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Quatrième
de couverture : Akhila
est employée aux impôts. Éternelle célibataire,
cette quadragénaire n'a jamais été libre de mener
sa vie comme elle l'entendait : toujours la fille, la sur, la tante
de quelqu'un, celle qui fait vivre la famille. Sur un coup de tête,
elle prend un aller simple pour Kanyakumari, une petite ville balnéaire
du sud de l'Inde. Dans l'intimité du sleeping le fameux
"compartiment pour dames" qu'elle partage avec cinq autres
compagnes, Akhila ose poser la question qui la hante depuis longtemps
: une femme a-t-elle vraiment besoin d'un homme pour être heureuse
et épanouie ?
|
Anita Nair (née en 1966)
|
Les
32 cotes d'amour des groupes
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Les
17 cotes d'amour du groupe parisien |
Danièle
(avis transmis)
Je ne pourrai pas être là ce
soir, car je pars au petit matin pour
l'Inde.
Dans l'effervescence du départ, je n'ai pas eu le temps de rédiger
un avis, d'autant plus que je ne l'ai pas fini, par manque de temps.
Mais bien sûr, j'ai aimé me plonger dans un univers féminin
qui a son mot à dire, sur le ton de l'intimité, à
propos des rapports entre hommes et femmes, sur la pauvreté comme
carcan de départ dans la vie, sur la soif d'indépendance
des femmes de la nouvelle génération, et sur le poids des
traditions pour la plupart. L'importance du sari, son drapé qui
cache ce qu'il veut, ses couleurs enivrantes qui cachent la misère
environnante, m'avaient déjà frappée lors d'un précédent
voyage, et j'en vois la confirmation dans ce livre. Des pages entières
pour le décrire. Je ne peux pour le moment en dire plus, mais en
tout cas, je l'emporte avec moi pour le finir.
Rozenn(avis
transmis)
Lu sur mon téléphone d'une traite et dans le bruit.
Le projet du livre est intéressant.
Intéressant aussi pour les détails de la situation des femmes
ailleurs.
Mais j'aurais plus envie de débattre du fond que du livre lui-même.
La dernière femme - oubliée - est celle que j'ai trouvée
la plus intéressante.
Je pense que si j'avais une version papier, je la ferais circuler autour
de moi.
Mais je ne l'ouvre qu'à moitié et essentiellement pour son
intérêt documentaire.
Sabine
entre
et
(avis
transmis de Nîmes)
Je n'ai pas été transcendée par la lecture d'Anita
Nair.
Tout comme le
film indien qui a obtenu un prix à Cannes, je n'ai ni accroché
au film, ni au roman d'Anita Nair.
J'étais pourtant favorablement disposée : la découverte
des romans de R. Mistry
au groupe-lecture fut immense !
Et là... grosse déception. En dépit d'une quatrième
de couverture alléchante, j'ai ramé avec la narration (problème
pour identifier qui parle). J'ai souri à l'évocation de
quelques problèmes féminins (suis-je bien épilée,
bien coiffée, bien parfumée ?!) ; le rapprochement
entre les êtres et les substances chimiques est étonnante.
J'ai arrêté ma lecture aux 2/3, de même que j'ai dormi
1/3 du film indien. J'ouvre ainsi le livre au 1/3.
Monique L(en
direct comme ceux qui suivent)
Dans quelle mesure une femme peut-elle vivre pour elle-même ?
Peut-elle, malgré le poids de la société, de la famille
et du voisinage, vivre sans homme ? Une femme en Inde peut-elle vivre
sans être mariée ? Telles sont les questions que se pose
Akhila et qu'elle pose aux autres femmes qui partagent son compartiment.
Sa question permet aux autres voyageuses, toutes mariées (sauf
la plus jeune), de se pencher sur leur vie de femme, de faire le point
sur leur vie d'épouse. Un bel instant de partage ! On passe
de l'histoire d'une femme à une autre très facilement, cela
s'enchaîne naturellement. Ce sont des portraits de femmes si différentes
et si proches dans leurs désirs de vivre pour elles-mêmes,
loin du joug de la famille et du jugement des autres.
Au cours de ces conversations, beaucoup de sujets sont abordés
: l'amour, la haine, l'amitié, l'homosexualité, la pauvreté,
le viol, l'homosexualité
L'auteur aborde tous ces sujets
sans tabous et nous fait découvrir la société indienne
moderne, assez différente de la nôtre. J'ai adoré
être plongée dans la culture indienne. Cela m'a beaucoup
intéressée, entre autres la nourriture.
Au-delà des spécificités indiennes, certaines questions
abordées sont assez universelles. Qui ne s'est pas senti contraint
par son entourage, par la tradition, par ses obligations ?
Une fois le livre terminé, je me suis aperçue que l'auteure
avait balayé la plupart des situations qui empêchent les
femmes de s'émanciper : cela m'a gênée, mais je ne
l'avais pas perçu durant ma lecture. C'est certainement dû
à la manière dont c'est écrit ; cela ne fait ni propagande
ni manifeste féministe.
J'y ai vu de l'humour, par exemple sur l'acte qui
marque les débuts d'émancipation : manger des ufs,
apprendre la natation en cachette
C'est un livre bien écrit et facile à lire. J'ouvre aux
¾.
Renée(à
l'écran depuis Narbonne)
Belle construction de ce roman, avec en parallèle la vie d'Akhila
et celle des 5 autres voyageuses.
La vie des femmes en Inde est plus compartimentée qu'en France,
elles sont un peu plus corsetées, les mâles dominent, dirigent
la famille. J'ai aimé ce côté documentation du livre.
Cependant j'ai retrouvé les mêmes aspirations que les femmes
occidentales, les mêmes questions :
- une femme peut-elle vivre et être heureuse sans un mari ?
- une femme doit travailler pour subvenir à ses besoins (et ici
à ceux de ses frères)
- le rejet de celle qui devient call-girl
- l'amour ne peut pas exister si la femme est plus âgée ?
J'ai aimé Sheela, la jeune fille qui maquille sa grand-mère,
se fait gronder, mais est certaine qu'elle, elle aurait aimé.
L'histoire de Margaret, humiliée par son mari, odieux dictateur
dans son collège, beau, sportif, le fait subrepticement grossir
pour le transformer en chapon inoffensif : très amusant.
La dernière histoire est plutôt horrible : une femme qui
rejette son enfant parce que né d'un viol. Sa vie la rend méchante,
elle aime son fils quand elle s'aime enfin.
Grace aux expériences des
autres voyageuses, Akhila va quitter sa vie de servitude, de sacrifices
et de frustrations pour vivre sa vie, devenir qui elle est en son for
intérieur.
Je l'ouvre à moitié.
Richard
Mes sentiments sont mélangés.
J'ai trouvé le livre - que j'ai lu en anglais - facile à
lire. Les phrases très courtes contribuent à une lecture
facile.
J'ai trouvé des vrais bijoux, par exemple cette expression : "an
uneasy silence crawled on all fours"
("So each time I walked into the staff-room, an
uneasy silence crawled on all fours, weaving its way through the
rows of tables and chairs", dont la traduction dans l'édition
française est "À
chaque fois que je pénétrais dans la salle des professeurs,
un silence gêné s'installait, se faufilant à travers
les rangées de tables et de chaises" : "un
silence gêné s'installait" n'a pas la force
d'un mouvement animal de "on
all fours").
J'ai été frustré, car à chaque épisode
- récit d'une vie - qui a son intérêt, c'est court,
sans développement notamment psychologique, comme s'il s'agissait
de symboles que chaque femme représentait.
Le livre a été assez apprécié par le monde
des féministes, et on finit par se poser la question : est-ce que
nous les hommes, on sert à quelque chose ?...
Je suis donc frustré par la rapidité de chaque chapitre,
et il m'a paru difficile parfois de suivre Akhila qui est pourtant toujours
là et par paresse de retenir les noms.
L'anglais m'a paru un anglais conversationnel, ce qui baisse pour moi
la qualité de l'écriture.
Claire, souvent agaçante...
C'est forcément un anglais parlé puisque ce sont des récits
oraux.
Richard
J'avais pas pigé ça. Mais c'est normal, puisque les premiers
chapitres sont rédigés à la troisième personne
par l'auteur (en l'occurrence Nair). Ce n'est que plus loin dans le livre
que nous rencontrons les histoires racontées par les femmes du
compartiment.
En tout cas, quelque chose sauve le livre, la fin, qui donne une note
haute, avec la dernière phrase, mais qui laisse la conclusion ouverte
: est-ce qu'Akhila a prouvé son indépendance ou est-elle
finalement victime de l'attrait d'un homme ?
J'ouvre à moitié, même si c'est un peu généreux
pour mes habitudes.
