Quatrième
de couverture : Akhila
est employée aux impôts. Éternelle célibataire,
cette quadragénaire n'a jamais été libre de mener
sa vie comme elle l'entendait : toujours la fille, la sur, la tante
de quelqu'un, celle qui fait vivre la famille. Sur un coup de tête,
elle prend un aller simple pour Kanyakumari, une petite ville balnéaire
du sud de l'Inde. Dans l'intimité du sleeping le fameux
"compartiment pour dames" qu'elle partage avec cinq autres
compagnes, Akhila ose poser la question qui la hante depuis longtemps
: une femme a-t-elle vraiment besoin d'un homme pour être heureuse
et épanouie ?
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Anita Nair (née en 1966)
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DES INFOS AUTOUR DU LIVRE La littérature indienne et VAC Les livres d'Anita Nair Les traducteurs Repères biographiques Interviews |
Nos
17 cotes d'amour |
Danièle
(avis transmis)
Je ne pourrai pas être là ce
soir, car je pars au petit matin pour
l'Inde.
Dans l'effervescence du départ, je n'ai pas eu le temps de rédiger
un avis, d'autant plus que je ne l'ai pas fini, par manque de temps.
Mais bien sûr, j'ai aimé me plonger dans un univers féminin
qui a son mot à dire, sur le ton de l'intimité, à
propos des rapports entre hommes et femmes, sur la pauvreté comme
carcan de départ dans la vie, sur la soif d'indépendance
des femmes de la nouvelle génération, et sur le poids des
traditions pour la plupart. L'importance du sari, son drapé qui
cache ce qu'il veut, ses couleurs enivrantes qui cachent la misère
environnante, m'avaient déjà frappée lors d'un précédent
voyage, et j'en vois la confirmation dans ce livre. Des pages entières
pour le décrire. Je ne peux pour le moment en dire plus, mais en
tout cas, je l'emporte avec moi pour le finir.
Rozenn(avis
transmis)
Lu sur mon téléphone d'une traite et dans le bruit.
Le projet du livre est intéressant.
Intéressant aussi pour les détails de la situation des femmes
ailleurs.
Mais j'aurais plus envie de débattre du fond que du livre lui-même.
La dernière femme - oubliée - est celle que j'ai trouvée
la plus intéressante.
Je pense que si j'avais une version papier, je la ferais circuler autour
de moi.
Mais je ne l'ouvre qu'à moitié et essentiellement pour son
intérêt documentaire.
Sabine
entre
et (avis
transmis de Nîmes)
Je n'ai pas été transcendée par la lecture d'Anita
Nair.
Tout comme le
film indien qui a obtenu un prix à Cannes, je n'ai ni accroché
au film, ni au roman d'Anita Nair.
J'étais pourtant favorablement disposée : la découverte
des romans de R. Mistry
au groupe-lecture fut immense !
Et là... grosse déception. En dépit d'une quatrième
de couverture alléchante, j'ai ramé avec la narration (problème
pour identifier qui parle). J'ai souri à l'évocation de
quelques problèmes féminins (suis-je bien épilée,
bien coiffée, bien parfumée ?!) ; le rapprochement
entre les êtres et les substances chimiques est étonnante.
J'ai arrêté ma lecture aux 2/3, de même que j'ai dormi
1/3 du film indien. J'ouvre ainsi le livre au 1/3.
Monique L(en
direct comme ceux qui suivent)
Dans quelle mesure une femme peut-elle vivre pour elle-même ?
Peut-elle, malgré le poids de la société, de la famille
et du voisinage, vivre sans homme ? Une femme en Inde peut-elle vivre
sans être mariée ? Telles sont les questions que se pose
Akhila et qu'elle pose aux autres femmes qui partagent son compartiment.
Sa question permet aux autres voyageuses, toutes mariées (sauf
la plus jeune), de se pencher sur leur vie de femme, de faire le point
sur leur vie d'épouse. Un bel instant de partage ! On passe
de l'histoire d'une femme à une autre très facilement, cela
s'enchaîne naturellement. Ce sont des portraits de femmes si différentes
et si proches dans leurs désirs de vivre pour elles-mêmes,
loin du joug de la famille et du jugement des autres.
Au cours de ces conversations, beaucoup de sujets sont abordés
: l'amour, la haine, l'amitié, l'homosexualité, la pauvreté,
le viol, l'homosexualité
L'auteur aborde tous ces sujets
sans tabous et nous fait découvrir la société indienne
moderne, assez différente de la nôtre. J'ai adoré
être plongé dans la culture indienne. Cela m'a beaucoup intéressée,
entre autres la nourriture.
Au-delà des spécificités indiennes, certaines questions
abordées sont assez universelles. Qui ne s'est pas senti contraint
par son entourage, par la tradition, par ses obligations ?
