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PARCOURS
de Rabih Alameddine
- Né en 1959 à
Amman en Jordanie de parents libanais, il
grandit au Koweït : "Dès 10 ans, mes parents m'envoyaient
passer l'été à Beyrouth près de ma tante et
de mes cousins. C'était un paradis..." : un quartier multiconfessionnel,
devenu chiite aujourd'hui, après avoir été chrétien
durant la guerre.
- Rabih
Alameddine a 15 ans lorsque, au début du conflit, ses parents l'envoient
en Angleterre pour finir ses études secondaires. Puis il étudie
à l'université de Los Angeles (UCLA) où il obtient
un diplôme d'ingénieur, avant de trouver un emploi : "Sur
ces neuf mois de travail, j'en ai passé six en vacances. Ensuite
j'ai passé un master de business and finance, mais c'était
pire. Je me suis alors tourné vers des études de psychologie."
- Sans grand succès, car à cette époque c'est la
peinture qui l'attire. Il
expose à
New York
(voir ses uvres ici)
: "Je
suis obsessionnel. Dès que j'entame quelque chose, je ne pense
et ne vis que pour ça." Ainsi en est-il de l'écriture,
pour laquelle il a abandonné ses pinceaux. "J'avais toujours
rêvé d'écrire, mais je n'osais pas."
- Il
partage sa vie entre San Francisco et Beyrouth. Son site : rabihalameddine.com
SES
LIVRES, tous publiés en anglais aux USA
Les trois premiers livres ne sont pas traduits en français :
- 1998 : Koolaids: The
Art of War : dans ce roman, il dépeint, non sans audace
alors, la guerre du Liban à travers le prisme du sida.
- 1999 : The Perv: Stories
(nouvelles).
- 2001 : I, the Divine:
A Novel in First Chapters.
Les trois suivants sont traduits par Nicolas Richard :
- 2008 : Hakawati
(The Hakawati),
Flammarion, 2009.
- 2014 : Les
vies de papier (An
Unnecessary Woman), Les Escales, 2016, prix Femina étranger
2016.
- 2016 : L'ange
de l'histoire (The
Angel of History), Les Escales, 2018, prix Lambda Literary 2017 du
meilleur roman gay (le temps d'une nuit, dans la salle d'attente d'un
hôpital psychiatrique, Jacob, poète d'origine yéménite,
revient sur les événements qui ont marqué sa vie
: son enfance dans un bordel égyptien, son adolescence sous l'égide
d'un père fortuné, puis sa vie d'adulte homosexuel à
San Francisco dans les années 1980, point culminant de l'épidémie
du sida).
- 2021 : The
Wrong End of the Telescope, pas encore traduit (il s'agit du voyage
d'une femme trans arabo-américaine parmi les réfugiés
syriens sur l'île de Lesbos).
INTERVIEWS
de Rabih Alameddine
Après la sortie du
livre en 2014 aux États-Unis
Les
mères sont souvent les protagonistes de vos romans, n'est-ce pas
?
"Eh
bien, je suis l'un de ces écrivains qui pense en fait que rien
ne se passe en dehors de la famille nucléaire. Vous pouvez regarder
une famille nucléaire et voir la dynamique du monde entier. Donc,
chaque fois que quelqu'un dit : 'Comment résolvez-vous
les problèmes du Moyen-Orient ?', je dis : 'Je ne
sais pas. Je ne peux même pas parler à ma mère,
encore moins comprendre les choses.'" (suite
ici de l'interview très
intéressante sur le livre)
Après la réception du prix
Femina 2016 pour Les vies de papier
- À L'Orient-Le
Jour, quotidien francophone libanais, l'écrivain libano-américain
se dit honoré et flatté :
"Le
prix doit être partagé avec ma mère et mes surs
qui m'ont soutenu dans tout ce que j'ai fait. Il est incroyablement
gratifiant qu'un roman à propos d'une femme de 72 ans vivant
à Beyrouth soit acclamé de la sorte."
Que dirait-il à son héroïne, Aaliya Saleh ?
"Je ne peux rien lui dire, elle ne m'adresse plus la parole
et elle s'en fiche des reconnaissances."
-
À l'écrivaine et journaliste au Point
Sophie Pujas :
"Cette
femme de soixante-douze ans, c'est moi. Nous avons le même caractère.
C'est le plus autobiographique de mes livres,
ce que personne ne suppose jamais, parce que le personnage est une femme.
Il m'a fallu trois ans pour l'écrire. La difficulté n'était
pas de me glisser dans la peau d'une femme, mais de trouver sa voix
à elle, spécifique, savoir de l'intérieur comment
elle réagirait à telle ou telle situation
"
Kafka,
Pessoa, Nabokov, Roberto Bolaño
Aaylia est une lectrice boulimique,
qui traduit pour elle seule de grands noms de la littérature mondiale.
Avez-vous le même panthéon littéraire qu'elle ?
"Oui,
à ceci près qu'elle est plus radicale que moi. Il y a
des écrivains qu'elle déteste, comme Hemingway, qui ne
m'intéresse pas spécialement, mais envers qui je n'ai
aucune animosité
Ce qui est radical aussi chez elle, c'est
de traduire tous ces textes sans jamais chercher à être
publiée. J'aimerais être capable d'écrire seulement
pour moi. J'aimerais être elle, ne pas me soucier de la façon
dont on me voit. Mais je dois l'avouer : quand j'ai une mauvaise critique,
ça me tue ! Et pourtant, mes écrivains favoris sont des
auteurs qui n'ont pas vraiment publié : Pessoa, Kafka, Bruno
Schulz
Des écrivains en marge, en dehors du monde."