Claire balançant entre
et
Je ne sais pas encore comment "j'ouvre" et verrai après
le tour...
Mes impressions positives :
- l'aspect documentaire sur l'Inde (l'histoire de l'uf m'a paru
sidérante) m'a continûment intéressée ; le
poids de la famille est effrayant
- les histoires - édifiantes - sont assez palpitantes
- l'enjeu du livre - l'émancipation - vaut la chandelle
- l'artifice - le voyage donnant lieu au récit des parcours -
marche
- j'ai trouvé fluide le passage d'une autre femme au personnage
principal et la construction bien fichue sur la durée
- la midinette en moi a été satisfaite.
Mes éventuelles réserves :
- il ne faut pas se lasser, car le programme est annoncé par l'artifice
déployé
- il est difficile de s'attacher à des personnages qu'on oublie,
mais ce n'est pas grave
- le risque principal me semble l'aspect démonstratif, c'est un
peu lourd quant aux révélations qui adviennent, avec un
petit côté développement personnel
- le dernier récit me semble moins vraisemblable, par une narration
à la première personne trop chiadée pour le personnage -
dommage pour la dernière (je remarque que pourtant, c'est la femme
que Rozenn a trouvé la plus intéressante).
J'ai été extrêmement contente d'avoir vu en parallèle
le film All
We Imagine as Light qui m'a donné des images de ces femmes,
avec un sujet similaire.
Je serai curieuse de connaître concrètement les réactions
au livre quand il est sorti en 2001 : ce fut un grand succès, d'accord,
mais qu'est-ce qui se dit alors ?
Annick
A
Je l'ai acheté ce matin et l'ai lu dans la journée.
(Moues d'admiration)
Il se lit assez facilement. J'ai bien aimé ce livre.
Certains passages sont psychologiquement un peu légers.
J'ai un peu de mal à en parler car je viens de le finir.
Il est centré sur la place des femmes et la question : est-ce qu'on
peut se passer d'hommes ? La réponse semble non, dommage. Et la
fin est un peu décevante.
C'est bien écrit et le montage de ces histoires différentes
est assez bien fait.
J'ai bien aimé l'histoire de la femme qui va se baigner : j'ai
trouvé très fine cette histoire, où elle s'accorde
d'accéder à son désir. C'est le passage que j'ai
préféré, où elle apprend à flotter.
Thomas
J'ai bien aimé le côté dépaysant, cette découverte
d'une partie de l'Inde, avec notamment la tradition des kolams
dont certains sont de véritables uvres d'art,
ou encore l'interdit entourant les ufs. Et évidemment, il
y a tout ce qu'on apprend sur la place de la femme en Inde, les différents
portraits sont édifiants sur le sujet.
Si cette partie "témoignage" est très réussie,
je suis en revanche un peu resté sur ma faim en ce qui concerne
la partie romanesque. Il y a bien quelques idées intéressantes
- ce parallèle avec les éléments chimiques pour
cette professeure de chimie, ou l'apprentissage de la natation comme jolie
métaphore de l'émancipation -, mais les récits
finissent par se ressembler un peu. J'ai eu l'impression de toujours retrouver
les mêmes situations avec des femmes au service de leurs maris et
plus largement de leur famille, et si cela a le mérite de la véracité,
la lecture en manquait un peu de variété.
Je prendrai le contrepied d'Annick en ce qui concerne la fin, que j'ai
trouvée réussie, et qui, pour moi, montre qu'Akhila peut
se passer d'un homme. À mon sens, si elle rappelle Hari, c'est
parce qu'elle le veut et non pas parce qu'elle en a besoin. C'est une
décision qu'elle a prise en toute liberté et en toute connaissance
de cause, entérinant son indépendance. Du moins, c'est ainsi
que j'interprète le passage précédent, où
Akhila "séduit" ce jeune Indien. Il me semble que tout
l'intérêt de cette scène est justement de montrer
qu'à partir de maintenant, Akhila mène elle-même le
jeu de sa vie.
Enfin, j'ai été un peu déçu par le style,
plutôt facile à lire, mais qui m'a semblé manquer
de poésie et de finesse. À noter que l'édition anglaise
se termine par des recettes de cuisine, ce que j'ai trouvé une
très belle initiative (même si je n'ai pas encore pu les
tester !).
Claire
(qui y repense après la séance)
Au fait Thomas, tu avais laissé entendre que cette lecture s'intégrait
parfaitement sur ta lancée de A room of one's own de Virginia
Woolf et de Persuasion de Jane Austen.
Thomas
Effectivement, j'y ai un peu pensé, mais ça aurait pris
du temps (suite ici).
Catherine
Je connaissais pas l'autrice et je n'ai lu
que quelques auteurs indiens, dont les deux romans d'Amit
Chauduri
et L'Équilibre
du monde de Rohinton Mistry, que j'avais beaucoup aimé.
Ça a été pour moi une lecture aisée, je suis
rentrée facilement dans le livre. J'ai aimé la situation
de départ, assez classique d'ailleurs, le huis clos forcé
du train qui permet au lecteur de découvrir successivement 6 femmes,
qui se livrent les unes après les autres. Elles racontent leur
destin, plus ou moins compliqué, voire tragique pour la dernière,
on découvre ainsi la place des femmes dans la société
indienne (qui ne fait pas rêver). Le livre n'est pas manichéen,
les hommes n'ont globalement pas le beau rôle, mais ne sont pas
tous odieux. Certains couples semblent même plutôt réussis,
le premier couple par exemple, les parents d'Akhila aussi, les femme étant
tout de même totalement dévouées à leur mari,
l'une d'elles a épousé son oncle, ce qui laisse quand même
un petit malaise. Certaines sont femmes au foyer et vivent dans la hantise
du décès de leur mari qui peut les précipiter dans
la misère, d'autres sacrifient leur carrière, leurs rêves
et leur autonomie. La figure centrale est celle d'Akhila qui s'est dévouée
à sa famille après la mort de son père, et a sacrifié
sa propre vie par la même occasion. Elle a néanmoins vécu
une histoire d'amour clandestine à laquelle elle n'a pas donné
suite car elle ne correspondait pas aux diktats de la société.
Elle est maintenant au milieu de sa vie et hésite à affirmer
son autonomie face à ses frères et surs qui ont profité
d'elle. C'est un personnage attachant. Le système des castes est
évoqué seulement au détour de la première
histoire qui concerne une brahmane, sans être approfondi. Un des
intérêts pour moi a été de découvrir
la vie de femmes plutôt issues de la bourgeoisie, relativement aisées,
dont certaines ont fait des études et sont diplômées ;
les livres que j'avais lus précédemment mettaient en scène
des personnages issus des classes les plus défavorisées.
Il y a de l'humour par moment, la femme qui engraisse son mari, moins
odieux quand il est gros. J'ai aimé l'évocation de moments
de plaisir que ces femmes s'accordent, la dégustation d'un uf,
l'apprentissage de la natation, c'est joliment écrit. Pour finir,
j'ai apprécié tout ce qui concerne la cuisine, les saris,
c'est un livre qui dépayse.
J'ai vu également le film All
we imagine as light
qui a des points communs avec cette histoire.
Globalement un vrai plaisir de lecture, sans doute pas un grand livre
mais intéressant ; je l'ouvre à moitié.
Brigitte(à
l'écran)
Je ne connaissais pas du tout Anita Nair.
J'ai eu plaisir à découvrir la vie de toutes ces femmes,
dont la culture est tout à fait différente de la nôtre.
L'idée du compartiment réservé aux femmes m'a paru
sympathique. Je suis donc partie avec elles dans ce train de nuit.
Au début tout s'est bien passé ; tout m'intéressait,
jusqu'à la sixième d'entre elles, Marikolanthu. À
ce moment-là, le charme de ma lecture s'est rompu. J'ai ressenti
cette dernière partie comme l'obligation pour la romancière
de compléter son travail par l'évocation des classes les
moins aisées de la population, du viol, de l'homosexualité,
qui manquaient à son panorama de la condition des femmes indiennes.
De plus, je trouve très faible la fin du livre, avec Akhila assise
sur un banc face à la mer, se remémorant toute son existence
avant de téléphoner à Hari, son ancien amour.
J'ouvre donc à moitié.
Jacqueline
Je l'ai lu très vite et très bien et j'ai eu envie d'en
lire un autre. J'ai commencé La
mangeuse de guêpes qui m'a semblé encore plus intéressant
par ses références à des croyances indiennes. Je
n'ai pas eu le temps de finir, mais je me suis alors rendu compte que
j'avais presque oublié le précédent, que je confondais
les personnages - ce doit être une question de style car leurs
histoires sont différentes, sans doute une question de voix qui
sont trop semblables - et je l'ai repris.
J'ai été très intéressée par le parcours
d'Akhila autour de qui se construit le roman.