Une fois le livre terminé, je me suis aperçue que l'auteure
avait balayé la plupart des situations qui empêchent les
femmes de s'émanciper : cela m'a gênée, mais je ne
l'avais pas perçu durant ma lecture. C'est certainement dû
à la manière dont c'est écrit ; cela ne fait ni propagande
ni manifeste féministe.
J'y ai vu de l'humour, par exemple sur l'acte qui
marque les débuts d'émancipation : manger des ufs,
apprendre la natation en cachette
C'est un livre bien écrit et facile à lire. J'ouvre aux
¾.
Renée(à
l'écran depuis Narbonne)
Belle construction de ce roman, avec en parallèle la vie d'Akhila
et celle des 5 autres voyageuses.
La vie des femmes en Inde est plus compartimentée qu'en France,
elles sont un peu plus corsetées, les mâles dominent, dirigent
la famille. J'ai aimé ce côté documentation du livre.
Cependant j'ai retrouvé les mêmes aspirations que les femmes
occidentales, les mêmes questions :
- une femme peut-elle vivre et être heureuse sans un mari ?
- une femme doit travailler pour subvenir à ses besoins (et ici
à ceux de ses frères)
- le rejet de celle qui devient call-girl
- l'amour ne peut pas exister si la femme est plus âgée ?
J'ai aimé Sheela, la jeune fille qui maquille sa grand-mère,
se fait gronder, mais est certaine qu'elle, elle aurait aimé.
L'histoire de Margaret, humiliée par son mari, odieux dictateur
dans son collège, beau, sportif, le fait subrepticement grossir
pour le transformer en chapon inoffensif : très amusant.
La dernière histoire est plutôt horrible : une femme qui
rejette son enfant parce que né d'un viol. Sa vie la rend méchante,
elle aime son fils quand elle s'aime enfin.
Grace aux expériences des
autres voyageuses, Akhila va quitter sa vie de servitude, de sacrifices
et de frustrations pour vivre sa vie, devenir qui elle est en son for
intérieur.
Je l'ouvre à moitié.
Richard
Mes sentiments sont mélangés.
J'ai trouvé le livre - que j'ai lu en anglais - facile à
lire. Les phrases très courtes contribuent à une lecture
facile.
J'ai trouvé des vrais bijoux, par exemple cette expression : "an
uneasy silence crawled on all fours"
("So each time I walked into the staff-room, an
uneasy silence crawled on all fours, weaving its way through the
rows of tables and chairs", dont la traduction dans l'édition
française est "À
chaque fois que je pénétrais dans la salle des professeurs,
un silence gêné s'installait, se faufilant à travers
les rangées de tables et de chaises" : "un
silence gêné s'installait" n'a pas la force
d'un mouvement animal de "on
all fours").
J'ai été frustré, car à chaque épisode
- récit d'une vie - qui a son intérêt, c'est court,
sans développement notamment psychologique, comme s'il s'agissait
de symboles que chaque femme représentait.
Le livre a été assez apprécié par le monde
des féministes, et on finit par se poser la question : est-ce que
nous les hommes, on sert à quelque chose ?...
Je suis donc frustré par la rapidité de chaque chapitre,
et il m'a paru difficile parfois de suivre Akhila qui est pourtant toujours
là et par paresse de retenir les noms.
L'anglais m'a paru un anglais conversationnel, ce qui baisse pour moi
la qualité de l'écriture.
Claire, souvent agaçante...
C'est forcément un anglais parlé puisque ce sont des récits
oraux.
Richard
J'avais pas pigé ça. Mais c'est normal, puisque les premiers
chapitres sont rédigés à la troisième personne
par l'auteur (en l'occurrence Nair). Ce n'est que plus loin dans le livre
que nous rencontrons les histoires racontées par les femmes du
compartiment.
En tout cas, quelque chose sauve le livre, la fin, qui donne une note
haute, avec la dernière phrase, mais qui laisse la conclusion ouverte
: est-ce qu'Akhila a prouvé son indépendance ou est-elle
finalement victime de l'attrait d'un homme ?
J'ouvre à moitié, même si c'est un peu généreux
pour mes habitudes.
Claire balançant entre
et
Je ne sais pas encore comment "j'ouvre" et verrai après
le tour...
Mes impressions positives :
- l'aspect documentaire sur l'Inde (l'histoire de l'uf m'a paru
sidérante) m'a continûment intéressée ; le
poids de la famille est effrayant
- les histoires - édifiantes - sont assez palpitantes
- l'enjeu du livre - l'émancipation - vaut la chandelle
- l'artifice - le voyage donnant lieu au récit des parcours -
marche
- j'ai trouvé fluide le passage d'une autre femme au personnage
principal et la construction bien fichue sur la durée
- la midinette en moi a été satisfaite.
