un intense message d'espoir alors que l'Histoire et la guerre entre Biafra et Nigéria bouleversent le bonheur et la Vie.
Je fais également le lien avec deux histoires vraies que j'aime : les bandes dessinées L'Arabe du futur et le film Les nageuses (2022), histoire de deux sœurs quittant la Syrie ravagée par la guerre avec entre autres l'objectif de participer aux JO de 2016 à Rio.
Marie-Odile
Texte lu il y longtemps et non relu.
J'ai le souvenir d'un récit poétique, tout en sensibilité, sorte de complainte en mode mineur. Un texte un peu hors du temps avec cet homme qui replonge dans son passé, retrouve ses disparus, et en même temps un texte ancré dans la Syrie de Bachar el-Assad, avec ses atrocités et ce barrage aberrant.
J'avais aimé découvrir ce texte. Je l'ouvre aux ¾.
Sylvie
Doucement, à coup de petites phrases courtes, de retours à la ligne comme des coups de rame, Mahmoud nous embarque sur le lac. Au rythme d'un clapotis, il nous fait plonger dans les eaux bleutées de son passé. Le silence de la plongée, la lenteur des mouvements, la pénombre, le corps porté, glissant fluide dans le liquide apaisant, Mahmoud redécouvre ses souvenirs immergés. Comme au cœur d'un ventre maternel, il retrouve les joies englouties de son passé... l'apnée... le bleu… le village... l'apnée, le souffle... mais il faut remonter...
Éclat blanc du grand soleil lumineux, nous voilà avec lui, à la surface... où est la barque, le repère ? Tout paraît si calme.
À force de phrases courtes comme un essoufflement, le lecteur s'immerge dans la vie de Mahmoud. Ses amours, ses enfants, son travail... La Syrie, pays chaud et sucré comme un fruit mûr, berceau de la civilisation... Mais on a rejoint la surface de l'eau, quitté le ventre liquide. Derrière les buissons et les portes lourdes des prisons, la Syrie vit dans l'horreur la suffocation d'un peuple soumis, l'air irrespirable de la folie de mort. Peuple exsangue sous la cruauté, l'inhumanité, la mégalomanie d'un président qui l'assassine. Torture, dictature des djihads, viols, guerre. Et puis Mahmoud, ses femmes, ses deux amours, ses enfants. Mahmoud amoureux des mots et de la vie nous raconte sa vie, l'amour le plus pur et le pire visage de l'horreur, l'inhumanité et la plus noble pensée, dans son langage si sensible de poète cultivé et humaniste.
J'ai trouvé ce livre magnifique, qui nous fait glisser sur la surface du lac, prémices de l'enfer engloutissant le bonheur vers la réalité de sa vie. Ce livre est une tragique déclaration à l'amour, au noble respect de la grandeur de l'homme et de la civilisation syrienne, par l'opposition des valeurs qui sont incarnées. Ce livre, entre beauté et enfer, a le mérite de nous parler du drame syrien au plus profond du mental quotidien de ses habitants. Un drame plus que jamais d'actualité car il ne fait malheureusement plus la une des journaux et pourtant aujourd'hui rien a changé sinon en pire.
Je l'ouvre toutefois aux ¾. Mahmoud m'impose un profond respect, mais je ne peux pas vraiment comprendre comment il peut raconter une telle souffrance sans hurler de douleur, sans hurler de colère. Sans doute la force de l'amour... Et du coup j'ai parfois eu du mal à être entièrement avec Mahmoud, à le comprendre. Sans doute qu'au bout, il n'y a plus de mots et que ces immenses souffrances dépassent de loin mon imagination de française, confortablement installée à lire. C'est assez horrible de pouvoir dire çà, car la pudeur et l'élégance de Mahmoud en disent sûrement plus long que tout autre chose. Alors merci respectueux M. Wauters de m'amener à cette réflexion.
ÉdithJ'avais lu Nos Mères de l'auteur il y a quelques mois et avais été "rebutée" d'acheter Mahmoud ou la montée des eaux. Je ne savais pas alors que ce titre serait choisi pour le groupe. Ce récit en vers "libres", pas trop pour moi ! Bien qu'ayant apprécié À la ligne, lu dans le groupe.