Je n'ai pas été gênée par ce dont a parlé
Brigitte, car ce n'est pas un récit comme en font les cinq autres
femmes, mais les souvenirs que Akhila évoque dans sa tête,
comme ils lui reviennent.
J'ai beaucoup aimé la figure du père, son honnêteté
foncière, son respect envers ses proches et sa souffrance devant
l'adversité. J'ai aimé aussi la relation entre l'adolescente
et sa grand-mère, le fait que la jeune fille se sente seule à
prendre fait et cause pour elle. J'ai relu l'histoire de Margaret. Et
la dernière, qui illustre d'autres misères bien réelles.
Mais, quand même, pour qui ce livre a-t-il été écrit
?
Il me semble qu'il y a en Inde une grande diversité de cultures,
celle des brahmanes, celle du Kerala
: le livre en parle un peu,
il est question de lieux, de nourriture, mais la coexistence comme les
différences m'ont paru gommées. Est-ce parce qu'il est écrit
en anglais standard indien ? Par ailleurs, son exotisme m'a rappelé
quand, adolescente, je lisais Pearl
Buck pour connaître la Chine ! Il est plein de bonnes intentions
et vise un grand public (un peu comme Morante dans La
Storia).
J'aurais aimé plus, mais je l'ai lu vite et sans ennui et ne vais
pas désavouer mon intérêt. J'ouvre aux ¾.
Christelle
J'étais ravie de lire un livre d'Inde.
Et qui ne soit pas aussi glauque que d'autres
car ces femmes font
partie de la classe moyenne, la classe émergente en Inde. Cette
classe est issue de classes plus pauvres, dispose de plus de moyens financiers,
mais on peut constater que les traditions et le poids de la famille indiens
paraissent peu évoluer. Cependant, les femmes de ce roman ont également
des aspirations dans lesquelles nous pouvons nous reconnaître.
Il y a une grande différence entre le Sud et le Nord de l'Inde :
j'ai vécu au Nord où c'est beaucoup plus dur pour les femmes ;
d'ailleurs il n'y a quasiment pas de femmes dans les rues ; je me
souviens, nous circulions en voiture avec une amie et on les comptait,
à Dehli : une femme pour 20-30 hommes... Ce n'est pas seulement
lié à la taille de la ville, mais semble-t-il aux traditions,
à la mentalité, car à Bombay par exemple, les femmes
sont plus présentes dans l'espace public.
J'ai aimé ce huis clos, je pense que, grâce à ce principe
de compartiment réservé, ces femmes se sentent en sécurité
et que cette sécurité les aide, alors qu'elles ne se connaissent
pas, à se livrer aussi rapidement.
La construction est artificielle, mais fluide finalement. Les différents
récits forment comme des nouvelles, cloisonnées ; j'ai
regretté qu'il n'y ait pas de dialogue entre ces 6 femmes, leurs
réactions mutuelles nous auraient peut-être permis de mieux
comprendre certains éléments.
Il y a finalement très peu d'émancipation ; ainsi, parmi
les différentes figures de femmes croisées dans le roman,
la grand-mère de Sheela est l'une des plus fortes et cependant
on sent son ambivalence dans sa relation aux hommes dans ses conseils
à sa petite-fille : "Ne
deviens pas une de ces femmes qui se soignent pour séduire. La
seule personne à qui tu dois plaire, c'est toi."
mais quelques lignes plus loin : "Tu
ne manges pas assez. Tu es trop maigre. Un homme ne voudra pas de toi
pour femme. Les hommes n'aiment pas les os au lit. Ils préfèrent
les rondeurs."
J'ai été déçue par la fin assez peu crédible,
voire un peu gnangnan, je m'attendais à une autre réponse
à la question que se posait Akhila "une
femme a-t-elle besoin d'un homme pour se sentir épanouie ?".
Mais avant l'issue, j'ai apprécié ces portraits réalistes
et l'atmosphère indienne (qui me manque), j'ouvre aux ¾.
Annick
L
J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman,
qui se décline comme une série de portraits. Et j'ai été
très intéressée par cette plongée dans la
vie intime de ces femmes indiennes, très dépaysante pour
moi. La déclinaison est variée, de par l'âge de ces
personnages et leur situation personnelle : quatre sont mariées
et "femmes à la maison", deux sont célibataires,
dont le personnage central, Akhila, qui a un bon travail et entretient
sa famille, ainsi que la plus jeune fille, en rupture de ban. Elles viennent
presque toutes d'un milieu aisé, sauf la dernière, dont
l'histoire est particulièrement tragique. Et même si le statut
des femmes dans l'Inde contemporaine s'est beaucoup amélioré
(plusieurs ont fait des études), on sent encore peser sur elles
le poids du patriarcat, des contraintes familiales et des traditions,
religieuse ou pas. Une seule, la plus âgée, se montre plutôt
satisfaite de sa condition. Les autres sont profondément insatisfaites
et cherchent à s'affirmer, à faire entendre leur voix. Un
sujet qui me touche particulièrement. Mais il ne s'agit pas, dans
ce contexte, de révolution à marche forcée, chacune
d'entre elles chemine à petit pas, sans remettre en question le
cadre dans lequel elles sont enfermées : l'une va apprendre
en cachette à nager et découvre le plaisir de flotter, légère,
sur l'eau, l'autre va décider de manger un oeuf devant sa mère,
devant sa soeur, au mépris de tous les interdits alimentaires,
l'autre enfin va se venger de son mari tyrannique et pervers en le gavant
de nourriture comme un petit cochon. La seule qui rompt publiquement le
cercle, en quittant sa famille pour un grand voyage à l'autre bout
du pays, c'est Akhila. Et cela me semble assez réaliste.
Mais il y a un côté démonstratif, sans oublier dans
l'inventaire le viol et l'homosexualité. Et la construction est
assez artificielle, avec son enchaînement de séquences, entrecoupé
de flashs back sur l'enfance et la jeunesse d'Akila.
C'est donc un livre intéressant, mais pas remarquable, contrairement
au Dieu
des Petits Riens d'Arundhati
Roy qui me laisse un souvenir inoubliable. J'ouvre ½.
Fanny
J'ai eu du mal à entrer dans le livre et le style y était
pour quelque chose. Dans les 40 premières pages, les phrases m'apparaissaient
mal construites, mal foutues.
Puis j'ai été prise au jeu, prise par ces femmes, et leurs
"petits pas" d'émancipation.
C'est très visuel et sensuel, avec la nourriture, l'aspect vestimentaire.
Ma mère voit que j'avais ce livre : elle l'avait lu ! Il faut que
tu le fasses lire à tes filles !...
Il m'a paru facile à lire, avec un style un peu facile.
L'aspect midinette est touchant, parfois limite : "Il
la regardait, rayonnant de plaisir, avant d'éclater de rire : 'C'est
parce que nous sommes faits l'un pour l'autre. Nous sommes deux corps
et une seule âme.'" Ou bien : "Ils
restèrent assis côte à côte en silence, les
contours de leurs corps se frôlant, les tourbillons de leurs pensées
s'entremêlant, nuage de lucioles reliées entre elles par
des liens invisibles."
Dans le récit de la dernière femme, l'auteure met vraiment
"tout". Le livre est très construit pour servir le propos.
Mais je me suis laissé prendre.
Si Richard dit qu'en ouvrant ½ il est un peu généreux,
pour ma part en ouvrant ½ c'est un peu sévère...
Françoise(qui
avait proposé le livre après l'avoir découvert dans
un autre groupe)
J'adore le train et ce qui se passe dans les trains, qui
constituent un espace-temps particulier. J'ai donc aimé l'idée
du livre, même si ce n'est pas particulièrement original,
mais d'une manière générale, j'aime les vases clos,
également au cinéma d'ailleurs.
Je rejoins ceux qui ont une réserve concernant l'aspect "catalogue",
mais qui permet un reflet de la société indienne, diverse
et avec des contradictions. Il y a des constantes, mais aussi des différences
selon les États, l'Inde est plus qu'un pays c'est un continent.
Ici les femmes appartiennent à une classe relativement privilégiée,
et pourtant elles ont des vies très différentes, et toutes
assujetties de manière diverse. Même Akhila contre laquelle
je me suis énervée car bien que "chef de famille",
indépendante, elle subit la pression de sa famille parce qu'elle
n'est pas mariée, mais fini - enfin - par les envoyer
péter !
Ces histoires de femmes me parlent et, l'ayant lu en anglais, j'attendais
l'avis de Richard sur cet anglais dont j'avais l'impression qu'il était
un "anglais d'Indien", simple, un peu fleuri, un peu scolaire.
En tout cas, pas l'anglais qu'on lit d'habitude. Mais ça ne m'a
pas dérangée, au contraire.
