éd. Hetzel

Archipoche, coll. La bibliothèque des classiques

Sans famille
, Le Livre de poche, coll. Classiques, 412 p.

Quatrième de couverture : Le chien Capi et le singe Joli-Cœur, la brave mère Barberin et le signor Vitalis à la longue barbe blanche, Lise la petite muette, Mattia le jeune musicien, sans oublier bien sûr le courageux Remi, l’enfant trouvé… Autant de personnages si attachants qu’on ne les oublie plus quand on a fait leur connaissance, et que les générations successives découvrent avec le même bonheur.
Publié en 1878, Sans famille st devenu un classique de la littérature de jeunesse. Mais il n’y a pas d’âge pour se laisser captiver par l’extraordinaire don de conteur d’Hector Malot, et émouvoir par sa tendresse envers les humbles ; ni pour apprécier le talent avec lequel il tente de rendre le pittoresque et la réalité des milieux traversés par Remi.

Hector MALOT, Sans famille, Le Livre de poche, 424 p.

Hector Malot (1830-1907)
Sans famille (1878)

Nous avons lu ce livre pour le 20 décembre 2024.
Le groupe de Tenerife l'a lu en novembre.

Voir en bas de page de la doc autour du livre : Adapté à l'écran et à la scène L'histoire de la publication du livre Le parcours d'Hector Malot : sa vie, ses œuvres Sur les pas d'Hector Malot


Nos 12 cotes d'amour

6 le relurent : Annick, Brigitte, Catherine, Jacqueline, Monique, Rozenn
6 le découvrirent : Christelle, Claire, Fanny, Françoise, Manuel, Sabine

ChristelleClaire
FrançoiseJacquelineRozenn
Sabine

Annick L BrigitteCatherineManuel
FannyMonique L
C'était la séance de Noël, foie gras, Panettone et compagnie. Le quignon de pain, souvent au menu de Rémi, n'était donc pas à l'ordre du jour. Seules Fanny et Claire avaient apporté un lien avec le livre : Fanny avec les crêpes de Mère Barbarin, Claire du champagne Devaux pour la vache...

Sabine(avis transmis)
J'ai connu l'existence de Sans famille quand j'ai donné naissance à mon premier fils , Rémi , en 1998. L'entourage, bien sûr, faisait référence à Hector Malot mais je répondais comme un benêt : "Ben non, c'est plutôt un prénom musical..."
J'ai donc été ravie de découvrir enfin ce roman d'apprentissage qui se lit facilement, agréablement, avec quelques frissons. Je situe l'écriture entre George Sand et Zola. C'est très visuel. Évidemment, l'emploi de l'imparfait du subjonctif totalement maîtrisé par cet enfant du ruisseau me semble une vraie faute narrative. Mais sans doute Claire va-t-elle nous expliquer que les méthodes d'apprentissage étaient bien plus efficaces sous la IIIe République que sous la Ve agonisante. Si j'ai aimé ces chemins noirs qui, comme Tesson, ne passaient pas loin de chez moi, j'ai regretté qu'il n'y ait aucune mention sur les moyens de transport empruntés (sans doute le livre aurait doublé de volume), rien sur les évènements qui secouaient la société. Pour finir, j'aime cet hommage fait au "Maître", à l'éducateur, au tuteur. Sitôt la lecture finie, j'ai donné le livre à mon petit voisin de 11 ans, qui semblait ravi du cadeau !
J'ouvre en grand et vous souhaite une belle séance près du beau sapin qui brille près de la fenêtre.
P.S. Les romans de Charles Dickens (Olivier Twist, Les grandes espérances lu dans le groupe) sont d'un tout autre niveau que celui d'Hector Malot.

Claire
Ôte-moi d'un doute Sabine. Tu as bien vu qu'ils marchent ?...

Sabine
Ils auraient pu monter dans une charrette..., sur un dos d'âne..., dans une barque...
Jacqueline(avis transmis)
J'ouvre le livre en grand, j'aime la vivacité de son écriture, les dialogues, la sobriété de ce qui pourrait être un mélo...
J'ai eu beaucoup de plaisir à le retrouver aussi bien que dans le souvenir qu'il m'avait laissé. Je l'avais lu, très jeune, alors que je venais de retrouver ma famille un peu après la guerre... Ces souvenirs influencent peut-être mon jugement... mais j'ai été très contente de le relire et aussi bien de redécouvrir ce que j'avais oublié que de préciser ce qui dans mon souvenir, pouvait se mélanger avec le Zola de Germinal ou avec Dickens...
J'ai bien aimé le film mais justement les truculents méchants m'ont paru donner un autre caractère à la sobriété du livre...
Catherine
J'ai lu Sans famille dans mon enfance ; je l'avais beaucoup aimé, il m'avait fait rêver; j'avais gardé un souvenir assez précis des personnages, Rémi, Capi, Arthur et Vitalis bien sûr. À peu près à la même époque, j'avais lu Le tour de la France par deux enfants, plus scolaire et moralisateur, et aussi le merveilleux Le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède. Sans famille était clairement mon préféré.
C'était un roman assez novateur à l'époque, qui peut paraître sans doute daté maintenant à certains. Mais Hector Malot a un vrai talent de conteur, on est touché par ses personnages qu'on suit sur les routes ; il y a une tension narrative, des péripéties dramatiques dès le début lorsque Rémi est arraché à sa mère adoptive, et tout au long du roman, les loups, l'arrivée chez Garofoli, la mort de Vitalis, la mine, l'arrivée dans la famille Driscoll. Ça n'arrête pas, il y en a même sans doute un peu trop et la crédibilité n'est pas toujours au rendez-vous... Il y a aussi des moments plus heureux, une vraie douceur de certains personnages, mère Barberin, Mattia ; des moments cocasses, la vache par exemple.
C'est évidemment plein de bons sentiments, le roman exalte le courage, l'honnêteté, l'amitié, la fidélité..., mais pourquoi pas après tout, et c'est l'esprit de Noël.
C'est aussi une vraie peinture de la société de la fin du 19e en France, des barrières sociales, de la maltraitance des enfants. Ça n'est pas si loin que ça de nous et certains passages me parlent particulièrement, par exemple celui sur Etiennette qui remplace la mère décédée et ne va plus à l'école, tient la maison, veille sur toute sa famille alors qu'elle est encore une enfant. Ça me rappelle tout à fait ce que me racontait ma grand-mère sur son enfance. J'ai aimé l'écriture aussi, et même les imparfaits du subjonctif. J'ai aimé aussi la description des villes de l'époque, Toulouse, Bordeaux, Paris et sa banlieue.
J'ai eu un débat au sujet de ce livre avec une amie prof de français qui me disait que c'était un livre ringard, devenu sans intérêt par rapport à tout ce que la littérature jeunesse actuelle avait produit. Je ne suis pas d'accord, pour moi c'est un roman que l'on peut encore faire lire aux enfants en 2024. D'ailleurs j'emmène mes petits-enfants voir la pièce à la Comédie française. Quant aux films, j'ai nettement préféré celui d'Allégret à celui
de 2018, il me paraît beaucoup plus en accord avec l'atmosphère du roman.
J'ouvre aux ¾.