L'un
des sujets de scepticisme, pour Aaylia, c'est la religion. Un point de
vue que vous partagez ?
"Sa
religion à elle, c'est la littérature. Je suis athée,
comme elle. J'aime la religion comme réservoir d'histoires, de
mythes, mais je n'y crois pas. Pourtant je vis entre deux pays très
religieux. Ce sont deux pays fous. Tout le monde pense que Beyrouth
est un endroit insensé, mais la folie est plus grande encore
aux États-Unis ils présentent simplement une meilleure
façade. C'est très bien pour un écrivain, qui a
toujours intérêt à être là où
la folie se manifeste." (suite
ici
de l'interview sur le livre)
LE
TRADUCTEUR
On peut s'interroger sur sa rencontre avec la narratrice du livre, Aaliya,
sa collègue d'une certaine manière... Restant dans l'ombre
quant à elle, alors que Nicolas
Richard connaît la lumière.
Parmi
ses nombreuses traductions, il a traduit des autrices ; citons trois livres
:
- de Patti Smith : M
Train, Dévotion,
Lannée
du singe
- de Miranda July : Le
premier méchant, Il
vous choisit : petites annonces pour vie meilleure, Un
bref instant de romantisme
- de Valeria Luiselli : L'Histoire
de mes dents, Raconte-moi
la fin, Archives
des enfants perdus.
Et aussi :
- d'Alysia ABBOT
Fairyland (après la mort de sa femme, Steve Abbott, écrivain
et militant homosexuel, déménage à San Francisco
; avec sa fille de deux ans, Alysia, qui est l'auteure du livre, il sinstalle
dans le quartier de Haight-Ashbury, le centre névralgique de la
culture hippie).
- de Megan Abbott, la reine du polar américain "'vintage",
Adieu Gloria, que nous avions lu dans le groupe Lirelles en
2011.
Il a été un des premiers traducteurs en France à
participer à des joutes
de traduction. Voici ce qu'il dit des traducteurs :
"C'est
une population discrète, à peine visible, qui fait le
plus beau métier du monde, et qui permet que des livres inatteignables
(car écrits dans une langue étrangère) deviennent
lisibles ! Le traducteur est un transformateur, une sorte de "transfo"
comme on dit en électricité. Grâce à lui,
une voix au départ inaudible est entendue, ou lue. Il doit être
attentif à l'intensité du courant. Ce métier consiste
à s'investir corps et âme pour réussir à
donner une voix à un auteur. Il faut réfléchir,
faire appel à ses lectures, puiser dans sa culture, écrire,
raturer, enquêter, se renseigner, reprendre un texte, le relire
jusqu'à arriver à façonner un texte recevable.
Ce n'est pas juste un plat qu'on fait passer à l'identique dans
une autre langue. Il y a tout un travail de mutation, de transmutation.
La remise d'une traduction à l'éditeur est d'ailleurs
souvent l'occasion de discussions passionnantes entre traducteurs, correcteurs
et éditeurs." (linternaute.com,
29 janvier 2020)
Il vient de sortir un essai sur la traduction : Par
instants, le sol penche bizarrement : carnets d'un traducteur,
éd. Robert Laffont, 2021.
Et il est
également écrivain (voir "Nicolas
Richard, bricoleur de génie", Florence Bouchy, Le Monde,
11 mars 2018).
Voici face
à face le début des Vies de papier, version originale
en anglais/traduction en français ICI.
REPÈRES
HISTORIQUES : les guerres au Liban
La
guerre civile, ponctuée dinterventions étrangères,
sest déroulée de 1975 à 1990 en faisant entre
130 000 et 250 000 victimes civiles. Elle a deux grandes phases délimitées
par l'intervention israélienne de 1982.
En 2006, commence le conflit entre Israël et le Liban aussi appelé
la Guerre des Trente-trois-jours.
Voir ICI l'impact sur la ville de Beyrouth
évoqué dans le livre.
La
narratrice évoque (p. 52 dans l'édition de poche) l'histoire
de la famille d'Ahmad, chassée par les Yishuv (les Juifs présents
en Palestine avant la création de l'État d'Israël)
durant la nabka de 1948 (déplacement forcé de 700 000
Palestiniens à la création de lEtat dIsraël)
: voir
ICI l'histoire de l'exode palestinien pendant la guerre israélo-arabe
de 1948.
Elle garde aussi la photo découpée dans le journal d'Ahmad
quittant Beyrouth en 1982 parmi les
Palestiniens forcés de quitter la ville pour mettre fin au
siège et bombardements des Israéliens (p. 300).
LITTÉRATURE
LIBANAISE
Nous n'avions lu dans le groupe aucun.e écrivain.e
originaire du Liban.
Citons Andrée
Chedid (1920-2011, ici
la liste de ses uvres) et parmi les contemporaines :
- Vénus
Khoury-Ghata, née en 1937, a publié une quarantaine
de romans et de recueils de poésie traduits en 15 langues (ici
la liste de ses uvres)
- Lamia Ziadé,
née en 1968, artiste (elle expose dans des galeries) et écrivaine
(ici
la liste de ses uvres)
- Joumana Haddad,
née en 1970, militante pour les droits des femmes, journaliste
et romancière (ici
la liste de ses uvres)
- Hyam Yared, née
en 1975, fondatrice et présidente du "Centre PEN Liban"
regroupant écrivains et intellectuels (ici
la liste de ses uvres)
- Zeina Abirached,
née en 1981, auteure de BD (ici
la liste de ses uvres)
La
catastrophe
de Beyrouth de 2020 a attiré l'attention vers la littérature
libanaise, avec quelques articles sur la littérature contemporaine
:
- par le CNL
ici
- par Lire
magazine
- par wikipedia.
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