J'ai donc plongé moi aussi dans le récit stimulé par le choix de Voix au chapitre, ainsi que par la très bonne presse concernant ce texte en lien avec la Syrie contemporaine, l'actualité récente quotidienne dans les médias et largement documentée. J'ai appris beaucoup de ce barrage inauguré en 1973 qui fut un enjeu dangereux pour la Syrie avec Daech. Je suis allée voir les images de ce barrage grâce à internet. L'aspect désertique des berges, les quelques murs éboulés aperçus sur le site, renforçaient les images que mon imagination formait au cours du récit, et réactualisait des souvenirs un peu confus.
Le texte en lui-même incite à la pause et au retour sur certaines idées percutantes : j'ai relu certaines phrases à haute voix parfois. Et parfois l'évocation - trop absconse - me laissait dans un vague ressenti du fait de l'alliance des mots choisis. Mots choisis dont l'organisation faisait effet de poésie. Ce n'est pas ce que j'ai préféré.
Je me suis sentie beaucoup plus à l'aise dans le récit quand l'évocation amenait des faits : arrivée et transformation de Bachar de timide étudiant en monstre, ses amours Leila et Sarah et ses deux enfants. Son enfance et ses parents, ses amis. L'évocation de sa tumeur, un cancer qui évolue, n'est pas qu'une métaphore : la mort, sa mort se voit dans le progrès de la tâche "mortelle" qui le fait souffrir et se protéger du soleil. Le corps de Mahmoud est extrêmement présent tout au long du monologue et j'aime beaucoup cette présence par les mots choisis concernant son cancer évoqué dans sa progression, son corps malade et décharné de vieux, un sparadrap pour le protéger du soleil. À quoi bon avoir pris le temps de consulter, il a tout perdu. Son corps, par la faim ressentie ou plutôt son désir de "tartines" au concombre et au chèvre et qu'on relie à plusieurs reprises, tartines présentes du souvenir de ses enfants que je pense partis combattre. Désir de pain et de café, évocation des olives de joie qu'on suçait après le travail, les doigts couverts d'ail et de thym, les pâtisseries que l'on peut sucrer à volonté ; évocation gourmande du plaisir sans retenue (l'enfance et sa mère). Et encore le lait des chèvres-là, le poisson pêché et grillé, et la nourriture encore et toujours, manger pour ne pas mourir de son désespoir.
De l'humour aussi quand Mahmoud peint le souvenir de l'état amoureux pour Leila : "Je chutais dans le vide un vide nommé amour (…) Mais alors je n'étais plus syrien, je n'étais plus un homme je n'avais pas de langage et pas de parole, j'étais à sa merci, voilà, et je me gorgeais d'elle, les semaines passant je finis peu à peu par glisser toute ma tête dans le local. Quelle audace ! Mon costume, ma cravate et ma timidité eux m'attendaient sagement dans le couloir."
Prof, Mahmoud Elmachi, utilise la métaphore de l'enseignement à donner au fleuve Euphrate qui fut détourné pour écrire une autre histoire "notre président Hafez (…) donna (à l'Euphrate) de l'encre verte un stylo et un cahier pour qu'il rédige sa nouvelle histoire." Allégorie pertinente et digne d'un conte pour enfant. Écrire pour dire l'impossible, ainsi p. 45 "j'ai écrit des livres (…) et malgré cela je suis infoutu de décrypter les paroles d'un lac". Écrire aussi pour vivre encore tout en acceptant sa mort et celle des gens aimés (ses femmes). Poète, Mahmoud - enfant des va-et-vient de son enfance à sa vieillesse - dit p 46 "vieillir c'est devenir l'enfant que plus personne ne voit d'enfant dont on dit qu'il a les cheveux gris". Mahmoud - vieux et jeune à la fois - toujours fils de sa mère et de son père, mais déjà veuf et père de deux enfants, par la magie du récit, n'a de cesse d'invoquer le passé et de dire le présent.
Imprimées, par la volonté des éditions Verdier, des lignes noires sur blanc, et non pas traces de salive comme évoquées (j'ai aimé ce passage) dans sa prison, lorsqu'il tentait de fixer ses idées. Idées devenues, depuis ces jours terribles et son voyage en France, des mots, traces fugitives et nécessaires pour fixer le souvenir dans un retour passé et présent. Traces écrites que je lis comme des sentences de sage p. 70 : "est-ce cela vieillir ? Mieux voir hier qu'aujourd'hui ? Mieux voir jadis que maintenant ? Chercher à oublier mais voir tout revenir. ? Le passé est une bombe il explose. Eux c'est cela qu'il nomme oublie, qu'il nomme vieillir".