Claire
Je suis d'accord avec tout ce qu'a dit Catherine, mais moi je ne l'avais pas lu : j'ai adoré !
Je n'ai aucun souvenir d'enfant. Je l'ai lu comme j'aurais lu Proust ou Marguerite Yourcenar.
Il y a beaucoup de tensions : un drame/un événement heureux. On souffre/on respire. De la tension naît le suspense. L'art du feuilleton y est sans doute pour quelque chose. Mais quel savoir-faire, quel talent narratif ! Et quel plaisir que ces amitiés fortes et ces vertus ! J'ai eu beaucoup d'émotions de toutes sortes. Les gentils sont très gentils et les méchants très méchants, que c'est agréable !
Les imparfaits du subjonctif passent car c'est le narrateur qui s'exprime…
J'ai comparé avec L'enfant multiple d'Andrée Chedid que nous avions envisagé de lire et qui m'a paru vraiment pour enfants ou jeunes ados, alors que Sans famille est peut-être pour les enfants (mon livre d'occasion indique "Jonathan Cammarata 6e 2"- ça m'a fait drôle) mais parfaitement pour l'adulte qu'apparemment je suis.
J'ai beaucoup aimé le film de Marc Allégret que nous avons regardé, ainsi que la pièce de la Comédie française.
J'ouvre en grand : quel plaisir, quel plaisir, quel plaisir !
Quant à l'auteur, j'ai aimé découvrir le parcours extraordinaire qui fut le sien et je n'oublierai pas que la femme de Dreyfus vint le voir avant même de s'adresser à Zola...
Fanny
Je serai plus nuancée...
Je n'ai lu que la première partie. Je ne l'avais pas lu non plus. J'ai vu le dessin animé quand j'étais enfant (Fanny, Christelle et Manuel se mettent à chanter...)
J'avais les images en tête en lisant. Je ne me rappelais que de la marche et des représentations avec le singe, les chiens et Vitalis. Madame Barbarin je ne m'en souvenais pas, ni des loups, ni de la mort de Joli-Cœur, ni de celle de Vitalis. J'ai été surprise et très émue par ces passages que j'ai trouvés atroces, d'autant qu'ils sont extrêmement réalistes.
C'est too much dans le style, c'est daté. Côté procédé, il y a les leçons de géographie, le côté didactique, j'ai trouvé le mélange un peu lourd.
Ma mère, voyant que je lisais, ce livre me dit : "je suis surprise quand vous demande de lire ça"... Je pense que j'aurais eu plaisir à le lire à mes filles quand elles avaient 7 ou 8 ans, la construction narrative avec la série de péripéties et de rencontres s'y serait, je pense, bien prêtée.
Bon, j'étais contente de le lire, car il y a un vrai plaisir de lecture, j'ai terminé la première partie en me réveillant au milieu de la nuit, signe que je suis malgré tout curieuse de savoir ce qu'il va arriver à Rémi. Mais c'est long... je vais essayer de lire la seconde partie dans la version abrégée.
Christelle
J'ai hésité à venir ce soir, ne sachant comment trop expliquer et justifier mon enthousiasme d'adulte pour un roman pour enfant.
Je ne l'avais jamais lu, mais je me souviens d'avoir regardé le dessin animé quand j'étais enfant (je n'ai pas oublié le générique) et le film à la télé vers 10-11 ans ; à l'époque, l'accident de la mine m'avait beaucoup marquée.
J'ai plongé dans la lecture de Sans famille, suivi les péripéties, pleuré tranquillement dans mon lit en lisant…
L'écriture sobre et jolie a ajouté à mon plaisir.
Je reste admirative de constater qu'un livre puisse marquer des lecteurs de plusieurs générations et ce depuis 150 ans. J'essaierai de le lire à mon fils de 7 ans.
J'ouvre en grand, sans hésitation.
Brigitte
(à l'écran)
Je n'ai pas relu ce livre pour ce soir ; c'est un livre que je connais bien, que j'ai lu plusieurs fois depuis mon enfance. Cela me permet d'avoir à la fois mon point de vue d'enfant et mon avis d'adulte.
Je l'ai toujours lu dans l'édition Hetzel : grand livre rouge, portant le titre en lettres dorées…