Mes éventuelles réserves :
- il ne faut pas se lasser, car le programme est annoncé par l'artifice
déployé
- il est difficile de s'attacher à des personnages qu'on oublie,
mais ce n'est pas grave
- le risque principal me semble l'aspect démonstratif, c'est un
peu lourd quant aux révélations qui adviennent, avec un
petit côté développement personnel
- le dernier récit me semble moins vraisemblable, par une narration
à la première personne trop chiadée pour le personnage -
dommage pour la dernière (je remarque que pourtant, c'est la femme
que Rozenn a trouvé la plus intéressante).
J'ai été extrêmement contente d'avoir vu en parallèle
le film All
We Imagine as Light qui m'a donné des images de ces femmes,
avec un sujet similaire.
Je serai curieuse de connaître concrètement les réactions
au livre quand il est sorti en 2001 : ce fut un grand succès, d'accord,
mais qu'est-ce qui se dit alors ?
Annick
A
Je l'ai acheté ce matin et l'ai lu dans la journée.
(Moues d'admiration)
Il se lit assez facilement. J'ai bien aimé ce livre.
Certains passages sont psychologiquement un peu légers.
J'ai un peu de mal à en parler car je viens de le finir.
Il est centré sur la place des femmes et la question : est-ce qu'on
peut se passer d'hommes ? La réponse semble non, dommage. Et la
fin est un peu décevante.
C'est bien écrit et le montage de ces histoires différentes
est assez bien fait.
J'ai bien aimé l'histoire de la femme qui va se baigner : j'ai
trouvé très fine cette histoire, où elle s'accorde
d'accéder à son désir. C'est le passage que j'ai
préféré, où elle apprend à flotter.
Thomas
J'ai bien aimé le côté dépaysant, cette découverte
d'une partie de l'Inde, avec notamment la tradition des kolams
dont certains sont de véritables uvres d'art,
ou encore l'interdit entourant les ufs. Et évidemment, il
y a tout ce qu'on apprend sur la place de la femme en Inde, les différents
portraits sont édifiants sur le sujet.
Si cette partie "témoignage" est très réussie,
je suis en revanche un peu resté sur ma faim en ce qui concerne
la partie romanesque. Il y a bien quelques idées intéressantes
- ce parallèle avec les éléments chimiques pour
cette professeure de chimie, ou l'apprentissage de la natation comme jolie
métaphore de l'émancipation -, mais les récits
finissent par se ressembler un peu. J'ai eu l'impression de toujours retrouver
les mêmes situations avec des femmes au service de leurs maris et
plus largement de leur famille, et si cela a le mérite de la véracité,
la lecture en manquait un peu de variété.
Je prendrai le contrepied d'Annick en ce qui concerne la fin, que j'ai
trouvée réussie, et qui, pour moi, montre qu'Akhila peut
se passer d'un homme. À mon sens, si elle rappelle Hari, c'est
parce qu'elle le veut et non pas parce qu'elle en a besoin. C'est une
décision qu'elle a prise en toute liberté et en toute connaissance
de cause, entérinant son indépendance. Du moins, c'est ainsi
que j'interprète le passage précédent, où
Akhila "séduit" ce jeune Indien. Il me semble que tout
l'intérêt de cette scène est justement de montrer
qu'à partir de maintenant, Akhila mène elle-même le
jeu de sa vie.
Enfin, j'ai été un peu déçu par le style,
plutôt facile à lire, mais qui m'a semblé manquer
de poésie et de finesse. À noter que l'édition anglaise
se termine par des recettes de cuisine, ce que j'ai trouvé une
très belle initiative (même si je n'ai pas encore pu les
tester !).
Claire
(qui y repense après la séance)
Au fait Thomas, tu avais laissé entendre que cette lecture s'intégrait
parfaitement sur ta lancée de A room of one's own de Virginia
Woolf et de Persuasion de Jane Austen.
Thomas
Effectivement, j'y ai un peu pensé, mais ça aurait pris
du temps (suite ici).
Catherine
Je connaissais pas l'autrice et je n'ai lu
que quelques auteurs indiens, dont les deux romans d'Amit
Chauduri
et L'Équilibre
du monde de Rohinton Mistry, que j'avais beaucoup aimé.