Wauters poète, Mahmoud poète, l'un est l'autre ? : les voix, les chants, les rires, le silence, les odeurs (anis, fiente de mouette), le vent. Évoquées dans chaque chapitre, produisant effet de bercement et m'autorisant à remarquer que finalement j'aime cette poésie malgré l'effort demandé. Poésie inventée dans la geôle ou croupit Mahmoud qui sert à "emprisonner la prison" comme il l'écrit, évasion par l'écriture. Nous avons déjà lu cela, ceux des de témoignages de rescapés de camp dont la survie tenait à se réciter encore et encore des textes littéraires.
Et j'attends un dénouement, car c'est aussi un roman, une histoire. La boucle vat elle s'accomplir ? La mort au bout du récit ? Une vie à écrire. Tout ça pour me rendre compte que les mots ne disent rien, qu'il n'y a rien au fond d'eux, qu'un peu de silence. Et de paix. La narration ne progresse que par retour passé et présent. Va-t-il se laisser couler ? suicide tentateur ?
Je sursaute à la lecture et sors du doux balancement produit par l'écriture car je lis p.  90 que Mahmoud TUE avec son poignard (le yatagan de papa, le fier couteau des chèvres et des brebis, déchiquette) le soldat violeur qu'il vient de découvrir. Récit de cette femme sauvée dont la mari Elias a été assassiné par le régime (je le suppose), mettant fin à leur projet d'Europe et de liberté. Violeur qui entend pendant "son action" sonner son portable et "déteste" de ne pas le retrouver !!! Détail d'humour morbide donné par la jeune femme. J'apprécie ! Et à suivre le récit touchant : Elias est assassiné et il a entendu poursuit la jeune femme une chanson de Farid el Atrach "pas la meilleure de ce chanteur" a pensé Elias. Remarque émouvante d'Elias au moment de mourir (certaines scènes du cinéma où le condamné décale son attention sur un "rien") ; je vois et j'entends. Ici à nouveau les mots font l'objet, faute de pain (Mahmoud) écrira des poèmes au goût de pain car il faut fuir.
La dénouement "Viens il est temps de rentrer à la maison" se dit et me dit Mahmoud : dérisoire message à sa femme assassinée et à ses enfants combattants (peut-être disparus), plus de palme plus de tuba. Derniers mots : le ciel n'était pas bleu mon ange, nos jours furent bleus.
La lecture de Proust m'avait appris que mon dispositif consistant à "plonger" dans le texte récompensait la lectrice !! Ce fut le cas.
Ouvert ¾ pour l'effort demandé parfois à suivre les "temps" du récit. Merci à l'auteur pour les notes, supports de lecture. J'ai apprécié les mots en langue iranienne.
Je me rends compte à la fin de mon texte difficilement écrit que je me suis échappée du fond historique syrien, la guerre, la dictature, pour n'évoquer que la forme du récit. Écriture poétique, recherche d'une vérité à approcher, j'aime cette littérature. J'ai lu (beaucoup) les notes fines du livre. Malgré la découpe du récit en chapitres avec un titre, je ne me suis pas retrouvée en les lisant.
J'ai offert ce livre !
Soaz
Ce texte d'une grande beauté se lit comme un poème, entre rêve et réalité.
Ce récit dégage beaucoup d'émotions, tendresse, douceur, nostalgie, et liberté, tout en nous confrontant à la réalité, dure, violente, extrême, de notre quotidien et du chaos syrien.
Sont décrites sans agressivité, ni violence, des scènes terribles (torture, prison, agression, viol, mort).
C'est la rétrospective d'une vie engloutie par le lac El Assad, fil conducteur de cette Histoire.
Mahmoud, vieux poète, puise ses dernières forces sur l'eau (bercé au rythme d'une barque) et dans l'eau (masque et tuba dans le noir de ce village englouti), de ce lac assassin.
Les rituels - tartines, piles de pierres, cabanon, arbre - posent ses journées et l'aident à délier, écrire les souvenirs de sa vie tumultueuse : nostalgie de son enfance, de ses amours, la perte de ses parents, de ses enfants, les merveilleuses et tragiques épopées.
Ce livre m'a émue jusqu'aux larmes.
Quelques phrases :
Vieillir c'est devenir l'enfant que plus personne ne voit.
Les mots comme des filets à papillons pour nos causes perdues.
L'écriture comme une barque entre mémoire et oubli.