Mes souvenirs d'enfant, c'est la recette des crêpes de la mère Barberin ; la mort de Joli-Cœur ; les chiens Dolce et Zerbino, qui n'hésitent pas à faire des bêtises et Capi, le chien parfait qui fait la quête dans le chapeau de Vitalis et rapporte fidèlement la recette à son maître ; et surtout la scène où Barberin vend Rémi à Vitalis. Pour moi, il était inconcevable qu'on puisse vendre un enfant. Je n'arrivais absolument pas à comprendre ce que je lisais.
Plus tard, j'ai lu Sans Famille à mes enfants, par morceaux, pendant les vacances d'été. J'ai fait la même chose avec mes petits-enfants. À chaque fois, le livre les a passionnés, surtout la mort de Joli-Cœur, qui provoquait beaucoup d'émotion ; on en reparlait le soir…
Donc, selon moi, ce livre a la grande qualité de montrer aux enfants qu'un livre est un objet qui peut ouvrir sur tant de choses. Ce livre peut contribuer à donner le goût de la lecture.
En dehors du roman de Rémi, Sans Famille a un objectif pédagogique, qui a marché sur moi, j'ai découvert le maraîchage en banlieue parisienne, la vie des mineurs, etc.
Je l'ouvre aux ¾.
Monique L
J'ai pris grand plaisir à relire Sans famille. Une lecture nostalgique !
La première fois que je l'ai lu, je devais avoir une dizaine d'années. Ça avait été une lecture bouleversante, pleine d'émotion et m'avait tellement fait pleurer. J'avais suivi avec passion l'alternance entre des épisodes dramatiques et des moments de douceur, sinon de bonheur.
Je ne me souvenais pas d'un si beau texte, aussi soigné. C'est une superbe (re)découverte. C'est un roman touchant qui explore les thèmes de la pauvreté, de l'injustice sociale et de la quête d'identité dans une société en pleine mutation. C'est un témoignage de la réalité sociale de l'époque, qui met spécialement en lumière les conditions de vie difficiles des plus démunis. Hector Malot peint la société de son temps avec passion et apporte un témoignage essentiel de la vie en France au XIXe siècle, et de ses difficultés. C'est une traversée de la France à pied et en bateau, avec détails et justesse sur les itinéraires parcourus.
Rémi est d'une grande résilience et son histoire est touchante. Ce récit est un véritable hymne à la persévérance et à la capacité de se relever et de garder espoir même dans les moments les plus sombres. Mais avec l'âge, je suis plus critique sur la vraisemblance du personnage de Rémi et de tous les malheurs qui l'accablent en si peu de temps. Ça ne marche plus ! Cela ne sonne pas juste.
Que ce soit chez le jardinier ou dans la mine, les explications techniques prennent trop de place. Elles sont intéressantes et bien documentées, mais font trop leçon de choses.
J'ai malgré tout bien apprécié tout le périple avec Vitalis, homme mystérieux et charismatique qui incarne à la fois la liberté et la sagesse et qui enseigne à Rémi non seulement les rudiments de la lecture et de la musique, mais aussi les valeurs essentielles de la vie. J'ai été touché par la mère Barberin. J'ai apprécié Magister et l'inondation de la mine.
En résumé, il y a de bons passages, mais c'est le regroupement dans un seul et même ouvrage qui me gêne. Hector Malot sait très bien transmettre les émotions, c'est très (trop) démonstratif, trop moralisant, trop mélo.
Une belle fresque romanesque sur fond historique. J'ouvre à moitié.
Annick L
Mes parents m'avaient emmenée voir une adaptation cinématographique en noir et blanc de ce roman. Je l'ai lu ensuite en édition abrégée. Et j'étais contente de le retrouver dans ma bibliothèque, en édition illustrée par les images du film de 1958 :

Je l'ai lu aussi à mes filles, mais elles se souviennent plutôt du dessin animé à la télé. Je ne sais pas si ça peut plaire encore à nos petits-enfants ? En tout cas on peut dire que ce roman a su accompagner plusieurs générations.
Quant à moi j'ai pris plaisir à le relire, peut-être, justement, parce que ça m'a replongée dans le monde de l'enfance..., le plaisir de la réminiscence.
Hector Malot est un formidable raconteur d'histoire, son récit est bien construit, avec une alternance entre les épisodes dramatiques et les moments d'apaisement, de bonheur. Il sait évoquer avec talent des paysages, des scènes de la vie en société, dans des milieux sociaux différents. La scène de l'inondation dans la mine est particulièrement impressionnante - elle fait penser bien sûr à une scène similaire dans le roman de Zola, Germinal.
Et surtout il a réussi à camper des personnages très attachants : Rémi, évidemment, mais aussi Vitalis et sa petite troupe d'animaux (ah la mort des deux petits chiens tués par les loups !!), plus quelques figures paternelles, ou maternelles, qui ont sûrement contribué au succès de cette œuvre. Même si la fonction pédagogique alourdit parfois le rythme du récit...
Un bémol cependant : j'ai complètement décroché lorsqu'ils arrivent en Angleterre, toute cette séquence, moins crédible, aurait pu être éliminée (Hector Malot était-il moins familier de ce cadre ?). Quant au dénouement il est totalement improbable, mais ce n'est pas grave car on a envie d'y croire.
Au final, c'est vraiment un beau roman pour la jeunesse, à partager en famille.
J'ouvre aux ¾.
Rozenn
Ce n'était pas un plaisir de lecture.
C'était un bonheur ! Du bonheur, de retrouver des moments de lecture d'autrefois.
J'avais une édition odieuse. Je n'ai pas lu le livre. Je l'ai écouté.
J'ai retrouvé chaque péripétie. C'était magique ! Comme si j'étais autrefois en train de le lire.
Je me demandais ce que cela pouvait faire de le découvrir adulte.
Pour moi c'est un grand livre ! Peu importe que cela paraisse impossible qu'il trouve sa mère… Il la trouve !
Je me demande à quel moment je pourrais le lire à ma petite fille.
J'ouvre en grand !
Manuel
Vous avez trouvé l'épisode de la mine effrayant, pour ma part j'ai été saisi par l'arrivée à Paris et le placement de Rémi chez Garofoli et l'exploitation des enfants comme mendiant. La scène de punition physique de Ricardo sur un autre enfant avec les encouragements sadiques de Garofoli est atroce, un vrai supplice pour le lecteur "sensible" que je suis… Je me suis demandé comment cela tout cela allait se terminer mais ouf ! Vitali est arrivé pour retirer Rémi des griffes de Garofoli.
J'ai eu un vrai plaisir de lecture, faisant une pause d'avec la Recherche : c'est débordant de narratif ! J'ai eu deux lectures de Sans Famille : dans l'édition revue par Hector Malot (celle disponible actuellement en poche) pour la première partie et la version complète pour la deuxième partie :

