Compartiment pour dames, trad. de l'anglais (Inde) Marielle Morin, Livre de poche, 432 p.

Quatrième de couverture : Akhila est employée aux impôts. Éternelle célibataire, cette quadragénaire n'a jamais été libre de mener sa vie comme elle l'entendait : toujours la fille, la sœur, la tante de quelqu'un, celle qui fait vivre la famille. Sur un coup de tête, elle prend un aller simple pour Kanyakumari, une petite ville balnéaire du sud de l'Inde. Dans l'intimité du sleeping – le fameux "compartiment pour dames" – qu'elle partage avec cinq autres compagnes, Akhila ose poser la question qui la hante depuis longtemps : une femme a-t-elle vraiment besoin d'un homme pour être heureuse et épanouie ?
Compartiment pour dames est le best-seller qui a révélé Anita Nair. C’est un livre délicieux, chaleureux, qui nous ouvre le cœur de ces femmes indiennes dont nous sommes finalement proches, mais c’est aussi un texte engagé sur le sort qui leur est réservé aujourd’hui encore.


Picquier, 2002
Picquier poche 2004


Compartiment pour dames, Albin Michel, 2016


Ladies Coupé
, Penguin, 2001, publié en français sous le titre Compartiment pour dames

Anita Nair (née en 1966)
Compartiment pour dames (2001, traduit en 2002)

Nous avons lu ce livre en novembre 2024.
Le groupe breton le lira pour le 23 janvier 2025.

  DES INFOS AUTOUR DU LIVRE
• 
La littérature indienne et VAC
Les livres d'Anita Nair
Les traducteurs

Repères biographiques

Interviews

Les 17 cotes d'amour du groupe parisien
réuni le 8 novembre
Christelle
FrançoiseJacquelineMonique L
entre etClaire
Annick AAnnick LBrigitte
CatherineFannyRenée
RichardRo
zenn Thomas
entre et Sabine

Cote d'amour et compléments à venir : Danièle
Avis à venir : •Etienne


Danièle
(avis transmis)
Je
ne pourrai pas être là ce soir, car je pars au petit matin pour… l'Inde.
Dans l'effervescence du départ, je n'ai pas eu le temps de rédiger un avis, d'autant plus que je ne l'ai pas fini, par manque de temps.
Mais bien sûr, j'ai aimé me plonger dans un univers féminin qui a son mot à dire, sur le ton de l'intimité, à propos des rapports entre hommes et femmes, sur la pauvreté comme carcan de départ dans la vie, sur la soif d'indépendance des femmes de la nouvelle génération, et sur le poids des traditions pour la plupart. L'importance du sari, son drapé qui cache ce qu'il veut, ses couleurs enivrantes qui cachent la misère environnante, m'avaient déjà frappée lors d'un précédent voyage, et j'en vois la confirmation dans ce livre. Des pages entières pour le décrire. Je ne peux pour le moment en dire plus, mais en tout cas, je l'emporte avec moi pour le finir.
Rozenn
(avis transmis)
Lu sur mon téléphone d'une traite et dans le bruit.
Le projet du livre est intéressant.
Intéressant aussi pour les détails de la situation des femmes ailleurs.
Mais j'aurais plus envie de débattre du fond que du livre lui-même.
La dernière femme - oubliée - est celle que j'ai trouvée la plus intéressante.
Je pense que si j'avais une version papier, je la ferais circuler autour de moi.
Mais je ne l'ouvre qu'à moitié et essentiellement pour son intérêt documentaire.
Sabine entre et (avis transmis de Nîmes)
Je n'ai pas été transcendée par la lecture d'Anita Nair.
Tout comme le film indien qui a obtenu un prix à Cannes, je n'ai ni accroché au film, ni au roman d'Anita Nair.
J'étais pourtant favorablement disposée : la découverte des romans de R. Mistry au groupe-lecture fut immense !
Et là... grosse déception. En dépit d'une quatrième de couverture alléchante, j'ai ramé avec la narration (problème pour identifier qui parle). J'ai souri à l'évocation de quelques problèmes féminins (suis-je bien épilée, bien coiffée, bien parfumée ?!) ; le rapprochement entre les êtres et les substances chimiques est étonnante. J'ai arrêté ma lecture aux 2/3, de même que j'ai dormi 1/3 du film indien. J'ouvre ainsi le livre au 1/3.
Monique L
(en direct comme ceux qui suivent)
Dans quelle mesure une femme peut-elle vivre pour elle-même ? Peut-elle, malgré le poids de la société, de la famille et du voisinage, vivre sans homme ? Une femme en Inde peut-elle vivre sans être mariée ? Telles sont les questions que se pose Akhila et qu'elle pose aux autres femmes qui partagent son compartiment.
Sa question permet aux autres voyageuses, toutes mariées (sauf la plus jeune), de se pencher sur leur vie de femme, de faire le point sur leur vie d'épouse. Un bel instant de partage ! On passe de l'histoire d'une femme à une autre très facilement, cela s'enchaîne naturellement. Ce sont des portraits de femmes si différentes et si proches dans leurs désirs de vivre pour elles-mêmes, loin du joug de la famille et du jugement des autres.
Au cours de ces conversations, beaucoup de sujets sont abordés : l'amour, la haine, l'amitié, l'homosexualité, la pauvreté, le viol, l'homosexualité… L'auteur aborde tous ces sujets sans tabous et nous fait découvrir la société indienne moderne, assez différente de la nôtre. J'ai adoré être plongée dans la culture indienne. Cela m'a beaucoup intéressée, entre autres la nourriture.
Au-delà des spécificités indiennes, certaines questions abordées sont assez universelles. Qui ne s'est pas senti contraint par son entourage, par la tradition, par ses obligations ?
Une fois le livre terminé, je me suis aperçue que l'auteure avait balayé la plupart des situations qui empêchent les femmes de s'émanciper : cela m'a gênée, mais je ne l'avais pas perçu durant ma lecture. C'est certainement dû à la manière dont c'est écrit ; cela ne fait ni propagande ni manifeste féministe.
J'y ai vu de l'humour, par exemple sur l'acte qui marque les débuts d'émancipation : manger des œufs, apprendre la natation en cachette…
C'est un livre bien écrit et facile à lire. J'ouvre aux ¾.
Renée(à l'écran depuis Narbonne)
Belle construction de ce roman, avec en parallèle la vie d'Akhila et celle des 5 autres voyageuses.
La vie des femmes en Inde est plus compartimentée qu'en France, elles sont un peu plus corsetées, les mâles dominent, dirigent la famille. J'ai aimé ce côté documentation du livre. Cependant j'ai retrouvé les mêmes aspirations que les femmes occidentales, les mêmes questions :
- une femme peut-elle vivre et être heureuse sans un mari ?
- une femme doit travailler pour subvenir à ses besoins (et ici à ceux de ses frères)
- le rejet de celle qui devient call-girl
- l'amour ne peut pas exister si la femme est plus âgée ?
J'ai aimé Sheela, la jeune fille qui maquille sa grand-mère, se fait gronder, mais est certaine qu'elle, elle aurait aimé.
L'histoire de Margaret, humiliée par son mari, odieux dictateur dans son collège, beau, sportif, le fait subrepticement grossir pour le transformer en chapon inoffensif : très amusant.
La dernière histoire est plutôt horrible : une femme qui rejette son enfant parce que né d'un viol. Sa vie la rend méchante, elle aime son fils quand elle s'aime enfin.
Grace aux expériences des autres voyageuses, Akhila va quitter sa vie de servitude, de sacrifices et de frustrations pour vivre sa vie, devenir qui elle est en son for intérieur.
Je l'ouvre à moitié.