Arundhati
Roy est pour moi "au-dessus" d'Anita Nair. J'étais
dans un train en Inde quand un vendeur portant une pile de livres jusqu'au
menton avait Le
Ministère du Bonheur Suprême (The
Ministry of Utmost Happiness) sur lequel je me suis jetée
(elle y parle des hijras)
: le bonheur suprême ! Je peux le prêter si quelqu'un
est intéressé (en VO).
J'ai eu un grand plaisir de lecture (mon baromètre pour noter).
Je ne l'ouvre pas en grand, note que je réserve à Arundhati
Roy, mais j'ouvre ¾.
Les
11 cotes d'amour du groupe breton |
Soaz(avis
transmis)
Un huis-clos, le train : ce train avec son compartiment réservé
aux femmes, qui permet de libérer la parole et de recueillir le
confidences de 6 femmes.
Une question qui nous paraît dérisoire... : une femme a-t-elle
besoin d'un homme pour être heureuse ? Une femme célibataire
en Inde peut-elle s'épanouir, là où le mariage donne
un statut ?
Nous sommes en Inde, la place de l'homme est prépondérante,
la femme subit un esclavage accepté ou pas.
J'ai aimé le témoignage de ces femmes, qui provoque une
prise de conscience sur la condition féminine dans le monde :
célibat, avortement, homosexualité, harcèlement,
les codes physiques, les apparences
, l'importance des rencontres,
et le regard bienveillant et tolérant de ces dames sur leur histoire.
Ce roman provoque une réflexion, une remise en question.
Ce livre est un voyage d'odeurs, de saveurs, de couleurs, de lumières,
d'images.
Je l'ouvre en grand, je serais bien montée dans ce compartiment.
Chantal entreet
(avis
transmis)
J'ai adoré ce livre ! Qui m'a fait beaucoup de bien dans un moment
difficile. J'étais dans le compartiment avec Janaki, Akhila, Sheela,
Margaret, Prabha Devi..., des surs, des copines. J'ai partagé
leurs discussions, écouté leurs histoires de vie. À
la gare de Coimbatore, j'ai tout vu : les porteurs, la foule des voyageurs,
les embouteillages, les sacs plastique qui volent, les déchets
par terre... J'ai senti les odeurs de fleurs, de friture, d'épices...
ouah, quel plaisir, je me revoyais à la gare de Delhi ! Mon nom
et celui de mon amie écrits sur notre compartiment... voyage voyage...
Certes, ce n'est sans doute pas un "grand livre", ni un chef-d'uvre
littéraire. Le montage, la construction du livre, sont un peu simplistes
: témoignage de l'une, réflexion d'Akhila sur sa propre
vie, témoignage de la suivante, re-réflexion d'Akhila. Et
ainsi de suite... Oui, c'est basique. Mais tous ces témoignages
m'ont parlé, m'ont touchée. Ont amené chez moi des
réflexions, notamment sur nos vies, nous occidentales, nos vies
de femmes, celles de nos mères, nos grand-mères, maintenant,
dans le passé. L'emprise des codes sociaux, familiaux, religieux
qui pèsent sur ces femmes, sur nous... (cf. le documentaire INA/France
Télévisions "Il
suffit d'écouter les femmes").
Oui, ces femmes m'ont émue, ces femmes VIVANTES : tout vibre en
elles, leur corps, leur esprit, leurs sentiments ! Elles veulent, après
une prise de conscience qui a pris parfois de longues années, se
libérer d'une façon ou d'une autre de la dépendance
de leur père, mari, frères, mères, surs. Janaki,
"femme d'un certain âge", va s'accommoder d'un "amour
amical" avec un très beau passage ("mais
n'était-ce pas ainsi qu'ils vivaient (...) un amour amical",
p. 52). Sheela la jeune femme va fuir la violence du père...
Margaret, avec un passage que j'ai adoré : chaque personne
de sa vie décrit en élément chimique ! L'amour également
("l'amour est un liquide
incolore et volatile, etc. ,
p. 210). Et qui va se venger de son mari et de ses humiliations
en l'engraissant comme une oie... ou un porc... ?
Prabha Devi, elle, qui va se libérer d'un mari gentil mais néanmoins
dominant, libérer son corps, le faire flotter, voler... en apprenant
à nager clandestinement !
Et enfin Akhila, au bout de ce voyage, elle qui a subi l'emprise de toute
sa famille, femmes comprises, jusqu'à 40 ans, se libère
elle aussi. Une fin à l'eau de rose, elle retrouve Hari son amour
de jeunesse... une fin... oui, bon.
Mais pour moi, la lecture, tout au long, fut agréable, plaisante,
l'humour, les couleurs de leur sari, la vigueur de ces femmes, bref un
plaisir !! Je l'offrirai.
Évidemment, ces vies sont des vies de femmes de classe moyenne
: avec 500 millions de personnes tout au plus, il reste un milliard d'autres
personnes dont beaucoup de femmes, qui n'ont aucune porte de sortie.
Et... pourquoi ai-je oublié Marikolanthu et sa vie horrible ???
Je ne sais pas...
Je l'ouvre aux ¾. Et un peu plus...
Jean
Les récits lourds sont lourds d'intention : avortement, homosexualité,
pédophilie, contraception, sont autant de thèmes abordés.
Akhila règle leur compte à tous les tabous de son pays.
La métaphore est dans le voyage, qui sera source d'échanges
et de prises de conscience.
Cest un roman de "questionnements" : comment prendre en
mains sa propre vie et assumer son destin en toute indépendance,
particulièrement lorsquon est une femme en Inde ? Une femme
a-t-elle vraiment besoin d'un homme pour être heureuse et épanouie
? Quelle est la juste mesure entre devoirs de femme (mère, épouse,
responsable dun foyer
) et leurs désirs de femme (amour,
liberté, carrière
) ? Est-ce en accusant les hommes
que lon améliore le sort des femmes ? Les hommes et les femmes
sur un pied dégalité : une utopie dans le cadre de
la culture indienne ?
C'est un très beau roman, qui à travers six personnages,
trace les destins des femmes en Inde dans les années 90. Il ne
faut pas s'attendre à de "l'action" : il faut se laisser
prendre par le portrait émouvant et révoltant d'une femme,
qui n'a pas choisi de naître dans un de ces pays où elle
n'a pas encore obtenu sa vraie place dans la société, sinon
de la pitié face à son célibat.
Dans la lecture, on perd parfois le fil conducteur de l'histoire, ou plutôt
les rails du trains !
à trop vouloir montrer les événements,
Anita Nair (l'auteure) oublie parfois de les relier.
Le parti pris dans l'analyse sociologique des rapports de sexes est discutable
: les personnages masculins bénéficient d'un traitement
sommaire, qui ne soulève pas le moindre sentiment d'empathie. Les
hommes ont le mauvais rôle et sont parfois des monstres même
si quelques-uns sont "plus" humains, les hommes sont toujours
les coupables de la situation des femmes !!
J'ai aimé :
"Vous savez quoi, c'est
vrai que le cur est comme un bracelet de verre. Un moment d'inattention
et il se brise en mille morceaux
Nous le savons bien, n'est-ce pas
? Mais ça ne nous empêche pas de continuer à porter
des bracelets de verre. À chaque fois qu'ils se cassent, nous en
achetons de nouveaux en espérant qu'ils dureront plus longtemps
que les précédents.
Comme nous sommes stupides, nous les femmes ! Nous devrions porter des
bracelets de granite et transformer ainsi notre cur en granite.
Mais ils ne reflèteraient pas si joliment la lumière et
ne chanteraient pas avec autant de gaieté
"
...et aussi : "Elle
sourit encore en découvrant à quel point il est facile de
sourire maintenant qu'elle prend enfin le contrôle de sa vie."
(Voir ici l'avis de Jean précédé
de sa présentation du livre)
Marie-Odile
J'ai aimé :
- entendre les sonorités des noms
propres, en particulier des noms de lieux
- découvrir les traditions (le kolam),
les pratiques et rituels liés aux divers moments de la vie (le
sort réservé aux veuves, la noix de coco pour l'enfant qui
commence à marcher...), les interdits concernant les brahmanes
qui ne mangent ni uf ni buf, et qui peuvent excommunier ceux
qui s'éloignent du droit chemin (prostitution), les codes d'une
société où la notion d'honneur et de déshonneur
dicte des comportements extrêmes (suicide collectif p. 317)
- entrer dans la sphère privée
des femmes: couple, famille et constater l'insatisfaction de toutes à
des degrés divers et malgré un cheminement différent
- lire un texte très incarné où
les sens et les sensations débordent: odorat, ouïe... dans
l'évocation de la cuisine, des vêtements, des bijoux et où
le corps est toujours présent (sensualité, sexualité
aussi)
- constater que bien que très ancré dans la société
indienne avec ses règles contraignantes et la domination de l'homme,
ce texte aborde des questions universelles : les relations homme/femme,
mère/enfant, surs entre elles.