Ça a été pour moi une lecture aisée, je suis
rentrée facilement dans le livre. J'ai aimé la situation
de départ, assez classique d'ailleurs, le huis clos forcé
du train qui permet au lecteur de découvrir successivement 6 femmes,
qui se livrent les unes après les autres. Elles racontent leur
destin, plus ou moins compliqué, voire tragique pour la dernière,
on découvre ainsi la place des femmes dans la société
indienne (qui ne fait pas rêver). Le livre n'est pas manichéen,
les hommes n'ont globalement pas le beau rôle, mais ne sont pas
tous odieux. Certains couples semblent même plutôt réussis,
le premier couple par exemple, les parents d'Akhila aussi, les femme étant
tout de même totalement dévouées à leur mari,
l'une d'elles a épousé son oncle, ce qui laisse quand même
un petit malaise. Certaines sont femmes au foyer et vivent dans la hantise
du décès de leur mari qui peut les précipiter dans
la misère, d'autres sacrifient leur carrière, leurs rêves
et leur autonomie. La figure centrale est celle d'Akhila qui s'est dévouée
à sa famille après la mort de son père, et a sacrifié
sa propre vie par la même occasion. Elle a néanmoins vécu
une histoire d'amour clandestine à laquelle elle n'a pas donné
suite car elle ne correspondait pas aux diktats de la société.
Elle est maintenant au milieu de sa vie et hésite à affirmer
son autonomie face à ses frères et surs qui ont profité
d'elle. C'est un personnage attachant. Le système des castes est
évoqué seulement au détour de la première
histoire qui concerne une brahmane, sans être approfondi. Un des
intérêts pour moi a été de découvrir
la vie de femmes plutôt issues de la bourgeoisie, relativement aisées,
dont certaines ont fait des études et sont diplômées ;
les livres que j'avais lus précédemment mettaient en scène
des personnages issus des classes les plus défavorisées.
Il y a de l'humour par moment, la femme qui engraisse son mari, moins
odieux quand il est gros. J'ai aimé l'évocation de moments
de plaisir que ces femmes s'accordent, la dégustation d'un uf,
l'apprentissage de la natation, c'est joliment écrit. Pour finir,
j'ai apprécié tout ce qui concerne la cuisine, les saris,
c'est un livre qui dépayse.
J'ai vu également le film All
we imagine as light
qui a des points communs avec cette histoire.
Globalement un vrai plaisir de lecture, sans doute pas un grand livre
mais intéressant ; je l'ouvre à moitié.
Brigitte(à
l'écran)
Je ne connaissais pas du tout Anita Nair.
J'ai eu plaisir à découvrir la vie de toutes ces femmes,
dont la culture est tout à fait différente de la nôtre.
L'idée du compartiment réservé aux femmes m'a paru
sympathique. Je suis donc partie avec elles dans ce train de nuit.
Au début tout s'est bien passé ; tout m'intéressait,
jusqu'à la sixième d'entre elles, Marikolanthu. À
ce moment-là, le charme de ma lecture s'est rompu. J'ai ressenti
cette dernière partie comme l'obligation pour la romancière
de compléter son travail par l'évocation des classes les
moins aisées de la population, du viol, de l'homosexualité,
qui manquaient à son panorama de la condition des femmes indiennes.
De plus, je trouve très faible la fin du livre, avec Akhila assise
sur un banc face à la mer, se remémorant toute son existence
avant de téléphoner à Hari, son ancien amour.
J'ouvre donc à moitié.
Jacqueline
Je l'ai lu très vite et très bien et j'ai eu envie d'en
lire un autre. J'ai commencé La
mangeuse de guêpes qui m'a semblé encore plus intéressant
par ses références à des croyances indiennes. Je
n'ai pas eu le temps de finir, mais je me suis alors rendu compte que
j'avais presque oublié le précédent, que je confondais
les personnages - ce doit être une question de style car leurs
histoires sont différentes, sans doute une question de voix qui
sont trop semblables - et je l'ai repris.
J'ai été très intéressée par le parcours
d'Akhila autour de qui se construit le roman.
Je n'ai pas été gênée par ce dont a parlé
Brigitte, car ce n'est pas un récit comme en font les cinq autres
femmes, mais les souvenirs que Akhila évoque dans sa tête,
comme ils lui reviennent.
J'ai beaucoup aimé la figure du père, son honnêteté
foncière, son respect envers ses proches et sa souffrance devant
l'adversité. J'ai aimé aussi la relation entre l'adolescente
et sa grand-mère, le fait que la jeune fille se sente seule à
prendre fait et cause pour elle. J'ai relu l'histoire de Margaret. Et
la dernière, qui illustre d'autres misères bien réelles.
Mais, quand même, pour qui ce livre a-t-il été écrit
?
Il me semble qu'il y a en Inde une grande diversité de cultures,
celle des brahmanes, celle du Kerala
: le livre en parle un peu,
il est question de lieux, de nourriture, mais la coexistence comme les
différences m'ont paru gommées. Est-ce parce qu'il est écrit
en anglais standard indien ? Par ailleurs, son exotisme m'a rappelé
quand, adolescente, je lisais Pearl
Buck pour connaître la Chine ! Il est plein de bonnes intentions
et vise un grand public (un peu comme Morante dans La
Storia).