Richard
Mes sentiments sont mélangés.
J'ai trouvé le livre - que j'ai lu en anglais - facile à lire. Les phrases très courtes contribuent à une lecture facile.
J'ai trouvé des vrais bijoux, par exemple cette expression : "an uneasy silence crawled on all fours" ("So each time I walked into the staff-room, an uneasy silence crawled on all fours, weaving its way through the rows of tables and chairs", dont la traduction dans l'édition française est "À chaque fois que je pénétrais dans la salle des professeurs, un silence gêné s'installait, se faufilant à travers les rangées de tables et de chaises" : "un silence gêné s'installait" n'a pas la force d'un mouvement animal de "on all fours").
J'ai été frustré, car à chaque épisode - récit d'une vie - qui a son intérêt, c'est court, sans développement notamment psychologique, comme s'il s'agissait de symboles que chaque femme représentait.
Le livre a été assez apprécié par le monde des féministes, et on finit par se poser la question : est-ce que nous les hommes, on sert à quelque chose ?...
Je suis donc frustré par la rapidité de chaque chapitre, et il m'a paru difficile parfois de suivre Akhila qui est pourtant toujours là et par paresse de retenir les noms.
L'anglais m'a paru un anglais conversationnel, ce qui baisse pour moi la qualité de l'écriture.

Claire, souvent agaçante...
C'est forcément un anglais parlé puisque ce sont des récits oraux.

Richard
J'avais pas pigé ça. Mais c'est normal, puisque les premiers chapitres sont rédigés à la troisième personne par l'auteur (en l'occurrence Nair). Ce n'est que plus loin dans le livre que nous rencontrons les histoires racontées par les femmes du compartiment.
En tout cas, quelque chose sauve le livre, la fin, qui donne une note haute, avec la dernière phrase, mais qui laisse la conclusion ouverte : est-ce qu'Akhila a prouvé son indépendance ou est-elle finalement victime de l'attrait d'un homme ?
J'ouvre à moitié, même si c'est un peu généreux pour mes habitudes.
Claire balançant entre et
Je ne sais pas encore comment "j'ouvre" et verrai après le tour...
Mes impressions positives :
- l'aspect documentaire sur l'Inde (l'histoire de l'œuf m'a paru sidérante) m'a continûment intéressée ; le poids de la famille est effrayant
- les histoires - édifiantes - sont assez palpitantes
- l'enjeu du livre - l'émancipation - vaut la chandelle
- l'artifice - le voyage donnant lieu au récit des parcours - marche
- j'ai trouvé fluide le passage d'une autre femme au personnage principal et la construction bien fichue sur la durée
- la midinette en moi a été satisfaite.
Mes éventuelles réserves :
- il ne faut pas se lasser, car le programme est annoncé par l'artifice déployé
- il est difficile de s'attacher à des personnages qu'on oublie, mais ce n'est pas grave
- le risque principal me semble l'aspect démonstratif, c'est un peu lourd quant aux révélations qui adviennent, avec un petit côté développement personnel
- le dernier récit me semble moins vraisemblable, par une narration à la première personne trop chiadée pour le personnage - dommage pour la dernière (je remarque que pourtant, c'est la femme que Rozenn a trouvé la plus intéressante).
J'ai été extrêmement contente d'avoir vu en parallèle le film All We Imagine as Light qui m'a donné des images de ces femmes, avec un sujet similaire.
Je serai curieuse de connaître concrètement les réactions au livre quand il est sorti en 2001 : ce fut un grand succès, d'accord, mais qu'est-ce qui se dit alors ?
Annick A
Je l'ai acheté ce matin et l'ai lu dans la journée.
(Moues d'admiration)

Il se lit assez facilement. J'ai bien aimé ce livre.
Certains passages sont psychologiquement un peu légers.
J'ai un peu de mal à en parler car je viens de le finir.
Il est centré sur la place des femmes et la question : est-ce qu'on peut se passer d'hommes ? La réponse semble non, dommage. Et la fin est un peu décevante.
C'est bien écrit et le montage de ces histoires différentes est assez bien fait.
J'ai bien aimé l'histoire de la femme qui va se baigner : j'ai trouvé très fine cette histoire, où elle s'accorde d'accéder à son désir. C'est le passage que j'ai préféré, où elle apprend à flotter.
Thomas
J'ai bien aimé le côté dépaysant, cette découverte d'une partie de l'Inde, avec notamment la tradition des kolams dont certains sont de véritables œuvres d'art, ou encore l'interdit entourant les œufs. Et évidemment, il y a tout ce qu'on apprend sur la place de la femme en Inde, les différents portraits sont édifiants sur le sujet.
Si cette partie "témoignage" est très réussie, je suis en revanche un peu resté sur ma faim en ce qui concerne la partie romanesque. Il y a bien quelques idées intéressantes - ce parallèle avec les éléments chimiques pour cette professeure de chimie, ou l'apprentissage de la natation comme jolie métaphore de l'émancipation -, mais les récits finissent par se ressembler un peu. J'ai eu l'impression de toujours retrouver les mêmes situations avec des femmes au service de leurs maris et plus largement de leur famille, et si cela a le mérite de la véracité, la lecture en manquait un peu de variété.
Je prendrai le contrepied d'Annick en ce qui concerne la fin, que j'ai trouvée réussie, et qui, pour moi, montre qu'Akhila peut se passer d'un homme. À mon sens, si elle rappelle Hari, c'est parce qu'elle le veut et non pas parce qu'elle en a besoin. C'est une décision qu'elle a prise en toute liberté et en toute connaissance de cause, entérinant son indépendance. Du moins, c'est ainsi que j'interprète le passage précédent, où Akhila "séduit" ce jeune Indien. Il me semble que tout l'intérêt de cette scène est justement de montrer qu'à partir de maintenant, Akhila mène elle-même le jeu de sa vie.
Enfin, j'ai été un peu déçu par le style, plutôt facile à lire, mais qui m'a semblé manquer de poésie et de finesse. À noter que l'édition anglaise se termine par des recettes de cuisine, ce que j'ai trouvé une très belle initiative (même si je n'ai pas encore pu les tester !).