où j'ai trouvé réussis des passages de description, comme celui de La Bièvre : "La Bièvre, que l'on juge trop souvent par ce qu'elle est devenue industriellement dans le faubourg Saint-Marcel, et non par ce qu'elle était naturellement à Verrières ou à Rungis, coule là, ou tout au moins coulait là au temps dont je parle, sous un épais couvert de saules et de peupliers, et sur ses bords s'étendent de vertes prairies qui montent doucement jusqu'à des petits coteaux couronnés de maisons et de jardins. L'herbe est fraîche et drue au printemps, les pâquerettes émaillent d'étoiles blanches son tapis d'émeraude, et dans les saules qui feuillissent, dans les peupliers dont les bourgeons sont enduits d'une résine visqueuse, les oiseaux, le merle, la fauvette, le pinson, voltigent en disant par leurs chants qu'on est encore à la campagne et non déjà à la ville" ou l'origine de l'hôpital Sainte-Anne : "la ferme Sainte-Anne, où de pauvres fous qui cultivent la terre passent à côté de vous souriant d'un sourire idiot, les membres ballants, la bouche mi-ouverte montrant un bout de langue, avec une vilaine grimace".
J'ai adoré les descriptions des villes (Bordeaux) : à chaque étape c'est une surprise.
Le roman est le témoignage d'une une époque en France où les mines étaient encore exploitées, où les enfants travaillaient. J'ai apprécié la dimension sociale du récit. Ainsi, j'étais dans la mine.
Mais ma lecture a perdu de son intérêt à partie du voyage à Londres qui a un côté "fabriqué" et j'ai trouvé cette partie trop longue et ratée… Les rebondissements sont improbables et trop nombreux. C'est dommage.
Enfin je ne pouvais pas parler du dessin animé Sans Famille dont j'ai revu quelques épisodes sur You Tube. Ah le générique et sa chanson… "Je suis sans famille et je m'appelle Rémi" : une vraie madeleine.
Françoise
Je suis une inconditionnelle. J'ouvre en grand.
Je ne l'avais pas lu. Je trouve les descriptions, les mouvements, les personnages, extraordinaires.
On fait des montagnes russes et qu'est-ce que c'est bien !
À propos de l'épisode de la mine, j'attendais de la part de l'auteur davantage de critiques concernant le travail des enfants.
J'ai marché à fond.
Il y a une petite baisse de régime avec le passage en Angleterre.
J'ai apprécié la fin. J'aime quand on me met les points sur les I et qu'on m'explique comment tout s'est passé.

Annick
Pas comme dans Les yeux du Rigel ?...

Françoise
Ah ça oui !
J'ai une amie spécialiste de la littérature jeunesse qui m'a dit que En famille est encore mieux.

Catherine
Ce n'est pas mon avis.

Claire
Pour en revenir au regret de Françoise concernant la mine, Hector Malot a écrit Le roman de mes romans : voici ce qu'il dit dans le passage sur la mine - mais je laisse ce qui précède pour voir quelques échanges avec l'éditeur Hetzel qui lui a fait commande et qui veut lire ce qu'il a écrit.

 

[Hector Malot est sûr de lui] : "comptant que mon sujet me permettrait de naviguer au milieu de dangers que je ne soupçonnais même pas, sans aller m'échouer sur quelque écueil inconnu.
   Ce fut donc avec une parfaite tranquillité que, mon premier volume fini au mois d'avril 1870, je me
préparai à en faire la lecture à Hetzel.
   Je dois dire tout de suite que pour des raisons qui seront bientôt données, le Sans Famille de ce premier jet n'était pas ce qu'il est devenu sept ou huit ans plus tard, et que, notamment, pour les divisions en volumes, celles de maintenant ne se rapportent pas à celles d'alors.
   Jusqu'aux scènes des enfants fouettés chez le padrone de la rue de Lourcine, ma lecture n'accrocha pas ; mais arrivé là, Hetzel, qui s'était déjà fâché de ce que le père nourricier fût si brutal, me déclara qu'il fallait adoucir ce tableau trop sombre et trop cruel.
   - Des larmes dans les paupières, oui, très bien ; mais qu'elles coulent au milieu d'une crise de souffrance, c'est plus qu'il n'en faut : de la pitié, pas d'horreur.
   Évidemment, c'était un point de vue qui partait, soit d'idées arrêtées, soit d'observations prises dans l'expérience ; mais ce n'était pas du tout le mien. J'essayai de discuter. Inutilement. Le confrère se serait peut-être laissé convaincre ; l'éditeur se renferma dans son autorité.
   Je continuai, et jusqu'à la mine (elle se trouvait alors dans le premier volume), cela n'alla pas mal ; mais à ce moment, les objections reparurent et se précisèrent ; d'abord, pour la question sociale, qui devait être passée sous silence ; et puis, ensuite, pour la question religieuse qui devait être évitée beaucoup plus rigoureusement encore.
   Pour la question religieuse, la situation était celle-ci : des mineurs étant enfermés dans une remontée par une inondation, une querelle s'engageait entre eux, et comme, en leur qualité de Cévenols, il y avait parmi eux des catholiques et des calvinistes, les uns invoquaient la Sainte Vierge que les autres repoussaient.
   À mes yeux, c'était "couleur locale", rien de plus, tandis qu'aux yeux d'Hetzel, c'était plus qu'une inconvenance. Il y eut bataille entre nous, car j'ai toujours été entier dans mes opinions, dont l'âge, à cette époque, n'avait pas encore abattu l'intransigeance ; et, comme si nous avions été catholique et calviniste, il y eut échange de bons coups ; sans nous fâcher, bien entendu. (Voir ›le chapitre entier qu'il écrit sur Sans famille dans Le roman de mes romans)


Christelle, Fanny et Manuel chantent à nouveau la chanson du dessin animé, "je m'appelle Rémi"...