J'ai apprécié :
- la composition d'ensemble permettant de découvrir diverses vies
- l'originalité du récit de Margaret...
- le désir récurrent d'être soi et non le prolongement
de quelqu'un d'autre (mari, mère, sur etc..)
J'aurais aimé :
- un récit plus concis, évitant les longueurs de certains
chapitres (Prabha Devi, Akhila et son désir d'émancipation
problématique)
- plus de vraisemblance dans l'attitude de Marikolanthu qui après
avoir rejeté violemment son fils, s'en rapproche d'une façon
qui m'a paru artificielle à la mort de son père
Un texte de lecture aisée, à la fois
proche et lointain, que j'ouvre à moitié.
Brigitte entreet
J'ouvre le livre entre ½ et ¾ car c'est plus le fond que
le roman en lui-même qui m'a intéressée.
Le positif, c'est une lecture enrichie par des recherches sur l'Inde,
immense pays surpeuplé avec une majorité d'habitants de
moins de 25 ans, une démocratie essentiellement hindouiste où
la place de la femme et les violences faites aux femmes interrogent. N'oublions
pas le poids des castes (peu notées dans le roman).
Certains passages m'arrêtent dans ma lecture, comme p. 138
les quatre fondements du grihasthashrama qui sont des étapes
ou principes de vie dans la religion hindoue : "mari, enfants,
maison et belle-mère". Étouffant ! De même
pour des passages imagés qui dressent des portraits pittoresques,
non sans une pointe savamment dosée d'humour. Ces passages me relancent
dans la lecture.
De nombreuses phrases me plaisent comme : "il
faut que j'apprenne à nager dans le sens du courant de la vie,
plutôt que de rester sur la berge".
Les transitions entre les différentes histoires me semblent habiles.
La lecture est facile. Mais n'est-ce pas improbable de se confier intimement
à des femmes inconnues ? J'aimerais bien rencontrer Margaret
que je trouve pertinente, à la fois grave et pleine d'humour.
Une richesse de ce livre est de donner des pistes à qui le souhaite
pour enrichir ses connaissances sur ce pays. C'est une base de documentation
sur les rituels, kolams, saris colorés, cuisine sucrée,
épicée
, mais surtout sur la famille et la condition
de la femme. Je retrouve auprès de toutes ces femmes "le cliché
usé de la femme au foyer" qu'elles veulent ou voudraient fuir.
Pays surprenant où l'éducation féminine diffère
selon les castes : éducation lourdement impactée par
le poids des religions et l'héritage de l'histoire.
Je suis mitigée sur quelques passages un peu longs et sur la fin
du roman. Le dernier chapitre me laisse perplexe et fait baisser ma cote !
Je retrouve le film indien !!! En effet, comme dans les films de Bollywood,
c'est un roman qui s'étire. Je pense parfois : ouf, il n'y a que
six femmes dans le compartiment ! Dans les longs films indiens, on
retrouve invariablement une histoire d'amour à l'eau de rose, avec
une place importante pour la musique et la danse.
Ces six voyageuses ouvrent leur cur au cours d'un long voyage
mais ce n'est pas de la légèreté qu'elles nous confient.
Akhila recherche auprès des voyageuses du compartiment des expériences,
des conseils voire des encouragements pour braver la société
indienne et décider de vivre seule, de vivre pour ce qu'elle ressent,
de vivre pour trouver du plaisir, de vivre sa féminité.
Je lui dis "courage", "prends garde à toi".
Le point commun que je peux trouver à ces six femmes, éduquées
et instruites pour certaines, est de se dire : la vie et ses obstacles
m'ont appris à vivre pour moi ; soit les autres me détestent,
soit ils m'admirent. Une ligne de conduite difficile à tenir et
qui peut mettre la vie de ces femmes en danger. Pour Akhila, ces rencontres
dans le compartiment vont participer fortement à "démêler
l'écheveau de sa vie pour tisser son avenir". Ces
six voyageuses cherchent la voie du bonheur, en quête d'une identité
en tant que femme. J'ai un peu plus de difficulté à analyser
mon ressenti à la lecture du dernier témoignage : viol,
rejet de la maternité, homosexualité
Je ne vois pas
le lien avec la quête d'Akhila. Effet catalogue de l'auteure pour
balayer avec ces six femmes les violences faites aux femmes en Inde ?
Le livre est paru en 2001
: presque un quart de siècle. Compte
tenu de l'actualité, l'auteure veut-elle nous faire effacer l'image
de la femme indienne reine de son foyer, le dos courbé sous les
traditions et l'héritage religieux ? Ou nous montrer que les
mentalités évoluent selon un modèle américain
et britannique ? Ce texte me pose rapidement question : est-ce
que la loi existe aujourd'hui, mais que le sexisme subsiste encore aujourd'hui
dans une société indienne traditionaliste ? Il semblerait
que oui. Il suffit de lire différents articles où les chiffres
sur les violences faites aux femmes aujourd'hui sont éloquents.
Je vous partage un dessin humoristique et un extrait d'un article de presse
de 2024 : "LInde
daujourdhui est dominée par les traditions issues de
lhindouisme préconisant une subordination presque totale
des femmes aux hommes.
En témoignent 'les
Lois de Manu', texte
juridique fondateur de la tradition hindoue du dharma, selon lequel 'dans
lenfance, une femme doit être soumise à son père,
dans la jeunesse à son mari et lorsque son maître meurt,
à ses fils ; une femme ne doit jamais être indépendante
(...) une femme nest pas faite pour être libre'.
Il sagit là dun pilier majeur des traditions hindoues
persistantes au sein de la société indienne, qui explique
en partie la place que les femmes y occupent aujourdhui."
("Inde
: un pays sur le long chemin de la lutte contre les discriminations",
par Cid Maht, Ritimo, 3 juin 2024).
Ces six femmes du compartiment sont-elles si différentes ?
- Akhila est le personnage principal. Cette
célibataire brahmane de 45 ans s'est sacrifiée sentimentalement
pour sa famille dont elle est l'aînée. Elle prend le train
animée par un immense désir de partir vers le sud toute
seule pour prouver qu'une femme peut vivre pour elle-même. Elle
recherche l'amour mais pas un mari avec toutes les contraintes et privation
de liberté que cela entraîne pour la femme indienne.
- Janaki, au mariage arrangé
dès son enfance avec son oncle : "les
thèmes astraux s'accordaient". Sa mère et
ses surs l'ont initiée dès l'enfance aux tâches
ménagères. Avant le mariage, la compagnie des hommes était
mal vue. Le soir des noces, ses tantes lui disent : "C'est
ton mari et de lui, tu dois tout accepter." On est loin
de l'amour et du consentement ! Beaucoup de violence.
- Sheela qui se confie sur la maladie
utérine de sa grand-mère et
compare la tumeur à un "gnome
malin aux intentions malveillantes" (présentation
imagée subtile). Elle se confie sur l'avortement de son amie victime
d'inceste, sur la vision de la féminité. Sa grand-mère
la met en garde entre autres contre la stupidité et lui dit :
"la seule personne à
qui tu dois plaire c'est toi". Belle leçon de vie
et de droiture.
- Margaret, enseignante scientifique prisonnière
de son mariage et de son mari Ebe, personne tyrannique qui la traite comme
une quantité négligeable. Elle subit un avortement (décrit
à la fois avec réalisme et pudeur). Elle passe d'un amour
aveugle à un réveil brutal et à une vengeance. Elle
arrive à vivre parce qu'elle est indifférente à ce
que l'autre pense d'elle. Intéressant portrait de son mari p. 189
autour des énergies minérales. Savoureux passages où
elle se confie sur les raisons de son comportement boulimique p. 191,
sur ses goûts musicaux p. 193. J'aime son humour caustique
comme dans les noms qu'elle donne aux invités p. 194 :
mademoiselle Lithium, Xavier Gaz Hilarant
- Prabha Devi dont le père
qui lui trouve son mari avait dit à sa naissance
: "une fille c'est qu'un tas d'embêtements." Dont
la dote ? Je note une phrase terrible quand sa mère dit :
"on réservait aux femmes qui avaient des opinions le même
sort qu'aux mauvaises odeurs". On les fuit. Prabha goûte
et ne mesure pas les risques de la société américaine
un rêve où elle brûle ses ailes.
- Marikolanthu se dit "pas éduquée",
femme de "substitution", elle aborde l'éducation
sexuelle, le viol, l'homosexualité et l'amour maternel. Portrait
douloureux empreint de violence que j'ai le moins aimé. Je ne vois
pas le lien réel avec la quête de Akhila et ses questionnements.