Claire (qui y repense après la séance)
Au fait Thomas, tu avais laissé entendre que cette lecture s'intégrait parfaitement sur ta lancée de A room of one's own de Virginia Woolf et de Persuasion de Jane Austen.

Thomas
Effectivement, j'y ai un peu pensé, mais ça aurait pris du temps (suite ›ici).
Catherine

Je connaissais pas l'autrice et je n'ai lu que quelques auteurs indiens, dont les deux romans d'Amit Chauduri et L'Équilibre du monde de Rohinton Mistry, que j'avais beaucoup aimé.
Ça a été pour moi une lecture aisée, je suis rentrée facilement dans le livre. J'ai aimé la situation de départ, assez classique d'ailleurs, le huis clos forcé du train qui permet au lecteur de découvrir successivement 6 femmes, qui se livrent les unes après les autres. Elles racontent leur destin, plus ou moins compliqué, voire tragique pour la dernière, on découvre ainsi la place des femmes dans la société indienne (qui ne fait pas rêver). Le livre n'est pas manichéen, les hommes n'ont globalement pas le beau rôle, mais ne sont pas tous odieux. Certains couples semblent même plutôt réussis, le premier couple par exemple, les parents d'Akhila aussi, les femme étant tout de même totalement dévouées à leur mari, l'une d'elles a épousé son oncle, ce qui laisse quand même un petit malaise. Certaines sont femmes au foyer et vivent dans la hantise du décès de leur mari qui peut les précipiter dans la misère, d'autres sacrifient leur carrière, leurs rêves et leur autonomie. La figure centrale est celle d'Akhila qui s'est dévouée à sa famille après la mort de son père, et a sacrifié sa propre vie par la même occasion. Elle a néanmoins vécu une histoire d'amour clandestine à laquelle elle n'a pas donné suite car elle ne correspondait pas aux diktats de la société. Elle est maintenant au milieu de sa vie et hésite à affirmer son autonomie face à ses frères et sœurs qui ont profité d'elle. C'est un personnage attachant. Le système des castes est évoqué seulement au détour de la première histoire qui concerne une brahmane, sans être approfondi. Un des intérêts pour moi a été de découvrir la vie de femmes plutôt issues de la bourgeoisie, relativement aisées, dont certaines ont fait des études et sont diplômées ; les livres que j'avais lus précédemment mettaient en scène des personnages issus des classes les plus défavorisées.
Il y a de l'humour par moment, la femme qui engraisse son mari, moins odieux quand il est gros. J'ai aimé l'évocation de moments de plaisir que ces femmes s'accordent, la dégustation d'un œuf, l'apprentissage de la natation, c'est joliment écrit. Pour finir, j'ai apprécié tout ce qui concerne la cuisine, les saris, c'est un livre qui dépayse.
J'ai vu également le film
All we imagine as light qui a des points communs avec cette histoire.
Globalement un vrai plaisir de lecture, sans doute pas un grand livre mais intéressant ; je l'ouvre à moitié.
Brigitte(à l'écran)
Je ne connaissais pas du tout Anita Nair.
J'ai eu plaisir à découvrir la vie de toutes ces femmes, dont la culture est tout à fait différente de la nôtre.
L'idée du compartiment réservé aux femmes m'a paru sympathique. Je suis donc partie avec elles dans ce train de nuit.
Au début tout s'est bien passé ; tout m'intéressait, jusqu'à la sixième d'entre elles, Marikolanthu. À ce moment-là, le charme de ma lecture s'est rompu. J'ai ressenti cette dernière partie comme l'obligation pour la romancière de compléter son travail par l'évocation des classes les moins aisées de la population, du viol, de l'homosexualité, qui manquaient à son panorama de la condition des femmes indiennes.
De plus, je trouve très faible la fin du livre, avec Akhila assise sur un banc face à la mer, se remémorant toute son existence avant de téléphoner à Hari, son ancien amour.
J'ouvre donc à moitié.
Jacqueline

Je l'ai lu très vite et très bien et j'ai eu envie d'en lire un autre. J'ai commencé La mangeuse de guêpes qui m'a semblé encore plus intéressant par ses références à des croyances indiennes. Je n'ai pas eu le temps de finir, mais je me suis alors rendu compte que j'avais presque oublié le précédent, que je confondais les personnages - ce doit être une question de style car leurs histoires sont différentes, sans doute une question de voix qui sont trop semblables - et je l'ai repris.
J'ai été très intéressée par le parcours d'Akhila autour de qui se construit le roman.
Je n'ai pas été gênée par ce dont a parlé Brigitte, car ce n'est pas un récit comme en font les cinq autres femmes, mais les souvenirs que Akhila évoque dans sa tête, comme ils lui reviennent.
J'ai beaucoup aimé la figure du père, son honnêteté foncière, son respect envers ses proches et sa souffrance devant l'adversité. J'ai aimé aussi la relation entre l'adolescente et sa grand-mère, le fait que la jeune fille se sente seule à prendre fait et cause pour elle. J'ai relu l'histoire de Margaret. Et la dernière, qui illustre d'autres misères bien réelles.
Mais, quand même, pour qui ce livre a-t-il été écrit ?
Il me semble qu'il y a en Inde une grande diversité de cultures, celle des brahmanes, celle du Kerala… : le livre en parle un peu, il est question de lieux, de nourriture, mais la coexistence comme les différences m'ont paru gommées. Est-ce parce qu'il est écrit en anglais standard indien ? Par ailleurs, son exotisme m'a rappelé quand, adolescente, je lisais Pearl Buck pour connaître la Chine ! Il est plein de bonnes intentions et vise un grand public (un peu comme Morante dans La Storia).
J'aurais aimé plus, mais je l'ai lu vite et sans ennui et ne vais pas désavouer mon intérêt. J'ouvre aux ¾.
Christelle