Rozenn, Manuel et Claire racontent ensuite leur équipée à La Bouille où se trouve la maison natale de Hector Malot, mais qui ne se visite pas, car privée. Cependant, ils eurent la chance de pouvoir y entrer et d'échanger avec le propriétaire, descendant d'Hector Malot, général. Et de voir la bibliothèque de l'écrivain, des livres dédicacés par ses pairs (Zola par exemple), des lettres (de Jules Verne par exemple), des journaux de voyage minutieux). Ce fut un moment incroyable...
Le général Jean-Michel Thomas (sa grand-mère avait pour grand-père Hector Malot), sous le charme duquel la délégation de Voix au chapitre tomba totalement, pense que plus personne ne lit Hector Malot. Sauf nous !
Et le village de La Bouille vaut vraiment la visite : la preuve, Hugo, Flaubert, Maupassant, Maurois, Mac Orlan, Delerm, ont écrit sur le village.
Rozenn lit un extrait de La vache tachetée d'Octave Mirbeau, qui se moque du goût pour La Bouille, lieu de villégiature prisée des Rouennais et des Parisiens au XIXe siècle :

 

 La Bouille est, sur la Basse-Seine, un petit village, fréquenté des Rouennais et des gens d’Elbeuf. Il n’a de particulier que cette faveur qui, on ne sait pourquoi, le désigne à la passion des excursionnistes et villégiaturistes départementaux. Par un phénomène inexpliqué, La Bouille leur procure, paraît-il, l’illusion d’une plage et le rêve d’une mer. De Rouen ou d’Elbeuf, on assiste à cette folie des familles partant pour La Bouille, les petits avec des haveneaux et des paniers où le mot : "crevettes" est brodé en laine rouge ; les grands coiffés de chapeaux à la Stanley, armés de lorgnettes formidables, et tout pleins de cette religieuse attention que donne la promesse des grands horizons maritimes et des bonnes brises salées. Or, à La Bouille, la Seine n’est pas plus large qu’à Vernon ou au Pont-de-l’Arche. En revanche, elle y est moins accidentée. Elle coule, lente et coutumière, entre deux berges expressément fluviales, que hantent les gardons et les chevennes, poissons terriens s’il en fut. Et cependant, pour peu que vous causiez cinq minutes avec un Rouennais de Rouen ou un Elbeuvien d’Elbeuf, il vous dira "Comment, vous ne connaissez pas La Bouille !… Mais il faut aller à La Bouille, il faut déjeuner à La Bouille ! La Bouille ! La Bouille !" Quand il a dit : La Bouille ! il a tout dit. Quand il est allé à La Bouille, il a tout fait.

Pour remplacer le privilège que vous n'eûtes point, regardez cette vidéo qui vous permettra aussi de visiter la Bouille et d'entrer chez Hector Malot avec Stéphane Bern, le général et sa sœur, dans Le village préféré des Français, 8 min.

Sans famille évoque au passage La Bouille au chapitre XXI lorsque Rémi et Mattia essaie de retrouver le bateau le Cygne :

 

  Par Bayeux, Caen, Pont-l'Évêque et Pont-Audemer, nous gagnâmes la Seine à La Bouille.
   Quand du haut de collines boisées et au détour d'un chemin ombreux, dont nous débouchâmes après une journée de marche, Mattia aperçut tout à coup devant lui la Seine, décrivant une large courbe au centre de laquelle nous nous trouvions, et promenant doucement ses eaux calmes et puissantes, couvertes de navires aux blanches voiles et de bateaux à vapeur, dont la fumée montait jusqu'à nous, il déclara que cette vue le réconciliait avec l'eau, et qu'il comprenait qu'on pouvait prendre plaisir à glisser sur cette tranquille rivière, au milieu de ces fraîches prairies, de ces champs bien cultivés et de ces bois sombres qui l'encadraient de verdure.
   - Sois certain que c'est sur la Seine que madame Milligan a promené son fils malade, me dit-il.
   - C'est ce que nous allons bientôt savoir, en faisant causer les gens du village qui est au-dessous.
   Mais j'ignorais alors qu'il n'est pas facile d'interroger les Normands, qui répondent rarement d'une façon précise et qui, au contraire, interrogent eux-mêmes ceux qui les questionnent.
   - C'est-y un batiau du Havre ou un batiau de Rouen que vous demandez ? - C'est-y un bachot ? - C'est y une barquette, un chaland, une péniche ?
   Quand nous eûmes bien répondu à toutes les questions qu'on nous posa, il fut à peu près certain que le Cygne n'était jamais venu à La Bouille, ou que, s'il y avait passé, c'était la nuit, de sorte que personne ne l'avait vu.
   De La Bouille nous allâmes à Rouen, où nos recherches recommencèrent, mais sans meilleur résultat ; à Elbeuf, on ne put pas non plus nous parler du Cygne ; à Poses, où il y a des écluses et où par conséquent on remarque les bateaux qui passent, il en fut de même encore.


Le groupe de Tenerife
réuni le 19 novembre
2024

Nieves, outre son avis, donne la note d'ambiance.
Nous étions six et on s'est accordés sur la première partie qu'on avait tous aimée, puis à partir des chapitres de la mine, on a trouvé ça un peu lent et répétitif.
Pourtant, on s'est dit qu'on ne regrettait pas d'avoir fait cette lecture.
Le sujet des enfants travailleurs, des conditions de vie dans le pays, et les conflits humains reflétés dans le texte, ont donné lieu à des échanges intéressants, parfois liés à des expériences personnelles (Manuela est née dans un village minier...). Et par la suite, on a aussi beaucoup discuté des circonstances complexes qu'on est en train de vivre à l'heure actuelle.
..

José Luis, quant à lui, exprimera sa déception...