J'aurais aimé plus, mais je l'ai lu vite et sans ennui et ne vais
pas désavouer mon intérêt. J'ouvre aux ¾.
Christelle
J'étais ravie de lire un livre d'Inde.
Et qui ne soit pas aussi glauque que d'autres
car ces femmes font
partie de la classe moyenne, la classe émergente en Inde. Cette
classe est issue de classes plus pauvres, dispose de plus de moyens financiers,
mais on peut constater que les traditions et le poids de la famille indiens
paraissent peu évoluer. Cependant, les femmes de ce roman ont également
des aspirations dans lesquelles nous pouvons nous reconnaître.
Il y a une grande différence entre le Sud et le Nord de l'Inde :
j'ai vécu au Nord où c'est beaucoup plus dur pour les femmes ;
d'ailleurs il n'y a quasiment pas de femmes dans les rues ; je me
souviens, nous circulions en voiture avec une amie et on les comptait,
à Dehli : une femme pour 20-30 hommes... Ce n'est pas seulement
lié à la taille de la ville, mais semble-t-il aux traditions,
à la mentalité, car à Bombay par exemple, les femmes
sont plus présentes dans l'espace public.
J'ai aimé ce huis clos, je pense que, grâce à ce principe
de compartiment réservé, ces femmes se sentent en sécurité
et que cette sécurité les aide, alors qu'elles ne se connaissent
pas, à se livrer aussi rapidement.
La construction est artificielle, mais fluide finalement. Les différents
récits forment comme des nouvelles, cloisonnées ; j'ai
regretté qu'il n'y ait pas de dialogue entre ces 6 femmes, leurs
réactions mutuelles nous auraient peut-être permis de mieux
comprendre certains éléments.
Il y a finalement très peu d'émancipation ; ainsi, parmi
les différentes figures de femmes croisées dans le roman,
la grand-mère de Sheela est l'une des plus fortes et cependant
on sent son ambivalence dans sa relation aux hommes dans ses conseils
à sa petite-fille : "Ne
deviens pas une de ces femmes qui se soignent pour séduire. La
seule personne à qui tu dois plaire, c'est toi."
mais quelques lignes plus loin : "Tu
ne manges pas assez. Tu es trop maigre. Un homme ne voudra pas de toi
pour femme. Les hommes n'aiment pas les os au lit. Ils préfèrent
les rondeurs."
J'ai été déçue par la fin assez peu crédible,
voire un peu gnangnan, je m'attendais à une autre réponse
à la question que se posait Akhila "une
femme a-t-elle besoin d'un homme pour se sentir épanouie ?".
Mais avant l'issue, j'ai apprécié ces portraits réalistes
et l'atmosphère indienne (qui me manque), j'ouvre aux ¾.
Annick
L
J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman,
qui se décline comme une série de portraits. Et j'ai été
très intéressée par cette plongée dans la
vie intime de ces femmes indiennes, très dépaysante pour
moi. La déclinaison est variée, de par l'âge de ces
personnages et leur situation personnelle : quatre sont mariées
et "femmes à la maison", deux sont célibataires,
dont le personnage central, Akhila, qui a un bon travail et entretient
sa famille, ainsi que la plus jeune fille, en rupture de ban. Elles viennent
presque toutes d'un milieu aisé, sauf la dernière, dont
l'histoire est particulièrement tragique. Et même si le statut
des femmes dans l'Inde contemporaine s'est beaucoup amélioré
(plusieurs ont fait des études), on sent encore peser sur elles
le poids du patriarcat, des contraintes familiales et des traditions,
religieuse ou pas. Une seule, la plus âgée, se montre plutôt
satisfaite de sa condition. Les autres sont profondément insatisfaites
et cherchent à s'affirmer, à faire entendre leur voix. Un
sujet qui me touche particulièrement. Mais il ne s'agit pas, dans
ce contexte, de révolution à marche forcée, chacune
d'entre elles chemine à petit pas, sans remettre en question le
cadre dans lequel elles sont enfermées : l'une va apprendre
en cachette à nager et découvre le plaisir de flotter, légère,
sur l'eau, l'autre va décider de manger un oeuf devant sa mère,
devant sa soeur, au mépris de tous les interdits alimentaires,
l'autre enfin va se venger de son mari tyrannique et pervers en le gavant
de nourriture comme un petit cochon. La seule qui rompt publiquement le
cercle, en quittant sa famille pour un grand voyage à l'autre bout
du pays, c'est Akhila. Et cela me semble assez réaliste.
Mais il y a un côté démonstratif, sans oublier dans
l'inventaire le viol et l'homosexualité. Et la construction est
assez artificielle, avec son enchaînement de séquences, entrecoupé
de flashs back sur l'enfance et la jeunesse d'Akila.