J'étais ravie de lire un livre d'Inde.
Et qui ne soit pas aussi glauque que d'autres… car ces femmes font partie de la classe moyenne, la classe émergente en Inde. Cette classe est issue de classes plus pauvres, dispose de plus de moyens financiers, mais on peut constater que les traditions et le poids de la famille indiens paraissent peu évoluer. Cependant, les femmes de ce roman ont également des aspirations dans lesquelles nous pouvons nous reconnaître.
Il y a une grande différence entre le Sud et le Nord de l'Inde : j'ai vécu au Nord où c'est beaucoup plus dur pour les femmes ; d'ailleurs il n'y a quasiment pas de femmes dans les rues  ; je me souviens, nous circulions en voiture avec une amie et on les comptait, à Dehli : une femme pour 20-30 hommes... Ce n'est pas seulement lié à la taille de la ville, mais semble-t-il aux traditions, à la mentalité, car à Bombay par exemple, les femmes sont plus présentes dans l'espace public.
J'ai aimé ce huis clos, je pense que, grâce à ce principe de compartiment réservé, ces femmes se sentent en sécurité et que cette sécurité les aide, alors qu'elles ne se connaissent pas, à se livrer aussi rapidement.
La construction est artificielle, mais fluide finalement. Les différents récits forment comme des nouvelles, cloisonnées ; j'ai regretté qu'il n'y ait pas de dialogue entre ces 6 femmes, leurs réactions mutuelles nous auraient peut-être permis de mieux comprendre certains éléments.
Il y a finalement très peu d'émancipation ; ainsi, parmi les différentes figures de femmes croisées dans le roman, la grand-mère de Sheela est l'une des plus fortes et cependant on sent son ambivalence dans sa relation aux hommes dans ses conseils à sa petite-fille : "Ne deviens pas une de ces femmes qui se soignent pour séduire. La seule personne à qui tu dois plaire, c'est toi." mais quelques lignes plus loin : "Tu ne manges pas assez. Tu es trop maigre. Un homme ne voudra pas de toi pour femme. Les hommes n'aiment pas les os au lit. Ils préfèrent les rondeurs."
J'ai été déçue par la fin assez peu crédible, voire un peu gnangnan, je m'attendais à une autre réponse à la question que se posait Akhila "une femme a-t-elle besoin d'un homme pour se sentir épanouie ?".
Mais avant l'issue, j'ai apprécié ces portraits réalistes et l'atmosphère indienne (qui me manque), j'ouvre aux ¾.
Annick L
J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman, qui se décline comme une série de portraits. Et j'ai été très intéressée par cette plongée dans la vie intime de ces femmes indiennes, très dépaysante pour moi. La déclinaison est variée, de par l'âge de ces personnages et leur situation personnelle : quatre sont mariées et "femmes à la maison", deux sont célibataires, dont le personnage central, Akhila, qui a un bon travail et entretient sa famille, ainsi que la plus jeune fille, en rupture de ban. Elles viennent presque toutes d'un milieu aisé, sauf la dernière, dont l'histoire est particulièrement tragique. Et même si le statut des femmes dans l'Inde contemporaine s'est beaucoup amélioré (plusieurs ont fait des études), on sent encore peser sur elles le poids du patriarcat, des contraintes familiales et des traditions, religieuse ou pas. Une seule, la plus âgée, se montre plutôt satisfaite de sa condition. Les autres sont profondément insatisfaites et cherchent à s'affirmer, à faire entendre leur voix. Un sujet qui me touche particulièrement. Mais il ne s'agit pas, dans ce contexte, de révolution à marche forcée, chacune d'entre elles chemine à petit pas, sans remettre en question le cadre dans lequel elles sont enfermées : l'une va apprendre en cachette à nager et découvre le plaisir de flotter, légère, sur l'eau, l'autre va décider de manger un oeuf devant sa mère, devant sa soeur, au mépris de tous les interdits alimentaires, l'autre enfin va se venger de son mari tyrannique et pervers en le gavant de nourriture comme un petit cochon. La seule qui rompt publiquement le cercle, en quittant sa famille pour un grand voyage à l'autre bout du pays, c'est Akhila. Et cela me semble assez réaliste.
Mais il y a un côté démonstratif, sans oublier dans l'inventaire le viol et l'homosexualité. Et la construction est assez artificielle, avec son enchaînement de séquences, entrecoupé de flashs back sur l'enfance et la jeunesse d'Akila.
C'est donc un livre intéressant, mais pas remarquable, contrairement au
Dieu des Petits Riens d'Arundhati Roy qui me laisse un souvenir inoubliable. J'ouvre ½.
Fanny

J'ai eu du mal à entrer dans le livre et le style y était pour quelque chose. Dans les 40 premières pages, les phrases m'apparaissaient mal construites, mal foutues.
Puis j'ai été prise au jeu, prise par ces femmes, et leurs "petits pas" d'émancipation.
C'est très visuel et sensuel, avec la nourriture, l'aspect vestimentaire.
Ma mère voit que j'avais ce livre : elle l'avait lu ! Il faut que tu le fasses lire à tes filles !...
Il m'a paru facile à lire, avec un style un peu facile.
L'aspect midinette est touchant, parfois limite : "Il la regardait, rayonnant de plaisir, avant d'éclater de rire : 'C'est parce que nous sommes faits l'un pour l'autre. Nous sommes deux corps et une seule âme.'" Ou bien : "Ils restèrent assis côte à côte en silence, les contours de leurs corps se frôlant, les tourbillons de leurs pensées s'entremêlant, nuage de lucioles reliées entre elles par des liens invisibles."
Dans le récit de la dernière femme, l'auteure met vraiment "tout". Le livre est très construit pour servir le propos. Mais je me suis laissé prendre.
Si Richard dit qu'en ouvrant ½ il est un peu généreux, pour ma part en ouvrant ½ c'est un peu sévère...
Françoise(qui avait proposé le livre après l'avoir découvert dans un autre groupe)
J'adore le train et ce qui se passe dans les trains, qui constituent un espace-temps particulier. J'ai donc aimé l'idée du livre, même si ce n'est pas particulièrement original, mais d'une manière générale, j'aime les vases clos, également au cinéma d'ailleurs.
Je rejoins ceux qui ont une réserve concernant l'aspect "catalogue", mais qui permet un reflet de la société indienne, diverse et avec des contradictions. Il y a des constantes, mais aussi des différences selon les États, l'Inde est plus qu'un pays c'est un continent. Ici les femmes appartiennent à une classe relativement privilégiée, et pourtant elles ont des vies très différentes, et toutes assujetties de manière diverse. Même Akhila contre laquelle je me suis énervée car bien que "chef de famille", indépendante, elle subit la pression de sa famille parce qu'elle n'est pas mariée, mais fini - enfin - par les envoyer péter !
Ces histoires de femmes me parlent et, l'ayant lu en anglais, j'attendais l'avis de Richard sur cet anglais dont j'avais l'impression qu'il était un "anglais d'Indien", simple, un peu fleuri, un peu scolaire. En tout cas, pas l'anglais qu'on lit d'habitude. Mais ça ne m'a pas dérangée, au contraire.
Arundhati Roy est pour moi "au-dessus" d'Anita Nair. J'étais dans un train en Inde quand un vendeur portant une pile de livres jusqu'au menton avait Le Ministère du Bonheur Suprême (The Ministry of Utmost Happiness) sur lequel je me suis jetée (elle y parle des hijras) : le bonheur suprême ! Je peux le prêter si quelqu'un est intéressé (en VO).
J'ai eu un grand plaisir de lecture (mon baromètre pour noter). Je ne l'ouvre pas en grand, note que je réserve à Arundhati Roy, mais j'ouvre ¾.