Nieves
J'avais quelques images très floues du film de 1958, mais ce n'est pas cela qui m'a poussé à m'enfoncer dans la lecture de Sans famille. Au départ, l'écriture de Malot rendait les personnages crédibles et, en particulier, très humains. J'ai eu le sentiment d'être tombée sur des personnages qui me faisaient penser à des personnes réelles, si éloignées pourtant dans le temps.
Le roman, je l'ai senti aussi comme une grande fresque murale, sur laquelle se montrent les gens que rencontre le petit Rémi, héros du roman, au long de son parcours à travers la France. Ces personnages habitent dans de petits villages où la vie est vraiment dure et où il est souvent difficile d'avoir à manger tous les jours. Quelques exemples :
- Mme Barberin, la mère adoptive de Rémi, regrette la perte de sa vache qui lui donnait de quoi manger, et son mari, blessé à Paris et ayant dû quitter son travail, veut vendre l'enfant parce qu'il ne peut plus le nourrir : "Il n'a pas de quoi vivre ; il est estropié ; il ne peut plus travailler, et il calcule qu'il ne peut pas se laisser mourir de faim pour te nourrir".
- Vitalis, ancien chanteur d'opéra, devient le tuteur de Rémi après avoir quitté Chabanon, mais étant au chômage, il est obligé de jouer le cirque dans les rues, mourant de faim et de froid.
- Arthus, le jardinier perd les fleurs qui nourrissent ses enfants à cause d'une tempête de grêle, il doit alors dissoudre sa famille et aller en prison, faute d'argent pour finir de payer son morceau de terre.
- De même, les familiers où se réfugient ses enfants, surtout celui qui travaille dans la mine, mènent une vie épouvantable (ces chapitres sur la mine de Truyères m'ont particulièrement saisie…)
Il est vrai que vers la fin du livre, plus précisément à partir des chapitres de la mine, mon enthousiasme du début s'est un peu affaibli. Je trouve que les personnages commencent à avoir moins d'intensité, bien qu'on puisse toujours apprécier les pénuries des gens humbles de l'époque, maltraités par quelques tyrans qui les mènent souvent à la mort.
Or, en dehors de ce cadre social d'une époque qui commence à mettre en marche d'autres moyens de survie, comme l'industrie du charbon, où les travailleurs n'ont aucun droit, ce récit est un exemple de bonnes et des mauvaises qualités de l'être humain.
Rémi passe des moments très durs, quelquefois cruels pour un petit enfant ; pourtant son expérience, sa souffrance, le rendent courageux et lui apprennent à lutter pour se sortir de mauvais tours qu'il trouve en permanence dès les premiers chapitres : "Dans la vie j'avais un but : être utile et faire plaisir à ceux que j'aimais et qui m'aimaient."
Les émotions sont bien décrites et on ne peut s'empêcher de s'émouvoir quand Rémi est heureux et le contraire. Son ami Mattia est aussi un excellent exemple de sagesse et de lutte pour la vie. Bref, c'est une lecture qu'on peut conseiller dans ces temps où c'est souvent la frivolité qui régit les relations humaines.
Cependant, la fin du roman — "ils vécurent heureux à jamais" — où les personnages ont grandi et se rencontrent en paix et en harmonie, me semble moins intéressante. Peut-être l'auteur, en s'adressant aux enfants, a voulu garder l'espoir et la confiance dans le cœur humain avec un récit où on trouve tous les thèmes concernant notre espèce : la vie, la mort, l'amour, l'amitié, la solidarité, mais aussi la méchanceté.
On pourrait conclure en disant que ce récit ressemble un traité de pédagogie de la vie.

José Luis
On se croirait, en lisant ce livre, devant un conte ou un roman d'un mauvais Dickens.
Mauvais, parce que c'est un texte qui manque de style ; Dickens, par l'histoire racontée, qui fait penser à certains des personnages qui peuplent les œuvres de celui-ci. Il y a même une coïncidence curieuse : si je me souviens bien, dans un des textes de Dickens, un enfant disparu d'une famille huppée rencontre finalement parents et foyer, comme il lui arrive à Rémi, l'un des deux héros de Sans famille.
Quant au manque de style, on se demande quelles ont été les leçons que Hector Malot a pu tirer de Stendhal, Balzac ou Flaubert. Les a-t-il au moins lus ? Mais peut-être qu'il n'a jamais cherché à avoir un style à lui, sinon, simplement, à se situer dans la lignée facile d'un réalisme social à la recherche d'un public dont la seule exigence serait de s'émouvoir des disgrâces des pauvres.
Puis-je dire que je me suis beaucoup ennuyé en lisant ce livre, qui n'est peut-être qu'un conte pour adolescents ? Le seul moment où j'ai trouvé un moment de plaisir, cela a été à la lecture des chapitres dédiés à la mine de charbon. Non que j'y aie appris quelque chose, mais parce que, d'abord, le lieu est très bien décrit, ainsi que les périls pour la vie des travailleurs y impliqués, et, après, parce que cette description - qui tranche avec tout le reste du roman - a dû sans doute être une source de connaissance pour au moins une partie des lecteurs. Une seule chose cloche, dans tout cela, l'ignorance dont l'auteur fait montre au sujet de l'insalubrité du métier, qu'il considère du point de vue de la santé bien supérieure au travail à l'air libre des paysans : "Le métier de mineur n'est point insalubre, et à part quelques maladies causées par la privation de l'air et de la lumière, qui à la longue appauvrit le sang, le mineur est aussi bien portant que le paysan qui habite un pays sain ; encore a-t-il sur celui-ci l'avantage d'être à l'abri des intempéries des saisons, de la pluie, du froid et de l'excès de chaleur".
Cela se passe de commentaires ! Heureusement qu'il ajoute, en se reprenant en partie : "Pour lui, le grand danger se trouve dans les éboulements, les explosions et les inondations ; puis aussi dans les accidents résultant de son travail, de son imprudence et de sa maladresse".
Une dernière observation avant de finir : le voyage, à travers la France de deux enfants, n'est pas sans rappeler, il me semble, le célèbre livre qui a éduqué des générations de petits enfants français : Le tour de la France par deux enfants : devoir et patrie d'Augustine Fouillée (alias G. Bruno). Naturellement, je ne parle que du point de vue du parcours à travers villes et paysages qui se retrouvent dans les deux livres.