Chantal
J'ai lu et relu ce long poème de douleur, cette complainte, touchée au plus profond. Peut-être parce que je l'ai lu maintenant, dans ce moment de violence, partout dans le monde, et chez nous en France, violences de toutes sortes, guerres, pauvreté, climats...
Ce livre m'a amenée à plusieurs reprises des larmes...
Je redoutais pourtant cette lecture en vers libres, ces 18 chapitres courts. Mais, une fois entrée, plus aucune crainte !
Grand talent de Wauters : il a su tresser, tisser, le portrait d'un homme et l'histoire d'un pays. Et, de cet enchevêtrement, créer chez nous lecteurs une grande émotion.
Il nous évoque l'histoire de la Syrie, 1920 -1946 le mandat français dont j'ignorais tout, jusqu'à notre époque, Hafez El Assad et maintenant Bachar, avec toujours la violence, la répression féroce, la terreur, puis le printemps arabe de 2011 avec l'espoir fou et de nouveau la répression !
Entre cette "grande" histoire et celle - individuelle - de Mahmoud, le grand barrage de Tadqa et les eaux du lac El Assad qui les relient, l'homme et son pays...
Moi je suis entrée dans ce personnage, ses joies, ses douleurs, son enfance, sa vie d'homme, ses amours, sa famille, la poésie... Je suis entrée dans sa folie, trop de douleur, trop de violences subies, sans fin, comment supporter ? La prison, le deuil, la mort des enfants, le supplice de Sarah... comment continuer de vivre ?
Se réfugier en plongeant dans le fond du lac, dans les souvenirs heureux : le village intact où il peut se promener dans un passé heureux, mais sans cesse les souvenirs horribles surgissent, les eaux paisibles du lac elles-mêmes menacées par Daech.
Tout au long du texte, on trouve des pépites de poésie ! Trop pour les citer toutes.
J'ai adoré le chapitre 6, Mahmoud enfant auprès de ses parents : pure joie de lecture !
"Vieillir, c'est devenir l'enfant que plus personne ne voit..."
Enchevêtrement dans l'esprit de Mahmoud : on ne sait plus qui parle : Sarah ? Les enfants ? Lui ? Tout est entrelacé, petite et grande histoire, lumière, noirceur, amour-haine, douceur extrême-cruauté sans nom, poésie et trivialité…
Beaucoup de thèmes abordés : le vieillissement, la mémoire, l'utilité ou non de la littérature, la nature elle aussi malmenée, détruite par la haine ou l'orgueil des hommes...
"toute une galaxie de particules insaisissables composées de millions et de millions de moments, lieux, odeurs, douleurs, visages, mots et silences, qui ont rempli ma vie".
Un grand livre, vraiment. Ouvert en grand. Merci VAC !