Est-ce un témoignage de trop ?
Pour finir, un clin d'il : savez-vous que la SNCF propose
pour des trains de nuit des réservations dans un "espace
dame seule"... vous êtes prêtes? La condition des
femmes nous concerne tous : Indiens, Africains, Occidentaux
Marie-Claude
Ce livre m'a enthousiasmée d'un bout à l'autre.
J'avais peu de connaissance de la société indienne, notamment
les brahmanes, je ne connaissais pratiquement rien des pratiques des différentes
castes.
Une partie de la vie de l'héroïne principale, Akhila, est
très intéressante.
Tout au long de sa vie, elle ne va jamais être elle-même,
mais toujours la fille, la sur, la tante des différents membres
de sa famille ; à aucun moment, personne ne se soucie de ses besoins,
de ses envies, de ses rêves.
Je ne connaissais pas le poids de ces castes, où la femme n'existe
qu'au travers d'autres personnes, notamment des hommes, tantôt le
père, le mari ou le frère. Comment peut-on vivre ainsi,
ceci est la véritable question que nous nous posons dans notre
société, à moins que ce soit mon côté
féministe qui réagisse.
À tour de rôle, Janaki, Prabha Devi, Margareth, Sheela et
Marikolanthu vont nous raconter leurs histoires de vie, et toujours la
même question, une femme peut-elle vivre seule et s'assumer financièrement
et au regard des autres ? Que va-t-on penser de moi et réussirai-je
à m'affranchir du regard et du jugement des autres ?
Ce voyage va être riche de ces rencontres, permettant à Akhila
de prendre les décisions concernant sa vie, se laissant même
aller jusqu'au plaisir charnel.
La fin est pleine d'espoir : renouera-t-elle avec Hari ?
Le livre est ouvert.
Philippe
Avant d'être un ouvrage sur la condition féminine, j'y ai
vu un livre d'initiation à la civilisation indienne, au sujet des
coutumes familiales, de l'alimentation, des interactions des différentes
classes sociales entre elles, et illustré de nouvelles, de témoignages.
Mon prérequis sur l'importance des castes en Inde est passé
sous silence par l'auteur. Le mot caste n'est utilisé qu'un
fois dans l'ouvrage (p. 190) au sujet de l'interdiction des ufs
pour les brahmanes.
Mon intérêt pour les témoignages féminins a
été crescendo au long du livre.
Je trouve ce roman indien écrit il y a 25 ans d'actualité,
traitant des relations parents-enfants, des relations homme-femme, du
désir féminin, du mariage arrangé des très
jeunes filles, parfois intrafamilial, des dots (officiellement interdites
depuis 1961). Depuis la détermination échographique du sexe
du ftus, les avortements concernent surtout les ftus de sexe
féminin, entraînant un déficit problématique
de procréatrices : malgré tout, 1,4 milliard d'Indiens,
solde positif de 15 millions d'habitants par an.
Appa, le père d'Akhila, est victime
d'un accident de la circulation par une conduite à risque dans
un carrefour dangereux (Bangalore ville de 8 millions d'habitants, avec
une densité de 11437 hab./km²). Sa famille pense qu'il aurait
pu maquiller son suicide pour mettre fin à ses migraines invalidantes.
Voilà une interprétation osée et radicale, probablement
marquée d'hindouisme, que je tenais à souligner.
La première confidente du compartiment, Janaki,
parle de ses relations de couple et de sa forte dépendance
à son mari. J'ai retenu deux phrases : "Nos
hommes nous traitent comme des princesses. Et à cause de cela,
nous méprisons les femmes fortes qui arrivent à se débrouiller
seules" (p. 33)
: ceci confirme donc les jugements de la société indienne
à l'égard d'Akhila.
Sheela, une très jeune fille est très
affectée par le décès récent de sa grand-mère
: très beau témoignage intergénérationnel.
Margaret, professeur de chimie (donc à
ce titre, brahmane de l'hindouisme, elle appartient à l'une de
4 castes supérieures, avec le rôle de faire respecter le
bon ordre cosmique aux castes inférieures, 6 % de la population),
se confie à Akhila sur ses relations de couple difficiles, un avortement
subi, suivi d'une longue période de stérilité, que
l'on peut qualifier de psychogène, puisqu'une nouvelle grossesse
survient au moment où elle envisageait le divorce.
Après avoir entendu 3 des 5 confidentes du compartiment, Akhila
se livre à son tour. Le qu'en-dira-t-on l'a empêchée
de poursuivre une relation amoureuse partagée avec un homme plus
jeune qu'elle.
Sa jeune sur Padma, mère de
famille, mariée, s'impose pour vivre avec son aînée,
en raison de son âge et de son célibat, afin qu'elle ne soit
pas marginalisée aux yeux du voisinage qui respecte le interdits
religieux. 5 ans après, elle a encore des remords de ne pas avoir
poursuivi sa relation avec Hari. Le poids de la société
indienne est patent. Va-t- elle s'autoriser à prendre son autonomie ?
Pour moi, la problématique est bien expliquée par l'auteur.
Karpagam, une amie de Akhila perdue de vue
depuis longtemps, elle-même veuve, va la conforter dans sa décision
de vivre seule, en lui conseillant d'acheter un petit appartement pour
ne plus héberger sa sur. Les réactions familiales
sont vives, elle s'affirme, elle tient bon. Je vois une note d'espoir
pour les femmes indiennes.
Le témoignage de Marikolanthu est
le plus étoffé et le plus poignant pour moi. Fille de paysan,
très jeune elle sera successivement nourrice d'un enfant du châtelain,
puis employée de maison de deux femmes occidentales, médecins
vivant en couple, avec les non-dits qui vont avec. Les femmes lui ont
promis de l'aider à devenir aide-soignante, ce qu'elles ne feront
pas en définitive. Sa mère lui annonce qu'elle lui cherche
un mari. Elle sera victime d'un viol, et sa grande tante l'empêchera
d'avorter en lui faisant croire à un avortement avec des produits
naturels. Le déni de grossesse est complet. Le stress post-traumatique
lui fait rejeter l'enfant de sexe masculin. Une probable dépression
du post-partum altère son comportement. Elle sera chassée
de son emploi après avoir une relation homosexuelle avec sa patronne,
et avec le mari de celle-ci. À la mort de sa mère, ses frères
la somment de prendre en charge son enfant. Pour financer une intervention
chirurgicale gynécologique devenue urgente, elle fait embaucher
son fils âgé de 8 ans, dans l'atelier de soierie de son géniteur.
Après le décès de son violeur, elle se rapproche
enfin de son enfant. Cette histoire est très forte et en dit long
sur le société indienne :
- le travail des enfants, idem pour la mère et le fils
- le viol, un vrai fléau en Inde ; l'avortement est possible, surtout
les ftus de sexe féminin, d'où le déficit démographique
de fille actuellement en Inde
- les rites funéraires de crémation ; j'ignorais qu'elle
se faisait sur un cadavre assis ; les détails sont donnés
sur les aléas de la combustion au bois et en plein air.
Une happy end presque inattendue. Sur son lieu de villégiature,
Akhila s'autorise enfin à prendre en main sa vie amoureuse. Après
avoir eu une relation sexuelle avec un homme plus jeune qu'elle, elle
téléphone à Hari. Une délivrance du carcan
sociétal qui entravait sa liberté.
En théorie, le droit des femmes s'est amélioré en
Inde, mais dans la réalité peu mis en pratique.
Conclusion : j'ai pris plaisir à lire ce roman, puisqu'il s'agit
d'un roman, contrairement à mon impression première, et
je garde ce livre ouvert aux ¾. Je crois que je l'aurai ouvert
en grand, si une dégustation des nombreux plats évoqués
dans l'ouvrage, avait pu être réalisée, avec modération
des épices pour mon palais délicat, mais curieux...
Annie
On dit souvent qu'il est plus facile de se confier à un.e inconnu.e
Le livre d'Anita Nair en est la parfaite illustration. Dans ce compartiment
pour dames qui voyagent ensemble par le plus grand des hasards, les confidences
de chacune sur leur vie vont amener les autres, et surtout le lecteur,
à réfléchir sur sa propre existence.
J'ai beaucoup aimé ce livre qui est très facile à
lire bien qu'il y ait beaucoup de personnages.
Tout d'abord, il m'a fait voyager dans cette Inde pleine de coutumes,
de superstitions et de compartiments sociaux, même si le mot caste
n'est prononcé qu'une seule fois... Je suis entrée dans
les maisons et j'ai vu, j'ai senti, j'ai entendu ! Plein de couleurs
écarlates et de senteurs fortes et épicées ; j'ai
vu les repas, les armoires pleines de tissus éclatants et doux,
les cuisines qui bourdonnent, les familles qui vivent ensemble, les cris
et les silences, les conseils et les non-dits, les reproches et les fuites.