                    AUTOUR DU LIVRE
Adapté à l'écran et à la scène
L'histoire de la publication du livre
Le parcours d'Hector Malot : sa vie, ses œuvres

Sur les pas d'Hector Malot

ADAPTÉ À L'ÉCRAN ET À LA SCÈNE

 Un film

N
ous avons pu visionner Sans famille, de Marc Allégret (1934), version patrimoniale préférée à :
- Sans famille, film franco-italien d'André Michel (1958) avec Pierre Brasseur, Bernard Blier (en ligne en version médiocre)

- Sans famille, mini-série française en trois épisodes, de Jacques Ertaud (1981), avec Fabrice Josso et Petula Clark, musique de Charles Trenet (en ligne sur le site de l'INA).
- Sans famille, adaptation télévisée franco-allemande de Jean-Daniel Verhaeghe (2000), avec Pierre Richard (en ligne).

- Rémi sans famille, film français d'Antoine Blossier (2018), avec Daniel Auteuil, Virginie Ledoyen
.

 Une pièce

Nous aurons pu voir au théâtre Sans famille, mise en scène par Léna Bréban à la Comédie française (Vieux Colombier), présentée dans le programme ›ici.

• L'HISTOIRE DE LA PUBLICATION DU LIVRE EN DEUX MOTS

 Une idée d'Hetzel abandonnée grâce à la guerre avec la Prusse ?

Comme il l'a déjà fait avec d'autres auteurs (Jules Verne, Daudet...), Hetzel demande en 1869 à Hector Malot d'écrire un roman pour son Magasin d’éducation et de récréation, revue destinée aux enfants, qui aurait pour titre Les enfants du Tour de France. Hetzel souhaite que Malot décrive les sites remarquables de la France, à travers le voyage d'un enfant. Mais Hector Malot supporte mal les directives de son éditeur.
Les choses traînent. La guerre de 70 survient, suivie par la Commune. Les Prussiens réquisitionnent la maison du romancier à Fontenay-sous-Bois. Une partie du manuscrit disparaît.
Hetzel finit par rendre sa liberté à l'auteur concernant la parution dans sa revue : libéré de ces contraintes éditoriales, Hector Malot réécrit le roman en 1877-1878. Tous les soirs, il en fait la lecture à sa fille Lucie (10 ans).
Le livre est publié dans le journal Le Siècle (de décembre 1877 à avril 1878), puis chez l’éditeur Dentu la même année, et enfin chez Hetzel, illustré, en 1880.
Couronné par l'Académie française en 1879, il est rapidement diffusé à l'étranger où il reçoit un accueil remarquable, en Europe d'abord, puis dans les pays balkaniques, la Russie, le Japon, et même la Chine...
Il a connu depuis plus de 80 rééditions jusqu’à nos jours, sans compter les récits condensés pour les plus jeunes (la première publication faisait deux volumes), les adaptations au cinéma (la dernière date de 2018), à la télévision, en bande dessinée, en spectacles, etc.
On le trouve gratuitement en ligne, avec de belles gravures d'Emile Bayard, dans la version d'origine=>ici avant qu'Hetzel en publie une version allégée par Hector Malot lui-même : c'est l'édition du
Livre de poche actuellement disponible, à ne pas confondre avec une édition abrégée pour la jeunesse, par exemple en Folio junior.

 Et le projet d'origine de 1869, un tour de France de deux enfants ?

Bon, on quitte un peu Hector Malot, mais on va y revenir...
Précisons que la production de romans scolaires racontant l’"arpentage" d’un pays par des enfants n'était pas nouvelle, contribuant à la consolidation du sentiment national.
G. Bruno a déjà publié en 1869 Francinet : principes généraux de la morale, de l’industrie, du commerce et de l’agriculture.
La perte de l'Alsace et de la Lorraine en 1871 entraîne, dans les manuels et les romans, un renouveau du nationalisme et donne l'idée du suivant proposé à Belin : Le tour de la France par deux enfants : devoir et patrie publié en 1877 ; les deux enfants sont lorrains... (Gallica ›ici, wikisource ›ici)
Ce n'est qu'en 1899 que la véritable identité de G. Bruno qui peut faire croire que l'auteur est masculin sera révélée : le philosophe Alfred Fouillée signait pour sa femme Augustine ses contrats chez Belin. Son pseudonyme serait inspiré du philosophe et écrivain italien Giordano Bruno.
Le succès du Tour de la France par deux enfants est considérable : publié en 1877, le roman s'est vendu en 7,4 millions d'exemplaires en 1914.
Il a connu de multiples rééditions et adaptations. Ainsi la nouvelle édition en 1906, suite à la séparation des Églises et de l’État, est expurgée de toute allusion à la religion catholique : le département des Landes a ainsi disparu, car saint Vincent de Paul y était évoqué !
L'auteure publiera ensuite Le Tour de l’Europe pendant la guerre en 1916, en pleine Première Guerre mondiale, une suite du Tour de la France reprenant les mêmes personnages d’André et Julien Volden avec leurs descendants.
Il sera encore utilisé dans les années 1950. Il est toujours en vente, chez l'éditeur d'origine, Belin ; l'ouvrage a été réédité, notamment lors du centenaire en 1977, puis en 2000 par Belin, en 2006 par France Loisirs, puis en 2012 aux éditions Tallandier. Au total, cet ouvrage fait l'objet de 500 éditions.
De nombreuses études lui sont consacrées. Citons :
- Jacques et Mona Ozouf, "Le tour de la France par deux enfants : le petit livre rouge de la République", Les lieux de mémoire, tome I : La République, dir. Pierre Nora, Gallimard, 1984.
- Martine Watrelot, "Aux sources du Tour de la France par deux enfants", Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome 46, n° 2, avril-juin 1999.
- Patrick Cabanel, Le Tour de la Nation par deux enfants : romans scolaires et espaces nationaux (XIXe – XXe siècles), Belin, 2007.