1/2:Suzanne, MO, Jean
Entre 1/2 et 3/4 :Brigitte
3/4 : Philippe, MT
Entre 3/4 et 4/4 : Edith, Chantal ?
4/4 : Annie, Marie-Claude

Les 10 cotes d'amour du groupe breton
réuni le 23 janvier 2025
AnnieMarie-Claude
EntreetChantalÉdith

Marie-ThéPhilippe
Entre
etBrigitte

Jean Marie-OdileSuzanne

Chantal entreet
J'ai adoré ce livre ! Qui m'a fait beaucoup de bien dans un moment difficile. J'étais dans le compartiment avec Janaki, Akhila, Sheela, Margaret, Prabha Devi..., des sœurs, des copines. J'ai partagé leurs discussions, écouté leurs histoires de vie.
A la gare de Coimbatore, j'ai tout vu : les porteurs, la foule des voyageurs, les embouteillages, les sacs plastique qui volent, les déchets par terre... J'ai senti les odeurs de fleurs, de friture, d'épices... ouah, quel plaisir, je me revoyais à la gare de Delhi ! Mon nom et celui de mon amie écrits sur notre compartiment... voyage voyage...
Certes, ce n'est sans doute pas un "grand livre", ni un chef-d'œuvre littéraire. Le montage, la construction du livre, sont un peu simplistes : témoignage de l'une, réflexion d'Akhila sur sa propre vie, témoignage de la suivante, re-réflexion d'Akhila. Et ainsi de suite... Oui, c'est basique. Mais tous ces témoignages m'ont parlé, m'ont touchée. Ont amené chez moi des réflexions, notamment sur nos vies, nous occidentales, nos vies de femmes, celles de nos mères, nos grand-mères, maintenant, dans le passé. L'emprise des codes sociaux, familiaux, religieux qui pèsent sur ces femmes, sur nous... (cf. le documentaire INA/France Télévisions "Il suffit d'écouter les femmes").
Oui, ces femmes m'ont émue, ces femmes VIVANTES : tout vibre en elles, leur corps, leur esprit, leurs sentiments ! Elles veulent, après une prise de conscience qui a pris parfois de longues années, se libérer d'une façon ou d'une autre de la dépendance de leur père, mari, frères, mères, sœurs. Janaki, "femme d'un certain âge", va s'accommoder d'un "amour amical" avec un très beau passage ("mais n'était-ce pas ainsi qu'ils vivaient (...) un amour amical", p. 52). Sheela la jeune femme va fuir la violence du père... Margaret, avec un passage que j'ai adoré : chaque personne de sa vie décrit en élément chimique ! L'amour également ("l'amour est un liquide incolore et volatile, etc. , p. 210). Et qui va se venger de son mari et de ses humiliations en l'engraissant comme une oie... ou un porc... ?
Prabha Devi, elle, qui va se libérer d'un mari gentil mais néanmoins dominant, libérer son corps, le faire flotter, voler... en apprenant à nager clandestinement !
Et enfin Akhila, au bout de ce voyage, elle qui a subi l'emprise de toute sa famille, femmes comprises, jusqu'à 40 ans, se libère elle aussi. Une fin à l'eau de rose, elle retrouve Hari son amour de jeunesse... une fin... oui, bon.
Mais pour moi, la lecture, tout au long, fut agréable, plaisante, l'humour, les couleurs de leur sari, la vigueur de ces femmes, bref un plaisir !! Je l'offrirai.
Évidemment, ces vies sont des vies de femmes de classe moyenne : avec 500 millions de personnes tout au plus, il reste un milliard d'autres personnes dont beaucoup de femmes, qui n'ont aucune porte de sortie.
Et... pourquoi ai-je oublié Marikolanthu et sa vie horrible ??? Je ne sais pas...
Je l'ouvre aux ¾. Et un peu plus...
Jean
Les récits lourds sont lourds d'intention : avortement, homosexualité, pédophilie, contraception, sont autant de thèmes abordés. Akhila règle leur compte à tous les tabous de son pays. La métaphore est dans le voyage, qui sera source d'échanges et de prises de conscience.
C’est un roman de "questionnements" : comment prendre en mains sa propre vie et assumer son destin en toute indépendance, particulièrement lorsqu’on est une femme en Inde ? Une femme a-t-elle vraiment besoin d'un homme pour être heureuse et épanouie ? Quelle est la juste mesure entre devoirs de femme (mère, épouse, responsable d’un foyer…) et leurs désirs de femme (amour, liberté, carrière…) ? Est-ce en accusant les hommes que l’on améliore le sort des femmes ? Les hommes et les femmes sur un pied d’égalité : une utopie dans le cadre de la culture indienne ?
C'est un très beau roman, qui à travers six personnages, trace les destins des femmes en Inde dans les années 90. Il ne faut pas s'attendre à de "l'action" : il faut se laisser prendre par le portrait émouvant et révoltant d'une femme, qui n'a pas choisi de naître dans un de ces pays où elle n'a pas encore obtenu sa vraie place dans la société, sinon de la pitié face à son célibat.
Dans la lecture, on perd parfois le fil conducteur de l'histoire, ou plutôt les rails du trains !… à trop vouloir montrer les événements, Anita Nair (l'auteure) oublie parfois de les relier.
Le parti pris dans l'analyse sociologique des rapports de sexes est discutable : les personnages masculins bénéficient d'un traitement sommaire, qui ne soulève pas le moindre sentiment d'empathie. Les hommes ont le mauvais rôle et sont parfois des monstres même si quelques uns sont "plus" humains, les hommes sont toujours les coupables de la situation des femmes !!
J'ai aimé :
"Vous savez quoi, c'est vrai que le cœur est comme un bracelet de verre. Un moment d'inattention et il se brise en mille morceaux… Nous le savons bien, n'est-ce pas ? Mais ça ne nous empêche pas de continuer à porter des bracelets de verre. A chaque fois qu'ils se cassent, nous en achetons de nouveaux en espérant qu'ils dureront plus longtemps que les précédents.
Comme nous sommes stupides, nous les femmes ! Nous devrions porter des bracelets de granite et transformer ainsi notre cœur en granite. Mais ils ne reflèteraient pas si joliment la lumière et ne chanteraient pas avec autant de gaieté
"
...et aussi : "Elle sourit encore en découvrant à quel point il est facile de sourire maintenant qu'elle prend enfin le contrôle de sa vie."
(Voir ›ici l'avis de Jean précédé de sa présentation du livre)

Marie-Odile
J'ai aimé :
- entendre les sonorités des noms propres, en particulier des noms de lieux
- découvrir les traditions (le kolam), les pratiques et rituels liés aux divers moments de la vie (le sort réservé aux veuves, la noix de coco pour l'enfant qui commence à marcher...), les interdits concernant les brahmanes qui ne mangent ni œuf ni bœuf, et qui peuvent excommunier ceux qui s'éloignent du droit chemin (prostitution), les codes d'une société où la notion d'honneur et de déshonneur dicte des comportements extrêmes (suicide collectif p. 317)
- entrer dans la sphère privée des femmes: couple, famille et constater l'insatisfaction de toutes à des degrés divers et malgré un cheminement différent
- lire un texte très incarné où les sens et les sensations débordent: odorat, ouïe... dans l'évocation de la cuisine, des vêtements, des bijoux et où le corps est toujours présent (sensualité, sexualité aussi)
- constater que bien que très ancré dans la société indienne avec ses règles contraignantes et la domination de l'homme, ce texte aborde des questions universelles : les relations homme/femme, mère/enfant, sœurs entre elles.
J'ai apprécié :
- la composition d'ensemble permettant de découvrir diverses vies
- l'originalité du récit de Margaret...
- le désir récurrent d'être soi et non le prolongement de quelqu'un d'autre (mari, mère, sœur etc..)