J'ai visité un pays où manger un uf peut nous mettre
au ban de la société, au même titre que se livrer
à la prostitution pour survivre.
Je me suis concentrée sur le livre, en faisant abstraction que
ce que je n'apprendrai pas sur l'Inde, mais en écoutant ces femmes
toutes différentes, qui pourtant ont des paroles universelles.
Et puis, il y a la vie d'Akhila, 45 ans, célibataire, qui part
seule en voyage pour essayer de se retrouver après une vie de sacrifices
à élever sa famille. Même si l'on devine tout de suite
que chaque femme du compartiment sera l'occasion pour l'auteure d'aborder
un sujet important (le viol, la prostitution, l'avortement, l'homosexualité,
la contraception
), j'ai trouvé que cela donnait de la fluidité
et qu'elle évitait ainsi le piège du parti-pris évident,
alors que c'est un livre engagé. Elle nous montre le sort réservé
aux femmes en Inde et dans d'autres pays du monde, tout cela avec délicatesse
alors que les traditions sont violentes. À nous de nous faire notre opinion
sur ces vies et sur ce qu'elles nous renvoient de la nôtre ou des
nôtres. À travers des histoires romancées, l'auteure
alerte, dénonce, renonce, expose, propose. Elle nous titille dans
notre quotidien. Quelle femme suis-je ? À laquelle de ces vies
ma vie ressemble-t-elle ? Et de me rappeler la chance d'être née
dans un pays libre !
J'ai souligné plein d'extraits, probablement davantage que dans
d'autres livres. Certains me serviront peut-être
Il y a tant
dans ce livre que le tourbillon m'a happée et que je l'ai lu assez
vite.
Je l'ouvre en entier !
Edith
J'ai apprécié le choix du livre. Je l'ai lu facilement.
Le vocabulaire est très inscrit dans les mots indiens du quotidien
: sommeil, manger, s'installer pour dormir, causer
Et, je dirais
avoir apprécié les passages où il est évoqué,
le partage de nourriture (pulao, papad, murukku, puri, rasam, uppma,
vala, sumbbar, etc.) : j'en imagine le goût.
J'ai aimé la construction par chapitres. J'en ai préféré
certains, mais je suis restée intéressée jusqu'au
bout du roman, attentive aux évolutions des relations de ces femmes
au sein du compartiment. L'évocation du passé d'Akhila par
elle-même nous arrive par bribes et je ne suis pas étonnée
du final : Akhila prend contact téléphonique avec son ancien
amoureux. Happy end que, si j'en avais été l'auteure, "j'aurai
choisi" ! Ce dénouement - conséquence du voyage intérieur
d'Akhila - traduit son accès à une liberté d'agir,
elle téléphone, sans honte et probablement avec le souhait
de reprendre sa relation. Elle élimine la probabilité que
le jeune homme ne soit plus libre, elle agit, se détermine libre
et sans honte : force de son désir enfin assumé.
Peut-être avait-elle déjà en elle ce projet qui expliquerait
son besoin d'interroger les voyageuses qui partagent son compartiment.
J'ai souri et approuvé l'évolution de Margaret tout au long
du chapitre intitulé "huile de vitriol", titre étrange
qui s'éclaircit tout au long. Si l'on est d'abord intriguée
par ce titre, très vite la métaphore s'impose. De son cerveau
"solide" et sans souplesse de vue, "Solide
(
) j'ai été figée (
) j'avais oublié
ce qu'était l'état aqueux (
) j'étais devenue
l'eau supercritique (
) capable de dissoudre tout ce à quoi
(je) n'aurais jamais osé s'attaquer si (j'étais) restée
simple liquide". Ebe, le mari de Margaret Shanti (chimiste
et enseignante) la domine par sa superbe
: choisi par sa famille
"lui grand et sombre
et toi menue et gracieuse", arrogant, égoïste,
entouré d'un cercle d'admirateurs ; les années ont vite
éloigné Ebe du désir de Margaret, et je relis avec
joie la description de la dégradation de leur relation p. 174
et suivantes : il la rabaisse, le corps de Margaret lui est devenu objet
de moqueries, elle accepte sans réagir jusqu'à son intuition
de chimiste : "après
tout qu'est-ce qu'une créature sans sa nature chimique ?"
Voir ainsi son mari en une masse chimique l'annule à son regard.
Puis vient pour Margaret la haine jusqu'à la décision de
le rendre obèse de façon insidieuse : la flatterie et sa
gourmandise qu'excite Margaret auront raison de sa volonté. Il
lui a imposé un avortement au début de leur mariage, elle
l'engrosse de petits plats irrésistibles et Margaret, haineuse
devenue, le regardant manger, maigrit et il perd son pouvoir sur son monde.
Cependant le couple reste sans divorce et la naissance d'une fille - fruit
de l'évolution psychologique de Margaret - la rend inquiète
pour sa fille, Margaret reste sur ses gardes. Méfiante, elle se
souvient de la "petite fille" qu'elle fut pour Ebe (à
son corps défendant). Malaise à la lecture de ces quelques
lignes. Les petits plats sont le vitriol annoncé. Espièglerie
à laquelle je n'aurai pas pensé et qui donne tout le charme
du chapitre. On lutte avec ses armes.
Les autres récits tous autant minutieusement décrits m'ont
tout autant intéressée, les femmes du compartiment sont
mes surs. Contemporaines. Leurs liens conjugaux sont faits de compromis.
La recherche de leur autonomie complexe et non aboutie me désole.
J'avais vu le film All
We Imagine as Light : trois femmes modestes qui s'essaient à
l'autonomie par le travail et leurs vies en commun. La quotidienneté
de leur vie dans une Inde si grouillante et tentaculaire m'avait impressionnée.
Limite du possible pour ces femmes modestes écrasées par
la tradition. Ici, l'isolement du compartiment, la nuit à passer
ensemble, le partage de nourriture, les corps décrits par l'auteure
m'ont renvoyé à ce film.
J'ai eu besoin d'aller voir internet à propos de l'Inde et ses
habitants : la place des filles et des femmes, la vaste étendue
du continent indien et ses grandes villes - facteurs d'émancipations
plus favorable pour les filles - sont tout autant les luttes universelles.
Il y a encore des euthanasies de nouveau-nés filles dans certains
villages reculés. Il manque des femmes pour les jeunes hommes :
pléthore de métiers pour arranger les mariages - l'argent
facteur "arrangeant" des liens matrimoniaux.
Ce livre, c'est la porte ouverte pour d'autres lectures et films. Je l'ouvre
en grand. Ce livre tient à la relecture, de par la richesse des
situations décrites.
DES INFOS AUTOUR DU LIVRE La littérature indienne et VAC Les livres d'Anita Nair Les traducteurs Repères biographiques Interviews |
La littérature indienne et Voix au chapitre
Anita Nair vit en Inde. Quels livres "vraiment" d'Inde avons-nous
lus dans le groupe ?
- Le
Dieu des Petits Riens dArundhati Roy, qui est bien indienne
et vit en Inde (lu en 2004)
- Haroun
et la mer des histoires de Salman Rushdie, devenu britannique,
né à Bombay dans une famille indienne musulmane (2001)
- L'Équilibre
du monde de Rohinton Mistry, devenu canadien, né à
Bombay, dans une famille appartenant à la minorité parsie,
de religion zoroastre (2006)
- À la courbe du fleuve, puis L'énigme
de l'arrivée de Naipaul (prix Nobel) : devenu britannique,
né à Trinidad dans une famille brahmane, grands-parents
venant dInde (lus en 1996 et 2003)
- Ami
de ma jeunesse et Une étrange
et sublime adresse d'Amit Chaudhuri, né à Calcutta,
vit entre Londres et Calcutta (2020).
10 livres d'Anita Nair publiés en France
Elle a publié des nouvelles, de la poésie,
des livres pour enfants.
Voici les livres traduits en français
dans l'ordre de leur publication en Inde. Le premier traduit est celui
que nous lisons.
- Le Chat karmique (Satyr of the Subway & Eleven Other Stories,
1997), nouvelles, trad. Marielle Morin, Picquier, 2005 ; rééd.
Picquier poche, 2008, épuisé.
- Un homme meilleur (The Better Man, 2000), trad. Marielle Morin, Picquier, 2003 ; rééd. Picquier poche, 2006, épuisé. Son premier roman.
- Compartiment
pour dames (Ladies Coupé, 2001), trad. Marielle
Morin, Picquier, 2002 ; rééd. Picquier poche, 2004 ; rééd.
Albin
Michel, 2016 ; rééd. Le Livre de poche, 2019.