AUTOUR DU LIVRE
Publications d'Antoine Wauters
Quelques repères biographiques
Presse :
- interviews vidéo

- interviews presse écrite
- interviews radio
- articles
Et sur la Syrie...

PUBLICATIONS

La poésie d'Antoine Wauters est publiée en Belgique et chez Cheyne éditeur, spécialisé dans la poésie contemporaine. Les éditions Verdier publient ses romans.

- La bouche en quatre, Le Coudrier, Mont-Saint-Guibert (Brabant wallon), 2008
- Os, ill. Claudine Evrard, éd. Tétras-Lyre, Bruxelles, 2008
- Debout sur la langue, Maelström Éditions, Bruxelles, 2008
- Ali si on veut, préface Ben Arès, ill. Thomas Dejeammes, Cheyne, Devesset (Ardèche), 2010
- Césarine de nuit, Cheyne, 2012
- Antioxydant, avec Tom Nisse, Maelström Éditions, Bruxelles, 2013
- Sylvia
, Cheyne, 2014 (à la figure de ses deux grands-pères disparus, il associe celle de Sylvia Plath que nous avons lue d'an dernier)
- Nos mères
, Verdier, Lagrasse (Aude), 2014 ; Folio, 2022 (premier roman)
- Pense aux pierres sous tes pas, Verdier, 2018 ; Folio, 2021 (roman)
- Moi, Marthe et les autres, Verdier, 2018 (roman)
- L'enfant des ravines, Maelström Éditions, 2019 (en ligne sur le site de la Villa Gillet, cité ci-dessous à propos de son enfance)
- Mahmoud ou la montée des eaux
, Verdier, 2021 (roman)
- Le musée des contradictions, éd. du Sous-Sol, 2022 (recueil de douze discours engagés), le premier éditeur parisien à publier Wauters...

QUELQUES REPERES BIO

- Né à Liège en 1981, a un frère, Charles, une sœur, Lorraine, et a vécu à la campagne. Grands-parents : l'un facteur, l'autre instituteur.

J’ai vécu jusqu’à mes dix-huit ans dans un petit village d’Ardenne où mon imagination se trouve, encore aujourd’hui.

Liège, on ne s’y rendait que trois fois par an, et je ne pense pas avoir vu Bruxelles avant mes dix ans.

Ma mère était une fan absolue d’Elvis Presley et des Beatles, elle enseignait l’anglais et le néerlandais, c’était une artiste, elle peignait, surtout des fleurs, et mon père, lui, était banquier, il avait fait les sciences économiques mais tout l’intéressait, rien ne le laissait indifférent, y compris la sculpture, qu’il pratiquait à ses heures perdues.

Et, parce qu'on était chrétiens, les autres avaient toujours la primauté sur nous.

Avant la naissance de ma sœur, nous allons à la messe chaque dimanche. Bien plus, mes parents embrassent la cause de mouvements néo-charismatiques.