J'aurais aimé :
- un récit plus concis, évitant les longueurs de certains chapitres (Prabha Devi, Akhila et son désir d'émancipation problématique)
- plus de vraisemblance dans l'attitude de Marikolanthu qui après avoir rejeté violemment son fils, s'en rapproche d'une façon qui m'a paru artificielle à la mort de son père

Un texte de lecture aisée, à la fois proche et lointain, que j'ouvre à moitié.
Brigitte entreet
J'ouvre le livre entre ½ et ¾ car c'est plus le fond que le roman en lui-même qui m'a intéressée.
Le positif, c'est une lecture enrichie par de
s recherches sur l'Inde, immense pays surpeuplé avec une majorité d'habitants de moins de 25 ans, une démocratie essentiellement hindouiste où la place de la femme et les violences faites aux femmes interrogent. N'oublions pas le poids des castes (peu notées dans le roman).
Certains passages m'arrêtent dans ma lecture, comme p. 138 les quatre fondements du grihasthashrama qui sont des étapes ou principes de vie dans la religion hindoue : "mari, enfants, maison et belle-mère". Étouffant ! De même pour des passages imagés qui dressent des portraits pittoresques, non sans une pointe savamment dosée d'humour. Ces passages me relancent dans la lecture.
De nombreuses phrases me plaisent comme : "il faut que j'apprenne à nager dans le sens du courant de la vie, plutôt que de rester sur la berge".
Les transitions entre les différentes histoires me semblent habiles. La lecture est facile. Mais n'est-ce pas improbable de se confier intimement à des femmes inconnues ? J'aimerais bien rencontrer Margaret que je trouve pertinente, à la fois grave et pleine d'humour.
Une richesse de ce livre est de donner des pistes à qui le souhaite pour enrichir ses connaissances sur ce pays. C'est une base de documentation sur les rituels, kolams, saris colorés, cuisine sucrée, épicée…, mais surtout sur la famille et la condition de la femme. Je retrouve auprès de toutes ces femmes "le cliché usé de la femme au foyer" qu'elles veulent ou voudraient fuir. Pays surprenant où l'éducation féminine diffère selon les castes : éducation lourdement impactée par le poids des religions et l'héritage de l'histoire.
Je suis mitigée sur quelques passages un peu longs et sur la fin du roman. Le dernier chapitre me laisse perplexe et fait baisser ma cote ! Je retrouve le film indien !!! En effet, comme dans les films de Bollywood, c'est un roman qui s'étire. Je pense parfois : ouf, il n'y a que six femmes dans le compartiment ! Dans les longs films indiens, on retrouve invariablement une histoire d'amour à l'eau de rose, avec une place importante pour la musique et la danse.
Ces six voyageuses ouvrent leur cœur au cours d'un long voyage… mais ce n'est pas de la légèreté qu'elles nous confient. Akhila recherche auprès des voyageuses du compartiment des expériences, des conseils voire des encouragements pour braver la société indienne et décider de vivre seule, de vivre pour ce qu'elle ressent, de vivre pour trouver du plaisir, de vivre sa féminité. Je lui dis "courage", "prends garde à toi".
Le point commun que je peux trouver à ces six femmes, éduquées et instruites pour certaines, est de se dire : la vie et ses obstacles m'ont appris à vivre pour moi ; soit les autres me détestent, soit ils m'admirent. Une ligne de conduite difficile à tenir et qui peut mettre la vie de ces femmes en danger. Pour Akhila, ces rencontres dans le compartiment vont participer fortement à "démêler l'écheveau de sa vie pour tisser son avenir". Ces six voyageuses cherchent la voie du bonheur, en quête d'une identité en tant que femme. J'ai un peu plus de difficulté à analyser mon ressenti à la lecture du dernier témoignage : viol, rejet de la maternité, homosexualité… Je ne vois pas le lien avec la quête d'Akhila. Effet catalogue de l'auteure pour balayer avec ces six femmes les violences faites aux femmes en Inde ?
Le livre est paru en 2001… : presque un quart de siècle. Compte tenu de l'actualité, l'auteure veut-elle nous faire effacer l'image de la femme indienne reine de son foyer, le dos courbé sous les traditions et l'héritage religieux ? Ou nous montrer que les mentalités évoluent selon un modèle américain et britannique ? Ce texte me pose rapidement question : est-ce que la loi existe aujourd'hui, mais que le sexisme subsiste encore aujourd'hui dans une société indienne traditionaliste ? Il semblerait que oui. Il suffit de lire différents articles où les chiffres sur les violences faites aux femmes aujourd'hui sont éloquents.
Je vous partage un dessin humoristique et un extrait d'un article de presse de 2024 : "L’Inde d’aujourd’hui est dominée par les traditions issues de l’hindouisme préconisant une subordination presque totale des femmes aux hommes.
En témoignent '
les Lois de Manu', texte juridique fondateur de la tradition hindoue du dharma, selon lequel 'dans l’enfance, une femme doit être soumise à son père, dans la jeunesse à son mari et lorsque son maître meurt, à ses fils ; une femme ne doit jamais être indépendante (...) une femme n’est pas faite pour être libre'. Il s’agit là d’un pilier majeur des traditions hindoues persistantes au sein de la société indienne, qui explique en partie la place que les femmes y occupent aujourd’hui." ("Inde : un pays sur le long chemin de la lutte contre les discriminations", par Cid Maht, Ritimo, 3 juin 2024).