- Les Neuf Visages du cur (Mistress, 2005), trad.
Marielle Morin, Picquier, 2006 ; rééd. Picquier poche, 2010,
épuisé.
- L'Inconnue
de Bangalore (Cut Like Wound, 2012), trad. Dominique Vitalyos,
Albin Michel, 2013 ; rééd. Le Livre de poche, 2015.
- Quand viennent les cyclones (Lessons in Forgetting, 2010), trad. Dominique Vitalyos, Albin Michel, 2010 ; rééd. Le Livre de poche, 2013.
- Dans les jardins du Malabar (Idris: Keeper of the Light, 2014), trad. Dominique Vitalyos, Albin Michel, 2016 ; rééd. Le Livre de poche, 2019.
- L'abécédaire des sentiments (Alphabet Soup for Lovers, 2015), trad. Dominique Vitalyos, Albin Michel, 2018.
- La mangeuse de guêpes (Eating Wasps, 2018), trad. Patricia Barbe-Girault, Albin Michel, 2020.
La traductrice de Compartiment pour
dames est la première à faire connaître Anita
Nair en français.
- Marielle Morin, chez Picquier : 4 livres traduits en 2002, 2003, 2005,
2006. Présentation de par Marielle Morin =>ici
ou =>là.
- Dominique Vitalyos, chez Albin Michel : 5 livres traduits en 2010, 2013, 2015, 2016, 2018. Présentation de Dominique Vitalyos =>ici et le détail de ses traductions sur son blog =>là.
- Patricia Barbe-Girault, chez Albin
Michel : le dernier livre traduit en 2020. Présentation
de Patricia Barbe-Girault =>ici
; a fait une thèse sur
Salman Rushdie ; entretien sur la traduction =>là.
Quelques repères sur son
parcours et sa vie à Bangladore
Formation, débuts professionnels
- Née au Kerala en 1966
- Licence en langue et littérature anglaises.
- Anita Nair voulait devenir journaliste. Elle commence par travailler
pour Aside, un magazine de Madras, mais sans réussir à
en vivre. Elle se marie à 20 ans avec son amour rencontré
à 16 ans, d'une caste inférieure, et enchaîne alors
les petites boulots comme la vente immobilière, est pigiste pour
différents magazines, travaille dans la publicité.
À vingt-cinq ans, je me suis retrouvée sans emploi. Lagence de publicité pour laquelle je travaillais a été reprise par un autre groupe et tous les anciens employés se sont sentis si mal à laise que la plupart dentre nous sommes partis Mon oncle qui vit à New York ma invitée à séjourner chez lui et je suis donc allée à Manhattan. La plupart des gens qui voyagent ont un objectif précis : ils sont soit des touristes, soit là pour affaires ou pour rendre visite à leur famille Je ne faisais rien. Je me contentais de me promener dans Manhattan, puis de parcourir les États-Unis, à la recherche de Dieu sait quoi, mais quand je suis revenue en Inde, javais déjà décidé de ce que je voulais faire. Cela a pris un certain temps, mais vers vingt-sept ans, ces mois dintrospection mont rappelée à lordre et un jour, jai commencé à écrire. Jai écrit les trois premiers paragraphes de Satyr of Subway et jai su avec certitude que javais enfin trouvé une voix. (Entretien avec Vishwanath Bitee, The Criterion, 2 mars 2015)
Carrière
littéraire
- Premier livre publié en 1997 : un
recueil de nouvelles inspirées pour partie de son séjour
à New York, intitulé Satyr of the Subway (Le
Chat karmique), qui lui permet de gagner une
bourse pour compléter sa formation au Virginia
Center for the Creative Arts en 1998 (scoop : ce centre américain
a une antenne en France, une coquette résidence d'artistes "Le
Moulin à nef" dans le Tarn-et-Garonne...)
- Deuxième livre et premier roman en 2000, Un
homme meilleur, publié par Penguin
India et premier livre d'un auteur indien à être publié
par Picador
USA.
- Le succès s'installe à partir de 2001 avec Compartiment
pour dames.
- Elle crée un cours d'écriture, Anita's Attic, de 12 semaines
(creative writing course & mentorship
program). On peut la voir en 2012 en vidéo =>ici.
Vie personnelle
- Elle vit à Bangalore avec son fils et son mari,
Suresh Parambath, qui travaille dans la publicité (les potins amoureux =>ici).
La grand reporter Sylvie Kauffmann la rencontre
à Bangalore quelques années après qu'a démarré
son succès (Le
Monde, 25 avril 2007). Extrait :
Pour parvenir jusqu'au refuge d'Anita Nair, il faut un certain sens de l'orientation, une bonne dose d'ingéniosité et pas mal de patience. Le lotissement fermé, quasiment introuvable, dans lequel est nichée sa jolie maison jaune est une "gated community" à l'indienne, à la périphérie de Bangalore : haut portail avec gardes, piscine, quelques grosses maisons séparées par des terrains en friche. À l'extérieur, des enfants jouent pieds nus devant de petites échoppes.
La romancière Anita Nair (Un homme meilleur et Compartiment pour dames, éditions Philippe Picquier) est "tombée amoureuse de Bangalore" il y a dix-sept ans. Elle travaillait dans la publicité et arrivait de Chennai, anciennement Madras. Bangalore "était alors une petite ville charmante, nonchalante. Un peu paresseuse, les déjeuners duraient trois heures, les magasins fermaient pendant la sieste". Le charme a opéré pendant dix ans. "À Chennai, il y a la prohibition, tandis qu'à Bangalore, on va dans les pubs boire un verre, j'adorais ça." "Puis la circulation s'est intensifiée, les rues sont devenues bruyantes, on s'est mis à couper les arbres. C'est à ce moment-là qu'on a décidé de s'éloigner." "On" : son mari et son fils, 14 ans. "Depuis trois ou quatre ans, les gens arrivent de Mumbai, de Calcutta, l'argent du high-tech coule à flots, tout le monde est pressé. Fini les déjeuners languissants !" Elle s'est éloignée, mais elle est restée. Contrairement à Mumbai ou Delhi, villes de grande culture littéraire, Bangalore n'a "ni clubs ni cliques" : elle peut s'y isoler pour écrire.
- "Le Bangalore d'Anita Nair", Émilie
Grangeray, Le Monde, 28 juin 2013 : "Originaire du Kerala
(État du sud de l'Inde), la romancière habite aujourd'hui
Bangalore, dans le Karnataka qu'elle nous fait visiter" :
Mahesh Shantaram pour M
Le magazine du Monde (portfolio
en ligne =>ici)
"C'est la ville des extrêmes. À un bout du spectre, on trouve la cité cosmopolite, moderne et dynamique, où les choses évoluent à toute vitesse."
"Le quartier de Shivaji Nagar n'aurait jamais pris pour moi la même importance si je ne m'étais pas lancée dans mon premier roman véritablement urbain, il y a trois ans de cela. Pour l'écrire, je comptais me laisser guider par la ville autant que par les personnages. J'ai donc passé quelques jours à arpenter inlassablement les petites rues de Shivaji Nagar. Mais ce sont mes balades nocturnes qui ont réellement provoqué l'étincelle créatrice. En soirée et jusque tard dans la nuit, le secteur du dépôt de bus grouille d'activité, les marchands ambulants installent leurs voiturettes au bord de la chaussée et l'énergie ambiante se réverbère dans les ruelles et les allées environnantes."
- Intéressante interview en anglais dans une librairie, 10 ans après le succès de Compartiment pour dames (Ladies Coupé), NDTV (télévision indienne), 21 décembre 2011, 6 min.
- Entretien avec Céline Laflute pour Evene.fr, octobre 2006. Extraits :
Comment expliquez-vous que vous ne fassiez aucun cas du fait d'écrire en anglais, contrairement à Arundhati Roy par exemple ?
Je suis une sorte d'anomalie parce que j'écris en anglais sur l'Inde rurale et l'Inde des banlieues. Le plus souvent, les romans écrits en anglais en Inde sont tournés vers le monde urbain. J'essaie de me servir de l'idiome local autant que possible car, dans les situations que je crée, l'anglais n'est pas souvent parlé. J'aime aussi saisir l'Inde telle qu'elle est, l'Inde dans laquelle je vis, avec le moins de nostalgie et de compassion possibles. Heureusement, la chose semble acceptée, non seulement à l'étranger, mais aussi en Inde - l'épreuve de vérité incontournable ! J'ai réalisé que bien qu'une culture soit plutôt relative à une région, la condition humaine est universelle. C'est l'écriture de qualité qui triomphe et s'élève au-dessus des différences culturelles...Quelques écrivains indiens que vous nous conseillez de lire ?
Lisez Amitav Ghosh, I. Allan Sealy, M. Mukundan, Kamala Das.
Les
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Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
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