C'est donc un livre intéressant, mais pas remarquable, contrairement
au Dieu
des Petits Riens d'Arundhati
Roy qui me laisse un souvenir inoubliable. J'ouvre ½.
Fanny
J'ai eu du mal à entrer dans le livre et le style y était
pour quelque chose. Dans les 40 premières pages, les phrases m'apparaissaient
mal construites, mal foutues.
Puis j'ai été prise au jeu, prise par ces femmes, et leurs
"petits pas" d'émancipation.
C'est très visuel et sensuel, avec la nourriture, l'aspect vestimentaire.
Ma mère voit que j'avais ce livre : elle l'avait lu ! Il faut que
tu le fasses lire à tes filles !...
Il m'a paru facile à lire, avec un style un peu facile.
L'aspect midinette est touchant, parfois limite : "Il
la regardait, rayonnant de plaisir, avant d'éclater de rire : 'C'est
parce que nous sommes faits l'un pour l'autre. Nous sommes deux corps
et une seule âme.'" Ou bien : "Ils
restèrent assis côte à côte en silence, les
contours de leurs corps se frôlant, les tourbillons de leurs pensées
s'entremêlant, nuage de lucioles reliées entre elles par
des liens invisibles."
Dans le récit de la dernière femme, l'auteure met vraiment
"tout". Le livre est très construit pour servir le propos.
Mais je me suis laissé prendre.
Si Richard dit qu'en ouvrant ½ il est un peu généreux,
pour ma part en ouvrant ½ c'est un peu sévère...
Françoise(qui
avait proposé le livre après l'avoir découvert dans
un autre groupe)
J'adore le train et ce qui se passe dans les trains, qui
constituent un espace-temps particulier. J'ai donc aimé l'idée
du livre, même si ce n'est pas particulièrement original,
mais d'une manière générale, j'aime les vases clos,
également au cinéma d'ailleurs.
Je rejoins ceux qui ont une réserve concernant l'aspect "catalogue",
mais qui permet un reflet de la société indienne, diverse
et avec des contradictions. Il y a des constantes, mais aussi des différences
selon les États, l'Inde est plus qu'un pays c'est un continent.
Ici les femmes appartiennent à une classe relativement privilégiée,
et pourtant elles ont des vies très différentes, et toutes
assujetties de manière diverse. Même Akhila contre laquelle
je me suis énervée car bien que "chef de famille",
indépendante, elle subit la pression de sa famille parce qu'elle
n'est pas mariée, mais fini - enfin - par les envoyer
péter !
Ces histoires de femmes me parlent et, l'ayant lu en anglais, j'attendais
l'avis de Richard sur cet anglais dont j'avais l'impression qu'il était
un "anglais d'Indien", simple, un peu fleuri, un peu scolaire.
En tout cas, pas l'anglais qu'on lit d'habitude. Mais ça ne m'a
pas dérangée, au contraire.
Arundhati
Roy est pour moi "au-dessus" d'Anita Nair. J'étais
dans un train en Inde quand un vendeur portant une pile de livres jusqu'au
menton avait Le
Ministère du Bonheur Suprême (The
Ministry of Utmost Happiness) sur lequel je me suis jetée
(elle y parle des hijras)
: le bonheur suprême ! Je peux le prêter si quelqu'un
est intéressé (en VO).
J'ai eu un grand plaisir de lecture (mon baromètre pour noter).
Je ne l'ouvre pas en grand, note que je réserve à Arundhati
Roy, mais j'ouvre ¾.
DES INFOS AUTOUR DU LIVRE La littérature indienne et VAC Les livres d'Anita Nair Les traducteurs Repères biographiques Interviews |
La littérature indienne et Voix au chapitre
Anita Nair vit en Inde. Quels livres "vraiment" d'Inde avons-nous
lus dans le groupe ?
- Le
Dieu des Petits Riens dArundhati Roy, qui est bien indienne
et vit en Inde (lu en 2004)
- Haroun
et la mer des histoires de Salman Rushdie, devenu britannique,
né à Bombay dans une famille indienne musulmane (2001)
- L'Équilibre
du monde de Rohinton Mistry, devenu canadien, né à
Bombay, dans une famille appartenant à la minorité parsie,
de religion zoroastre (2006)
- À la courbe du fleuve, puis L'énigme
de l'arrivée de Naipaul (prix Nobel) : devenu britannique,
né à Trinidad dans une famille brahmane, grands-parents
venant dInde (lus en 1996 et 2003)
- Ami
de ma jeunesse et Une étrange
et sublime adresse d'Amit Chaudhuri, né à Calcutta,
vit entre Londres et Calcutta (2020).
10 livres d'Anita Nair publiés en France
Elle a publié des nouvelles, de la poésie,
des livres pour enfants.