Ces six femmes du compartiment sont-elles si différentes ?
- Akhila est le personnage principal. Cette célibataire brahmane de 45 ans s'est sacrifiée sentimentalement pour sa famille dont elle est l'aînée. Elle prend le train animée par un immense désir de partir vers le sud toute seule pour prouver qu'une femme peut vivre pour elle-même. Elle recherche l'amour mais pas un mari avec toutes les contraintes et privation de liberté que cela entraîne pour la femme indienne.
- Janaki, au mariage arrangé dès son enfance avec son oncle : "les thèmes astraux s'accordaient". Sa mère et ses sœurs l'ont initiée dès l'enfance aux tâches ménagères. Avant le mariage, la compagnie des hommes était mal vue. Le soir des noces, ses tantes lui disent : "C'est ton mari et de lui, tu dois tout accepter." On est loin de l'amour et du consentement ! Beaucoup de violence.
- Sheela qui se confie sur la maladie utérine de sa grand-mère et compare la tumeur à un "gnome malin aux intentions malveillantes" (présentation imagée subtile). Elle se confie sur l'avortement de son amie victime d'inceste, sur la vision de la féminité. Sa grand-mère la met en garde entre autres contre la stupidité et lui dit : "la seule personne à qui tu dois plaire c'est toi". Belle leçon de vie et de droiture.
- Margaret, enseignante scientifique prisonnière de son mariage et de son mari Ebbe, personne tyrannique qui la traite comme une quantité négligeable. Elle subit un avortement (décrit à la fois avec réalisme et pudeur). Elle passe d'un amour aveugle à un réveil brutal et à une vengeance. Elle arrive à vivre parce qu'elle est indifférente à ce que l'autre pense d'elle. Intéressant portrait de son mari p. 189 autour des énergies minérales. Savoureux passages où elle se confie sur les raisons de son comportement boulimique p. 191, sur ses goûts musicaux p. 193. J'aime son humour caustique comme dans les noms qu'elle donne aux invités p. 194 : mademoiselle Lithium, Xavier Gaz Hilarant…
- Prabha Devi dont le père qui lui trouve son mari avait dit à sa naissance : "une fille c'est qu'un tas d'embêtements." Dont la dote ? Je note une phrase terrible quand sa mère dit : "on réservait aux femmes qui avaient des opinions le même sort qu'aux mauvaises odeurs". On les fuit. Prabha goûte et ne mesure pas les risques de la société américaine… un rêve où elle brûle ses ailes.
- Marikolanthu se dit "pas éduquée", femme de "substitution", elle aborde l'éducation sexuelle, le viol, l'homosexualité et l'amour maternel. Portrait douloureux empreint de violence que j'ai le moins aimé. Je ne vois pas le lien réel avec la quête de Akhila et ses questionnements. Est-ce un témoignage de trop ?

Pour finir, un clin d'œil : savez-vous que la SNCF propose pour des trains de nuit des réservations dans un "espace dame seule"... vous êtes prêtes? La condition des femmes nous concerne tous : Indiens, Africains, Occidentaux…



DES INFOS AUTOUR DU LIVRE
• 
La littérature indienne et VAC
Les livres d'Anita Nair
Les traducteurs

Repères biographiques

Interviews

• La littérature indienne et Voix au chapitre

Anita Nair vit en Inde. Quels livres "vraiment" d'Inde avons-nous lus dans le groupe ?

- Le Dieu des Petits Riens d’Arundhati Roy, qui est bien indienne et vit en Inde (lu en 2004)
- Haroun et la mer des histoires de Salman Rushdie, devenu britannique, né à Bombay dans une famille indienne musulmane (2001)
- L'Équilibre du monde de Rohinton Mistry, devenu canadien, né à Bombay, dans une famille appartenant à la minorité parsie, de religion zoroastre (2006)
- À la courbe du fleuve, puis L'énigme de l'arrivée de Naipaul (prix Nobel) : devenu britannique, né à Trinidad dans une famille brahmane, grands-parents venant d’Inde (lus en 1996 et 2003)
- Ami de ma jeunesse et Une étrange et sublime adresse d'Amit Chaudhuri, né à Calcutta, vit entre Londres et Calcutta (2020).

• 10 livres d'Anita Nair publiés en France

Elle a publié des nouvelles, de la poésie, des livres pour enfants.
Voici les livres traduits en français dans l'ordre de leur publication en Inde. Le premier traduit est celui que nous lisons.

- Le Chat karmique (Satyr of the Subway & Eleven Other Stories, 1997), nouvelles, trad. Marielle Morin, Picquier, 2005 ; rééd. Picquier poche, 2008, épuisé.

- Un homme meilleur (The Better Man, 2000), trad. Marielle Morin, Picquier, 2003 ; rééd. Picquier poche, 2006, épuisé. Son premier roman.

- Compartiment pour dames (Ladies Coupé, 2001), trad. Marielle Morin, Picquier, 2002 ; rééd. Picquier poche, 2004 ; rééd. Albin Michel, 2016 ; rééd. Le Livre de poche, 2019.

- Les Neuf Visages du cœur (Mistress, 2005), trad. Marielle Morin, Picquier, 2006 ; rééd. Picquier poche, 2010, épuisé.

- L'Inconnue de Bangalore (Cut Like Wound, 2012), trad. Dominique Vitalyos, Albin Michel, 2013 ; rééd. Le Livre de poche, 2015
.

- Quand viennent les cyclones (Lessons in Forgetting, 2010), trad. Dominique Vitalyos, Albin Michel, 2010 ; rééd. Le Livre de poche, 2013.

- Dans les jardins du Malabar (Idris: Keeper of the Light, 2014), trad. Dominique Vitalyos, Albin Michel, 2016 ; rééd. Le Livre de poche, 2019.

- L'abécédaire des sentiments (Alphabet Soup for Lovers, 2015), trad. Dominique Vitalyos, Albin Michel, 2018.

- La mangeuse de guêpes (Eating Wasps, 2018), trad. Patricia Barbe-Girault, Albin Michel, 2020.

• Trois traducteurs

La traductrice de Compartiment pour dames est la première à faire connaître Anita Nair en français.

- Marielle Morin, chez Picquier : 4 livres traduits en 2002, 2003, 2005, 2006. Présentation de par Marielle Morin =>ici ou =>là.

- Dominique Vitalyos, chez Albin Michel : 5 livres traduits en 2010, 2013, 2015, 2016, 2018. Présentation de Dominique Vitalyos =>ici et le détail de ses traductions sur son blog =>là.

- Patricia Barbe-Girault, chez Albin Michel : le dernier livre traduit en 2020. Présentation de Patricia Barbe-Girault =>ici ; a fait une thèse sur Salman Rushdie ; entretien sur la traduction =>là.

Quelques repères sur son parcours et sa vie à Bangladore

Formation, débuts professionnels
- Née au Kerala en 1966
- Licence en langue et littérature anglaises.
- Anita Nair voulait devenir journaliste. Elle commence par travailler pour Aside, un magazine de Madras, mais sans réussir à en vivre. Elle se marie à 20 ans avec son amour rencontré à 16 ans, d'une caste inférieure, et enchaîne alors les petites boulots comme la vente immobilière, est pigiste pour différents magazines, travaille dans la publicité.