- Asthmatique enfant, il fait pourtant des compétitions en athlétisme (le 100 m), mais se blesse. Les livres prennent alors une grande place, suite à une visite avec sa mère à une bibliothèque fournissant le premier livre marquant La patrie empaillée de Jacques Izoard, poète de Liège : Wauters n’y comprend rien, mais sent au fil des pages que "quelque chose était en train de se passer" ; s'ajoute le rôle de Monsieur D., professeur, présent dans Nos mères, qui l'encourage à écrire. Jacques Izoard (publié chez Grasset, Seghers, Belfond, etc.) l’incitera à envoyer ses textes qui seront publiés chez de petits éditeurs belges.
- Diplômé en philosophie à l'Université Libre de Bruxelles. Nietzche est son philosophe favori.
- Il travaille quelques années comme professeur.
- Il travaille aussi dans l'édition : lance en 2011 la collection iF à l’Arbre à paroles (voir interview du directeur), directeur de la Collection Grise chez Cheyne pendant deux ans jusqu'en 2015. Avant cela, il avait créé une revue de poésie avec le poète Ben Arès et quelques autres amis.
- On voit dans le paratexte de différents livres qu'il a bénéficié de résidences ou de soutiens littéraires classiques chez les écrivains qui doivent gagner leur croûte et qui n'ont pas (encore) de succès.
- Il publie plusieurs livres en Belgique, puis en France. Il obtient de nombreux prix dans les deux pays.
- Il a écrit deux scénarios avec le réalisateur Antoine Cuypers, un court métrage, A New Old Story, et un long métrage, Préjudice, en 2015, avec Nathalie Baye, Arno.
- Aucun potin à se mettre sous la dent : il a deux enfants, Sélim et Delia qu'il voit les week-ends et les vacances et qu'il remercie à la fin de son roman Pense aux pierres sous tes pas... C'est sa compagne qui lui a dit qu'il serait peut-être temps de ressortir son manuscrit (Mahmoud) qui était dans un tiroir, précise-t-il à France 24. Ils habitent dans un petit village des Ardennes.
Puisque notre dernière lecture, Les Vilaines, concerne des trans, lisons avec attention ce souvenir d'enfance :

Mon passe-temps préféré, qui n’était d’ailleurs pas un passe-temps mais une authentique profession, c’était d’inventer des histoires à mes poupées, dont l’une d’elle avait un pénis, même si je l’appelais Marie. Je l’adorais. J’adorais laver son pénis écrasé comme une nouille ou un morceau d’anchois en haut de ses cuisses. Je le faisais mousser dans l’eau du bain. Marie n’était pas une poupée pour moi, pas plus qu’un être humain. Elle était une partie de moi. Il y avait une réversibilité totale entre nous. Ma peau n’était pas la fin de la sienne, mais le début d’un tout où je me dissolvais. (L'enfant des ravines, Maelström Éditions, 2019, en ligne sur le site de la Villa Gillet)

- Il est joli garçon : on peut le voir ›ici qui lit le début de son livre, 3 min.
Il a une page facebook : facebook.com/livresantoinewauters/
On le trouve sur Twitter : #antoinewauters

PRESSE concernant Mahmoud ou la montée des eaux

Interviews vidéo
- Librairie Mollat, 25 octobre 2021 : Antoine Wauters présente son livre
- TV5 MONDE Info, 4 septembre 2021, 6 min ("
Pourquoi le prénom Mahmoud ? C'est un hommage au poète palestinien Mahmoud Darwich") ?
- Arte 28 min, Elisabeth Quin, 15 ju
in 2022, 9 min (admirez la casquette et l'anneau à l'oreille)
- France 24, L'invité du jour, 23 juin 2022, 10 min (si on ne regarde qu'une vidéo =>regardez celle-là !).

Interviews presse écrite
- "Prix Wepler-Fondation La Poste 2021 : Antoine Wauters, Mahmoud ou la montée des eaux" (si on ne lit qu'un article =>lisez celui-là !), propos recueillis par Johan Faerber, Diacritik, 8 novembre 2021. Extrait :

Comment vous est venu le désir de raconter le parcours de Mahmoud Elmachi, poète qui a traversé plus de sept décennies de l’histoire récente de la Syrie ? Vous indiquez d’emblée que vos "pensées vont au réalisateur Omar Amiralay dont le cycle de documentaires autour du barrage de Taqba vous a fortement marqué" : en quoi son travail vous a-t-il inspiré ? Enfin, dans quelle mesure la poésie syrienne que vous évoquez au cours de votre récit, et notamment l’anthologie Poésie syrienne contemporaine de Saleh Diab, a-t-elle été une des influences de votre travail ?