Voici les livres traduits en français
dans l'ordre de leur publication en Inde. Le premier traduit est celui
que nous lisons.
- Le Chat karmique (Satyr of the Subway & Eleven Other Stories,
1997), nouvelles, trad. Marielle Morin, Picquier, 2005 ; rééd.
Picquier poche, 2008, épuisé.
- Un homme meilleur (The Better Man, 2000), trad. Marielle Morin, Picquier, 2003 ; rééd. Picquier poche, 2006, épuisé. Son premier roman.
- Compartiment
pour dames (Ladies Coupé, 2001), trad. Marielle
Morin, Picquier, 2002 ; rééd. Picquier poche, 2004 ; rééd.
Albin
Michel, 2016 ; rééd. Le Livre de poche, 2019.
- Les Neuf Visages du cur (Mistress, 2005), trad.
Marielle Morin, Picquier, 2006 ; rééd. Picquier poche, 2010,
épuisé.
- L'Inconnue
de Bangalore (Cut Like Wound, 2012), trad. Dominique Vitalyos,
Albin Michel, 2013 ; rééd. Le Livre de poche, 2015.
- Quand viennent les cyclones (Lessons in Forgetting, 2010), trad. Dominique Vitalyos, Albin Michel, 2010 ; rééd. Le Livre de poche, 2013.
- Dans les jardins du Malabar (Idris: Keeper of the Light, 2014), trad. Dominique Vitalyos, Albin Michel, 2016 ; rééd. Le Livre de poche, 2019.
- L'abécédaire des sentiments (Alphabet Soup for Lovers, 2015), trad. Dominique Vitalyos, Albin Michel, 2018.
- La mangeuse de guêpes (Eating Wasps, 2018), trad. Patricia Barbe-Girault, Albin Michel, 2020.
La traductrice de Compartiment pour
dames est la première à faire connaître Anita
Nair en français.
- Marielle Morin, chez Picquier : 4 livres traduits en 2002, 2003, 2005,
2006. Présentation de par Marielle Morin =>ici
ou =>là.
- Dominique Vitalyos, chez Albin Michel : 5 livres traduits en 2010, 2013, 2015, 2016, 2018. Présentation de Dominique Vitalyos =>ici et le détail de ses traductions sur son blog =>là.
- Patricia Barbe-Girault, chez Albin
Michel : le dernier livre traduit en 2020. Présentation
de Patricia Barbe-Girault =>ici
; a fait une thèse sur
Salman Rushdie ; entretien sur la traduction =>là.
Quelques repères sur son
parcours et sa vie à Bangladore
- Née au Kerala en 1966
- Licence en langue et littérature anglaises.
- Anita Nair voulait devenir journaliste. Elle commence par travailler
pour Aside, un magazine de Madras, mais sans réussir à
en vivre. Elle se marie à 20 ans avec son amour rencontré
à 16 ans, d'une caste inférieure, et enchaîne alors
les petites boulots comme la vente immobilière, est pigiste pour
différents magazines, travaille dans la publicité.
À vingt-cinq ans, je me suis retrouvée sans emploi. Lagence de publicité pour laquelle je travaillais a été reprise par un autre groupe et tous les anciens employés se sont sentis si mal à laise que la plupart dentre nous sommes partis Mon oncle qui vit à New York ma invitée à séjourner chez lui et je suis donc allée à Manhattan. La plupart des gens qui voyagent ont un objectif précis : ils sont soit des touristes, soit là pour affaires ou pour rendre visite à leur famille Je ne faisais rien. Je me contentais de me promener dans Manhattan, puis de parcourir les États-Unis, à la recherche de Dieu sait quoi, mais quand je suis revenue en Inde, javais déjà décidé de ce que je voulais faire. Cela a pris un certain temps, mais vers vingt-sept ans, ces mois dintrospection mont rappelée à lordre et un jour, jai commencé à écrire. Jai écrit les trois premiers paragraphes de Satyr of Subway et jai su avec certitude que javais enfin trouvé une voix. (Entretien avec Vishwanath Bitee, The Criterion, 2 mars 2015)
- Premier livre publié en 1997 : un recueil de
nouvelles inspirées pour partie de son séjour à New
York, intitulé Satyr of the Subway (Le
Chat karmique), qui lui permet de gagner une
bourse pour compléter sa formation au Virginia
Center for the Creative Arts en 1998 (scoop : ce centre américain
a une antenne en France, une coquette résidence d'artistes "Le
Moulin à nef" dans le Tarn-et-Garonne...)
- Deuxième livre et premier roman en 2000, Un
homme meilleur, publié par Penguin
India et premier livre d'un auteur indien à être publié
par Picador
USA.
- Le succès s'installe à partir de 2001 avec Compartiment
pour dames.