À vingt-cinq ans, je me suis retrouvée sans emploi. L’agence de publicité pour laquelle je travaillais a été reprise par un autre groupe et tous les anciens employés se sont sentis si mal à l’aise que la plupart d’entre nous sommes partis… Mon oncle qui vit à New York m’a invitée à séjourner chez lui et je suis donc allée à Manhattan. La plupart des gens qui voyagent ont un objectif précis : ils sont soit des touristes, soit là pour affaires ou pour rendre visite à leur famille… Je ne faisais rien. Je me contentais de me promener dans Manhattan, puis de parcourir les États-Unis, à la recherche de Dieu sait quoi, mais quand je suis revenue en Inde, j’avais déjà décidé de ce que je voulais faire. Cela a pris un certain temps, mais vers vingt-sept ans, ces mois d’introspection m’ont rappelée à l’ordre et un jour, j’ai commencé à écrire. J’ai écrit les trois premiers paragraphes de Satyr of Subway et j’ai su avec certitude que j’avais enfin trouvé une voix. (Entretien avec Vishwanath Bitee, The Criterion, 2 mars 2015)

Carrière littéraire
- Premier livre publié en 1997 : un recueil de nouvelles inspirées pour partie de son séjour à New York, intitulé Satyr of the Subway (Le Chat karmique), qui lui permet de gagner une bourse pour compléter sa formation au Virginia Center for the Creative Arts en 1998 (scoop : ce centre américain a une antenne en France, une coquette résidence d'artistes "Le Moulin à nef" dans le Tarn-et-Garonne...)
- Deuxième livre et premier roman en 2000,
Un homme meilleur, publié par Penguin India et premier livre d'un auteur indien à être publié par Picador USA.
- Le succès s'installe à partir de 2001 avec Compartiment pour dames.
- Elle crée un cours d'écriture, Anita's Attic, de 12 semaines (creative writing course & mentorship program). On peut la voir en 2012 en vidéo =>ici.

Vie personnelle
- Elle vit à Bangalore avec son fils et son mari, Suresh Parambath, qui travaille dans la publicité (les potins amoureux =>ici). La grand reporter Sylvie Kauffmann la rencontre à Bangalore quelques années après qu'a démarré son succès (Le Monde, 25 avril 2007). Extrait :

Pour parvenir jusqu'au refuge d'Anita Nair, il faut un certain sens de l'orientation, une bonne dose d'ingéniosité et pas mal de patience. Le lotissement fermé, quasiment introuvable, dans lequel est nichée sa jolie maison jaune est une "gated community" à l'indienne, à la périphérie de Bangalore : haut portail avec gardes, piscine, quelques grosses maisons séparées par des terrains en friche. À l'extérieur, des enfants jouent pieds nus devant de petites échoppes.
La romancière Anita Nair (
Un homme meilleur et Compartiment pour dames, éditions Philippe Picquier) est "tombée amoureuse de Bangalore" il y a dix-sept ans. Elle travaillait dans la publicité et arrivait de Chennai, anciennement Madras. Bangalore "était alors une petite ville charmante, nonchalante. Un peu paresseuse, les déjeuners duraient trois heures, les magasins fermaient pendant la sieste". Le charme a opéré pendant dix ans. "À Chennai, il y a la prohibition, tandis qu'à Bangalore, on va dans les pubs boire un verre, j'adorais ça." "Puis la circulation s'est intensifiée, les rues sont devenues bruyantes, on s'est mis à couper les arbres. C'est à ce moment-là qu'on a décidé de s'éloigner." "On" : son mari et son fils, 14 ans. "Depuis trois ou quatre ans, les gens arrivent de Mumbai, de Calcutta, l'argent du high-tech coule à flots, tout le monde est pressé. Fini les déjeuners languissants !" Elle s'est éloignée, mais elle est restée. Contrairement à Mumbai ou Delhi, villes de grande culture littéraire, Bangalore n'a "ni clubs ni cliques" : elle peut s'y isoler pour écrire.

- "Le Bangalore d'Anita Nair", Émilie Grangeray, Le Monde, 28 juin 2013 : "Originaire du Kerala (État du sud de l'Inde), la romancière habite aujourd'hui Bangalore, dans le Karnataka qu'elle nous fait visiter" :

Mahesh Shantaram pour M Le magazine du Monde (portfolio en ligne =>ici)

"C'est la ville des extrêmes. À un bout du spectre, on trouve la cité cosmopolite, moderne et dynamique, où les choses évoluent à toute vitesse."

"Le quartier de Shivaji Nagar n'aurait jamais pris pour moi la même importance si je ne m'étais pas lancée dans mon premier roman véritablement urbain, il y a trois ans de cela. Pour l'écrire, je comptais me laisser guider par la ville autant que par les personnages. J'ai donc passé quelques jours à arpenter inlassablement les petites rues de Shivaji Nagar. Mais ce sont mes balades nocturnes qui ont réellement provoqué l'étincelle créatrice. En soirée et jusque tard dans la nuit, le secteur du dépôt de bus grouille d'activité, les marchands ambulants installent leurs voiturettes au bord de la chaussée et l'énergie ambiante se réverbère dans les ruelles et les allées environnantes."

Interviews

- Intéressante interview en anglais dans une librairie, 10 ans après le succès de Compartiment pour dames (Ladies Coupé), NDTV (télévision indienne), 21 décembre 2011, 6 min.

- Entretien avec Céline Laflute pour Evene.fr, octobre 2006. Extraits :

Comment expliquez-vous que vous ne fassiez aucun cas du fait d'écrire en anglais, contrairement à Arundhati Roy par exemple ?
Je suis une sorte d'anomalie parce que j'écris en anglais sur l'Inde rurale et l'Inde des banlieues. Le plus souvent, les romans écrits en anglais en Inde sont tournés vers le monde urbain. J'essaie de me servir de l'idiome local autant que possible car, dans les situations que je crée, l'anglais n'est pas souvent parlé. J'aime aussi saisir l'Inde telle qu'elle est, l'Inde dans laquelle je vis, avec le moins de nostalgie et de compassion possibles. Heureusement, la chose semble acceptée, non seulement à l'étranger, mais aussi en Inde - l'épreuve de vérité incontournable ! J'ai réalisé que bien qu'une culture soit plutôt relative à une région, la condition humaine est universelle. C'est l'écriture de qualité qui triomphe et s'élève au-dessus des différences culturelles...

Quelques écrivains indiens que vous nous conseillez de lire ?
Lisez Amitav Ghosh, I. Allan Sealy, M. Mukundan, Kamala Das.

Les 4 cotes d'amour du nouveau groupe parisien très réduit réuni le 29 novembre
•Katherine
•Antoine
•Audrey
•Jean-Paul


Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
à moitié
un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !

Nous écrire
Accueil | Membres | Calendrier | Nos avis | Rencontres | Sorties | Liens