En 2017, je me suis mis à faire des recherches sur la Syrie. Je voulais comprendre ce qui s'y passait et pourquoi, 6 ans après ces vents de liberté qui avaient traversé le pays, les gens vivaient toujours en enfer. Mon intention n'était pas alors d'écrire un roman, mais de descendre dans cette réalité sans détourner le regard. De fil en aiguille, j'ai concentré mes recherches sur le barrage de Tabqa, peut-être le symbole le plus fort du régime, puisque Hafez El-Assad le met sur pied dès qu'il prend le pouvoir, en 1970. Tabqa, le nord syrien, dominé aujourd'hui par les Forces démocratiques et les Kurdes. À l'époque, c'est Daesh qui tenait la zone. Ils avaient pris le barrage, l'avaient bardé d'explosifs et personne ne pouvait assurer les travaux de maintenance. Dès lors, le niveau de l'eau montait. Mais le lac El-Assad, ce sont des milliards de mètres cube de retenue. Donc on mesure l'ironie de la situation : détruite par la guerre, la région se trouvait en plus sous la menace d'un immense déluge. C'est en me documentant sur l'histoire du barrage que j'ai découvert le cinéma d'Amiralay, qui a consacré trois films au "Projet de l'Euphrate", comme l'avait baptisé Hafez dans son désir de "moderniser" le pays. Le premier date de 1974, un an après l'inauguration, et bizarrement, c'est un film apologétique. On y voit comment le barrage va faire "grandir" le peuple et lui amener progrès et prospérité. Ensuite, Amiralay s'est dédit, il a critiqué la politique baasiste à laquelle il avait naïvement souscrit, et tout son travail va dénoncer la propagande du parti. Dans Déluge au pays du Baas, il y a cette scène où un vieil homme, sur une barque, raconte comment la création du lac a noyé sa vie. "Mahmoud" est né là. La voix du vieux restait en moi, elle s'accrochait, à tel point que je me suis dit que j'allais écrire pour prolonger ses mots, le faire parler de sa vie, de ses amours et de cette Syrie si chère et si douloureuse à son cœur. Omar Amiralay est décédé en février 2011, au seuil du Printemps arabe. Ce qui veut dire qu'il n'a pas pu tourner le film qui montrerait ce que la Syrie vit maintenant. Quand j'ai pris connaissance de sa mort, je me suis dit que je devais finir Mahmoud ou la montée des eaux en sa mémoire. Quant à la poésie, je dois en effet beaucoup à Saleh Diab, poète et intellectuel syrien qui vit aujourd'hui en France et que j'ai eu la chance de rencontrer lors de sa résidence à la Maison de la poésie d'Amay. C'est l'anthologie qu'il a fait paraître au Castor Astral qui m'a amené à m'intéresser à la poésie syrienne contemporaine. La poésie de Nazih'Abu Afash, très liée à ce qui se passe depuis 2011. Et puis tous ces poètes que le régime a enfermés et torturés et qui, pour seul méfait, ont eu le malheur de coucher sur papier ce qu'ils avaient sur le cœur. (Article repris à l'identique avec un titre différent le 23 août 2021 : "Pour écrire, il faut un déficit d’être. Ne pas pouvoir ou ne pas aimer dire je" et le 6 juin 2022 "Mahmoud ou la montée des eaux d’Antoine Wauters, Prix du livre Inter 2022").

Nota bene, les deux interviews qui suivent sont publiées dans des périodiques du Moyen-Orient.

- "Antoine Wauters, lauréat du Prix du livre Inter 2022", propos recueillis par Ritta Baddoura, L'Orient littéraire, 7 juillet 2022

- "Lauréat Livre Inter : interview d’Antoine Wauters sur la Syrie", Ici Beyrouth, 9 juin 2022 sur la Syrie. Extrait :

Que reflète l’image de ce poète qui nous embarque pour un voyage dans son passé au bord du lac Assad ?