- Elle crée un cours d'écriture, Anita's Attic, de 12 semaines
(creative writing course & mentorship
program). On peut la voir en 2012 en vidéo =>ici.
- Elle vit à Bangalore avec son fils et son mari, Suresh Parambath, qui travaille dans la publicité (les potins amoureux =>ici). La grand reporter Sylvie Kauffmann la rencontre à Bangalore quelques années après qu'a démarré son succès (Le Monde, 25 avril 2007). Extrait :
Pour parvenir jusqu'au refuge d'Anita Nair, il faut un certain sens de l'orientation, une bonne dose d'ingéniosité et pas mal de patience. Le lotissement fermé, quasiment introuvable, dans lequel est nichée sa jolie maison jaune est une "gated community" à l'indienne, à la périphérie de Bangalore : haut portail avec gardes, piscine, quelques grosses maisons séparées par des terrains en friche. À l'extérieur, des enfants jouent pieds nus devant de petites échoppes.
La romancière Anita Nair (Un homme meilleur et Compartiment pour dames, éditions Philippe Picquier) est "tombée amoureuse de Bangalore" il y a dix-sept ans. Elle travaillait dans la publicité et arrivait de Chennai, anciennement Madras. Bangalore "était alors une petite ville charmante, nonchalante. Un peu paresseuse, les déjeuners duraient trois heures, les magasins fermaient pendant la sieste". Le charme a opéré pendant dix ans. "À Chennai, il y a la prohibition, tandis qu'à Bangalore, on va dans les pubs boire un verre, j'adorais ça." "Puis la circulation s'est intensifiée, les rues sont devenues bruyantes, on s'est mis à couper les arbres. C'est à ce moment-là qu'on a décidé de s'éloigner." "On" : son mari et son fils, 14 ans. "Depuis trois ou quatre ans, les gens arrivent de Mumbai, de Calcutta, l'argent du high-tech coule à flots, tout le monde est pressé. Fini les déjeuners languissants !" Elle s'est éloignée, mais elle est restée. Contrairement à Mumbai ou Delhi, villes de grande culture littéraire, Bangalore n'a "ni clubs ni cliques" : elle peut s'y isoler pour écrire.
- "Le Bangalore d'Anita Nair", Émilie
Grangeray, Le Monde, 28 juin 2013 : "Originaire du Kerala
(État du sud de l'Inde), la romancière habite aujourd'hui
Bangalore, dans le Karnataka qu'elle nous fait visiter" :
Mahesh Shantaram pour M
Le magazine du Monde (portfolio
en ligne =>ici)
"C'est la ville des extrêmes. À un bout du spectre, on trouve la cité cosmopolite, moderne et dynamique, où les choses évoluent à toute vitesse."
"Le quartier de Shivaji Nagar n'aurait jamais pris pour moi la même importance si je ne m'étais pas lancée dans mon premier roman véritablement urbain, il y a trois ans de cela. Pour l'écrire, je comptais me laisser guider par la ville autant que par les personnages. J'ai donc passé quelques jours à arpenter inlassablement les petites rues de Shivaji Nagar. Mais ce sont mes balades nocturnes qui ont réellement provoqué l'étincelle créatrice. En soirée et jusque tard dans la nuit, le secteur du dépôt de bus grouille d'activité, les marchands ambulants installent leurs voiturettes au bord de la chaussée et l'énergie ambiante se réverbère dans les ruelles et les allées environnantes."
- Intéressante interview en anglais dans une librairie, 10 ans après le succès de Compartiment pour dames (Ladies Coupé), NDTV (télévision indienne), 21 décembre 2011, 6 min.
- Entretien avec Céline Laflute pour Evene.fr, octobre 2006. Extraits :
Comment expliquez-vous que vous ne fassiez aucun cas du fait d'écrire en anglais, contrairement à Arundhati Roy par exemple ?
Je suis une sorte d'anomalie parce que j'écris en anglais sur l'Inde rurale et l'Inde des banlieues. Le plus souvent, les romans écrits en anglais en Inde sont tournés vers le monde urbain. J'essaie de me servir de l'idiome local autant que possible car, dans les situations que je crée, l'anglais n'est pas souvent parlé. J'aime aussi saisir l'Inde telle qu'elle est, l'Inde dans laquelle je vis, avec le moins de nostalgie et de compassion possibles. Heureusement, la chose semble acceptée, non seulement à l'étranger, mais aussi en Inde - l'épreuve de vérité incontournable ! J'ai réalisé que bien qu'une culture soit plutôt relative à une région, la condition humaine est universelle. C'est l'écriture de qualité qui triomphe et s'élève au-dessus des différences culturelles...Quelques écrivains indiens que vous nous conseillez de lire ?
Lisez Amitav Ghosh, I. Allan Sealy, M. Mukundan, Kamala Das.
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