LE PARCOURS D'HECTOR MALOT : SA VIE, SES ŒUVRES

 Gallica : une mine comme d'hab

Pour tout savoir et en images, lisez la magnifique réalisation de Gallica à propos d'Hector Malot, sur le site de la BNF.

Une association très active

 Le site de l'association des Amis d'Hector Malot mérite la visite : www.amis-hectormalot.fr

› Hector Malot : écrivain célébré, déclassé, puis oublié

C'est un écrivain reconnu jusqu'en 1880. Par la suite, il accumule les succès populaires, mais les grands auteurs cessent de s'intéresser à ses romans, considérant que l'écrivain prometteur est tombé dans la facilité et néglige l'écriture. On raille ses romans à rallonge publiés en feuilletons dans les journaux.
Ses romans pour adultes seront lus jusque dans les années 1930. Puis, considérés comme démodés, ils sont délaissés et l'auteur est oublié. Malot avait pourtant autant de lecteurs que Jules Verne et Alexandre Dumas. Seules ses œuvres de la littérature de jeunesse telles Sans famille traversent le XXe siècle (voir l'article de 2022 de Chantal Cormont sur le site du Mouvement Européen Seine-Maritime).

Pourtant Hector Malot est un républicain progressiste

"Avec ses amis Jules Vallès, le paria de la Commune, et Jules Simon qui devient ministre de l'Instruction publique sous la IIIe République, il se montre sensible au sort des enfants. Il défend des causes dans la presse et surtout dans ses romans. Son levier est le droit. Il scénarise des situations difficiles, incarnées par des héros ou des héroïnes victimes d'injustices, montre les limites des lois existantes et en suggère parfois de nouvelles." Il demande :
- une reconnaissance de droits pour les enfants naturels et leurs mères
- le droit à l'identité des enfants abandonnés, plaie du XIXe siècle.
- le rétablissement du divorce, supprimé en 1816.
Il est profondément révolté par les conditions de travail des enfants, en particulier dans les arts du spectacle, l'industrie textile, la mine.
Il dénonce également la loi sur l'internement d'office en asile psychiatrique et les dysfonctionnements de ces asiles.
Il témoigne de l'antisémitisme qui touche des Alsaciens (
voir sur tous ces sujets dans ses romans des détails dans l'article de 2023 de Chantal Cormont).

Sur France Bleu Picardie, Jean-Paul Grumez, de l'association des Amis d'Hector Malot, donne trois interviews de 3 minutes fort intéressantes dans l'émission Pourquoi ? Comment ? :
- "En quoi l'écrivain Hector Malot est-il un novateur ?", notamment dans le domaine éducatif, 23 janvier 2019.
- "Pourquoi à nouveau Hector Malot est-il à l'affiche au cinéma ?", 13 décembre 2018 (à la sortie du dernier film) ; il est à regretter qu'il soit cantonné à la littérature jeunesse, bien qu'ayant lu une soixantaine de romans, dont 5 seulement peuvent être considérés pour la jeunesse ; une nouvelle adaptation de Sans famille peut être l'occasion de le découvrir.
- "Comment les écrits d'Hector Malot ont-ils fait évoluer la société française", 29 janvier 2019 : écrivain réaliste, il dénonce les abus, combat pour des droits et contre des injustices, populaire il fait avancer des idées.

SUR LES PAS D'HECTOR MALOT

On quitte la littérature pour le tourisme littéraire, c'est vrai !

 Dans la région de sa jeunesse

- Arte nous permet de découvrir ces paysages depuis notre canapé : "Sans famille en Normandie", Invitation au voyage, 15 min.
- Et ce diaporama de Jacques Calu de 6 min sur youtube nous permet une visite biographique, également bien au chaud.
- Stéphane Bern choisit La Bouille pour un épisode de son émission Le village préféré des Français, 8 min.
- Des touristes japonais viennent à la Bouille (710 habitants en 2021), motivés entre autres par Sans famille (›youtube), preuve de sa célébrité dans le monde entier !

Une petite visite voire une randonnée ? Cliquez sur les liens pour accéder aux descriptifs sous forme de dépliants :
- dans le village de Bouille à 20 km de Rouen : Hector Malot n'a jamais situé de romans dans son village natal, mais il le cite à plusieurs reprises (dans Sans famille, Complices, Souvenirs d'un blessé...).
On peut trouver des traces de la présence du romancier dans les ruelles de La Bouille : buste de Chapu dans le square Malot, maison natale avec une plaque commémorative, étude notariale de son père, vitrail qu'il a offert dans l'église... ; la balade est prévue pour certains d'entre nous dans le village aux ruelles moyenâgeuses, en bord de Seine
- un circuit de 10 km pour les marcheurs : de circuit sur les pas d'Hector Malot, qui a résidé de 1835 à 1848 à Bosc-Benard-Commin permet de rejoindre Bourgtheroulde à Bosc-Bénard et de revenir, avec une dizaine de haltes permettant des lectures d'extraits de romans d'Hector Malot
- un dépliant renvoie à des panneaux illustrés concernant Malot et l'agglomération rouennaise
- un circuit plus large englobe, outre La Bouille, Rouen, Elbeuf, Bonsecours

- sur les pas de Perrine : le roman En famille se situe dans la vallée de la Somme et s'inspire des usines Saint Frères de Flixecourt : le dépliant correspond à un parcours balisé dans les marais de la Somme.

 Tout près de Paris où il vivra une grande partie de sa vie

Le long du bois de Vincennes, Hector Malot s'est installé en 1864 à Fontenay-sous-Bois, 2 avenue de la Dame-Blanche, où il a habité pendant plus de quarante ans jusqu'à sa mort en 1907.
Sa maison a été détruite.
Préoccupé par les questions sociales, il s'est investi dans la vie politique locale, conseiller municipal de 1876 à 1885. Il est enterré dans ta commune.
Un parcours de de 1,5 km en 10 points d'intérêt, depuis la gare du RER A de Fontenay-sous-Bois. Dépliant 
ici.


Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
à moitié
un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !

 

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