Cette image d’un vieil homme sur ce lac Assad – symbole de l’échec des régimes baathistes – est liée au documentaire Déluge au pays du Baas d’Omar Amiralay, réalisateur syrien décédé en 2011. Quand j’ai fini de voir ce film, l’idée m’est venue de raconter la vie de ce vieil homme. En faisant plonger Mahmoud sous les eaux du lac, j’ai cherché à revisiter l’histoire d’un pays, proposer un contre-discours à la propagande d’État. Cet homme exhume le passé en plongeant dans des souvenirs balayés. Mais je tenais à ce que le récit soit simple et apaisé, vu le sort réservé à lui et sa famille, ainsi qu’à tous les dissidents syriens, à savoir la prison et la mort. C’est un contre-discours à la brutalité, la haine et la colère. Mahmoud incarne une parole humaine et fraternelle, en opposition à la barbarie.

À travers ce roman et vos précédents ouvrages, vous abordez la situation au Proche-Orient. Qu’est-ce qui vous pousse à parler de cette région ?

J’ai voyagé au Liban en 2010, invité pour le Salon du livre de Beyrouth. Un monde m’a été ouvert et j’ai essayé de comprendre… J’ai passé une partie de mon enfance à entendre des éléments parcellaires, via les médias, sur le conflit israélo-palestinien qui représentait quelque chose de terrible. J’ai donc décidé de replacer les choses dans un cadre, en le remplissant d’empathie, afin de permettre aux gens en Occident d’avoir un regard moins effrayé. J’ai choisi de raconter tout cela par des moyens inhabituels, des paroles partageables par tous au cœur de la vie humaine.

Radios
Avant le prix du Livre Inter
- "Écrire le chaos syrien", Manou Farine, Poésie et ainsi de suite, France Culture, 9 octobre 2021, 28 min
- "Antoine Wauters en profondeur", Boomerang, Augustin Trapenard, France Inter, 3 décembre 2021
- Le podcast du CNL qui vole dans les plumes... des auteurs, par Pauline Carayon CNL, 8 décembre 2021, 13 min.

Après le prix du Livre Inter
- Livre Inter : Antoine Wauters voulait "écrire l'histoire de la Syrie avec une parole simple, poétique", L'invité de 8h20 : le grand entretien, France Inter, 6 juin 2022, 26 min ou en vidéo

- Antoine Wauters, L'Heure bleue, Laure Adler, France Inter, 27 juin 2022, 52 min
- Antoine Wauters, La salle des machines, Mathias Enard, France Culture, 10 juillet 2022, 58 min (à partir de la 34e min).

Choix d'articles
Ils sont innombrables, d'où ce choix :
- "Mahmoud ou la montée des eaux » : Antoine Wauters face au chaos syrien", Jean Birnbaum, Le Monde, 25 août 2021
- L'or des livres, Emmanuelle Caminade, 30 août 2021
- "Comment ne pas écrire l’ailleurs", Jeanne Bacharach, En attendant Nadeau, 22 septembre 2021 (rare commentaire légèrement critique)
- "La condition syrienne" puis "Le prix du Livre Inter 2022 pour Antoine Wauters", Anne Crignon, Nouvel Obs, 28 octobre 2021, puis 6 juin 2022
- =>LE CLOU dans un article publié le 24 mars 2022 dans le quotidien belge Le Soir, titré "Chacun chez soi !", Jean-Claude Vantroyen, responsable du supplément Les Livres du Soir, signale que le comité de lecture des éditions Penguin Random House ne publiera pas le roman d'Antoine Wauters malgré l'enthousiasme de l'éditrice :

"Un Européen blanc ne peut se mettre dans la tête d'un Syrien et parler pour lui"...

Ce qui rappelle la polémique autour de l'Américaine noire Amanda Gorman concernant sa traduction. Et de conclure : "le wokisme fait des ravages idiots"... On est bien d'accord !

ET SUR LA SYRIE...
Deux livres sortis le mois dernier :
- À quoi bon encore le monde ? : la Sy
rie et nous, Catherine Coquio, Actes Sud, 2022
- Syrie, le pays brûlé : le livre noir des Assad (1970-2021), Catherine Coquio, Joël Hubrecht, Naïla Mansour et Farouk Mardam-Bey (dir.), Seuil, 2022


Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
à moitié
un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !

 

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